Délibérations du comité sénatorial spécial sur la
Loi antiterroriste
Fascicule 4 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 30 avril 2007
Le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste à qui a été renvoyé le projet de loi C-12, Loi concernant la gestion des urgences et modifiant et abrogeant certaines lois, se réunit aujourd'hui à 13 heures pour examiner le projet de loi.
Le sénateur David P. Smith (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Nous avons devant nous la Loi concernant la gestion des urgences, c'est-à-dire le projet de loi C-12, et le ministre responsable, Stockwell Day, ministre de la Sécurité publique.
L'honorable Stockwell Day, C.P., député, ministre de la Sécurité publique : Merci, monsieur le président, et merci aux sénateurs de leur intérêt envers ce projet de loi. Je suis accompagné de Suki Wong, directrice des Politiques en matière d'infrastructures essentielles pour Gestion des mesures d'urgence. Elle pourra répondre à toutes les questions difficiles et à toutes les questions techniques aujourd'hui. Sentez-vous bien à l'aise, si vous avez des questions de nature technique, soit sur le libellé, soit sur les divers points que nous allons examiner aujourd'hui, de soulever les questions qui à votre avis doivent l'être.
Comme vous le savez, la priorité du nouveau gouvernement canadien est de protéger les familles et les collectivités canadiennes. La sécurité et la protection de nos citoyens doit être la priorité de tout gouvernement. C'est pour cette raison que vous êtes saisis de ce projet de loi et que vous l'examinez comme vous le faites.
[Français]
La Loi sur la protection civile établit que la planification civile d'urgence et la protection civile constituent des responsabilités gouvernementales très importantes. Elle énonce le rôle qui incombe au ministre de la Sécurité publique et à tous les autres ministres. C'est très important, y compris pour les autres ministres. Elle prévoit une coopération fédérale-provinciale et permet la prestation aux provinces d'une aide financière après une catastrophe. Ces dispositions ne changeront pas.
Le but de la nouvelle Loi sur la gestion des urgences est de mieux préparer le gouvernement du Canada à faire face à tous les dangers présents au Canada, à en limiter les répercussions et à intervenir. Elle reconnaît que la gestion des urgences dans un climat de menace en évolution constante nécessite une approche collective et concertée entre toutes les autorités concernées, y compris le secteur privé et les organisations non gouvernementales. Les provinces et les territoires acceptent cette nouvelle loi étant donné qu'elle permet d'accroître la collaboration entre le gouvernement du Canada et les autres territoires de compétence.
[Traduction]
Dans le budget de 2006, nous avons affecté 38 millions de dollars sur une période de deux ans en vue d'améliorer la capacité de Sécurité publique Canada de faire face aux catastrophes et aux urgences. Ce financement permettra par ailleurs à mon ministère de maintenir un niveau de préparation 24 heures sur 24 au Centre d'opérations national et d'améliorer sa présence dans les centres provinciaux et territoriaux. Ces fonds permettront également de faire la liaison avec les partenaires internationaux clés dans des situations d'urgence et d'accroître la couverture de notre surveillance. C'est dans ce contexte que nous avons présenté le projet de loi C-12. Je voudrais vous expliquer l'importance pour la sécurité et la protection de nos citoyens du projet de loi C-12, Loi concernant la gestion des urgences.
Je parlerai surtout de trois thèmes. Le premier est la nécessité pour le gouvernement de faire en sorte que la législation canadienne en matière de gestion des urgences corresponde aux réalités d'aujourd'hui. Le deuxième est le besoin de déterminer clairement les rôles et les responsabilités des ministres fédéraux dans l'éventualité d'une urgence. Le troisième est la nécessité de collaborer avec les provinces, les territoires et le secteur privé pour la gestion des urgences.
Je répondrai ensuite à vos questions.
La Loi sur la gestion des urgences aide le gouvernement fédéral à réagir aux réalités d'aujourd'hui en matière de gestion des urgences. Monsieur le président, l'approche actuelle du Canada en ce qui concerne la gestion des urgences a été établie dans la Loi sur la protection civile. Le contexte a évolué considérablement depuis l'entrée en vigueur de cette loi en 1988. Il s'est écoulé presque deux décennies depuis que cette loi a été adoptée et on a demandé à plusieurs reprises d'harmoniser cette loi avec l'environnement actuel en ce qui concerne les risques.
En effet, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a présenté de nombreuses recommandations importantes et nous en avons pris bonne note. Le comité a abordé des questions comme mettre à l'essai les plans de gestion d'urgence, améliorer le partage de l'information, effectuer des exercices nationaux et collaborer davantage avec les provinces et les territoires.
La loi qui est proposée concernant la gestion des urgences répond à ces préoccupations. Elle maintient les dispositions les plus pertinentes de la loi actuelle et harmonise les autres avec la réalité du XXIe siècle.
Par exemple, la loi actuelle dit que la planification civile d'urgence et la protection civile sont des responsabilités gouvernementales clés. Elle définit le rôle du ministre de la Sécurité publique et d'autres ministres. Elle prévoit la coopération fédérale-provinciale et une aide financière aux provinces en cas de catastrophe. Ces dispositions ne changeront pas.
Le projet de loi renforcera l'état de préparation du gouvernement du Canada. Il aidera le gouvernement à prévenir tous les dangers au Canada, à s'y préparer et à y réagir et à atténuer leurs répercussions. Il donnera une plus grande responsabilité à tous les ministres fédéraux en ce qui concerne les activités de gestion des urgences.
Le projet de loi C-12 établit clairement les rôles et les responsabilités des ministres fédéraux. Lorsqu'il y a une situation d'urgence, des vies sont souvent en jeu. Une intervention efficace en situation d'urgence signifie qu'il faut savoir qui est responsable, quelle région doit intervenir et quel palier de gouvernement intervient à quel moment. C'est pour cette raison que nous avons proposé un projet de loi qui établit clairement les rôles et les responsabilités de tous les ministres fédéraux.
Aux termes de ce projet de loi, le ministre de la Sécurité publique est chargé de la gestion des urgences au palier fédéral. Par exemple, grâce au Centre des opérations du gouvernement, le ministre surveille les urgences possibles imminentes et réelles et conseille le gouvernement en conséquence.
La Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile confère un rôle de premier plan au ministre de la Sécurité publique. Le projet de loi C-12 définira davantage ce rôle afin de permettre au ministre d'exercer pleinement son leadership pour ce qui est de coordonner et de faciliter la gestion des urgences au gouvernement du Canada.
D'autres ministres fédéraux doivent également jouer un rôle important dans la gestion des urgences. Ils doivent déterminer les risques au sein de leur propre portefeuille, ensuite élaborer, maintenir, mettre à l'essai, exercer et mettre en œuvre des plans de gestion des urgences conformément aux politiques et aux programmes établis par le ministre de la Sécurité publique.
Il est important de souligner dans le cadre de cette loi que la proximité du Canada et des États-Unis fait en sorte que nous avons une relation unique avec un État étranger, particulièrement dans le contexte des activités liées à la gestion des urgences. Alors que le ministre de la Sécurité publique est le principal responsable des urgences au Canada, nous avons remarqué certaines choses à la suite de l'ouragan Katrina. Il était évident que le ministre avait un rôle à jouer sur le plan de l'intervention d'urgence par rapport aux États-Unis.
Une urgence importante aux États-Unis, particulièrement s'il s'agit d'une région qui est près de nos frontières, pourrait exiger un niveau approprié d'intervention comme s'il s'agissait d'une urgence majeure au Canada, selon l'endroit où l'urgence se produit et selon les conséquences qu'elle pourrait avoir. Les économies et le bien-être de nos deux pays sont liés par la frontière et les infrastructures que nous partageons parfois et par notre partenariat commercial. Nos citoyens s'attendent à ce que le Canada soit en mesure d'intervenir rapidement et efficacement en cas de catastrophe majeure, qu'elle se produise ici ou aux États-Unis.
En consultation avec le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Sécurité publique peut élaborer des plans conjoints de gestion des urgences avec les autorités américaines compétentes et, conformément à ces plans, coordonner l'intervention du Canada en cas d'urgence aux États-Unis et offrir une aide en réponse à ces urgences.
La loi renforce les partenariats avec les provinces, les territoires et le secteur privé.
[Français]
Des consultations ont été menées auprès d'autres ministères fédéraux et des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux. Les assemblées publiques locales organisées pour les autres initiatives de la Sécurité publique ont permis d'obtenir une rétroaction précieuse, dont une rétroaction du secteur privé et des organisations non gouvernementales. En soumettant des commentaires en ligne sur la modernisation de la Loi sur la protection civile et des documents de consultation, d'autres personnes et parties intéressées ont participé aux consultations.
[Traduction]
Les relations avec les provinces et les territoires sont de toute évidence essentielles pour intervenir de façon appropriée en cas d'urgence. Il ne suffit pas que les ministres fédéraux travaillent ensemble. Le gouvernement reconnaît que dans plus de 90 p. 100 des urgences au Canada, l'intervention se fait au niveau local ou régional et il n'est peut-être pas nécessaire d'avoir une intervention fédérale directe. Par conséquent, tous les gouvernements doivent travailler ensemble à une approche commune de gestion des urgences qui peut inclure l'adoption de normes et de pratiques exemplaires. C'est pour cette raison que le projet de loi souligne la nécessité de collaboration avec les provinces et les territoires en ce qui concerne la gestion des urgences, et par l'entremise des provinces et des territoires avec les autorités locales.
Conformément à la loi actuelle, la portée du projet de loi C-12 ne va pas au-delà de la compétence fédérale. Il ne met pas en place de nouveaux règlements qui empièteraient sur la compétence des provinces et des territoires. Je tiens à souligner que les pouvoirs locaux, notamment les municipalités et leurs premiers intervenants font partie intégrale des plan de gestion des situations d'urgence. Le projet de loi C-12 n'empiète pas sur les ententes de gestion des situations d'urgence conclues par les provinces et les territoires avec leurs autorités locales.
Aux termes du projet de loi sur la gestion des urgences, les programmes comme les Accords d'aide financière en cas de catastrophe et le Programme conjoint de protection civile, le PCPC, seront maintenus. Dans le cadre du PCPC, le gouvernement du Canada travaille avec les provinces et les territoires pour aider les autorités locales à améliorer leur capacité d'intervention en cas d'urgence. Nous avons par ailleurs commencé à coimplanter des centres des opérations d'urgence conjoints, là où cela est approprié, afin de nous assurer que les trois paliers de gouvernement ont une approche intégrée. Le projet de loi facilitera ce type de coopération avec les autorités locales.
La dernière question que je voudrais aborder est la raison pour laquelle le projet de loi C-12 exige que l'on propose des modifications à la Loi sur l'accès à l'information. Le gouvernement du Canada doit échanger des renseignements précieux et fiables avec ses partenaires clés, notamment le secteur privé. Cet élément de la gestion des urgences est intégral, particulièrement en ce qui a trait à la protection des infrastructures essentielles. Parmi d'autres objectifs, le partage des renseignements nous permet d'évaluer les menaces et les vulnérabilités, et améliore les capacités d'avertissement et de signalement. L'information que nous recueillerons améliorera notre capacité de planifier les situations d'urgence et d'intervenir.
