LA BOMBE À RETARDEMENT DÉMOGRAPHIQUE :
ATTÉNUER LES EFFETS DES CHANGEMENTS DÉMOGRAPHIQUES AU CANADA
« Les dés sont jetés : nous ne pouvons pas faire grand chose pour ralentir ou renverser la tendance du vieillissement de la population canadienne au cours des prochaines décennies. Mais nous pouvons très certainement mieux nous y préparer. Et pour cela, nous devons disposer d'une meilleure information sur les répercussions financières à long terme de l'évolution démographique. »
vérificatrice générale du Canada
Rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce
L’honorable Jerahmiel S. (Jerry) Grafstein, c.r., président
L’honorable W. David Angus, c.r., vice-présidentet les honorables sénateurs
Michel Biron |
Céline Hervieux-Payette, C.P. |
Juin 2006
MEMBRES
L’honorable sénateur Jerahmiel S. (Jerry)
Grafstein, c.r., président
L’honorable sénateur W. David Angus, c.r., vice-président
et
les honorables sénateurs :
Michel Biron |
Céline Hervieux-Payette, C.P. |
J. Trevor Eyton, c.r. |
* Marjory LeBreton, C.P. (ou Gerald J. |
D. Ross Fitzpatrick |
Comeau) |
Yoine Goldstein |
Paul J. Massicotte |
Mac Harb |
Michael A. Meighen, c.r. |
* Daniel P. Hays (ou Joan Fraser) |
Wilfred P. Moore, c.r. |
|
David Tkachuk |
* Membres d’office du Comité
Autres sénateurs ayant participé à cette étude:
Les honorables sénateurs Maria Chaput, James Cowan, c.r.,
Leonard J. Gustafson,
James F. Kelleher, c.r., C.P., Donald H. Oliver, c.r., et Madeleine Plamondon.
Service d'information et de recherche parlementaires,
Bibliothèque du Parlement :
June Dewetering, analyste principale par intérim
Philippe Bergevin, analyste
Sheena Starky, analyste
Direction des comités du Sénat :
Matthieu Boulianne, adjoint administratif
Personnel affecté à l’étude durant la 1re session de la 38e législature :
Service d'information et de recherche parlementaires,
Bibliothèque du Parlement :
Jean Dupuis, analyste
Direction des comités du Sénat:
Gérald Lafrenière, greffier
Nicole Bédard, adjointe administrative
Greffier du Comité
Dre Line Gravel
ORDRE DE RENVOI
Extrait des Journaux du Sénat du mercredi, 2 mai 2006 :
L'honorable sénateur Grafstein propose, appuyé par l'honorable sénateur Moore,
Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, les changements démographiques qui se produiront au Canada d'ici une vingtaine d'années, les répercussions de ces changements sur l'économie, le marché du travail et le système de revenu de retraite, et les mesures que pourrait prendre le gouvernement fédéral pour composer avec ces changements;
Que les documents et témoignages recueillis à ce sujet au cours de la trente-huitième législature et tout autre document parlementaire et témoignage pertinent concernant ledit sujet soient renvoyés à ce Comité;
Que le Comité présente un rapport final sur ces questions au plus tard le 30 juin 2006.
La motion, mise aux voix, est adoptée.
- - -
Extrait des Journaux du Sénat du mercredi, 31 mai 2006 :
L'honorable sénateur Grafstein propose, appuyé par l'honorable sénateur Corbin,
Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce autorisé par le Sénat le 2 mai 2006 à étudier, pour en faire rapport, les changements démographiques qui se produiront au Canada d'ici une vingtaine d'années, conserve jusqu'au 31 juillet 2006 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.
Après débat,
La motion, mise aux voix, est adoptée.
Paul C. Bélisle
Le greffier du Sénat
CHAPITRE 2 : PROFIL DÉMOGRAPHIQUE DU CANADA ET CHANGEMENTS DÉMOGRAPHIQUES PRÉVUS
CHAPITRE 3 : ATTÉNUER LES EFFETS DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION CANADIENNE
A. Trouver de meilleurs moyens pour encourager les gens à travailler et remédier aux obstacles qui les découragent de le faire
1. Mesures devant être prises à titre individuel
2. Mesures devant être prises par les entreprises
3. Mesures devant être prises par le gouvernement fédéral
4. Recommandations du ComitéC. Améliorer l’établissement et l’intégration des immigrants au Canada
D. Améliorer les mesures d’incitation à l’épargne
E. Améliorer la gestion du gouvernement fédéral
F. Améliorer le financement fédéral des régimes de pension et des soins de santé publics
1. Besoins et coûts en matière de soins de santé
2. L’importance des régimes de pension publics et leurs coûts
3. Recommandations du Comité
G. Accroître la croissance de la productivité
RÉALITÉ DES CHANGEMENTS
DÉMOGRAPHIQUES
· Le taux de natalité au Canada est environ 40 p. 100 au dessous du niveau nécessaire pour prévenir une diminution de population à long terme. (p. 4) · D’ici 2031, le nombre de Canadiens âgés de 65 ans ou plus passera de 13 p. 100 actuellement à environ 25 p. 100. (p. 5) · On estime que les dépenses publiques par habitant consacrées aux soins de santé pour les personnes âgées de 65 ans et plus sont près de cinq fois supérieures à celles du reste de la population. (p. 34) · Depuis 2000, l’immigration représente plus de 60 p. 100 de la croissance démographique au Canada. Il sera plus difficile pour le Canada d’attirer les immigrants aux cours des 10 à 20 prochaines années puisqu’il aura à rivaliser avec d’autres pays et que les sources historiques d’immigrants connaissent aussi un vieillissement de la population et une baisse des taux de natalité. (pp. 7, 30) · D’ici 2030, on prévoit qu’il y aura 40 retraités pour 100 personnes en âge de travailler alors qu’il y en avait 21 pour 100 en 2003. (p. 9) · Les versements de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti devraient augmenter de 0.5 p. 100 à 1 p. 100 du PIB d’ici 2030, et les coûts des services de santé publics, 2.5 p. 100 à 4 p. 100 d’ici 2040. (p. 36) |
Veuillez noter que les recommandations qui figurent dans le présent sommaire doivent être lues dans le contexte du raisonnement énoncé dans le corps du rapport. Pour savoir à quelle partie du rapport chacune se rapporte, il suffit de se reporter au numéro de page indiqué à la fin de la recommandation.
RECOMMANDATIONS
1. Que le gouvernement fédéral modifie la Loi de l'impôt sur le revenu afin de réduire les taux d'imposition des particuliers et d’augmenter les seuils. En particulier, ces taux et seuils devraient inciter les Canadiens à travailler et à conserver leur emploi. (p. 23)
2. Que le gouvernement fédéral examine les initiatives en place visant à promouvoir l'éducation permanente en vue d’en déterminer l’efficacité. Il doit aussi examiner la possiblité de mettre en place d’autres types d’incitatifs fiscaux et non fiscaux qui cibleraient les employés et les employeurs afin de faciliter cette apprentissage.
Il doit procéder à cet examen et aller de l’avant avec tout changement ou toute nouvelle mesure nécessaire pour garantir l’éducation permanente d’ici le 31 mars 2007. (p. 24)
3. Que le gouvernement fédéral modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne afin de rendre discriminatoire le fait de mettre fin à l’emploi d’un individu parce qu’il a atteint l’âge normal de la retraite d’employés occupant ce genre de poste.
Le gouvernement fédéral s'assure que la Loi canadienne sur les droits de la personne continue de protéger les personnes contre la discrimination au travail fondée sur le sexe et l'âge.
En outre, le gouvernement doit, à la prochaine réunion qu’il tiendra avec les intervenants pour discuter de la Partie III du Code canadien du travail, examiner les modifications qu’il faudrait apporter pour donner aux employés la souplesse qui leur permettrait de poursuivre, sinon d'améliorer, leur participation au marché du travail. Ces modifications – telles que des prestations calculées au prorata pour les travailleurs à temps partiel, le soins des personnes âgées et les horaires variables – devraient favoriser la participation parmi la main-d’œuvre active des travailleurs âgées et d’autres travailleurs, y compris les femmes. (p. 25)
4. Que le gouvernement fédéral modifie la Loi sur la sécurité de la vieillesse pour :
- reporter la réception des prestations de Sécurité de la vieillesse, avec les rajustements actuariels appropriés;
- exonérer une partie des revenus d'emploi de la disposition de récupération fiscale associée au Programme du supplément du revenu garanti;
- s'assurer que le montant de l'Allocation au conjoint et le moment de sa perception ne représentent pas une désincitation des prestataires à participer au marché du travail.
En outre, le ministre des Finances doit, à la prochaine réunion qu’il tiendra avec les ministres provinciaux et territoriaux responsables du Régime de pensions du Canada, examiner la faisabilité des changements suivants au Régime :
- supprimer l'exigence que les individus doivent cesser d'être employés avant de commencer à recevoir des prestations de retraite;
- modifier le rajustement actuariel qui est apporté lorsque les prestations commencent avant 65 ans en l'augmentant à 8 p. 100 par année;
- permettre l'accumulation des crédits pour leur pension en fonction des revenus d'emploi après 65 ans.
Enfin, le gouvernement doit modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin que les régimes de pension agréés puissent verser les prestations de retraite aux individus qui travaillent pour un employeur qui est le promoteur de régime ou un employeur ayant des liens avec le régime. Ces régimes doivent aussi permettre aux employés d'accumuler des droits à pension en fonction de leur emploi. (p. 26)
5. Que le gouvernement fédéral modifie le Règlement de la Loi de l'impôt sur le revenu de façon à ce que les taux de déduction pour amortissement correspondent au moins à la durée de vie utile de biens. (p. 28)
6. Que le gouvernement fédéral invite les gouvernements provinciaux et territoriaux, le cas échéant, à se réunir d’ici le 31 mars 2007 au plus tard, pour élaborer un plan visant :
- à assurer que des services d’intégration et d’établissement des immigrants bénéficiant d’un financement approprié et équitable soient disponibles à l’échelle du Canada, comte tenu de l’annonce faite dans Le plan budgétaire de 2006;
- à offrir aux immigrants des mesures incitatives appropriées pour qu’ils s’établissent dans différentes régions au Canada et ailleurs que dans les grands centres urbains;
- à faire du Canada un lieu d’immigration attrayant pour les immigrants qualifiés;
- à reconnaître et concilie, par le truchement de l’agence annoncée dans Le plan budgétaire de 2006, les titres de compétences que les immigrants ont obtenus à l’étranger.
Ce plan devrait être rendu public au plus tard le 1er septembre 2007. (p. 31)
7. Que le gouvernement fédéral modifie la Loi de l’impôt sur le revenu de façon à augmenter le plafond de cotisation des régimes enregistrés d’épargne-retraite à 27 000 $ d’ici 2012. Il faudrait modifier en conséquence également les régimes de pension agréé, et augmenter le plafond en fonction de l’évolution de la rémunération moyenne au Canada. (p. 33)
8. Que le gouvernement fédéral, afin de pouvoir financer les dépenses liées à l’âge et les recommandations du présent rapport, devrait :
- continuer de réduire la taille de la dette fédérale (le déficit accumulé)
- atteindre un ratio de la dette au PIB de 20 p. 100 d’ici 2015;
-
mettre au point un
mécanisme permanent d’examen annuel des dépenses fiscales et dépenses de
programme, de façon à réduire les dépenses dans les domaines qui ne
constituent plus des priorités aux yeux des Canadiens.
(p. 34)
9. Que le gouvernement fédéral participe à un dialogue permanent sur les soins de santé avec les premiers ministres, de manière à assurer:
- qu’il existe des mesures de responsabilisation;
- que le régime des soins de santé est efficace et efficient;
- que des fonds suffisants sont affectés aux mesures de prévention et de diagnostic précoce.
En ce qui concerne le régime des pensions public, il faudrait que le gouvernement – de concert avec les partenaires provinciaux et territoriaux, le cas échéant – assure un examen permanent des coûts du système de santé.
Compte tenu de l’existence d’obligations législatives de produire des rapports relativement à certains programmes et certaines initiatives, il faudrait que le gouvernement rende compte au Parlement de la situation des régimes publics de soins de santé et de pensions. (p. 38)
10. Que le gouvernement fédéral agisse rapidement pour mettre en application les recommandations du rapport de juin 2005 du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé Il est temps d'agir pour rattraper notre retard – Comment améliorer la productivité du Canada compte tenu des mesures annoncées dans Le plan budgétaire de 2006. (p. 40)
LA BOMBE À RETARDEMENT DÉMOGRAPHIQUE : ATTÉNUER LES EFFETS DES CHANGEMENTS DÉMOGRAPHIQUES AU CANADA
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION
Les dés sont jetés : nous ne pouvons pas faire grand chose pour ralentir ou renverser la tendance du vieillissement de la population canadienne au cours des prochaines décennies. Mais nous pouvons très certainement mieux nous y préparer. Et pour cela, nous devons disposer d'une meilleure information sur les répercussions financières à long terme de l'évolution démographique. (vérificatrice générale du Canada)
Selon une étude économique du Canada réalisée en 2004 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le vieillissement de la population canadienne comporte deux enjeux importants :
Ø faire en sorte que les niveaux de vie continuent de s’améliorer régulièrement, malgré l’élévation du taux de dépendance économique des personnes âgées;
Ø assurer la viabilité des finances publiques à long terme à tous les paliers de gouvernement, compte tenu en particulier des pressions à la hausse qui s’exerceront sur les dépenses publiques de santé.
