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RAPPORT FINAL SUR LES MÉDIAS D’INFORMATION CANADIENS

Volume 2 de 2

Comité sénatorial permanent des transports et des communications

Présidente: L’honorable Lise Bacon
Vice-président: L’honorable David Tkachuk

Juin 2006


MEMBRES

L’honorable sénateur Lise Bacon, présidente
L’honorable sénateur David Tkachuk, vice-président

et

Les honorables sénateurs,

Willie Adams

*Marjorie Lebreton, C.P. (ou Gerald Comeau)

Pat Carney, C.P.

Terry M. Mercer

John Trevor Eyton

Pana Merchant

*Daniel Hays (ou Joan Fraser)

Jim Munson

Janis G. Johnson

Gerard A. Phalen

 

Rod A.A. Zimmer

* Membres d’office

Les honorables sénateurs George Baker, C.P., Tommy Banks, Michel Biron, Eymard G. Corbin, Pierre De Bané, C.P., Consiglio Di Nino, Joyce Fairbairn, C.P., J. Michael Forrestall, Aurélien Gill, B. Alasdair Graham, C.P., Leonard Gustafson, Laurier L. LaPierre, John Lynch-Staunton, Lorna Milne, Wilfred P. Moore, Nancy Ruth, Pierre-Claude Nolin, Mira Spivak, Gerry St. Germain C.P., Terry Stratton, et Marilyn Trenholme Counsell ont participé aux travaux du Comité relativement à cette étude depuis le dépôt du Rapport intérimaire en avril 2004.           

Personnel de recherche :
Joseph Jackson, Bibliothèque du Parlement
Terrence Thomas, Bibliothèque du Parlement
David M. Black, conseiller spécial du Comité

 

Adam Thompson
Greffier du Comité

Le Comité tient à remercier aussi Alexandre Drago du bureau de la présidente, Rhonda Walker et Robin Hay du bureau du vice-président, Céline Éthier, du bureau de l’ancienne présidente (sénateur Fraser), Tracy Bellefontaine du bureau de la sénateur Johnson, Till Heyde, ancien greffier du Comité, de même que Jessica Richardson à la Direction des comités, pour leur apport à la présente étude.


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat du jeudi 27 avril 2006 :

L'honorable sénateur Robichaud, C.P., au nom de l'honorable sénateur Bacon, propose, appuyé par l'honorable sénateur Dallaire,

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergents au sein de ces industries; le rôle, les droits, et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries;

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 30 juin 2006 et qu'il conserve jusqu'au 31 juillet 2006 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions;

Que les mémoires reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis sur la question par le Comité depuis la deuxième session de la trente-septième législature soient déférés au Comité.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

Le greffier du Sénat
Paul C. Bélisle

(Cet ordre de renvoi est similaire à celui reçu par le Comité au cours des sessions parlementaires précédentes.)


TABLE DES MATIÈRES 

INTRODUCTION.. 1

 

ANNEXE I : CE QUE LES TÉMOINS ONT DIT AU COMITÉ.. 3

A.        Changements dans la société et innovations dans les technologies des communications  3

B.        Propriété. 5

C.        Propriété étrangère. 14

D.        Législation. 15

1.    Lois en matière de confidentialité des sources. 15

2.   Accès à l’information. 17

3.  Dénonciateurs. 18

4.  Financement pour la recherche et les activités médiatiques. 19

E.         Organismes de réglementation. 20

1.   Le Bureau de la concurrence. 20

2.   Le CRTC et la Loi sur la radiodiffusion. 22

3.   La relation entre le CRTC et le Bureau de la concurrence. 24

F.         Radiodiffusion publique. 25

1.   Radio-Canada/CBC.. 25

2.   La télévision éducative. 27

3.   La radiodiffusion sans but lucratif. 28

4.   Les médias communautaires. 28

G.        Autres médias. 30

1.   La Presse canadienne. 30

2.   Les médias des minorités de langue officielle. 32

3.   Les médias ethniques. 34

4.   Les minorités dans les médias grand public. 35

5.   Les médias autochtones. 36

H.        Autoréglementation, gouvernance et formation. 37

1.   Le médiateur (ombudsman)37

2.   Les conseils de presse. 37

3.   Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision. 39

4.   Les énoncés de principes et les codes de déontologie. 39

5.   Journalistes, emploi et pigistes. 41

6.  Formation, éducation et recherche. 46

 

ANNEXE II : CHANGEMENTS DE PROPRIÉTÉ.. 51

A.        Changements récents dans le secteur des médias. 51

1.   Transactions de propriété mixte. 54

2.   Journaux communautaires. 55

3.   Radio. 58

B.        Deux cas récents. 60

1.   La décision CKAC.. 60

2.   Les intérêts de la famille Irving et la radio au Nouveau-Brunswick. 62

C.        Genèse de la concentration des médias sur plusieurs marchés. 64

1.   Vancouver65

2.   Le Québec et le Nouveau-Brunswick. 73

 

ANNEXE III : SONDAGE AUPRÈS DES CANADIENS. 77

A.        Usage que font les Canadiens des médias d’information. 78

B.        Confiance dans les sources d’informations. 82

C.        Comparaison de l’attitude des Canadiens et des Américains. 88

D.        Propriété étrangère, concentration et propriété mixte des médias. 93

E.         Conclusions. 95

 

ANNEXE IV : LA POLITIQUE DU CANADA EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ ÉTRANGÈRE   97

A.        Les restrictions à la propriété étrangère d’entreprises de radiodiffusion. 97

B.        Les restrictions à la propriété étrangère de journaux. 97

C.        La politique de propriété étrangère et l’ALENA.. 98

 

ANNEXE V : LOIS SUR LES MÉDIAS DANS D’AUTRES PAYS. 100

 

ANNEXE VI : MODIFICATION DU RÉGIME RÉGLEMENTAIRE.. 105

A.        Maintien du statu quo. 105

B.        Changements sommaires apportés aux mandats du Bureau de la concurrence et du CRTC   105

1.   Le Bureau de la concurrence. 105

2.   Le CRTC.. 106

C.        Modification des relations entre le Bureau de la concurrence et le CRTC.. 108

D.        Délimitation du rôle du Bureau de la concurrence, et modification et réduction importantes du rôle du CRTC   108

E.         Fusionnement des deux institutions. 109

F.         Mise au point de mécanismes particuliers destinés à protéger l’intérêt public. 109

1.   Adapter un modèle canadien existant110

2.   Adapter un modèle non canadien. 111

 

ANNEXE VII : EXTRAITS DE LA LOI SUR LA RADIODIFFUSION.. 112

 

ANNEXE VIII : EXTRAIT DE LA LOI SUR LA CONCURRENCE.. 117

 

ANNEXE IX : EXTRAIT DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES. 118

 

ANNEXE X : L’ENTENTE D’INTERFACE.. 119

 

ANNEXE XI : EXEMPLE DE CONTRAT DE PIGISTE DE L’AGENCE DE PRESSE CANWEST NEWS SERVICE.. 124

 

ANNEXE XII : CRITÈRES D’ADMISSIBILITÉ AU PROGRAMME D’AIDE AUX PUBLICATIONS  126

 

ANNEXE XIII : LES SERVICES DE LA SRC.. 127

 

ANNEXE XIV : CODES DE CONDUITE ET ÉNONCÉS DE PRINCIPE.. 130

 

ANNEXE XV : MESSAGES D’INTÉRÊT PUBLIC CONCERNANT LA PROPRIÉTÉ CROISÉE   137

 

ANNEXE XVI : OPINION DISSIDENTE DU SÉNATEUR PAT CARNEY.. 138


INTRODUCTION

Le volume I du présent rapport final contient l’analyse de base, les recommandations et les propositions du Comité.  Le Rapport intérimaire de 2004 du Comité a servi d’outil de référence pour la rédaction du rapport final.  Depuis la parution de son Rapport intérimaire, le Comité a entendu de nombreux autres témoins et poussé son analyse des médias plus à fond.  On trouvera dans le présent volume une bonne partie de la documentation récente sur laquelle repose le rapport final, des textes utiles et des analyses plus approfondies des sujets abordés dans le volume I.


ANNEXE I : CE QUE LES TÉMOINS ONT DIT AU COMITÉ

Bien qu’il y ait eu des recoupements entre ce que le Comité a entendu lors de la préparation de son Rapport intérimaire et depuis lors, les témoignages du deuxième groupe de témoins portaient davantage sur les préoccupations et problèmes de marchés particuliers.

A.      Changements dans la société et innovations dans les technologies des communications

Les témoins ont parlé des changements survenus dans la société et des innovations dans les technologies des communications qui influent sur les médias d’information.

Dans le cadre de notre étude, les changements les plus importants sont les suivants :

·                     fragmentation de l’auditoire des actualités et des informations;

·                     lent déclin du lectorat des journaux;

·                     apparition de nouvelles sources de divertissement (DVD, jeux vidéos) qui ont réduit l’auditoire traditionnel des organes d’information;

·                     changements dans la consommation et la définition des nouvelles;

·                     création de nouvelles approches envers les auditoires (p. ex., quotidiens gratuits);

·                     utilisation de « stratégies de convergence » pour récupérer des parts de marché et tirer profit de l’évolution de la technologie; on note à cet égard notamment les efforts déployés par les organisations médiatiques pour conserver leur auditoire et leur lectorat (en partie par l’acquisition d’une vaste gamme de médias différents).

Les avis sont partagés sur les conséquences de ces changements. Comme le journaliste Ian Mulgrew l’a déclaré au Comité :

Le journalisme a changé au fil des trente dernières années, pour le mieux dans certains cas, pour le pire dans d’autres. […] Ce monde très différent résulte de pressions économiques, de changements technologiques, de la concurrence avec la télévision et l’Internet pour attirer le même auditoire. Le rythme de vie est plus rapide. Le monde est plus bruyant et les journaux et leurs journalistes doivent attirer des lecteurs pour survivre.

Nous pouvons faire beaucoup plus de choses dans nos salles de presse aujourd’hui grâce aux changements technologiques. Ainsi, le fait que nous comptions moins de journalistes ne signifie pas nécessairement que nous faisons du travail de moins bonne qualité. J’estime pour ma part qu’à de nombreux égards, les journaux sont plus vivants, plus attrayants visuellement et plus amusants que jamais auparavant. [31 janvier 2005]

Les opinions varient au sujet d’Internet. Des témoins reconnaissent que ce dernier a contribué aux changements, mais affirment que les organisations traditionnelles de collecte des nouvelles ont toujours leur importance. Comme l’a souligné Deborah Jones, membre de l’Association canadienne des journalistes :

Les informations qu’on trouve sur Internet ne proviennent pas seulement de carnetiers dogmatiques et peu fiables. De plus en plus, les gens se tournent vers les grands sites Web bien établis comme celui du New York Times. Pour ma part, je n’ai plus la patience de regarder le journal télévisé puisque je peux aller sur le site Web de Radio-Canada et de CTV pour prendre connaissance des manchettes et lire les nouvelles en quelques minutes. [31 janvier 2005]

Les diverses sources d’information ont une influence sur la manière dont les jeunes Canadiens ont accès aux nouvelles. M. Will Straw a raconté ce qui suit au Comité :

Au cours des dernières années, j’ai demandé aux participants à mes séminaires des cycles supérieurs en communication s’ils lisaient un quotidien. Depuis trois ans, dans des groupes de 15 à 20 personnes, pas un seul n’a répondu positivement. Ces étudiants vivent au coeur de l’information, convaincus de la nécessité d’être bien informés, ils n’ont rien contre les journaux, mais ils n’ont pas pris l’habitude de s’abonner à des journaux ou d’en acheter quotidiennement. [16 décembre 2004]

Il a aussi mentionné la prolifération des journaux gratuits « Metro »:

Les quotidiens gratuits, quant à eux, écartent cette culture du journalisme de leur travail dans un sens. La nouvelle est constituée à partir d’éléments disparates fournis par des services plus ou moins uniformisés à l’échelle planétaire. La plupart du temps, ils publient des articles souscrits – critique de cinéma, potins, documents produits par un service centralisé à l’intention d’un lectorat international. [16 décembre 2004]

Certains témoins ont fait remarquer que si le nombre de sources d’information a peut-être augmenté, il n’y a probablement pas autant de sources d’information indépendantes ni autant de journalistes qu’avant. Cela peut avoir une influence sur la qualité de la couverture médiatique.

[…] de plus en plus de journalistes sont traités comme des journalistes d’affectations générales, traitant d’une histoire différente chaque jour. Ils peuvent traiter du mariage des conjoints de même sexe à la Cour suprême un jour, des plans du gouvernement pour respecter le Protocole de Kyoto le lendemain et des négociations fédérales-provinciales en matière de santé le jour suivant. Dans un monde comme celui-là, il n’y a jamais suffisamment de temps pour acquérir une expertise.

Christopher Waddell

Chaire Carty en commerce et en journalisme financier

Université Carleton

24 novembre 2004

Dans la même veine :

Même si le dossier des affaires autochtones et des revendications territoriales est le plus gros dossier économique et social de la Colombie-Britannique, un dossier qui intéresse toutes les grandes industries des ressources qui sont fondamentales à l’économie de la province, il n’y a pas un seul journaliste spécialisé qui en parle dans les quotidiens locaux, aucun de ces deux journaux n’a de journalistes spécialisés dans les questions syndicales, il n’y a aucun journaliste affecté spécifiquement à l’Assemblée législative, il n’y a pas de journalistes s’occupant uniquement d’environnement, ou encore de pêche. Le quotidien The Province n’a pas de journalistes dans le domaine forestier, mais il en a beaucoup pour ses pages sportives et sa chronique des loisirs.

Deborah Campbell, présidente

Chapitre de Vancouver, Association canadienne des journalistes

31 janvier 2005

Des témoins ont également insisté sur l’importance de la présence d’un certain nombre de journalistes de groupes différents.

S’il y a un journaliste qui couvre un événement et qui abreuve tout le monde, donc il y a une vision. Mais si vous avez quinze journalistes différents qui couvrent le même événement, il y a quinze visions différentes.

Alain Gravel, président

Fédération professionnelle des journalistes du Québec

16 décembre 2004

B.      Propriété

Le noyau de notre étude concerne l’influence réelle ou éventuelle des caractéristiques de la propriété des médias – groupes d’entreprises, concentration et propriété mixte de médias – sur les nouvelles et l’information au Canada.

Ce que l’on craint le plus c’est que la diminution du nombre de propriétaires d’entreprises des médias n’entraîne une réduction de la diversité des points de vue. Selon l’Association canadienne des journalistes :

 

Ce qui me dérange de la grande propriété mixte, c’est que si l’on allume sa radio ou son téléviseur ou encore qu’on ouvre un journal, tout le contenu vient de la même source. Nous y voyons un problème de diversité.

Paul Schneidereit, président national

Association canadienne des journalistes

19 avril 2005

De nombreux témoins ont fait valoir des préoccupations analogues, mais l’éditeur politique du Corriere Canadese, Angelo Persichilli, était l’un de ceux qui se demandent s’il y a véritablement une baisse de diversité des points de vue compte tenu des récents progrès dans les technologies de communication.

Comment est-il possible qu’il y ait moins de diversité dans un monde où il y a 1 000 [chaînes] de télévision et Internet, et où il y a des nouvelles 24 heures sur 24, sept jours par semaine, alors qu’il y a vingt ans, il n’y avait que deux chaînes de télévision, un radiodiffuseur et un […] journal [d’envergure nationale]? [13 décembre 2004]

De nombreux témoins ont souligné l’effet néfaste de la concentration des médias et de la propriété mixte. Christopher Waddell, ancien journaliste, n’a pas mâché ses mots :

Je ne vois aucun avantage à la propriété croisée des médias pour le journalisme. Je crois qu’il est préférable de ne pas permettre cela.

[…] la propriété multimédia engendre plusieurs questions, et le comité a sûrement entendu parler de la plupart d’entre elles d’une façon ou d’une autre avant ce soir. Il y a d’abord la simple question de la diversité des voix et du nombre de journalistes différents sur le terrain. Il est logique, et pratiquement vrai, que si cinq personnes différentes couvrent la même histoire pour cinq organisations différentes, il est fort probable que certains finissent par présenter plus d’information que d’autres. [24 novembre 2004]

Allan Thompson, professeur de journalisme à l’Université Carleton, est particulièrement préoccupé par la fermeture des bureaux à l’étranger.

En tant que Canadiens, nous y perdons quand nos médias d’information sont forcés de compter sur les reportages produits par d’autres. [1er décembre 2004]

M. Thompson, un ancien journaliste, a dit aussi que la pression exercée pour produire des reportages, en raison du cycle de nouvelles de 24 heures et des tâches multiples exigées par la convergence des médias, nuit à la qualité du journalisme.

Ce qui m’inquiète c’est la baisse des normes; l’utilisation de sources non nommées à cause de la pression exercée pour produire des reportages, la manipulation qu’il peut y avoir dans ce milieu et quelquefois le journalisme à scandales. Je ne veux pas dire que certains scandales ne méritent pas notre attention; le rôle de chien de garde fait partie de notre métier. [1er décembre 2004]

Beaucoup de témoins ont parlé de marchés précis ou de certaines conséquences fâcheuses des niveaux élevés de concentration et de propriété mixte. Vancouver est le marché le plus souvent cité à cet égard. Pour les détracteurs de ce phénomène, CanWest exerce sur le marché de Vancouver[1] une dominance « effroyablement puissante » qui « affaiblit nos voix ».

Le marché des médias francophones du Québec a aussi été fréquemment cité.

Ce qui rend plus difficile la situation est la transformation que subit présentement le marché de la presse quotidienne avec le phénomène de la concentration. Au Québec, celle-ci a atteint un degré inégalé. Deux groupes dominent le marché de la presse francophone : Quebecor et Gesca.

Bernard Descôteaux, directeur

Le Devoir

27 avril 2005

Quebecor est le joueur dominant sur le marché francophone : il y est en première place dans la presse écrite et possède par ailleurs des stations de télévision, des revues, des distributeurs, des entreprises de câblodistribution, des magasins de vidéo et de disques et des maisons d’édition. Les problèmes éventuels de la promotion croisée abondent. Des journalistes d’un des journaux de Quebecor ont déposé une plainte auprès du Conseil de presse du Québec au sujet de la promotion de la programmation du réseau TVA dans le Journal de Montréal. Les deux entreprises appartiennent à Quebecor. Le Conseil de presse n’a pas donné suite à l’affaire.

Un journaliste de Quebecor a soutenu que « les activités commerciales de Quebecor peuvent grandement influencer le contenu éditorial des quotidiens de l’empire » et souligné ce qui suit :

Par ailleurs, depuis deux ans, Star Académie et Occupation Double ont fait l’objet de manchettes à la toute première page du Journal de Montréal près de 200 fois, comme s’il s’agissait des nouvelles les plus importantes ou marquantes de l’actualité municipale, provinciale, nationale ou internationale.

Martin Leclerc, président

Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal

15 décembre 2004

Les organisations médiatiques ont naturellement défendu leur position. CTV, par exemple, a soutenu que son service de nouvelles s’était amélioré grâce à la propriété mixte des médias.

L’acquisition de CTV par BCE et la famille Thomson, transaction qui a mené à la création de Bell Globemedia, a stabilisé les ressources financières de CTV et lui a ainsi permis de devenir le télédiffuseur solide et dynamique qu’il est aujourd’hui. Pour notre division de l’information, ce fut un important facteur de l’expansion et de l’amélioration de notre service de nouvelles. Nous avons resserré les normes journalistiques de toutes nos stations. […]

Nous avons amélioré notre infrastructure de collecte des nouvelles. Nous avons construit notre propre système de transmission vidéo de station à station — une sorte de système téléphonique transcanadien de transmission des reportages télévisés – . […]

CTV News dispose maintenant des ressources financières suffisantes pour couvrir les événements les plus importants au pays et partout dans le monde.

Robert G. Hurst, président,

CTV News

14 juin 2005

Torstar et CanWest ont affirmé qu’aucune preuve tangible n’étayait la thèse des torts causés par la propriété mixte de médias.

 

En dépit d’allégations répétées avancées notamment par la Commission Kent et voulant que la propriété des chaînes de journaux soit une force négative, aucune preuve causale de cette hypothèse n’a jamais été fournie. Certaines des chaînes de journaux du Canada ont en fait été les principales sources d’avancement dans l’innovation parmi les quotidiens canadiens. Nous citerions sans fausse modestie à titre de bons exemples Torstar et Southam Newspapers.

Robert Prichard, président et chef de la direction

Torstar Corporation

16 février 2005

Selon le président de CanWest Media Works de l’époque, Richard Camilleri : « La réduction de la diversité des opinions aux nouvelles et à l’information n’est tout bonnement pas vraie. »

Les témoignages des témoins précédents qui partagent cette opinion faisaient systématiquement preuve d’un manque d’analyse quantitative ou empirique. Leurs arguments dépassaient rarement le niveau des observations anecdotiques élaborées spécifiquement pour soutenir les mesures qu’ils proposent eux-mêmes. [13 avril 2005]

L’Association canadienne des radiodiffuseurs a soutenu que la fragmentation du marché de la télévision, de même que la prolifération des chaînes spécialisées et des chaînes de télévision payante, ont mené à la concentration.

[L]orsque les radiotélédiffuseurs ont consolidé leurs avoirs, ils l’ont fait en réponse aux tendances que nous observons dans l’industrie de la radiotélédiffusion, soit la fragmentation et l’érosion des frontières traditionnelles. Il s’agit d’une réaction à la fragmentation, les radiotélédiffuseurs tentant de maintenir les économies d’échelle en présence de ressources fragmentées. Il s’agit d’une réaction à l’érosion des frontières, alors que les diffuseurs s’efforcent de regrouper l’auditoire, divisé par le nombre croissant de chaînes américaines et étrangères offertes dans notre système de radiodiffusion.

Glenn O'Farrell, président-directeur général

Association canadienne des radiodiffuseurs

23 février 2005

CanWest et Torstar ont exprimé le même point de vue. M. Camilleri a déclaré :

[L]’enjeu le plus important auquel tous les médias du Canada font face, grands ou petits, y compris la télévision et les journaux, c’est précisément la fragmentation des médias […].

                

Les consolidations qui se sont produites et continueront à se produire parmi les entreprises canadiennes des médias, y compris les consolidations croisées, sont une réponse commerciale normale et stratégique car les entreprises individuelles cherchent à maintenir et à protéger une part tronquée des recettes publicitaires totales de l’industrie.[13 avril 2005]

Une autre membre de la direction de CanWest est d’avis que la concentration permet aux grandes entreprises de financer les opérations dans les marchés plus restreints :

En fait, nous avons des chaînes de petite taille et de taille moyenne qui ne font aucun profit. [Sans nos avoirs à] Toronto, Vancouver et [en] Alberta, nous ne pourrions pas les subventionner. Je pense que huit ou neuf de nos chaînes traditionnelles ne sont pas lucratives.

Charlotte Bell, vice-présidente, Affaires réglementaires

CanWest Television and Radio

13 avril 2005

M. Prichard a soutenu ce qui suit :

Les médias modernes, poussés par l’innovation technologique, ont été principalement marqués par une fragmentation et une concurrence accrues, et non pas par une concentration accrue. [16 février 2005]

CanWest a également soutenu que la concurrence est de plus en plus vive sur les marchés des médias et a souligné l’ampleur de la concurrence dans le marché de Vancouver. Comme l’a dit M. Camilleri :

En termes de dominance à Vancouver, ou de prétendue dominance en Colombie-Britannique ou à Vancouver, vous devez garder à l’esprit ce qui suit. À la radio, nous avons une part de marché de zéro p. 100. À la télévision, CHUM vient d’apparaître en tant que nouvel intervenant sur le marché. CTV a continué son expansion. Toutes les chaînes spécialisées atteignent la Colombie-Britannique. En termes de journaux, avec la présence de tous nos concurrents, avec l’apparition de Metro, du groupe Pattison, et maintenant avec le 24 Hours de Quebecor, ces deux journaux se rangent à eux seuls aux 10e et 11e places dans la liste de tirage nationale. [13 avril 2005]

Pour diverses raisons, c’est la propriété mixte des médias qui a le plus retenu l’attention des témoins. Ils ont cependant abordé aussi d’autres questions, notamment le fait que les journaux communautaires sont maintenant plus concentrés par province et par région, ce qui a des effets sur la diversité des voix et sur l’emploi.

Transcontinental possède maintenant 17 des 21 journaux publiés à Terre-Neuve-et-Labrador. Pour les journalistes de l’écrit, il n’y a pas vraiment d’autre endroit où travailler. Les quatre journaux indépendants connaissent des difficultés. Des articles des quotidiens de Transcontinental sont maintenant publiés dans les anciens hebdomadaires d’Optipress, et vice versa. Il devient de plus en plus difficile d’entendre la voix des journaux indépendants. À toutes fins utiles, Transcontinental a le monopole de la publication et de l’impression des journaux à Terre-Neuve. Je crois qu’un tel degré de concentration de la propriété dans le secteur des médias est mauvais pour le journalisme et néfaste pour la démocratie. Les grandes entreprises médiatiques comme Transcontinental profitent des avantages de la fusion des opérations, mais ne réinvestissent pas les sommes ainsi économisées dans les collectivités où elles réalisent leurs profits.

Craig Westcott, rédacteur, Affaires courantes

The Express, à titre personnel

18 avril 2005

Dans le domaine de la radio aussi, la concentration de la propriété est perçue comme un problème.

Ce qui préoccupe surtout notre association [l’ACJ] en ce qui concerne la concentration de la presse dans la province, c’est la radio privée, qui est souvent la source des nouvelles et des informations dans les localités de l’ensemble de la province, y compris Halifax et Sydney. La vingtaine de stations de radio commerciales de la province appartiennent avant tout à quatre grandes chaînes : Maritime Broadcasting, NewCap Broadcasting, Astral Média et CHUM. Quant au groupe Irving, il possède seulement une station au sud de la province. Il y a encore quelques stations de radio locales indépendantes, principalement CJLS à Yarmouth, CKEC à New Glasgow, CJFX à Antigonish et CIGO à Port Hawkesbury.

Murray Brewster, représentant du chapitre de la Nouvelle-Écosse

Bureau national de direction, Association canadienne des journalistes

19 avril 2005

Plusieurs autres témoins ont déploré le manque de place accordé aux nouvelles à la radio, en particulier pour ce qui est des actualités locales.

[D]ans les années 1980, je me souviens très bien de la vive concurrence qui existait entre les différentes stations de radio à Montréal. Comme journaliste affecté au pupitre et à la lecture de bulletins de nouvelles, j’avais l’habitude d’écouter à chaque heure les bulletins de nouvelles de nos compétiteurs. […]

Que reste-t-il de cette époque? Presque rien. Beaucoup de stations FM avec quelques journalistes, reformatent les nouvelles qu’ils reçoivent de d’autres sources, copient dans les sites Internet par exemple le site de Radio-Canada, qui s’approvisionne aux différentes agences.

Alain Gravel, président

Fédération professionnelle des journalistes du Québec

16 décembre 2004

Mais Cogeco et Brunswick News ont soutenu que la radio est maintenant une source d’informations moins importante qu’elle ne l’a déjà été. Ils ont dit que les consommateurs ont d’autres moyens d’obtenir les actualités, et la demande relative aux nouvelles radiodiffusées a chuté en conséquence.

[M]ais la radio a changé depuis l’époque des émissions d’actualités de la radio à modulation d’amplitude. Nous offrons de la musique et des divertissements plutôt que de l’actualité, sauf pour une de nos stations qui met l’accent sur les personnalités.

Vous pouvez obtenir les actualités de diverses façons. Vous pouvez le faire directement sur Internet. Vous pouvez les obtenir de CPAC. Il y a aussi les journaux locaux, qui n’existaient pas à l’époque.

Michel J. Carter, président et chef de la direction

TQS et Cogeco Diffusion

12 avril 2005

Yves Maynard, vice-président, Affaires corporatives à Cogeco, a souligné l’augmentation des stations de radio qui diffusent uniquement des actualités et souligné qu’il est clair que ce phénomène fournit une solution de rechange[2].

Victor Mlodecki, vice-président et directeur général de Brunswick News a aussi mentionné les changements survenus dans le marché des nouvelles radiodiffusées :

À de nombreux égards, l’ère des « scoops » est révolue. L’époque où il fallait de nombreux journalistes pour aller dénicher les nouvelles avant les concurrents l’est elle aussi. Les médias électroniques annoncent toujours les nouvelles les premiers, et les stations radio peuvent utiliser les médias locaux pour dénicher les nouvelles. En outre, le marché ne demande plus ce genre de services aux stations radio. S’il existait une réelle demande de nouvelles locales à la radio, quelqu’un y répondrait. [22 avril 2005]

L’Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec a noté que la propriété mixte des médias peut avoir une incidence négative sur les stations de radio communautaires et sur la présentation des nouvelles locales.

Il n’est pas normal qu’un résident de Longueuil ou de la Rive-Sud de Montréal ne soit pas en mesure de savoir ce qui se passe dans son milieu. C’est un peu la raison d’être des radios communautaires. Toutefois, une radio communautaire installée à Longueuil est incapable de vendre de la publicité, étant donné les pratiques commerciales des grands réseaux et des grandes maisons de médias.

Lucie Gagnon, secrétaire-trésorière

Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec

15 décembre 2004

Le témoignage probablement le plus émotif a été suscité par la très étendue et toujours croissante propriété mixte de médias de la famille Irving au Nouveau-Brunswick. Sur le plan de la valeur monétaire, l’empire Irving vient bien loin derrière CanWest, Bell Globemedia et Quebecor, mais la famille Irving domine les médias dans sa province. Parmi les médias qu’elle détient au Nouveau-Brunswick, notons tous les quotidiens de langue anglaise, trois stations de radio (et une autre à Terre-Neuve) et tous les journaux communautaires de langue anglaise sauf trois, en plus de récentes acquisitions parmi les journaux de langue française.

La dominance médiatique des entreprises Irving est aggravée par la dominance de cette famille dans le secteur industriel de la province. De nombreux témoins ont exprimé des préoccupations quant aux conséquences d’une force médiatique dominante liée aussi à une domination industrielle.

David Henley, dont le groupe de journaux communautaires a été acheté par la famille Irving, s’inquiète aussi du fait que cette famille contrôle la majeure partie des presses à imprimer de la province. C’est le cas également de David Cadogan dont le groupe de journaux communautaires a aussi été acheté par Brunswick News. M. Cadogan a souligné que les médias Irving avaient davantage accès à la publicité payée par les autres entreprises de la famille Irving comparativement aux autres publications, et qu’ils jouaient dur sur le marché de la publicité.

La dominance des entreprises Irving dans le monde des médias écrits du Nouveau-Brunswick est en train de s’étendre du marché anglophone au marché francophone.

 

 

L’indépendance de la presse écrite, qui était une source de fierté pour la communauté acadienne, est dorénavant atteinte sérieusement depuis l’augmentation de titres en français dans les journaux appartenant à Irving.

Marie-Linda Lord, professeure, Programme en information-communication

Université de Moncton

22 avril 2005

Pour plusieurs des témoins, les liens médias-industrie de l’empire Irving introduisent une partialité malsaine dans les nouvelles communiquées aux résidents du Nouveau-Brunswick.

Peu importe que l’intention soit d’être neutre et d’avoir une politique éditoriale ouverte, on garde inconsciemment une certaine loyauté à l’égard de la société mère. Il est inconcevable qu’un journaliste qui rédige un reportage sur un enjeu délicat mettant en cause l’une de ces entreprises ne soit pas intimidé par le fait qu’il s’agit là d’une autre partie de l’empire Irving. Ce journaliste risque d’être puni de façon très subtile, de perdre de l’avancement ou même son emploi. J’insiste toutefois sur la conditionnalité, car je ne dis pas que cela se produirait nécessairement. Il y a maintenant très peu d’autres endroits offrant des emplois de journaliste. Il n’aurait donc pas d’autre choix que de quitter la province.

David Henley

Ancien propriétaire de Henley Publishing Ltd.

21 avril 2005

Un professeur de sociologie a examiné l’empire médiatique Irving au Nouveau-Brunswick et a trouvé des cas où les intérêts commerciaux de ce groupe semblaient influencer les reportages présentés dans les journaux détenus par Irving. Le parti pris ne tient pas nécessairement à des directives directes des propriétaires, bien sûr, mais peut être dû à l’autocensure des journalistes – ou même à leur incompétence.

La recherche sur la couverture médiatique de leurs propres entreprises révèle également que les journaux publient de façon routinière leurs propres communiqués de presse comme étant des nouvelles. Par exemple, le Telegraph-Journal de Saint John publie un article intitulé « La raffinerie embauche 1 000 travailleurs pour projet d’entretien », qui est presque identique au communiqué de presse Irving Oil sur la question, intitulée « 1 000 ouvriers relancent la raffinerie de Saint John ».

Erin Steuter, professeure agrégée, département de sociologie,

Université Mount Allison

21 avril 2005

Brunswick News a réfuté les allégations de partialité. M. Mlodecki a indiqué ce qui suit :

Les éditeurs des journaux de BNI agissent selon des lignes de conduite générales, ce qui laisse entièrement entre les mains de chaque éditeur le contenu rédactionnel, la couverture quotidienne des nouvelles et la gestion des journaux. La philosophie d’exploitation de BNI peut se résumer succinctement comme suit : les journaux de BNI s’efforcent d’être une source d’information de confiance, respectée et précise pour les communautés du Nouveau-Brunswick qu’ils desservent. Nos journaux reflètent les valeurs grand public générales des citoyens du Nouveau-Brunswick. Nos journaux traitent les gens avec dignité et respect. Ce que nous publions est en accord avec les normes de notre communauté, sachant qu’elles évolueront et changeront au fil du temps. Les journaux de BNI couvrent les nouvelles le plus impartialement possible sans hantise ni référence. Nous dénonçons les mauvaises actions, la fourberie ou l’abus de pouvoir, public ou privé. Nous croyons aux principes de vérité, de justice et de précision. Quand nous faisons des erreurs, nous les admettons et les corrigeons rapidement. Le rôle de nos journaux est de servir leurs lecteurs et d’être en mesure de fonctionner sur une base financièrement viable. [22 avril 2005]

Un témoin, qui a travaillé pour l’empire Irving et pour plusieurs autres propriétaires de médias, a affirmé que ce groupe n’avait pas tenté d’influencer son travail.

Ils n’ont jamais soulevé la moindre préoccupation avec moi, directement ou par le biais d’intermédiaires, ne se sont jamais plaints du contenu et ne sont jamais intervenus d’aucune façon. Ils voulaient que les journaux soient bien gérés. Ils ont été gérés selon une approche axée sur les affaires, et c’est là que s’arrêtait leur intervention.

Paul Willcocks

31 janvier 2005

Un autre témoin, toutefois, qui avait aussi travaillé pour Irving, a laissé entendre que les risques d’interférence (réelle ou imaginée) existaient bel et bien. Il a décrit une occasion où il avait tenté d’obtenir la confirmation de mises à pied dans une entreprise de bois d’œuvre appartenant à Irving :

Nous avions déjà deux sources d’information pour ce reportage, mais il est toujours bon d’entendre l’autre son de cloche. La confirmation est arrivée, mais accompagnée de l’ordre de ne rien publier avant une semaine. Bon, c’était une petite chose, attendre une semaine, mais cela montre bien comment l’influence exercée par les Irving hors de leur empire des médias peut influer sur la diffusion d’une nouvelle. Nous avons donc publié l’article une semaine plus tard. J’aurais peut-être dû la publier immédiatement, mais il n’est jamais facile de passer outre aux ordres de son patron.

 John Steeves

21 avril 2005

C.      Propriété étrangère

Divers témoins se sont exprimés au sujet de la propriété étrangère des médias canadiens. Les opinions étaient très diverses. Peter Murdoch, vice-président du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier soutient fermement le maintien des restrictions actuelles (« la question de la propriété étrangère est la priorité numéro un dans notre liste. ») et fait valoir que « le propriétaire du messager est aussi propriétaire du message » (24 novembre 2004).

Par contre, Victor Mlodecki, vice-président et directeur général de Brunswick News, s’est prononcé en faveur de la suppression ou de la réduction des restrictions.