Les partenaires du secteur privé, avec raison, ont fait part de leurs préoccupations car ils craignent que les renseignements confidentiels qu'ils pourraient avoir, notamment en ce qui concerne l'aménagement ou les plans de leur infrastructure matérielle, fournis au gouvernement du Canada, pourraient être rendus publics à la suite d'une demande d'accès à l'information, et ce, d'une façon qui ne serait peut-être pas appropriée. Si cette information était rendue publique, cela pourrait nuire à leur propre position concurrentielle et à leur réputation et peut-être même à leurs propres vulnérabilités. Cela pourrait même mettre en danger la sécurité de leur infrastructure matérielle et virtuelle. Pour cette raison, comme vous l'avez constaté, le projet de loi C-12 comprend une modification corrélative afin de protéger les renseignements de nature délicate, notamment les renseignements que le secteur privé a donnés en toute confidentialité au gouvernement du Canada.
Je veux souligner ici que ces renseignements seront utilisés uniquement dans le cadre des plans d'urgence. Les renseignements personnels ne seront pas exigés.
Pour résumer, le projet de loi amènera la planification de la gestion des urgences du gouvernement du Canada au XXIe siècle et permettra au gouvernement fédéral de s'organiser, en fonction des menaces changeantes. Le projet de loi C-12 établirait clairement les rôles et les responsabilités des ministres fédéraux dans l'éventualité d'une situation d'urgence et améliorerait la collaboration avec les provinces, les territoires et le secteur privé en matière de gestion des urgences. J'estime que le projet de loi est approprié pour l'époque. Je suis impatient de répondre à vos questions. Je vous remercie de votre attention.
Le président : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Jaffer : Bienvenue, monsieur le ministre. J'ai deux questions à vous poser, une en ce qui concerne le partage de l'information et une autre sur les consultations avec les collectivités.
Aux termes du projet de loi, l'une des responsabilités confiées au ministre de la Sécurité publique à l'alinéa 4(1)r) est de « faciliter le partage de l'information — s'il est autorisé — en vue d'améliorer la gestion des urgences ». Je me souviens qu'aux termes de la Loi de 2002 sur la sécurité publique, des préoccupations ont été soulevées en ce qui concerne le partage de l'information et les limites strictes concernant l'information qui peut être partagée entre les agences, particulièrement les renseignements personnels. Je sais que vous avez dit aujourd'hui que les renseignements personnels ne seront pas partagés. Certains de ces renseignements personnels ont été inclus dans la loi ou dans le règlement. Est-ce que ces limites seront respectées alors que l'on tentera de faciliter le partage de l'information? Pouvez-vous nous en parler davantage et nous dire ce que cela signifie lorsque vous dites que les renseignements personnels ne seront pas partagés? Comment ne seront-ils pas partagés?
M. Day : Je vous remercie de votre bonne question en raison des préoccupations qui ont été soulevées. En ce qui concerne notre processus de détermination, par exemple, d'analyse des vulnérabilités liées aux infrastructures essentielles, sachez qu'il y a quelques mois, au cours de ce qui est maintenant considéré comme ayant été une transmission d'al Qaïda, on a nommé un certain nombre de pays qui avaient des installations pétrolières et gazières et qui pourraient, par exemple, être des cibles éventuelles. Manifestement, cette information soulève d'importantes préoccupations au Canada.
Quand nous consultons le secteur privé dans des cas comme celui-là, nous demandons aux entreprises quelles mesures elles prennent pour assurer leur propre sécurité advenant un événement imprévu. Nous leur demandons des renseignements au sujet de leurs infrastructures, de l'aménagement de leur installation, des points d'accès, des voies de transmission, des moyens de transport, et autres. En répondant à ces questions, elles se trouvent dans certains cas à divulguer de l'information sur les moyens qu'elles prennent pour assurer la rentabilité des moyens de transport, par exemple, ou sur les voies de transmission qu'elles peuvent avoir mises au point. Craignant que cette information soit rendue publique et qu'elle puisse profiter à leurs concurrents, elles nous ont demandé l'assurance — et nous la leur avons donnée — que cette information ne serait pas rendue publique. Du reste, elle ne devrait pas être à la disposition de ceux qui envisagent de perpétrer un attentat. Voilà le genre de renseignements dont il s'agit. Nous ne demanderons pas de renseignements personnels au sujet des employés, ce qui pourrait susciter une certaine réserve. Nous ne cherchons pas à recueillir de l'information financière sur l'entreprise. Un autre ministère pourrait recueillir de l'information à des fins fiscales, mais ce n'est pas notre cas.
Voilà le genre de renseignements que nous cherchons; je tiens donc à dire sans équivoque qu'on respectera les renseignements personnels. Nous ne cherchons pas à obtenir des renseignements personnels à moins que, pour une raison quelconque, lesdits renseignements soient importants pour assurer la sécurité d'une installation.
Si l'infrastructure matérielle est facile à circonscrire, l'infrastructure cybernétique l'est moins. Nous savons cependant que certains aspects du cyberespace peuvent être vulnérables. Les mêmes règles s'appliquent dans ce cas et cette disposition de la loi vise à assurer, premièrement, qu'on ne demandera pas de renseignements personnels sauf dans les circonstances les plus exceptionnelles et, deuxièmement, que l'information ainsi recueillie sera assujettie aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.
Le sénateur Jaffer : J'ai une autre question. Le paragraphe 8(2) du projet de loi confère au ministre de la Sécurité publique le pouvoir de communiquer de l'information, y compris des renseignements fournis par des tiers, pour des raisons d'intérêt public. Dans le passé, notre comité a déjà exprimé certaines inquiétudes au sujet de l'octroi à un ministre du pouvoir de divulguer ou de protéger certains renseignements pour des raisons définies de façon assez générale. Pourriez-vous préciser ce qu'on entend par « raisons d'intérêt public » en l'occurrence?
M. Day : Ce n'est pas que je veuille toujours revenir à l'industrie pétrolière et gazière, mais prenons l'exemple de l'infrastructure matérielle d'une raffinerie. Il peut être dans l'intérêt public que les habitants de la région immédiate sachent qu'il existe des plans. En règle générale, il peut être souhaitable, dans l'intérêt public, qu'on les informe de l'existence de tels plans et même des mécanismes de prévention et des mesures de suivi qui seraient prises advenant un incident. Il est dans l'intérêt public de donner l'assurance à ces personnes mais si ce n'est pas possible, une entreprise donnée pourrait faire autre chose. Voilà ce qu'on entend par intérêt public.
Les renseignements de nature personnelle demandés seraient très limités et l'intérêt public serait envisagé de la façon la plus étroite possible. Cette disposition renvoie à l'intérêt public défini de façon beaucoup plus générale.
Il n'est pas mauvais de faire savoir qu'une installation est bien surveillée. Le public voudrait, par exemple, être mis au courant que le périmètre immédiat d'une installation est doté d'excellentes caméras vidéo. Il appartiendrait à l'entreprise d'assurer la surveillance de ce périmètre, mais les habitants des rues avoisinantes souhaiteraient avoir l'assurance de ne pas être surveillés par caméra. Ce type de renseignements pourrait être divulgué pour des raisons d'intérêt public.
Le sénateur Jaffer : En ce qui concerne les consultations auprès des collectivités, je sais que vous avez tenu de vastes consultations au sujet de l'infrastructure nécessaire pour réagir à toutes sortes de situations d'urgence. Cependant, selon certains groupes communautaires, on n'aurait pas consulté certains groupes minoritaires vulnérables. Par exemple, pendant la crise du syndrome respiratoire aigu sévère, le SRAS, des Canadiens d'origine chinoise ont été touchés soit directement, soit indirectement et ils pourraient faire part de leur expérience à vos fonctionnaires. Vous avez consulté beaucoup de gens, mais je vous invite à consulter les collectivités touchées. Par exemple, y a-t-il des brochures en différentes langues? Que fait-on pour veiller à ce que toutes les collectivités soient au courant de ces programmes d'urgence?
M. Day : Vous soulevez là des questions capitales et je suivrai votre conseil. Je vais demander à mes fonctionnaires si tous les groupes ont été consultés. La fin de semaine dernière, notre Table ronde transculturelle sur la sécurité s'est réunie. Je vais également me renseigner auprès d'elle, car elle a tenu de vastes consultations. J'ignore cependant si nous leur avons demandé de se pencher sur cette question précise. Les mesures proposées par la Loi sur la gestion des urgences pourraient intéresser les collectivités, voire certaines communautés ethniques. J'en ferai également part à mes fonctionnaires, qui voudront peut-être aborder la question lors de leurs consultations et pour parler avec les collectivités. Je vous remercie d'avoir soulevé cette question.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être rendu disponible aujourd'hui. Dans un premier temps, j'aimerais que vous me confirmiez qu'au paragraphe 6(1), il est question de deux types de ministre. Je veux bien comprendre. Vous êtes le ministre responsable des actions qui doivent être entreprises selon le paragraphe 1 de l'article 6, n'est-ce pas?
[Traduction]
Le sénateur Nolin : Quelles sont les responsabilités de chaque ministre et quelles sont les vôtres?
[Français]
M. Day : C'est moi qui coordonne les activités relatives aux plans de gestion des urgences des autres ministères. Bien sûr, tous les ministères ont maintenant leur plan d'urgence. Ce n'est pas une critique que de dire que des améliorations doivent être apportées dans tous les ministères.
Dans la section que vous avez indiquée, je suis le ministre qui fait les demandes aux autres ministères concernant la planification des mesures d'urgence.
[Traduction]
Le sénateur Nolin : Voilà justement ce qui me préoccupe. L'alinéa 4(1)b) indique que vous conseillez vos collègues. Voilà ma première source d'inquiétude.
Ma deuxième tient à la réponse que vous avez donnée au sujet du paragraphe 6(1). Je suis sûr qu'il existait au Québec avant 1998 de tels programmes et plans d'urgence. En fait, j'en suis persuadé. Or, on n'a pas tardé à constater que personne n'avait fait le nécessaire pour que ces plans puissent être mis à exécution advenant une situation d'urgence. La tempête de verglas a plongé la province de Québec dans l'obscurité pendant tout un mois.
Je crains, monsieur le ministre, que vos pouvoirs ne soient pas assez étendus. Je comprends qu'il est difficile de s'assurer que tous les ministres responsables de ces mesures en vertu de la loi s'acquittent de leurs responsabilités. Mais au bout du compte, ce que les Canadiens veulent, c'est qu'on agisse. Lorsqu'une situation d'urgence survient, le reste leur importe peu. Quelqu'un doit prendre les rênes. Il est beaucoup plus important de prévenir que d'avoir un plan qui pourrait être exécuté immédiatement après la survenue d'un problème. Comprenez-vous mes inquiétudes?
[Français]
M. Day : Oui, je le vois. Comme vous le savez, la question du pouvoir d'un ministre est toujours sensible avec les provinces. Cependant, lors de la préparation de ce projet de loi-ci, il y eu une grande collaboration et des discussions avec les provinces et les territoires. Je pense pouvoir dire que mes homologues ont compris qu'il est absolument nécessaire d'avoir des plans qui sont intégrés. S'il y a une situation d'urgence, les premières actions sont la responsabilité des autorités locales. Pour obtenir des formations et pour obtenir des fonds fédéraux, il faut que les provinces collaborent avec moi. C'est un moyen d'avoir une bonne collaboration sans le grand bâton du gouvernement fédéral qui, peut-être, n'aurait pas de juridiction. J'ai constaté une amélioration sur le plan de la coopération et je suis confiant qu'ils sont prêts pour toutes les situations qu'on peut imaginer. J'ai confiance en nos juridictions municipales et provinciales.
Le sénateur Nolin : Je comprends et je respecte également les juridictions provinciales et municipales. La fin de ma dernière intervention a peut-être un peu nuit à votre compréhension de ma question.