Au moment d’examiner ces deux enjeux, le Comité s’est rappelé de l’une de ses récentes études sur la productivité. Dans notre rapport de juin 2005 intitulé Il est temps d’agir pour rattraper notre retard : Comment améliorer la productivité du Canada?, nous indiquions en effet que le Canada devait améliorer sa productivité pour être en mesure de relever les défis budgétaires et sociaux à venir. Nous recommandions des mesures à prendre dès maintenant pour stimuler la productivité et l’innovation de façon à ce que les Canadiens puissent jouir du niveau et de la qualité de vie élevés qu’ils souhaitent et méritent.
Le 23 novembre 2004, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a été autorisé à tenir une table ronde sur le thème des changements démographiques qui se produiront au Canada d’ici une vingtaine d’années. La table ronde, qui s’est tenue les 19 et 20 octobre 2005, visait essentiellement à définir les changements démographiques à venir et examiner des mesures qui pourraient être prises pour atténuer les conséquences économiques, sociales et financières de ces changements.
C’est donc dans cette optique que le Comité a réuni un vaste éventail de spécialistes canadiens et étrangers : universitaires, ministères fédéraux et organismes responsables de l’élaboration des politiques gouvernementales. Les témoins lui ont fourni des renseignements utiles sur la nature des changements démographiques qui nous attendent ainsi que sur la portée des mesures qui pourraient être mises en œuvre pour en atténuer les effets non souhaitables.
Dans le présent rapport, le Comité résume certains des éléments clés des présentations qui lui ont été faites au cours du bref examen qu’il a fait de cette question cruciale, question à laquelle il est fait référence dans des rapports parlementaires précédents – y compris, par exemple, le rapport de 1996 du Comité spécial du Sénat sur le vieillissement et le rapport intérimaire de 2001 du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie au sujet du rôle du gouvernement fédéral concernant la santé des Canadiens – mais qui n’a pas fait l’objet d’un examen approfondi depuis fort longtemps. Il y expose aussi ses réflexions et y formule des recommandations sur les mesures qui devraient être prises – sans délai – pour faire en sorte que les Canadiens, les entreprises canadiennes et l’économie du pays soient bien préparés pour faire face aux changements démographiques futurs.
CHAPITRE 2 :
PROFIL DÉMOGRAPHIQUE DU CANADA ET CHANGEMENTS DÉMOGRAPHIQUES PRÉVUS
Une population est un être vivant qui se transforme constamment : des nouveaux venus s’ajoutent, certains disparaissent, tout le monde vieillit, des familles se forment et se déforment; et chacun, suivant les phases de la vie, change de fonctions : d’abord en voie de formation, puis producteur éducateur, enfin retraité plus ou moins serviable ou, au contraire, dépendant. En outre, à chaque individu se rattachent les caractéristiques : certaines fixes, comme le sexe, la langue maternelle; d’autres plus variables, comme le métier et le lieu de résidence. Tout cela forme un ensemble complexe, dont les éléments varient en importance. (M. Jacques Henripin, Université de Montréal)
Les changements démographiques – et le vieillissement de la population – sont influencés essentiellement par trois facteurs :
Ø la fécondité, ou le taux de natalité;
Ø la mortalité, ou le taux de mortalité;
Ø l’immigration nette.
À compter de la fin du XIXe siècle et pendant la majeure partie du XXe siècle, l’espérance de vie dans les pays développés s’est généralement accrue de façon constante en raison de l’amélioration des conditions d’hygiène et de l’alimentation, des progrès de la technologie médicale et de différents facteurs liés à l’espacement des naissances et à la taille des familles.
Cette période a toutefois été marquée par un déclin général des taux de fécondité. Cette baisse s’explique par des facteurs comme les mariages et les maternités plus tardifs, l’augmentation des risques de divorce, l’établissement de transferts gouvernementaux aux aînés et la plus grande facilité d’accès à des méthodes de contraception et à des cliniques d’avortement sûres et efficaces. La croissance des revenus, les niveaux de scolarité plus élevés, les frais de garderie et autres dépenses directes et indirectes liées à l’éducation des enfants ainsi que la participation accrue des femmes au marché du travail ne sont pas étrangers non plus à la baisse de fécondité.
Selon un bon nombre des témoins entendus par le Comité, ces tendances sont observables partout dans le monde. Ainsi, le McKinsey Global Institute affirme que « la population mondiale vieillit. Sur toute la planète […] la dénatalité et l’allongement de la durée de vie ont pour conséquence un vieillissement démographique rapide. […] Le vieillissement démographique et ses répercussions sont en train de devenir des enjeux sociaux, politiques et économiques majeurs ».
Le ministère des Finances croit pour sa part que le phénomène du vieillissement de la population touchera tous les pays industrialisés et en voie de développement, mais « les conséquences du vieillissement de la population se feront sentir plus durement au Canada que dans la plupart des autres pays industrialisés. […] Parmi les pays de l’[Organisation de coopération et de développement économiques], il est probable que le Canada connaîtra la hausse la plus marquée, la sixième, du ratio des aînés à la population en âge de travailler […]. [C]ela se traduira du côté financier par des pressions sur les dépenses gouvernementales liées à l’âge de sa population, comme les régimes universels de pension et de soins de santé. [De même], ce phénomène exercera des pressions à la baisse sur la mesure du niveau de vie en fonction du [produit intérieur brut] par habitant […] ».
Statistique Canada a indiqué au Comité que l’espérance de vie des Canadiens est de 77 ans et celle des Canadiennes, de 82 ans environ. Nous avons aussi appris que le taux de natalité doit être d’au moins 2,1 enfants par femme pour assurer le renouvellement de la population. À l’heure actuelle, il est de 1,5 enfant par femme. De l’avis de la New America Foundation, « le taux de natalité au Canada est environ 40 p. 100 au dessous du niveau nécessaire pour prévenir une diminution de population à long terme ». M. Robert Brown de l’Université de Waterloo a indiqué que le nombre de naissances vivantes avait atteint un niveau record au Canada en 1959, tandis que le Conference Board du Canada a indiqué que le taux de fécondité avait culminé à quatre enfants par femme en âge de procréer cette même année.
Graphique 1 : Espérance de vie à la naissance, Canada, 1931-2002
Note : Les données antérieures à
1979 correspondent à celles du recensement, tandis que les données ultérieures à
1979 sont des estimations annuelles.
Source: Statistique Canada, Statistiques historiques et CANSIM 102-0511.
À propos de l’évolution des taux de fécondité, M. Jacques Henripin de l’Université de Montréal a tenu les propos suivants : « Le Canada est en train de devenir un des pays les moins féconds. […]. Je pense que l’on doit s’inquiéter du rythme actuel de la dégringolade de la reproduction humaine au même titre qu’on le ferait pour une dénatalité soudaine chez les animaux ». Certains témoins ont émis des observations au sujet des politiques en vigueur en France et au Québec pour stimuler la natalité. Leurs avis divergent toutefois quant au degré d’efficacité des politiques natalistes pour accroître les taux de fécondité.
Graphique 2 : Taux de fécondité, Canada, 1926-2002
Source : Statistique Canada, Statistiques de l'état civil, Base de données sur les naissances, CANSIM, tableau 102-4505; et Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde, 2005.
À l’exception des taux de fécondité
accrus durant l’explosion démographique (le baby boom) qui a suivi la Deuxième
Guerre mondiale, ces tendances à la baisse du taux de fécondité et à la hausse
de l’espérance de vie ont eu une incidence sur le profil démographique du
Canada. Le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus devrait passer de
3,9 millions en 2000 à environ 7,8 millions en 2026, pour atteindre près de
9,4 millions en 2051. Le segment de la population âgée qui connaîtra la
croissance la plus rapide sera celui des plus des 80 ans et plus, dont la taille
doublera presque entre 2000 et 2026 et quadruplera entre 2000 et 2051. La
proportion de personnes âgées, qui était de 8 p. 100 en 1971, est maintenant de
13 p. 100. D’ici 2031, environ le quart des Canadiens auront 65 ans ou plus.
Graphique 3 : Pyramide des âges de la population canadienne au 1er juillet 1984, 1994 et 2004
Source : Statistique Canada, Statistiques démographiques annuelles, 2004, 2005, p. 27.
Les plus récentes projections démographiques indiquent que la population du Canada continuera de croître dans un avenir prévisible, mais que le taux de croissance diminuera au fil du temps et finira peut-être par être négatif. On prévoit que la population du Canada passera de 31 millions d’habitants en 2000 à environ 36 millions en 2026, pour atteindre un sommet d’un peu plus de 37 millions en 2040, pour ensuite redescendre graduellement en-deçà des 37 millions en 2051. En 2024, on prévoit que le nombre de décès sera supérieur au nombre de naissances et que la population continuera d’augmenter légèrement jusqu’en 2040 grâce à l’immigration. Selon l’actuaire en chef du Canada, après 2030, la migration nette sera la seule composante de la croissance démographique prévue.
Statistique Canada a fait savoir au Comité qu’entre 1996 et 2005, la croissance de la population canadienne a atteint son niveau le plus bas. Même si le taux de croissance demeure relativement élevé – sensiblement supérieur à celui du Japon et de bien d’autres pays d’Europe occidentale, le Canada occupant le deuxième rang à ce chapitre parmi les pays du G 8 – pour la première fois depuis 100 ans, il a été inférieur à celui des États-Unis. Le Ministère attribue le taux de fécondité relativement plus élevé aux États-Unis à trois raisons :
Ø le taux de natalité élevé chez les adolescentes;
Ø les femmes de 20 à 29 ans aux États-Unis ont un taux de fécondité beaucoup plus élevé que les femmes canadiennes du même âge;
Ø aux États-Unis, les femmes ont leur premier enfant en moyenne à l’âge de 24 ou 25 ans, tandis qu’au Canada la première maternité survient en moyenne à la fin de la vingtaine.
Le Conference Board du Canada a souligné au Comité qu’aux États Unis, les taux de fécondité des Afro-américaines et des immigrantes d’origine latino-américaine sont plus élevés que la moyenne calculée pour l’ensemble des Américaines. De plus, le taux de fécondité des femmes caucasiennes ou des femmes appartenant aux minorités non visibles est plus élevé aux États-Unis qu’au Canada, même si les différences ne sont pas aussi marquées.
Statistique Canada a aussi fait remarquer que depuis le début des années 1990, l’immigration internationale au Canada est devenue la principale source de croissance de la population. Depuis 2000, plus de 60 p. 100 de la croissance démographique lui est attribuable, et elle pourrait bien devenir le seul facteur de croissance si la fécondité demeure faible. Si l’immigration contribue à la croissance démographique, elle a toutefois peu d’impact sur le vieillissement de la population.
D’ici 2017, un Canadien sur cinq appartiendra à une minorité visible. Le Comité s’est fait dire qu’un nombre de plus en plus grand d’immigrants canadiens vient de l’Asie et du Moyen Orient; toutefois, les immigrants chinois et sud asiatiques demeurent les groupes minoritaires les plus importants. Les immigrants ont tendance à s’installer dans les trois plus grandes agglomérations urbaines du pays, à savoir Toronto, Vancouver et Montréal. À Toronto et à Vancouver, les minorités visibles représentaient 37 p. 100 de la population en 2001, et ce pourcentage pourrait atteindre 50 p. 100 d’ici 2017. Les immigrants choisissent ces villes de préférence à d’autres pour les raisons suivantes :
Ø la proximité de membres de leur famille ou d’amis;
Ø les perspectives d’emploi;
Ø le climat;
Ø la langue.
Statistique Canada a aussi indiqué qu’une proportion de plus en plus grande des nouveaux arrivants n’ont ni l’anglais ni le français comme langue maternelle. De même, leur revenu hebdomadaire moyen est relativement faible et le taux de faible revenu est plus élevé chez les nouveaux immigrants. Leur niveau de scolarité supérieur ne change rien à cette situation. L’expérience acquise à l’étranger procure moins d’avantages qu’auparavant – ce qui est particulièrement vrai dans le cas des travailleurs plus âgés – et dans l’ensemble, les nouveaux venus sur le marché du travail éprouvent des difficultés et voient leur situation économique se détériorer.
La génération du baby boom – qui désigne généralement les Canadiens nés entre 1946 et 1966 – est sans doute le groupe d’âge qui aura le plus d’incidence sur les changements démographiques futurs, et le départ à la retraite des baby boomers aura d’importantes répercussions sur le marché de l’emploi. À l’heure actuelle, la majorité des baby boomers est encore en âge de faire partie de la population active. À compter de 2011, beaucoup d’entre eux atteindront toutefois l’âge de la retraite et au cours des 20 années suivantes, des cohortes successives de baby boomers franchiront tour à tour le cap des 65 ans. Aux dires de l’actuaire en chef du Canada, la plupart des baby boomers auront pris leur retraite d’ici 2030.
Le vieillissement des baby boomers, allié à l’augmentation de l’espérance de vie, aura non seulement pour effet de grossir rapidement les rangs des personnes âgées mais fera en sorte que celles-ci vivront beaucoup plus longtemps. Cela étant dit, il y a une différence entre les travailleurs âgés d’aujourd’hui et ceux de demain. Selon Statistique Canada, les travailleurs âgés de demain auront une scolarité moyenne supérieure et une plus grande expérience du marché du travail.
Graphique 4 : Changement projeté de la démographie canadienne, en 2026 et 2051
Source : Statistique Canada, Projections démographiques pour le Canada, les provinces et les territoires, 2000 2026, mars 2001, tableau 18, p. 68.