D’autres témoins ont pris position entre ces extrêmes. Par exemple, Paul Wilcocks, ancien journaliste, a dit ce qui suit :

Il nous faut reconnaître que l’on tend vers une période de changement plutôt rapide dans les approches sur les plans propriété et gestion des médias canadiens et que nous n’avons pas encore eu le temps d’évaluer toutes les ramifications que cela aura. Le seul effet que je verrais à ce stade-ci si on levait les restrictions relatives à la propriété étrangère serait l’accès à d’autres capitaux pour certains joueurs déjà sur le marché ou aux joueurs américains en vue d’une consolidation encore plus poussée. Tant que l’on n’aura pas eu l’occasion de voir de quelle façon les choses vont évoluer au cours des prochaines années, il me semble qu’il serait inutilement téméraire d’agir ainsi, étant donné que toutes les parties prenantes actives dans le domaine savaient en y entrant quelles étaient les règles et les ont acceptées. Il me semble que la prudence voudrait qu’on les maintienne en place. [31 janvier 2005]

Patrick Nagel, qui est également ancien journaliste, a dit ce qui suit :

…pourrions améliorer la compétition dans certains médias canadiens en permettant la propriété étrangère. […][31 janvier 2005]

Angelo Persichilli, du Corriere Canadese, a déclaré :

La technologie nous a obligés à ouvrir la porte à la concurrence étrangère. Malheureusement, les exploitants de médias canadiens, au lieu de résister à la concurrence étrangère en augmentant la qualité de nos programmes ou du contenu de nos journaux, ont diminué la concurrence entre les entreprises canadiennes.

Cette mentalité d’assiégés, combinée aux fusions et à la convergence, tue la concurrence au Canada et favorise la concurrence étrangère. [13 décembre 2005]

D.      Législation

1.        Lois en matière de confidentialité des sources

Une question préoccupante est la capacité des journalistes de protéger la confidentialité de leurs sources. Le problème a été illustré par deux incidents qui se sont produits en 2004. Dans le premier cas, Ken Peters, journaliste du Hamilton Spectator, a été trouvé coupable d’outrage au tribunal pour avoir refusé de divulguer une source et dans le second, une équipe d’agents de la GRC a effectué un raid au domicile et au bureau de Juliet O’Neill, reporter au Ottawa Citizen, à la recherche de documents qu’elle aurait peut-être utilisés dans un reportage.

Ce qu’il y a de plus grave est que cette affaire a malheureusement fait reculer plusieurs décennies en arrière la jurisprudence canadienne, en ce sens que les tribunaux ont traditionnellement établi un équilibre entre l’administration de la justice et la liberté d’expression. […]

Avant cette affaire, la situation au Canada était beaucoup plus saine pour ce qui est de l’équilibre entre les deux priorités. […] Si nous ne pouvons pas avoir accès à des informations et être en mesure de promettre une certaine confidentialité, alors nos sources resteront muettes, et nous en subirons tous les tristes conséquences.

Jagoda Pike, présidente, CityMedia et éditeure

Hamilton Spectator, Torstar Corporation

16 février 2005

CanWest a décrit le cas de Juliet O’Neill comme « rien de moins qu’un assaut digne du tiers-monde sur la liberté canadienne, une tactique conçue et exécutée pour intimider les journalistes ». Le rédacteur en chef de Mme O’Neill s’est plaint des effets de la législation récente :

Le raid contre Juliet O’Neill et le Citizen a été rendu possible par les dispositions de la Loi sur la protection de l’information, un texte législatif préparé à la hâte dans les jours qui ont suivi les événements du 11 septembre. Je crois que cette Loi et d’autres lois similaires permettent aux politiciens trop de flexibilité pour contrer la liberté de presse au nom de la sécurité nationale. Ce n’est pas une manière de faire les choses. Nous n’avons pas besoin de lèche-bottes au Canada.

Scott Anderson, rédacteur en chef, Ottawa Citizen

Vice-président et rédacteur en chef, CanWest MediaWorks Publications

13 avril 2005

Ces préoccupations ont suscité des suggestions sur les moyens de protéger les journalistes. Quelques témoins sont en faveur de lois explicites en matière de confidentialité des sources. Les organisations médiatiques comme Torstar et le Globe and Mail préfèrent toutefois une solution fondée les décisions judiciaires au lieu de l’adoption d’une loi explicite.

Ce que nous avons vu dans les tribunaux a été bien, notamment en ce qui concerne l’interprétation des garanties de la Charte en matière de liberté de la presse […]

Bien franchement, il me faut dire que je ne pense pas que nous ayons beaucoup discuté de la question de savoir si les lois en matière de confidentialité des sources sont une réponse nécessaire. Nous sommes en faveur de la possibilité pour les journalistes de protéger leurs sources car c’est là un élément très important de leur mode de fonctionnement. Nous croyons que l’affaire Dagenais[3] est en train de faire ressortir très clairement pour les tribunaux la nécessité d’équilibrer liberté de la presse et droit à un procès équitable et de ne pas empiéter à la légère de quelque façon que ce soit sur ces libertés.

Edward Greenspon, rédacteur en chef

The Globe and Mail

11 mai 2005

[…] Nous croyons que la meilleure solution est la solution fondée dans la common law et livrée par un tribunal dans le respect du rôle central des journalistes et fondée sur la jurisprudence de la Cour suprême du Canada en la matière.

Robert Prichard, président et chef de la direction

Torstar Corporation

16 février 2005

 

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec a proposé de modifier la Loi sur la preuve afin de protéger les journalistes.

La FPJQ souhaite que votre comité demande au ministère de la Justice de modifier la Loi sur la preuve et toute autre loi pertinente pour protéger au maximum les médias des saisies et des atteintes à la confidentialité de certaines sources.

Alain Gravel, président

Fédération professionnelle des journalistes du Québec

16 décembre 2004

 

2.       Accès à l’information

L’observation la plus courante est le fait que la Loine permet pas vraiment un accès facile à l’information et que, en réalité, l’accès est plus difficile qu’auparavant. CanWest Global déplore le manque d’uniformité en matière d’accès à l’information.

Même s’ils manifestaient un intérêt, pour la forme, à l’ouverture, plusieurs gouvernements successifs, et ce pour toutes les administrations du pays, n’ont pas rempli leurs promesses d’accroître la transparence et d’ouvrir l’accès aux renseignements décisifs que le public est en droit de connaître. Les journalistes et, on le suppose, les Canadiens ordinaires sont continuellement rembarrés et retardés dans leurs tentatives d’accéder à l’information. L’attitude régnante est celle d’une conformité réticente, au mieux, et, au pire, celle d’une subversion pure et simple des lois. Souvent, les renseignements sont vendus à prix fort en raison des coûts excessifs de traitement et de photocopie. Les responsables de l’accès en sont venus à croire que leur travail est d’épuiser les journalistes plutôt que de leur fournir les renseignements dont ils ont besoin pour signaler la vérité aux Canadiens.

Scott Anderson, rédacteur en chef, Ottawa Citizen

Vice-président et rédacteur en chef, CanWest MediaWorks Publications

13 avril 2005

Dans le même ordre d’idées, le rédacteur en chef du Globe and Mail a déclaré :

Aujourd’hui, au Canada, notre capacité de rapporter les nouvelles est souvent entravée par la mauvaise application des lois en matière d’accès à l’information ou par un excès de zèle s’agissant des lois en matière de protection de la vie privée. Nous sommes également troublés par la tendance de certains éléments de l’appareil judiciaire de recourir de plus en plus aux interdictions de publication voire même aux procédures tenues en secret.

[…]

Nous considérons qu’il y a bel et bien des cas d’application erronée des lois en matière d’information. Les soi-disant « lois d’accès à l’information » bloquent souvent la divulgation d’informations qui devraient selon nous être rendues publiques.

C’est ainsi que nos journalistes ont très tôt été entravés lorsqu’ils ont tenté de se renseigner au sujet des commandites. On leur a bloqué l’accès à de l’information qu’ils auraient à notre sens dû obtenir.

Edward Greenspon

11 mai 2005

Robert Hurst, de CTV, a affirmé qu’il y avait moins d’ouverture maintenant qu’avant l’adoption de la Loi sur l’accès à l’information.

Ce qui me surprend un peu, c’est que dans le cas de questions ouvertes, de plus en plus de journalistes qui comparaissent devant vous ne mettent pas vraiment l’accent sur les questions quotidiennes auxquelles nous sommes confrontés sur la ligne de front, comme par exemple la liberté d’accès à l’information, les examens et la révision de la liberté d’accès à l’information; en effet, on remarque moins d’ouverture et de liberté d’accès à l’information dans notre pays, que ce soit aux niveaux fédéral, provincial ou municipal, qu’avant que le Parlement n’ait été saisi de toutes ces lois. [14 juin 2005]

3.       Dénonciateurs

La loi visant à protéger les dénonciateurs est une question connexe. L’Association canadienne des journalistes désire une loi solide – plus forte que celle qui a été proposée par le gouvernement – ainsi qu’une meilleure protection pour les journalistes qui tentent de protéger la confidentialité de leurs sources.

Nous voulons une loi qui protégerait les fonctionnaires, les employés des grandes sociétés, les personnes qui dénoncent des actes fautifs, mais qui hésitent à le faire en raison des répercussions que cela peut avoir sur leur travail, leurs perspectives d’emploi futures. […] Les gens ne disposent que d’un seul moyen pour dénoncer certains actes, c’est-à-dire les journalistes. Ils savent que leur nom ne sera pas divulgué.

Paul Schneidereit, président national

Association canadienne des journalistes

19 avril 2005

4.       Financement pour la recherche et les activités médiatiques

Divers témoins ont souligné qu’il n’y avait pas au Canada de groupes de réflexion centrés sur les médias comme on peut en trouver aux États-Unis et ont soutenu que les lois fiscales pourraient être modifiées pour stimuler le financement de ces fondations au Canada. D’autres témoins ont appuyé l’idée de groupes de réflexion sur les médias et d’établissements de formation, du moins en principe, mais s’inquiètent de l’intervention du gouvernement.

Le gouvernement fédéral a accru récemment le financement d’une foule de recherches universitaires et cela fait une énorme différence dans de très nombreux secteurs. Un processus semblable pourrait être utilisé pour financer un institut de ce genre. Il existe déjà des exemples de consortiums de recherche dont nous pourrions nous inspirer. Le Projet pour l’excellence en journalisme aux États-Unis en est un exemple.

Je ne propose pas que le gouvernement prenne l’initiative d’organiser un tel institut. Je pense que ce serait contre-indiqué, mais il est certain que votre comité pourrait contribuer à mettre la table et à rassembler les divers intervenants qui pourraient rendre possible la création d’un tel institut ou groupe de réflexion.

Gillian Steward, professeure invitée

École de journalisme, Université de Regina

3 février 2005

Le rédacteur en chef de la publication The Tyee, un quotidien libre produit en Colombie-Britannique et publié sur le Web, voulait que le gouvernement :

…crée des stimulants fiscaux à la philanthropie médiatique. Certaines des meilleures publications nord-américaines axées sur le lectorat existent grâce à un mécène riche et idéaliste.

David Beers

31 janvier 2005

Deux éditeurs de magazines qui se sont présentés devant le Comité sont d’avis qu’il y a place aux dons de charité dans leur industrie, bien qu’un d’entre eux souligne que ces stimulants fiscaux doivent être limités pour éviter tout problème d’ingérence du gouvernement dans le choix du contenu.

[J]e pense que vous devez vous intéresser aux tenants et aboutissants. Des publications comme Atlantic Monthly, Harper's, Mother Jones, Utne Reader et de nombreux autres périodiques aux États-Unis n’existeraient tout simplement pas sans l’appui des fondations, parce qu’elles perdent de l’argent chaque année. Des gens font ce travail non pas pour faire de l’argent, mais parce qu’ils pensent qu’il est important que ces voix soient entendues. Les lois sur les dons de charité aux États-Unis sont telles que les fondations peuvent donner de l’argent, par exemple à Harper's, pour que la revue continue d’être publiée.

Ken Alexander, éditeur

The Walrus

17 novembre 2004

[J]e crois que si nous pouvions créer un tel organisme qui tiendrait des activités caritatives, comme des stages pour étudiants — pour aider des jeunes à s’initier au journalisme, pas au journalisme partisan, au contraire — pour leur donner une expérience en fin de formation; il ne s’agirait pas de subventionner notre entreprise, mais d’amener plus de jeunes dans notre salle de nouvelles que nous ne le pourrions normalement – cela nous serait utile. Je suis prudent, car je ne voudrais pas donner l’impression de quémander à l’État. […]

 Ezra Levant, éditeur

Western Standard

23 novembre 2005

E.      Organismes de réglementation

Des témoins ont soulevé des questions importantes au sujet du rôle et des activités du Bureau de la concurrence et du CRTC et l’interaction entre ces deux organisations.

1.       Le Bureau de la concurrence

L’idée même que les organismes gouvernementaux devraient interférer avec l’indépendance des médias a été fortement contestée par certains témoins. L’un d’eux faisait observer ce qui suit :

Le Bureau de la concurrence ne devrait pas s’occuper des questions de rédaction, mais plutôt se concentrer sur la concurrence et les questions économiques. Il est inutile d’ajouter quoi que ce soit à l’expression « liberté de la presse ». Nous pouvons tirer des leçons d’autres pays au sujet de la réglementation des médias et je pense résumer le tout en disant qu’il faut s’en abstenir. À mon avis, démocratie et réglementation des médias ne font pas bon ménage.

Sarah Dennis, vice-présidente, marque et contenu

The Chronicle-Herald

19 avril 2005

Des représentants de Torstar ont affirmé que le Bureau de la concurrence devrait s’intéresser aux questions de concurrence, mais qu’il ne devrait pas y avoir de dispositions spéciales pour les journaux.

Nous croyons que la Loi sur la concurrence et la jurisprudence en découlant devraient s’appliquer et nous ne recherchons aucun traitement spécial de quelque genre que ce soit en vertu de ce texte de loi. […] L’application de la Loi sur la concurrence, la question est toujours la suivante : quel est le marché pertinent? Dans un monde médiatique où la radio fait concurrence à des journaux communautaires et où la télévision fait concurrence à la radio, toutes les différentes formes de médias se livrant concurrence pour les mêmes dollars de publicité, nous estimons que la question est celle de l’application opportune de la Loi sur la concurrence. Le marché devrait être défini largement dans le contexte de la concurrence livrée pour le dollar de publicité, au lieu d’être limité aux seuls quotidiens ou journaux communautaires ou à la radio ou à un quelconque média pris séparément.

Robert Prichard, président et chef de la direction

16 février 2005

Toutefois, un vice-président de Cogeco est insatisfait.

À notre avis, les exigences de la politique de concurrence, les marchés pertinents considérés et les autres critères d’évaluation ne sont pas suffisamment clairs et conséquents à l’heure actuelle pour les industries de médias canadiennes, de même que les rôles et responsabilités des diverses agences fédérales en cause.

Yves Maynard, vice-président, Affaires corporatives

12 avril 2005

D’autres témoins ont laissé entendre que l’approche actuelle du Bureau de la concurrence et la législation qui régit les systèmes manquaient de moyens d’application et de mordant comparativement à d’autres lois. Discutant d’une transaction, Anders Bruun, du Farmers’ Independent Weekly, a souligné ce qui suit :

En dépit du quasi-monopole qui serait créé par l’achat de Farm Business Communications par Glacier,[4] quand nous avons contacté le Bureau de la concurrence, on nous a informés que le bureau ne pouvait pas empêcher cette acquisition, en dépit du niveau de concentration qui en résulterait dans le secteur.

M. Bruun a mentionné l’absence de recours au Canada par rapport à ce qui existe dans d’autres pays.

La Loi sur la concurrence ressemble à une pièce dotée de nombreuses issues. Il est très rare qu’on entende dire au Canada qu’un recours fondé sur la Loi sur la concurrence est efficace dans des situations où il n’y a pas de concurrence. Si une entreprise comme la nôtre devait fermer ses portes à cause de pratiques anti-concurrentielles, il lui serait très difficile de poursuivre son concurrent déloyal et d’obtenir gain de cause. Aux États-Unis, les entreprises peuvent lancer des poursuites et obtenir d’énormes montants en dommage et intérêts. De tels recours, qui n’existent pas au Canada, sont très efficaces pour dissuader les entreprises de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles. Au Canada, les entreprises ont très peu de solutions lorsque les pratiques anticoncurrentielles les mènent à la faillite. Les fautifs peuvent se voir imposer des amendes, mais en quoi cela aide-t-il leurs concurrents qui sont ruinés? Ils ont quand même perdu leur entreprise. [4 février 2005]

Certains journalistes abordent cette question avec une perspective différente :

Nous recommandons également que le Bureau de la concurrence soit obligé de tenir compte du critère de diversité des voix lorsqu’il examine une transaction relative aux médias.

Comme le Bureau nous l’écrivait le 5 mars dernier : La question fort importante de la diversité des sources d’information ne relève pas du commissaire de la concurrence [...]

Seule la concurrence sur le marché de la publicité…lui importe. À défaut de pouvoir inclure le critère de diversité parmi les critères du Bureau, il faudra que le CRTC devienne alors seul juge des transactions liées aux médias.

Alain Gravel, président

Fédération professionnelle des journalistes du Québec

16 décembre 2004

2.       Le CRTC et la Loi sur la radiodiffusion

Peu de témoins ont formulé des commentaires précis au sujet de la Loi sur la radiodiffusion sauf pour en faire l’éloge en termes très généraux.

Nous pensons que la Loi sur la radiodiffusion est très bonne. Nous pensons que les objectifs énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion établie en 1968, étaient formidables. […] La Loi sur la radiodiffusion est une loi formidable car elle libère les gens et leur donne accès à ces services, mais ce qui pose quelquefois problème, c’est la façon dont l’organisme de réglementation interprète cette situation.

 Ken Stein, vice-président principal

Shaw Communications Inc.

22 février 2005

Quant au CRTC, les témoins reconnaissent que ce dernier a joué un rôle crucial dans la création du système canadien de radiodiffusion, mais ils sont d’avis que cet organisme est souvent déconnecté et tend à surréglementer le système de radiodiffusion.

Les organismes de réglementation, le CRTC, est tombé juste dans la plupart des cas. Je crois que l’un des examens les plus importants que le CRTC a effectué est l’examen du développement des nouveaux médias et de l’Internet, […] [le Conseil] a dit : « Nous avons examiné ce domaine et nous pourrions le réglementer d’une certaine manière si nous le voulions, mais c’est un domaine dynamique, en croissance et excitant, et il y a beaucoup d’éléments canadiens, alors nous allons attendre. » […]

 

Le système de radiodiffusion au Canada a toujours été un système concurrentiel. Cependant, certains pensent depuis quelque temps qu’il faut davantage le protéger; qu’il faut mettre en place des choses comme une protection contre la concurrence, une protection des genres, des licences et des créneaux.

Ken Stein, vice-président principal

Shaw Communications Inc.

22 février 2005

Un autre témoin a critiqué l’habitude du CRTC de se pencher sur les genres musicaux.

Par ailleurs, mesurer la diversité en termes de formules musicales disponibles, comme le fait actuellement le CRTC, renseigne peu sur le contenu verbal réel de la programmation des radios, sur la production d’information locale et sur l'accès des citoyens à des sources d’information diversifiées.

Lucie Gagnon, secrétaire-trésorière

Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec

15 décembre 2004

On reproche aussi au CRTC sa lenteur.

[L]es délais d’attente pour obtenir des décisions du CRTC deviennent de plus en plus interminables. […] Par exemple, un avis du CRTC en 1997-1998 disait ce qui suit, et je cite :

[...] il a l’intention d’étudier, dans le cadre d’un processus futur, des moyens innovateurs de fournir des ressources financières additionnelles aux radios communautaires.

Je regrette de vous dire que nous sommes toujours en attente de ces moyens innovateurs.

Jacob Atangana-Abé, trésorier, Envol 91.1 FM (CKXL)

La radio communautaire du Manitoba

4 février 2005

Le Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal a critiqué la manière dont le CRTC effectue ou n’effectue pas le suivi de ses décisions.

En 1997, lorsque Quebecor s’est porté acquéreur de Télévision Quatre Saisons, notre organisation s’est présentée aux audiences du CRTC pour se prononcer en faveur de la transaction, à condition que le réseau se dote d’un comité de surveillance capable d’assurer l’indépendance de la salle de nouvelles de TQS et de la salle de rédaction du Journal de Montréal, et ce, tant au niveau de l’information que de la promotion. Le CRTC a créé un comité, doté de pouvoirs limités, qui n’a finalement jamais pu accomplir le travail qu’on attendait de lui.

En 1999, notre syndicat a déposé une plainte relative à deux interventions de la haute direction de TQS dans le contenu du Journal de Montréal pour orienter l’information concernant ce réseau. Cette plainte, logée auprès du comité de surveillance de TQS, n’a pu être investiguée parce que les cadres du Journal de Montréal ont refusé de rencontrer les membres du comité de surveillance. On prétendait, à ce moment que la juridiction du CRTC ne s’étendait pas aux journaux de l’empire Quebecor.

Martin Leclerc, président

15 décembre 2004

M. Leclerc a dit :

[L]e CRTC n’a aucune juridiction en ce qui concerne la presse écrite. Le CRTC doit se concentrer sur l’impact de la transaction sur les médias électroniques. Il faut donc élargir le mandat. Mais faut-il l’élargir afin que des considérations additionnelles soient examinées et des règles plus strictes de pourcentage s’appliquent lorsque l’achat d’une station de télévision ou d’une station de radio fait en sorte que l’acquéreur va devenir un joueur dans le monde la propriété croisée?

3.       La relation entre le CRTC et le Bureau de la concurrence

La division des responsabilités, ou les chevauchements, entre le Bureau de la concurrence et le CRTC a suscité de nombreux commentaires. Ce qui semble le plus faire problème, c’est le manque de clarté dans l’étude des fusions d’entreprises médiatiques. Cogeco a déclaré ce qui suit :

L’un des éléments de solution consiste à rendre plus clairs les rôles et responsabilités de chacun des intervenants dans le domaine de la concurrence au sein du secteur de la radiodiffusion et dans le domaine des fusions et acquisitions d’entreprises de radiodiffusion.

Comme nous l’indiquons dans notre mémoire, dans presque tous les pays du monde, ou du moins dans les pays que nous avons étudiés, les autorités responsables de la concurrence et les agences réglementaires qui s’occupent de communication ou de radiodiffusion ont toutes deux des compétences parallèles.

En revanche, la coordination de l’élaboration des politiques et de l’application des politiques publiques entre ces organismes se fait de différentes façons. Au Canada, il existe un document qui décrit le mécanisme auquel le CRTC et le Bureau de la concurrence sont prêts à se conformer lorsqu’ils doivent examiner les fusions et acquisitions d’entreprises de radiodiffusion et lorsqu’ils doivent se pencher sur des questions de concurrence qui ont trait au comportement de certaines entreprises de radiodiffusion. Il ne s’agit pas de règlements. Ce n’est pas un document exécutoire.

[…]

Ce sont des lignes directrices très souples. Je crois que les deux organismes peuvent se consulter, mais ni la loi ni les règlements ne prévoient de mécanismes formels de consultation. Cela donne lieu à des situations difficiles. D’aucuns affirment que le CRTC et le Bureau de la concurrence adoptent rarement des positions contradictoires. Mais cela s’est déjà produit.

Yves Maynard, vice-président, Affaires corporatives

12 avril 2005

M. Maynard a fait les commentaires suivants au sujet du système britannique :

Dans certains pays, les rapports entre l’organisme qui régit la concurrence et celui qui régit les communications font l’objet d’un mécanisme de consultation permanent officiel. C’est ce qui se fait au Royaume-Uni. Ofcom et les organismes qui régissent la concurrence peuvent très bien se rencontrer pour discuter des questions reliées à la concurrence.

F.      Radiodiffusion publique

1.       Radio-Canada/CBC

Des témoins ont dit au Comité que le radiodiffuseur public national canadien était important pour les Canadiens et pour le système de radiodiffusion canadien pour de nombreuses raisons. L’ancien président du Comité permanent du patrimoine canadien, Clifford Lincoln, a déclaré :

[L]e système de radiodiffusion canadien tel qu’il existe à l’heure actuelle est un mélange d’entreprises publiques et privées et devrait demeurer ainsi. Il fonctionne et il fonctionne bien. Radio-Canada et CBC devraient y occuper une place de tout premier ordre. On a aujourd’hui plus que jamais auparavant vraiment besoin d’un radiodiffuseur public. En même temps, l’on demande à CBC de faire presque tout seul sans lui assurer le financement stable et soutenu dont elle a besoin pour mener à bien son mandat. De quel droit peut-on reprocher à la société CBC d’abandonner les régions et les petites localités alors qu’elle ne sait pas d’une année sur l’autre quel financement elle va recevoir? Certains disent qu’elle reçoit énormément d’argent, près de 1 milliard de dollars. En même temps, il nous faut comparer cela à son mandat. Nous avons dit : accordez à la société CBC suffisamment de fonds pour qu’elle puisse exécuter son mandat, notamment en région et dans les petites localités. Si la radiodiffusion devait mourir dans les petites localités, elle s’éteindrait aussi au niveau national. [26 février 2004]

Plus d’un témoin a mis l’accent sur l’importance de Radio-Canada/CBC pour les régions du Canada. Par exemple :

La SRC joue un rôle crucial s’agissant d’assurer un journalisme de qualité dans les régions du Canada, indépendamment de la situation du marché local. Lorsque les administrateurs de la SRC réfléchissent à l’avenir de la radiodiffusion régionale depuis leur bureau de Toronto, ils ont du mal à saisir ce qui se passe ici sur le terrain. Les journaux télévisés de 18 h de la SRC, les émissions d’actualité et l’information de la radio de la SRC et le service en ligne de la SRC sont les seuls disponibles ici. Contrairement aux gros marchés qui offrent aux téléspectateurs et lecteurs de nombreux choix, la SRC diffuse les seuls journaux télévisés produits au Nouveau-Brunswick. La radio de la SRC est la seule à produire des informations radiodiffusées sérieuses.

Phillip Lee, directeur du journalisme

Université St. Thomas

21 avril 2005

Ce ne sont pas tous les témoins qui sont d’avis que Radio-Canada/CBC devrait revenir à la production de nouvelles locales et régionales.

À l’heure actuelle, il y a un fort mouvement pour inciter CBC/Radio Canada à revenir à la télévision locale. Nous ne pensons pas que ce soit approprié. Nous pensons que CBC/Radio Canada assure le service national et international. Nous pensons que la couverture locale est bien assurée par le secteur privé.

Wendell Wilks, président-directeur général

Television Niagara

13 décembre 2004

Les témoins ont souvent mentionné la nécessité de restaurer le financement de Radio-Canada.

Radio-Canada aurait beaucoup plus de possibilités, d’ouvertures à la production de contenu d’émissions et de programmation diversifiée et distincte de ce qui est fait par les télédiffuseurs privés, si les ressources financières étaient augmentées et ramenées minimalement au niveau qu’on a connu avant les compressions des années 1990.

Chantale Larouche

présidente de la Fédération nationale des communications

16 décembre 2004

De sérieux arguments ont été avancés en faveur de la clarification du mandat de Radio-Canada. Par exemple un témoin a souligné les difficultés que pose la concurrence entre Radio-Canada et le secteur privé.

 

[Le CRTC] a récemment relâché les conditions imposées à la SRC pour lui permettre d’acheter des films américains. Dans notre marché, on voit maintenant Harry Potter et tous les grands canons du cinéma. Il faut se poser une question : pourquoi la SRC reçoit-elle de l’argent des contribuables pour rivaliser avec ses concurrents en matière de publicité alors qu’elle est subventionnée? Il semble y avoir un conflit. Elle fait aussi concurrence à CTV pour les droits de diffusion des Olympiques et elle peut faire des offres plus basses que CTV. C’est une entreprisetrès commerciale. La même chose s’applique aux parties de hockey des samedis soirs.

Scott Stirling, président-directeur général

Newfoundland Broadcasting Company

18 avril 2005

2.       La télévision éducative

La télévision éducative est une source secondaire mais importante d’information et de discussion sur les affaires publiques. Comme l’a mentionné la présidente de TVOntario :

[E]n tant que radiodiffuseur éducatif, TVOntario joue un rôle unique, précieux et clairement différent dans le cadre de la radiodiffusion canadienne, un rôle différent de celui des radiodiffuseurs publics comme la SRC.

Isabel Bassett, présidente et chef de la direction

14 décembre 2004

Mme Bassett a aussi souligné que TVO desservait les francophones du Canada.

TFO offre un service essentiel au vaste public francophone de l’extérieur du Québec. C’est le seul radiodiffuseur francophone canadien basé en dehors du Québec.

Des témoins ont aussi fait valoir d’autres points.

Les besoins commerciaux des radiodiffuseurs nationaux et des chaînes spécialisées nationales leur imposent de consacrer leurs fonds de production et de prélicence d’abord aux émissions qui attirent les couches démographiques les plus larges et commercialement les plus intéressantes. Or une partie des profits du système de radiodiffusion doit financer des productions qui ne répondent pas aux besoins commerciaux des radiodiffuseurs mais répondent plutôt aux besoins sociaux, culturels et éducatifs propres de chaque région du Canada. Cela est clairement précisé dans la Loi sur la radiodiffusion mais est peu pratiqué dans le système de radiodiffusion.

Wayne Robert, directeur général

The Knowledge Network

31 janvier 2005

Télé-Québec a toujours inscrit dans sa programmation des émissions qui permettaient aux citoyens de débattre des grands enjeux politiques et sociaux. Elle a maintenu à son antenne pendant 25 ans Droit de parole, un forum qui permettait à des citoyens concernés de débattre des grands enjeux du jour avec des experts ou des politiciens. Depuis septembre, une nouvelle émission animée par Marie-France Bazzo et intitulée Il va y avoir du sport, a pris la relève mais d’une autre manière.

[S]i un jour, Télé-Québec disparaissait, ou Radio-Canada, aucune télévision privée, pensons-nous, ne voudrait se lancer dans des genres aussi coûteux que les émissions de fond pour la jeunesse et le documentaire d’auteur, par exemple, qui sont des genres extrêmement coûteux et peu rentables.

Paule Beaugrand-Champagne, présidente-directrice générale

Télé-Québec

16 décembre 2005

3.       La radiodiffusion sans but lucratif

Les radiodiffuseurs sans but lucratif comprennent les réseaux de télévision comme Vision TV, CPAC et APTN[5] ainsi que les médias communautaires (voir la prochaine section).

L’APTN doit en partie son existence à la Loi sur la radiodiffusion et aux mesures prises par le CRTC.

Dans le domaine de la programmation des affaires courantes et des nouvelles, l’équipe des nouvelles entièrement autochtones de l’APTN produit APTN National News, un journal télévisé d’une demi-heure qui est présenté tous les soirs de la semaine aux heures de grande écoute, toute l’année; Contact, une émission de ligne ouverte en direct d’une heure sur les questions du jour est présentée en lecture sonore en transit à l’Internet dans le monde entier; Death at Ipperwash, 90 minutes par semaine de témoignages de l’enquête Ipperwash en Ontario; des émissions spéciales sur des questions d’actualité courante comme les écoles résidentielles et les élections, et un site Web d’information avec des titres quotidiens et des articles vedettes approfondis.

Sans exigences réglementaires, il est peu probable que beaucoup de distributeurs accorderaient de l’espace au service autochtone national sur leur service de base, ou que s’il y avait de l’espace disponible, l’APTN puisse générer suffisamment de recettes pour soutenir notre mandat.

Jean LaRose, directeur général

APTN

4 février 2004

4.       Les médias communautaires

La radio et la télévision communautaires sont des composantes importantes du système de radiodiffusion canadien. La programmation de la télévision communautaire est diffusée par l’entremise des câblodistributeurs qui fournissent les studios et le matériel nécessaires à la production des émissions du réseau communautaire. Les entreprises de câblodistribution peuvent choisir de soutenir la programmation de la télévision communautaire et le Fonds canadien de télévision (FCT) ou seulement le FCT[6].

Les stations de radio communautaires fonctionnent comme des coopératives et des organismes sans but lucratif et dépendent fortement du travail de bénévoles. Des témoins ont présenté nombre d’observations.

La radiophonie communautaire répond à un désir de la population de se doter d’un service radiophonique qui lui ressemble et qui lui parle de son milieu. Par exemple, chez nous à CINQ FM, nous diffusons une programmation en sept langues en plein cœur de Montréal.

[…]

Pour d’autres régions, comme celle des Îles-de-la-Madeleine, la radio communautaire est le seul service radiophonique local présent dans le milieu. La population compte sur cette radio de « premier service » pour l’informer, soutenir les débats locaux, donner une voix aux citoyens et faire connaître leur culture. Les commerces de l’endroit bénéficient également de la présence de cette radio communautaire qui diffuse leur publicité à un coût abordable et encourage le développement économique local. C’est aussi bien la radio des situations d’urgence que celle des fêtes et des événements locaux. C’est la radio des gens des Îles.

Magalie Paré, membre du conseil d’administration

Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec

15 décembre 2005

Des témoins ont décrit aussi certains des défis que doit relever la radio communautaire.

Ici à Halifax, nous avons la station CKDU du campus communautaire, notre plus grande station communautaire. Elle est financée par l’association étudiante de l’Université Dalhousie. L’Université de King’s College utilise cette station pour diffuser ses émissions du programme de journalisme. Or, CKDU n’a que 50 watts. Je veux dire, j’ai des ampoules plus puissantes que ça. On ne peut l’entendre au-delà du centre-ville de Halifax. Elle est toujours à court d’argent, et elle ne peut engager beaucoup de membres du personnel.

Bruce Wark, professeur agrégé

École de journalisme, Université de King’s College

19 avril 2005

Des témoinsont soulevé bon nombre de préoccupations au sujet de la télévision communautaire et de la manière dont elle a été « gérée » au cours des dernières années dans certains marchés.

Pendant de nombreuses années, le CRTC a exigé des stations de télévision par câble qu’elles offrent un certain accès aux producteurs communautaires. Cela a été le cas jusqu’en 1996, lorsque le CRTC a supprimé cette exigence. Les propriétaires de la télévision par câble, qui dans tous les cas sont des entreprises de câblodistribution, ont graduellement commencé à fermer leurs bureaux et studios de télévision communautaire, jusqu’à ce qu’en septembre 2001, ils finirent par brusquement supprimer jusqu’aux émissions de télévision communautaire les plus anciennes et les plus populaires.

En 2002, le CRTC, dans un avis public, a exigé que les stations de télévision propriété d’entreprises de télévision par câble offrent de nouveau accès à leurs services aux groupes de télévision communautaire. C’est ainsi que les gestionnaires de télévision par câble ont graduellement cédé un petit peu de temps d’antenne. Nous autres, groupes communautaires, comme ICTV, Work TV et VCTA, vivons aujourd’hui la précarité qui nous vient des ordres qui nous sont imposés par les gestionnaires du câble.

Pourquoi ces médias communautaires sont-ils en crise? Ou la politique publique requise pour démocratiser la télévision communautaire au Canada n’existe pas ou bien elle n’est pas définie comme il se doit ou alors le CRTC ne l’interprète pas comme il le faudrait – et c’est peut-être là quelque chose que pourrait recommander le comité ici réuni.

Pedro Mora

Vancouver Community Television Association

31 janvier 2005

Les intérêts corporatifs vont rarement dans le même sens que l’intérêt public et le partage de la richesse. Cela vaut tout particulièrement pour la télévision communautaire dans le Lower Mainland. Au cours des huit dernières années à Vancouver, d’abord Rogers puis maintenant Shaw ferment leurs bureaux de télévision de quartier et refusent aux citoyens leur accès légitime à la télévision communautaire par câble. Ici, l’expérience montre que les citoyens et les groupes communautaires ne disposent pas de mesures légitimes et efficaces pour contrer le phénomène lorsque les câblodistributeurs refusent l’accès au public et gèrent mal les chaînes communautaires. Au cours des huit dernières années, le CRTC a laissé d’abord Rogers puis Shaw démanteler progressivement le merveilleux réseau de milliers de bénévoles qui les entouraient et les groupes communautaires travaillant à partir des bureaux de quartier partout dans le Lower Mainland.