Ma préoccupation ne touche pas les ministres provinciaux, mais les ministres fédéraux, ceux qui ont une responsabilité, comme le dit le paragraphe 1 de l'article 6 :
[...] à chaque ministre responsable d'une institution fédérale [...]
On parle donc de la juridiction fédérale. Si votre pouvoir est de les conseiller, vous avez aussi un pouvoir d'élaborer des principes de programmes pour vous assurer qu'ils vont assumer leurs responsabilités. Je vous soumets, monsieur le ministre, que ce n'est pas suffisant. Vous avez vous-même émis des doutes sur la qualité des plans d'urgence qui sont déjà préparés. Qui va parler à vos collègues?
Est-ce que vous allez avoir le pouvoir de diriger vos collègues et vous assurer que dans chaque institution fédérale il y a des plans d'urgence mis en place pour prévenir le chaos?
M. Day : Oui, je peux vous assurer que les pouvoirs sont là. On espère constamment avoir la collaboration des intéressés. Sinon, en regardant les plans des ministres, des ministères, s'il est évident qu'il y manque des choses importantes, le projet de loi prévoit au paragraphe 6(1) que le ministre — en l'occurrence moi —
... est aussi chargé de mener les activités ci-après conformément aux principes, programmes et autres mesures établis par le ministre :
Suit une liste des pouvoirs :
- élaborer les plans de gestion des urgences à l'égard de ces risques;
- les mettre à jour, à l'essai et en œuvre;
- tenir des exercices et assurer la formation à leur égard.
Les mots, à mon avis, sont forts. Quand on dit « assurer la formation », par exemple.
[Traduction]
Cette disposition vise à garantir que les mesures sont bien instaurées et que chacun comprend que le plan doit non seulement être présenté, mais doit également être mis à l'essai et actualisé.
J'estime que le projet de loi confère les pouvoirs appropriés au ministre qui peut signaler toute lacune du plan qui lui est présenté, qu'il s'agisse d'une omission ou d'un manque de coordination. Le ministre est habilité à exiger que le ministère fédéral intéressé corrige le problème.
Le sénateur Nolin : Ma prochaine intervention concerne la version française du projet de loi.
[Français]
Le sénateur Nolin : En français c'est clair, et c'est pourquoi je vous ai posé la question de savoir de quel ministre on parle à l'article 6, paragraphe 1. Lorsqu'on dit :
Il incombe à chaque ministre responsable d'une institution fédérale [...] il est aussi chargé ....
À qui réfère ce « il »? Monsieur le ministre, je vous soumets que ce n'est pas à vous que ce pronom réfère, mais à chaque ministre.
Vous voyez donc ma préoccupation et mon dilemme. Vous allez pouvoir faire adopter des principes, des programmes et d'autres mesures établies par le ministre. Mais ce sera à chaque ministre de voir à :
- élaborer les plan de gestion des urgence [...];
- les mettre à jour, à l'essai et en œuvre;
- tenir des exercices et assurer la formation à leur égard.
C'est là que j'ai un problème. Il y a deux organes, l'un qui établit les principes des programmes et. l'autre, qui l'applique dans son ministère. Je suis désolé, monsieur le ministre, mais cela ne peut pas fonctionner.
M. Day : Si je peux clarifier cela, vous avez raison, sénateur Nolin, on peut peut-être dire qu'il y a une petite différence entre la version anglaise et la version française. Comme vous voyez ici, en français, on dit « il incombe à chaque ministre ». Dans la dernière phrase de la version anglaise, on peut voir « le Ministre » avec un « M » majuscule qui réfère au ministre de la Sécurité publique.
[Traduction]
À la fin, il établit que les ministres sont bel et bien responsables devant le Parlement de la détermination des risques et du respect des principes, programmes et autres mesures établis par le ministre.
[Français]
J'aimerais vous assurer que c'est moi qui dois mettre en place les principes et les mesures.
Le sénateur Nolin : Je suis d'accord, je n'ai pas de problème, je veux être sûr que vous avez ce pouvoir.
[Traduction]
Le sénateur Fraser : J'aimerais aborder cette question.
Le sénateur Joyal : Nous pourrons poursuivre avec les fonctionnaires du ministère.
Le président : En effet. J'ai lu dans le compte rendu de la sixième réunion, sauf erreur, du Comité permanent de la Chambre des communes sur la sécurité publique, quelque chose qui touche la question que vous avez soulevée. Mark Holland a proposé un amendement qui ajouterait le mot « municipalité ». Il n'en fallait pas plus pour que Serge Ménard s'enflamme. Voici ce qu'il a dit :
Nous sommes contre l'idée de faire siéger les municipalités à la table de discussion fédérale. Si le gouvernement fédéral veut organiser quelque chose, qu'il le fasse avec les provinces et les territoires [...] Au Québec, je ne crois pas que les municipalités se sentent insultées parce qu'elles ne siègent pas à la table de discussion fédérale. Elles savent pertinemment qu'elles doivent collaborer avec la province.
À mon sens, c'est si fondamental que si cet amendement est adopté, nous ne pourrons appuyer le projet de loi.
Cet amendement a dû être rejeté. Mme Wong le sait peut-être. Je suppose que c'est parce que l'expression « autorité locale » pouvait les englober. La Fédération canadienne des municipalités pourra peut-être entrer dans la catégorie des « autres entités ». Est-ce que je me trompe?
Suki Wong, directrice, Politiques en matière d'infrastructures essentielles, Sécurité publique Canada : Vous avez tout à fait raison, monsieur le président. Dans le projet de loi, l'expression « autorité locale » vise les municipalités et les autres administrations régionales que les provinces assimilent à une municipalité. Effectivement, la Fédération canadienne des municipalités pourrait être incluse dans les « autres entités ».
Le sénateur Joyal : Si j'ai bien compris ce qui s'est dit au sujet de la question soulevée par le sénateur Nolin, chaque ministère organise ses mesures d'intervention d'urgence et le ministre de la Sécurité publique exerce une surveillance à cet égard. Advenant une situation d'urgence, les ministères demeurent responsables de la mise à exécution de leurs programmes respectifs.
Si j'ai bien compris ce projet de loi, le ministre de la Sécurité publique assume le contrôle dès qu'une urgence nationale est déclarée. C'est un élément important, étant donné la rapidité avec laquelle il faut intervenir en cas d'urgence nationale. Autrement, on restera avec une approche compartimentée en matière d'intervention. Sachant que traditionnellement les ministères ont tendance à protéger leur autonomie respective, on se demande si le projet de loi confère au ministre la capacité de prendre les décisions qui s'imposent. Lorsqu'une situation d'urgence éclate, on n'a pas le temps de passer par toutes les étapes de la filière normale de la fonction publique. Je crois que c'est cette réalité qui a inspiré les questions du sénateur Nolin. On sait que certains ministères sont mieux préparés que d'autres et pourtant rien ne permet à une seule personne ni à un seul ministère de prendre le contrôle de la situation en cas d'urgence nationale.
Le président : C'était une question supplémentaire. Plusieurs autres sénateurs veulent poser des questions.
M. Day : C'est une question tout à fait légitime. Les plans ne sont pas élaborés en vase clos; ils doivent concorder avec le plan global d'intervention d'urgence du gouvernement fédéral et s'harmoniser avec les autres ministères. C'est ce qu'indique sans équivoque l'article 4 qui décrit les responsabilités du gouvernement du Canada et du Centre des opérations du gouvernement. Lorsqu'une urgence survient, le principe établi veut que c'est l'autorité locale qui intervient en premier, et par la suite, le palier de gouvernement suivant.
Ainsi, si le contenu d'une poubelle prend feu dans un ministère donné, on n'en avisera probablement pas le Centre des opérations du gouvernement. Cependant, si ce feu n'a pas été éteint sur place, dans le bureau même, il va se propager. À ce moment, le Centre des opérations du gouvernement, qui a des agents de communications non seulement dans chaque ministère mais partout au pays, va immédiatement assumer certaines responsabilités de coordination. C'est ce qui fait que le ministre et le ministère de la Sécurité publique ont le pouvoir d'exiger qu'on procède à des mises à l'essai, à des exercices de simulation de différentes situations d'urgence.
Le projet de loi établit clairement que le gouvernement du Canada et le ministre ont la capacité de coordonner toutes les opérations de manière à éviter que chaque ministère agisse en vase clos. Nous avons bien fait comprendre cette responsabilité aux hauts fonctionnaires lors de l'élaboration du projet de loi. Lorsqu'une situation d'urgence éclate, il n'est plus permis de protéger son territoire; le seul territoire qu'il faut protéger, c'est le territoire canadien, les vies et les biens de nos citoyens. Cet aspect est souligné dans nos échanges à ce sujet avec les fonctionnaires.
Tous les plans doivent être présentés à Sécurité publique Canada de manière à garantir, en premier lieu, qu'ils sont coordonnés. En deuxième lieu, les voies de coordination et de communication doivent être claires et précises. Ce rôle revient au Centre des opérations du gouvernement, dont tous les ministères relèveraient advenant une urgence.
Le sénateur Day : Je croyais avoir bien compris le projet de loi, mais après avoir entendu toutes ces questions, je n'en suis plus sûr.
Le Centre des opérations du gouvernement relève-t-il de votre ministère?
M. Day : Oui.
Le sénateur Day : Craig Oldham en est-il le directeur?
M. Day : Oui.
Le sénateur Day : Alors je crois que je comprends son rôle, qui tient davantage de la coordination. Vous n'assumez pas la direction des opérations dès qu'une urgence survient. Par exemple, s'il y avait une éclosion de SRAS, c'est Santé Canada qui assumerait la direction. Toutefois, si d'autres problèmes sont provoqués par cette crise, le Centre des opérations du gouvernement entre en activité et conseille les autres ministères quant aux mesures à prendre face à cette situation. Est-ce exact?
M. Day : Oui. Nous espérons qu'il n'y aura jamais d'autre incident semblable à celui du SRAS, mais on a beaucoup travaillé et planifié les mesures à prendre si cela arrivait. On a clairement déterminé, graphique à l'appui, quels ministères successifs devraient intervenir en pareil cas. Par exemple, s'il faut décréter une quarantaine, il reviendra au ministère de la Santé de le faire. Toutes ces mesures sont examinées, suivies et coordonnées à l'extérieur du Centre des opérations du gouvernement.
Permettez-moi de vous demander si vous avez visité ce centre?
Le sénateur Day : Non.
M. Day : Il pourrait être intéressant pour les membres de votre comité de le visiter. Cela n'aurait rien d'irrégulier et pourrait permettre aux sénateurs d'obtenir réponse à certaines questions plus techniques. Vous pourriez alors voir de vos yeux comment l'information est coordonnée et comment les mesures également sont harmonisées. Cette visite pourrait s'avérer intéressante.
Le sénateur Day : Merci. En lisant le projet de loi, j'ai constaté une coquille dans la graphie du mot « province » à l'article 3 et, également, à l'alinéa 4j). Le projet de loi a déjà été adopté par la Chambre des communes et j'imagine que ces erreurs ont été corrigées à l'issue de cet examen attentif.
Mme Wong : Pardonnez-moi, sénateur, mais quelle est la coquille?
M. Day : Pourriez-vous les signaler de nouveau?
Le sénateur Day : Oui. C'est peut-être seulement dans mon exemplaire, mais il y a une coquille à l'article 4, alinéa j).