Les changements démographiques modifieront le rapport de dépendance, qui est défini comme étant la proportion d’enfants de 14 ans et moins et de personnes âgées de 65 ans et plus – c’est-à-dire la population non active – par rapport à la population des 15 à 64 ans – c’est-à-dire la population active. La fluctuation de la taille relative des populations active et non active aura une incidence sur la croissance économique, les finances publiques, les marchés financiers et le marché du travail, ainsi que dans beaucoup d’autres domaines. De même, les différentes régions du Canada ainsi que les régions urbaines et rurales ne seront pas toutes touchées de la même façon.
Graphique 5 : Rapport de dépendance au Canada, 1991 2051
Note : Le rapport de dépendance exprime le nombre de « personnes dépendantes » pour 100 personnes en « âge de travailler ». À partir de 2001, tous les chiffres sont des projections.
Source : Statistique Canada, Projections démographiques pour le Canada, les provinces et les territoires, 2000 2026, mars 2001, tableau 21, p. 77.
Selon l’actuaire en chef du Canada, le
rapport de dépendance devrait augmenter. En 2003, il y avait 21 retraités pour
100 personnes en âge de travailler; en 2030, on prévoit qu’il y aura 40
retraités pour 100 personnes en âge de travailler. De plus, pour la période
allant de 2003 à 2030, le nombre de jeunes devrait diminuer pour passer de 40 à
37 par 100 personnes en âge de travailler. La taille de la population active
devrait augmenter, sauf pour la période allant de 2002 à 2030, qui correspond à
celle où les baby boomers atteindront l’âge de la retraite; le pourcentage de la
population en âge de travailler par rapport à la population totale devrait
toutefois diminuer.
Le rapport de dépendance est un concept largement répandu, mais le directeur du Projet de recherche sur les politiques le qualifie néanmoins de « concept limité » pour les raisons suivantes :
Ø il prend pour acquis qu’une proportion constante des 15 à 64 ans participe au marché du travail alors qu’en fait, certains joignent les rangs de la population active plus tard et s’en retirent plus tôt;
Ø il prend pour acquis que l’intensité de la participation de la population active demeure stable;
Ø il ne tient aucunement compte de la capacité de l’économie de mettre à profit le travail de ces employés;
Ø il ne tient pas compte de la qualité ou de la productivité des employés.
CHAPITRE 3 :
ATTÉNUER LES EFFETS DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION CANADIENNE
Le Canada est confronté à un phénomène démographique sans précédent qui commence à se répandre dans tous les coins du globe. Aujourd’hui, dans les deux hémisphères, des pays les plus riches aux plus pauvres, dans les pays chrétiens, taoïstes, confucianistes, hindous et surtout islamiques, une grande tendance sociale dominante caractérise ce début de XXIe siècle : partout, le taux de natalité est à la baisse. Aujourd’hui, les taux de fécondité à l’échelle mondiale sont deux fois moindres qu’en 1972. Aucun pays industrialisé ne produit assez d’enfants pour maintenir sa population ou pour en prévenir le vieillissement rapide. […] [I]l y a aujourd’hui 59 pays, qui représentent environ 44 p. 100 de la population mondiale, qui ne produisent actuellement pas assez d’enfants pour prévenir le déclin de la population. (New America Foundation)
Il ne fait aucun doute que les changements démographiques et le vieillissement de la population canadienne créeront de nouvelles pressions, et le Comité croit – maintenant plus que jamais – qu’il faut intervenir pour accroître le niveau de vie. Fondamentalement, la hausse du niveau de vie est tributaire de l’amélioration de la productivité. C’est pourquoi nous espérons que le gouvernement fédéral agira rapidement pour donner suite à toutes les principales recommandations contenues dans notre rapport de juin 2005.
Pour compléter ces recommandations, le Comité formule dans le présent rapport d’autres recommandations à mettre en œuvre dans les plus brefs délais pour aider le Canada à relever les défis qui se poseront à lui au fur et à mesure que la taille de la population active rétrécira par rapport à celle de la population non active, puisque notre population continue de vieillir et que nous devons chercher à maximiser notre croissance et notre prospérité – pour le bénéfice de l’ensemble des citoyens – à la lumière des changements démographiques à venir.
Le Comité estime que des améliorations s’imposent à de nombreux niveaux :
Ø il faut trouver des moyens d’encourager les gens à joindre les rangs de la population active et remédier aux obstacles institutionnels et financiers qui les dissuadent de le faire;
Ø il faut trouver de meilleurs moyens pour inciter les entreprises à investir dans des outils d’amélioration de la productivité;
Ø il faut faciliter l’intégration des immigrants à la société canadienne;
Ø il faut trouver des moyens d’encourager l’épargne;
Ø il faut que les finances fédérales restent saines;
Ø il faut assurer la viabilité du financement fédéral des soins de santé et des régimes de retraite publics;
Ø il faut stimuler la croissance de la productivité.
A. Trouver de meilleurs moyens pour encourager les gens à travailler et remédier aux obstacles qui les découragent de le faire
Pratiquement tous les témoins entendus par le Comité ont insisté sur la nécessité d’améliorer les mesures pour encourager les gens à travailler – ou, à tout le moins, supprimer les obstacles qui les découragent de le faire afin d’abord de les inciter à travailler plus longtemps, mais aussi à travailler un plus grand nombre d’heures. À leur avis, il est crucial que tous ceux qui choisissent de travailler puissent le faire et aient le loisir de décider comment et dans quelle mesure ils souhaitent s’intégrer à la population active, si nous voulons atténuer les effets du vieillissement de la population.
Même si beaucoup de témoins ont parlé de mettre en œuvre des mesures pour améliorer la participation au marché du travail des travailleurs plus âgés qui choisissent de continuer à travailler, le Comité appuie la position générale adoptée par certains témoins, à savoir qu’il y a au Canada un certain nombre de groupes qui sont peu représentés au sein de la population active – par exemple, les personnes handicapées, les Autochtones et les immigrants – et que des mesures devraient être adoptées pour qu’ils puissent eux aussi participer au marché du travail de la façon de leur choix. Nous croyons, de façon plus générale, que ce choix devrait être offert aussi aux employés actuels. À notre avis, tous les citoyens devraient être en mesure de choisir, puisque l’exclusion de la population active peut conduire à l’exclusion sociale et priver les gens de moyens de subsistance décents et d’un revenu de retraite suffisant. La participation de tous au marché du travail est nécessaire pour que le Canada prospère.
Au moment d’élaborer des solutions politiques, il faut prendre en compte les facteurs qui empêchent certains groupes de citoyens de participer au marché du travail ou d’y participer pleinement. Par exemple, les personnes handicapées n’ont peut-être pas le soutien et les aménagements voulus en milieu de travail ou, comme bon nombre d’Autochtones, n’ont peut être pas suffisamment accès à la formation professionnelle et pratique qui leur permettrait de décrocher un emploi rémunérateur. Les femmes ne peuvent peut être pas participer comme elles le voudraient, parce que les conditions d’emploi ne sont pas assez souples, que le choix de garderies est limité ou qu’elles sont victimes de discrimination dans l’emploi. De même, les personnes handicapées, les Autochtones et les minorités visibles peuvent être victimes de discrimination liée à l’emploi, tandis que les aînés peuvent faire l’objet de ségrégation en raison de leur âge. Il est clair qu’il existe une multitude de raisons pour lesquelles les citoyens ne peuvent peut-être pas participer ou participer pleinement au marché du travail.
La majorité des témoins s’entendent pour dire qu’il faut s’efforcer d’améliorer les choix offerts aux aînés et à ceux qui arrivent à l’âge de la retraite et souhaitent demeurer au sein de la population active. Pour comprendre les raisons pour lesquelles les aînés sont absents du marché du travail, il faut prendre en considération les facteurs qui influencent leur décision de prendre leur retraite. Le Projet de recherche sur les politiques en a relevé un certain nombre :
Ø réduction des versements au titre de la Sécurité de la vieillesse/Supplément de revenu garanti lorsqu’un revenu est gagné;
Ø retraite du conjoint ou de la conjointe;
Ø manque de compétences;
Ø maladie et/ou incapacité;
Ø manque de souplesse des conventions collectives;
Ø modalités des régimes de retraite privés qui encouragent fortement le départ à la retraite;
Ø milieux de travail non adaptés;
Ø conditions de travail trop rigides;
Ø discrimination fondée sur l’âge;
Ø manque de programmes de formation à l’intention des travailleurs âgés;
Ø dispositions de retraite obligatoire;
Ø niveau élevé des taux d’imposition effectivement applicables aux personnes qui travaillent et touchent en même temps un revenu de retraite;
Ø mesures d’encouragement à la retraite anticipée dans le Régime de pensions du Canada.
Selon l’Organisation de coopération et
de développement économiques, « si les taux de participation chez les
travailleurs âgés pouvaient augmenter progressivement pour atteindre d’ici 2030
le maximum observé dans l’OCDE en 2000, la population active en 2050 serait
supérieure de 3 millions de personnes, ce qui est très près des taux de
croissance historiques ». L’organisme souligne toutefois que « les travailleurs
âgés au Canada se heurtent toujours à d’importants obstacles à l’emploi […] ».
Le Comité convient certes qu’il faut supprimer les obstacles à l’emploi auxquels
se heurtent les travailleurs plus âgés, mais il est d’avis que l’application des
solutions doit être plus générale de façon qu’aucun citoyen n’ait à surmonter ce
genre d’obstacle.
Graphique 6 : Âge moyen de la retraite au Canada, selon le sexe, 1976 - 2004
Source : Statistique Canada, Enquête sur la population active, CANSIM, tableau 282-0051.
De l’avis de l’Organisation de
coopération et de développement économiques, « en donnant aux gens la
possibilité de rester sur le marché du travail plus longtemps, on pourrait
prévenir un important déclin de la population active dans les décennies à venir.
[…] Pour les gouvernements, les employeurs et les syndicats, il faut offrir des
conditions propices à un prolongement de la vie au travail. » L’organisme fait
toutefois aussi la mise en garde suivante : « une trop grande flexibilité risque
de réduire l’offre totale de main d’œuvre, et c’est un aspect auquel nous devons
prendre garde ».
Graphique 7 : Taux de participation au marché du travail, selon le sexe, travailleurs âgés, 1976 - 2004
Source : Statistique Canada, Enquête sur la population active, CANSIM, tableau 282-0002.
1. Mesures devant être prises à titre individuel
Une personne est plus susceptible de travailler, ou de se chercher du travail, si elle a la formation, les compétences et l’expérience exigées par les employeurs. De ce point de vue, il est important que tous les citoyens – à plus forte raison les travailleurs âgés qui n’ont peut être pas profité d’une éducation permanente, les personnes handicapées, les Autochtones et les immigrants qui sont peut-être désavantagés sur le plan de la scolarité – puissent parfaire leurs connaissances et leurs compétences et soient encouragés à le faire afin d’améliorer leur qualité de vie et leur employabilité.
Une personne est plus susceptible d’entreprendre des études ou une formation, si elle est dûment récompensée pour le temps et l’argent qu’elle y investit. Dans l’avenir, les pénuries de main-d’œuvre pourraient entraîner une augmentation des niveaux de rémunération, de sorte que les employés seront mieux rémunérés pour leur travail et tireront, par conséquent, un plus grand avantage de leurs investissements dans les études et la formation.
De même, une personne est plus susceptible de travailler si elle est en santé. Par conséquent, il importe que tous les travailleurs – y compris les travailleurs plus âgés – aient accès à des soins de santé de qualité en temps opportun pour éviter que la maladie ne compromette leur état de santé au point de réduire leur qualité de vie et de les obliger à arrêter de travailler. De façon plus particulière, les personnes handicapées, qui peuvent avoir des problèmes de santé, et les Autochtones, dont l’accès aux soins de santé est peut être limité, doivent recevoir le soutien et l’aide dont ils ont besoin pour avoir accès aux soins de santé nécessaires pour conserver la meilleure santé possible.
Par ailleurs, une personne est plus susceptible de travailler si la rémunération qu’elle reçoit en échange de son travail est suffisante. Il existe évidemment un lien entre le niveau d’études et de formation et le revenu, mais la rémunération nette est aussi influencée par le régime d’impôt sur le revenu des particuliers. Par conséquent, les changements fiscaux qui ont pour effet d’accroître la rémunération nette des employés de façon générale contribuent à l’activité accrue sur le marché du travail, étant donné que les loisirs – c’est à dire les activités extérieures au travail – sont plus coûteux.
Bien que l’augmentation du nombre d’heures consacrées au travail peut réduire le temps consacré aux activités de bénévolat, l’Institut C. D. Howe a affirmé au Comité que « le bénévolat et la participation au marché du travail semblent aller de pair jusqu’à un certain point. Les gens actifs dans l’un sont généralement actifs dans l’autre. »
Une augmentation de la rémunération des employés peut accroître leur productivité. Des employés mieux rémunérés peuvent être plus motivés et, par conséquent, plus productifs. De même, lorsque la main-d’œuvre est relativement plus coûteuse, les employeurs ont tout intérêt à accroître la productivité en fournissant à leurs travailleurs davantage de biens d’équipement et en accroissant leur rythme de travail. Ils ont toutefois tout intérêt aussi à remplacer la main-d’œuvre relativement plus coûteuse par des biens d’équipement relativement moins coûteux.