[R]écemment, Shaw TV a supprimé sa couverture en direct d’une réunion d’un conseil communautaire de Vancouver pour diffuser un match de hockey junior. Ni l’une ni l’autre des équipes ne venait de Vancouver ou de la région du Lower Mainland. J’ai déposé une plainte. La réponse de Shaw TV était qu’aucune règle n’avait été enfreinte. C’est peut-être le cas, mais j’estime que l’esprit de la télévision communautaire a été violé.

Sid Chow Tan

31 janvier 2005

G.      Autres médias

La diversité ne repose pas uniquement sur l’éventail des opinions exprimées dans les médias grand public, bien qu’il soit important de préserver cette vaste gamme d’opinions. La diversité est aussi définie comme la disponibilité de nouvelles et d’information à l’intention des auditoires minoritaires.

1.       La Presse canadienne

La Presse canadienne (PC) est la seule grande agence de nouvelles dans le monde qui compte autant sur la contribution de ses membres, qui fournissent les reportages et les images. Le Rapport intérimaire du Comité a souligné que la PC fait face depuis longtemps à un avenir incertain. Depuis le dépôt du Rapport intérimaire en avril 2004, le plus gros journal de CanWest, le National Post, s’est retiré de la PC. En outre, CanWest a créé CanWest News Service et un centre national de nouvelles à Winnipeg afin de fournir des nouvelles nationales et internationales à ses quotidiens ainsi qu’à ses stations de télévision au Canada.

La concurrence éventuelle constitue naturellement une préoccupation pour toute entreprise, mais la concurrence à l’endroit de la PC provient de certains de ses propres membres, ce qui porter préjudice à d’autres. Comme un témoin l’a expliqué :

Je pense que la Presse canadienne est très importante. Elle est peut-être plus importante qu’ils ne le pensent pour les journaux de taille moyenne et elle est certainement importante pour les petits journaux, surtout ceux qui n’appartiennent à l’heure actuelle pas à un gros groupe commercial, car si toutes les nouvelles ne viennent que de ces grosses boîtes, il va être plus difficile pour ces journaux d’obtenir du contenu. […]

Je pense que cela fait au moins 15 ou 16 ans que des pressions s’exercent sérieusement sur la Presse canadienne, les grands groupes commerciaux se demandant s’ils ne pourraient pas faire le gros de ce que fait la Presse canadienne pour moins cher et avec un avantage concurrentiel.

Paul Willcocks

31 janvier 2005

Un autre témoin semblait moins préoccupé par l’éventuelle concurrence provenant des groupes de presse.

Si l’on y regarde de plus près, la Presse canadienne n’est rien d’autre au fond qu’un véhicule permettant à tous les propriétaires de journaux du pays d’embaucher un journaliste pour couvrir un événement d’actualité au nom de tous. Pourtant, si un groupe de journaux ayant le même propriétaire cherche à créer un système semblable à l’intérieur de sa propre chaîne de journaux, il est sévèrement condamné. Je ne comprends pas.

Murdoch Davis

Éditeur à l’époque du Winnipeg Free Press

4 février 2005

La pression de certains membres, en particulier les plus importants, a mené à la diminution des coûts. Mais comme l’éditeur du Devoir l’a souligné :

C’est aussi au nom de la rationalisation des coûts qu’il faut craindre, à moyen terme, que soit remis en cause le rôle de la Presse canadienne comme agence coopérative de service. Pour des raisons politiques, personne n’osera s’attaquer à l’existence de cette agence, du moins pour ses services de base. Par contre, il est possible que graduellement celle-ci doive abandonner certains services spécialisés jugés superflus par les grands groupes de presse. Je pense ici aux services de nouvelles régionales, aux horaires de télévision et aux spéciaux pour la couverture des événements sportifs. Certains membres de la Presse canadienne estimant ces événements redondants, pourraient s’en passer.

 

Ceux qui en pâtiraient le plus seraient, bien sûr, les journaux indépendants et leurs lecteurs.

Bernard Descôteaux, directeur

Le Devoir

27 avril 2005

L’on note que CanWest n’est pas un des fidèles adeptes de la PC.

En raison du lancement du CND [Canadian News Desk, de CanWest], nos journaux utilisent nettement moins d’articles en provenance de la PC. Ceci a un poids dans l’équation de valeur que les rédacteurs envisagent à la phase du budget.

Gerry Nott, rédacteur en chef

Bureau canadien des informations

13 avril 2005

Comme l’a souligné un autre dirigeant de CanWest :

Avec de plus en plus d’informations facilement accessibles, sur l’Internet, par exemple, et à travers le Canada et dans le monde, la PC devient de moins en moins pertinente à mesure que le temps passe. Nous devons tenir compte de cela quand nous considérons le montant que nous devons lui payer et le service que nous en tirons.

Scott Anderson, rédacteur en chef, Ottawa Citizen

Vice-président et rédacteur en chef, CanWest MediaWorks Publications

13 avril 2005

Les membres du Comité ont demandé à la plupart des organes d’information qui se sont présentés leur opinion sur la PC. Pour la Newfoundland Broadcasting Company (NTV), la PC n’est pas réellement importante, mais Torstar, Gesca et le Globe and Mail appuient la PC, comme le font la majorité des journaux à petit tirage :

La Presse canadienne […] est absolument essentielle à notre produit et à notre capacité de dire aux Prince-Édouardiens ce qui se passe à l’extérieur de l’île.

Gary MacDougall, rédacteur en chef

 The Charlottetown Guardian

21 avril 2005

Comme par ironie du sort, la concurrence à la PC, qui fournit une diversité de couverture médiatique à ses membres, provient des grands groupes qui, selon les critiques, réduisent la diversité des points de vue présentés aux Canadiens.

2.       Les médias des minorités de langue officielle

Deux groupes forment les minorités de langue officielle. Plusieurs témoins ont soutenu qu’il fallait plus de nouvelles et d’information au sujet des minorités de langue officielle et à l’intention de ces dernières.

Premièrement, nous demandons que l’État appuie davantage de services en français et, deuxièmement, que ces services reflètent davantage notre réalité locale. La télévision et la radio de Radio-Canada, à l’heure actuelle, reflètent principalement les réalités montréalaises et québécoises. Nous comprenons très bien cela, mais peut-être y aurait-il lieu de diversifier la programmation en mettant l’accent sur les régions de sorte que nos gens d’ici puissent se reconnaître, d’une part, et se faire connaître d’autre part.

Daniel Boucher, président et directeur général

La Société franco-manitobaine

4 février 2005

La représentante de La Liberté, le journal de langue française du Manitoba, a exprimé le même point de vue :

Il est souvent difficile pour les médias minoritaires de participer à des programmes destinés à la majorité puisque les besoins ne sont pas les mêmes. S’il était possible de tenir compte des besoins des médias francophones dans la détermination des critères de programmes d’appui, cela finirait par aider.

Sylviane Lanthier, directrice et rédactrice en chef

4 février 2005

Des témoins ont fait deux suggestions à l’intention du CRTC : augmenter la programmation en langue officielle minoritaire sur le câble et promouvoir la radio communautaire dans les régions où se trouvent les minorités de langue officielle.

La Société franco-manitobaine a reconnu les efforts de Radio-Canada, qui peut être écouté partout au Canada, mais souligne la nécessité d’une plus grande programmation en français.

Le CRTC doit exercer son rôle de leader et faire pression sur les câblodistributeurs et tous les gens qui peuvent offrir ces services afin qu’ils respectent le choix des deux langues officielles partout au Canada. Nous devons insister sur ce point. 

Daniel Boucher, président et directeur général

4 février 2005

De nombreux témoins ont souligné avec irritation que le gouvernement, par le biais des dépenses publicitaires, exerce une influence sur les journaux destinés aux groupes minoritaires – les journaux ethniques, ainsi que ceux qui desservent les minorités de langue officielle. Un groupe était d’avis que les dépenses publicitaires du gouvernement devraient être distribuées plus équitablement.

Je crois que l’ARJQ pourrait demander par exemple d’être à égalité avec une association francophone de l’extérieur du Québec. Il y a également l’APF, l’Association de la presse francophone, qui représente à peu près le même nombre de journaux au Québec. Les membres de cette association reçoivent environ sept, huit ou dix fois plus — je ne suis pas tout à fait certain — que l’ARJQ en contrats publicitaires du gouvernement fédéral. Et il ne s’agit pas que d’une année. Cela se produit depuis plusieurs années.

Nous avons les mêmes défis à relever que les journaux francophones à l’extérieur du Québec. Un grand nombre de nos membres voudraient bien faire l’objet d’un traitement équitable en ce qui concerne la publicité du gouvernement fédéral.

George Bakoyannis, président sortant

Association des journaux régionaux du Québec

et éditeur, The Chomedey News

15 décembre 2004

Divers témoins se sont plaints du fait que des ministères gouvernementaux ignoraient souvent les exigences juridiques existantes :

Chaque semaine, nous devons faire des plaintes au Commissariat aux langues officielles, car un grand nombre de publicités destinées aux francophones aboutissent dans les journaux de langue majoritaire. Cette façon d’agir force les francophones de la province à lire les publicités en anglais ou en format bilingue dans les journaux anglophones, ce qui mène tout droit à l’assimilation. Une des raisons pour laquelle ces publicités ne sont pas publiées dans nos journaux est le manque de planification de la part des agences du gouvernement fédéral. Souvent, lorsque notre plainte est faite, si l’annonce contient une date butoir, il est trop tard pour publier cette annonce.

Denise Comeau Desautels, directrice générale

Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

20 avril 2005

3.       Les médias ethniques

Les immigrants forment une proportion importante et croissante de la population canadienne, en particulier dans les grandes villes. Les médias ethniques sont fiers du travail qu’ils accomplissent au service des nouveaux arrivants et de ceux qui, au Canada, souhaitent maintenir un lien avec leur patrimoine culturel.

Soucieux de surmonter les barrières linguistiques qui se dressent devant eux dans leur nouveau pays, ils se tournent vers la presse et les médias de masse de leur propre communauté au Canada à la recherche de renseignements importants et d’une aide fort utile.

Dans ce contexte, la presse et les médias ethniques deviennent la source d’information des nouveaux arrivants au Canada et les aident à s’adapter à leur nouvelle société en leur transmettant de l’information au sujet des événements d’actualité pour, en retour, transmettre leurs préoccupations aux services respectifs des divers niveaux de gouvernement.

Thomas S. Saras, président

Conseil national de la presse et des médias ethniques du Canada

16 novembre 2004

Certaines collectivités sont particulièrement bien desservies.

La communauté sino-canadienne de Vancouver est desservie par trois quotidiens chinois, deux stations de radio chinoises, deux stations de télévision chinoises et plusieurs journaux hebdomadaires gratuits.

George Ho, rédacteur en chef adjoint

Ming Pao Daily News

31 janvier 2005

Plusieurs représentants des médias ethniques ont souligné que leurs activités étaient restreintes et ont proposé des moyens d’augmenter leur financement, en particulier quant à ce qu’ils considèrent comme un partage plus équitable des dépenses publicitaires du gouvernement.

Je ne demande pas davantage de subventions. Je demande simplement qu’ils soient traités comme tous les autres.

Angelo Persichilli

Éditeur politique, Corriere Canadese

13 décembre 2004

Un représentant de médias ethniques était d’avis que le gouvernement devrait grandement accroître le budget de publicité attribué à la presse ethnique.

Si son budget est de 160 millions de dollars, il devrait envisager de nous donner 10 p. 100, soit 16 millions de dollars, pour assurer la viabilité de ce segment de l’industrie.

Thomas S. Saras, président

Conseil national de la presse et des médias ethniques du Canada

15 novembre 2004

Ce témoin a aussi soutenu que les publications ethniques, même si elles sont gratuites, devraient avoir accès à la subvention postale.

4.       Les minorités dans les médias grand public

Plusieurs représentants des minorités raciales et ethniques sont préoccupés par le rôle des minorités dans les médias grand public, notamment la manière dont elles sont représentées et le rôle qu’elles jouent au sein des médias grand public ou en collaboration avec eux.

M. John Miller, professeur à l’École de journalisme de l’Université Ryerson, a étudié la situation des minorités dans 96 journaux grand public et a présenté au Comité ses résultats. Voici un des résultats particulièrement éloquents : « Environ 59 p. 100 des journaux qui ont répondu au sondage [...] ont un personnel entièrement composé de personnes de race blanche. » M. Miller a indiqué qu’il y a eu certains progrès, mais « surtout du côté des emplois à temps partiel plutôt que des emplois à temps plein. » De plus :

Quant aux petits et moyens journaux, on n’y distingue guère de signes de diversification dans l’embauche. Les membres des minorités visibles n’ont donc pas la même chance que les journalistes blancs de suivre ce parcours de formation afin d’acquérir du métier et des compétences afin de travailler ensuite pour les journaux les plus importants. [7 décembre 2004]

La Fondation canadienne des relations raciales reconnaît que certains progrès ont été réalisés. Cependant :

La question toutefois est de savoir si on les incorpore vraiment, si on les encadre et si on les laisse se former et se perfectionner. Je ne suis pas sûr. Je n’irai pas jusqu’à affirmer qu’ils ne reçoivent pas la même attention, mais c’est difficile quand l’organe d’information essaie de réduire sa taille et se retrouve avec trop peu de temps ou de personnel pour encadrer les nouveaux venus.

Patrick Hunter, directeur des communications

Fondation canadienne des relations raciales

14 décembre 2004

5.       Les médias autochtones

M. Miller, dans son sondage sur la diversité en matière d’emploi a souligné ce qui suit :

Le groupe le plus sous-représenté est celui des journalistes autochtones. Sur les 2000 employés, un seul était autochtone. C’est très préoccupant, et il est évident qu’il faut faire des efforts de ce côté. J’ai comparé les pourcentages de ces groupes dans les salles de presse illustrés par la ligne foncée, et dans la population. Comme vous pouvez le constater, la minorité autochtone est la plus sous-représentée. Elle est à peine visible dans les salles de presse des quotidiens. [7 décembre 2004]

Ceci peut restreindre la couverture et nuire à la fiabilité des nouvelles ou même y introduire une partialité indésirable. Comme l’a indiqué Connie Dieter :

Il n'y a vraiment pas longtemps que les personnes qui n’appartiennent pas aux Premières nations et les non-Autochtones s’intéressent à ce qui se passe dans nos communautés. Par conséquent, des journalistes et d’autres personnes travaillant dans les médias ne comprennent pas bien les questions fondamentales auxquelles sont confrontés les Autochtones et cela se reflète dans leurs reportages.

Connie Dieter

3 février 2005

Mme Dieter a suggéré la création d’une station de radio autochtone en Saskatchewan et d’un journal destiné aux Premières nations, comme celui qui existe à Edmonton, pour le sud de la Saskatchewan. Elle a aussi soutenu qu’un plus grand nombre d’autochtones devrait être embauché dans les médias grand public.

H.      Autoréglementation, gouvernance et formation

Les témoins ont longuement parlé de l’autoréglementation. Parmi les exemples de mécanismes d’autoréglementation, notons le médiateur (ombudsman), les conseils de presse, le Conseil canadien des normes de la radiotélévision et les énoncés de principes. En général, les témoins considéraient que l’autoréglementation constituait un facteur positif.

1.       Le médiateur (ombudsman)

Il n’existe que trois médiateurs dans les médias d’information canadiens.

L’organisation News Ombudsman basée aux États-Unis compte 44 membres, mais il n’y en a que trois au Canada, un au Toronto Star, et un à CBC et à Radio Canada.

Jadis, il y avait des ombudsmans au Ottawa Citizen, à la Montreal Gazette, au Edmonton Journal et au Calgary Herald, mais ils ont apparemment été victimes de compressions budgétaires. Nous pensons que c’est regrettable car les ombudsmans sont un canal de communication utile entre les lecteurs et le journal.

Doris Anderson, présidente

Conseil de presse de l’Ontario

14 décembre 2004

Au cours de son voyage à Washington, le Comité a rencontré Mike Getler, médiateur au Washington Post et Jeffrey Dvorkin, médiateur à la radio publique nationale. Chacun d’eux a insisté sur l’utilité des mécanismes de surveillance indépendants des médias, et a souligné l’importance de conserver la confiance des lecteurs et des auditeurs mécontents et celle des journalistes dont le travail est critiqué. Ils sont tous deux d’avis que la transparence de la procédure de traitement des plaintes améliore les médias.

2.       Les conseils de presse

Des témoins ont insisté sur l’importance des conseils de presse. Ces derniers ont été créés dans les années 1970 et 1980 en réponse aux problèmes soulevés par un comité sénatorial antérieur (Davey) et représentent la presse mais pas les médias électroniques. Il y en a dans toutes les provinces sauf en Saskatchewan. Le modeste financement des conseils de presse provient en majeure partie d’une redevance versée par les organes d’information qui sont membres du conseil. Les conseils tendent à être réactifs puisqu’ils répondent aux plaintes des citoyens. Les témoins sont d’avis que les conseils, bien qu’ils aient leurs limites, jouent un rôle important.

Je pense que les conseils de presse et autres institutions semblables ont leur raison d’être en ce sens qu’ils servent de tribune publique. Comme je l’ai dit au début de mon intervention, beaucoup de ces questions ne sont jamais discutées parce que les organisations qui contrôlent les tribunes où ces sujets sont abordés ont des intérêts à défendre et ne veulent pas que certaines choses soient dites. Le réseau CBC ne veut pas que l’on dise certaines choses et il n’en sera donc pas question à CBC. On peut en dire autant de CanWest et de Bell Globe Media.

Je le sais pour y avoir travaillé, chacun garde pour soi son information, personne ne veut dévoiler ses cartes. Ils ne veulent pas amorcer la discussion sur des dossiers mettant en cause leurs concurrents, parce qu’il leur faudrait alors déballer leurs propres affaires.

Il nous faut vraiment davantage de tribunes publiques où tout le monde, pas seulement les journalistes mais tous les membres de la société qui s’y intéressent, peuvent discuter ouvertement de ces questions.

Gillian Steward

3 février 2005

Nous en avons un au Manitoba, et le Winnipeg Free Press, qui est le plus grand journal de la province, est le principal bailleur de fonds de ce conseil de presse auquel siège un membre de notre personnel. Je suis favorable à cette notion. Je pense qu’ils devraient avoir un caractère local ou régional, mais je ne serais pas favorable à la création d’un conseil de presse national.

J’ai vu des conseils de presse se pencher sur des questions importantes et délicates et les régler de façon très positive. Malheureusement, comme de nombreux autres organismes de délibération, ils ont tendance à s’éterniser, ce qui peut amoindrir leur efficacité.

Si l’on examine les plaintes qui sont soumises aux conseils de presse des provinces, on constate que bien souvent elles sont très marginales. Nous avons reçu hier une plainte retransmise par le conseil de presse au Winnipeg Free Press. L’un de nos journalistes avait fait des commentaires peu élogieux sur la nouvelle épouse de Donald Trump, et un membre du grand public a jugé bon de contester ses propos auprès du conseil de presse. J’imagine que nous allons répondre à cette objection et voir ce que cela donnera. Je ne pense pas que ce soit un problème d’une importance majeure dans le monde contemporain. Mais enfin, il est préférable que cette possibilité de faire appel au conseil de presse ou à un autre organisme quelconque existe.

Murdoch Davis

Éditeur à l’époque du Winnipeg Free Press

4 février 2005

3.       Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision

Il y a aussi le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, moins connu que les conseils de presse.

Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision […] est chargé du code de déontologie et du code de l’Association des directeurs de l’information en radio-télévision du Canada sur la couverture de l’actualité. Il a reçu de l’argent de Rogers et d’autres institutions pour pouvoir publier ses informations et ses conclusions dans des langues autres que l’anglais et le français, si bien que les communautés allophones sont maintenant conscientes de leur droit de déposer des plaintes et des décisions qui ont été rendues. Le Conseil s’emploie à afficher ses décisions en ligne, au cas pas cas, pour ce qui est du contenu d’information jugé offensant. Ainsi, beaucoup de ses décisions ont trait au racisme ou à la haine, qui sont bien souvent le fait du milieu radiophonique et des tribunes radiophoniques. Les membres du public peuvent certainement retrouver les motifs de ces décisions, mais d’après un récent sondage, moins de 40 p. 100 sont même conscients à ce jour, de l’existence du Conseil. Il s’agit d’un sondage réalisé par MediaWatch.

Catherine Murray, professeure agrégée en communications

Université Simon Fraser

31 janvier 2005

Un autre témoin a déclaré, en réponse à une question au sujet du code de déontologie :

En ce qui concerne la télévision à la carte, le Conseil canadien des normes de la radiotélévision a élaboré un code, et nous nous conformons rigoureusement à ce code. De plus, nous répondons à toutes les plaintes de nos clients. Nous voulons nous assurer de traiter cette question de manière appropriée et de répondre à ces plaintes parce que nous ne voulons pas fournir des produits ou du divertissement qui offensent les gens. Surtout lorsque vous ciblez les collectivités que nous ciblons, nous savons que nous avons cette responsabilité.

Ken Stein, vice-président principal

Shaw Communications Inc.

22 février 2005

4.       Les énoncés de principes et les codes de déontologie

Bon nombre d’organes d’information sont dotés d’énoncés de principes qui guident leur travail. En général, les témoins considèrent que ces énoncés de principes peuvent être utiles.

Je pense que tout dépend de l’organisation de presse concernée, des propriétaires et rédacteurs en chef et s’ils en tiennent compte. Ils [les codes] peuvent simplement être une décoration murale, quelque chose que l’on accroche au mur, sans influencer en rien les décisions dans les salles de presse ou les comités de sujet. Je pense qu’ils ont eu quelques effets positifs et ont guidé les gens dans la prise de décisions, mais insuffisamment.

En outre, il existe toute une série de nouveaux problèmes sur lesquels ces codes sont silencieux. Si vous allez construire un code, je pense qu’il faut le faire à deux niveaux. Au niveau supérieur, il faut votre énoncé de principes, c’est-à-dire des choses très générales — souvent des truismes et évidences — mais qui ont quand même besoin d’être dites. En dessous, il faut des politiques plus précises concernant des problèmes spécifiques, comme par exemple la couverture des suicides, la couverture des funérailles, toute une série de sujets. Si nous avions une pression du public pour assurer le respect de ces codes, je pense que cela améliorerait la situation.

Stephen Ward

École de journalisme, Université de Colombie-Britannique

1er février 2005

Les représentants d’un grand nombre d’organes d’information ont déclaré que les principes étaient importants. Par exemple, voici ce que le chef de la direction de TorStar, Robert Prichard,a déclaré au Comité :

Tous nos journaux sont guidés par huit principes simples mais importants.

Nous tenons à l’excellence rédactionnelle. Nous considérons que nous servirons aux mieux nos lecteurs, nos communautés, nos annonceurs et nos actionnaires en produisant des publications de qualité supérieure.

Deuxièmement, nous tenons à l’indépendance de chacun de nos éditeurs; chacun d’entre eux est pleinement responsable du contenu de son journal.

Troisièmement, au Toronto Star, nous adhérons aux principes d’Atkinson. Nous avons un engagement légal et historique spécial en vue du respect et de la promotion des principes que Joseph Atkinson, qui a longtemps été notre éditeur, a poursuivis tout au long de sa vie.

Quatrièmement, nous tenons à l’avancement du journalisme et des journalistes. Nous croyons qu’il se trouve au coeur des grands journaux de grands journalistes et que pour faire avancer notre engagement à l’égard de la qualité, il nous faut également faire avancer la profession de journaliste.

Cinquièmement, nous tenons à veiller à ce que tous nos journaux poursuivent un journalisme de qualité, libres de crainte d’influence indue de la part de n’importe quelle source, qu’elle soit publique ou privée, et nous faisons tout en notre pouvoir pour veiller à ce que tous nos journaux demeurent férocement indépendants.

Sixièmement, nous sommes engagés à l’égard des communautés que nous desservons, nous les reflétons, nous les informons et nous les servons.

Septièmement, nous tenons à ce que nos journaux soient et de bonnes publications et de bonnes entreprises. Nous croyons qu'un bon journal, c'est une bonne entreprise.

Huitièmement, nous sommes engagés à l’égard de notre équipe, les 6 000 hommes et femmes qui conçoivent, créent, enquêtent, écrivent, impriment et vendent de la publicité dans nos journaux. [16 février 2005]

Toutefois, l’importance accordée aux énoncés de principes varie. Au moins deux organisations, CanWest et BrunswickNews, ont déclaré qu’elles étaient en plein processus d’élaboration ou de diffusion des énoncés de principes destinés à leurs journalistes.

[E]ntre autres choses, une de mes fonctions est de développer et de coordonner cette déclaration de principes au fur et à mesure des travaux. C’est une chose qui évolue. Elle est réalisée en collaboration avec les rédacteurs de tout le pays. J’espère que c’est un travail qui ne sera jamais fini.

Scott Anderson, rédacteur en chef, Ottawa Citizen

Vice-président et rédacteur en chef, CanWest MediaWorks Publications

13 avril 2005

Au moment de la tenue des audiences, ces énoncés de principes n’avaient pas encore été communiqués aux journalistes de cette organisation, alors qu’au Toronto Star,les énoncés de principes sont affichés sur le site Web pour qu’ils puissent être consultés 365 jours par année.

Dans le cas de BrunswickNews, une série de principes a été élaborée mais n’a pas été distribuée aux journalistes.

C’est un document en devenir et nous pensons actuellement qu’il correspondra bientôt exactement à ce que nous voulons dire. Il pourrait être bientôt communiqué à tous les journaux.

Victor Mlodecki, vice-président et directeur général

Brunswick News

22 avril 2005

 

5.       Journalistes, emploi et pigistes

Plusieurs témoins ont analysé les effets des récents changements structurels – en particulier la récente augmentation de la concentration et de la propriété mixte – sur les journalistes. Certains ont soutenu que ces changements avaient entraîné le rétrécissement du marché du travail du journalisme et des conditions de travail plus difficiles. De plus, certains ont souligné d’importants problèmes pour les journalistes pigistes en ce qui a trait à la sécurité du revenu. Ce ne sont toutefois pas tous les témoins qui faisaient une évaluation aussi morne.

Will Straw, un professeur qui enseigne à des futurs journalistes à l’Université McGill, a mentionné que des attentes non satisfaites sont une source de tension dans le secteur des médias.

Malheureusement, [les écoles de journalisme] incitent les étudiants à croire qu’ils vont travailler dans une profession bien rémunérée, considérée comme respectable, soumise à des codes d’étiques, etc. En fait, c’est une profession où l’on est très mal rémunéré; certains acceptent de travailler gratuitement comme stagiaire, avec d’infimes perspectives d’avenir. La plupart quittent le journalisme en milieu de carrière, à la recherche d’un meilleur salaire. [15 décembre 2004]

La majeure partie des témoins ont déclaré qu’il y a moins de journalistes employés actuellement qu’il y avait dans le passé. D’autres, principalement ceux qui appartiennent aux grandes organisations, ont affirmé que les effets de ces changements avaient été minimes, bien que la composition de l’emploi – par exemple, l’écart entre les postes à temps plein et le travail à la pige – avait été modifiée. Divers témoins ont noté que le nombre de journalistes employés influence la quantité et la qualité des nouvelles et de l’information disponible.

La quantité de nouvelles à laquelle les Canadiens ont accès varie selon le nombre de journalistes disponibles.

Janet Ingram‑Johnson, secrétaire-trésorière

Media Union of British Columbia

31 janvier 2005

Il y a certains désaccords parmi les témoins quant aux récentes tendances, mais cela tient semble-t‑il à l’utilisation de définitions différentes de ce qu’est un journaliste. Les représentants des syndicats, qui soutiennent qu’il y a eu une importante chute de l’emploi, semblent se concentrer sur le personnel de rédaction qui travaille à temps plein dans des bureaux de presse. Les organisations médiatiques, comme Torstar, semblent utiliser une définition plus large qui inclurait l’emploi à temps partiel.

À Vancouver, Deborah Campbell de l’ACJ a mentionné qu’« [e]n privé, les journalistes affirment qu’à leur avis, les quotidiens locaux ont réduit leur personnel de rédaction d’environ 40 p. 100 depuis les années [19]80. »

Une autre représentante syndicale de Vancouver a présenté des chiffres :

Les salles de nouvelles du Sun et du Province, à leur belle époque, comptaient au total 760 journalistes et rédacteurs, d’après ce que dit Marc Edge dans son traité publié en 2001 sur l’histoire de Pacific Press. Même dans les années 80, le Sun comptait un effectif d’environ 200 personnes et la Province en avait environ 165. L’effectif actuel du Sun est d’environ 120, et il n’y a qu’une poignée de journalistes généralistes pour couvrir l’ensemble de la ville. La Province a un effectif total de 106 au maximum, et ces deux chiffres englobent les employés à temps partiel. Environ 20 journalistes on été mis à pied au journal La Province en 2003 seulement. Le Times-Colonist a perdu dix journalistes depuis 1993, et la liste s’allonge.

Janet Ingram‑Johnson, secrétaire-trésorière

Media Union of British Columbia

31 janvier 2005

Selon un représentant des syndiqués travaillant pour Gesca, cette dernière aurait connu un déclin aussi prononcé, sauf en ce qui concerne ses principaux quotidiens, La Presseet Le Soleil.

Selon le président et chef de la direction de Torstar, Robert Prichard, l’emploi dans la salle de presse du Toronto Star est stable depuis une dizaine d’années, du moins par rapport à l’ensemble des emplois au Star. Il a poursuivi en précisant que les emplois de journaliste avaient augmenté au Canada.

Si vous songez au nombre de personnes qui sont concernées par le journalisme au Canada, au sens large du terme, comme M. Davis vous l’a dit lors de sa comparution devant vous à Winnipeg, nous croyons que le nombre de personnes est en train d’augmenter. Ces personnes ne sont peut-être pas employées dans les mêmes proportions dans les quotidiens traditionnels, mais le nombre de personnes occupées à compiler des nouvelles et rédiger des commentaires, avec toutes les ramifications de l’Internet et ainsi de suite, est, je pense en train d’augmenter et non pas de reculer.[16 février 2005]

Bien que la plupart des témoins aient attribué la possible chute des emplois de journaliste à la concentration et à la propriété mixte accrues, un témoin a laissé entendre qu’une plus grande attention devrait être accordée à l’influence des grands syndicats.

Je n’ai entendu personne contester la concentration de la syndicalisation de nos médias ou se pencher sur l’incidence de ce phénomène sur le contenu ou autres choses. Il y a beaucoup moins de syndicats que de propriétaires qui exercent de l’influence dans les salles de rédaction du pays. Au Canada anglais, il y en a essentiellement deux. À ma connaissance, aucun des syndicats n’offre de discuter pour trouver des manières de réduire les coûts dans des secteurs non journalistiques pour que l’on puisse réinvestir les ressources dans le journalisme. En fait, il arrive parfois que les syndicats dans le milieu du journalisme cherchent activement à exclure de la publication le travail de quiconque n’est pas membre. Voilà un obstacle à la diversité des voix que vous pourriez examiner.

Murdoch Davis

Éditeur à l’époque du Winnipeg Free Press

4 février 2005

 

Plusieurs témoins ont soutenu que le journalisme local avait souffert des changements dans la propriété des médias. Les journalistes qui ont un penchant régional ou local éprouvent des problèmes face aux groupes centralisés qui fonctionnent à partir des grandes villes. Monique Prince, journaliste à La Presse et coordonnatrice du Regroupement des syndicats de Gesca, a laissé entendre que les journalistes ne sont pas remplacés dans les régions. On fait largement appel aux services de journalistes pigistes indépendants qui ne sont pas bien rémunérés. En se consacrant à l’essentiel, les propriétaires ont remplacé des journalistes expérimentés par des plus jeunes ou par des pigistes.

Certains témoins ont déclaré que la concentration de la propriété signifiait la restriction des possibilités d’emploi des journalistes, ce qui peut influencer le contenu – par exemple, limiter les points de vue qui ne cadrent pas avec ceux du groupe.

À San Francisco, d’où je viens, il y avait une solution facile à ce genre de problème. Vous n’aimiez pas votre travail, votre patron ne vous traitait pas bien, mais vous étiez bon journaliste, il vous suffisait de traverser la rue. Ici, c’est tout l’inverse. Si vous vous faites mal voir par la société qui possède tous les médias, vous n’allez plus travailler.

David Beers, éditeur

The Tyee

31 janvier 2005

Selon de nombreux témoins, les récents changements dans la propriété se sont révélés particulièrement difficiles pour les pigistes, qui n’ont pas de pouvoir de négociation avec les éditeurs. Il y a peu de possibilités de revendre un article déjà écrit pour un autre journal qui appartient aux mêmes personnes, et il y a peu de raisons de verser des cachets raisonnables. Selon un témoin :

Le tarif des pigistes qui écrivent pour les revues n’a pas augmenté depuis 30 ans. Depuis 30 ans, le tarif supérieur que peuvent toucher ceux qui écrivent pour des revues est d’environ un dollar le mot. Il y a quelques exceptions notables. La revue Walrus en est une, mais c’est une nouvelle entreprise et ce genre de revue est trop rare. […]

Je pense qu’en moyenne un journaliste pigiste gagne environ 12 000 $ par année et probablement encore moins car ils sont nombreux à travailler en même temps comme serveur ou serveuse ou à avoir un autre emploi de ce genre, tout comme les acteurs qui attendent d’être découverts à Hollywood.

Deborah Jones, membre, chapitre de Vancouver, ACJ

31 janvier 2005

Un grand nombre de témoins se sont aussi plaints au sujet des contrats draconiens que certains pigistes sont forcés de signer. CanWest et BrunswickNewsont été cités parmi les entreprises médiatiques qui exigeaient une cession de droits véritablement universelle (voir, à titre d’exemple, le contrat type avec CanWest Global à l’annexe XI).

Récemment, l’ACJ a diffusé un communiqué demandant à CanWest d’annuler un nouveau contrat de pige qui aurait privé de leurs droits les auteurs et journalistes indépendants, y compris leurs droits moraux, ce qui veut dire que ces voix indépendantes auraient perdu tout contrôle à l’égard de leur travail En les privant de leurs droits moraux, CanWest pourrait modifier un article comme il le souhaite, l’utiliser à des fins de publicité et modifier les opinions qui y sont exprimées sans l’autorisation de l’auteur. Quel recours ont ces journalistes et ces écrivains si cela ne leur plaît pas?

Deborah Campbell, présidente

Chapitre de Vancouver, Association canadienne des journalistes

31 janvier 2005

Pour écrire pour les Irving il faut signer un contrat absolument draconien. Par exemple, toute la propriété intellectuelle appartient aux Irving. Il y avait une petite clause intéressante dans le contrat. Elle disait que « les propriétaires peuvent vendre dans les médias actuellement existants ou ceux pouvant être ultérieurement inventés ».

Jackie Webster

21 avril 2005

Ce ne sont pas tous les contrats qui sont aussi exigeants. Des témoins ont donné beaucoup d’exemples d’autres contrats. Le Devoir, le Hamilton Spectator, le Halifax Chronicle-Herald et le Globe and Mail n’exigent pas que les pigistes cèdent leurs droits de manière universelle et indéfiniment. Un rédacteur du Globe and Mail explique la pratique adoptée par son journal :

Ils [les auteurs pigistes] conservent les droits d’auteur. Nous, nous achetons les droits de première publication, c’est-à-dire que nous publions l’article une fois, et une fois seulement, car c’est ce droit-là que nous achetons ainsi que les droits électroniques non exclusifs [pour la banque de données du Globe and Mail]. Ils sont libres de prendre le même papier et de l’offrir ailleurs une fois qu’il a été publié dans le Globe and Mail, ce par accord mutuel, en règle générale 24 heures après sa première parution. S’ils le désirent, ils peuvent le proposer à CBC, à Global ou à un autre journal.

 Patrick Martin, rédacteur des commentaires

11 mai 2005

CanWest a affirmé que ce prétendu « terrible contrat » était courant dans certains domaines, et pouvait se révéler avantageux pour certains pigistes. Le président de CanWest MediaWorks de l’époque a souligné que dans le domaine du divertissement « la concession de droits actuels et futurs, les technologies, les marchés, les plateformes, et cetera, sont des points communs et des pratiques très courantes dans l’industrie du divertissement. » Scott Anderson, rédacteur en chef de CanWest MediaWorks, a indiqué qu’il y a un besoin pour ce genre de contrats à l’ère d’Internet afin d’apporter une clarté dans le marché des droits de revente.