M. Day : Oui, je lis « providing financial assistance to a province ».
Le sénateur Day : Il n'y a pas d'erreur dans votre exemplaire?
Le sénateur Joyal : Non; vous avez la version électronique.
Le sénateur Day : Il n'y a pas de coquille dans le document de mon ami. De toute évidence, elle a été corrigée dans une version subséquente à la mienne.
M. Day : Cela montre à quel point vous êtes perspicace, sénateur. Vous avez vérifié pour être sûr qu'on avait corrigé la coquille.
Le sénateur Day : Je me demande si on a apporté d'autres modifications. Je vais quand même poser mes questions.
M. Day : Nous n'avons pas apporté de changements alarmants, mais il y a tout de même fallu mettre quelques points sur quelques « i ».
Le sénateur Day : Et j'en suis fort heureux. Avez-vous également inséré une définition du mot « urgence »?
M. Day : Non.
Le sénateur Day : La question a-t-elle été débattue?
M. Day : Oui, mais si on essaie de définir le mot « urgence », et si on le définit de façon trop étroite, si une situation survient, quelqu'un pourrait prétendre que ce n'est pas vraiment une urgence. Les situations auxquelles il faut réagir sans tarder sont des situations d'urgence. Voilà la raison d'être du projet de loi. Le climat dans lequel nous vivons évolue constamment si bien que de plus en plus d'événements de nature différente sont susceptibles de se produire. En définissant le mot « urgence », on risquait de limiter les intervenants responsables et même la capacité du gouvernement fédéral de coordonner les mesures ou de faire des essais.
Le sénateur Day : À l'alinéa 4g), on peut lire « en cas de déclaration de situation de crise dans le cadre d'une loi fédérale ». Pour savoir quelle sorte d'urgence pourrait être visée par cette disposition, je dois consulter d'autres lois fédérales. Est-ce bien ainsi qu'il faut interpréter cette disposition?
Le président : Vous pourriez également regarder dans le dictionnaire et fonder votre interprétation sur le sens commun.
Mme Wong : On peut répondre à cette question de deux façons. Pour connaître le sens du mot « urgence », on consulte normalement le dictionnaire à l'entrée correspondante; cependant, ici, la disposition renvoie à Loi sur les mesures d'urgence. Pour pouvoir décréter une situation d'urgence nationale, nous devons consulter le lieutenant- gouverneur de chaque province. Vous avez tout à fait raison : il faut consulter la Loi sur les mesures d'urgence pour décréter une urgence nationale.
Le sénateur Day : Cependant, au lieu de renvoyer à la Loi sur les mesures d'urgence, la disposition comporte seulement la mention « dans le cadre d'une loi fédérale ». Cette loi, c'est bien la Loi sur les mesures d'urgence, n'est-ce pas?
Mme Wong : Effectivement.
Le président : Dois-je inscrire votre nom pour le deuxième tour de questions? Il y a trois autres sénateurs qui veulent intervenir.
Le sénateur Day : Et qui ont lu le projet de loi? J'attendrai mon tour volontiers.
Le président : J'essaie de donner la parole à tous ceux qui le souhaitent.
Le sénateur Day : Je sais, monsieur le président. Merci de m'avoir permis d'apporter ces éclaircissements.
Le sénateur Fraser : Monsieur le ministre, cette question nous ramène à la division des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces. L'article 4 respecte les champs de compétence provinciale. Vous ne pouvez pas donner votre aide, financière ou autre, je crois.
M. Day : Vous avez dit vous ne pouvez pas ou vous pouvez?
Le sénateur Fraser : Vous ne pouvez pas, à moins que la province ne le demande.
M. Day : C'est exact.
Le sénateur Fraser : En vertu du paragraphe 6(3), vous ne pouvez pas intervenir de quelque façon que ce soit dans une situation d'urgence provinciale à moins que la province ne vous l'ait demandé ou n'ait signé avec vous un accord à cet effet.
M. Day : Vous faites référence à l'alinéa 6d)?
Le sénateur Fraser : Non, au paragraphe 6(3) en haut de la page 5.
Le président : Elles voudront toujours une chose : de l'argent.
M. Day : Oui.
Le sénateur Fraser : Ensuite, l'article 7 permet au gouverneur en conseil de prendre des règlements pour « déclarer qu'une urgence provinciale constitue un sujet de préoccupation pour le gouvernement fédéral ». Que signifie cette disposition et pourquoi est-elle nécessaire? Elle donne l'impression qu'on peut, tout à coup, faire fi de toutes les garanties de respect de la compétence des provinces sous prétexte qu'il s'agit de toute façon d'une urgence nationale; j'imagine qu'on le ferait en invoquant la nécessité de maintenir la paix, l'ordre et le bon gouvernement. De quoi s'agit-il au juste et en quoi cette disposition est-elle nécessaire?
M. Day : Cette disposition s'explique, entre autres, par la Loi sur l'aide financière en cas de catastrophe. Une province peut faire une déclaration ou demander que l'argent pour remédier à une catastrophe — par exemple, pour nettoyer les lieux, combattre une inondation ou autre chose — dépasse une certaine limite, fondée sur le nombre d'habitants ou les coûts qu'une province a dû assumer ou qu'elle estime avoir atteint ce niveau, cette loi fédérale entre en action et une telle déclaration peut être faite. Cette disposition décrit la façon de procéder.
Il faut parfois compter deux ou trois ans, même plus dans certains cas, pour recueillir toutes les attestations de dépenses provenant du gouvernement provincial. Ce dernier fait une évaluation des coûts en fonction du nombre d'habitants, puis établit à partir de quel seuil le partage des frais avec le gouvernement fédéral s'applique. Cette disposition vise à permettre et à accompagner cette déclaration.
Le gouvernement fédéral n'a rien imposé. Le gouvernement provincial, conformément au respect des droits des provinces, fait une évaluation de ses coûts, puis déclare : « Voici la part à payer pour le gouvernement fédéral. » Une fois que cette annonce est faite, c'est la formule d'aide financière en cas de catastrophe qui entre en jeu.
Le sénateur Fraser : Vous me dites que cette phrase n'est qu'un élément technique mineur, mais ce n'est pas l'impression que j'en ai.
M. Day : Cette disposition est essentielle, car, en cas d'urgence dans une province, par exemple une inondation ou une tornade, elle permet de déterminer si la catastrophe atteint un certain seuil. Le cas échéant, on peut déclencher la formule fédérale, et à ce moment-là cela devient également l'affaire du gouvernement fédéral, mais c'est à la province d'en faire la demande.
Le sénateur Fraser : Je comprends cela, mais ne sommes-nous pas en présence d'une disposition excessive du type « paix, ordre et bon gouvernement, au-diable-toutes-les-autres-lois ».
M. Day : Non.
Le sénateur Fraser : N'aurait-il pas été plus simple d'écrire « conformément aux dispositions de la Loi sur l'aide financière en cas de catastrophe »?
M. Day : D'une certaine façon, oui, cependant, il y a aussi d'autres dispositions. Nous ne voulons pas que cela se limite uniquement à ce mécanisme de financement. Il s'agit simplement de dire qu'à partir d'un certain seuil, une catastrophe provinciale devient également l'affaire du gouvernement fédéral.
Le sénateur Fraser : Je crois que je ne comprends toujours pas très bien, mais nous manquons de temps.
Le président : Oui, en effet.
Le sénateur Joyal : Ma question a trait à l'article 8 et aux modifications apportées à la Loi sur l'accès à l'information. Avez-vous une lettre du commissaire à l'information approuvant ces modifications apportées à la Loi sur l'accès à l'information?
Mme Wong : Le ministre de la Justice, de qui relève la Loi sur l'accès à l'information, a été consulté et approuve les modifications à cette loi. Nous avons également consulté le commissaire à l'information au sujet de ce projet de loi.
Le sénateur Joyal : Avez-vous une lettre du commissaire à l'information?
Mme Wong : Excusez-moi, mais que dirait cette lettre au juste?
Le sénateur Joyal : Après examen des dispositions de la loi, le commissaire à l'information a le sentiment que les modifications telles que rédigées ne porteront pas atteinte à la protection des renseignements personnels.
M. Day : Bien sûr, nous avons tenu des consultations importantes avec le commissariat. Il faudrait que je vérifie pour voir s'il y a eu ce type de correspondance. On n'a jamais porté à notre attention le moindre problème à ce sujet. Nous pouvons vérifier et communiquer avec vous plus tard.
Le sénateur Joyal : Je vous en saurais gré.
Ma préoccupation principale concerne la coordination fédérale-provinciale. Le rapport spécial du Sénat que vous avez mentionné au cours de votre déclaration liminaire — et nous vous en félicitons — affirmait qu'il fallait améliorer la coopération fédérale-provinciale et préciser les responsabilités afin de savoir à quel moment le gouvernement fédéral intervient, surtout lorsque les forces armées et les services fédéraux de la GRC, entre autres, sont concernés. Pouvez- vous nous indiquer quelle partie de ce projet de loi apporte des éléments nouveaux par rapport à l'ancienne loi permettant d'améliorer et de préciser les responsabilités des provinces lorsqu'il faut intervenir en cas de catastrophe?
M. Day : Tout d'abord, ces précisions ont été et restent un défi important, mais nous pensons l'avoir surmonté efficacement. Ces précisions se rapportent à un principe clair, à savoir que l'on donne la priorité à une intervention locale et à la capacité locale d'être en mesure de gérer une catastrophe quelle qu'elle soit. Mais il faut parfois intensifier rapidement l'intervention. Je puis vous dire que les responsables locaux et les personnes qui suivent des cours au Collège canadien de gestion des urgences, qui ont été formés dans leur région, ne souhaitent nullement que l'intervention reste au niveau local si la situation dégénère. Très rapidement, les principes de transmission à l'échelon supérieur font que l'on passe au niveau provincial, puis fédéral et, si nécessaire, dans le cadre de protocoles signés avec Commandement Canada, au niveau militaire. Nous avons déjà pu observer comment cela fonctionne, mais nous pensons que la loi améliore ce processus. Par exemple, il y a eu les feux de forêt dévastateurs dans la vallée de l'Okanagan, en Colombie-Britannique. La situation d'urgence a d'abord été identifiée au niveau local, mais les services locaux se sont vite retrouvés débordés. Le niveau provincial est alors intervenu, ainsi que de nombreuses municipalités et régions. On s'est ensuite rendu compte que pour maîtriser la situation, il allait falloir faire appel aux forces armées et à Commandement Canada. À aucun moment, le long de cette chaîne d'intervention ascendante, il y a eu un responsable déclarant qu'il voulait que tout cela reste à son niveau. Tout le monde a reconnu l'ampleur des besoins. Maintenant que la loi et les principes sont clairement définis, on reconnaît que les premiers intervenants seront les premiers intervenants, il s'agit là du niveau local, mais le fait de pouvoir rapidement passer à l'échelon supérieur pour obtenir l'intervention du niveau fédéral est un principe fondamental de la loi.
Je n'ai pas l'ancienne loi devant les yeux. Je ne sais pas si nous l'avons avec nous.
Le président : Nous pouvons demander à notre personnel d'en trouver un exemplaire.
M. Day : Le directeur vient de me donner quelques pistes. Le paragraphe 4(1) du nouveau projet de loi traduit la volonté d'une approche commune en matière de gestion des urgences puisqu'il s'agit de « promouvoir une démarche commune en matière de gestion des urgences » avec tous les paliers de gouvernement et le secteur privé. Ces principes sont intégrés à la loi, et je pense pouvoir dire qu'ils sont compris et appréciés par ceux qui travaillent aux différents niveaux.