M. Henripin a pour sa part fait mention de la possibilité de diminuer les salaires versés aux travailleurs plus âgés si leur productivité diminue avec l’âge. Selon lui, « si les employeurs sont réticents à garder leurs travailleurs plus âgés et à en engager de nouveaux, c’est parce qu’ils n’en voient pas les avantages. Les employeurs verraient un certain avantage s’ils pouvaient les payer moins cher. On est pris avec des échelles de salaire qui ne s’abaissent jamais en fonction de la diminution de la productivité des travailleurs avec l’âge. […] [S]i le rendement est moindre à cause de l’âge, il ne s’agit pas de les renvoyer chez eux mais de les payer moins. »
Confiants dans la capacité des
travailleurs plus âgés qui choisissent de rester au travail au delà de l’âge
habituel de la retraite, l’Institut C. D. Howe et le Conference Board du Canada
croient tous deux que le travail des travailleurs plus âgés et celui des
travailleurs plus jeunes se complètent l’un l’autre, comme en témoigne le
commentaire suivant du Conference Board : « la combinaison la plus productive
est celle où des travailleurs plus âgés et des travailleurs plus jeunes
travaillent ensemble ».
2. Mesures devant être prises par les entreprises
Les entreprises pourraient également appliquer – unilatéralement ou conjointement avec les syndicats, selon le cas – des mesures d'incitation et éliminer les mesures de désincitation de la participation au marché du travail.
Les représentants du Conference Board du Canada ont déclaré que « les politiques et les pratiques organisationnelles qui ont été créées pour une période d'excédent de main-d'œuvre doivent être adaptées à des effectifs plus âgés. Les initiatives comprennent les programmes axés sur des travailleurs plus âgés et offrant des horaires de travail variables, de la formation et du perfectionnement. » En général, les politiques et les pratiques créées pour une période d'excédent de main-d'œuvre doivent être rajustées afin de tenir compte de la pénurie de main-d'œuvre.
Par conséquent, les organismes – conjointement avec les syndicats – pourraient, s'il y a lieu :
Ø supprimer les pratiques liées à la retraite obligatoire et la discrimination fondée sur l'âge ou toute autre forme de discrimination en milieu de travail;
Ø créer des conditions de travail – y compris la conception des tâches, la conception du lieu de travail et la présence d'accessoires fonctionnels – qui permettraient la pleine participation des travailleurs âgés ainsi que des Canadiens handicapés;
Ø permettre une certaine souplesse, notamment les horaires variables, les emplois à temps partiel et/ou une partie de l'année;
Ø faciliter une meilleure connaissance des questions liées à la santé, au bien-être et à la sécurité;
Ø permettre la retraite progressive;
Ø une fois que les modifications ont été apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu, s'assurer que les régimes de pension agréés permettent aux employés de recevoir des revenus d'emploi et de pension, et d’accroître les droits à pension en fonction de leur emploi actuel;
Ø mettre en place des mesures qui permettraient aux employés d'équilibrer leur vie professionnelle et leur vie privée.
Les préoccupations démographiques futures propres à la planification de la relève dans les petites et moyennes entreprises (PME) ont été mises en relief par les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, lesquels ont déclaré au Comité que 40 p. 100 des propriétaires de petites entreprises au Canada prendront leur retraite au cours des cinq prochaines années, et 70 p. 100 au cours de la prochaine décennie. Nous avons également appris que près de 58 p. 100 des dirigeants de PME prévoient prendre leur retraite dans deux ans, mais n'ont pas encore identifié un successeur, et que les deux tiers n'ont pas encore commencé à planifier leur relève. Du point de vue de l'organisme, « sans préparation, un propriétaire de petite entreprise aura tendance à vendre à rabais à un concurrent [...] avec le risque possible de fermeture de l'entreprise ». Jusqu’à deux millions d'emplois pourraient donc être menacés.
Les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ont formulé six recommandations pour faciliter la relève dans les petites et moyennes entreprises :
Ø sensibilisation;
Ø conférence nationale sur les questions liées à la relève dans les PME;
Ø augmentation de l'exonération globale des gains en capital applicable aux parts dans des biens agricoles et des petites entreprises allant à la succession;
Ø capacité de reporter l'impôt sur les gains en capital issus du transfert de l'entreprise aux enfants du propriétaire;
Ø programmes et intervention du gouvernement par le truchement des agences;
Ø mesures, par l’entremise des agences de développement économique fédérales, visant à favoriser et à encourager l’instauration d’une culture entrepreneuriale de concert avec les entités existantes s'occupant du mentorat des étudiants et de la création d'activités éducatives.
3. Mesures devant être prises par le gouvernement fédéral
En plus d’agir dans les secteurs mentionnés ci-dessus – y compris l'éducation et le perfectionnement des compétences, l'accès à des soins de santé de qualité et les modifications de l'impôt des particuliers – le gouvernement fédéral pourrait réduire les mesures de désincitation au travail dans les régimes de pension publics et privés. Le retrait de ces mesures a été préconisé par certains témoins devant le Comité, qui voudraient bien que les travailleurs arrivés à l’âge de la retraite puissent continuer de travailler et recevoir, outre leur salaire, leur pleine pension.
Les témoins ont décrit les effets de désincitation au travail découlant du programme de Sécurité de la vieillesse/Supplément de revenu garanti/Allocation au conjoint (SV/SRG/AC) et ont abordé en particulier certaines questions, comme la récupération fiscale en cas de revenu gagné prévue dans le programme de SRG , de même que le Programme d'allocation au conjoint, qui incite les gens à ne pas occuper un emploi rémunéré.
Les représentants du Projet de recherche sur les politiques ont déclaré : « Nous devons [...] penser à modifier les programmes de sécurité du revenu et de supplément de revenu garanti afin que ceux qui ne désirent pas prendre leur retraite à 65 ans puissent continuer à travailler sans être pénalisés, en apportant des rajustements actuariels, par exemple. » Les représentants de l'organisme ont aussi suggéré une exemption des gains permettant un certain niveau de gains liés au marché du travail sans entraîner une diminution du supplément de revenu. Les représentants de l'Institut C.D. Howe se sont demandé pourquoi les programmes de Sécurité de la vieillesse et de Supplément de revenu garanti n'apportent pas de rajustements actuariels pour les individus qui reportent la réception de ces prestations.
En ce qui concerne l'Allocation au conjoint accessible aux personnes à faible revenu âgées de 60 ans et plus admissibles, les représentants du Conference Board ont laissé entendre que : « En permettant aux conjoints d'avoir accès au soutien du revenu à 60 ans, l'Allocation est, de fait, un régime de retraite anticipée, plus précisément chez les femmes âgées. »
Pour ce qui a trait au Régime de pensions du Canada, les témoins ont commenté la disposition visant la cessation d'emploi, l'incapacité d'accumuler des droits à pension après 65 ans et le déséquilibre dans les rajustements actuariels qui sont apportés lorsque le retraité commence à recevoir des prestations avant ou après 65 ans.
L'actuaire en chef du Canada a déclaré que les rajustements actuariels actuels dans le Régime de pensions du Canada « sont trop généreux pour ceux qui décident de retirer leurs prestations avant 65 ans et que, réciproquement, s'ils décident de les retirer après 65 ans, ils sont pénalisés ». M. Brown a également mentionné la partialité du Régime en faveur de la retraite anticipée.
L'actuaire en chef a également suggéré que les décideurs pourraient évaluer si le Régime de pensions du Canada est « suffisamment adapté aux processus de transition et aux cheminements de carrière variés qui sont de plus en plus courants. Il faut considérer la possibilité de permettre aux individus de retirer leur pension du RPC tout en continuant d'accumuler des prestations de retraite supplémentaires. Il serait [...] nécessaire que les prestataires qui travaillent cotisent au régime, ce qui n'est pas le cas actuellement dans le RPC ». L'actuaire en chef a parlé en faveur du retrait de « toutes les mesures de désincitation à travailler plus longtemps dans le système (de revenu de retraite), que ce soit dans le Régime de pensions du Canada, les régimes de pension privés ou la Loi de l'impôt sur le revenu ». Enfin, les représentants du Conference Board du Canada se sont demandé pourquoi le Régime de pensions du Canada permet la retraite à 60 ans.
Les témoins ont également commenté les restrictions contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu relativement aux régimes de pension agréés. Bon nombre ont estimé que les individus devraient, simultanément, accumuler des droits à pension et recevoir des prestations de pension dans le cadre du même régime à prestations déterminées ou du régime à prestations déterminées d'un employeur lié. Les représentants du Projet de recherche sur les politiques ont fait l’observation suivante au Comité : « Une des mesures de désincitation bien connues est une disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu qui prévoit que dans le cas des régimes de pension agréés, vous ne pouvez pas travailler, prendre votre retraite et cotiser pour accumuler d'autres prestations simultanément [...] [Dans certains cas, si vous travaillez à temps partiel], votre salaire diminue et votre pension diminue également. Il y a une mesure de désincitation à prendre progressivement votre retraite plutôt que de la prendre une fois pour toute. »
M. Brown a également relevé cette disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu qui pourrait être dissuasive : « Dans le secteur privé, il est difficile [...] de gagner un revenu salarial du même système qui écrit les chèques de paye et qui envoie les prestations de pension le même jour. Il existe des règles de l'impôt sur le revenu à ce sujet. [Une personne doit] être à la retraite ou pas. Cela n'incite pas à une retraite progressive. »
En ce qui concerne les mesures d'incitation prévues par les régimes d'épargne retraite donnant droit à une aide fiscale en général, les représentants de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont déclaré qu'il est important d'évaluer et de contrôler leur incidence sur les décisions liées à la retraite, car les participants à ces régimes peuvent économiser au point de décider de prendre une retraite anticipée.
Les témoins ont commenté également la retraite obligatoire, qui peut survenir implicitement en raison de l'absence de protection contre la discrimination fondée sur l'âge au delà d'un certain âge ou en raison de l'application des politiques visant le milieu de travail ou des dispositions des conventions collectives. Qualifiant la retraite obligatoire d'anachronisme, les représentants du Conference Board du Canada ont déclaré : « Les gouvernements canadiens doivent impérativement éliminer les barrières législatives et structurelles pour ceux qui choisissent de travailler après 65 ans. » Parallèlement, certains témoins ont mentionné que l'exigence professionnelle justifiée doit demeurer dans les cas où il y a un motif légitime d'exclure les travailleurs dépassant un certain âge. Les représentants du Projet de recherche sur les politiques, par exemple, ont mentionné : « Nous devons [...] évaluer la possibilité d'éliminer la retraite obligatoire à 65 ans, excepté dans les cas où les conditions de travail imposeraient un âge limite. »
Toutefois, selon M. Brown, toute la discussion autour de la retraite obligatoire à 65 ans « est plutôt une tempête dans un verre d'eau. Le changement de la retraite obligatoire aura une incidence d'environ 0,5 p. 100 sur le taux d'activité. Nous devons inciter les gens à travailler plus longtemps, pas jusqu'à 65 ou 66 ans, mais plutôt jusqu'à 61 ou 62 ans et demi. M. Henripin a recommandé une augmentation de l'âge de la retraite.
Les témoins ont également parlé des mesures qui sont prises actuellement par le gouvernement fédéral relativement aux travailleurs âgés et pour répondre aux besoins prévus en matière de compétences. Par exemple, il a été question de la Stratégie des compétences en milieu de travail, qui a pour but de regrouper les intervenants qui ont l'intention d'élaborer un plan stratégique comprenant des initiatives permettant de répondre aux besoins futurs en matière de compétences. Nous connaissons également les conseils sectoriels qui regroupent les intervenants en vue d'analyser et de traiter de manière exhaustive et coopérative les problèmes sectoriels en matière de ressources humaines; les pénuries d'emploi seraient probablement un point à régler.
L'OCDE a présenté des renseignements sur les initiatives fédérales visant à aider certains travailleurs, en particulier :
Ø l'Initiative des projets pilotes à l'intention des travailleurs âgés visant à aider les travailleurs âgés licenciés à trouver un emploi ou à garder sur le marché du travail ceux qui risquent de perdre leur emploi;
Ø le programme de prestations et mesures de soutien, en application de la Loi sur l'assurance emploi;
Ø le Fonds d'intégration pour les personnes handicapées, grâce auquel les Canadiens handicapés sans emploi et âgés de plus de 50 ans peuvent obtenir de l'aide à l'emploi.
Les représentants de l'OCDE ont fait observer que le fédéral doit jouer un rôle précis dans la formation des travailleurs âgés et un rôle général pour l'ensemble des travailleurs. En particulier, ils ont plaidé en faveur d'une meilleure assistance pour les travailleurs âgés sans emploi qui cherchent un emploi, et d'un élargissement de l'admissibilité aux programmes de soutien de l'assurance emploi pour tous les travailleurs – au moins à titre d'essai – peu importe leur expérience professionnelle ou s'ils ont reçu des prestations d'assurance emploi. D'autres témoins ont mentionné la nécessité d'adapter les services d'emploi aux besoins des chercheurs d'emploi âgés, et certains ont suggéré d'accorder de l'aide aux travailleurs âgés qui désirent travailler à leur compte.
Bien que le sujet n'ait pas été mentionné proprement dit dans le contexte de mesures gouvernementales, les représentants de l'OCDE ont déclaré qu'« au Canada, les femmes peuvent profiter de mesures plutôt généreuses pour quitter le marché du travail, puis y retourner. Le marché du travail au Canada offre beaucoup de souplesse comparativement à d'autres pays, bien que peut-être pas autant qu'aux États Unis. » En ce qui concerne l'emploi chez les femmes, les représentants du Projet de recherche sur les politiques ont déclaré que « la souplesse d'accès aux services de garderie [...] semblerait être une intervention qui pourrait entraîner une augmentation de l'offre de main-d'œuvre ».