M. Anderson a aussi souligné que CanWest avait modifié une partie du libellé des contrats à la suite de plaintes. Le rédacteur en chef du Canadian News Deska soutenu que les pigistes touchaient une meilleure rémunération s’ils cédaient les droits universels que ce qu’ils toucheraient pour une publication unique.

Nous avons apporté un certain ordre en signant et en établissant un contrat qui nous donne des droits de publication de tous ces articles, qu’ils aient été employés ou pas, et nous avons augmenté le paiement offert à l’origine. Par exemple, au lieu de payer 200 $, nous payons 250 $. Parfois le pigiste en bénéficie car son article n’aurait été utilisé nulle part ailleurs. Parfois cela avait l’effet inverse, mais nous avons simplifié le système pour le rendre plus facile pour tout le monde. Nous avons reconnu qu’en rajoutant des droits pour nous, nous ajoutions également au paiement requis.

Gerry Nott

13 avril 2005

L’Association des journalistes indépendants du Québec a fait plusieurs suggestions, notamment des modifications de la loi, en vue d’améliorer les conditions des journalistes pigistes. Certains de ces changements s’inspirent de la Loi sur le droit d’auteur et de la Loi sur le statut de l’artiste, ou suggèrent des modifications à ces lois. D’autres prévoient la création d’un fonds d’assurance-emploi ou de régimes de retraite collectifs à l’intention des pigistes.

6.       Formation, éducation et recherche

Tout le monde veut des médias de meilleure qualité. Plusieurs témoins ont laissé entendre que la clé du succès résidait dans l’éducation, au sens large. Promouvoir la connaissance des médias constitue, pour certains, un bon moyen de former de meilleurs utilisateurs des nouvelles et de l’information. La formation, l’éducation et la recherche concernant les médias permettent de produire de meilleurs journalistes.

Murdoch Davis, à l’époque éditeur du Winnipeg Free Press, a soutenu que le programme scolaire devrait prévoir un cours d’initiation aux médias pour renforcer l'esprit civique.

Cela ne sert pas à grand-chose d’enseigner l’initiation aux médias si l’on n’enseigne pas aux élèves le contenu de la Charte, le fonctionnement des tribunaux, les règles et les structures des divers paliers de gouvernement, le fonctionnement ou le dysfonctionnement du système fiscal, la valeur du vote, l’importance de la démocratie, la signification des droits de la personne. La notion de droits civils, et la façon dont on traite de tout cela dans l’éducation de nos enfants, ou même des étudiants au niveau collégial ou universitaire, est pathétique. [4 février 2005]

Les organisations médiatiques pensent évidemment qu’il est important d’encourager les jeunes à devenir des consommateurs de médias actifs et non passifs, à acquérir une meilleure connaissance de la nature et du rôle des médias et à se familiariser avec les sources de base des nouvelles. Le Comité a entendu parler de plusieurs programmes de sensibilisation aux médias dirigés par des entreprises médiatiques canadiennes, qu’il s’agisse d’offrir des exemplaires de journaux à prix réduit dans les écoles ou de produire un manuel éducatif destiné aux écoles et, dans le cas de Gesca, du programme de Cyberpresse-écoles, qui permet aux écoles primaires et secondaires du Québec et du sud de l’Ontario de consulter gratuitement toutes les archives des quotidiens de Gesca.

Pour être utiles, les nouvelles et l’information doivent être à jour. Les journalistes qui produisent les nouvelles ne peuvent se permettre de laisser leurs connaissances et leurs compétences devenir obsolètes. Comme un professeur de l’UBC le souligne :

De nombreux journalistes me disent qu’ils souhaitent améliorer leurs compétences et se former plus, mais ils n’en ont pas l’occasion. Le problème si vous êtes journaliste, une fois que vous avez un poste et que vous êtes lancé, vous êtes tellement occupé à faire du journalisme sans cesse que vous n’avez jamais l’occasion de faire une pause, de vous recycler et de réfléchir, car vous êtes toujours bousculé.

Stephen Ward

1er février 2005

Un autre professeur de journalisme, de l’Université de King’s College, a exploré les pressions de plus en plus grandes et contre-productives qui découlent du manque de temps pour la recherche :

Je suis intéressé par le problème que pose le fait de travailler pour plusieurs médias à la fois — et les journalistes soumettent des reportages non seulement à la radio, mais aussi à la télévision. Comme nous avons de moins en moins de temps à notre disposition, nous devons faire face à de plus en plus de pressions. […]

Je me demande ce qui doit arriver lorsqu’on sert plusieurs maîtres à la fois et qu’on a encore moins de temps à sa disposition. Le temps dont on dispose pour effectuer des recherches diminue au lieu d’augmenter. Nous allons dans la mauvaise direction.

Bruce Wark

19 avril 2005

Il y a d’autres problèmes à régler. D’abord, les programmes de formation sont coûteux.

Plusieurs témoins demandent instamment l’aide du gouvernement dans ce domaine. Torstar recommande l’accroissement de l’investissement public dans l’enseignement et l’étude du journalisme.

En notre qualité d’entreprise d’édition de journaux, nous ne cherchons à obtenir du gouvernement aucune subvention, aucun prêt, aucun cadeau financier. Nous exhortons plutôt le gouvernement à consacrer ses ressources financières au développement du capital humain dont dépendent des médias forts, et à appuyer la recherche dont les Canadiens ont besoin pour mieux comprendre le rôle que jouent les médias dans notre société.

Robert Prichard, président et chef de la direction

16 février 2005

M. Thompson a déclaré que le gouvernement devait affecter davantage de ressources à des bourses et subventions de durée illimitée accordées aux journalistes, particulièrement pour les études et le travail à l’étranger. Pour que les journalistes se sentent à l’aise de recourir aux fonds publics, il est d’avis que les programmes doivent être entièrement transparents, reposer sur des critères clairs et employer un mode de sélection fondé sur les propositions soumises par les journalistes candidats. Il a lui-même profité de ce genre de programme.

J’ai eu la chance de remporter la bourse Gemini, qui était financée à l’époque par le Centre de recherches pour le développement international, une société d’État canadienne. Cette bourse de 25 000 $ destinée à de jeunes journalistes m’a permis de travailler pendant huit mois au Gemini News Service, à Londres, une agence d’information qui se consacre aux pays en développement, et de passer cinq mois en Afrique, ma première expérience de ce type de journalisme. [1er décembre 2004]

Il a ajouté :

Malheureusement, la bourse Gemini a été supprimée il y a environ un an, par manque de fonds. Je pense que c’était une erreur regrettable. En effet, nous avons perdu l’un des rares mécanismes qui servaient à stimuler l’attention des médias pour le monde en développement.

M. Thompson suggère que les ministères ou organismes fédéraux qui s’occupent de politique étrangère subventionnent un ou deux stages « permettant à des journalistes en début ou en milieu de carrière d’élargir leurs horizons, de renseigner davantage les Canadiens sur le monde qui les entoure et sur la place du Canada dans le monde. »

Plusieurs témoins ont souligné les difficultés qui surviendraient si le gouvernement finançait les médias, même indirectement. Personne ne s’est prononcé en faveur de l’intervention du gouvernement dans le contenu. Le soutien du secteur privé en matière de formation sur les médias est tributaire, pour certains, de la hausse des bénéfices nets.

Un bon rendement permet plein de choses : de mettre sur pied des programmes de formation, de renouveler son personnel, ses équipements, de lancer de nouveaux projets.

Guy Crevier, président

Gesca Ltée

8 mars 2005

Quant à la formation soutenue par l’industrie elle-même, le soutien le plus visible semble provenir des grandes entreprises médiatiques.

Le Toronto Star, qui est la plus importante aile philanthrope de Torstar Corporation, a, pour ses oeuvres philanthropiques, trois priorités, dont les études de journalisme. Notre cadeau le plus récent a été un don de 1 million de dollars au programme de journalisme de l’Université Ryerson.

Robert Prichard, président et chef de la direction

Torstar Corporation

16 février 2005

Chaque année, il y a plus d’une trentaine d’étudiants en journalisme qui passent une partie de l’année au Toronto Star. L’éditeur explique :

Nous ne comptons pas pouvoir les recruter tous, mais nous y voyons une occasion pour nous d’identifier les meilleurs talents, mais c’est également notre sens de responsabilité à l’égard du journalisme dans son entier qui nous pousse à vouloir offrir aux jeunes inscrits dans des programmes de journalisme l’occasion d’accumuler une certaine expérience de travail.

Michael Goldbloom

16 février 2005

CanWest est aussi fière de sa contribution à la formation.

Nous contribuons des millions de dollars pour les établissements scolaires qui soutiennent des programmes d’études et de formation pour les journalistes, et cetera. Nous continuons à augmenter notre propre budget interne de formation et de développement pour former non seulement des journalistes mais l’ensemble de nos employés, parce que nous avons constamment à revoir nos qualifications en raison de la manière dont le monde change.

Nous forgeons maintenant des alliances stratégiques avec beaucoup d’établissements scolaires dans chaque ville du pays où nous avons une activité commerciale — petite, moyenne et grande — qui consiste à notre création de programmes de coopération, d’académies d’été, et de location de diplômés, mais aussi à envoyer de nouveau nos employés à l’école pour recevoir une formation. De plus, nos employés vont réellement de nouveau à l’école pour y parler et y enseigner parce que nous pensons qu’ils ont quelque chose à partager.

Richard C. Camilleri

13 avril 2005

 

Comme l’a mentionné le directeur de l’École de journalisme de l’Université St. Thomas :

La famille Irving a également fait don d’un million de dollars à St. Thomas afin de créer une chaire de journalisme qui nous permettra de faire venir chaque année un journaliste pour enseigner. L’Université de Moncton a reçu un don similaire et nous prévoyons de collaborer avec Moncton pour faire le meilleur usage de ces possibilités.

 Philip Lee

21 avril 2005


ANNEXE II : CHANGEMENTS DE PROPRIÉTÉ

A.      Changements récents dans le secteur des médias

Les médias canadiens ont subi ces dernières années une foule de transformations au niveau de la propriété : on a vu des empires se former, se désintégrer puis se reconstituer. Le Rapport intérimaire que le Comité a déposé en avril 2004 faisait état des changements de propriété, et en particulier de l’augmentation de la propriété mixte des médias, dans le secteur canadien des médias. Depuis, d’autres changements sont survenus dans ce secteur, même si ceux‑ci n’ont pas été aussi marquants – surtout en termes de dollars – que les transactions concernant Quebecor, BCE et CanWest Global en 2000. Néanmoins, les changements les plus récents sont importants.

On pense notamment à la vente par Bell Canada Enterprises de son intérêt majoritaire dans Bell Globemedia, dont les avoirs comprennent le réseau CTV et le Globe and Mail.  Dans cette opération, annoncée le 2 décembre 2005, la famille Thomson a porté sa part de Bell Globemedia de 31,5 p. 100 à 40 p. 100 31.5%[7]. Torstar Corp. a fait l’acquisition d’une part de 20 p. 100 de Bell Globemedia et le Régime de retraite des enseignants et enseignantes de l’Ontario en a aussi acquis une part de 20 p. 100. Ainsi, la part de BCE est tombée de 68,5 à 20 p. 100.

Cette opération a atténué les préoccupations exprimées devant l’éventualité que la plus importante société de télécommunications du Canada soit propriétaire à la fois d’un grand réseau de télévision et du plus important quotidien d’envergure nationale.  Il reste que les propriétaires du plus important quotidien du Canada possèdent maintenant une importante participation dans l’un de ses rivaux directs, le Globe, et dans CTV. Des déclarations de BCE et de Torstar soulignent l’importance de l’indépendance au niveau rédactionnel. Au bout du compte, les modifications de la propriété de Bell Globemedia ne réduisent en rien l’ampleur de la propriété mixte de médias au Canada.

Il importe aussi de noter la vente du dernier groupe de journaux appartenant à Hollinger à une entreprise relativement nouvelle dans le secteur, Glacier Ventures International Corp. de Vancouver. Cette transaction a marqué le terme d’un cycle spectaculaire qui a vu Hollinger, parti de presque rien, devenir un géant de la presse canadienne au milieu des années 1990 pour ensuite entamer un rapide déclin.

Le Rapport intérimaire comprenait une longue section (Partie II), comportant de nombreux tableaux, sur l’état des médias d’information canadiens. La plupart des séries de données présentées se terminaient en 2003 et parfois avant. Même si des changements se sont produits depuis, le portrait établi en ce qui a trait au secteur des médias canadien tient toujours. Les principales lois concernant les médias – La Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur la concurrence – n’ont pas été modifiées, et l’on n’a encore rien changé aux grandes orientations pour répondre aux préoccupations exprimées dans le Rapport intérimaire.

Ces préoccupations comprenaient la domination du secteur par de grands conglomérats détenant des actifs nombreux dans des médias variés et la forte concentration de la propriété des médias sur certains marchés d’information, surtout à Vancouver et sur les marchés francophones du Québec et du Nouveau-Brunswick. En fait, certaines des tendances notées dans le Rapport intérimaire se sont accentuées.

Entre‑temps, l’idée que l’on se faisait des conglomérats a évolué. On déchante, à l’échelle mondiale, au sujet des avantages présumés des conglomérats réunissant des médias variés. Peu après le règlement des transactions gigantesques, la bulle de la haute technologie a crevé, les prix des actions ont chuté et l’endettement qui a servi à financer les fusions de médias est devenu plus perceptible. Rares sont ceux qui maintenant peuvent parler des « synergies de la convergence » sans se sentir légèrement embarrassés.

Ces transactions ont cependant laissé des dettes. Ces derniers temps, les cadres des nouveaux conglomérats de médias font des pieds et des mains pour tenter de créer ou de sauvegarder une certaine valeur dans la kyrielle d’entreprises de médias qu’ils possèdent maintenant, le plus souvent en réduisant les dépenses au prix de compressions de personnel entre autres dans les salles des nouvelles ou en se départissant de certaines des entreprises acquises.

La courbe des profits des médias canadiens, particulièrement le secteur de la radiotélédiffusion est souvent en dents de scie, mais les bénéfices sont très élevés certaines années. Ainsi, le CRTC a signalé que les profits (avant les intérêts et les taxes) du secteur de la radio commerciale ont connu une hausse phénoménale de 23,8 % pour atteindre 277 millions de dollars; les recettes, ayant augmenté de 8,7 %, ont totalisé 1,3 milliard de dollars[8]. Ces extraordinaires résultats ont suivi plusieurs années d’augmentations annuelles des profits de l’ordre de 12 p. 100.

Pour ce qui est des journaux, ils continuent de toucher des profits intéressants, alors que, dans la plupart des cas, le tirage diminue.

 

 

GROUPES DE JOURNAUX CANADIENS

REVENUS ET BÉNÉFICES

(2005,   en millions de dollars)

 

 

Torstar Corp

Quebecor

Media

CanWest*

FP

Osprey

 

Toronto

Star

Metroland

CityMedia

Journaux Sun

 

 

 

 

Revenus

432,7

416,8

161,4

916,0

1228,9

116,9

222,5

EBE

64,2

80,0

28,6

222,0

254,9

24,1

53,0

Marge

14,8 %

19,2 %

17,7 %

24,2 %

20,7 %

20,6 %

23,8 %

*D’après certains analystes financiers, le National Post perd à peu près 10 millions de dollars par an. Cette perte estimative a été intégrée aux données sur CanWest.

Source : Divers rapports annuels.

Nota : L’EBE, l’excédent brut d’exploitation, correspond aux résultats avant amortissement, intérêts et impôts. FP représente FP Canadian Newspapers Limited Partnership, qui possède et publie le Winnipeg Free Press et le Brandon Sun, de même que certains journaux communautaires et journaux de l’industrie du spectacle.

 

Une autre manière de créer de la valeur pour les actionnaires qui gagne en popularité dans le secteur des médias comme dans les autres secteurs de l’économie consiste à établir une fiducie de revenu, ce que CanWest Global a fait en 2005 en créant CanWest Media Works, une fiducie de revenu groupant 12 quotidiens (tous sauf le National Post), 21 journaux communautaires et des intérêts dans deux quotidiens gratuits[9].

Les fiducies de revenu ne sont pas une panacée. Elles attisent les attentes des actionnaires et du marché, convaincus que les bénéfices seront stables et élevés. Michael Sifton, fondateur et p.-d.g. d’Osprey Media, en a parlé dans une récente entrevue relatée dans un quotidien :

            [M. Sifton ne rigole pas beaucoup.] « Ça devient un peu frustrant », a-t‑il dit, parlant de la recherche constante de profits suffisants pour alimenter les éternelles distributions de bénéfices »[10].

 

D’autres changements dans le secteur des médias méritent qu’on s’y intéresse. Il s’agit de la concentration de la propriété des stations de radio et des journaux communautaires, car une série de monopoles, ou de quasi-monopoles régionaux sont apparus.

1.       Transactions de propriété mixte

Les fusions et les acquisitions d’entreprises appartenant à des médias différents continuent, malgré la diminution des attentes quant aux vertus de la convergence. Depuis 2000, le CRTC a approuvé le transfert de licences radio ou en a accordé de nouvelles à des entreprises également actives dans la presse écrite. Et en 2004, TVA et Sun Média, qui sont contrôlés par Quebecor Média Inc., ont acquis la station de télévision Toronto One.

           

La décision relative à la station Toronto One est intéressante pour plusieurs raisons. D’abord, elle affirme la politique d’ouverture du CRTC aux opérations aboutissant à la propriété mixte de médias. Comme dans le cas des autres décisions qui ont été prises depuis 2000, le CRTC s’est dit préoccupé par les répercussions possibles de cette décision sur la diversité des opinions éditoriales mais a ensuite autorisé la transaction sous réserve des conditions modestes qu’il avait imposées à CTV et Global, à savoir la séparation de la direction de la rédaction pour la presse écrite et pour la télédiffusion.

Le deuxième point d’intérêt connexe est que les conditions imposées pour les activités de Quebecor en ce qui concerne Toronto One seront différentes de celles imposées pour les activités de Quebecor en ce qui a trait à TVA, le réseau de télévision que la société a acheté en 2000. Les conditions dans ce dernier cas comportaient la séparation des activités de la salle des nouvelles – pas seulement la direction de la salle des nouvelles – pour la partie presse écrite et la partie télédiffusion. Un des arguments cités par le CRTC pour expliquer la différence d’approche est que le marché de Toronto est hautement concurrentiel. Si le CRTC se met à prendre ses décisions en fonction d’une analyse des marchés au cas par cas comprenant une évaluation de l’étendue de la concurrence dans chaque marché, l’on peut se demander pourquoi les conditions relatives à la séparation de la salle de nouvelles imposées aux opérations de CanWest à Vancouver n’étaient pas plus strictes.

Cette réflexion mène à un troisième point d’intérêt. Les conditions imposées par le CRTC pourraient devenir sans objet. Comme le Conseil l’a fait remarquer dans sa décision autorisant la transaction reliée à Toronto One :

Toutefois, comme il l’a fait pour CTV et Global, le Conseil sera prêt à envisager de suspendre les conditions de licence relatives à la propriété mixte de médias si la titulaire s’entend avec le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR) pour que Toronto One se conforme à un code de déontologie applicable à l’ensemble de l’industrie et à condition que Toronto One soit membre en règle du CCNR. Ce code devra néanmoins être approuvé par le Conseil[11].

L’élaboration de ce code est momentanément suspendue, car le CCNR et le CRTC attendent l’analyse et les recommandations résultant de l’étude du Sénat.

2.       Journaux communautaires

Les journaux communautaires possèdent une longue histoire. Avant l’avènement de la radio et de la télévision, ces journaux étaient la seule source d’information sur la collectivité qu’ils servent. Aujourd’hui encore, les résidents de certaines communautés isolées ou de petite taille comptent sur leur journal local pour se tenir au courant de ce qui se passe chez eux. Comme un membre du Black Press Group l’a mentionné :

Tout le monde peut vous dire ce qui se passe dans le monde --CNN, USA Today, ou Yahoo. Mais vers qui vous tournez-vous lorsque vous voulez en savoir davantage sur le nouveau site de construction au bas de la rue ou sur le dernier vote de la commission scolaire? […] Si  vous voulez des nouvelles sur le monde, demandez aux gros. Mais si vous voulez savoir ce qui se passe dans votre quartier, nous sommes là[12].

Les groupes existent depuis longtemps dans l’industrie des journaux communautaires – ce qui suscite depuis toujours des préoccupations au sujet de la concentration. Les noms des propriétaires de groupes ont changé au fil du temps. À un moment donné, les Thomson et Southam dominaient l’industrie. Plus maintenant. Ce qui est frappant dans les transactions récentes c’est que les groupes s’intéressent à des régions précises – des régions qui sont souvent aussi couvertes par des quotidiens leur appartenant (et dans certains cas par leurs propres radiodiffuseurs). Lors de la réunion annuelle générale de Transcontinental en 2002, le président-directeur général, Luc Desjardins, a formulé la remarque suivante :

En 2001, nous avons acquis environ 20 hebdomadaires, dont 18 appartenant à Gesca et Unimédia. Transcontinental est désormais le principal éditeur au Québec dans ce segment en pleine croissance que nous désignons maintenant la presse régionale. Nous sommes les deuxièmes dans ce marché au Canada[13].

Victor Mlodecki est le vice-président et directeur général de Brunswick News, la branche médiatique de l’empire Irving au Nouveau-Brunswick. Il a dit au Comité :

Le groupe se divise en trois quotidiens, six hebdomadaires de langue anglaise, six hebdomadaires de langue française et un hebdomadaire urbain présentant une édition pour chacune des trois grandes villes. Nous avons un site Internet rattaché aux journaux, un site Internet sur les carrières, ainsi que Acadian Broadcasting Ltd., qui possède quatre stations de radio. Toutes les publications ainsi que trois des stations de radio sont situées au Nouveau-Brunswick[14].

Autrement dit, le groupe Irving possède tous les quotidiens de langue anglaise et presque tous les hebdomadaires du Nouveau-Brunswick, plus des stations de radio et des activités Internet. M. Mlodecki a donné une explication révélatrice des avantages commerciaux de la propriété d’un groupe d’entreprises dans une région (ou une province) :

Les journaux c’est bien, mais ce qui importe pour moi, ce sont les systèmes de distribution. C’est l’avenir de notre entreprise, à de nombreux égards, vous savez. Au cours des 20 prochaines années, nous devrons gérer la transition de la presse écrite à la presse sur Internet. C’est ce que nous sommes en train de faire, mais le corollaire qui devient très important, c’est la distribution de circulaires dans les foyers. [C’est nous qui soulignons.]

Voici une liste partielle de transactions dans le secteur des journaux communautaires depuis 2000.

Colombie-Britannique

·                     CanWest Global a vendu une bonne partie des journaux communautaires dont il avait hérité en achetant Hollinger, mais a conservé les journaux communautaires de la Colombie-Britannique.

·                     Black Press a ajouté à ses nombreux avoirs dans la province l’achat en 2003 les publications de Quebecor/Bowes en Colombie-Britannique.

Ontario

·                     En juin 2003, Torstar et Osprey ont échangé des journaux du sud de l’Ontario.

·                     Toujours en 2003, Osprey a acheté d’autres journaux communautaires et quelques petits quotidiens en Ontario.

·                     En 2005, Torstar a acheté Runge Publishing Inc., qui publie 18 journaux communautaires de l’est de l’Ontario.

Québec

·               En 2001, Transcontinental a acquis environ 20 quotidiens, dont 18 appartenaient à Gesca et Unimédia.

Région atlantique

·               Transcontinental a acheté les journaux que CanWest Global détenait dans la région atlantique et Optipress, lui même le produit de la fusion de deux groupes d’impression et d’édition, au début de 2004.

 

 

 

Nouveau‑Brunswick

·               En 2002, Brunswick News, la branche médiatique de l’empire Irving a acheté deux groupes de journaux communautaires (appartenant à David Cadogan et à David Henley).

·               En 2003, Brunswick News a acheté Northern Light de Transcontinental. (Transcontinental l’avait acheté de CanWest en 2002)

·               En 2004, Brunswick News a acheté l’hebdomadaire parallèle here.

·               Brunswick News a aussi acquis une présence accrue sur le marché francophone.

·               En 2005, Brunswick News a acheté La Voix du Restigouche et son homologue de langue anglaise la Tribune.

Saskatchewan

·                     En 2004, Glacier Ventures a acquis un groupe de journaux communautaires et d’imprimeries dans le nord-est de la Saskatchewan.

·                     En 2005, Glacier Ventures a acquis un autre groupe de journaux communautaires et d’imprimeries en Saskatchewan.

Cette liste n’est pas exhaustive. On compte en effet quelque 2 000 journaux communautaires au Canada, et les changements de propriété (démarrages, faillites et réorganisations) sont courants. La liste met en relief essentiellement les transactions qui ont eu pour effet d’accroître la concentration dans des marchés provinciaux ou régionaux, ce que l’on observe en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Québec, au Nouveau-Brunswick, dans la région de l’Atlantique et dans le sud-ouest de l’Ontario.

L’une des opérations les plus révélatrices a été l’échange de journaux entre Torstar et Osprey dans le sud de l’Ontario en 2003. Torstar a ainsi pu consolider sa présence au niveau des journaux communautaires dans la région dite du Golden Horseshoe dans le sud-ouest de l’Ontario, tandis qu’Osprey a repris des journaux qui venaient compléter sa propre collection de petits journaux locaux de l’Ontario.

Le Bureau de la concurrence a examiné plusieurs transactions mais ne les a pas jugées anticoncurrentielles. Comme à l’habitude, son raisonnement a mis l’accent sur les implications locales des transactions, et non sur les implications régionales.

En 2001, le Bureau a annoncé par exemple qu’il ne s’opposerait pas à l’acquisition d’Unimédia par Gesca, une branche de Power Corporation Canada, pour les raisons suivantes :

Le Bureau a conclu qu’il était probable que la transaction ne diminuerait pas de manière considérable la concurrence, ni ne l’empêcherait, parce que le taux de circulation des journaux touchés dans les mêmes villes ou régions rurales était faible. Il n’y avait pas de raison de s’inquiéter à propos de la concurrence ou du chevauchement de la publicité dans l’un de ces marchés ni de problème de convergence des médias[15].

De même, en 2003 et 2004, le Bureau a examiné la proposition d’acquisition d’Optipress par Transcontinental et a conclu :

Transcontinental Inc., une des plus grandes entreprises d’édition et d’imprimerie en Amérique du Nord, a proposé d’acquérir Optipress Inc., une des principales entreprises d’édition de journaux communautaires et hebdomadaires et d’imprimerie du Canada atlantique. Transcontinental, qui jouit déjà d’une forte présence dans les provinces de l’Atlantique par l’entremise d’une chaîne de journaux quotidiens et d’imprimeries, soutenait que les journaux communautaires et les imprimeries d’Optipress s’agenceraient bien avec ses activités. À la suite d’un examen rigoureux, le Bureau a annoncé le 16 janvier 2004 qu’il n'avait constaté aucun important chevauchement concurrentiel et par conséquent, il n’a pas contesté la transaction[16].

3.       Radio

Au Canada en 2004, la Standard Broadcasting Corporation Ltd. constituait le plus gros groupe de stations de radio : elle possédait 51 stations ou 9,4 p. 100 du marché global. Toutefois, le marché au Canada comprend des stations anglophones et des stations francophones – 438 anglophones et 92 francophones. Toutes les stations de la Standard Broadcasting étaient anglophones; par conséquent, sa part de marché réelle était de 11,6 p. 100, une concentration plus élevée que celle de Clear Channel, le chef de file aux États-Unis (10,7 p. 100 du marché total en 2002)[17].

Le marché francophone de la radio au Canada est encore plus concentré. Astral Media Inc. est le plus gros groupe, celui-ci détenant 27 stations ou 29,3 p. 100 du marché concerné. Corus Entertainment Inc. se classe deuxième avec 10 stations. La part de marché des deux principaux groupes s’élève à 40,2 p. 100.

Les cinq premiers groupes de radio au Canada contrôlent 40,4 p. 100 du marché total. À des fins de comparaison, les cinq premiers groupes aux États-Unis détenaient 17,6 p. 100 du marché en 2002. Le plus gros groupe aux États-Unis, Clear Channel, détenait 10,7 p. 100 du marché total.

La concentration de la radio au Canada n’a pas donné lieu à des préoccupations aussi intenses qu’aux États-Unis, avec la montée au sommet de Clear Channel (voir l’encadré ci‑dessous sur la U.S. Telecom Act et Clear Channel). Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, surtout au Québec où le marché de la radio francophone est fortement concentré. Au Canada, deux préoccupations sont reliées. La première est que la nature locale de la radio est en train de disparaître : les groupes diffusant une programmation homogène s’imposent. La deuxième est que les nouvelles locales sont en train de disparaître, mais cela s’inscrit dans une préoccupation plus grande voulant qu’en général, les nouvelles deviennent moins importantes.

 

U.S. Telecom Act et Clear Channel

Aux États-Unis, la Telecommunications Act de 1996 a assoupli les limites en matière de propriété en ce qui concerne la radio. Cette mesure a entraîné une augmentation considérable de la concentration de la propriété des stations de radio. En 1996, les deux plus gros groupes possédaient chacun moins de 65 stations. En mars 2002, les deux plus gros groupes détenaient respectivement 1 156 et 251 stations. Clear Channel Communications, qui est de loin le principal groupe, s’est attiré le plus de critiques et semble être devenu le symbole de ce à quoi un système non réglementé axé sur le profit ressemblera.

La concentration du marché de la radio aux États-Unis a fait en sorte que l’on craint d’assister à une réduction de la présentation d’émissions et du nombre de pièces diffusées au cours de ces émissions – choix moindre pour les consommateurs – et à une diminution d’une vraie présence locale à la radio.

L’absence d’une présence locale et le recours à une émission en « pilote automatique » par Clear Channel ont même été liés à une mort évitable. Comme il a été mentionné dans The Economist :

Lorsqu’un train transportant un engrais à base d’ammoniac a déraillé à Minot, dans le Dakota du Nord, l’an dernier, la police a tenté de faire diffuser par une station de radio locale un avertissement à propos d’un nuage de fumée blanche toxique qui s’échappait des lieux de l’accident. L’impossibilité de faire diffuser cet avertissement dans une ville où les six stations appartiennent à une même entreprise (dénommée Clear Channel), est maintenant cité à titre de preuve des périls qui guettent l’Amérique si les règlements qui limitent la concentration de la propriété des médias sont abolis. (« Too Little Too Late », 15 mai 2003)

 

Il est moins coûteux et plus rentable pour un groupe de centraliser ses opérations et d’utiliser des listes de diffusion communes pour plusieurs marchés en y ajoutant ici et là quelques références locales faites par une équipe de diffuseurs prétendant être de la région. Les stations détenues par des groupes peuvent se donner un vernis local à peu de frais.

 

Une preuve quant à cette deuxième préoccupation a été donnée au Comité à Halifax par Murray Brewster, représentant de l’Association canadienne des journalistes :

Pour vous donner une idée des ravages faits aux salles de nouvelles des radios privées, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, la station CJCH de Halifax et sa concurrente CHNS comptaient environ 11 à 15 employés, et diffusaient des bulletins de nouvelles de six heures du matin jusque tard le soir et les week-ends. Aujourd’hui, les deux salles de nouvelles comptent trois et quatre employés qui produisent les bulletins de nouvelles pour deux et parfois trois stations de radio privées différentes. […]

Je peux aussi dire, en connaissance de cause, qu’aujourd’hui les journalistes qui restent dans les salles de nouvelles radiophoniques privées, car il en reste si peu, comptent davantage sur les communiqués de presse, les documents et les vérifications policières qui leur sont remis. Je ne veux pas dire qu’il y a des imprécisions, mais l’esprit critique et la capacité de s’interroger sur la validité de ce qui leur a été remis en souffrent. [19 avril 2005]

B.      Deux cas récents

1.       La décision CKAC

La proposition présentée en 2001 par Astral Media au sujet de l’acquisition d’actifs radiophoniques de Télémédia au Québec – un cas qui mettait en évidence les conflits de compétence entre le Bureau de la concurrence et le CRTC – a eu des retombées; c’est ainsi notamment qu’Astral et une filiale de Corus Entertainment ont convenu d’échanger certains actifs radiophoniques. Le CRTC a approuvé l’échange en janvier 2005 (Décision du CRTC 2005-15 sur la radiodiffusion).

Corus envisageait d’acquérir les stations francophones suivantes :

CKAC Montréal, CHRC Québec, CJRC Gatineau, CKRS Saguenay, CHLN Trois-Rivières, CHLT Sherbrooke, CFOM-FM Lévis. Corus demande également l'autorisation d'acquérir les actifs de la station de radio de langue anglaise CKTS Sherbrooke ainsi que ceux des stations de radio numérique CKAC-DR-2 Montréal et CJRC-DR-2 Gatineau, du réseau radiophonique d'information de langue française Radiomédia, du réseau CHLN Trois-Rivières afin de diffuser sa programmation à l'antenne de CKSM Shawinigan, du réseau de hockey des Canadiens de Montréal et du réseau des Alouettes de Montréal. [par. 10]

           

 

Les stations qu'Astral comptait acquérir étaient :

CFVM-FM Amqui, CJDM-FM Drummondville, CJOI-FM Rimouski, CIKI-FM Rimouski et son émetteur CIKI-FM-2 Sainte-Marguerite-Marie, CFZZ-FM Saint-Jean-Iberville.

Astral a également présenté une demande en vue d'obtenir une licence d'un réseau radiophonique de langue française pour diffuser les parties de football des Alouettes de Montréal durant les saisons 2004, 2005 et 2006. La programmation du réseau proposé serait en provenance de CKAC Montréal. Les actifs de ce réseau seraient par la suite transférés à Corus dans le cadre de la présente transaction. [par. 18]

Dans le cadre de sa requête, Corus proposait de changer les activités des stations qu’elle acquérait. Le principal sujet d’inquiétude était le projet de transformation de CKAC à Montréal. CKAC était le plus ancien, le plus gros et le plus vigoureux fournisseur d’informations et d’actualités sur à la radio privée de langue française à Montréal, et employait 15 journalistes. Cependant, comme l’a expliqué le Conseil :

Corus est d'avis que la radio AM généraliste est chose du passé, tout au moins dans les grands marchés. Il lui semble important que les stations AM d'aujourd'hui occupent un créneau qui leur soit propre. Selon la requérante, une formule d'information continue donnerait aux stations régionales une présence beaucoup plus grande qu'à l'heure actuelle sur le plan local. [par. 21]

À l'égard de CKAC Montréal, Corus vise à en faire une station à prédominance verbale axée sur les sports et la santé. Cette transformation pourrait se faire par étapes selon un calendrier pouvant s'échelonner sur environ trois ans. Selon Corus, la prédominance sportive de CKAC permettrait à cette station de développer une niche qui n'est pas occupée de façon systématique par les stations actuellement en ondes à Montréal. Corus estime que cette orientation pourrait avoir pour effet de placer CKAC en complémentarité avec les émissions radiophoniques actuellement en ondes à Montréal, y compris les émissions de contenu verbal ou d'information continue offertes par ses stations CHMP-FM et CINF (Info690). Ainsi, selon la requérante, il n'y aurait plus d'émissions de tribunes téléphoniques sur des sujets controversés d'actualité politique à CKAC. [par. 22]

Le projet prévoyait un important changement dans les activités de radiojournalisme et de radiodiffusion pratiquées chez les stations acquises par Corus.