Le président : Nous pouvons demander à notre personnel de distribuer une note d'information sur les différences entre les deux lois.
Le sénateur Joyal : Cela nous aiderait à comprendre dans quelle mesure ce projet de loi est meilleur que le précédent.
M. Day : Cela peut se faire. Cela vous serait utile, bien entendu.
Le sénateur Joyal : Oui, merci.
Le sénateur Andreychuk : J'ai une question touchant à la politique publique. J'ai le sentiment que cette loi tente de développer autant que possible l'expertise, que ce soit au niveau local, provincial ou national, au sujet de certaines situations qui pourraient se transformer en urgences. Nous ne pouvons pas savoir si la prochaine urgence concernera les forêts, le pétrole ou la santé. Les personnes qui géreront cette urgence devraient avoir des connaissances dans ce domaine. Lorsqu'une situation se transforme en urgence, on veut s'assurer qu'il y a une intervention coordonnée et appropriée. Vous n'avez pas mis l'accent sur « si les choses se passent mal, qui est le coupable », ce qui semblait toujours être la chose la plus importante jusqu'ici. Vous essayez de limiter ces exercices d'accusation et de vous assurer que l'intervention la plus efficace peut être proposée, sans pour autant donner de garantie. Il s'agit d'une intervention. Parfois, nous avons le sentiment que les mesures législatives sont des garanties à toute épreuve, mais ce n'est pas le cas.
Ma prochaine question a trait à la Grande-Bretagne. Au cours d'une discussion au sujet des situations d'urgence, on nous a dit qu'il était important d'avoir une coordination et de l'expertise, le tout appuyé par des mesures législatives, mais que ce qui était essentiel, c'était de faire participer toutes les personnes concernées à des simulations. D'après eux, c'était la meilleure démarche, et la plus efficace, pour les interventions en cas de catastrophe. On parlait ici de la ville de Londres, et de la myriade de différents niveaux de responsabilité. Après les simulations, ils étaient mieux préparés à intervenir en cas d'urgence. Est-ce l'objectif visé par le projet de loi d'un point de vue des politiques publiques?
M. Day : Oui. Permettez-moi, sénateur, de répondre à vos questions dans l'ordre.
Tout d'abord, à juste titre, vous avez souligné la distinction à faire entre la nature de l'urgence et la définition des responsabilités des différents paliers de gouvernement au fur et à mesure que la catastrophe prend de l'ampleur. Prenons l'exemple du dernier budget; nous avons affecté un million de dollars à nos programmes de gestion des urgences partout au pays pour former les premiers intervenants, principalement les sapeurs-pompiers, et pour toute situation ayant trait à la gestion de matières dangereuses. Dans ce cas-là, on met l'accent sur la nature des urgences, pas tellement sur les champs de compétences. Il s'agit ici d'investir un million de dollars pour renforcer les capacités des personnes intervenant en première ligne et atténuer les risques qu'elles courent, ainsi que les risques encourus par d'autres.
Pour ce qui est des champs de compétences, sujet dont traite le projet de loi, je vous remercie d'avoir souligné le fait qu'il ne s'agissait pas d'une garantie. Aucune mesure législative ne peut garantir à 100 p. 100 qu'un incident sera empêché, ni garantir une intervention irréprochable. D'ailleurs, il n'y a jamais eu de situation parfaitement gérée au pays. Le projet de loi vise à limiter l'éventualité de problèmes, mais n'offre pas de garanties. Il permet la mise en œuvre et la coordination des principes, et de ce fait les citoyens savent que des mesures sont prises et qu'il y a des personnes qui travaillent ensemble pour gérer ce type de situation. Vous avez raison de dire qu'il ne peut y avoir de garanties. Ce serait donner à tort un sentiment de sécurité. Malgré tout, on peut améliorer la situation, notamment grâce au projet de loi.
Pour ce qui est des simulations, les cadres supérieurs de mon ministère savent que c'est une question qui me tient particulièrement à cœur. On peut faire des simulations sur maquette, avec une urgence virtuelle, et on détermine qui était censé intervenir, qui n'est pas intervenu, et comment améliorer la situation, ou on peut également organiser des exercices sur le terrain.
Nous avons un budget accru pour permettre aux provinces et aux municipalités de mener ce genre d'exercices. Je suis tout à fait d'accord avec vous, tout comme mes fonctionnaires. C'est grâce à ces exercices que nous pouvons cerner nos lacunes.
Il y a un certain temps, j'ai observé un de ces exercices à Calgary. On avait reproduit l'effondrement d'une autoroute et de tous les dégâts causés. Je pense que cela vous aurait impressionnés. Les voitures étaient enfouies sous le béton, et il y avait des mannequins dans les voitures. Lorsque les intervenants sont arrivés sur place, il a fallu qu'ils déterminent l'ampleur des blessures.
Il y avait une rupture de canalisation de gaz naturel avec fuite de gaz, ce qui affectait la ville dans son ensemble. Il fallait rapidement régler une urgence locale qui s'est ensuite propagée à l'échelle de la ville, puis de la région. Nous tirons de précieuses leçons de ce type d'exercice.
Récemment, il y a eu des exercices similaires au large de l'Île-du-Prince-Édouard pour parer à une catastrophe nucléaire; vous en avez certainement entendu parler. Ces exercices sont coûteux mais nécessaires. Je vous remercie d'avoir soulevé cette question. C'est l'une de mes priorités. Nous avons augmenté le financement affecté à ces exercices. C'est la meilleure façon de minimiser les risques de dérapage en cas d'urgence, situations au cours desquelles il est nécessaire de procéder sans heurts.
Le président : Il est 14 heures. Je souhaite remercier le ministre de sa présence.
Le sénateur Day : Monsieur le président, sénateurs, c'est moi qui vous remercie de vos propos très instructifs. Nous vous enverrons les renseignements promis. N'hésitez pas à en demander d'autres dans le cadre de vos échanges avec Mme Wong.
Le président : Madame Wong, voulez-vous vous présenter, vous ainsi que vos collègues, pour que tout le monde puisse se faire une idée précise des personnes qui comparaissent devant nous?
Mme Wong : C'est avec plaisir que je le ferai. Je m'appelle Suki Wong. Je suis directrice des Politiques en matière d'infrastructures essentielles au ministère de la Sécurité publique.
À ma gauche, se trouve Richard Mungall, avocat au ministère de la Justice, et à ma droite se trouve Jacques Talbot, conseiller juridique au ministère de la Justice.
Le sénateur Jaffer : Ma question concerne un point soulevé par le ministre dans sa déclaration liminaire. Je comprendrai si vous n'êtes pas en mesure d'y répondre. Le ministre a indiqué qu'il fallait être prêt à intervenir en cas d'urgence au sud de la frontière. Avez-vous également un plan d'intervention en cas d'urgence pour les zones où on retrouve de nombreux citoyens canadiens, par exemple, dans le cas du Liban? Y a-t-il désormais un plan en place qui nous permettrait de réagir plus rapidement à ce type de situation?
Mme Wong : Au sujet de ce qu'a dit le ministre, il incombe au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de prévoir des plans d'évacuation des ressortissants canadiens à l'étranger si nécessaire. Le rôle de notre ministre est de s'assurer que chaque ministère a préparé ces plans. Il lui incomberait donc de vérifier que le ministère des Affaires étrangères possède bien ces plans.
Le sénateur Jaffer : C'est ce qui se passera une fois que la loi entrera en vigueur?
Mme Wong : Oui.
Le président : Le ministre a mentionné le Centre des opérations du gouvernement, en disant que nous pourrions le visiter. Où se situe-t-il exactement, si ce n'est pas secret? Je rigole.
Le sénateur Joyal : Il est situé dans le bunker construit dans les années 1950.
Mme Wong : Lorsque l'on pose cette question à mon collègue, le directeur du Centre des opérations du gouvernement, il ne donne jamais l'emplacement exact, mais il serait heureux de vous communiquer ce renseignement en privé.
Le président : Mais il se situe dans la région d'Ottawa?
Mme Wong : Oui.
Le sénateur Nolin : Nous n'avons pas besoin de l'adresse exacte.
Le président : Non, en effet, mais je voulais m'assurer que c'était dans la région. Nous en discuterons.
[Français]
Le sénateur Nolin : Aux alinéas a), b) et c) du paragraphe 6(1), on peut lire quelles sont les responsabilités qui incombent à chacun des ministres dans l'élaboration des plans de gestion pour les urgences. Elles sont énormes. Au paragraphe 6(2), il est question de l'élaboration du plan d'urgence pour chacun des ministres de la Couronne. Cela peut aller jusqu'à la guerre. J'y vois une distinction entre la prévention, tout ce qui est mis en œuvre pour empêcher des événements de se produire, et la préparation, tout ce qui doit être mis en oeuvre lorsqu'un événement s'est produit.
Les alinéas a), b) et c) du paragraphe 4.(1) circonscrivent la responsabilité du ministre dans les étapes préparatoires ou préventives : a) établir les principes, b) conseiller les institutions fédérales et c) analyser et évaluer les plans. Toutefois, je reste sur mon appétit si je compare cela au Secrétariat du Conseil du Trésor, qui a une responsabilité énorme en matière d'exécution du plan financier de l'État : le contrôle des dépenses, la mise en œuvre de la politique publique quant à la gestion financière de l'État et le suivi rigoureux de l'exécution de ses décisions.
En ce qui concerne les plans d'urgence, je ne vois pas cela, bien que je sente beaucoup de bonne volonté de la part d'un ministre préoccupé par la qualité des plans d'urgence de ses collègues, qui n'est pas satisfait de la qualité de ces plans d'urgence et qui espère que cette loi l'aidera. Rassurez-moi si j'ai tort, sinon que fait-on pour corriger la situation?
[Traduction]
Mme Wong : Je puis vous assurer que l'article 4 du le projet de loi exigerait de notre ministre une meilleure coordination de la gestion des urgences au sein des institutions fédérales et une plus grande reddition de comptes quant à la façon dont les activités de gestion des urgences sont menées au sein du gouvernement du Canada.
Pour ce qui est de la loi existante, la Loi sur la protection civile n'autorise pas explicitement le ministre de la Sécurité publique à fournir des conseils, mais oblige les autres ministres à élaborer, mettre à l'essai et mettre en œuvre leurs plans en se conformant aux principes, programmes et politiques mis en place par notre ministre.
De notre point de vue, ce projet de loi offre aux Canadiens, aux provinces et au gouvernement du Canada une meilleure reddition de comptes concernant les activités liées à la gestion des urgences au sein des institutions fédérales.
Le sénateur Nolin : Je vous comprends bien, mais l'essentiel pour moi, c'est la prévention.
Je reviens toujours au mois de janvier 1998 au Québec. Tout d'un coup, un beau jour, six heures après l'incident, personne ne savait quoi faire. Il y avait toutes sortes de plans. Tout le monde avait une fonction à remplir. Devinez quoi? Personne ne savait quoi faire, tout le monde demandait de l'aide. L'essentiel, c'est la prévention.
Mme Wong : La prévention occupe une place importante dans ce projet de loi, ce qui n'est pas le cas dans la loi actuelle. Ce projet de loi, monsieur le sénateur, couvre tous les aspects des activités de gestion des urgences, de l'atténuation, qui vise à limiter l'incidence des catastrophes, au rétablissement, en passant par la prévention. C'est un nouveau projet de loi, renforcé, couvrant les activités de gestion des urgences.