Des mesures générales qui permettraient d'augmenter l'offre de main-d'œuvre et de créer des lieux de travail favorables à la famille ont été abordées. Parmi ces mesures on compte le travail à temps partiel et d'autres formes de souplesse au travail. Bien qu'elles n'aient pas été proprement mentionnées par les témoins, des normes d'emploi légiférées pourraient offrir une certaine souplesse. Par exemple, des dispositions législatives prévoyant le travail à temps partiel ou pendant une partie de l'année, particulièrement si cette option est accompagnée de prestations calculées au prorata, pourraient entraîner une augmentation de l'offre de main-d'œuvre, et la retraite progressive pourrait également être possible.
Les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ont fait état de la nécessité d'une mesure d'incitation à la retraite progressive et ont suggéré que « les personnes âgées de plus de 60 ans qui désirent continuer à travailler souhaiteraient probablement travailler trois jours par semaine et recevoir une pension partielle pour les deux jours où elles ne travaillent pas afin d'augmenter le salaire qu'elles reçoivent de leur employeur. Notre système actuel ne permet pas cela [...] De toute évidence, cela doit changer. » Bien que cette question relative aux pensions ait été décrite précédemment comme une mesure de désincitation au travail, les mesures d'incitation à la retraite progressive sont possibles.
Dans le rapport du Comité de juin 2005, nous avons plaidé en faveur de mesures pour encourager les individus à participer au marché du travail, ainsi qu'à suivre des cours d'éducation permanente et de perfectionnement des compétences. Nous croyons que, compte tenu des pénuries de main-d'œuvre possibles résultant du vieillissement de la population, les travailleurs devraient avoir des incitatifs pour demeurer sur le marché du travail et pour améliorer la nature et le niveau de leur participation au marché du travail, s'ils le désirent. Du moins, il faudrait éliminer les mesures de désincitation. Un point qui mériterait plus ample réflexion, selon nous, serait la mesure dans laquelle les employeurs pourraient recourir à l’impartition pour l’accomplissement de tâches de moindre importance, dans le but de remédier aux pénuries de main-d’oeuvre qui sont prévues, à tout le moins dans certaines régions et dans certains domaines d’emploi.
Bien que nous reconnaissions que le taux d'activité des travailleurs âgés a augmenté au fil des ans, car plus de travailleurs âgés sont scolarisés, en santé et désirent travailler, et que leur taux de participation au marché du travail est actuellement plus élevé de dix pour cent qu'il y a dix ans, le Comité estime que des mesures d'incitation adéquates permettraient d'accroître encore plus les activités. Nous croyons également qu'il est possible d'augmenter les activités d'autres groupes de citoyens, comme les personnes handicapées, les Autochtones canadiens, les immigrants et les personnes à faible revenu au Canada.
Le Comité souscrit à l’annonce faite dans le Plan budgétaire 2006, à l’effet que le gouvernement fédéral « mènera, de concert avec les provinces et les territoires, une étude de faisabilité afin d’évaluer les mesures dont bénéficient ou pourraient bénéficier les travailleurs âgés licenciés pour les aider à surmonter ces difficultés. Il pourrait s’agir d’améliorer la formation [...] » Selon nous, le gouvernement devrait s’efforcer d’augmenter le taux de participation au marché du travail de différentes catégories de citoyens.
Comme nous l'avons fait dans notre rapport de juin 2005, nous continuons à appuyer les modifications à l'impôt sur le revenu des particuliers qui accorderaient aux Canadiens un revenu disponible plus élevé. Ces modifications augmenteraient les retombées du travail – plutôt que des loisirs – et permettraient aux employés d'augmenter leur revenu et de l'investir dans l'éducation et la formation permanentes afin de devenir des travailleurs plus productifs.
Également, les modifications de l'impôt sur le revenu des particuliers pourraient constituer un outil pour enrayer l'exode des cerveaux, qui diminue également la disponibilité de la main-d'œuvre, et pour attirer et conserver des employés d'autres pays qui pourraient utiliser des méthodes différentes et, peut-être, plus innovatrices. Bien sûr, le Comité continue d'appuyer les mesures qui inciteraient les entreprises à doter leurs employés du matériel et des innovations technologiques qui maximiseraient leur productivité. Nous croyons qu'une diminution de l'impôt sur le revenu des particuliers constitue un bon outil pour que le gouvernement fédéral puisse accroître les retombées pour les employés rémunérés et, par conséquent, les inciter à travailler.
Le Comité prend acte des changements proposés dans le Plan budgétaire 2006, notamment la réduction du taux le plus bas de l’impôt sur le revenu des particuliers, la majoration du montant personnel de base et la création et la mise en place d’un crédit canadien pour emploi. Le gouvernement a aussi annoncé son intention de déterminer « en consultation avec les provinces et les territoires, d’éventuelles mesures d’amélioration des incitatifs au travail offerts aux Canadiens à faible revenu, ce qui comprend un crédit d’impôt sur le revenu gagné comme la PFRG. » Nous sommes d’accord avec ces mesures, qui devraient inciter davantage les gens à travailler.
Le Comité croit que si les mesures proposées sont utiles, elles ne vont pas assez loin dans certains cas. Nous nous inquiétons particulièrement du fait que la réduction de l’impôt sur le revenu des particuliers ne touche que le taux d’imposition le plus bas et nous prions le gouvernement fédéral d’amorcer sans délai des consultations avec les provinces et les territoires, car nous croyons que l’amélioration des incitatifs au travail à l’intention des Canadiens à faible revenu devrait constituer une priorité. Dans le même esprit que la recommandation du rapport de juin 2005, le Comité recommande :
1. Que le gouvernement fédéral modifie la Loi de l'impôt sur le revenu afin de réduire les taux d'imposition des particuliers et d’augmenter les seuils. En particulier, ces taux et seuils devraient inciter les Canadiens à travailler et à conserver leur emploi.
Le Comité croit également que les individus ont plus d'options d'emploi et peuvent souvent occuper un emploi plus intéressant s'ils possèdent des compétences diversifiées. Nous croyons que même si le gouvernement fédéral compte actuellement certaines initiatives de promotion de l'éducation permanente – y compris la possibilité de retirer des fonds du régime enregistré d'épargne-retraite, le crédit d'impôt pour études et le crédit pour frais de scolarité – il doit prendre d'autres mesures pour que tous les citoyens aient accès aux incitatifs appropriés pour suivre un apprentissage permanent qui améliorera leur contribution à la main-d'œuvre et leur niveau de vie – ainsi que celui du pays. Nous nous réjouissons des crédits d’impôt pour le coût des manuels, des exemptions d’impôt applicables au montant des bourses d’études et de perfectionnement, des investissements dans la structure de l’enseignement et des améliorations au Programme canadien de prêts aux étudiants annoncés dans le Plan budgétaire 2006, mais nous croyons qu’il faut de toute urgence se demander si tous les éléments du soutien fédéral à l’éducation et à la formation sont suffisamment bien coordonnés et procurent les meilleurs résultats possibles. Pour cette raison, le Comité recommande :
2. Que le gouvernement fédéral examine les initiatives en place visant à promouvoir l'éducation permanente en vue d’en déterminer l’efficacité. Il doit aussi examiner la possibilité de mettre en place d’autres types d’incitatifs fiscaux et non fiscaux qui cibleraient les employés et les employeurs, afin de faciliter cet apprentissage.
Il doit procéder à cet examen et aller de l’avant avec tout changement ou toute nouvelle mesure nécessaire pour garantir l’éducation permanente d’ici le 31 mars 2007.
De plus, le Comité croit que des normes légiférées dans des domaines comme les droits de la personne et les normes d'emploi contribuent à protéger et à aider les individus qui souhaitent rester dans la population active après l'âge jugé normal de la retraite, ainsi que toutes les autres personnes qui désirent travailler. Nous sommes conscients du fait que, selon la Loi canadienne sur les droits de la personne, il n’est pas discriminatoire de mettre fin à l’emploi d’une personne ayant atteint l’âge normal de la retraite pour des employés qui occupent des fonctions semblables aux siennes. La retraite obligatoire, dans ce sens, est autorisée.
Le Comité croit que la protection contre la discrimination fondée sur l'âge doit s'étendre au-delà de 65 ans, que des dispositions législatives protégeant les employés contre toutes les formes de discrimination interdites soient mises en application et qu'une loi sur les normes d'emploi devrait peut-être fixer les avantages minimaux auxquels ont droit les employés à temps partiel ou travaillant une partie de l'année seulement, en plus d’inclure d'autres dispositions favorisant la souplesse de la main-d'œuvre, dont la prestation de soins aux aînés et les horaires de travail variables. Nous pensons également qu’il y aurait lieu de revoir les conventions collectives et les régimes de pension pour s’assurer qu’ils ne renferment pas d’autres obstacles à l’emploi, outre ce qu’on considère être l’âge normal de la retraite.
Le Comité reconnaît que la compétence fédérale en matière d'emploi et de relations de travail se limite à 10 p. 100 de la main-d'œuvre canadienne et que les gouvernements provinciaux et territoriaux appliquent des dispositions législatives différentes dans ces secteurs. Par conséquent, si des modifications avantageuses sont apportées, nous pressons les gouvernements provinciaux et territoriaux de modifier leurs lois de la même façon. Puisque le changement démographique touchera tout le pays, les travailleurs dans toutes les provinces et tous les territoires doivent être incités à demeurer dans la population active. Dans cette optique, le Comité recommande :
3. Que le gouvernement fédéral modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne afin de rendre discriminatoire le fait de mettre fin à l’emploi d’un individu parce qu’il a atteint l’âge normal de la retraite d’employés occupant ce genre de poste.
Que le gouvernement fédéral s'assure que la Loi canadienne sur les droits de la personne continue de protéger les personnes contre la discrimination au travail fondée sur le sexe et l'âge.
En outre, le gouvernement doit, à la prochaine réunion qu’il tiendra avec les intervenants pour discuter de la Partie III du Code canadien du travail, examiner les modifications qu’il faudrait apporter pour donner aux employés la souplesse qui leur permettrait de poursuivre, sinon d'améliorer, leur participation au marché du travail. Ces modifications – telles que des prestations calculées au prorata pour les travailleurs à temps partiel, le soin des aînés et les horaires variables – devraient favoriser la participation au marché du travail des personnes âgées et d’autres travailleurs, y compris les femmes.
À l'instar des témoins, le Comité croit que la structure actuelle de certains régimes de pension publics et privés pourrait contenir des mesures de désincitation à continuer à travailler après l'âge normal de la retraite. Étant donné les pénuries de main-d'œuvre qui pourraient survenir et la demande conséquente d'effectifs compétents et expérimentés, non seulement ces mesures de désincitation ne devraient pas exister, mais des mesures proactives pourraient être prises pour créer une mesure d'incitation combinant le travail et la retraite après 65 ans.
Bien que le Parlement ait une compétence
législative exclusive en matière de régimes de pension comme la Sécurité de la
vieillesse, il partage la compétence avec les provinces et les territoires en ce
qui concerne le Régime de pensions du Canada. En outre, sa compétence en matière
de régimes de pension privés se limite aux régimes qui sont visés par les
dispositions de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension,
même si la Loi de l'impôt sur le revenu comporte des exigences qui
doivent être respectées par tous les régimes de pension agréés. Par conséquent,
si des modifications avantageuses étaient apportées au Régime de pensions du
Canada, le Comité prônerait des modifications similaires au Régime de rentes du
Québec. Dans cette optique, le Comité recommande :
4. Que le gouvernement fédéral modifie la Loi sur la sécurité de la vieillesse pour :
- reporter la réception des prestations de Sécurité de la vieillesse, avec les rajustements actuariels appropriés;
- exonérer une partie des revenus d'emploi de la disposition de récupération fiscale associée au Programme du supplément du revenu garanti;
- s'assurer que le montant de l'Allocation au conjoint et le moment de sa perception ne représentent pas une désincitation des prestataires à participer au marché du travail.
En outre, le ministre des Finances doit, à la prochaine réunion qu’il tiendra avec les ministres provinciaux et territoriaux responsables du Régime de pensions du Canada, examiner la faisabilité des changements suivants au Régime :
- supprimer l'exigence que les individus doivent cesser d'être employés avant de commencer à recevoir des prestations de retraite;
- modifier le rajustement actuariel qui est apporté lorsque les prestations commencent avant 65 ans en l'augmentant à 8 p. 100 par année;
- permettre l'accumulation des droits à pension en fonction des revenus d'emploi après 65 ans.
Enfin, le gouvernement doit modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin que les régimes de pension agréés puissent verser les prestations de retraite aux individus qui travaillent pour un employeur qui est le promoteur de régime ou un employeur ayant des liens avec le régime. Ces régimes doivent aussi permettre aux employés d'accumuler des crédits pour leur pension en fonction de leur emploi.
En outre, conformément à nos réflexions précédentes, nous croyons qu'une main-d'œuvre hautement qualifiée et productive constitue un outil important pour atténuer les incidences du changement démographique. À cet égard, il faut que le gouvernement fédéral maintienne un niveau élevé d'alphabétisme et d'habileté arithmétique afin que la contribution des individus ne soit pas limitée sur le marché du travail. Bien que nous reconnaissions les efforts déployés par le Secrétariat national à l'alphabétisation, nous croyons qu’une intervention prioritaire s’impose. Les gouvernements doivent agir rapidement pour assurer que les canadiens ont l’alphabétisme et l’habileté arithmétique requis pour fonctionner dans la société actuelle. La nécessité d'assurer un soutien adéquat est particulièrement marquée à la lumière des données publiées récemment par Statistique Canada sur l'alphabétisme et l’habilité arithmétique des adultes au Canada.