Corus a déposé un portrait des effectifs journalistiques qui seraient en place dans ses diverses stations à la suite de la transaction. Le plan de Corus consiste à mettre en place une nouvelle entité d’information à Montréal, avec la mise en commun de toutes les ressources, plutôt que d’avoir trois salles de nouvelles distinctes pour CKAC, CHMP-FM et CINF (Info690). Cette nouvelle entité, sous la bannière de « Corus – Nouvelles », comprenait 17 journalistes, dont 11 journalistes à CINF, trois à CKAC [c’est nous qui soulignons], deux à CHMP-FM et un à CKOI-FM. À Québec, il y aurait un total de quatre journalistes pour les deux stations, CHRC et CFOM-FM. CJRC, CKRS et CHLT auraient chacune trois journalistes alors que CHLN aurait quatre journalistes. [par. 37]

Les transactions Astral-Corus ont suscité plus de 6 500 interventions. « Plusieurs députés du Parlement canadien et de l’Assemblée nationale du Québec sont intervenus dans le cadre du processus public pour faire part de leurs préoccupations quant au maintien du reflet des collectivités par chacune des stations de leur région. » [par. 53]. Autre exemple de l’opposition soulevée :

Le Conseil provincial du secteur des communications (CPSC) du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et le Syndicat des employés de CKAC sont intervenus en s’opposant aux demandes d’Astral et de Corus. Les intervenants ont rappelé que CKAC Montréal est la plus ancienne station radiophonique francophone privée au monde, ayant été inaugurée en 1922. D’après eux, la station s’est taillé une place enviable sur la liste des fleurons de l’information et s’inscrit dans le patrimoine culturel du Québec et du Canada. Les intervenants craignent que l’élimination de la salle des nouvelles et le changement de vocation de CKAC entraînent la disparition d’un concurrent au profit des autres stations détenues par Corus dans le marché de Montréal. [par. 57]

Le CRTC a souligné pour la forme l’importance des émissions d’information locales, mais a fait remarquer que « dans l’ensemble, les stations AM du Québec ont été non rentables au cours des cinq dernières années » [par. 66]. Il a approuvé la demande de transfert des actifs radiophoniques et la restructuration connexe des entreprises AM de Corus au Québec.

Le CRTC a rehaussé ses exigences de programmation locale visant CKAC et attribué les licences à Corus jusqu’au 31 août 2009 seulement, mais cette décision change tangiblement la nature du radiojournalisme au Québec.

2.       Les intérêts de la famille Irving et la radio au Nouveau-Brunswick

L’historique des décisions rendues par le CRTC au sujet de la propriété des médias au Nouveau-Brunswick fait tout autant réfléchir. En août 2000, le CRTC a approuvé l’implantation de deux nouvelles stations radio à Saint John et à St. Stephen. Les deux requêtes acceptées avaient été présentées par New Brunswick Broadcasting Co., propriété de la famille Irving, qui possède également tous les quotidiens de langue anglaise de la province.

La décision du CRTC ne mentionnait pas les liens avec la famille Irving et sa domination des médias écrits dans la province, même si les commissaires du CRTC en avaient fait part lors des audiences concernant les demandes. La décision n’était assortie d’aucune exigence de séparation des salles de rédaction des journaux et des salles de rédaction des médias électroniques (ou de la direction des salles de rédaction).

Un commissaire du CRTC a posé la question suivante à l’intervenant de Maritime Broadcasting System Limited, un groupe qui possède des stations radio :

Est-ce que votre opposition à cette requête serait aussi ferme s’il s’agissait d’une autre entreprise? Votre inquiétude est-elle motivée par les autres avoirs de la famille Irving et par son rôle dans le secteur des médias? [CRTC, transcription des délibérations (Demandes et licences en radiodiffusion), Moncton (Nouveau-Brunswick), 9 mars 2000, par. 4386]

Après quelques remarques sur le marché de Saint John, le représentant de Maritime a répondu : « Si les Irving obtiennent une autre station radio, en plus de leurs journaux, il s’agira alors d’un concurrent extrêmement difficile à affronter... ».

Une ironie involontaire entourait les audiences et l’ensemble du processus de requête, puisque la New Brunswick Broadcasting (NBB) dépeignait le dossier comme une lutte opposant David et Goliath – avec NBB dans le rôle de David, pour motif que sur les quatre stations de radio commerciales existant au moment de la requête, la Maritime en possédait trois, contre une seule pour NBB. Aux dires du contrôleur et gérant d’affaires de NBB :

Depuis son entrée en jeu, le groupe de trois stations de Maritime domine le marché. La façon dont Maritime exploite son quasi-monopole a eu comme effet net d’entraver fortement la viabilité et la capacité concurrentielle de CHSJ. [par. 2864]

Selon un intervenant, NBB avait indiqué qu’une des stations de Maritime « est en mesure de se comporter comme un gorille matamore de 800 livres » [par. 4370]. Maritime a rétorqué : « [...] Si nous sommes un gorille, alors l’empire médiatique Irving représente tous les animaux de la jungle » [par. 4371].

Vers la fin de la période de questions dirigée par le président du CRTC, NBB a déclaré :

Et, dernier point mais non le moindre, en cette époque de concentration croissante de la propriété au Nouveau-Brunswick, l’attribution de licences à ces deux stations fera en sorte qu’une voix locale et impartiale pourra se faire clairement entendre. [par. 4226]

On touche là l’argument le plus probant en faveur de l’empire médiatique Irving du point de vue de l’intérêt public. Le Nouveau-Brunswick compte une population totale de seulement 752 000 habitants, dont environ un tiers de francophones. Il ne pourrait pas y avoir trois quotidiens de langue anglaise dans une société aussi réduite en l’absence d’un fort groupe de presse. La même chose vaut sans doute aussi pour une partie des hebdomadaires appartenant au groupe Irving.

Bon nombre des témoins ayant comparu devant le Comité sénatorial, spécialement dans les Maritimes, pourraient avoir été les premiers surpris d’apprendre que l’empire médiatique Irving donnerait une « voix impartiale » au Nouveau-Brunswick. L’empire commercial Irving est un complexe médiatico-industriel qui domine la province. Selon une source, l’empire Irving englobe plus de 300 entreprises, a une richesse nette estimée à quatre milliards de dollars et emploie 8 p. 100 de la population active du Nouveau-Brunswick[18]. À titre de comparaison, en 2004 la fonction publique fédérale employait 1,9 p. 100 de la population active du Canada. Et comme le groupe Irving est une société fermée, il n’a pas à divulguer autant d’informations que les sociétés cotées en bourse. Sauf erreur, cette situation est unique dans les pays développés.

En août 2000, cinq mois après l’audience de Moncton, le CRTC approuvait les deux requêtes et accordait à l’empire Irving sa deuxième station radio à Saint John et la première station commerciale canadienne de St. Stephen (Nouveau-Brunswick) [19].

C.      Genèse de la concentration des médias sur plusieurs marchés

Dans les audiences qu’il a tenues à Ottawa et dans différentes régions du pays, le Comité a constaté que les Canadiens étaient grandement préoccupés par l’état de leurs médias. Certains marchés – Vancouver, le Nouveau-Brunswick et le Québec (surtout les médias de langue française) – ont été mentionnés à maintes reprises[20]. De nombreux témoins étaient d’avis qu’à cause de la concentration et de la propriété mixte de médias sur ces marchés, la diversité des opinions s’était amoindrie et les services fournis par les médias avaient diminué, plus particulièrement le traitement des nouvelles locales et de l’information « factuelle ».

Il est raisonnable de se demander pourquoi nos lois ou nos organismes de réglementation n’ont pas pu empêcher le phénomène de la concentration observé à l’heure actuelle sur ces marchés.

La présente section de l’annexe propose un bref historique des faits qui ont conduit à la concentration actuelle des médias à Vancouver; selon les personnes qui ont témoigné devant le Comité, il s’agit du marché où la concentration des médias entre les mains d’un seul propriétaire est la plus préoccupante. Cette évolution historique de l’état des médias à Vancouver est suivie de comparaisons avec le marché des médias au Québec et au Nouveau-Brunswick. Il serait utile d’avoir des résultats d’études plus approfondies sur les facteurs politiques, économiques et sociaux qui influencent les trois marchés, mais on déborderait le cadre du rapport.

À Vancouver, comme au Québec et au Nouveau-Brunswick, l’état actuel du marché n’est pas le fruit d’une transaction unique. Il ne résulte pas non plus de la lente évolution d’une petite entreprise qui s’est transformée en géant en passant presque inaperçue. L’état actuel de chaque marché découle au contraire d’une série de transactions qui ont attiré l’attention des autorités, à savoir le Bureau de la concurrence et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Le Bureau de la concurrence a contesté certaines transactions et le CRTC a souvent imposé des conditions au moment de l’attribution des licences en vue d’atténuer les risques que présentaient les transactions. En bout de ligne, l’intervention des autorités aura servi de ralentisseur plus que de barrière protectrice. Une récente étude comparative des lois sur les médias à l’échelle internationale mentionne « l’attitude relativement accommodante du Canada vis-à-vis de la concentration de la propriété des médias »[21]. Les exemples qui suivent font écho à cette affirmation.

1.       Vancouver

La concentration actuelle des médias à Vancouver s’est faite en quatre temps : la monopolisation du marché des quotidiens, le regroupement des journaux communautaires et des quotidiens, l’acquisition de deux stations de télévision par un seul propriétaire et l’acquisition du marché de la presse écrite par le télédiffuseur.

Au milieu des années 1950, les résidents de Vancouver, en Colombie-Britannique, avaient le choix entre trois quotidiens indépendants, un du matin et deux du soir. En 1957, après une série de transactions avec le marché de l’impression et le géant des journaux Southam, l’entreprise Pacific Press Limited a pris en main tous les quotidiens.  Elle a fermé le quotidien du matin, le Herald, et transformé un des journaux du soir, le Province, en un quotidien du matin. La Commission sur les pratiques restrictives du commerce (l’ancêtre du Bureau de la concurrence) est intervenue. Le Bureau de la concurrence, dans un document soumis au Comité qui résume le travail qu’il a accompli dans l’industrie des médias, présente ainsi l’affaire Pacific Press :

La Commission sur les pratiques restrictives du commerce (CPRC) a également effectué plusieurs enquêtes infructueuses sur les marchés des journaux en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. En 1960, par exemple, la Commission a lancé une enquête sur l’industrie des journaux après que Pacific Press eut reçu le contrôle des trois quotidiens du marché de Vancouver. Bien qu’elle ait conclu que la formation de Pacific Press était préjudiciable au public, elle n’a pas cherché à obtenir une condamnation sous le régime de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions[22].

En 1980, Southam a fini par mettre la main, et à acquérir tous les droits, sur les deux quotidiens de Vancouver. Dix ans plus tard, en mai 1990, Southam a annoncé qu’au terme d’une série de transactions complexes, il avait pris le contrôle de plusieurs journaux communautaires du Sud de la province. Le Bureau de la concurrence a soutenu que cette initiative diminuait la concurrence sur le marché des journaux de Vancouver (il se souciait apparemment bien peu de son effet sur le journalisme ou sur la diversité des opinions locales exprimées). Le résultat n’était pas encourageant pour ceux qui croient nécessaire de limiter la concentration dans les médias. Comme le Bureau de la concurrence l’a expliqué dans son document d’information :

Ce cas porte sur l’acquisition de trois journaux communautaires de Vancouver par Southam Inc. qui possédait déjà les deux quotidiens de la région, le Vancouver Sun et le Province[23]. Les questions soulevées portaient essentiellement sur la façon dont la Loi sur la concurrence s’applique aux fusions des journaux  et, en fait, aux fusions en général. Les conclusions du Tribunal de la concurrence ont fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada.

[…]

Le Bureau a présenté un grand volume de preuves pour appuyer l’affirmation selon laquelle il y avait un chevauchement, et que, par conséquent, les acquisitions ont éliminé la concurrence. Un des principaux éléments de preuve cités était la conclusion d’un rapport demandé par Southam avant la fusion, dont le but était d’étudier le marché et de formuler des recommandations sur les stratégies futures :

« Quelle est la raison de cette différence sensible de rendement entre le marché de Vancouver et les autres marchés? Nous croyons fermement que c’est le grand nombre d’hebdos dynamiques que l’on retrouve à Vancouver qui siphonnent les recettes qui (logiquement) devraient revenir au Sun et/ou au [Province], en raison de leur bassin de lecteurs et de leur présence sur le marché. »

En raison de cet élément de preuve et d’autres, le Bureau a conclu que les hebdos communautaires étaient dans le marché pertinent, et que l’acquisition par Southam entraînerait l’élimination de cette concurrence.

Le Tribunal a pris une approche différente et a conclu que les journaux communautaires et les quotidiens étaient de très faibles substituts – c’est-à-dire que les petits changements de prix étaient peu susceptibles d’inciter fortement les annonceurs à changer de type de journaux. Cet examen a amené le Tribunal à conclure que l’acquisition du North Shore News et du Courrier par Southam était peu susceptible d’entraîner un empêchement ou une diminution de la concurrence au sein du marché des services de publicité [locale des] journaux à Vancouver, sur le North Shore ou dans toute la vallée du Bas-Fraser[24].

Le document précise qu’à l’époque le Bureau de la concurrence ne pouvait pas remettre en question la concentration qui existait déjà sur le marché, car la Loi sur la concurrence exige un examen des incidences d’une augmentation de la concentration. Cette précision devient importante lorsqu’on s’intéresse à d’autres marchés où la concentration des médias est déjà élevée. Toujours selon le document, le Tribunal a signalé que divers facteurs économiques entraient en ligne de compte dans le marché de la publicité immobilière et que l’acquisition du Real Estate Weekly par Southam réduirait grandement la concurrence. Southam a fini par vendre le Real Estate Weekly du North Shore, ce qui a eu tout au plus un effet ralentisseur sur le cours des transactions.

En 1992, la chaîne Southam, où étaient concentrés les quotidiens et les journaux communautaires de Vancouver, est tombée entre les mains de Hollinger, propriété de Conrad Black.

Du côté de la télédiffusion, la concentration a gagné du terrain à la fin des années 1990 lorsque CanWest Global, qui avait une station de télévision à Vancouver, a fait l’acquisition des entreprises de Western International Communications Ltd. (WIC).  WIC, qui possédait des stations à Vancouver et à Victoria, avait été vendu à Shaw Communications et à Cathton Holdings;  Shaw et CanWest ont conclu une entente préliminaire visant le partage des actifs de WIC.

Le CRTC a approuvé le projet de transaction, sous réserve de certaines conditions, notamment que CanWest se défasse de sa station de Vancouver, CKVU-TV. Il a donné les explications suivantes dans un communiqué :

Par ailleurs, dans sa décision d’aujourd’hui, le Conseil déroge à sa politique de restreindre un propriétaire à ne posséder, dans le marché qu’il dessert, qu’une seule station de télévision diffusant dans une langue donnée.

En effet, le Conseil autorise CanWest Global à demeurer propriétaire des stations de télévision de langue anglaise CIII-TV et CHCH-TV, dans le marché de Hamilton (Ontario), et CHAN-TV et CHEK-TV, dans le marché de Vancouver-Victoria. Tout d’abord parce que, aux yeux du Conseil, ces deux grands marchés sont déjà bien desservis par une quantité appréciable de médias de toutes sortes et que la pluralité des voix et des tribunes pour les exprimer n’est pas compromise par le fait qu’un même propriétaire y possède deux stations de télévision[25].

Le communiqué cite la présidente du Conseil, qui fait valoir les avantages culturels de la transaction :

En approuvant, à certaines conditions, la transaction entre CanWest et WIC, le CRTC permet à l’entreprise de se consolider et ainsi, de puiser à même de nouvelles synergies et de contribuer plus efficacement au système de radiodiffusion canadien. L’entreprise dispose maintenant d’une capacité accrue de mettre en valeur les artistes de chez nous et de stimuler la production d’émissions canadiennes de qualité, surtout dans l’Ouest du pays[26].

Cette décision montre que le CRTC privilégie la culture canadienne au détriment de l’information.

En 2000, plusieurs semaines après que le CRTC eut approuvé la vente de WIC, CanWest a annoncé qu’il avait l’intention d’acquérir la majorité des médias de Hollinger Inc. Cette décision a été annoncée fièrement par les dirigeants de CanWest Global comme la plus grande transaction de l’histoire des médias au Canada (mais elle a rapidement été dénoncée par le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier comme la cause probable d’une concentration de la presse « sans précédent et terrible  ».)

Après examen du projet de transaction, le Bureau de la concurrence a conclu que « comme il n’y avait aucune preuve que les journaux, Internet et la télévision entrent directement en concurrence pour la publicité faite par les détaillants qui se trouve habituellement dans les journaux, la transaction ne diminuerait pas de façon importante la concurrence auprès des annonceurs dans ces marchés »[27].

Le Bureau de la concurrence entretenait toutefois des réserves sur la chaîne spécialisée en affaires, ROBTv, dans laquelle CanWest (par le biais du National Post) et le Globe and Mail avaient une participation. Comme l’indique le document d’information :

En raison de ces préoccupations, CanWest a accepté d’accéder à la demande du Bureau de transférer en fiducie l’ensemble de ses investissements dans ROBTv, en attendant que soit réglée la situation du partenariat. Comme l’engagement est entré en vigueur au moment de l’acquisition par CanWest des actifs de Hollinger, CanWest a également accepté de s’assurer que Hollinger n’échangeait pas de renseignements confidentiels avec ROBTv et le Globe and Mail. Le Bureau a entrepris de surveiller la conformité de CanWest[28].

Dans le contexte de la plus grande transaction de l’histoire canadienne, il faut voir cette mesure aussi comme un simple ralentisseur, et non comme une barrière protectrice.

Le CRTC a décidé de prendre en compte les questions de propriété mixte de médias en étudiant les demandes de renouvellement des licences pour les stations de télévision contrôlées par Global. En août 2001, il a renouvelé toutes les licences de télédiffusion de Global à certaines conditions, en exprimant ses craintes au sujet de la propriété mixte de médias :

Le Conseil redoute que la propriété mixte de stations de télévision et de journaux, comme c'est le cas pour Global, n’incite le propriétaire à combiner les activités d’information des stations de télévision et de la presse écrite. Pareille décision risquerait de réduire non seulement la diversité de l’information présentée au public, mais aussi celle des opinions des équipes de rédaction dans les marchés desservis. Ce type de structure permettrait à un unique rédacteur en chef de sélectionner les sujets qui seraient présentés par une station de télévision et par un journal appartenant au groupe. L’intégration des activités d’information éliminerait la concurrence entre la station de télévision et le journal qui pourraient alors choisir les sujets qu’ils estiment pouvoir intéresser les téléspectateurs et les lecteurs, ne présenter qu’une seule et même approche et ne soutenir qu’une seule position[29].

Comme mesure de garantie, le CRTC a obligé Global à adhérer aux principes et pratiques suivants :

1) Global conservera pour l’ensemble de ses opérations de télévision des structures de présentation et de gestion des nouvelles séparées et indépendantes qui seront distinctes de celles de tous ses journaux affiliés. Les décisions quant au contenu et à la présentation des nouvelles seront prises uniquement par la direction des nouvelles pour la télévision de Global.

2) Les directeurs des nouvelles de Global ne siégeront à aucun comité de rédaction de ses journaux affiliés; aucun membre du comité de rédaction des journaux affiliés ne participera à la gestion de l’information des opérations de télévision de Global.

3) Tel qu’énoncé en annexe A de cette Déclaration, Global mettra sur pied un Comité de surveillance qui sera chargé de traiter toutes les plaintes, y compris celles des employés et du grand public, à l’égard des principes et pratiques de la présente Déclaration.

4) Global présentera au Conseil, au moment de la remise de son rapport annuel, un compte rendu du nombre et de la nature des plaintes reçues par le Comité de surveillance ainsi que des solutions apportées par Global.

5) Global fournira un exemplaire de la présente Déclaration à chacun de ses employés et leur fera valoir l’importance de respecter les principes et pratiques qu’elle renferme.

6) Global diffusera des messages d’intérêt public pour informer ses téléspectateurs des principes et pratiques exposés dans la présente Déclaration ainsi que de l’existence du Comité de surveillance[30].

Le CRTC a signalé qu’il pourrait suspendre les conditions des licences relatives à la propriété mixte de médias si Global et le Conseil canadien des normes de la radiotélévision élaboraient un code de déontologie sur le sujet.

Comme indiqué, le CRTC a décidé d’examiner en même temps le renouvellement de toutes les licences de Global (ce qu’il aurait fait pour n’importe quel groupe). Résultat, les licences des deux stations de Global qui desservaient Vancouver ont aussi été approuvées pour des marchés, tels que Hamilton, où CanWest n’occupait pas une position dominante dans les médias.

Le renouvellement simultané des licences pour toutes les stations d’un groupe est, selon le CRTC, conforme à sa nouvelle politique télévisuelle. Cette façon de procéder va toutefois à l’encontre de l’approche habituelle du CRTC, plus axée sur le cas par cas. Qui plus est, le CRTC a traité les stations de Vancouver contrôlées par Global, dans un marché où la concentration des médias est évidente, très différemment du groupe de télévision Quebecor au Québec.  Il a posé pour Quebecor des conditions particulières, plus strictes, relativement à la propriété mixte de médias, entre autres l’obligation pour le groupe d’adhérer à un code qu’il a lui-même élaboré pour faire en sorte que les activités de collecte de l’information – et pas seulement de gestion des salles de presse – dans ses journaux et ses stations de télévision soient complètement distinctes.

Le CRTC a exprimé des craintes au sujet de la diversité des voix dans sa décision concernant Global :

Le Conseil note que le poids de la propriété multiple est particulièrement lourd dans la région de Vancouver/Victoria, où la titulaire exploite trois quotidiens et des stations de télévision. À Calgary et Ottawa, elle possède l’un des deux grands quotidiens et une station de télévision. Global possède également l’unique grand quotidien et une station de télévision à Regina et à Saskatoon[31].

Il faut croire que ces préoccupations n’étaient pas suffisamment sérieuses pour que le CRTC impose à ces marchés des conditions plus strictes, telles que le code demandé à Quebecor, malgré ses craintes avouées au sujet de la propriété mixte de médias. Il aurait pu insister sur un traitement homogène pour toutes les stations d’un groupe en invoquant les mêmes raisons que pour le renouvellement simultané des licences d’un groupe; or, en 2004 il a fixé des conditions différentes, plus accommodantes, à Quebecor lorsqu’il a approuvé l’achat de la station de télévision Toronto One. Comme cette station de langue anglaise faisait partie d’un marché extrêmement compétitif, les conditions plus accommodantes étaient sans doute justifiées. Le fait reste que le CRTC est capable de traiter certaines stations d’un groupe différemment des autres, selon le degré de concentration des médias dans un marché, mais qu’il a curieusement renoncé à le faire dans certains cas frappants.

Il s’ensuit qu’à la fin de 2001, après une succession de contrôles fédéraux qui remontaient aux années 1950, CanWest a fait approuver sa vaste participation au marché des médias de Vancouver.

Pourquoi les lois et les organismes de réglementation du Canada n’ont-ils pu empêcher le phénomène de la concentration observé maintenant à Vancouver? Cette question appelle une réponse en trois volets. D’abord, il faut revenir aux années d’avant 1986, à l’époque où la nouvelle Loi sur la concurrence a été adoptée en remplacement de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. En vertu de l’ancienne loi, les fusions et les monopoles étaient des actes criminels, de sorte que la Couronne avait le fardeau de la preuve (« hors de tout doute raisonnable ») lorsqu’il s’agissait d’obtenir une déclaration de culpabilité. Comme le Bureau de la concurrence l’a mentionné dans son document d’information :

[…] dans les 75 années d’histoire du droit criminel en matière de fusions, seulement neuf dossiers ont été présentés aux tribunaux. Le poursuivant n’a jamais eu gain de cause lorsqu’il y avait contestation. Sept poursuites se sont soldées par un acquittement et deux affaires, sans contestation, ont abouti à des plaidoyers de culpabilité[32].

Avant 1986, les fusions dans le secteur des médias se faisaient sans problème, en pratique sinon en théorie, ce qui explique que Pacific Press ait pu obtenir le monopole du marché des quotidiens à Vancouver.

Après 1986, une fois la Loi sur la concurrence entrée en vigueur, le fardeau de la preuve est devenu plus léger (les questions visées par la loi sont de nature civile plutôt que criminelle), ce qui n’a toutefois pas empêché Southam, qui avait mis la main sur les quotidiens de Pacific Press, d’acquérir des journaux communautaires de la région de Vancouver. Dans cette affaire, le Bureau de la concurrence s’est adressé au Tribunal de la concurrence[33], qui a conclu que les journaux communautaires et les quotidiens n’étaient pas vraiment concurrents, en ce sens que « les petits changements de prix étaient peu susceptibles d’inciter fortement les annonceurs à changer de type de journaux ». Le Tribunal, tout comme le Bureau, a centré son attention sur l’aspect économique du marché des médias, à savoir la publicité payante, mais a adopté une conception plus étroite de ce que constituait le marché. Par conséquent, Southam a conservé le monopole des quotidiens, en se dotant en plus de journaux communautaires destinés au même marché géographique et au même lectorat.

En matière de télédiffusion, la concentration s’explique par les priorités du CRTC, qui privilégiait la culture canadienne beaucoup plus que le traitement de l’information. Lorsque CanWest Global a acheté deux stations de télévision de Vancouver, le CRTC a approuvé la transaction en faisant valoir que Vancouver (et Victoria) « sont déjà bien desservis par une quantité appréciable de médias » et en indiquant que « [l]’entreprise dispose maintenant d’une capacité accrue de mettre en valeur les artistes de chez nous et de stimuler la production d’émissions canadiennes de qualité ». Aucun de ces médias cependant n’approchait la dominance de CanWest sur le marché.

Dans sa décision de 2001, où il a renouvelé les licences de toutes les stations de télévision de Global et, de ce fait, approuvé l’acquisition de l’empire journalistique Hollinger par CanWest, le CRTC a exprimé ses craintes concernant la propriété mixte de médias et imposé des conditions. Il n’a toutefois imposé aucune condition spéciale pour le marché de Vancouver.

2.       Le Québec et le Nouveau-Brunswick

Le marché des médias de langue française au Québec et le marché des médias de langue anglaise au Nouveau-Brunswick ont connu une situation analogue à celui de Vancouver : une série de transactions contestées à l’occasion, mais jamais complètement annulées, qui ont conduit à une concentration de plus en plus grande.

Dans le cas de Quebecor, l’acteur dominant du marché des médias au Québec, la transaction finale a été l’acquisition de Vidéotron. Les deux parties à la transaction étaient de vastes entreprises médiatiques aux débuts modestes; Quebecor n’avait qu’un hebdomadaire en 1950 et Vidéotron était une entreprise de câblodistribution de 66 abonnés en 1964. Les deux entreprises ont pris de l’expansion à la suite de multiples acquisitions et de la croissance de certaines divisions. En l’occurrence, deux transactions de Quebecor sont à souligner : l’achat de TQS en 1997 et l’achat de Vidéotron en 2000.

TQS était en difficulté financière au moment de son acquisition par Quebecor. Le CRTC en a tenu compte dans sa décision d’approuver la transaction, et a aussi pris en considération le risque présenté par la propriété mixte de médias. Il a reconnu l’utilité d’allier une solide entreprise de presse écrite et un télédiffuseur en difficulté, mais savait qu’une moins grande diversité des sources d’information pourrait poser problème. En définitive, le CRTC a accepté les mesures proposées par Quebecor.

[…] le Conseil tient compte de la situation financière précaire de TQS, des solides assises financières des nouveaux propriétaires, du nouveau dynamisme que peut créer la venue d'un partenaire comme la CQI dans l'industrie de la télévision de langue française et de sa connaissance intime du milieu québécois, grâce à ses médias écrits […] Le Conseil estime également que les mesures proposées par la requérante afin d'assurer l'indépendance éditoriale et fonctionnelle de TQS et des médias écrits de la CQI sont essentielles et que le respect de celles-ci assurera l'indépendance de TQS et fera en sorte que la pluralité des voix au Québec au chapitre de l'information ne sera pas affectée par l'approbation de cette transaction[34].

Les conditions fixées obligeaient à une séparation complète des salles de presse des stations de télévision et des journaux. Ces conditions, comme indiqué plus haut, étaient plus rigoureuses que celles qui ont été imposées par la suite aux stations de télévision de Global, puis à Toronto One.

En approuvant ensuite l’acquisition par Quebecor du groupe TVA, conséquence de l’achat de Vidéotron, le CRTC a imposé les mêmes restrictions. Une fois de plus, il a approuvé la transaction, malgré ses craintes au sujet de la diversité des voix.

Le Bureau de la concurrence s’est élevé contre la transaction de 2000 :

Cette transaction aurait permis à Québécor d’avoir la mainmise sur les réseaux de télévision francophone occupant le premier et le troisième rang au Québec, sur le plan de l’effectif-téléspectateurs, soit TVA et TQS. Par conséquent, Québécor aurait contrôlé plus de la moitié des revenus de publicité à la télévision francophone dans la province.

Le Bureau a conclu que cette fusion proposée était susceptible d’empêcher ou de réduire de façon importante la concurrence sur le plan de la vente de temps d’antenne pour la publicité à la télévision francophone au Québec[35].

Dans son raisonnement, axé sur les marchés publicitaires, le Bureau de la concurrence a soutenu que « [l]es autres médias ne se comparent pas à la télévision de l’avis des annonceurs ». Le Tribunal de la concurrence a ordonné à Quebecor de se départir de TQS, le troisième réseau de télévision de langue française au Québec, pour pouvoir garder le réseau le plus important, TVA. À la fin de mars 2001, le Bureau de la concurrence a annoncé que :

[…] à la suite de son examen d’autres aspects de la transaction, que la concurrence resterait vigoureuse dans les autres marchés étudiés, y compris l’accès Internet haute vitesse et l’offre d’espaces publicitaires dans les magazines, les sites Internet et autres médias francophones au Québec[36].

Au Nouveau-Brunswick, la concentration des médias s’explique aussi en partie par l’approche restrictive adoptée à l’égard de l’industrie des médias – une conception économique étroite qui néglige les variables non financières, très importantes pour le traitement de l’information. Dans cette province, les transactions avec la famille Irving (K.C. Irving avant sa mort; et depuis, James K. Irving, Arthur L. Irving et John E. Irving) n’ont pas manqué d’être contestées. Mais aujourd’hui les Irving contrôlent un empire de plus en plus vaste qui englobe différents médias et qui est la voix dominante dans la province. Par ailleurs, la famille Irving domine la vie industrielle du Nouveau-Brunswick.

Comme c’était le cas pour CanWest Global à Vancouver et pour Quebecor dans le marché de langue française du Québec, certaines transactions importantes permettent d’expliquer la suprématie exercée par la famille Irving sur les médias du Nouveau-Brunswick.

En 1968, par une série de transactions, K.C. Irving Limited a acquis une participation majoritaire dans les cinq quotidiens de langue anglaise de la province (il n’en reste que trois). Cette situation monopolistique a été contestée, mais comme pour l’affaire Pacific Press exposée plus haut, la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, en vigueur avant la Loi sur la concurrence de 1986, exigeait de faire la preuve qu’il y avait eu acte criminel. Dans son document d’information, le Bureau de la concurrence explique l’issue de la procédure :

La Couronne a réussi à montrer que K.C. Irving avait acquis le contrôle exclusif des quotidiens du Nouveau-Brunswick. Toutefois, sur le plan juridique, la Cour a constaté que le fait de prouver qu’il y avait contrôle exclusif n’était pas suffisant pour prouver qu’il y avait infraction criminelle en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions […] Qualifiant les arguments de la Couronne de théoriques et indiquant qu’elle n’avait pas suffisamment de fondements factuels, la Cour suprême a rejeté l’appel et a annulé les condamnations des répondants[37].

Le conglomérat Irving a aussi fait l’acquisition d’actifs dans le secteur de la radiodiffusion et de la télédiffusion dans la province.

Le recours à la loi sur la concurrence ayant échoué, le gouvernement fédéral s’y est pris autrement. En 1982, il a publié des instructions par voie de décret pour empêcher la propriété mixte de médias au Canada, son intention étant de cibler principalement le groupe Irving. Selon le décret, le CRTC ne pouvait attribuer ou renouveler de licences pour des requérants directement ou indirectement contrôlés par le propriétaire d’un quotidien dont la zone principale de distribution couvrait le marché principal desservi, ou devant être desservi, par l’entreprise de télédiffusion. En 1985, à la suite d’un changement de gouvernement, le décret a été annulé.

En 1994, la division des médias d’Irving a vendu toutes ses entreprises de télédiffusion, qui détenaient deux licences du CRTC. La famille Irving s’attendait à que le CRTC ne renouvelle pas les licences, qui visaient des filiales de Radio-Canada, car Radio-Canada voulait être propriétaire de ses propres stations dans la province.

En ce qui a trait à la concentration des médias au Nouveau-Brunswick, c’est probablement l’achat relativement récent de plusieurs journaux communautaires qui a soulevé le plus de préoccupations nouvelles. En 2002, Brunswick News a acheté des groupes de journaux communautaires appartenant à David Henley et à David Cadogan; en 2003, l’entreprise a acheté un journal communautaire néo-brunswickois à Transcontinental, qui l’avait repris l’année précédente de CanWest Global; en 2004, elle a fait l’acquisition du journal parallèle here; en 2005, elle a acheté le Tribune et un journal affilié, La Voix du Restigouche. L’empire Irving a aussi renforcé sa présence sur le marché de langue française.

Comme le CRTC ne réglemente pas les journaux, il n’a pas eu besoin d’approuver les transactions, mais il pouvait, au moment de renouveler les licences de radiodiffusion, examiner les changements dans la structure de propriété occasionnés par l’acquisition de journaux. Le Bureau de la concurrence n’a pas contesté l’achat des journaux communautaires par la famille Irving, fait qui n’est pas surprenant étant donné son approche restrictive à l’égard des médias et les nombreux précédents d’expansion non contestée de la propriété de journaux communautaires.

Il y a lieu de signaler qu’un changement s’est produit récemment dans la propriété des actifs de radiodiffusion de la famille Irving. À la fin d’avril 2005, lorsque le directeur général de Brunswick News, la division des médias d’Irving, a comparu devant le Comité, les trois frères Irving détenaient à parts égales la division de la radiodiffusion, Acadia Broadcasting Limited (par la propriété exclusive d’une société de portefeuille, qui était propriétaire exclusif de Brunswick News, qui à son tour contrôlait la totalité des actifs de radiodiffusion). En mai 2005, Acadia a demandé au CRTC l’autorisation de modifier le contrôle d’Acadia par une réorganisation qu’elle entendait terminer à la fin de juin 2005. Depuis la réorganisation, John E. Irving est le propriétaire unique d’Acadia, et Brunswick News est disparu des organigrammes du CRTC. Cela n’a rien sûr rien changé à la propriété de l’ensemble du groupe multimédia, qui appartient toujours à la famille Irving. En raison de la confidentialité qui entoure l’empire Irving, peu de renseignements ont transpiré, et aucune annonce publique n’a été faite pour expliquer les raisons de la réorganisation. Si les trois frères sont propriétaires à parts égales de Brunswick News, John E. Irving possède 33,3 p. 100 des avoirs du secteur de la presse écrite et occupe donc une position minoritaire.

Le CRTC examine le renouvellement des licences au cas par cas et n’a pas de politique écrite sur sa façon d’évaluer le volet presse écrite d’un géant des médias. Ce serait donc pure spéculation, par ailleurs compréhensible, que d’avancer que la réorganisation aura un effet sur les décisions de renouvellement.


ANNEXE III : SONDAGE AUPRÈS DES CANADIENS

Dans le cadre de son étude sur l’état des médias d’information du Canada, le Comité a commandé un sondage afin de connaître l’usage que font les Canadiens des médias d’information, leurs vues sur la mesure, la justesse et l’objectivité des médias et leur opinion sur certains éléments de la politique publique.

Le sondage, mené auprès de 1 503 Canadiens, a été réalisé entre le 22 et le 30 mars 2005 par la firme Les Associés de recherche Ekos. Il a produit des résultats reflétant l’ensemble du pays exacts à plus ou moins 2,5 points de pourcentage 19 fois sur 20. Le sondage a été mené aussi auprès d’un autre échantillon de 53 Autochtones vivant dans une réserve. Il comportait un certain nombre de questions qui avaient été posées à des Américains, ce qui a permis des comparaisons sur certains sujets. Les résultats sont aussi comparés avec ceux d’un sondage analogue réalisé par le Consortium canadien de recherche sur les médias[38].