Le sénateur Andreychuk : Je comprends le souci de prévention du sénateur Nolin. Ce que je ne comprends pas bien c'est que nous ne pouvons pas créer un poste de tzar des urgences qui, en cas de catastrophe, pourrait passer outre les pouvoirs des provinces et prendre des décisions en ce qui concerne les plans, l'expertise, etc. Je ne sais pas bien quelle direction nous souhaitons prendre.
Le sénateur Nolin : J'essaie d'éviter le chaos. C'est ça la direction que je souhaite prendre.
Le sénateur Andreychuk : Cela l'empêcherait. C'est quelque chose qui se fait graduellement, sous divers gouvernements, pas seulement celui-ci. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Nous améliorons les systèmes et apprenons dans des domaines que nous connaissons mal.
Si je comprends bien l'article 4 et l'article 6, il incombe au ministre de s'assurer que tout le monde a des plans, particulièrement les ministres du ministre. Si jamais le ministre a le sentiment que les plans ne sont pas appropriés, que se passe-t-il? Le ministre, par voies politiques, pourrait contacter le premier ministre et lui faire savoir que les plans ne sont pas en place et que le ministre en question ne réagit pas.
Le sénateur Nolin : Le ministre pourrait fournir des conseils.
Le sénateur Andreychuk : Y a-t-il une disposition dans le projet de loi qui permettrait au ministre un recours juridique par rapport à ces ministères? Je n'ai pas réussi à trouver quelque chose à cet effet.
Richard Mungall, avocat, ministère de la Justice Canada : Je souhaite dire aux sénateurs qu'après avoir lu attentivement le paragraphe 6(1), nous avons constaté qu'il ne modifiait pas les pouvoirs conférés au ministre par d'autres lois dans leur domaine, comme la Loi sur la santé des animaux, la Loi sur la quarantaine, la Loi sur la défense nationale, la Loi sur l'aéronautique, et bien d'autres. Le projet de loi ne modifie pas les pouvoirs des autres ministres en vertu de ces lois, ni la façon dont ils choisissent de faire appliquer ces lois ou règlements, quel que soit le contexte. Ce n'est pas l'intention du projet de loi, puisque de toute façon ce serait impossible. Ces pouvoirs sont conférés à d'autres ministres. L'article 4 confère au ministre de la Sécurité publique la responsabilité globale ou, si vous préférez, générale, d'harmoniser les plans élaborés par d'autres ministres pour qu'ils puissent agir de façon coordonnée sans avoir à pinailler sur les spécificités de tel ou tel pouvoir conféré par la loi A, B ou C. Cette responsabilité est un des éléments clés.
Car autrement, si les pouvoirs du ministre de la Sécurité publique prévalaient sur ceux des autres ministres, le projet de loi serait nettement plus long qu'il ne l'est à l'heure actuelle parce que nous devrions probablement adopter des amendements à tous les autres textes de loi qui prévoient les pouvoirs des autres ministres.
Mme Wong : Cela revient également à un point que vous avez soulevé plus tôt à propos de l'importance d'organiser des exercices. Une disposition de l'alinéa 4(1)n) vise à faire en sorte que le ministre établisse des politiques pour organiser des exercices et assurer l'éducation et la formation en matière de gestion des urgences. Cette disposition particulière vise à ce que l'ensemble des ministres organisent des exercices et mettent leurs plans à l'essai de façon à assurer une approche plus concertée et cohérente, en cas d'urgence. Cela ne signifie pas que le ministre ira mettre à l'essai les plans des autres ministres, mais la responsabilité du ministre, par l'entremise de notre ministère, consistera à s'assurer que chaque ministère met ses plans à l'essai et que les plans sont reliés à un système d'intervention national.
Le sénateur Day : J'ai deux points à soulever. J'ai déjà parlé à Mme Wong du site web de son ministère pour lui signaler deux erreurs de frappe. Ces erreurs peuvent être corrigées.
Je sais que vous ferez une analyse pour nous, mais pourquoi avons-nous besoin de ce projet de loi, autrement que pour modifier l'expression « protection civile », qui n'a plus cours? J'ai examiné attentivement l'actuelle Loi sur la protection civile et je n'arrive pas à comprendre la raison d'être de cette nouvelle loi.
Lorsque vous préparerez l'analyse comparative, pourrez-vous nous aider à cet égard?
Mme Wong : Tout à fait : Nous vous enverrons une comparaison pratiquement côte à côte de la loi actuelle et du projet de loi. Ce qui est nouveau dans ce projet de loi, c'est qu'il tient compte de la gamme complète des activités de gestion des urgences. La Loi sur la protection civile mettait l'accent sur la protection. Elle ne parlait pas d'atténuation ou de prévention. Il s'agit d'une nouvelle caractéristique de la gestion des urgences, le projet de loi C-12.
Une autre caractéristique nouvelle de ce projet de loi, c'est qu'il reconnaît que la gestion des urgences est une démarche de collaboration qui inclut davantage que les provinces et les territoires, ce qui est reconnu par la Loi sur la protection civile, mais aussi d'autres entités comme le secteur privé et des organisations non gouvernementales comme la Croix-Rouge, qui sont aussi des intervenants clés en matière de gestion des urgences. Il s'agit donc d'une nouvelle approche prévue par le projet de loi.
Il existe une nouvelle disposition prévue à l'article 5, l'aide aux États-Unis. Cette disposition n'existait pas dans la Loi sur la protection civile. Cette disposition confère à notre ministre le pouvoir, en consultation avec le ministre des Affaires étrangères, de fournir une aide aux États-Unis.
De même, l'article 6 confie à chaque ministre, et nous en avons parlé plus tôt, la responsabilité de concevoir, d'élaborer et de mettre à l'essai leurs plans conformément aux politiques et aux programmes établis par notre ministre. Il s'agit d'une nouvelle disposition.
De plus, les modifications corrélatives à la Loi sur l'accès à l'information sont nouvelles. Ces dispositions sont appuyées par les représentants du secteur privé qui possèdent et exploitent environ 80 p. 100 de l'infrastructure essentielle, qui craignent que, si des renseignements sont fournis au gouvernement du Canada, ils risquent d'être divulgués. Il s'agit également d'une nouvelle disposition. Nous nous ferons un plaisir de vous fournir l'analyse en question.
Le sénateur Day : Je suppose que ce dernier aspect est l'un des éléments moteurs de ce projet de loi, parce qu'une grande partie de l'infrastructure appartient au secteur privé. Il nous faut des dispositions particulières pour eux. Le projet de loi ne traite pas uniquement d'institutions gouvernementales ou d'institutions de gouvernement à gouvernement.
Mme Wong : C'est l'un des éléments moteurs du projet de loi.
Le sénateur Day : Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi vous n'avez pas tenté de définir le terme « urgence ». C'est un terme qui revient constamment dans le projet de loi. Le projet de loi ne s'applique pas à moins qu'il y ait une urgence. Les provinces déclareront une situation d'urgence après quoi il faudra que deux conditions s'appliquent, qui sont prévues à l'article 7, à savoir que cela est dans l'intérêt du Canada et que par conséquent le gouvernement autorise une aide financière : mais il doit s'agir d'une urgence.
En l'occurrence, le gouvernement fédéral se trouve-t-il, en vertu de l'article 7, à accepter la définition du gouvernement provincial?
Mme Wong : Vos questions sont très pertinentes, messieurs les sénateurs. Au moment de rédiger le projet de loi, nous avons délibérément omis de définir le mot « urgence », estimant qu'une définition risquait d'entraver le pouvoir de notre ministre ou du gouvernement d'intervenir dans des situations d'urgence que nous n'aurions pas prévues ou connues depuis un certain temps. Si nous avons décidé de ne pas définir le mot « urgence », c'était pour que le ministre ait la latitude nécessaire pour faire face à l'avenir à des situations d'urgence non prévues.
Par ailleurs, il n'y a guère d'unanimité dans la façon dont les différentes lois de ressort provincial ou territorial définissent le mot « urgence ». En définissant le mot urgence dans le projet de loi, nous risquions de ne pas utiliser la même définition qu'une province ou un territoire et, partant, de ne pas pouvoir réagir à une situation d'urgence déclarée dans une province.
Le sénateur Day : Au moment de tracer vos plans et de les mettre à l'essai, comment pouvez-vous savoir si vous planifiez des mesures d'urgence? Vous ne savez pas à quoi correspond le mot urgence. C'est le ministre qui décidera à un moment donné de ce qui correspond à une situation d'urgence.
Mme Wong : Comme le président du comité l'a dit tout à l'heure, la définition du mot « urgence » figure dans le dictionnaire.
Le sénateur Day : Voulez-vous dire que les plans d'urgence et toutes les mesures qui seront prises en vertu de cette loi se fondent sur la définition du dictionnaire du mot urgence?
Mme Wong : L'élaboration d'un plan de gestion des urgences est complexe et je ne suis pas spécialiste de ce domaine. Je sais qu'on adopte différentes normes, y compris la définition du mot urgence, de même que beaucoup d'autres éléments permettant de mettre au point un solide plan de gestion des urgences, ce qui inclut la définition des situations d'urgence. Ce plan ne se fonde pas seulement sur les situations d'urgence, mais aussi sur l'expérience et les enseignements tirés des situations d'urgence passées. L'élaboration d'un plan de gestion des urgences comporte divers aspects.
Le sénateur Day : Vous élaborez des plans en vue de situations d'urgence que vous saurez reconnaître instinctivement.
Mme Wong : Ce n'est pas seulement une question d'instinct, mais aussi d'expérience et d'expertise dans la rédaction de plans d'urgence.
M. Mungall : D'après le paragraphe 6(1), il incombe à chaque ministre « de déterminer les risques qui sont propres à son secteur de responsabilité ou qui y sont liés ». Cette disposition considère les urgences d'un point de vue de gestion des risques plutôt qu'en adoptant une définition légaliste du terme urgence. Ce qui peut constituer un risque aux yeux d'un ministre n'en sera peut-être pas un pour un autre ministre.
Comme l'a signalé Mme Wong, les définitions utilisées sont semblables dans certaines provinces, mais pas dans toutes.
Le sénateur Nolin : En vertu du paragraphe 6(1), la détermination des risques incombe à chaque ministre, c'est-à-dire à la personne responsable dans les domaines de compétence fédérale.
J'espère que le ministre de la Sécurité publique pourra déterminer si l'évaluation des risques s'est faite convenablement.
Mme Wong : Chaque ministre en est responsable. Ainsi, le ministre des Transports, des Infrastructures et des Collectivités est l'expert dans le domaine des transports. Le ministre fait appel aux ressources expertes de son ministère pour déterminer les risques pour les infrastructures dans son champ de compétence, tout comme le font les ministres de la Santé ou de l'Agriculture.
Nous nous en remettons aux connaissances de chaque ministre et des fonctionnaires de chaque ministre pour l'élaboration des plans et la détermination de ces risques.
Le sénateur Nolin : D'après l'alinéa 4(1)c), lorsqu'il analyse et évalue les plans de gestion des mesures d'urgence, le ministre doit tenir compte des risques évalués, ou adopter une approche générale. C'est le ministère et non le ministre qui procède à l'évaluation des risques. Le ministre accepte telle quelle cette évaluation faite par ses fonctionnaires. Dans ces conditions, que signifie l'alinéa 4(1)c)? J'espère que tous les plans qu'on va élaborer seront en rapport avec les risques.