B. Améliorer les mesures d'incitation pour que les employeurs investissent dans les outils permettant d'accroître la productivité
Des mesures doivent être prises pour que les individus bénéficient de mesures d'incitation au travail : pour intégrer la population active, s'engager à travailler un certain nombre d'heures une fois sur le marché du travail et demeurer sur le marché du travail aussi longtemps que possible et/ou souhaitable compte tenu de leur situation particulière. Les recommandations ci-dessus visent en grande partie à fournir un soutien aux individus qui décident de participer au marché du travail, que ce soit sous forme de mesures d'incitation ou de l'élimination de mesures de désincitation au travail. Évidemment, s'il y a plus de travailleurs – qui travaillent peut-être de plus longues heures – les employeurs pourront mieux répondre à leurs besoins en matière d'emploi et cela devrait aussi accroître la productivité.
Toutefois, des mesures doivent également être prises pour que les employeurs soient incités à investir dans les biens d'équipement, à faire de la recherche et du développement, à mettre en place des innovations technologiques et à perfectionner les compétences de leurs employés. Ces mesures sont nécessaires pour que les individus disposent des outils leur permettant de maximiser leur contribution lorsqu'ils intègrent le marché du travail.
Comme l'ont mentionné les responsables du Projet de recherche sur les politiques, « étant donné le déclin relatif de l'offre de main-d'œuvre, il y a plus de capital à investir par travailleur et nous pouvons nous attendre à une augmentation de la productivité ». Le Comité croit toutefois que les recommandations qu'il formule dans le présent rapport permettront d'accroître l'offre de main-d'œuvre et que les employeurs – par conséquent – doivent accroître la qualité et la quantité des biens d'équipement fournis aux employés.
Les représentants de la New America Foundation ont mentionné que bien que l'innovation technique soit importante, elle comporte des limites. Ils ont ajouté que « la technologie peut aider à améliorer le fardeau de quelques travailleurs qui sont responsables de plus en plus de retraités. Mais il demeure difficile de stimuler l'efficience grâce à l'automatisation dans le secteur des services, et plus particulièrement en santé, qui représentera dans le futur une part constamment plus grande du produit intérieur brut. »
Le Comité convient que l'automatisation ne peut s'appliquer facilement dans des secteurs comme celui des services et, pour cette raison, il souhaite que les pénuries de main-d'œuvre dans les secteurs clés – notamment la santé – soient comblées par certains mécanismes comme les conseils sectoriels. Nous croyons que la planification des ressources humaines dans le secteur de la santé est particulièrement importante compte tenu des commentaires formulés par l'Institut C.D. Howe. L'amélioration des résultats en matière de santé des travailleurs, y compris et peut-être surtout les personnes âgées, deviendra une priorité au moment même où, selon les représentants de l'Institut, « une part énorme du capital humain quitte[ra] le secteur de la santé ».
Comme nous l'avons mentionné dans notre rapport de juin 2005 et dans d'autres rapports du Comité sénatorial des banques au cours des dernières années, nous continuons à appuyer la réduction du fardeau fiscal des entreprises – le taux général d'imposition des sociétés, l'impôt sur le capital et la surtaxe des sociétés – et les taux de déduction pour amortissement qui sont, au minimum, fonction de la durée de vie utile des biens. À notre avis, ces types de réformes fiscales créeraient un environnement où les employés disposent des outils les plus favorables à la productivité pour les aider à travailler. À cet égard, nous sommes d’accord avec les propositions de changements à apporter à l’impôt des sociétés annoncées dans le Plan budgétaire 2006.
Le Comité croit toutefois que la réduction du fardeau fiscal des entreprises, bien que nécessaire, n'est pas suffisante. Nous croyons qu'il est crucial de prendre des mesures fiscales visant à encourager les employeurs à aider leurs employés à suivre des activités d'éducation permanente et à faire de la recherche et du développement. Bien que certaines mesures soient actuellement en place et que d’autres seront adoptées conformément aux propositions en matière de recherche et de développement annoncées dans le Plan budgétaire 2006, nous ne pouvons déterminer clairement si les mesures actuelles ont l'incidence voulue; elles doivent être remplacées si elles n'atteignent pas les objectifs visés. En outre, de nouvelles mesures doivent être prises pour atteindre les objectifs.
Nonobstant les dispositions législatives visant la discrimination et la souplesse en milieu de travail, le Comité croit que les employeurs doivent s'assurer que leurs lieux de travail sont propices au travail. Ainsi, nous croyons que les employeurs doivent évaluer des mesures qui permettraient le travail à temps partiel et pendant une partie de l'année, ainsi que d'autres ententes de partage d'emploi, et des mesures qui permettraient aux employés de prendre une retraite progressive et/ou de combiner le travail et la retraite s'ils le désirent.
Le Comité pense que les changements annoncés dans le Plan budgétaire 2006 ne sont pas suffisants et qu’il faut apporter d’autres modifications sur le plan de la fiscalité des entreprises ainsi que sur d’autres points, tels que les taux de déduction pour amortissement. Nous estimons qu’il faut inciter les employeurs à doter leurs employés des meilleurs outils et équipements possibles, afin qu’ils soient le plus productifs possible. À notre avis, les taux de déduction pour amortissement sont un moyen extrêmement utile à cette fin, mais toute leur structure doit être revue afin d’y apporter les changements nécessaires. Le régime actuel, même s’il est périodiquement modifié pour certaines catégories de biens, ne permet pas d’atteindre l’objectif visé à cet égard. Pour cette raison, et conformément aux recommandations du rapport de juin 2005, le Comité recommande :
5. Que le gouvernement fédéral modifie le Règlement de la Loi de l'impôt sur le revenu de façon à ce que les taux de déduction pour amortissement correspondent au moins à la durée de vie utile des biens.
C. Améliorer l’établissement et l’intégration des immigrants au Canada
Nous avons signalé précédemment l’importance de l’immigration pour assurer la croissance démographique au Canada. D’après les représentants de Statistique Canada, « l’intégration socio-économique des immigrants s’avérera un défi majeur […]. Le taux de faible revenu est plus élevé chez les immigrants récents. On constate aussi des indices d’une détérioration de la situation économique des immigrants. Cela s’est produit même si les immigrants possèdent des qualifications scolaires supérieures à celles des gens nés aux Canada. »
De même, en formulant ses observations sur le temps qu’il faut aux immigrants et à leurs familles pour s’adapter et prendre part à l’économie, les représentants du Projet de recherche sur les politiques ont indiqué au Comité que « au cours des 10 à 15 dernières années, l’adaptation est beaucoup plus difficile pour de nombreux immigrants ».
Étant donné que la plupart des immigrants ont tendance à s’établir à Toronto, à Vancouver ou à Montréal, une immigration accrue a des répercussions claires pour ces villes au plan de l’intégration et de l’établissement. Toutefois, il y a également des répercussions pour les autres régions du Canada, qui ne figurent pas parmi les destinations préférées des immigrants, mais qui auraient besoin d’eux pour combler les pénuries de main-d’œuvre et, dans certains cas, pour freiner la dépopulation.
D’après les représentants de Statistique Canada, « les régions périphériques et les petites villes ne bénéficieront pas de l’immigration dans les années à venir […], et ne bénéficieront pas d’une migration interne puisque, depuis un certain temps déjà, elles sortent perdantes des déplacements de population à l’intérieur du pays. Il sera difficile pour ces régions de renouveler leur main-d’œuvre ». De même, au sujet des immigrants, les représentants de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante ont indiqué que « nous devons les intégrer – non seulement dans les grands centres urbains, mais aussi dans les régions du Canada […] ».
Plusieurs témoins ont signalé que l’immigration ne saurait résoudre tous les problèmes auxquels on risque d’être confrontés en raison du changement démographique au Canada. En faisant valoir l’importance des modifications au régime fiscal et d’autres transferts favorables aux familles, les représentants de C.D. Howe Institute ont affirmé que « [e]n dernière analyse, vous ne pouvez tout simplement pas régler ce problème à l’aide de l’immigration ». Les représentants de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont observé qu’« il faut voir l’immigration dans le contexte canadien comme une mesure qui joue un rôle complémentaire ». D’après M. Brown, « l’immigration est une solution partielle, elle ne constitue pas la solution intégrale ».
De même, les représentants de la New America Foundation ont signalé que « l’immigration est vitale à l’avenir du Canada, mais elle n’est pas un remède universel contre le problème démographique du Canada […]. [L]es taux de fertilité chutent partout dans le monde en voie de développement, si bien que la réserve d’immigrants potentiels sera moins grande que par le passé […]. [I]l y aura sans doute une plus grande rivalité entre les sociétés vieillissantes pour attirer ces immigrants[…]. [H]abituellement, les immigrants arrivent ici à l’âge adulte, et non à l’enfance, [si bien que] l’immigration contribue moins à rajeunir la population canadienne que ne le ferait une augmentation du taux de natalité. [L]es immigrants ont moins d’enfants que dans le passé [et parmi ceux] qui habitent au Canada depuis plus de 10 ans, le taux de natalité est de 1,5, soit un taux identique à celui de la moyenne nationale ».
Certains témoins ont observé que, à l’avenir, le Canada aura à rivaliser avec d’autres pays pour attirer les immigrants et que plusieurs pays d’où proviennent présentement des gens accueillis par le Canada subissent à leur tour des changements démographiques. Les représentants du Conference Board du Canada ont signalé que « [i]l y a une rivalité pour l’immigration et cette rivalité s’intensifie. Il sera plus difficile pour le Canada d’attirer des immigrants au cours des 10 à 20 prochaines années. La population de la Chine, notre principale source d’immigrants, est en train de vieillir […] et le taux de natalité en Inde est en train de baisser. L’Europe n’est plus une source importante d’immigrants pour le Canada ». M. Brown a également noté que le Canada aurait à lutter pour attirer des immigrants.
Le Comité est d’accord avec les témoins : l’immigration n’est qu’un des outils – bien qu’un outil essentiel – dont nous aurons besoin pour faire face aux répercussions du défi démographique qui nous attend. Nous convenons aussi que, à l’avenir, le Canada aura à se mesurer à d’autres pays pour attirer ce qui sera sans doute un nombre décroissant d’immigrants qualifiés. À notre avis, ces facteurs mettent en lumière l’importance de veiller à ce que le Canada soit perçu comme une destination de choix. En plus des commentaires formulés précédemment au sujet de la discrimination et de l’accès à l’éducation et à la formation, nous croyons que d’autres mesures s’imposent pour inciter les gens à venir s’établir au Canada et que, une fois arrivés, on leur fournisse les outils requis pour réussir dans leur nouveau pays.
Pour que les immigrants s’intègrent facilement et pleinement dans l’économie et le mode de vie canadiens, il faut mettre en place de l’aide : des services d’établissement et d’intégration; des services linguistiques; et la reconnaissance des titres de compétences. Selon le Comité, il est également important que les immigrants s’établissent dans toutes les régions du Canada – et pas seulement dans les trois principaux centres urbains – à la fois parce que toutes les régions du Canada ont beaucoup à offrir aux immigrants, et à recevoir d’eux, et parce que des régions autres que Toronto, Vancouver et Montréal ont des pénuries de main-d’œuvre que, dans une certaine mesure, l’immigration pourrait atténuer.
Le Comité est conscient du lancement par le gouvernement fédéral en mars 2005 d’Un Canada pour tous : le Plan d’action du Canada contre la discrimination raciale; nous avons pris connaissance du contenu du document et nous estimons qu’il faudra faire davantage. Nous devons attirer les immigrants dont nous avons besoin, nous devons les appuyer – en plus de leur donner des emplois – une fois arrivés. Même si nous croyons que les mesures proposées dans le Plan budgétaire 2006 – plus particulièrement celles concernant le financement des programmes d’établissement et d’intégration et l’agence d’évaluation et de reconnaissance des titres de compétence étrangers – revêtent une importance absolument cruciale, nous estimons que leur mise en œuvre doit se faire selon un échéancier ferme. En outre, compte tenu de l’importance de l’immigration pour répondre à nos besoins futurs, on doit accorder des ressources suffisantes aux programmes d’établissement et d’intégration et faire les efforts nécessaires pour reconnaître les titres de compétence étrangers. Dans cette optique, le Comité recommande :
6. Que le gouvernement fédéral invite les gouvernements provinciaux et territoriaux, le cas échéant, à se réunir au plus tard le 31 mars 2007, pour élaborer un plan visant :
- à assurer que des services d’intégration et d’établissement des immigrants, dotés d’un financement approprié et équitable, soient disponibles à l’échelle du Canada, compte tenu de l’annonce faite dans le Plan budgétaire 2006;
- à offrir aux immigrants des mesures incitatives appropriées pour qu’ils s’établissent dans différentes régions au Canada et ailleurs que dans les grands centres urbains;
- à faire du Canada un lieu d’immigration attrayant pour les immigrants qualifiés;
- à reconnaître et concilier, par le truchement de l’agence annoncée dans Le Plan budgétaire 2006, les titres de compétence que les immigrants ont obtenus à l’étranger.
Ce plan devrait être rendu public au plus tard le 1er septembre 2007.
D. Améliorer les mesures d’incitation à l’épargne
Des niveaux d’épargne élevés peuvent augmenter ou réduire la participation de la main-d’œuvre. D’une part, il y a le point de vue exprimé par le représentant du Projet de recherche sur les politiques : « je crois que la génération du baby-boom arrive à l’âge de la retraite avec de bonnes épargnes, ayant tiré de bons revenus. L’incitation à continuer de travailler, quand on reçoit un revenu élevé, est assez forte. »
Si les revenus sont élevés, alors les sommes tirées du travail sont élevées et les travailleurs sont mieux en mesure de verser des cotisations aux régimes enregistrés d’épargne-retraite, par exemple. De plus, avec un revenu élevé, les loisirs sont plus coûteux, ce qui incite à continuer d’occuper un emploi rémunérateur.