Les résultats du sondage jettent un éclairage intéressant sur certains sujets qui se trouvent au cœur des travaux du Comité. Ils fournissent en particulier un aperçu des forces et des faiblesses du système actuel de diffusion des nouvelles et de l’information au Canada. L’analyse attentive des opinions exprimées montre que tout n’est pas pour le mieux dans le monde de la convergence et de la consolidation des médias dans lequel nous vivons. En fait, en l’absence d’un changement de cap, nous risquons des problèmes.

La bonne nouvelle, c’est que les Canadiens obtiennent leurs informations auprès de médias variés et ont en général plutôt confiance dans les médias qu’ils choisissent. Les résultats du sondage,  notamment l’impression que les médias essaient de cacher leurs erreurs, laissent cependant présager des problèmes en ce qui concerne la confiance des Canadiens dans les médias et la concentration des médias. La comparaison des résultats du sondage et de celui qui a été mené par le Consortium canadien de recherche sur les médias (CCRM) aux résultats d’enquête provenant des États-Unis produit aussi des avertissements salutaires.

On trouvera ci-dessous les principaux résultats du sondage, des observations sur les règles de propriété étrangère et les préoccupations que suscite la concentration des médias d’information au Canada. La première section porte sur l’usage que font les gens des médias d’information et la seconde sur les vues des Canadiens sur des sujets comme la confiance dans les médias, la justesse de l’information et l’équilibre des points de vue. La troisième section présente une comparaison de l’opinion et de l’attitude des Canadiens et des Américains au sujet de l’importance des nouvelles et de l’information. La quatrième décrit l’attitude des Canadiens envers certaines questions comme les règles de propriété étrangère, la concentration des médias et la propriété mixte de médias. La conclusion et un résumé des principales constatations complètent l’analyse.

A.      Usage que font les Canadiens des médias d’information

On constate dans le graphique suivant que la télévision constitue la principale source d’informations et d’actualités des Canadiens, peu importe d’ailleurs le type d’informations et d’actualités (internationales, nationales, régionales ou locales). Les journaux aussi sont une importante source d’informations et d’actualités, mais dans une bien moindre mesure. Par exemple, la télévision est la principale source d’informations et d’actualités nationales de 66 p. 100 des répondants, contre 15 p. 100 pour les journaux, 9 p. 100 pour la radio, 9 p. 100 pour l’Internet et 1 p. 100 pour les revues.

 



Figure 1

Principale source d’informations et d’actualités nationales, internationales, régionales/provinciales et locales des Canadiens

 

 

La principale force d’Internet au niveau de l’information réside dans les actualités internationales. En effet, 18 p. 100 des répondants ont dit qu’Internet constituait leur principale source d’informations et d’actualités internationales, ce qui est légèrement supérieur au pourcentage des répondants (13 p. 100) pour qui les journaux constituent la principale source d’informations et d’actualités internationales. Les journaux se démarquent des autres sources surtout pour l’information régionale/provinciale et locale : 27 p. 100 des répondants ont dit qu’ils constituaient leur principale source de ce type de nouvelles.

On observe cependant des différences intéressantes d’un groupe d’âge à l’autre (figure 2). Premièrement, la télévision est de très loin la principale source d’informations et d’actualités des gens de plus de 65 ans (74 p. 100). Ensuite, entre 13 et 18 p. 100 des répondants de chaque groupe d’âge ont dit que les journaux étaient leur principale source d’informations et d’actualités. L’Internet vient au premier rang chez les jeunes. Seulement 1 p. 100 des gens de plus de 65 ans ont dit qu’Internet était leur principale source d’informations et d’actualités tandis que c’était le cas de 16 p. 100 des 25 ans et moins. Vu la progression rapide de l’importance d’Internet, il est probable que la proportion a crû depuis que le sondage a été réalisé.

 



Figure 2

Principale source d’informations et d’actualités nationales des Canadiens par groupe d’âge

 

 

La figure 3 illustre la fréquence avec laquelle les répondants consultent Internet pour y chercher des nouvelles. L’usage est concentré chez les jeunes groupes d’âge (44 ans et moins). Le pourcentage des répondants qui lisent rarement des nouvelles sur Internet ou n’en lisent jamais sur Internet croît avec l’âge et culmine à 87 p. 100 chez les personnes de plus de 65 ans. En revanche, 53 p. 100 des répondants de moins de 25 ans consultent Internet plus d’une fois par semaine pour y trouver des nouvelles. Chez les 25–44 ans, la proportion est de 49 p. 100.

 





Figure 3

Fréquence de lecture d’informations et d’actualités canadiennes sur Internet par groupe d’âge

 

 

Vu l’importance prépondérante de la télévision comme source d’émissions d’informations et d’actualités, il n’est pas surprenant que la grande majorité des Canadiens anglophones (entre 72 et 78 p. 100) écoutent les journaux télévisés des trois principaux réseaux canadiens de langue anglaise. De même, la grande majorité des francophones écoutent les journaux télévisés des principaux réseaux de langue française. Les deux figures qui suivent présentent ces résultats.


 



Figure 4

Écoute des journaux télévisés des réseaux canadiens de langue anglaise par groupe d’âge

 



Figure 5

Écoute des journaux télévisés des réseaux canadiens de langue française par groupe d’âge

 

 


B.      Confiance dans les sources d’informations

Quand on a interrogé les répondants sur leur confiance dans les sources d’informations, ils avaient en général le plus confiance dans celui des médias d’information qu’ils privilégiaient. Par exemple, ils avaient davantage confiance dans la télévision que dans les journaux, et davantage dans les journaux que dans la radio.

La figure 6 présente les réponses à la question suivante : « En général, en quelles sources d’informations (locales, régionales, nationales et internationales) avez-vous le plus confiance? »

 



Figure 6

Sources d’informations qui inspirent le plus confiance (premier choix)

 

Quand on a demandé aux répondants de coter les informations et actualités en langue anglaise, les canadiens anglophones ont accordé des cotes très élevées à toutes les grandes sources d’informations et d’actualités télévisées de langue anglaise (figure 7). Dans l’ensemble, plus de 75 p. 100 des répondants ont répondu que les émissions d’informations et d’actualités et les émissions d’informations et d’actualités étaient de bonne qualité (entre 5 et 7) sur une échelle en sept points où la catégorie « de mauvaise qualité » correspond à des cotes de 1 à 3 et la catégorie « ni de bonne, ni de mauvaise qualité » correspond à la cote 4. Plus de 85 p. 100 des répondants ont donné une cote de 5 à 7 à la CBC et à Newsworld. CTV et Global ont obtenu des résultats presque aussi bons, car 80 p. 100 et 78 p. 100 respectivement des répondants leur ont accordé ces cotes.


 



Figure 7

Opinion de la qualité des émissions télévisées d’informations  et d’actualités de langue anglaise

 

 

On observe des tendances similaires chez les francophones du Canada (figure 8). Une grande majorité des répondants accorde une cote très élevée aux émissions d’informations et d’actualités télévisées de langue française. En effet, près de 90 p. 100 des répondants ont accordé une cote élevée à RDI. C’est le réseau TQS qui a obtenu les résultats les moins bons : 70 p. 100 des répondants lui ont donné une cote correspondant à la catégorie « De bonne qualité ».


 



Figure 8

Opinion de la qualité des émissions télévisées d’informations  et d’actualités de langue française

 

 

Bref, les Canadiens qui regardent les émissions d’informations et d’actualités de langue anglaise ou de langue française donnent une très bonne cote aux émissions qu’ils regardent. De manière plus générale, les Canadiens ne pensent pas que la qualité de l’information s’est détériorée dans les cinq dernières années (figure18).


 



Figure 9

Perception des Canadiens quant à l’évolution de la  qualité de l’information sur les cinq dernières années, par groupe d’âge

 

En fait, environ 50 p. 100 des répondants de tous les groupes d’âge estiment que la qualité de l’information diffusée par les médias n’a pas vraiment changé. Moins de 20 p. 100 estiment que la qualité s’est détériorée et 32 p. 100 trouvent qu’elle s’est améliorée.

On a posé aux Canadiens une autre série de questions pour savoir s’ils trouvaient que les médias diffusaient une information équilibrée, équitable, exacte et complète. Les quatre figures qui suivent résument les réponses à ces questions (figures 10, 11, 12 et 13).

Quand on regarde les quatre figures, on constate que les Canadiens ont une opinion favorable des cinq médias sur les quatre points précités, la télévision recevant cependant les meilleures cotes.

Des quatre points, c’est le caractère complet de l’information qui reçoit la plus mauvaise cote.


 




Figure 10

Mesure dans laquelle les Canadiens trouvent l’information diffusée par les médias équilibrée

 

 

Figure 11

Mesure dans laquelle les Canadiens trouvent l’information diffusée par les médias équitable

 

 


 



Figure 12

Mesure dans laquelle les Canadiens trouvent l’information diffusée par les médias exacte

 

 



Figure 13

Mesure dans laquelle les Canadiens trouvent l’information diffusée par les médias complète

 

 

Compte tenu de ces résultats favorables, il n’est pas étonnant de constater que la grande majorité des Canadiens ont confiance dans les journalistes et les membres de la presse. La figure 14 présente les résultats sur une question portant sur la confiance, par région. Les répondants du Québec et de la région de l’Atlantique sont plus positifs que ceux du reste du pays. Il importe de noter cependant que, dans l’ensemble, 17 p. 100 des répondants ont peu confiance dans les journalistes et les membres de la presse.

 



Figure 14

Niveau de confiance des Canadiens dans les journalistes et les membres de la presse par région

 

 

Les figures qui précèdent montrent que les répondants ont en général une opinion plutôt favorable de leurs médias d’information. Cependant, leurs réponses à d’autres questions révèlent certaines tendances inquiétantes. C’est ce que permet de dégager l’analyse des questions qui ont été posées à la fois à des Canadiens et à des Américains.

C.      Comparaison de l’attitude des Canadiens et des Américains

Ces dernières années, des sondages ont posé aux Canadiens et aux Américains les mêmes questions à plusieurs reprises. Il n’existe pas de données comparables pour toutes les années, mais il demeure néanmoins possible de se faire une idée des différences entre les Canadiens et les Américains quant à la manière dont ils perçoivent leurs médias d’information.

Par exemple, comme on le voit à la figure 15, la plupart des Canadiens et des Américains ne sont pas d’accord avec l’énoncé suivant : « Les informations d’actualité ne sont pas aussi importantes aujourd’hui que par le passé ».


 



Figure 15

Opinion des Canadiens et des Américains sur l’importance des actualités  (« Les informations d’actualité ne sont pas aussi importantes aujourd’hui que par lepassé » – D’accord ou en désaccord?)

 

 

S’il y a peu de différences entre les deux populations quant à l’importance des informations et des actualités, il existe en revanche des divergences notables sur ce que l’on pourrait décrire comme le sentiment d’aliénation des Canadiens vis-à-vis des cadres des médias » (figure 16). Au Canada, 42 p. 100 des répondants sont d’accord avec l’affirmation : « Les personnes qui décident du contenu des informations à la télévision ou de celui journaux ont perdu le contact avec des gens comme vous et moi », un résultat qui a de quoi inquiéter dans les salles de nouvelles. Aux États-Unis, le message est encore plus clair. En 2000, 44 p. 100 des Américains estimaient que les cadres des médias ne savaient pas ce qui intéressait les gens comme eux, mais la proportion était grimpée à 51 p. 100 en 2002. Ainsi, sur ce plan là, la situation canadienne est plus positive que la situation américaine, mais il faut se garder de toute autosatisfaction devant les réponses à cette question et les considérer au contraire comme une mise en garde.

Dans les marchés à fort degré de concentration, la proportion des Canadiens qui sont d’accord avec l’affirmation précitée est encore plus élevée. Par exemple, seulement 38 p. 100 des répondants étaient d’accord avec cette affirmation dans la région métropolitaine de Toronto contre 48 p. 100 et 49 p. 100 respectivement à Montréal et à Vancouver.


 



Figure 16

Sentiment d’aliénation des Canadiens et des Américains vis-à-vis des cadres des médias (Les gens qui décident du contenu  « ont perdu le contact avec les gens comme moi » – D’accord ou en désaccord?

 

Les Canadiens sont plus susceptibles que les Américains de considérer que les médias se soucient vraiment de l’objet de leurs reportages (figure 17). En 2005, 53 p. 100 des Canadiens pensaient que les médias d’information ont à cœur les gens dont ils parlent dans leurs reportages. Une minorité de répondants américains était de cet avis en septembre 2001, en novembre 2001 ou en 2002. Par exemple, en 2002, 30 p. 100 seulement des répondants américains à un sondage estimaient que les médias d’information se souciaient des personnes dont ils faisaient état.

 



Figure 17

Attitude des Canadiens et des Américains envers les organes d’information (« ont à cœur les gens dont ils parlent » – D’accord ou en désaccord?)

 

Les résultats du sondage réalisé pour le compte du Comité montrent cependant clairement que les vues des Canadiens sur les médias d’information varient d’un marché à l’autre, suivant le degré de concentration ou de propriété mixte des médias. Si l’on examine par exemple les réponses à ces questions dans les régions métropolitaines, on constate une tendance inquiétante. En effet, la majorité des répondants de la région métropolitaine de Toronto (58 p. 100) estiment que les organes d’information se soucient de leurs sujets, mais la proportion tombe à 44 p. 100 à Vancouver et 41 p. 100 à Montréal, deux marchés où le degré de concentration et de propriété mixte des médias est élevé.

Les Canadiens et les Américains sont sceptiques quant à l’empressement des médias à admettre leurs erreurs (figure 18). Par exemple, 33 p. 100 seulement des Canadiens pensent que les organes d’information sont prêts à admettre leurs erreurs. Dans trois sondages différents, le pourcentage des répondants américains de cet avis s’échelonnait entre 24 et 35 p. 100.

 



Figure 18

Scepticisme des Canadiens et des Américains sur l’empressement des médias à admettre leurs erreurs (« prêts à reconnaître leurs erreurs ou essaient de cacher leurs erreurs »

 

On a obtenu des résultats analogues dans l’enquête menée par le CCRM en novembre et décembre 2003. Dans ce sondage, 54 p. 100 des Canadiens estimaient que les médias s’efforçaient de dissimuler leurs erreurs et seulement 34 p. 100 pensaient que les médias étaient disposés à admettre leurs erreurs[39].

Les Canadiens, plus que les Américains, considèrent que les organes d’information « sont un outil d’aide à la résolution des problèmes de la société » (figure 19). En effet, 55 p. 100 des Canadiens étaient de cet avis, tandis que seulement 31 p. 100 les considéraient comme une obstruction. C’était l’inverse aux États-Unis où la majorité des répondants considéraient les médias comme une obstruction et la minorité seulement pensaient que les médias aidaient la société.

 



Figure 19

Vues des Canadiens et des Américains quant au rôle des médias (« sont un outil d’aide à la résolution des problèmes de la société » ou « sont une obstruction à la résolution des problèmes de la société)

 

 

Les réponses à ces questions devraient faire réfléchir quiconque s’intéresse à la santé des médias d’information du Canada. Elles justifient un optimisme prudent : la situation au Canada ne semble pas aussi sombre que de l’autre côté de la frontière, mais les perceptions négatives demeurent trop élevées. Si les tendances observées au Canada s’alignent sur celles des États-Unis comme c’est souvent le cas dans de nombreux domaines, le sentiment d’aliénation de l’auditoire risque de se renforcer. En outre, les résultats d’enquête donnent à penser que les Canadiens ont plus de chances d’avoir une opinion défavorable des médias d’information s’ils vivent dans un marché où la concentration des médias est élevée.

La situation est d’autant plus inquiétante que, comme le montrent les résultats des sondages réalisés aux États-Unis, il est possible, dans une société démocratique, que la majorité des citoyens soient convaincus que les médias gênent les efforts de la société pour résoudre ses problèmes. Voilà une situation fort malsaine, tant pour les médias que pour la société qu’ils servent.

D.      Propriété étrangère, concentration et propriété mixte des médias

Plusieurs des grandes questions sur lesquelles se penche le Comité ont à voir avec la question de la propriété. Le Canada doit-il modifier sa position relativement à la propriété étrangère de médias d’information canadiens? Le gouvernement du Canada doit-il se donner une politique sur les fusions d’entreprises dans le secteur des médias? L’augmentation de la concentration de la propriété des médias est-elle bonne ou mauvaise?

Le sondage de mars 2005 comportait des questions sur la propriété étrangère et la concentration des médias.

Quand on a demandé aux répondants s’ils étaient pour ou contre la propriété étrangère des médias d’information, une grande majorité (plus de 60 p. 100) ont répondu qu’ils étaient contre (figure 20) et ce, pour tous les médias sur lesquels ils étaient interrogés. Moins de 20 p. 100 étaient pour.

 



Figure 20

Vues des Canadiens sur la propriété étrangère

 

 

On a posé aux répondants plusieurs questions sur la concentration des médias (une entreprise propriétaire de nombreux journaux disséminés dans l’ensemble du pays) et sur la propriété mixte de médias (une entreprise qui possède des journaux et des stations de télévision ou de radio dans la même ville).

L’étude des réponses à quatre questions sur divers aspects de la propriété des médias témoigne d’un niveau élevé de préoccupation relativement à la concentration et la propriété mixte des médias que ce soit dans un même marché (par exemple dans une ville donnée) ou dans l’ensemble du pays (figure 21). Entre 18 et 20 p. 100 des répondants sont moyennement préoccupés par ces questions, tandis qu’une bonne majorité d’entre eux (plus de 60 p. 100 quelle que soit la question) disent qu’ils sont très préoccupés.

 



Figure 21

Degré de préoccupation des Canadiens quant à la concentration des médias

 

Le degré de préoccupation augmente avec la concentration des médias (comme à Vancouver). En effet, 71 p. 100 des répondants de Vancouver ont dit qu’ils étaient préoccupés (ils ont répondu 5, 6 ou 7 sur une échelle d’un à sept).

Le sondage du CCRM aussi a suscité des résultats inquiétants en ce qui concerne l’opinion des répondants sur les effets de la concentration des médias. En effet, 56 p. 100 des Canadiens et 50 p. 100 des Américains ont dit que la consolidation des médias ces dernières années avait eu des conséquences fâcheuses. Seulement 5 p. 100 des Canadiens et 10 p. 100 des Américains trouvaient qu’elle avait eu des conséquences favorables.

E.      Conclusions

Ces sondages appellent plusieurs conclusions. Premièrement, les Canadiens consomment une grande quantité d’informations et d’actualités, que ce soit par la télévision, les journaux, la radio ou Internet. Deuxièmement, si les Canadiens ne sont pas aussi désenchantés que les Américains vis-à-vis des médias d’information, on observe cependant des signes éloquents. Ainsi, une grande majorité des répondants à notre enquête sont convaincus que les médias essaient de dissimuler leurs erreurs. L’enquête menée par le CCRM a abouti à des résultats analogues. Troisièmement, il semble que les préoccupations exposées par les nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité sont partagées par l’ensemble de la population, notamment au sujet de la concentration des médias. Quatrièmement, si les Canadiens ont assez confiance dans les médias d’information et sont d’avis qu’ils leur présentent une information la plupart du temps équitable, équilibrée, complète et exacte, on a des raisons de penser que la situation est déjà en train de se détériorer.

Il est d’autant plus important de tenir compte des résultats du sondage que les Canadiens estiment que les médias exercent une influence sur les questions d’intérêt public. En effet, 72 p. 100 des répondants pensent que les médias exercent une forte influence « sur les décisions touchant les grandes questions d’intérêt public au Canada aujourd’hui ». Étant donné que la majorité des Canadiens sont convaincus que les médias exercent une forte influence, il est inquiétant de constater que la majorité pensent que les médias cherchent à cacher leurs erreurs et que près du tiers estiment qu’ils font obstruction aux efforts de la société pour remédier à ses problèmes. Le constat le plus inquiétant est que les opinions défavorables augmentent avec le degré de concentration de la propriété[40].

Le Comité a déjà dit l’importance qu’il accorde aux médias d’information pour la santé d’une société démocratique. Cependant, si la comparaison des données canadiennes et américaines est source d’optimisme, ce doit être un optimisme modéré. En effet, il peut arriver que la majorité de la population estime que les médias d’information font obstruction comme en témoignent les résultats de trois sondages réalisés aux États-Unis. Ensuite, bien que la majorité des Canadiens (56 p. 100) considèrent que les médias d’information aident la société à résoudre ses problèmes, il y en a quand même 31 p. 100 qui estiment que les médias gênent en fait ce processus, ce qui n’est pas sans inquiéter.

Il est fort possible que le nombre des gens qui trouvent que les médias d’information font obstruction augmente avec l’évolution des mécanismes de distribution. Entre 1920 et 1980, une grande partie des actualités locales étaient diffusées par des journaux locaux, des stations de radio locales et, après 1950, des stations de télévision locales. La situation actuelle est radicalement différente et va probablement continuer d’évoluer.

Au vu des résultats d’enquête présentés ci-dessus et des résultats de divers sondages réalisés aux États-Unis, il est possible que, bientôt, la majorité des Canadiens considéreront que les médias d’information sont une entrave, sentiment qui sera imputable, entre autres, à la réduction des nouvelles locales résultant des changements qui s’opèrent au sein des médias et à l’évolution constante des systèmes de diffusion.

Par ses travaux et son rapport, le Comité veut minimiser le risque qu’on en arrive là et assurer un climat sain aux médias d’information.


ANNEXE IV : LA POLITIQUE DU CANADA EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ ÉTRANGÈRE

A.      Les restrictions à la propriété étrangère d’entreprises de radiodiffusion

Le Canada réglemente depuis longtemps la propriété étrangère des médias. Dans la décision la plus récente, le 8 avril 1997, le gouverneur en conseil rendait des Instructions au CRTC (inadmissibilité de non-Canadiens) exigeant une participation et un contrôle canadiens de 80 p. 100 pour tous les titulaires de licences de radiodiffusion, et de 66,6 p. 100 pour les sociétés de portefeuille. Ces Instructions établissent également d'autres restrictions sur l'activité non canadienne afin de conserver un contrôle intérieur efficace de la radiodiffusion.

La définition de Canadien est primordiale. Cela peut être simple pour les particuliers, mais compliqué pour les organismes. Les actionnaires peuvent détenir une entreprise qui possède, elle-même, d'autres sociétés. Par conséquent, les propriétaires de la société de portefeuille possèdent indirectement toute entreprise détenue par la société mère. Les étrangers peuvent détenir directement jusqu'à 20 p. 100 d'un radiodiffuseur et jusqu'à 33,33 p. 100 d'une société de portefeuille qui possède un radiodiffuseur. En réalité, cela permet à un non-Canadien de posséder jusqu'à 46,7 p. 100 d'un radiodiffuseur canadien. [20 % + (33,33 x 80 %) = 46,7 %].

Pour les grandes sociétés qui comptent un nombre important d'actionnaires, un bloc d'actions avec droit de vote de moins de 50 p. 100 (même moins que la limite de 46,7 p. 100 de propriété directe et indirecte) peut tout de même permettre le contrôle effectif d'une société. Si un non-Canadien possède le contrôle effectif, par quelque moyen que ce soit, dans une société canadienne, celle-ci perd son statut de personne morale qualifiée, même si elle satisfait aux limites quantitatives. Sans ce statut, la société ne peut acquérir ni obtenir de licence de radiodiffusion au Canada.

B.      Les restrictions à la propriété étrangère de journaux

Même si les radiodiffuseurs doivent être de propriété canadienne, dans le cas de la presse écrite il n’y a pas d’interdiction explicite contre la propriété étrangère. Il existe cependant deux lois qui favorisent la propriété canadienne des journaux canadiens. L'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu ne permet pas de déduire les frais de publicité dans la mesure où ils sont engagés en vue de la publication d'annonces destinées au marché canadien dans un journal ou un périodique qui ne remplit pas certains critères de propriété canadienne.

           

Pour qu’un journal soit considéré « canadien », au moins trois quarts de ses actions donnant droit de vote doivent être la propriété effective de citoyens canadiens. Comme c’était le cas pour la radiodiffusion, même si des non-Canadiens satisfont aux limites quantitatives et possèdent moins du quart des actions donnant droit de vote d’un journal, ce dernier pourrait quand même être considéré non canadien. Le facteur-clé, encore une fois comme pour ce qui est des radiodiffuseurs, est la question de savoir si le contrôle effectif du journal réside ou non entre les mains de non-Canadiens. Si l’Agence de revenu du Canada détermine qu’un journal n’est plus canadien, elle établit une période de transition d’un an avant de commencer à refuser les demandes de déductions.

Les journaux sont également couverts par la Loi sur Investissement Canada. Les non-Canadiens qui acquièrent le contrôle d’une entreprise canadienne existante ou qui souhaitent constituer une nouvelle entreprise canadienne qui n’est pas liée aux activités d’une autre de leurs entreprises sont assujettis à la Loi sur Investissement Canada et doivent présenter soit un avis d’investissement, soit une demande d’examen. Le « type précis d'activité commerciale désigné par règlement et qui, de l'avis du gouverneur en conseil, est lié au patrimoine culturel du Canada ou à l'identité nationale » englobe les journaux et les autres médias écrits.

Étonnamment, l’annexe du règlement d’application de la Loi sur Investissement Canada n’inclut pas la radiodiffusion. Cette omission n’est cependant pas d’une grande importance, considérant les exigences de propriété et de contrôle canadiens des radiodiffuseurs prévues à la Loi sur la radiodiffusion.

C.      La politique de propriété étrangère et l’ALENA

Un point additionnel ayant fait surface lors de l’étude des restrictions actuelles par le Comité était la question de savoir si la politique sur la propriété étrangère était limitée – dans le sens d’irréversible – par les modalités des traités commerciaux récemment conclus par le Canada, comme l’ALENA. Autrement dit, si le Canada libéralise ses règles, pourrait-il ultérieurement décider de les resserrer de nouveau?

La question de la possible irréversibilité est complexe. Les spécialistes en droit commercial soulignent qu’ils doivent connaître les particularités précises de chaque cas, avant de fournir une réponse (qui ne serait valide que pour le cas en l’espèce). Advenant la libéralisation d’une quelconque restriction, comme une limite à la propriété étrangère, on peut avancer qu’une tentative de réintroduction de la restriction poserait des problèmes. La restriction réintroduite pourrait être contestée par les États-Unis, le Mexique ou les autres propriétaires étrangers concernés. Encore une fois, on aurait besoin d’un complément d’information, y compris d’une réponse aux questions suivantes : Quels étaient les motifs de la réintroduction des restrictions? Comment les restrictions ont-elles été réintroduites?

S’il y avait un assouplissement des restrictions à la propriété dans nos industries médiatiques, des intérêts de pays autres que les États-Unis et le Mexique pourraient intervenir. Outre l’ALENA, le Canada est partie à d’autres accords touchant la protection des investissements étrangers. Il est probable que ces autres accords, spécialement ceux conclus après l’ALENA, seraient eux aussi assortis de protections contre toute tentative canadienne de réintroduction d’une mesure déjà libéralisée.

Le traitement de la culture dans l’ALENA illustre bien la façon dont certains aspects d’un traité peuvent être négligés. L’ALENA, basé sur l’ALE conclu antérieurement, est assorti d’une clause d’exemption culturelle. Le Canada pourrait effectivement offrir une protection pour une activité culturelle donnée. Ce que l’on a négligé en grande partie, c’est le paragraphe connexe dans le traité qui permet à un pays négativement touché par le recours à l’exemption culturelle de demander une compensation d’une valeur commerciale égale.


ANNEXE V : LOIS SUR LES MÉDIAS DANS D’AUTRES PAYS

 

Le Rapport intérimaire indiquait :

Un grand nombre de pays se sont penchés sur les incidences des fusions et de la concentration graduelle de la propriété des médias. Bien que toutes les démocraties avancées disposent d’une garantie de liberté de presse, qu’elle soit tacite ou inscrite dans la constitution, il n’est pas rare de voir des restrictions quant à la concentration, à la propriété croisée et à la propriété étrangère. Toutefois, ces restrictions varient considérablement selon le type de médias et le pays[41].

Le rapport comprenait des tableaux comparatifs pour le Canada, la France, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Australie. Récemment, on a publié un volume qui compare le droit des télécommunications et des médias pour un plus vaste éventail de pays[42]. Le Global Competition Review couvre 47 entités (46 pays et l’Union européenne). Il comprend des sections sur les restrictions relatives à la propriété mixte et à la propriété étrangère.

L’importance conférée à ces secteurs ressort du traitement qui leur est réservé par l’Union européenne, qui les laisse sous la juridiction des lois nationales des États membres. Comme le soulignait le Rapport intérimaire, de nombreux pays ont dû faire face aux changements engendrés par la vague de fusions de médias survenue en 2000 et par la concentration dans les diverses branches des médias. Les pays ont également dû s’ajuster aux changements découlant des progrès technologiques. Certains pays ont cherché à libéraliser leurs lois sur les médias, souvent en ce qui concerne la propriété mixte, mais les changements proposés ont rencontré une vive opposition dans certains pays. Le droit médiatique n’est pas encore complètement fixé dans ces cas. Au moment de la rédaction du présent rapport, c’était le cas des États-Unis et de l’Australie.

Sur les 46 pays couverts par le Global Competition Review de 2005, huit n’imposaient aucune restriction à la propriété étrangère ou à la propriété mixte. La majorité des pays examinés avaient légiféré pour établir certaines restrictions dans l’un ou l’autre domaine, mais la nature de ces restrictions variait fortement et certaines étaient relativement complexes. Dans plusieurs des pays n’ayant aucune restriction particulière apparente, la propriété étrangère ou la propriété mixte est néanmoins assujettie aux politiques nationales sur la concurrence et aux lois antitrust, ou, pour ce qui touche précisément la propriété étrangère, à un enregistrement comme entreprise locale. Toutes ces diverses politiques, lois ou exigences d’enregistrement peuvent être souples ou rigides. Au Canada par exemple, un radiodiffuseur à propriété mixte doit détenir une licence du CRTC. En théorie, le CRTC pourrait fixer des conditions de licence exigeantes pour les conglomérats médiatiques, et une telle position réglementaire pourrait, toujours en théorie, s’avérer un frein efficace aux transactions pouvant mener à une propriété mixte. Cependant, comme le notait le Global Competition Review : « cette politique [de découragement de la propriété mixte] […] a été érodée par une série de décisions du CRTC dans les années 1980 et 1990, au point d’être abandonnée dans les faits. » (c’est nous qui soulignons)

 

Législation sur les médias aux États-Unis

En juin 2003, la Federal Communications Commission (FCC) a tenté d’atténuer les restrictions sur la propriété en vigueur aux États-Unis. Les modifications proposées ont été vivement contestées, et en juin 2004, le projet de la FCC était annulé par la Cour d’appel du Troisième circuit. Les restrictions de propriété initiales demeurent donc en place. Elles comprennent :

·                     une interdiction visant la propriété commune d’un radiodiffuseur et d’un quotidien desservant le même marché;

·                     des seuils pour la propriété mixte de stations de radio et de télévision, le nombre autorisé de stations faisant l’objet d’une copropriété augmentant avec la taille du marché;

·                     des restrictions sur la propriété de deux stations de télévision dans le même marché désigné, les restrictions reposant sur la couverture ou sur les cotes d’écoute relatives des deux stations;

·                     des limites sur le nombre de stations de radio pouvant avoir le même propriétaire dans un marché local, les limites étant basées sur le nombre total de stations de radio dans le marché.

La modification la plus litigieuse proposée par la FCC concernait la couverture autorisée (calculé en nombre de foyers rejoints) des réseaux de télédiffusion. En vertu du système existant, les réseaux pouvaient posséder des stations qui rejoignaient en tout 35 p. 100 des foyers; la FCC proposait porter le seuil à 45 p. 100, et une loi du Congrès a fixé cette limite à 39 p. 100 (ce qui, de façon peut-être non fortuite, était la proportion alors atteinte par certains réseaux).

Le combat mené sur la couverture des réseaux de télévision et les restrictions existantes illustrent l’utilisation, aux États-Unis, de limites quantitatives explicites (« bright line tests », ou lignes de démarcation) pour réglementer la propriété des médias. Ces lignes de démarcation ont été tracées parce qu’elles protègent les consommateurs en fixant des limites précises et aident les participants de l’industrie en offrant un système transparent. Selon certains intervenants, cette façon de faire limite l’interférence politique et encourage la concurrence.

Malgré leur position pro-marché et leur appui symbolique à la concurrence mondiale, les États-Unis maintiennent des restrictions à la propriété étrangère des radiodiffuseurs. Ces restrictions, qui remontent à des décennies, ne couvrent que les radiodiffuseurs, un terme qui a une définition étroite aux États-Unis, à savoir les transmetteurs de signaux radio et télévision par la voie des ondes. Les entreprises de câblodistribution et les autres distributeurs, les compagnies de production ainsi que les chaînes de télévision payante et les chaînes spécialisés peuvent appartenir à des citoyens non américains.

Il  n’y a pas de restrictions à la propriété étrangère des journaux, et un certain nombre de journaux américains appartiennent effectivement à des étrangers (y compris des Canadiens). Tous les grands journaux et groupes de journaux sont cependant de propriété américaine.

 

Législation sur les médias au Royaume-Uni

À peu près au même moment où les États-Unis tentaient de modifier leurs règles sur la propriété des médias, la nouvelle Communications Actdu Royaume-Uni obtenait la sanction royale.

Cette loi supprimait la plupart des restrictions à la propriété étrangère et, selon le Global Competition Review, « éliminait dans les faits les anciennes restrictions à la propriété mixte des médias au Royaume-Uni en supprimant certaines interdictions et en relevant les seuils pertinents des parts de marché ». L’important, aux fins du présent rapport, ce sont les dispositions concernant l’évaluation des fusions de médias.

Encore plus important est le rôle explicite dévolu au secrétaire d’État, sur les conseils d’Ofcom (l’instance de réglementation de tous les moyens de communication au Royaume-Uni), qui peut intervenir dans certains cas pour certains motifs d’intérêt public.

Comme l’explique un guide publié par Ofcom, le secrétaire d’État peut intervenir au sujet de deux types de fusions dans le secteur médiatique :

Dans une « situation de fusion pertinente », le secrétaire d’État peut intervenir lorsque :

deux entreprises ou plus cessent d’être des entités distinctes à la suite de la fusion;

la valeur du chiffre d’affaires total au Royaume-Uni de l’entreprise acquise dépasse 70 millions £ (critère du chiffre d’affaires total); et/ou

la fusion donnerait lieu à la création ou à l’accroissement d’une part d’au moins 25 p. 100 de l’offre de biens ou services de toute sorte au Royaume-Uni ou dans une portion substantielle du Royaume-Uni (critère de la part du marché).

Dans une « situation de fusion spéciale », le secrétaire d’État peut intervenir lorsque :

deux entreprises ou plus cessent d’être des entités distinctes et

une des parties à la fusion assume déjà une part de 25 p. 100 ou plus de l’offre de journaux ou de radiodiffusion au Royaume-Uni ou dans une portion substantielle du Royaume-Uni. (Document d’orientation d’Ofcom).

 

Les considérations d’intérêt public prévoient des critères pour les journaux, et d’autres critères pour la radiodiffusion et la propriété médiatique mixte.

Les critères pour les journaux prévoient la prise en compte des aspects suivants :

·                     la nécessité d’une présentation exacte des nouvelles dans les journaux;

·                     la nécessité d’une libre expression des opinions dans les journaux visés par la fusion;

·                     la nécessité, dans la mesure de ce qui est raisonnable et réalisable, de permettre l’expression d’une pluralité suffisante d’opinions dans l’ensemble des journaux dans chaque marché pour le Royaume-Uni ou toute portion du Royaume-Uni.

Dans le cas de la radiodiffusion et de la propriété médiatique mixte, les critères suivants sont pris en considération :

·                     la nécessité qu’une pluralité suffisante de personnes se partagent le contrôle des entreprises médiatiques desservant chaque auditoire différent au Royaume-Uni ou dans une région/localité particulière du Royaume-Uni;

·                     la nécessité d’offrir, partout au Royaume-Uni, un vaste éventail de services de radiodiffusion qui (dans leur ensemble) soient à la fois de haute qualité et conçus de façon à plaire à une grande variété de goûts et d’intérêts;

·                     la nécessité que les personnes exploitant et contrôlant des entreprises médiatiques soient réellement déterminées à respecter les normes fixées à l’article 319 de la Communications Act 2003 pour ce qui est de la radiodiffusion (impartialité des nouvelles, bon goût et décence).