Mme Wong : Vous avez raison. Les plans se fondent sur l'approche de la gestion du risque. Nous nous en remettons aux différents ministères pour ce qui est de connaître leur secteur de compétence et les risques qui s'y rattachent et aussi pour ce qui est d'avoir effectué une évaluation du risque fondée sur des principes solides en matière de gestion du risque, comme le prévoit l'alinéa 4(1)c) du projet de loi. Lorsque nous recevons ces plans, nos personnes responsables les évaluent et les analysent afin de vérifier qu'ils se fondent sur de solides principes de gestion du risque.
Le sénateur Joyal : Pour faire suite à la question du sénateur Nolin, si le ministre de la Sécurité publique se voyait conférer la responsabilité de diriger ce qui se fait dans d'autres ministères dans des circonstances bien particulières, il faudrait que la loi habilitante du ministère en question soit modifiée.
Comme il ressort clairement du projet de loi qu'il n'est pas proposé de nommer un responsable unique, pourriez- vous nous dire ce qu'il en est aux États-Unis et en Grande-Bretagne quant à l'autorité conférée à Michael Chertoff aux États-Unis et à son homologue britannique?
À la suite d'une situation d'urgence survenue aux États-Unis, les Américains ont examiné leur capacité d'intervention, car ils étaient d'avis que, en raison des diverses autorités appelées à intervenir, l'intervention avait été lente. Je crois qu'ils ont révisé leur chaîne de commandement afin de donner un pouvoir réel à la personne qui assume la responsabilité principale dans un cas d'urgence nationale pour que cette personne-là n'ait pas à téléphoner à dix personnes différentes, mais qu'elle puisse plutôt prendre des décisions.
Avez-vous examiné la loi correspondante aux États-Unis ou en Grande-Bretagne pour déterminer si les modèles énoncés dans l'actuel projet de loi correspondent à l'approche suivie aux États-Unis et en Grande-Bretagne?
Mme Wong : Notre projet de loi a été conçu sur mesure pour répondre aux besoins des Canadiens et aux niveaux de risques auxquels le Canada doit faire face. Nous avons étudié la Civil Contingencies Act, qui est en vigueur au Royaume-Uni. L'approche des Britanniques est différente, tout comme celle des Américains. Ils ont tous deux révisé leurs lois, et nous pourrions vous présenter une analyse plus complète plus tard. Je ne voudrais pas vous donner de fausses informations.
Le sénateur Joyal : Je ne vous demanderai pas de répondre maintenant si vous n'êtes pas en mesure de le faire.
Si notre personnel de recherche a effectué une analyse, il pourrait peut-être nous fournir des informations à ce sujet.
Ce sera au gouvernement de décider du modèle à adopter. Chaque modèle présente des avantages et des inconvénients. Ce serait utile d'avoir ces informations-là.
Le président : Notre personnel de recherche va s'en charger.
Le sénateur Joyal : Vous avez sans doute échangé des informations avec vos collègues aux États-Unis et en Grande- Bretagne, et vous avez peut-être des informations qui nous aideraient à mieux comprendre le projet de loi.
M. Mungall : Je tiens à préciser à l'intention des sénateurs que nous devons tenir compte des différents régimes de gouvernement qui existent en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Nous savons bien qu'ils n'ont pas le même régime que nous.
Le sénateur Joyal : Je suis entièrement d'accord avec vous. Un régime unitaire, comme celui qui existe en Grande- Bretagne, c'est différent de ce que nous avons ici. Cependant, les États-Unis sont une fédération et les États ont des responsabilités importantes.
J'aimerais savoir comment les choses se passent dans la pratique après les mauvaises expériences qu'ils ont eues là- bas, surtout avec l'ouragan Katrina, et ce qu'ils ont fait pour réviser leurs lois, afin que nous puissions comprendre les répercussions des divers modèles de gestion des urgences.
Mme Wong : Nous pourrions faire parvenir au comité l'analyse que nous avons effectuée.
Le sénateur Joyal : Ma dernière question concerne l'article 5 du projet de loi dont vous avez parlé et où il est question des États-Unis.
L'article 5 ne fait aucune mention de la conclusion d'accords avec les États-Unis, mais parle plutôt de plans conjoints de gestion. J'ai été surpris de constater qu'il n'y avait pas d'entente officielle comme vous en avez avec les provinces et comme le prévoit le paragraphe 4(1), qui dit clairement :
Dans le cadre de la mission que lui confère l'article 3, le ministre est chargé :
g) de conclure avec chaque province des ententes relatives aux consultations à engager dans les meilleures conditions d'efficacité avec le lieutenant-gouverneur en conseil de la province en cas de déclaration de situation de crise dans le cadre d'une loi fédérale.
La version française me semble beaucoup plus explicite.
[Français]
g) de conclure avec chaque province des ententes relatives aux consultations engagées [...]
[Traduction]
Par conséquent, les ententes conclues avec les provinces sont formelles, comme l'indique la version française, ce qui n'apparaît pas précisément en anglais. On parle en anglais d'« arrangement », ce qui ne signifie pas exactement « entente ». Dans le cas d'une entente, on sait qu'il y a un document signé qui est parfaitement compris par les deux parties.
En ce qui concerne l'article 5, il semble que nous n'ayons pas d'entente officielle avec les États-Unis mais nous sommes censés négocier avec les Américains pour en venir à une formule conjointe. Autrement dit, nous devrions avoir des ententes détaillées avec les provinces visées par la réglementation, tel que le prévoit celle-ci. C'est ce que l'on trouve à l'article 7, qui est formulé ainsi :
Le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre, ou par décret ou règlement :
c) déclarer qu'une urgence provinciale constitue un sujet de préoccupation pour le gouvernement fédéral.
Selon mon interprétation, nous avons avec les provinces une structure juridique comportant des ententes, des règlements, etc. En revanche, pour ce qui est des États-Unis, il est prévu que nous rencontrions leurs autorités pour voir s'il est possible de coordonner nos deux plans. C'est-à-dire que nous n'avons pas d'entente formelle à proprement parler avec les États-Unis; il n'y a pas d'entente entre les deux pays souverains.
Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi avez-vous limité cette disposition à de la coordination, à l'exclusion d'une entente formelle?
Mme Wong : L'article 5 ne fait pas spécifiquement référence aux ententes formelles que nous avons avec les États- Unis, mais nous avons effectivement une entente binationale formelle où il est question de planification de la gestion des situations d'urgence. Ces ententes existent. Elles ne sont pas mentionnées à l'article 5, mais elles existent.
Si l'article 4 fait spécifiquement référence aux provinces, c'est parce que celles-ci sont les premières à répondre et que nous devons veiller à ce que nos plans soient complémentaires par rapport à ceux des provinces et territoires.
Le sénateur Joyal : Il existe donc une entente. Est-ce que vous pourriez nous en faire parvenir copie? C'est certainement un document public.
Mme Wong : Absolument.
Le sénateur Joyal : J'aimerais donner lecture des trois dernières lignes de l'article 5 :
... coordonner l'intervention du Canada en cas d'urgence survenant aux États-Unis et fournir son aide à cet égard.
Autrement dit, l'article 5 nous permet de pénétrer aux États-Unis, mais il ne fait pas mention du contexte dans lequel les États-Unis pourraient être amenés à intervenir au Canada pour répondre à un appel semblable provenant du gouvernement canadien.
Pourquoi les relations évoquées dans cette disposition sont-elles à sens unique?
Mme Wong : En ce qui concerne cet article, il évoque essentiellement l'aide que nous apportons aux États-Unis, mais il existe des ententes prévoyant des interventions réciproques et mutuelles. Les provinces et les États limitrophes ont déjà conclu des ententes d'assistance mutuelle de ce genre.
Ces ententes existent. Elles ne sont pas mentionnées à l'article 5, mais il existe des ententes prévoyant de l'assistance mutuelle.
Le sénateur Joyal : Si vous avez révisé la loi, pourquoi n'y avez-vous pas inclus une disposition sur le rôle de votre ministre qui, en consultation avec le ministre des Affaires étrangères, doit négocier et conclure ces ententes?
Mme Wong : Le projet de loi a pour objet de consacrer les ententes et les principes existants. Il ne modifie pas les ententes actuellement en vigueur entre le Canada et les États-Unis ou entre les provinces et les États. Voilà comment je peux répondre à votre question.
Le sénateur Joyal : Sauf votre respect, cette réponse n'est pas complète. Nous définirons clairement en collaboration avec les provinces le niveau auquel nous deviendrons responsables et auquel nous partageons les coûts.
Cependant, en ce qui concerne les États-Unis, le projet de loi ne prévoit pas une approche plus complète quant à la façon dont nous coopérons avec les États-Unis. À quel niveau partageons-nous les coûts? Quelle est la portion qui est récupérée et celle qui ne l'est pas?
Étant donné que ce projet de loi mentionne les responsabilités des États-Unis, comme je l'ai dit, je pensais qu'il nous éclairerait davantage par rapport à notre coopération avec les États-Unis et ce à quoi nous pouvons nous attendre de leur part.
Mme Wong : Je suis d'accord avec vous. Il s'agit d'une observation très pertinente. Je vous renvoie à la disposition qui traite de l'élaboration de plans conjoints de gestion des urgences. À mon avis et à la lecture du projet de loi, l'adjectif « conjoints » signifie que les États-Unis collaboreraient avec nous au même moment à l'élaboration d'ententes conjointes, mutuelles et réciproques en vertu de l'article 5 du projet de loi.
Le sénateur Joyal : Est-ce que vous nous fournirez l'entente cadre que vous conclurez avec eux?
Mme Wong : Il en existe une. Oui, nous vous la fournirons.
Le sénateur Joyal : En ce qui concerne l'article 7 :
Le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre, par décrets ou règlement :
c) déclarer qu'une urgence provinciale constitue un sujet de préoccupation pour le gouvernement fédéral.
Ce règlement existe-t-il à l'heure actuelle ou s'agira-t-il d'un nouveau règlement?
Mme Wong : Ce règlement n'existe pas pour l'instant.
Le sénateur Joyal : Par conséquent, les alinéas a) b) c) et d) de l'article 7 feront l'objet d'un règlement futur?
Mme Wong : S'il le faut, ces dispositions seront alors invoquées. À l'heure actuelle, selon l'alinéa 7a) à proprement parler, l'élaboration et la préparation de plans de gestion des urgences, la mise à l'essai et la mise en œuvre sont déjà prévues dans le cadre d'une politique. Par conséquent la politique existe déjà.
Le sénateur Joyal : Cependant, le règlement n'existe pas?
Mme Wong : Non, il n'existe pas de règlement.
Le sénateur Joyal : Par conséquent, aucun des sujets visés par les alinéas a), b), c) et d) de l'article 7 ne font l'objet d'un règlement?
Mme Wong : L'alinéa c) est invoqué en cas d'urgence provinciale qui constitue un sujet de préoccupation pour le gouvernement fédéral.
Pour revenir à ce qu'a déclaré le ministre, lorsque l'on invoque des arrangements prévoyant une aide financière en cas de catastrophe, et qu'il y a un élément déclencheur de l'aide financière, alors le gouverneur en conseil prend un décret pour rendre cette aide financière possible.
Le sénateur Joyal : En vertu de la loi, le gouverneur en conseil a le pouvoir de déclarer qu'il y a une urgence nationale, et le gouvernement fédéral partage automatiquement la responsabilité financière pour réagir à la situation?
Mme Wong : Oui.
[Français]
Jacques Talbot, conseiller juridique, ministère de la Justice Canada : Si vous me permettez une précision...