D’autre part, des niveaux d’épargne élevés – découlant, par exemple, de revenus élevés – peuvent entraîner une participation réduite au marché du travail, puisque la retraite est plus abordable quand on a accumulé des épargnes. Il se peut que ce résultat soit encore plus probable si on tient compte des indemnités provenant des régimes de retraite publics.
Cela étant dit, les représentants de Statistique Canada ont avisé le Comité que près du tiers des Canadiens de 45 à 59 ans estiment que leurs préparatifs financiers sont inadéquats et ne leur permettront pas de maintenir leur mode de vie actuel lorsqu’ils ne travailleront plus.
L’épargne-retraite est, d’après les représentants de C.D. Howe Institute, « très importante pour l’accumulation générale de la richesse nationale. Il ne fait aucun doute que les lois fiscales pourraient favoriser davantage l’épargne dans le secteur privé ». Ils ont signalé au Comité que « plus nous travaillons et plus nous épargnons, plus nous disposerons de choix ».
L’actuaire en chef du Canada a appuyé le régime actuel de revenus de retraite au Canada, et a signalé que ce régime « comporte la diversification des sources de revenus […] provenant de régimes publics et privés. […] Le régime prévoit aussi la diversification des approches de financement. Une combinaison de financement intégral, par l’entremise d’un régime de pensions de l’employeur ou d’un régime enregistré d’épargne-retraite, de financement partiel, par l’entremise du Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, et de financement par répartition, par l’entremise de la pension de la Sécurité de la vieillesse, est reconnue pour son aptitude à s’adapter rapidement aux situations changeantes, y compris le vieillissement de la population ». M. Brown avait aussi de bons mots pour le régime actuel, affirmant qu’il « aime voir un régime de sécurité du revenu de retraite à volets multiples. […] Il s’agit d’un bon régime mixte. »
Le Comité estime que l’épargne des particuliers est importante à la santé et à la prospérité du pays. Nous reconnaissons qu’il existe des incitatifs fiscaux à l’épargne-retraite personnelle – par exemple dans les régimes de pension enregistrés et des instruments tels que les régimes enregistrés d’épargne-retraite – mais nous croyons que des modifications s’imposent afin de favoriser des niveaux d’épargne plus élevés. Nous maintenons cet avis, malgré la hausse des plafonds de cotisation prévue au budget fédéral de 2005.
Selon le Comité, des niveaux d’épargne plus élevés s’avèrent nécessaires pour diverses raisons. Par exemple, si les efforts pour accroître la taille de la population active grâce à l’immigration et à la hausse des taux de participation au marché du travail ne donnent rien, les niveaux d’épargne nationale pourraient bien diminuer faute de mesures améliorées pour encourager l’épargne. De plus, les Canadiens pourraient être moins nombreux à recourir aux indemnités de la SV et du DRG s’ils épargnent davantage pour leur retraite. Aussi, d’une manière plus générale, les gens qui disposent d’économies plus importantes ont davantage de choix. En plus de la recommandation ci-dessus concernant des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu visant les régimes de retraite enregistrés, le Comité recommande donc :
7. Que le gouvernement fédéral modifie la Loi de l’impôt sur le revenu de façon à augmenter le plafond de cotisation des régimes enregistrés d’épargne-retraite à 27 000 $ d’ici 2012. Il faudrait modifier en conséquence également les régimes de pension agréés, et augmenter le plafond en fonction de l’évolution de la rémunération moyenne au Canada.
E. Améliorer la gestion du gouvernement fédéral
Au sujet des répercussions du vieillissement de la population sur les politiques gouvernementales, les représentants du ministère des Finances ont indiqué au Comité que « [n]ous devons tâcher de réduire le fardeau de la dette autant que possible afin de dégager une marge de manœuvre financière » qui nous permettra de faire face aux problèmes associés au vieillissement. Ils ont signalé que « si nous ne dégageons pas une telle marge de manœuvre, si nous voulons faire face aux difficultés financières associées à la prestation de soins de santé ou aux régimes de pension publics, il y a deux issues à prévoir : une augmentation des taxes et impôts, ou une réduction des dépenses dans d’autres domaines ».
D’après les représentants de la New America Foundation, une des conséquences pour la société du vieillissement de la population est que « les personnes âgées paient moins d’impôts que les jeunes qu’ils remplacent […et] elles consomment davantage de ressources gouvernementales par habitant […] particulièrement pour les soins de santé ». Cela étant dit, il est important de reconnaître qu’on s’attend à ce que les aînés de l’avenir soient plus prospères. Par conséquent, il se peut qu’ils paient davantage d’impôts et qu’ils aient moins recours aux programmes gouvernementaux tels que le Supplément de revenu garanti.
Néanmoins, le Comité estime qu’une saine gestion financière doit demeurer une priorité pour le gouvernement fédéral. Nous prenons acte de l’engagement constant du gouvernement fédéral actuel à réduire annuellement la dette et, à moyen terme, à ramener le ratio net de la dette au PIB à 25 p. 100 d’ici 2013-2014, comme il a été annoncé dans le Plan budgétaire de 2006. Nous appuyons les efforts déployés pour équilibrer les budgets, réduire le ratio net de la dette au PIB et réaffecter les dépenses en fonction des priorités des Canadiens. De plus, nous reconnaissons les sacrifices des Canadiens en vue de se doter d’une situation financière enviable au sein du G-8.
Selon le Comité, une gestion budgétaire saine, des budgets à tout le moins équilibrés et un ratio net de la dette au PIB à la baisse sont de nature à réduire le service de la dette. Ainsi, on dispose davantage de fonds pour des domaines prioritaires tels que les dépenses liés à l’âge, auxquels il faudra probablement affecter de plus en plus de ressources dans les années à venir. Nous sommes favorables à l’objectif annoncé concernant la réduction du ratio net de la dette au PIB , mais nous estimons qu’il est peut-être trop ambitieux. De plus, veiller à ce que les budgets fédéraux soient au moins équilibrés permet au gouvernement de disposer d’options, y compris celle d’affecter des fonds – au besoin – à des domaines comme les soins de santé et les prestations de retraite. De plus, il est responsable et souhaitable de veiller à ce que les fonds publics soient alloués en fonction des priorités des Canadiens. Pour ces raisons et dans la foulée de l’orientation financière annoncée dans le Plan budgétaire de 2006, le Comité recommande :
8. Que le gouvernement fédéral, afin de pouvoir financer les dépenses liées à l’âge et la mise en œuvre des recommandations du présent rapport, devrait :
- continuer de réduire la taille de la dette fédérale (le déficit accumulé);
- ramener le ratio de la dette fédérale au PIB à 20 p. 100 d’ici 2015;
- mettre au point un mécanisme permanent d’examen annuel des dépenses fiscales et dépenses de programme, de façon à réduire les dépenses dans les domaines qui, aux yeux des Canadiens, n’ont plus leur raison d’être.
F. Améliorer le financement fédéral des régimes de pension et des soins de santé publics
Le vieillissement de la population canadienne influencera, à des degrés divers, de nombreux secteurs des dépenses publiques; il existe cependant certaines dépenses qui sont particulièrement sensibles à l’évolution démographique. En particulier, la population croissante des personnes âgées devrait accroître la demande pour certains types de prestations de pensions de l’État et de services de soins de santé. Par la même occasion, le vieillissement de la population devrait avoir des répercussions sur la croissance économique et, par extension, sur les revenus fédéraux et l’équilibre budgétaire.
1. Besoins et coûts en matière de soins de santé
À mesure que les gens vieillissent, on admet généralement qu’ils ont tendance à développer des troubles de santé qui aboutissent à une utilisation accrue des services de santé, incluant les services médicaux, l’hospitalisation ou les soins en maisons de repos. Étant donné que le Canada donne accès aux hôpitaux subventionnés par l’État, et que les dépenses publiques par habitant pour les soins de santé des personnes âgées de 65 ans et plus sont seraient près de cinq fois supérieures à celles du reste de la population, le vieillissement de la population aura vraisemblablement des répercussions importantes sur les dépenses consacrées aux soins de santé.
Le Rapport de 1998 du vérificateur général du Canada contient des projections de coûts pour les soins de santé jusqu’en 2031. Selon le scénario du coût moyen, les dépenses de santé passeraient d’environ 6,4 p. 100 du PIB en 1996 à 9 p. 100 en 2031. Le scénario du coût élévé, qui est fondé sur les taux de croissance historiques des coûts des soins de santé, impliquerait presque un doublement des dépenses de santé en pourcentage du PIB, pour atteindre 12,5 p. 100 en 2031.
Graphique 8 : Dépenses publiques prévues pour les soins de santé en pourcentage du PIB, 1998-2031
Source : Bureau du vérificateur général, Rapport du vérificateur général de 1998, Chapitre 6 – Le vieillissement de la population l’information destinée au Parlement : pour comprendre les choix, http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/9806cf.html
Dans son Étude économique du Canada de 2004, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) note que le régime des soins de santé représente le principal défi financier au Canada. La durabilité à long terme suscite des inquiétudes, car on prévoit que des facteurs tels que les pressions technologiques et le vieillissement démographique entraîneront une augmentation des dépenses de santé à l’avenir.
L’OCDE a également signalé qu’« il sera important de surveiller […] les dépenses publiques liées au vieillissement, telles que les dépenses consacrées à la santé et aux soins de longue durée. Même à la lumière d’hypothèses réservées, on prévoit qu’au cours des cinq prochaines décennies les dépenses pour la santé et les soins de longue durée augmenteront de 4 p. 100 du PIB, et deux tiers de cette augmentation est attribuable au vieillissement ».
D’après les représentants du ministère des Finances, « compte tenu des pressions importantes qui s’exercent déjà sur le système de soins de santé, il sera de plus en plus important que les gouvernements poursuivent leurs réformes des soins de santé et stimulent la croissance du produit intérieur brut (PIB) – la source de financement des services publics dans une société. Toutefois, avec le vieillissement de la population, il sera de plus en plus difficile de soutenir la croissance du PIB par habitant […] ».
M. Henripin a affirmé au Comité que « [l]e coût des services de santé publics augmente environ au même rythme qu’augmente le pourcentage de gens ayant 65 ans et plus. Si le pourcentage de gens ayant 65 ans et plus double, il y aura un doublement du coût des soins de santé défrayé par chaque contribuable, chaque travailleur, chaque adulte ». Pour ce qui est de rendre les soins de santé plus abordables pour l’État, il a avancé deux idées :
Ø facturer à chaque patient une petite somme, ou permettre à chaque médecin de facturer une petite somme, ce qui réduirait les coûts de manière significative, contribuerait à réduire les dépenses et réduirait le nombre de consultations médicales;
Ø mettre en place un régime subventionné pour les soins de santé extrêmement coûteux, tels que les soins dispensés au cours des dernières années de la vie.
2. L’importance des régimes de pension publics et leurs coûts
Au fur et à mesure que la population canadienne vieillira, une population active proportionnellement moins nombreuse devra supporter le coût croissant des prestations de pension financées intégralement ou partiellement par l’État, versées à un nombre croissant d’aînés. En 2004, le Bureau de l’actuaire en chef a préparé des projections de coûts pour les régimes de pensions de l’État, qui prévoient une augmentation des coûts combinés de la SV et du RPC/RRQ, passant de 5 p. 100 du PIB en 2003 à 7 p. 100 en 2030.
De plus, d’après l’actuaire en chef, « on s’attend à ce que le rapport entre les dépenses de la SV et le PIB augmente de 2,4 à 3,2 p. 100 entre 2010 et 2030, en raison principalement de la retraite des baby-boomers ». Il a également affirmé que « veiller à l’équilibre budgétaire et prendre des mesures pour réduire la dette en tant que pourcentage du PIB sont des moyens efficaces d’assurer un financement durable de la Sécurité de la vieillesse par l’entremise du Trésor public ».
Les représentants du Projet de recherche sur les politiques ont fourni au Comité des données qui suggèrent que les versements de la SV et du RSG devraient augmenter de 0.5 p. 100 à 1 p. 100 du PIB d’ici 2030. Ils ont également indiqué que les coûts des services de santé publics devraient augmenter de 2.5 p. 100 à 4 p. 100 du PIB d’ici 2040. Bien qu’on prévoie également une augmentation des prestations du Régime de pensions du Canada (RPC), on s’attend à ce que les taux de cotisations actuels couvrent ces prestations plus élevées. L’intégrité financière du RPC a été confirmée dans le 21e Rapport actuariel du Régime de pensions du Canada, publié en 2004.
D’après l’actuaire en chef du Canada, même si « on s’attend à ce que le régime [des revenus de retraite] soit viable et abordable pour de nombreuses années à venir malgré l’évolution démographique […] un examen continu du régime contribuerait au maintien de cette situation ». De plus, il a signalé qu’« une augmentation nette de la (im)migration et de nouvelles hausses des taux de participation à la population active, particulièrement chez les femmes et les travailleurs plus âgés, sont des facteurs qui pourraient atténuer les pressions financières futures sur le régime des pensions public ».
M. Henripin a avisé le Comité que « la croissance des pensions publiques n’est pas seulement proportionnelle au vieillissement de la population. D’ici 2025, il faut prévoir que le coût des pensions publiques pour chaque travailleur augmentera d’environ 75 p. 100. À l’heure actuelle, les coûts liés aux soins de santé et aux pensions publiques sont de 12 à 15 p. 100 du PIB. Si ces coûts augmentent de 75 p. 100 – et je crois qu’ils augmenteront d’au moins cette proportion d’ici 2025 – alors 25 p. 100 de tous les biens et services que nous produisons serviront uniquement à couvrir les coûts des soins de santé et des pensions publiques ».