Le secrétaire d’État détermine alors s’il y a lieu d’autoriser la fusion, en tout ou en partie, et si elle devrait être assujettie à des conditions.

 

Les lois et les usages dans d’autres pays sont instructifs. Bien entendu, il existe d’importantes différences institutionnelles entre le Canada et le Royaume-Uni, tout comme c’est le cas entre le Canada et les États-Unis. L’exercice nous aide néanmoins à voir quel aurait été l’effet des lois médiatiques de ces deux pays sur le secteur canadien des médias, si elles avaient été appliquées au Canada.

Sur le plan de la propriété étrangère, le modèle américain aurait permis au Canada de conserver des restrictions, bien qu’avec une couverture et des motifs un peu différents. D’un autre côté, le modèle du Royaume-Uni aurait mené à l’élimination de la majorité des restrictions.

En ce qui concerne la propriété mixte, les lois américaines l’interdisent. Même s’il est impossible d’affirmer avec une complète certitude que les lois du Royaume-Uni auraient interdit les transactions exposées précédemment qui ont eu lieu à Vancouver, au Québec et au Nouveau-Brunswick, les transactions effectuées dans chacun de ces marchés auraient été signalées comme étant à risque par le critère du chiffre d’affaires total et/ou le critère de la part du marché, en vue d’un examen pour motifs d’intérêt public.


ANNEXE VI : MODIFICATION DU RÉGIME RÉGLEMENTAIRE

 

Diverses options concernant les modifications à apporter au régime réglementaire du Canada dans le domaine des médias d’information sont examinées dans les rubriques suivantes :

a)                  maintien du statu quo;

b)                  changements sommaires apportés aux mandats du Bureau de la concurrence et du CRTC;

c)                  modification des relations entre le Bureau de la concurrence et le CRTC;

d)                 délimitation du rôle du Bureau de la concurrence, et modification et réduction importantes du rôle du CRTC;

e)                  fusionnement des deux institutions;

f)                   mise au point de mécanismes particuliers destinés à protéger l’intérêt public dans les organismes de nouvelles et de collecte des nouvelles.

A.      Maintien du statu quo

D’après les discussions que nous avons eues jusqu’à présent, les raisons de rejeter cette option sont évidentes. Pour le Comité, il est évident que le système de réglementation n’est pas efficace et ne montre aucun signe d’amélioration. L’idée de simplement maintenir le statu quo n’est donc pas acceptable.

B.      Changements sommaires apportés aux mandats du Bureau de la concurrence et du CRTC

1.       Le Bureau de la concurrence

Le Bureau de la concurrence est intervenu dans les fusions des médias (par exemple l’affaire Astral), mais il l’a fait pour des motifs relativement restreints. Quand il a donné son avis, dans certains cas sur des questions connexes, il a eu tendance à mettre l’accent sur les marchés publicitaires, en particulier sur les marchés locaux. Ce type d’intervention extrêmement limité est pour le moins curieux.

Le Comité trouve étrange que le marché publicitaire local soit pour ainsi dire la seule question à laquelle le Bureau de la concurrence accorde de l’importance dans le cadre d’une fusion de médias. La concurrence est jugée digne d’attention parce elle apporte à la longue des avantages aux consommateurs. Parmi les avantages, il s’agit, dans de nombreux cas, de réduction de prix. Par conséquent, il est raisonnable que dans le cadre d’un examen sur les fusions des médias, on prenne en considération les incidences de celles-ci sur les marchés publicitaires. Mais c’est faire preuve d’un manque total de perspicacité que de limiter l’examen uniquement à cette question.

Bien que le Comité ne recommande pas et ne recommandera pas que le contenu des médias d’information soit examiné dans le cadre d’un examen de fusions, il estime que la réduction du nombre des propriétaires, de la diversité de points de vue et des sources de nouvelles au sein d’une collectivité devrait être considérée comme d’intérêt public et de ce fait, être prise en compte dans l’examen des projets de fusion.

La politique de la concurrence telle qu’elle a évolué au Canada présente un problème connexe qui touche la notion de position dominante. Une entreprise qui a conquis une position dominante sur un marché au bout d’un certain nombre d’années en fournissant un produit de meilleure qualité à un prix moindre n’enfreint pas la loi sur la concurrence. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’une entreprise dont la croissance est attribuable à sa grande expérience des affaires et qui n’abuse pas de sa position dominante sur le marché. Par conséquent, il est tout à fait acceptable, selon la politique de la concurrence, qu’une entreprise ait une position dominante sur un marché particulier et on ne s’inquiétera pas normalement de cet état de fait auprès du Bureau de la concurrence.

Bien que le raisonnement sur lequel se fonde cette position soit acceptable pour la production de nombreux produits et services, il n’est pas acceptable dans le secteur des services de nouvelles et d’informations. Il est particulièrement inacceptable lorsqu’une entreprise est en mesure d’acquérir presque tous les journaux ou les radiodiffuseurs sur un marché particulier ou dans une région voire tous. La situation qui prévaut au Nouveau-Brunswick illustre parfaitement ce problème.

Une solution serait de préciser le mandat du Bureau de la concurrence de manière que celui-ci ne puisse pas définir les marchés des médias d’information de façon si étroite que cela entraîne la disparition de services importants comme les services de nouvelles et d’information. En outre, la Loi sur la concurrence doit traiter de l’intérêt public dans le contexte de la programmation des nouvelles et des informations.

2.       Le CRTC

Le mandat du CRTC est très vaste et puisqu’il découle des principes énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion, il comprend la conciliation d’objectifs conflictuels. La portée d’une loi telle que La Loi sur la radiodiffusion, doit, de par sa nature, être vaste et exhaustive et laisser une certaine latitude au CRTC dans ses activités liées à l’exercice de son mandat. Bien qu’un observateur objectif puisse conclure que l’article 3 de la Loi sur la radiodiffusion prend pour acquis que les nouvelles et les informations ont au moins une certaine importance, il est difficile de clairement déterminer où et comment elles s’intègrent aux nombreux objectifs de Loi. Et cette dernièrene donne aucune orientation sur la manière de réconcilier ces divers objectifs.

Cette ambiguïté sur l’importance et la priorité accordées à la programmation des nouvelles et des informations laisse au CRTC une très grande latitude décisionnelle pour se prononcer sur les fusions des médias[43]. À certaines occasions, dans le passé, il a refusé d’admettre certains efforts consentis par les entreprises (comme la tentative de Torstar d’acquérir un réseau câblé au cours des années 1980). À d’autres occasions, il a approuvé des fusionnements de médias de grande envergure, comme l’acquisition de la CTV par Enterprises Bell Canada inc. Il a autorisé le fusionnement d’actifs auquel même le Bureau de la concurrence s’était opposé (l’affaire Astral). Le CRTC semble avoir des critères pour guider sa prise de décision, mais il est impossible d’élaborer une liste cohérente de ces critères et de vérifier s’ils ont été utilisés de façon constante au fil des ans.

Un début de solution serait de clarifier les buts et les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion et les responsabilités du CRTC en matière de programmation des émissions de nouvelles et des émissions d’information. La solution la plus facile serait de modifier la Loi sur la radiodiffusion afin qu’elle donne une grande importance aux nouvelles et à l’information.

Les modifications apportées à la Loi sur la radiodiffusion devraient être associées à une révision des responsabilités du CRTC. On pourrait, par exemple, préciser que le CRTC a la responsabilité de préserver une quantité et une diversité acceptables d’informations, de nouvelles et d’opinions au sein du système de radiodiffusion. Ce qui ne signifie pas qu’il doit juger la qualité des émissions de nouvelles, mais qu’il doit prendre en considération les sources, la diversité et la quantité des éléments mentionnés.

Au cours des dernières décennies, le CRTC a permis que disparaissent de son mandat des questions portant sur les services de nouvelles et d’informations, ce qui est particulièrement le cas à la radio. Actuellement, le Conseil se concentre en particulier sur la santé financière de la radio AM et FM, et fournit de l’information sur le genre des stations de radio (p. ex. country et western). Il est extrêmement difficile de comprendre pourquoi le genre de musique d’une station de radio est plus important pour l’intérêt public que la quantité et le type de programmation de nouvelles et d’information offerte par celle-ci.

C.      Modification des relations entre le Bureau de la concurrence et le CRTC

Le Bureau de la concurrence a signé un « accord d’interface » avec le CRTC afin d’offrir « une plus grande clarté et certitude » à ceux qui cherchent à comprendre les limites des compétences des deux organismes[44]. L’accord stipule essentiellement que les deux organismes ont compétence dans l’examen des projets de fusion et peuvent travailler en parallèle. Dans l’affaire Astral, ils sont arrivés à des conclusions différentes : le Conseil approuve la fusion alors que le Bureau s’y oppose.

« L’accord d’interface » ne contribue pas à résoudre les problèmes qui préoccupent le Comité. Ainsi, cet accord n’apporte aucune solution au fait que, dans le cadre de son mandat actuel, le Bureau de la concurrence a une vision étroite de l’économie ou que le CRTC accorde relativement peu d’importance aux nouvelles.

Bien que l’on puisse apporter des éclaircissements à « l’accord d’interface », la première difficulté tient à ce qu’il ne permet pas de résoudre les problèmes de compétence partagée ou de résoudre la question plus grande de l’intérêt public.

D.      Délimitation du rôle du Bureau de la concurrence, et modification et réduction importantes du rôle du CRTC

Certains problèmes pourraient être résolus en modifiant sensiblement le rôle du CRTC et en élargissant celui du Bureau de la concurrence. Pour ce faire, il faudrait modifier les responsabilités du CRTC de sorte qu’il ne soit autorisé à examiner que les fusionnements des médias du point de vue de la pluralité des voix (dans ce cas la quantité et la diversité des nouvelles, des informations et des opinions) et qu’il ne puisse émettre des commentaires sur la viabilité économique durable des stations qui font l’objet d’une fusion. Les aspects concurrentiels du fusionnement seraient du ressort du Bureau de la concurrence.

Cette option nécessiterait que l’on apporte des modifications aux mandats des deux organismes. Elle présenterait l’avantage de clarifier la situation actuelle et assurerait jusqu’à un certain point la prise en considération de la diversité des informations et des points de vue lors des fusionnements des médias parlés. Cependant, elle ne clarifierait pas la situation en ce qui a trait aux fusionnements des journaux ou aux fusionnements croisés au sein de l’industrie des médias. Pour que ce problème soit examiné de manière plus appropriée, il faudrait élargir le mandat du Bureau de la concurrence.

E.      Fusionnement des deux institutions

Une façon de réduire le chevauchement des compétences serait de fusionner les deux institutions pour ne former qu’un seul organisme. Bien que la création d’un unique organisme puisse réduire la confusion concernant le chevauchement, elle ne changera rien au fait qu’il faut appliquer aux fusions des médias des considérations autres que celles appliquées à d’autres fusionnements. Une simple intégration des organismes ne permettra pas non plus de résoudre le problème des graves faiblesses relevées dans les deux institutions en ce qui a trait à leurs procédures d’examen des projets de fusionnements des médias.

Il est également peu probable que certaines considérations d’intérêt public importantes pour le secteur de la radiodiffusion puissent être facilement incorporées aux procédures élaborées par le Bureau de la concurrence, sans que des modifications importantes soient apportées à la Loi sur la concurrence et aux considérations susceptibles d’être incluses dans un examen par le Tribunal de la concurrence. La diversité des nouvelles et les opinions offertes sur des marchés particuliers constituent deux enjeux possibles. Bref, il serait très difficile de fusionner les deux organismes.

F.      Mise au point de mécanismes particuliers destinés à protéger l’intérêt public

Il est vrai que les mandats des deux organismes fédéraux les plus étroitement concernés par les questions présentées devant le Comité doivent être précisés, mais cet éclaircissement ne résoudra pas à lui seul le problème. On ne peut non plus conférer une compétence exclusive à l’un ou à l’autre organisme.

Accorder au CRTC la compétence exclusive sur les fusions des médias aurait deux conséquences déplorables. En premier lieu, si on se base sur les antécédents du CRTC, les préoccupations importantes en matière de marchés concurrentiels (p. ex., les marchés publicitaires) ne seront pas prises en compte. En second lieu, on devra confier au CRTC la responsabilité d’examiner les fusionnements de journaux, ce qui représenterait un élargissement considérable et inacceptable de son mandat.

À titre d’organisme de réglementation du système de radiodiffusion, le CRTC détient d’énormes pouvoirs de fixer les conditions d’obtention de licences remises aux radiodiffuseurs, d’exiger de ceux-ci qu’ils fournissent certains services et de les empêcher d’en offrir certains autres. Ainsi, le CRTC détient le pouvoir de déterminer le genre de stations de radio autorisé dans un marché donné, ainsi que le nombre de stations d’un genre donné. L’application de ce type de décisions aux journaux serait considérée, à juste titre, désastreuse et serait probablement inconstitutionnelle. Qui plus est, elle violerait un des principes auxquels tient le Comité, à savoir que la solution aux problèmes actuels ne doit pas passer par l’ingérence du gouvernement dans l’exploitation interne des organes de presse.

Pour ces raisons fondamentales, le Comité rejette toute idée d’élargir le rôle du CRTC de sorte qu’il puisse surveiller les activités internes des journaux.

L’autre approche, soit conférer la compétence exclusive au Bureau de la concurrence, nécessiterait d’élargir le mandat du Bureau et de réduire considérablement l’autorité du CRTC. Bien que cela puisse être souhaitable dans certains domaines, cette solution serait source de confusion au sein du système de radiodiffusion et vraisemblablement source de tensions entre le Bureau et le CRTC.

Par conséquent, le problème du chevauchement persistera. Compte tenu de cette réalité, au moins deux aménagements sont possibles : adapter un modèle utilisé dans d’autres situations (p. ex. la Loi sur les transports au Canada) ou adapter une version modifiée d’un modèle mis au point dans d’autres pays (comme celui élaboré au Royaume-Uni pour traiter des fusions de médias). Ces deux solutions sont présentées en détail ci-dessous.

1.       Adapter un modèle canadien existant

Le chevauchement des compétences du Bureau de la concurrence et du CRTC n’est pas une situation unique. Un problème similaire existe en ce qui a trait à Loi sur les transports au Canada. Les dispositions de la Loi portant sur la fusion des sociétés aériennes offre une solution : le Commissaire de la concurrence doit mis au courant « en vertu de ses propres dispositions législatives, d’un projet de fusion en même temps que l’Office des transports du Canada[45] ».

De même, la modification proposée de la Loi sur Investissement Canada (projet de loi C‑59) touchant des questions de sécurité nationale comportait une disposition stipulant que les examens relatifs à la sécurité nationale sont confiés au gouverneur en conseil[46].

L’adoption d’un modèle semblable à celui adopté pour les fusions dans le secteur des transports et l’inclusion « d’examens » semblables à ceux proposés dans la Loi sur Investissement Canada permettraient de clarifier considérablement la situation entre le Bureau et le CRTC. Cependant, ces mesures ne régleraient pas tous les problèmes qui sont à résoudre en matière de médias.

2.       Adapter un modèle non canadien

Au cours de ses travaux, le Comité a examiné les modifications apportées récemment à la réglementation et à la supervision de la radiodiffusion et des médias au Royaume-Uni.

Les fusions des médias donnent lieu, au Royaume-Uni comme au Canada, à un chevauchement de compétences. Afin de trouver une solution aux problèmes du chevauchement, le Royaume-Uni a élaboré un ensemble de procédures pouvant être appliquées à tout type de fusions de médias. La description de ces procédures est présentée à l’annexe V du présent volume.

Le modèle présente un avantage évident en ce qu’il reconnaît explicitement l’existence d’un intérêt public dans les fusions des médias et admet que cet intérêt est plus vaste que les préoccupations que suscitent généralement les fusions (p. ex., préoccupations économiques étriquées concernant le comportement concurrentiel). Il reconnaît également et conserve le rôle et la compétence propres aux deux organismes de réglementation concernés et exige que ceux-ci participent aux examens. Troisième avantage : les résultats des examens sont rendus publics[47].


ANNEXE VII : EXTRAITS DE LA LOI SUR LA RADIODIFFUSION

 

PARTIE I : DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Politique canadienne de radiodiffusion

 

3. (1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion :

a) le système canadien de radiodiffusion doit être, effectivement, la propriété des Canadiens et sous leur contrôle;

b) le système canadien de radiodiffusion, composé d'éléments publics, privés et communautaires, utilise des fréquences qui sont du domaine public et offre, par sa programmation essentiellement en français et en anglais, un service public essentiel pour le maintien et la valorisation de l'identité nationale et de la souveraineté culturelle;

c) les radiodiffusions de langues française et anglaise, malgré certains points communs, diffèrent quant à leurs conditions d'exploitation et, éventuellement, quant à leurs besoins;

d) le système canadien de radiodiffusion devrait :

(i) servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada,

(ii) favoriser l'épanouissement de l'expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées, des valeurs et une créativité artistique canadiennes, qui mette en valeur des divertissements faisant appel à des artistes canadiens et qui fournisse de l'information et de l'analyse concernant le Canada et l'étranger considérés d'un point de vue canadien,

(iii) par sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d'emploi, répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l'égalité sur le plan des droits, la dualité linguistique et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ainsi que la place particulière qu'y occupent les peuples autochtones,

(iv) demeurer aisément adaptable aux progrès scientifiques et techniques;

e) tous les éléments du système doivent contribuer, de la manière qui convient, à la création et la présentation d'une programmation canadienne;

f) toutes les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources -- créatrices et autres -- canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation à moins qu'une telle pratique ne s'avère difficilement réalisable en raison de la nature du service -- notamment, son contenu ou format spécialisé ou l'utilisation qui y est faite de langues autres que le français ou l'anglais -- qu'elles fournissent, auquel cas elles devront faire appel aux ressources en question dans toute la mesure du possible;

g) la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait être de haute qualité;

h) les titulaires de licences d'exploitation d'entreprises de radiodiffusion assument la responsabilité de leurs émissions;

i) la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait à la fois :

(i) être variée et aussi large que possible en offrant à l'intention des hommes, femmes et enfants de tous âges, intérêts et goûts une programmation équilibrée qui renseigne, éclaire et divertit,

(ii) puiser aux sources locales, régionales, nationales et internationales,

(iii) renfermer des émissions éducatives et communautaires,

(iv) dans la mesure du possible, offrir au public l'occasion de prendre connaissance d'opinions divergentes sur des sujets qui l'intéressent,

(v) faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants;

j) la programmation éducative, notamment celle qui est fournie au moyen d'installations d'un organisme éducatif indépendant, fait partie intégrante du système canadien de radiodiffusion;

k) une gamme de services de radiodiffusion en français et en anglais doit être progressivement offerte à tous les Canadiens, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens;

l) la Société Radio-Canada, à titre de radiodiffuseur public national, devrait offrir des services de radio et de télévision qui comportent une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit;

m) la programmation de la Société devrait à la fois :

(i) être principalement et typiquement canadienne,

(ii) refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions,

(iii) contribuer activement à l'expression culturelle et à l'échange des diverses formes qu'elle peut prendre,

(iv) être offerte en français et en anglais, de manière à refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris ceux des minorités de l'une ou l'autre langue,

(v) chercher à être de qualité équivalente en français et en anglais,

(vi) contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales,

(vii) être offerte partout au Canada de la manière la plus adéquate et efficace, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens,

(viii) refléter le caractère multiculturel et multiracial du Canada;

n) les conflits entre les objectifs de la Société énumérés aux alinéas l) et m) et les intérêts de toute autre entreprise de radiodiffusion du système canadien de radiodiffusion doivent être résolus dans le sens de l'intérêt public ou, si l'intérêt public est également assuré, en faveur des objectifs énumérés aux alinéas l) et m);

o) le système canadien de radiodiffusion devrait offrir une programmation qui reflète les cultures autochtones du Canada, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens;

p) le système devrait offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d'une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens;

q) sans qu'il soit porté atteinte à l'obligation qu'ont les entreprises de radiodiffusion de fournir la programmation visée à l'alinéa i), des services de programmation télévisée complémentaires, en anglais et en français, devraient au besoin être offerts afin que le système canadien de radiodiffusion puisse se conformer à cet alinéa;

r) la programmation offerte par ces services devrait à la fois :

(i) être innovatrice et compléter celle qui est offerte au grand public,

(ii) répondre aux intérêts et goûts de ceux que la programmation offerte au grand public laisse insatisfaits et comprendre des émissions consacrées aux arts et à la culture,

(iii) refléter le caractère multiculturel du Canada et rendre compte de sa diversité régionale,

(iv) comporter, autant que possible, des acquisitions plutôt que des productions propres,

(v) être offerte partout au Canada de la manière la plus rentable, compte tenu de la qualité;

s) les réseaux et les entreprises de programmation privés devraient, dans la mesure où leurs ressources financières et autres le leur permettent, contribuer de façon notable à la création et à la présentation d'une programmation canadienne tout en demeurant réceptifs à l'évolution de la demande du public;

t) les entreprises de distribution :

(i) devraient donner priorité à la fourniture des services de programmation canadienne, et ce en particulier par les stations locales canadiennes,

(ii) devraient assurer efficacement, à l'aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables,

(iii) devraient offrir des conditions acceptables relativement à la fourniture, la combinaison et la vente des services de programmation qui leur sont fournis, aux termes d'un contrat, par les entreprises de radiodiffusion,

(iv) peuvent, si le Conseil le juge opportun, créer une programmation -- locale ou autre -- de nature à favoriser la réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion, et en particulier à permettre aux minorités linguistiques et culturelles mal desservies d'avoir accès aux services de radiodiffusion.

Déclaration

 

(2) Il est déclaré en outre que le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d'atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome.

 

 

PARTIE II : MISSION ET POUVOIRS DU CONSEIL EN MATIÈRE DE RADIODIFFUSION

 

 

Mission

 

5. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, ainsi que de la Loi sur la radiocommunication et des instructions qui lui sont données par le gouverneur en conseil sous le régime de la présente loi, le Conseil réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion.

 

Réglementation et surveillance

 

(2) La réglementation et la surveillance du système devraient être souples et à la fois :

a) tenir compte des caractéristiques de la radiodiffusion dans les langues française et anglaise et des conditions différentes d'exploitation auxquelles sont soumises les entreprises de radiodiffusion qui diffusent la programmation dans l'une ou l'autre langue;

b) tenir compte des préoccupations et des besoins régionaux;

c) pouvoir aisément s'adapter aux progrès scientifiques et techniques;

d) favoriser la radiodiffusion à l'intention des Canadiens;

e) favoriser la présentation d'émissions canadiennes aux Canadiens;

f) permettre la mise au point de techniques d'information et leur application ainsi que la fourniture aux Canadiens des services qui en découlent;

g) tenir compte du fardeau administratif qu'elles sont susceptibles d'imposer aux exploitants d'entreprises de radiodiffusion.

Conflit

(3) Le Conseil privilégie, dans les affaires dont il connaît, les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion en cas de conflit avec ceux prévus au paragraphe (2).

Équité en matière d'emploi

 

(4) Les entreprises de radiodiffusion qui sont assujetties à la Loi sur l'équité en matière d'emploi ne relèvent pas des pouvoirs du Conseil pour ce qui est de la réglementation et de la surveillance du domaine de l'équité en matière d'emploi.


ANNEXE VIII : EXTRAIT DE LA LOI SUR LA CONCURRENCE

 

Éléments à considérer

 

93. Lorsqu'il détermine, pour l'application de l'article 92, si un fusionnement, réalisé ou proposé, empêche ou diminue sensiblement la concurrence, ou s'il aura vraisemblablement cet effet, le Tribunal peut tenir compte des facteurs suivants :

a) la mesure dans laquelle des produits ou des concurrents étrangers assurent ou assureront vraisemblablement une concurrence réelle aux entreprises des parties au fusionnement réalisé ou proposé;

b) la déconfiture, ou la déconfiture vraisemblable de l'entreprise ou d'une partie de l'entreprise d'une partie au fusionnement réalisé ou proposé;

c) la mesure dans laquelle sont ou seront vraisemblablement disponibles des produits pouvant servir de substituts acceptables à ceux fournis par les parties au fusionnement réalisé ou proposé;

d) les entraves à l'accès à un marché, notamment :

(i) les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce international,

(ii) les barrières interprovinciales au commerce,

(iii) la réglementation de cet accès,

et tous les effets du fusionnement, réalisé ou proposé, sur ces entraves;

e) la mesure dans laquelle il y a ou il y aurait encore de la concurrence réelle dans un marché qui est ou serait touché par le fusionnement réalisé ou proposé;

f) la possibilité que le fusionnement réalisé ou proposé entraîne ou puisse entraîner la disparition d'un concurrent dynamique et efficace;

g) la nature et la portée des changements et des innovations sur un marché pertinent;

h) tout autre facteur pertinent à la concurrence dans un marché qui est ou serait touché par le fusionnement réalisé ou proposé.

 


ANNEXE IX : EXTRAIT DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES

 

Avis et annonces

 

11. (1) Les textes -- notamment les avis et annonces -- que les institutions fédérales doivent ou peuvent, sous le régime d'une loi fédérale, publier, ou faire publier, et qui sont principalement destinés au public doivent, là où cela est possible, paraître dans des publications qui sont largement diffusées dans chacune des régions visées, la version française dans au moins une publication d'expression principalement française et son pendant anglais dans au moins une publication d'expression principalement anglaise. En l'absence de telles publications, ils doivent paraître dans les deux langues officielles dans au moins une publication qui est largement diffusée dans la région.

 

Importance

(2) Il est donné dans ces textes égale importance aux deux langues officielles.

 


ANNEXE X : L’ENTENTE D’INTERFACE

 

Entente d’interface entre le CRTC et le Bureau de la concurrence

 

8 octobre 1999

Interface entre le Bureau de la concurrence et le CRTC

 

Introduction

Pendant que se poursuit la transition des industries de la radiodiffusion et des télécommunications de monopoles réglementés à des marchés concurrentiels, il serait utile de définir la compétence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) aux termes de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion, ainsi quecelle du Bureau de la concurrence selon la Loi sur la concurrence.

Cette démarche est nécessaire notamment en raison du rôle complémentaire de ces deux organismes et du fait que le Conseil ne s’intéresse plus seulement à l’ouverture des marchés à la concurrence, mais qu’il s’abstient aussi de réglementer dans le domaine des télécommunications.

Les intervenants de ce secteur, y compris le grand public, ont besoin d’éclaircissements et de certitudes à propos du cadre législatif et réglementaire qui régit les affaires des entreprises de télécommunications et de radiodiffusion.

Le présent document ne vise aucunement à limiter la responsabilité ou la compétence du Conseil ou du Bureau en matière d’application des lois respectives dont ils sont responsables. On sait que le Conseil a bien d’autres objectifs que ceux liés à la concurrence, tandis que le Bureau s’occupe principalement de questions de concurrence.

On peut regrouper en quatre domaines les questions relatives à la compétence en matière de concurrence :

1.                  les domaines dans lesquels le Conseil s’est abstenu de réglementer ou a soustrait une catégorie d’entreprises à l’application de la loi;

2.                  les domaines dans lesquels tant le Conseil que le Bureau sont tous deux compétents;

3.                  les domaines dans lesquels le Conseil exerce une compétence exclusive;

4.                  les domaines dans lesquels le Bureau exerce une compétence exclusive.


 

1. Domaines dans lesquels le Conseil s’est abstenu de réglementer ou a soustrait une catégorie d’entreprises à l’application de la loi

Contexte

En vertu de la Loi sur les télécommunications, le CRTC est habilité à soustraire des catégories d’entreprises à l’application de la Loi. Les décrets d’exemption peuvent être assortis de conditions. Le Conseil peut aussi s’abstenir en tout ou en partie d’exercer la plupart de ses responsabilités de réglementation s’il conclut, par exemple, que les services ou les catégories de services sont suffisamment concurrentiels pour protéger les intérêts des usagers et qu’il est peu probable que cette abstention compromette indûment la création ou le maintien d’un marché concurrentiel. Les décrets d’abstention peuvent aussi être conditionnels, modifiés ou annulés.

À titre de loi d’application générale, la Loi sur la concurrence dispose d’un cadre administratif établi, d’une jurisprudence et d’une norme ou critère d’«empêchement ou (de) diminution sensibles de la concurrence» lié au marché qui aident à résoudre les problèmes en matière de concurrence. Toutefois, il est généralement reconnu que, pendant la transition vers des marchés concurrentiels, d’autres garanties en matière de concurrence, en plus de celles qui sont offertes par la Loi sur la concurrence, sont nécessaires.

Procédure

§                     Dans les cas où le Conseil a soustrait une catégorie d’entreprises à l’application de la loi de façon inconditionnelle ou s’est abstenu de réglementer en tout et sans condition, la Loi sur la concurrence s’appliquerait jusqu’à ce qu’il exerce son pouvoir d’examiner, d’annuler ou de modifier ses décrets et ses décisions d’abstention ou d’exemption.

§                     Dans les cas où le Conseil ne s’est abstenu qu’en partie de réglementer, ou a soustrait sous condition une catégorie d’entreprises à l’application de la loi ou s’est abstenu sous condition, le Bureau estime que la Loi sur la concurrence s’appliquerait à toutes les activités soustraites à la réglementation ainsi qu’à celles dont le Conseil s’est abstenu en partie ou sous condition de réglementer.

§                     Autant que possible, le Conseil précise dans ses décrets et ses décisions les pouvoirs et les fonctions qu’il cessera d’exercer.

Les garanties transitoires

Comme tous les marchés ne sont pas encore réellement concurrentiels, le Conseil continuera à faire respecter des garanties réglementaires pour traiter, notamment, du groupement de services offerts par les compagnies de téléphone, des questions contractuelles touchant les immeubles d’habitation et les questions d’accès les concernant, et les pratiques en matière de droits exclusifs de diffusion. Pendant la transition vers les marchés concurrentiels, le Conseil peut régler ces questions plus efficacement qu’une approche au cas par cas sous le régime de la Loi sur la concurrence ne permettrait de le faire.

L’interfinancement anticoncurrentiel est une question digne de mention dans la transition vers la concurrence. Jusqu’à ce que tous les marchés de télécommunications soient réellement concurrentiels, le Conseil devra offrir une protection contre l’interfinancement, par les entreprises déjà en place, de services offerts dans des marchés fort disputés avec des revenus provenant de services offerts dans des marchés dépourvus de concurrence réelle. Les critères d’imputation et les restrictions en matière de groupement de servicesimposés par le Conseil visent à résoudre ce problème. Les garanties imposées par le Conseil diminuent de façon significative la probabilité d’interfinancement anticoncurrentiel.

Dans les cas où le Conseil estime que les marchés sont devenus suffisamment concurrentiels et où il s’abstient de réglementer, la Loi sur la concurrence devrait s’appliquer en cas de prix anticoncurrentiels, le cas échéant.

2. Domaines dans lesquels le Conseil et le Bureau sont tous deux compétents  

(a) Examen des fusionnements

Contexte :

Aux termes de la Loi sur les télécommunications, l’approbation préalable des fusionnements d’entreprises de télécommunications n’est pas nécessaire. Toutefois, aux termes de cette loi, le CRTC est expressément chargé de veiller au respect des règles relatives à la propriété et au contrôle des entreprises canadiennes par des étrangers et il a un vaste pouvoir de réglementation sur le système de télécommunication canadien. Sous le régime de la Loi sur la concurrence, tous les fusionnements sont soumis à un examen et le Bureau doit être formellement avisé au préalable des transactions qui excèdent le seuil économique prévu.

Aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, l’approbation préalable du Conseil est nécessaire pour les changements de contrôle ou de propriété des entreprises titulaires de licences. Alors que l’examen du Bureau en matière de fusionnements porte exclusivement sur les effets de la concurrence, l’étude du Conseil prend en considération une gamme plus vaste d’objectifs définis par la Loi. Elle peut notamment aborder des questions de concurrence dans le but de réaliser la politique énoncée dans la Loi. En ce qui concerne les marchés de la radiodiffusion et de la télédiffusion, le Bureau se préoccupe principalement de l’incidence sur les marchés de la publicité et, en ce qui concerne les entreprises de distribution de services de radiodiffusion, des choix du consommateur et des prix qui lui sont offerts. Les préoccupations du Conseil englobent celles du Bureau, mais son étude des marchés de la publicité a trait à la capacité des radiodiffuseurs de réaliser les objectifs énoncés dans la Loi.

En général, la politique du gouvernement et du Conseil est d’encourager la concurrence dans le domaine de la radiodiffusion, en particulier dans la distribution de services de radiodiffusion.


 

Procédure :

Par conséquent, pour ce qui est de l’examen des fusionnements :

4.                  il existe une compétence parallèle.

5.                  toute transaction doit être conforme à la loi appliquée par les deux organisations.

6.                  les exigences concernant les fusionnements et les préavis connexes que l’on retrouve dans la Loi sur la concurrence s’appliquent aux fusionnements d’entreprises de télécommunications et de radiodiffusion.

7.                  l’examen effectué par le Conseil aux termes de la Loi sur les télécommunications vise à faire respecter les restrictions en matière de propriété et de contrôle des entreprises canadiennes par des étrangers et peut comprendre d’autres questions réglementaires découlant de la transaction - aucune approbation préalable, en soi, n’est requise.

8.                  l’examen effectué par le Conseil aux termes de la Loi sur la radiodiffusion vise les changements de contrôle ou de propriété des entreprises titulaires de licences en vertu de la Loi.

(b) Pratiques commerciales

Selon les circonstances de chaque cas particulier, les pratiques commerciales peuvent être abordées par le Conseil ou par le Bureau.

Par exemple, le Conseil s’occupera des plaintes concernant les pratiques de maraudage dans le secteur de la téléphonie, mais le Bureau pourra prendre des mesures si ces pratiques comportent un élément de publicité fausse ou trompeuse. La Loi sur la concurrence s’applique à toute publicité fausse ou trompeuse dans l’industrie des communications, ainsi qu’à la fraude par télémarketing.

Le Bureau estime que la Loi sur la concurrence doit s’appliquer à l’exclusivité, aux ventes liées et autres formes de limitation du marché qui ne sont pas assujetties aux garanties réglementaires imposées par le Conseil.

Le Conseil et le Bureau seraient tous deux en faveur de l’utilisation de codes de déontologie ou de modèles d’ombudsman comme moyens complémentaires pour répondre aux préoccupations des consommateurs. Si nécessaire, le Conseil et le Bureau étudieront les codes de déontologie afin de s’assurer que ceux-ci sont conformes aux lois qu’ils appliquent.

3. Domaines dans lesquels le Conseil exerce une compétence exclusive

Contexte

L’interconnexion et l’accès sont des éléments essentiels de la concurrence dans le domaine des télécommunications. Ils nécessitent un degré élevé de connaissances techniques et économiques, ainsi que des modes de règlement de conflits commodes et rapides. Bien que la Loi sur la concurrence s’applique aux questions d’accès et d’interconnexion dans le secteur non réglementé des réseaux, ces questions constituent un élément essentiel de réglementation économique par le CRTC dans le domaine des télécommunications.

Procédure

§                     Le CRTC continuera d’aborder les questions relatives à l’interconnexion et à l’accès.

4. Domaines dans lesquels le Bureau exerce une compétence exclusive

Contexte

Des pratiques, comme les complots qui visent à fixer les prix ou autrement empêcher ou diminuer indûment la concurrence, le truquage des offres et le maintien des prix sont passibles de sanctions pénales en vertu de la Loi sur la concurrence.

Procédure   

Le Bureau s’occupera de la fixation des prix, du truquage des offres et du maintien des prix.


ANNEXE XI : EXEMPLE DE CONTRAT DE PIGISTE DE L’AGENCE DE PRESSE CANWEST NEWS SERVICE

 

Cette entente pour pigiste (l’« entente ») établit les modalités de l’accord entre l’agence de presse CanWest, division de CanWest Publications Inc. (« CanWest ») et la personne susnommée (« pigiste ») pour les services de pige portant sur la  rédaction et la fourniture de documents ou d’autre matériel (« contenu ») pour le compte de CanWest.