Le sénateur Joyal : Oui, bien sûr.
M. Talbot : Selon la Loi sur la protection civile, deux dispositions sont identiques. Jusqu'à maintenant, on a adopté au-delà de 85 décrets permettant une assistance financière aux provinces sous le programme d'assistance financière lors de catastrophe. Ces dispositions ne sont donc pas réellement nouvelles. Tout simplement, on a reporté, dans la nouvelle législation, le mécanisme existant pour donner une assistance financière après une catastrophe.
Le sénateur Joyal : Y a-t-il encore des négociations avec les provinces pour le règlement de réclamations sur des « catastrophes antérieures » où le gouvernement canadien aurait répondu à la demande des provinces?
[Traduction]
Mme Wong : Le projet de loi C-12, Loi concernant la gestion des urgences, ou la loi qui existe à l'heure actuelle, la Loi sur la protection civile, ne vise que le gouvernement du Canada. Le règlement, même celui envisagé à l'article 7 du projet de loi, ne viserait pas les provinces, ni les territoires.
Le sénateur Joyal : Je vous remercie, mais ce n'est pas la question que j'ai posée. Y a-t-il des négociations en suspens à l'heure actuelle avec les provinces pour le règlement de réclamations que les provinces auraient présenté au gouvernement fédéral en ce qui concerne des urgences fédérales précédentes dans le cadre desquelles le gouvernement fédéral serait venu à l'aide des provinces?
[Français]
M. Talbot : C'est un processus qui prend un certain temps. Selon le programme, il faut recevoir toutes les pièces justificatives de la province. Je ne peux pas vous donner une réponse précise, mais sans doute que mon client pourra vous revenir avec plus d'informations concernant les dossiers qui ne sont toujours pas réglés. En général, c'est un processus qui se déroule assez bien. La preuve, près de 90 réclamations ont été réglées, des décrets ont été adoptés et des paiements ont été effectués par le passé.
[Traduction]
Mme Wong : Il existe des réclamations en suspens qui doivent faire l'objet de négociations. Nous pouvons vous communiquer cette information en même temps que tous les autres renseignements que nous devons vous fournir.
Le sénateur Joyal : Le sénateur Nolin se rappelle peut-être de ce à quoi je pense.
[Français]
C'est le cas du Sommet à Québec, où les forces fédérales avaient dû intervenir à un moment donné. Cette intervention avait généré des coûts additionnels qui avaient fait l'objet d'une réclamation de la part du gouvernement du Québec au gouvernement canadien, car il s'agissait de coûts imprévus. À l'époque, la situation qui s'était produite allait bien au-delà de la capacité des forces de l'ordre provinciales de répondre. Évidemment, c'est dans ce cadre-là que je voulais soulever cette question.
[Traduction]
Ma dernière question porte sur le paragraphe 4(1) du projet de loi, qui indique :
Dans le cadre de la mission que lui confère l'article 3, le ministre est chargé :
l) de conclure des arrangements pour garantir la continuité de l'État constitutionnel advenant une urgence.
Pourriez-vous expliquer ce dont il s'agit?
M. Mungall : Merci de votre question, sénateur. Le ministère de la Sécurité publique a un programme visant à faire précisément ceci avec ces éléments : non la fonction publique, mais le Sénat, la Chambre des communes et les différentes cours. Le programme visant cet objectif est en cours d'élaboration ou de refonte, à ce que me disent les fonctionnaires du ministère.
Le sénateur Joyal : Pourriez-vous être plus précis?
M. Mungall : Peut-être serait-il plus approprié qu'un fonctionnaire du ministère de la Sécurité publique comparaisse en une autre occasion pour mieux expliquer les choses. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus, vu que ce n'est pas mon programme.
Le président : Vous pourriez nous envoyer un rapport écrit.
Le sénateur Joyal : Mieux vaudrait inviter un fonctionnaire ou des fonctionnaires, pour que tous les sénateurs puissent être informés.
Le président : Il y a trois personnes qui n'ont pas encore posé leurs questions et il faut qu'ensuite nous discutions...
Le sénateur Joyal : Pas aujourd'hui.
Le président : Je comprends.
Le sénateur Fraser : Je reviens à l'alinéa 7c). Le ministre a expliqué que les mesures législatives sur l'aide financière en cas de catastrophe exigeaient une déclaration d'urgence par la province au gouvernement fédéral. J'ai demandé s'il n'aurait pas été plus simple d'inclure cet article dans cette loi. Il m'a répondu que non, que cela mettait en jeu d'autres éléments, et je crois l'avoir entendu dire à la fin de sa réponse bien que je ne l'aie pas notée, qu'il existait peut-être des raisons plus larges ou une implication de ce genre l'amenant à protéger son pouvoir.
Je ne vous pose pas une question tendancieuse; je veux juste avoir la réponse. Cette disposition est-elle considérée nécessaire au vu des exigences d'autres lois ou d'ententes fédérales-provinciales ou autres? Ou est-elle jugée nécessaire parce que le gouvernement fédéral souhaite disposer d'une soupape de sûreté s'il se présentait une urgence pour laquelle le gouvernement provincial, quelle qu'en soit la raison, ne demandait pas d'aide, bien que le gouvernement fédéral estime une intervention nécessaire dans l'intérêt national?
Mme Wong : Cette disposition est nécessaire pour déclencher l'aide financière à la province ou au territoire, une fois cette aide demandée. Elle n'empiète pas sur la compétence ou l'autorité des provinces avec une intervention directe en cas d'urgence. Les alinéas 7c) et d) proposés doivent être déclenchés par une demande d'aide de la part de la province.
Le sénateur Fraser : L'alinéa d) est clair mais l'alinéa c) semble tellement plus large que je veux m'assurer du raisonnement qui le sous-tend.
Mme Wong : Le raisonnement qui le sous-tend est que le gouvernement du Canada ne peut pas intervenir dans une urgence provinciale à moins d'y être convié par la province ou le territoire.
Le sénateur Fraser : Ce n'est pas ce que dit l'alinéa 7c).
M. Talbot : Il faut lire cet alinéa avec l'alinéa 4(1)j). Avant que le gouverneur en conseil apporte de l'aide financière, il faut que l'urgence provinciale en question ait fait l'objet d'une déclaration...
Le sénateur Fraser : Oui, c'est l'alinéa 4(1)j).
M. Mungall : Ce sont deux articles qui vont de pair. L'alinéa 4(1)j) indique que si une urgence provinciale a fait l'objet d'une déclaration du gouverneur en conseil, le ministre est alors autorisé à apporter de l'aide financière. En l'absence de cette déclaration, vu la façon dont le projet de loi est agencé, le ministre ne peut pas faire cette déclaration; il faut que l'ensemble du gouverneur en conseil fasse cette déclaration avant que l'on puisse apporter de l'aide financière. C'est un mécanisme hérité de la Loi sur la protection civile.
Le sénateur Joyal : Nous allons revenir à ce point parce qu'il est essentiel.
Le sénateur Fraser : Je pense que son emplacement et son libellé sont curieux, si tel est bien son objectif.
Le sénateur Day : Puis-je avoir une question complémentaire à ce sujet?
Le président : Oui.
Le sénateur Day : Le problème tient à l'article 7, selon lequel le gouverneur en conseil peut déclarer qu'une urgence provinciale constitue un sujet de préoccupation pour le gouvernement fédéral. Cette déclaration entraîne-t-elle pour le gouvernement fédéral un droit à intervenir ou à participer à l'urgence autrement qu'avec une aide financière? En lisant ceci, mon collègue déduit que, une fois que le gouvernement fédéral a déclaré qu'une urgence provinciale constituait une préoccupation, le gouvernement fédéral pouvait alors intervenir dans cette urgence provinciale.
Le sénateur Fraser : Non, je me demandais si c'était ce à quoi tendait la disposition. Je pense qu'on pourrait l'interpréter de cette façon, mais, à ce qu'on me dit, telle n'est pas l'intention.
Le sénateur Day : Parfois le libellé est conçu à une fin mais peut couvrir autre chose et c'est bien ce dont il s'agit. Nous voudrions que vous y réfléchissiez.
Nous devons à présent poursuivre.
Le sénateur Joyal : Je pense qu'il convient de le lire en tandem avec l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 : la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Si le gouvernement du Canada craint qu'il y a une urgence nationale, un gouvernement provincial ne peut empêcher un gouvernement fédéral d'intervenir. Il ne peut pas dire : « Restez chez vous. Nous allons nous débrouiller. »
Je pense que, conformément à l'article 91, le gouvernement fédéral conserve cette capacité. J'interprète l'alinéa comme le sénateur Fraser : le gouverneur en conseil promulgue des décrets déclarant qu'une urgence provinciale constitue un sujet de préoccupation pour le gouvernement fédéral.
En lisant l'alinéa, j'ai pensé exactement la même chose que le sénateur Fraser. Ce qui est indiqué est que le gouverneur en conseil peut, par décret, « déclarer qu'une urgence provinciale constitue un sujet de préoccupation pour le gouvernement fédéral. »
Le sénateur Day : Cela donne au gouvernement fédéral cette compétence.
Le sénateur Joyal : C'est bien ainsi que je l'interprète.
M. Mungall : Bien entendu, ce type de mécanismes existe déjà dans le cadre de la Loi sur les mesures d'urgence qui dépasse la portée du projet de loi dont nous parlons. Mais je suis d'accord, sénateur : ces mécanismes existent dans des lois existantes dont il n'est pas question ici.
Le président : Même si notre Constitution ne nous garantit pas le droit de porter des armes, nous avons en tout cas la paix, l'ordre et le bon gouvernement, ce qui est une bonne chose.
Le sénateur Jaffer : Je voudrais que l'on clarifie deux choses. On utilise deux termes : « entente » et « accord ». Il y aurait une différence, me dit-on. Avec les États-Unis, s'agit-il d'entente ou d'accord?
Mme Wong : Il existe à la fois des ententes et des accords, avec les États-Unis.
Le sénateur Jaffer : Quand vous nous transmettrez les renseignements, nous transmettrez-vous les deux?
Mme Wong : Nous vous donnerons tous les renseignements dont nous disposons. Le protocole d'entente bilatéral entre le Canada et les États-Unis est un accord.
Le sénateur Jaffer : La Loi sur la sécurité publique donne au ministre le pouvoir de proclamer des mesures d'urgence avec l'autorité dont il dispose déjà, en contournant le processus habituel. Est-ce que cela s'appliquerait également aux dispositions habilitantes du projet de loi?
Mme Wong : Avez-vous parlé de la Loi sur la sécurité publique? Il s'agit de deux lois distinctes entre lesquelles il n'y a pas de rapport direct.
Le sénateur Joyal : Avez-vous dit qu'il n'y avait pas de rapport?
Mme Wong : Il n'y a pas de rapport direct entre les deux.
Le sénateur Jaffer : Il n'y a donc pas dans la Loi sur la sécurité publique deux dispositions habilitantes qui s'appliquent au projet de loi que nous étudions?
Mme Wong : À ma connaissance, il n'y a pas dans la Loi sur la sécurité publique, que je connais mal, de règlement qui s'appliquerait au titre de l'article 7 du projet de loi concernant la gestion des urgences, le C-12.
Le sénateur Joyal : Nous nous pencherons sur la question. Peut-être le ministère de la Justice pourrait-il également étudier la question.
Le président : Nous voulons remercier nos témoins d'avoir bien voulu rester. Leur présence a été utile. Madame Wong, messieurs, merci beaucoup à tous.
La séance est levée.