Selon M. Henripin, il faut modifier le régime; il estime que « [l]e remède principal, et de loin le remède le plus efficace, consisterait à retarder la retraite […]. Quel que soit le régime de retraite, reporter la retraite de cinq ans aurait pour effet de réduire le coût des cotisations d’environ 40 p. 100. Autrement, si le coût des cotisations demeure le même, les prestations de retraite pourraient augmenter de 35 à 40 p. 100 ». Il a également proposé une transition progressive du régime actuel de financement par répartition – qui à ses yeux comporte « quelques failles » – vers un régime financé par capitalisation, similaire à ce qui est en vigueur pour les régimes de pension privés.
L’actuaire en chef du Canada a relevé quelques facteurs qui pourraient atténuer les pressions financières qui s’exerceront sur le régime de pensions public, notamment :
Ø une augmentation de la (im)migration nette;
Ø de nouvelles hausses des taux de participation à la population active, particulièrement chez les femmes et les travailleurs plus âgés;
Ø une hausse des salaires découlant de la pénurie de main-d’œuvre prévue.
Le Comité reconnaît les changements qu’on apporte présentement à notre régime de soins de santé et à son financement. Toutefois, comme l’Institut C.D. Howe, nous croyons qu’« [i]l est difficile pour le gouvernement fédéral de s’attaquer aux problèmes en matière de soins de santé parce qu’ils surviennent au niveau provincial ». Néanmoins, nous croyons que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont un objectif commun : assurer un régime de soins de santé abordable qui répond aux besoins des Canadiens.
Le Comité appuie les mesures exposées dans l’Accord des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé, signé en février 2003 et fondé sur l’entente sur la santé conclue par les premiers ministres en 2000. De plus, nous appuyons l’entente de septembre 2004 conclue par les premiers ministres visant le Plan décennal pour consolider les soins de santé. Nous demandons avec insistance l’élaboration de mesures de responsabilisation à l’égard de l’avancement des réformes visant à offrir aux Canadiens le régime de soins de santé auquel ils s’attendent.
Précédemment, le Comité a recommandé des modifications aux régimes de pensions publics, plus précisément la sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti et l’allocation au conjoint, ainsi que le Régime de pensions du Canada. Nous croyons que la mise en œuvre de ces recommandations entraînerait des augmentations de coûts relativement modestes, et stimulerait considérablement la participation au marché du travail.
Cependant, les gens ne réagissent pas toujours au changement de la manière prévue dans nos projections. Il existe des préoccupations légitimes au sujet des coûts futurs des programmes de la SV, du SRG et de l’AC. À notre avis, grâce à la prospérité accrue et à la croissance économique, ces programmes ne constitueront pas un fardeau trop lourd pour le Trésor public, mais il n’y a aucune garantie que les coûts seront contenus.
En raison des préoccupations à l’égard des dépenses accrues en matière de soins de santé et, possiblement, des coûts plus élevés des pensions publiques, le Comité estime : qu’il faut mettre en place des mesures de responsabilisation pour les dépenses liées aux soins de santé; que tous les intervenants doivent veiller à ce que les fonds affectés aux soins de santé soient dépensés de manière optimale; et qu’il faut revoir périodiquement les coûts des régimes de pensions publics. Dans cette optique, le Comité recommande :
9. Que le gouvernement fédéral participe à un dialogue permanent sur les soins de santé avec les premiers ministres, de manière à :
- accroître les mesures de responsabilisation;
- assurer l’efficacité et l’efficience du régime des soins de santé;
- allouer des fonds suffisants aux mesures de prévention et de mieux-être ainsi qu’à la facilitation du diagnostic précoce.
En ce qui concerne le régime des pensions public, il faudrait que le gouvernement – de concert avec les partenaires provinciaux et territoriaux, le cas échéant – assure un examen permanent des coûts du système de santé.
Puisque l’obligation de produire des rapports en vertu de la loi s’applique déjà à certains programmes et à certaines initiatives, il faudrait que le gouvernement rende compte au Parlement de la situation des régimes publics de soins de santé et de pensions.
G. Accroître la croissance de la productivité
La croissance économique est utilisée couramment comme variable substitutive pour mesurer l'amélioration des niveaux de vie, bien que certains allèguent que c'est une variable imprécise et peut-être inadéquate et limitée. Cela étant dit, la croissance économique est déterminée par la croissance du ratio emploi-population et de la productivité, qui peuvent tous deux être influencés par le changement démographique.
Comme nous l'avons mentionné précédemment, le changement démographique influe sur le taux d'activité, qui influe lui-même sur le ratio emploi-population. La retraite des baby boomers, combinée à une diminution du taux de fertilité, pourrait donner lieu à un ralentissement, voire à une inversion, du taux d'activité et du ratio emploi-population durant les prochaines années. Si le ratio emploi-population diminue et que le taux de croissance de la productivité demeure stable, la croissance économique peut également diminuer.
Les représentants du Projet de recherche sur les politiques ont mentionné au Comité : « Après 2010, lorsque la taille relative de la population active commencera à diminuer, il y aura des incidences négatives sur la capacité financière du gouvernement et sur le taux de croissance de l'économie ». En particulier, ils ont indiqué que le vieillissement de la population pourrait limiter la croissance économique en raison d'une diminution de l'offre de main-d'œuvre relative.
Selon les représentants de l'OCDE, « le plus grand risque associé au vieillissement de la population réside dans le ralentissement de la croissance du PIB par habitant, principalement attribuable aux incidences du vieillissement sur l'offre de main-d'œuvre [...]. Si les taux d'activité selon l'âge et le sexe demeurent constants au cours des cinq prochaines décennies, la population active augmentera de moins de 5 p. 100, au total, au cours de cette période, ce qui contraste complètement avec la croissance record de 200 p. 100 enregistrée au cours des 50 dernières années. Un tel ralentissement de la croissance de la population active permettrait difficilement de maintenir les taux de croissance et les améliorations du niveau de vie passés ».
Par ailleurs, les représentants de la New America Foundation ont noté que « la croissance de la population est une cause principale de la croissance économique. Dans l'histoire, aucun pays n'a prospéré lorsque sa croissance démographique a décliné ou même stagné. Sans croissance de la population, la croissance économique ne se manifestera, le cas échéant, que par des augmentations des extrants individuels, ou en d'autres mots, en augmentant le nombre de personnes dans la population active et en leur demandant de travailler plus chaque jour ».
Comme nous l'avons mentionné précédemment, le changement démographique influe également sur le taux d'épargne et sur le montant de devises canadiennes pouvant être investi, qui influe lui-même sur les taux d'investissement et, en définitive, sur la croissance de la productivité. Une fois atteint l'âge de la retraite, les baby boomers commenceront à dépenser leurs pensions et leurs épargnes, ce qui réduira les capitaux disponibles sur le marché pour l'investissement.
Selon les représentants du ministère des Finances, « l'implication probablement la plus importante consiste à établir une politique gouvernementale qui soutient la croissance de la productivité [...] Dans le contexte du vieillissement de la population, un pays doit se fonder sur la productivité pour augmenter son niveau de vie, plutôt que sur le marché du travail et sur la croissance de l'emploi [...] C'est plus important lorsque la population vieillit qu'à d'autres moments pour s'assurer que la politique gouvernementale soutient la croissance de la productivité ».
M. Brown a également souligné l'importance de la croissance de la productivité comme outil. Il a mentionné que « si la population peut être plus productive, nous pouvons résoudre un bon nombre de problèmes inhérents au vieillissement de la population. Nous pouvons remplacer un bébé en moins par un immigrant [...] Nous pouvons également remplacer une naissance en moins grâce à la productivité ». Il a ajouté que « l'éducation est le premier objectif à viser avec votre financement limité [...] Si vous donnez à tous la possibilité d'être productifs en leur offrant une éducation et des biens immobiliers, alors nous pouvons tous avoir un bon niveau de vie ».
Manifestement, le Comité appuie l'importance de la croissance de la productivité pour la prospérité future de notre nation. Notre appui serait donné même en l'absence des problèmes futurs associés au vieillissement de la population. À notre avis, le changement démographique qui surviendra ne fait que mettre en relief l'importance d'agir rapidement afin que la croissance de la productivité soit la plus élevée possible et la plus rapide possible. Dans notre rapport de juin 2005, nous avons formulé des recommandations qui à notre avis, si elles sont appliquées, ouvriraient la voie à une croissance de la productivité élevée et soutenue. De ce point de vue, le Comité recommande :
10. Que le gouvernement fédéral agisse rapidement pour mettre en application les recommandations du rapport de juin 2005 du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce intitulé Il est temps d'agir pour rattraper notre retard – Comment améliorer la productivité du Canada, compte tenu des mesures annoncées dans Le plan budgétaire de 2006.
CONCLUSION
Le Canada est […] mieux placé pour relever les défis du vieillissement démographique que bon nombre des autres pays de l’OCDE. D’abord, le vieillissement démographique se produit moins rapidement que dans les autres pays de l’OCDE. […] Ensuite, des réformes déjà mises en place ont renforcé les finances publiques. […] De plus, grâce à des politiques macro-économiques solides et à une inflation particulièrement faible et stable jumelée à une diminution des rapports dette-PIB, le Canada se trouve dans une bonne situation pour faire face aux nouvelles pressions financières associées au vieillissement. (Organisation de coopération et de développement économiques)
Le Comité reconnaît que, même si le vieillissement de la population est un fait bien établi qui aura indubitablement des répercussions importantes sur la politique gouvernementale dans un large éventail de domaines, son incidence précise est difficile à prédire avec certitude. Les tendances démographiques projetées et leurs répercussions anticipées sont le résultat de modèles et de prévisions qui sont fortement tributaires de leurs hypothèses sous-jacentes. Même si tout cela repose généralement sur les tendances démographiques et économiques actuelles et sur des projections « raisonnables », des changements imprévus au niveau du comportement, de la technologie ou des politiques pourraient provoquer une divergence entre les résultats prévus et réels. Songeons, par exemple, aux répercussions d’une pandémie sur le profil démographique du Canada, sur le taux de participation à la population active, ainsi que sur la croissance de l’économie et de la productivité.
Le Comité est du même avis que de nombreux témoins qui estiment qu’il faut agir maintenant. Même s’il n’est pas possible d’inverser les tendances démographiques comme le vieillissement de la population, il existe des mesures que l’on pourrait mettre en œuvre pour atténuer les répercussions. Dans le présent rapport, nous avons recommandé de telles mesures. Nous croyons que les politiques, programmes et mesures incitatives visant à augmenter les taux de participation au marché du travail, à améliorer la productivité et à réduire le fardeau imposé aux régimes de soins de santé et aux régimes de retraite sont les mesures clés qui nous permettront de gérer l’impact du changement démographique dans les années à venir. Nous croyons qu’il est vital de maintenir la cohésion intergénérationnelle : nous ne voulons pas que les futures générations de jeunes aient le sentiment de porter un fardeau injuste en raison des mesures que nos prenons aujourd’hui.
Le Comité estime qu’il faut lancer un dialogue national en vue d’élaborer une stratégie pancanadienne cohérente – et globale – permettant de relever les défis de l’évolution démographique et, plus particulièrement, du vieillissement de la population canadienne. Nous espérons que le gouvernement fédéral assumera un rôle de premier plan dans un tel dialogue et qu’il insistera auprès des intervenants – particulièrement au sein de l’appareil gouvernemental – pour qu’ils se penchent sur nos recommandations. Nous croyons que ces dernières sont les éléments vitaux d’une stratégie qui permettra au Canada de prospérer malgré les défis démographiques qui nous attendent. Il faut agir maintenant, et les mesures à mettre en œuvre ne sauraient attendre : il s’agit, dans le sens le plus concret de l’expression, de mesures prioritaires.
Nom de l’organisation
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Nom du témoin
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Date de la présentation |
Ministère des Finances Canada
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Benoit Robidoux, directeur, Direction des politiques économique et fiscale, Division des études économiques et de l’analyse de la politique |
19 octobre 2005 |
Statistique Canada
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Pamela White, directrice, Division de la démographie Alain Bélanger, coordonnateur, Recherche et analyse, Division de la démographie |
19 octobre 2005 |
Projet de recherche sur les politiques |
Terrance Hunsley, directeur principal de projet Alain Denhez, directeur adjoint de projet |
19 octobre 2005 |
Le Conference Board du Canada |
Paul Darby, économiste en chef adjoint
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19 octobre 2005 |
Institut C.D. Howe
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William B.P. Robson, vice-président et directeur de la recherche |
19 octobre 2005 |
Fédération canadienne de l’entreprise indépendante |
Richard Fahey, vice-président, Québec Rob Taylor, analyste principal en matière de politiques, Affaires nationales |
19 octobre 2005 |
Bureau du surintendant des institutions financières |
Jean-Claude Ménard, actuaire en chef |
20 octobre 2005 |
Organisation de coopération et de développement économiques |
Steven Tobin, économiste, Direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales, Division de l’analyse et des politiques d’emploi |
20 octobre 2005 |
New America Foundation |
Phillip Longman, Bernard L. Schwartz Senior Fellow |
20 octobre 2005 |
À titre personnel |
Robert L. Brown, directeur, Institute of Insurance & Pension Research and Professor, Department of Statistics & Actuarial Science, Université de Waterloo. Jacques Henripin, professeur émérite, Université de Montréal. |
20 octobre 2005 |
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