1. CanWest peut, occasionnellement, embaucher un pigiste qui lui fournira du contenu. Cette entente s’appliquera à tout contenu fourni à CanWest par le pigiste, sans autre formalité, jusqu’à ce que la rédaction soit terminée.

2. Le pigiste reconnaît et accepte que son travail soit rémunéré à forfait. Aucune disposition dans cette entente ne sera interprétée de façon à établir une relation d’employeur à employé entre CanWest et le pigiste, laquelle relation sera celle d’un entrepreneur indépendant. Le pigiste reconnaît qu’il sera l’unique responsable de toutes déductions et de toutes remises nécessaires que ce soit aux fins de l’impôt sur le revenu ou en lien avec le salaire versé aux termes de la présente entente. Le pigiste accepte que le contenu, la présente entente et les services de pige ne soient assujettis à aucun syndicat et à aucune convention collective et qu’ils ne le deviennent pas.

3. Le pigiste, par la présente, accorde et cède irrévocablement à CanWest tous les droits de quelque nature que ce soit en ce qui a trait au contenu (notamment le droit d’auteur), et accepte que CanWest ait le droit exclusif d’utiliser et d’exploiter le contenu peu importe la manière ou les médias utilisés, qu’ils soient connus maintenant ou conçus ultérieurement, partout sur la planète, et ce, à perpétuité. Il demeure entendu que le pigiste n’aura pas le droit de revendre ni de republier le contenu sans l’autorisation explicite et écrite de CanWest. CanWest sera habilité à publier le contenu, et le pigiste par la présente y renonce en faveur de CanWest et attribue tous « droits moraux » à l’égard du contenu. Aucune disposition dans le présent contrat n’obligera CanWest à employer ou à publier le contenu de quelque manière que ce soit. Les droits octroyés en vertu du présent contrat peuvent être accordés gratuitement ou en sous-licence par CanWest à un tiers.

4. Le pigiste déclare et garantit que le contenu est totalement original, qu’il a le droit inaliénable de transmettre les droits accordés dans la présente entente, et que le contenu n’empiètera pas sur les droits – personnels ou propriétaux - d’aucune partie tiers ou ne les violera pas, y compris les droits d’auteur. Le pigiste, par la présente, garantit et exonère CanWest contre tous dommages ou toutes responsabilités pouvant découler de la violation de la part du pigiste de cette entente ou de toute autre représentation ou garantie. Les droits et les recours du pigiste ci-dessous seront limités au droit, s’il y a lieu, d’obtenir des dommages-intérêts accordés en vertu de la loi et le pigiste n’aura aucun droit dans un tel cas, de résilier, d’annuler, d’imposer ou de restreindre les droits accordés par CanWest.

5. Cette entente sera régie par les lois de la province de l’Ontario et du Canada applicables dans la présente entente et sera soumise à l’ordonnance de leurs tribunaux respectifs. CanWest ou le pigiste peuvent mettre fin à cette entente par un préavis écrit de trente (30) jours, à condition que CanWest conserve tous les droits sur tous les contenus fournis antérieurement. Ceci constitue la totalité de l’entente intervenue entre les parties.

 


ANNEXE XII : CRITÈRES D’ADMISSIBILITÉ AU PROGRAMME D’AIDE AUX PUBLICATIONS

 

Les critères d’admissibilité au PAP proviennent du site Web du ministère du Patrimoine canadien :

Afin d'être admissibles, les publications doivent rencontrer certaines exigences telles que décrites dans le Guide d'enregistrement du candidat. Les principaux éléments de ces critères sont :

  • avoir complété une année financière et avoir produit un cycle d'édition complet;
  • être de propriété et sous contrôle canadiens;
  • être éditée, conçue, assemblée, publiée et imprimée au Canada;
  • un minimum de 50p. 100 de la diffusion totale doit être du tirage payé à des abonnés véritables ou des ventes par le biais de kiosques ou détaillants;
  • contenir une portion importante de contenu original produit par des Canadiens;
  • une allocation maximale moyenne de 70p. 100 d'espace publicitaire;
  • une fréquence minimale de 2 fois l'an et maximale de 56 fois l'an;
  • prix minimal d'abonnement de 12 $ ou plus par année ou valeur de 1 $ par numéro, et prix minimum de vente au numéro de 0,50 $ dans le cas d'un journal hebdomadaire et d'au moins 1 $ dans le cas d'un périodique[48].

ANNEXE XIII : LES SERVICES DE LA SRC

 

La Société Radio-Canada exploite quatre réseaux radiophoniques exempts de publicité et deux réseaux de télévision ainsi que des services de nouvelles et d’informations offerts 24 heures sur 24, soit le CBC Newsworld et le Réseau de l’information. Elle exploite également trois chaînes de télévision spécialisées (Country Canada, ARTV et une chaîne documentaire), des services en langue anglaise et française sur le World Wide Web, des services de programmation sur Internet pour les jeunes anglophones et francophones, et Galaxie, un service audio numérique qui offre 30 chaînes musicales.

Bien que Radio Canada exploite un nombre important de services sur différentes plates-formes, les parts d’écoute des principaux réseaux de télévision ont diminué au cours des vingt-cinq dernières années. Ce déclin est attribuable à la fragmentation des auditoires des radiodiffuseurs publics et privés, qui s’est produite au fur et à mesure que le nombre de chaînes a augmenté[49] ainsi qu’à la décision prise par la Société Radio-Canada d’accroître la proportion du contenu canadien offert sur ses réseaux de télévision.

Malheureusement, la chute vertigineuse des parts d’écoute au cours des deux dernières décennies s’est produite parallèlement à la diminution des crédits parlementaires. L’énorme perte de recettes a contraint Radio-Canada à se concentrer sur les activités génératrices de recettes – la publicité diffusée durant les nouvelles télévisées et une forte dépendance sur la radiodiffusion d’évènements sportifs –.

Bien que les parts d’écoute aient fléchi au cours des vingt dernières années, la Société Radio-Canada demeure une source de nouvelles importantes pour les Canadiens. Le tableau suivant présente les parts d’écoute des diverses nouvelles au cours de l’automne 2005.


 

 

Tableau

Auditoires des informations présentées en début de soirée et tard dans la nuit  sur les réseaux canadiens de langue anglaise

Du 30 août 2004 au 3 avril 2005

Réseau

Jour

Heure

Aud. moyenne 2+

(en milliers de minutes)

CBC

 

 

 

Canada Now – National

Lun.-ven.

18 h-18 h 30

270

Canada Now – Local

Lun.-ven.

18 h 30-19 h

285

The National

Lun.-ven.

22 h-22 h 25

673

The National – 2nd edition

Lun.-ven.

23 h-23 h 25

186

Saturday Report

Sam.

18 h-18 h 30

213

Sunday Night News

Dim.

22 h-22 h 25

650

 

 

 

 

CBC Newsworld

 

 

 

The National

Lun.-ven.

21 h-21 h 25

123

The National

Lun.-ven.

24 h-24 h 25

57

The National (sept.-déc.)

Lun.-ven.

3 h-3 h 25

13

The National (janv.-avr.)

Lun.-ven.

17 h -17 h 25

5

Saturday Report

Sam.

17 h -17 h 30

47

Saturday Report

Sam.

21 h-21 h 30

74

Saturday Report

Sam.

24 h-24 h 30

51

Sunday Night News

Dim.

21 h-21 h 25

110

Sunday Night News

Dim.

24 h-24 h 25

58

Sunday Night News (oct.-déc.)

Dim.

3 h-3 h 25

13

Sunday Night News (janv.-avr.)

Dim.

5 h -5 h 25

4

 

 

 

 

CTV

 

 

 

CTV Evening News

Lun.-ven.

18 h – 19 h.

1 480

CTV Evening News

Sam.-dim.

18 h – 19 h

901

CTV National News

Lun.-dim.

23 h – 23 h 30.

898

CTV Late Night News

Lun.-dim.

23 h 30 - minuit

506

 

 

 

 

Global (National)

 

 

 

Global News

Lun.-ven.

17 h 30 – 18 h 30

921

Global National

Lun.-ven..

18 h 30 – 19 h

714

Global News/Sports

Lun.-ven.

23 h – minuit

287

Global National (au 27 fév.)

Sam.-dim.

18 h 30 – 19 h

430

Source :  Service de recherche de Radio-Canada et Analyse stratégique (Nielsen Media Research)

La radio de la Société Radio-Canada, française et anglaise, offre un service unique qui ne fait pas double emploi avec les radiodiffuseurs privés. Parce qu’elle offre un service unique et ne diffuse aucune publicité, elle obtient des parts d’écoute qui sont considérablement plus élevées que celles obtenues par la télédiffusion de Radio-Canada. Ainsi, pour toute la programmation, les principaux services de radio (français et anglais) ont des parts d’écoute de plusieurs fois plus élevées que les services de télévision (p. ex., 15 p. 100 pour la radio contre moins de 5 p. 100 pour la télévision de langue anglaise). Il y a des leçons à apprendre de cette situation.

Bien que les parts d’écoute de la télévision de langue française soient plus élevées que celles de la télévision de langue anglaise, elles ont diminué depuis l’avènement d’un plus grand nombre de chaînes spécialisées de langue française.

Il est incontestable que la Société Radio-Canada apporte une contribution considérable au système de radiodiffusion canadien. Elle offre aux Canadiens un contenu canadien important, et exploite un grand nombre de services divers qui permet aux Canadiens de voir et de connaître les différentes régions du pays. Elle joue également un rôle de rehausseur de barre pour les autres services de nouvelles puisque le secteur privé se dispute les faveurs des téléspectateurs avec Radio-Canada[50].

Comme un témoin l’a déclaré au Comité;

Nous voudrions attirer votre attention sur une étude réalisée il y a quelques années pour la BBC par McKinsey & Company. Elle portait sur le rôle de la plupart des grands radiodiffuseurs publics dans 20 pays répartis sur quatre continents. Selon McKinsey, l'analyse fait clairement ressortir un lien solide entre la santé et le financement du radiodiffuseur public et la qualité générale du marché de la radiodiffusion. Un radiodiffuseur public solide comme la BBC, qui produit des émissions ayant un caractère bien distinct, crée ce que McKinsey appelle un cercle vertueux avec ses concurrents du secteur privé. Parce que la BBC produit de meilleures émissions, les radiodiffuseurs privés sont forcés de faire la même chose.

Arthur Lewis, directeur général

Nos ondes publiques

9 octobre 2003


ANNEXE XIV : CODES DE CONDUITE ET ÉNONCÉS DE PRINCIPE

 

1.      Brunswick News Inc. Philosophie d'exploitation et liberté de presse  (texte intégral)

 

            [traduction]

La philosophie d'exploitation de BNI peut se résumer succinctement comme suit:

·         Les journaux de BNI s'efforcent d'être une source d'information de confiance, respectée et précise pour les communautés du Nouveau-Brunswick qu'ils desservent.

·         Nos journaux reflètent les valeurs grand public générales des citoyens du Nouveau-Brunswick. Nos journaux traitent les gens avec dignité et respect. Ce que nous publions est en accord avec les normes de notre communauté, sachant qu'elles évolueront et changeront au fil du temps.

·         Les journaux de BNI couvrent les nouvelles le plus impartialement possible sans hantise ni préférence. Nous dénonçons les mauvaises actions, la fourberie ou l'abus de pouvoir, public ou privé. Nous croyons aux principes de vérité, de justice et de précision. Quand nous faisons des erreurs, nous les admettons et les corrigeons rapidement.

·         Le rôle de nos journaux est de servir leurs lecteurs et les néo-brunswickois en général et d'être en mesure de fonctionner sur une base financièrement viable[51].

2.      CanWest Global – Normes journalistiques (texte intégral)

 

[traduction]

EXACTITUDE

 Notre tâche principale est d'informer nos lecteurs de la façon la plus juste et la plus exacte possible. Nous devons nous appuyer sur des faits obtenus par l'entremise de sources dignes de foi et qui reflètent le plus justement possible le contexte de la nouvelle.

FAUTES ET ERREURS

Quand un reportage contient des erreurs ou des omissions, nous avons le devoir de publier un rectificatif, promptement et sans nous faire prier.

IMPARTIALITÉ ET ÉQUILIBRE

Les reportages doivent être justes, impartiaux et faire valoir les points de vue opposés. Les personnes qui font l'objet de reportages doivent avoir la possibilité d'émettre leur point de vue; s'il y a manquement, ce point de vue, une fois obtenu, doit être publié à la première occasion. Les journalistes et les rédacteurs en chef doivent faire tous les efforts possibles pour mettre de côté leurs préjugés afin de fournir aux lecteurs une couverture juste et équitable.

DIVERSITÉ DES POINTS DE VUE

Bien que le propriétaire donne le ton rédactionnel dans son ensemble, les rédacteurs en chef doivent fournir aux lecteurs un large éventail de points de vue sur les sujets d'intérêt public. Nos salles de presse doivent encourager les discussions et les débats intelligents sur les sujets du jour, et ce, aussi bien à l'intérieur du journal que comme partie du paysage médiatique canadien.

OPINION

Les articles d'opinion doivent être publiés dans le but d'aider les lecteurs à comprendre et à évaluer les événements. Les collaborateurs ont pleine autorité, mais doivent faire preuve d'intégrité intellectuelle et de discipline littéraire. Les opinions doivent être basées sur les faits et non sur une conjecture énoncée comme un fait avéré. Les critiques énoncées doivent l'être dans le respect et basées sur des divergences d'opinions, excluant toute attaque personnelle. Les articles d'opinion doivent être clairement identifiés comme tels, de manière à ce qu'ils se distinguent des reportages.

SOURCES

Le premier principe est d'identifier clairement les sources utilisées pour les reportages et d'éviter les sources anonymes. Cependant, quand les circonstances exigent l'utilisation de sources anonymes, elles doivent être corroborées par une autre source avant la publication. Les lecteurs doivent être informés qu'une telle corroboration a été obtenue afin de démontrer que l'information rapportée est aussi fiable que possible.

PHOTOGRAPHIES

Les photographies doivent être utilisées de façon à ce qu'elles représentent le plus justement possible l'histoire ou l'opinion à laquelle elles sont associées, et non pas pour produire un effet rédactionnel.

MANCHETTES

Les manchettes doivent être rédigées de sorte qu'elles reflètent l'histoire à laquelle elles se réfèrent le plus fidèlement possible, et non pas pour produire un effet rédactionnel. Elles doivent être conformes aux faits décrits dans l'article et éviter un vocabulaire sensationnaliste ou biaisé[52].

 

 

3.      Radio-Canada /CBC – Normes et pratiques journalistiques (extrait)

 

Préambule

1. LIBERTÉ DE LA PRESSE

La liberté de la presse, écrite et électronique, constitue un des fondements de notre société. En fait, la liberté elle-même est inconcevable sans une libre circulation des idées, des opinions et de l'information. Cette notion fondamentale de l'idéal démocratique est également essentielle à la défense de la liberté individuelle. Puisque le journalisme électronique est devenu une composante majeure du monde de l'information, il doit jouir de cette liberté mais aussi en assumer les obligations.

 

La Société Radio-Canada, indépendante du pouvoir politique et gouvernemental pour sa gestion et sa programmation, peut ainsi remplir le rôle qui lui est confié dans le cadre du système canadien de radiodiffusion. L'autorité conférée par le Parlement à son Conseil d'administration garantit l'autonomie de Radio-Canada : les administrateurs délimitent et protègent l'intérêt public en s'assurant que la Société s'acquitte de sa mission. La relation à distance est essentielle à l'indépendance de Radio-Canada, particulièrement en ce qui a trait à ses pratiques journalistiques. Cependant, l'autonomie ne va jamais sans responsabilité.

2. RESPONSABILITÉ DE LA PRESSE

La vie contemporaine est complexe et, conséquemment, le fossé ne cesse de s'élargir entre ce que nous savons et ce que nous devrions savoir pour prendre des décisions éclairées. Nous avons donc un besoin capital de moyens d'information réellement efficaces et crédibles.

 

La question de confiance dans les médias est cruciale. Un public de plus en plus averti compte toujours davantage sur les médias; il s'attend, en même temps, à un niveau de qualité élevé.

 

Pour répondre à ces attentes, les médias doivent assumer leurs responsabilités envers la société. Ces responsabilités découlent de la liberté des médias et de la protection constitutionnelle dont ils jouissent. Les médias électroniques en particulier ont l'obligation de présenter une information équitable, exacte, complète et équilibrée. Ce devoir incombe sans conteste à un diffuseur public comme Radio-Canada, qui doit rendre des comptes au Parlement et à la population du Canada par l'intermédiaire de son Conseil d'administration.

Bien que les principes de bon journalisme ne diffèrent pas d'un média à l'autre, privé ou public, imprimé ou électronique, il peut y avoir des différences importantes dans leur application. À Radio-Canada, ces principes doivent imprégner la pratique quotidienne pour que soit atteint le plus haut niveau d'excellence et d'intégrité[53].

4.      CTV News Policy Handbook (extrait)

 

[traduction]

Sujets  concernant Bell Globemedia ou ses sociétés affiliées

Les sujets concernant Bell Globemedia, le réseau de télévision CTV, ses sociétés affiliées ou ses actionnaires sont couverts suivant les normes d’équité, d’équilibre et d’exactitude qui s’appliquent à tout autre sujet.  Ils ne doivent être couverts ni plus ni moins que les autres.

Les employés de CTV invités à participer l’exploitation de ces sujets sont traités avec la même courtoisie que les autres collaborateurs[54].

5.      Le Devoir (extrait)

 

10.07  Les deux parties (la direction et le syndicat) reconnaissent le droit du public à l’information.  En conséquence, elles reconnaissent que la liberté de la presse n’est pas un privilège exclusif à la presse, mais qu’elle procède du droit fondamental de toute personne d’avoir accès aux faits relatifs à toute question d’intérêt public ou la concernant.  La liberté de presse procède également du droit de toute personne d’exprimer librement et de publier son opinion au sujet de toute question d’intérêt public ou la concernant, d’entendre et de lire aussi les opinions des autres.  Pour la protection de ces droits fondamentaux, il est essentiel que la presse soit libre de rechercher la nouvelle sans obstruction ou ingérence de qui que ce soit, et libre de publier les nouvelles et de les commenter.

En conséquence, et compte tenu des ressources financières du Devoir, l’information doit être :

a)                  exacte, soucieuse de précision et le plus compète possible

b)                  respectueuse du droit des personnes et des institutions à leur réputation, sans préjudice du droit du public à une information libre et la plus complète possible sur toute question d’intérêt public;

c)                  libre de toutes contraintes extérieures;

d)                 ouverte au droit du public d’exprimer son opinion sur les sujets d’intérêt public[55].

6.      The Globe and Mail Style Guide (extrait)

 

[traduction]

Pratiques journalistiques

La crédibilité des nouvelles, des analyses et des opinions publiées dans le Globe and Mail repose sur sa réputation d’honnêteté, d’exactitude, d’objectivité et d’équilibre.  Pour préserver celle-ci, le journal respecte les règles et principes suivants :

Intégrité :  Le Globe and Mail ne demande à personne d’infléchir un article, une chronique, un reportage, une manchette ou quelque autre partie du journal en fonction d’un intérêt ou d’une opinion donnés. Tout employé a le droit de refuser d’écrire un texte qu’il considère faux ou injuste.  Une distinction très claire est toujours faite entre les articles d’opinion du Globe and Mail et la couverture, le choix, la rédaction et la présentation des nouvelles.

Équité :  Le Globe and Mail s’efforce de présenter raisonnablement les vues des camps concurrents dans toute controverse de manière que le lecteur puisse tirer ses propres conclusions[56].

7.      Toronto Star - Les principes d’Atkinson

           

[traduction]

Joseph E. Atkinson, éditeur du Toronto Star pendant cinquante ans, de 1899 à 1948, avait des vues bien arrêtées sur le rôle d’un quotidien dans une grande ville et sur les principes rédactionnels qu’un tel journal doit se donner. Ces valeurs et convictions constituent ce que l’on appelle maintenant les principes d’Atkinson qui, pendant plus d’un siècle, ont guidé le fonctionnement du Star et lui ont donné le ton qui le caractérise.

 

Un Canada fort, uni et indépendant - Atkinson préconisait un gouvernement central fort et l'élaboration de politiques sociales, économiques et culturelles distinctes qui conviennent à un pays indépendant.

Justice sociale - Atkinson luttait continuellement pour que soient mis en place des programmes sociaux et économiques destinés à aider les désavantagés et était particulièrement préoccupé par les plus démunis de la société.

 

Libertés individuelles et civiques - Atkinson insistait pour que tous les citoyens soient traités également par la loi, en particulier les minorités; il était un ardent défenseur des libertés fondamentales de croyance, de pensée, d'opinion et d'expression et de la liberté de la presse.

Engagement communautaire et civique - Atkinson insistait continuellement sur l'importance d'une bonne planification urbaine et de collectivités fortes conservant un tissu social dynamique et sur la participation active des citoyens dans les affaires collectives.

 

Les droits des travailleurs - Le Star est né d'une grève en 1892 et Atkinson était engagé pour les droits des travailleurs et notamment le principe du droit d'association et la sécurité et la dignité du milieu de travail.

 

Le rôle nécessaire du gouvernement - Lorsqu’Atkinson croyait que l'entreprise privée et les forces du marché ne pouvaient répondre au besoin du public, il préconisait vivement l'intervention du gouvernement.

Ces six principes forment l’assise intellectuelle sur laquelle est fondée la politique éditoriale du Star. Pris isolément, ils donnent peu de réponses précises à des questions de politique et de débat. Il faut continuellement les interpréter pour les appliquer à des situations nouvelles et diverses. Cependant, ils constituent une fondation ferme et appuyée pour l'analyse et le raisonnement. Ils offrent également un éclairage sous lequel la couverture des nouvelles peut être organisée pour mettre en lumière des questions dignes d'être débattues[57].

8.      Le Washington Post

 

[traduction]

Après qu’Eugene Meyer a acheté le Washington Post en 1933 et lancé l’entreprise familiale qu’elle est devenue et demeure, il a publié les principes suivants :

 

La mission première d’un journal est de dire la vérité dans la mesure où celle-ci peut être établie.

 

Le journal dit TOUTE la vérité dans la mesure où il peut l’apprendre sur les questions d’importance pour les États-Unis et le reste du monde.

 

En tant qu’organe de diffusion des nouvelles, le journal respecte les règles normales que la décence impose à tout gentilhomme.

 

Le contenu du journal convient à tous les âges, jeunes et vieux.

 

Le journal voit aux intérêts de ses lecteurs et du public en général, pas aux intérêts privés de son propriétaire.

 

Dans la recherche de la vérité, le journal est prêt à des sacrifices financiers, si cela est nécessaire pour le bien public. Le journal n’est l’allié d’aucun intérêt particulier, mais aborde les affaires et les personnalités publiques l’esprit ouvert et libre[58].


ANNEXE XV : MESSAGES D’INTÉRÊT PUBLIC CONCERNANT LA PROPRIÉTÉ CROISÉE

 

1. CTV

 

À titre de membre du Conseil canadien des normes de la radiotélévision, CTV s’engage à respecter les plus hautes normes de télédiffusion et à respecter les codes de déontologie de l’Association canadienne des radiodiffuseurs.  Si vous avez des réserves à propos d'une émission, de l'énoncé de principes ou des pratiques concernant l'indépendance journalistique, veuillez les communiquer par courrier à l’adresse suivante :

Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision
C.P.
3265, Station D
Ottawa (Ontario) K1P 6H8

ou par courriel à l’adresse Complaints@CBSC.ca. Pour obtenir copie de nos énoncés de principes, en faire la demande par écrit à l’adresse suivante :

CTV
C.P. 9, Station O

Toronto (Ontario) M4A 2M9

2.      Global

 

Global Television est membre du Conseil canadien des normes de la radiotélévision. Le Conseil joue un rôle spécial dans la radiodiffusion au Canada, car il contribue à l’application de normes de radiodiffusion et offre un recours au public. Ces normes comprennent  l’énoncé de principes et de pratiques de Global au sujet de la propriété croisée de médias.

Vous pouvez nous faire part de vos commentaires sur notre programmation à l’adresse ou vous pouvez communiquer avec le Conseil à l’adresse suivante :

C.P. 3265, Station D
Ottawa (Ontario) K1P 6H8


ANNEXE XVI : OPINION DISSIDENTE DU SÉNATEUR PAT CARNEY

 

RAPPORT FINAL DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS SUR LES MÉDIAS D’INFORMATION CANADIENS

 

Je souscris aux recommandations du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, à une exception importante près. Je ne crois pas qu’il faille ajouter à la Loi sur la concurrence un article ciblant les projets de fusion d’organisations de collecte de nouvelles. Je crois que lorsque de telles fusions sont faites, la Charte canadienne des droits et libertés de la constitution canadienne protège suffisamment l’ « intérêt public », ainsi que le rapport le signale, car elle fait de la liberté de la presse et des autres médias d’information et de communication une liberté fondamentale.

Au lieu de cela, je propose de renforcer la Loi sur la concurrence de manière à y exiger un examen plus rigoureux de toutes les fusions de sociétés — qu’elles soient du domaine de l’énergie, des médias, des transports ou d’autres domaines — susceptibles de créer des monopoles afin de garantir qu’elles sont dans l’intérêt du public. Mon objection vise la recommandation proposant de traiter les entreprises médiatiques différemment des autres sociétés.

Les restrictions — actuelles ou proposées — imposées à l’égard des médias électroniques par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) témoignent du fait que les ondes sont une ressource publique dont le partage et l’usage doivent être contrôlés dans l’intérêt de leur propriétaire, la population. Mais ce n’est pas le cas lorsqu’il est question de la propriété des entreprises médiatiques mêmes, qu’elles soient privées ou publiques.



[1]              En plus d’être propriétaire des deux seuls quotidiens de langue anglaise de Vancouver (The Province et The Vancouver Sun), CanWest Global est propriétaire de la station de télévision CHAN, la plus populaire de la ville. En plus, CanWest distribue 16 journaux communautaires dans la région de Vancouver, dont le Vancouver Courier, qui est le journal communautaire à la plus grande distribution du  Canada, avec quatre éditions hebdomadaires : des éditions distinctes pour l’ouest et l’est de la ville le mercredi, une édition qui couvre toute la ville le dimanche, et une édition pour le centre-ville le vendredi.

[2]              Le 12 avril 2005.

[3]              Dagenais c. Société Radio-Canada (1994) 3 R.C.S., 835.

[4]              En 2003, Glacier Ventures International Corp. a finalisé l’acquisition de Farm Business Communications, qui publie des périodiques dans des créneaux précis (région, culture et industrie). À la fin de 2001, Glacier avait conclu une entente en vue de l’achat de Western Producer, qui publiait le plus important hebdomadaire agricole du Canada The Western Producer, ainsi que plusieurs publications connexes. Suivant le rapport annuel de la société, ces deux opérations ont fait de Glacier le plus important éditeur d’informations agricoles du Canada.

[5]              CPAC et VisionTV ne se sont pas présentés devant le Comité sénatorial mais ils contribuent à la diffusion de l’information et à la discussion des affaires publiques.

[6]              Les entreprises de cablôdistribution sont tenues de verser 5 p. 100 de leurs recettes au FCT ou 2 p. 100 de celles-ci à la télévision communautaire et 3 p. 100 au FCT.

[7] La famille Thomson a été propriétaire du Globe and Mail de 1980 à 2000 par le biais de sa société de portefeuille Woodbridge Co. Ltd.

[8] Communiqué de presse du CRTC, 4 mai 2006.

[9]              Paul Brent, « CanWest to sell stake in media unit in $1.45 billion IPO », Ottawa Citizen, 9 septembre 2005.

[10]            Eric Reguly, « Osprey Media should fear an empty nest of buyers », Globe and Mail, 4 février 2006.

[11]            Décision du CRTC 2004-503.

[12]            http://www.soundpublishing.com/publications.html.

[13]            Transcontinental, Réunion annuelle des actionnaires de 2002 (c’est nous qui soulignons).

[14]            Victor Mlodecki, vice-président et directeur général, The Brunswick News, 22 avril 2005.

[15]            Bureau de la concurrence, « Intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias : Document d’information destiné au Comité sénatorial permanent des transports et des communications » s.d.

[16]            Bureau de la concurrence, Rapport annuel de 2004 – Examen des fusions.

[17]            Dans sa documentation, Clear Channel parle de 13 000 stations sur le marché de la radio des États-Unis et estime à 9 p. 100 sa part des stations de radio (et à 18 p. 100 sa part des recettes totales de ce secteur). Clear Channel affirme que la concentration est moindre au niveau de la radio que dans les autres branches du secteur des médias et du divertissement.

[18]            http://www.yourmedia.ca/modules/irving/overview/overview.shtml#power.

[19]            En plus des licences accordées à Brunswick News, le CRTC a approuvé plusieurs autres licences de radio pour le Nouveau-Brunswick en 2000. Il s’agit de deux stations de musique chrétienne à basse puissance à Moncton sur la bande FM, deux nouveaux postes de langue anglaise à Moncton sur la bande FM (dont un était une simple conversion de la bande AM à la bande FM) et un nouveau poste commercial de langue française sur la bande FM à Moncton.

[20]            Comme on l’a noté dans le Rapport intérimaire, en 2003, CanWest était propriétaire des deux quotidiens de Vancouver et d’importants journaux communautaires de la région et accaparait 71 p. 100 de l’auditoire des journaux télévisés. Dans le marché francophone de Montréal, Quebecor avait à son actif 60 p. 100 des lecteurs de journaux et 37 p. 100 de l’auditoire des journaux télévisés et était par ailleurs propriétaire de la principale société de câblodistribution.

[21]            Rachel Brandenburger (dir.), Getting the Deal Through – Telecoms and Media, Global Competition Review, 2005.

[22]            Bureau de la concurrence, Intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias : Document d’information destiné au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, non daté (« document à jour en novembre 2003 »).

[23]            Les trois journaux communautaires en cause ici étaient le Vancouver Courier, le North Shore News et le Real Estate Weekly (cette note figure dans l’original).

[24]            Bureau de la concurrence, Intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias : Document d’information destiné au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, non daté. (Le Comité a reçu ce document au début d’avril 2004. Il a probablement été produit à la fin de 2003 ou au début de 2004 : « Ce document était à jour en novembre 2003. »)

[25]          CRTC, « Le CRTC autorise la vente de WIC Western International à CanWest Global et celle de WIC Premium à Corus », communiqué du 6 juillet 2000. Les passages en caractères gras se trouvaient dans l’original.

[26]            CRTC, « Le CRTC autorise la vente de WIC Western International à CanWest Global et celle de WIC Premium à Corus », communiqué du 6 juillet 2000.

[27]            Bureau de la concurrence, Intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias : Document d’information destiné au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, non daté.

[28]            Bureau de la concurrence, Intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias : Document d’information destiné au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, non daté.

[29]            Décision du CRTC 2001-458, par. 107.

[30]            Décision du CRTC 2001-458, annexe 1.

[31]            Décision du CRTC 2001-458, par. 106.

[32]            Bureau de la concurrence, Intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias : Document d’information destiné au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, non daté.

[33]            Le Tribunal, qui a été créé en 1986 lorsque le Parlement a procédé à une réforme en profondeur du droit de la concurrence canadien et a remplacé la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions par la Loi sur la concurrence, est un tribunal qui se spécialise aussi bien dans les domaines de l'économie et des affaires que dans celui du droit. Il entend et tranche toutes les demandes présentées sous le régime des parties VII.I et VIII de la Loi sur la concurrence. Le Bureau a le pouvoir de déposer des affaires civiles devant le Tribunal de la concurrence ou d’autres cours, selon la question à l’étude. (Information tirée des sites Web du Bureau de la concurrence et du Tribunal de la concurrence.)

[34]            Décision 97-482 du CRTC. C’est nous qui soulignons.

[35]            Bureau de la concurrence, Intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias : Document d’information destiné au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, non daté.

[36]            Bureau de la concurrence, Intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias : Document d’information destiné au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, non daté. (C’est nous qui soulignons.)

[37]            Bureau de la concurrence, Intervention du Bureau de la concurrence dans l’industrie des médias : Document d’information destiné au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, non daté.

[38]            Le Consortium canadien de recherche sur les médias (CCRM) a mené un sondage auprès de 3 012 Canadiens en novembre et décembre 2003, sondage dont les résultats ont été communiqués au Comité par Mme Donna Logan, directrice de l’École supérieure de journalisme de l’Université de la Colombie-Britannique. Mme Logan était enquêteur principal dans ce sondage. Quand les questions étaient similaires, les deux sondages ont abouti à des résultats analogues.

[39]            Quand des questions similaires sont posées avec des échantillons de taille analogue, les deux enquêtes produisent des résultats similaires.

[40]            Par exemple, on constate des niveaux plus élevés de négativité et d’aliénation à Montréal et Vancouver qu’à Toronto.

[41]            Page 33.

[42]            Rachel Brandenburger (dir.), Getting the Deal Through – Telecoms and Media, Global Competition Review, 2005.

[43]            Dans son article, M. Schultz fait remarquer que [traduction] « La Loi sur la radiodiffusion est un fatras politique. Bien que certains objectifs de la politique énoncés à l’article 3 soient relativement concrets, certains autres ne sont pas définis – voire même indéfinissables, comme « souveraineté culturelle ». En outre, il n’existe aucun classement, aucune tentative de résoudre les incohérences, les ambiguïtés ou les contradictions patentes. Une des conséquences les plus importantes de ce que je peux qualifier charitablement de liste législative interminable d’objectifs en matière de politique, est en réalité un transfert du pouvoir de légiférer au CRTC, sous réserve de certaines petites contraintes. Cela signifie également…que différents commissaires peuvent à différentes occasions donner aux mêmes objectifs une interprétation et un sens différents. Schultz, op. cit., p. 9.

[44]             L’accord d’interface se trouve à l’annexe XI.

[45]            Schultz, op cit., p. 37.

[46]            Le projet de loi C-59 a été déposé à la Chambre des communes en juin 2005, mais les travaux à ce sujet ont été interrompus par la dissolution du Parlement et le déclenchement des élections en novembre 2005. Il prévoyait l’adoption d’un calendrier des examens aux fins de la sécurité nationale, mais les détails n’en avaient pas été dévoilés.

[47]            On trouvera une description plus détaillée de ce processus dans un document de politique générale intitulé Enterprise Act 2002: Public Interest Intervention in Media Merger que l’on peut se procurer en s’adressant au Ministère du commerce et de l’industrie du Royaume-Uni.

[48]            http://www.pch.gc.ca/progs/ac-ca/progs/pap/faq/faq_f.cfm#3.

[49]            La fragmentation de l’auditoire a été abordée en profondeur dans le Rapport Intérimaire du Comité.

[50]            McKinsey & Company, Public Service Broadcasters Around the World: A McKinsey Report for the BBC (London: McKinsey & Company, 1999).

[51] Extrait du mémoire de Brunswick News Inc. au Comité sénatorial permanent des transports et des communications (22 avril 2005). 

[52] Document daté du  17 octobre 2002.  Dans une lettre adressée au Comité, CanWest Global avait fait part de son intention de placer ce document sur le site de CanWest Global Communications, www.canwestglobal.com, mais le personnel du Comité ne l’y a pas trouvé au moment de la publication du rapport.

 

[53] Le texte intégral des normes et pratiques journalistiques de la Société Radio-Canada se trouve sur le site Internet suivant : http://cbc.radio-canada.ca/responsabilite/journalistique/index.shtml.

 

[54] CTV News Policy Handbook, décembre 2001, page 19.  Remis au Comité le 24 juin 2005.

[55] Extrait d’un document remis au Comité le 30 avril 2004 par Mme Claudette Béliveau, adjointe administrative, pour le compte de M. Bernard Descôteaux, éditeur.

 

[56] The Globe and Mail Style Guide.  Document remis au Comité le 11 mai 2005.

 

[57] Le texte intégral de ce document se trouve sur le site Web du Toronto Star (www.thestar.com).

 

[58] Tiré de The Washington Post Standards and Ethics; le texte intégral de ce document se trouve sur le site Internet suivant :   http://www.asne.org/ideas/codes/washingtonpost.htm.

 


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