Délibérations du comité sénatorial spécial sur
l'Antiterrorisme
Fascicule 5 - Témoignages du 3 mars 2008
OTTAWA, le lundi 3 mars 2008
Le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme, auquel a été renvoyé le projet de loi S-3, Loi modifiant le Code criminel (investigation et engagement assortis de conditions), se réunit aujourd'hui à 14 h 8 pour procéder à l'examen article par article de la mesure législative.
Le sénateur David P. Smith (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, comme vous le savez tous, nos travaux d'aujourd'hui visent principalement à faire l'étude article par article du projet de loi S-3, Loi modifiant le Code criminel (investigation et engagement assortis de conditions).
Les membres sont-ils d'accord pour procéder immédiatement?
Des voix : Oui.
Le président : Acceptez-vous, honorables sénateurs, que le comité procède à l'examen article par article du projet de loi S-3?
Des voix : Nous sommes d'accord.
Le président : Entendu. L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Le sénateur Nolin : Je propose que le projet de loi S-3, à l'article 1, soit modifié par substitution, à la ligne 19, page 2, de ce qui suit :
l'infraction visée au sous-
Ai-je besoin d'expliquer cet amendement?
Le président : J'aimerais avoir une brève explication.
Le sénateur Nolin : Le sénateur Baker a soulevé cette question lors d'une réunion de notre comité et à l'étape de la deuxième lecture. Le ministre, lorsqu'il a comparu devant nous, a convenu de proposer un tel amendement. C'est donc exactement ce que je fais en son nom. Je crois que nous devrions laisser la parole au sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Tout est parfait, monsieur le président. Le sénateur Day pourrait avoir quelque chose à dire.
Le président : Avez-vous des observations?
Le sénateur Day : Donnez-moi quelques instants pour lire la motion.
Le président : Je vous accorde deux minutes. Un amendement doit avoir été mûrement réfléchi.
Est-ce que quelqu'un a quelque chose à ajouter? Avez-vous des questions à poser à l'auteur de la motion?
Le président : Une motion a été officiellement proposée. Est-elle adoptée?
Le sénateur Nolin : Est-il toujours question de l'article 1 du projet de loi?
Le président : Oui.
Le sénateur Nolin : J'aimerais faire un autre amendement pour donner suite à la question soulevée par le sénateur Day. Au nom du ministre, je propose que le projet de loi S-3, à l'article 1, soit modifié par substitution, aux lignes 27 à 29, page 6, de ce qui suit :
(C) sa détention est nécessaire pour ne pas
[Français]
Je propose, au nom du ministre, que soit modifié par substitution, aux lignes 27 à 29, page 6, de ce qui suit :
« (C) ... »
[Traduction]
Le président : Essentiellement, vous proposez d'éliminer « il est démontré une autre juste cause » sans préjudice de ce qui précède « sa détention est nécessaire pour ne pas ».
[Français]
Le sénateur Nolin : Et je le répète en français. Je remplace, aux lignes 27 à 29, par :
« (C) sa détention est nécessaire pour ne pas ».
[Traduction]
Le président : Des commentaires?
Le sénateur Baker : Oui, monsieur le président. Nous appuyons cette modification parce qu'elle cadre avec la décision de la Cour suprême dans l'affaire R c. Hall, 2002, Carswell, Ontario, 3259, au paragraphe 46. Dans cette affaire, le juge en chef, au nom de la cour, a invalidé ce même passage à l'article 515 du Code criminel. Il est donc logique que le gouvernement fasse de même à l'article 1 parce que sinon, les juges auraient tout le loisir d'invoquer une autre juste cause alors que dans les cas de détention, la loi devrait être très précise.
Le sénateur Andreychuk : Je suis d'accord parce que je considère que les mots « il est démontré une autre juste cause » sont un peu comme les mots « relations internationales » dans la Loi sur l'immigration. Nous entrons dans des généralités qui, selon moi, sont difficiles à comprendre pour le public. L'élément essentiel se trouve à la page 6, division 83.3(7)b)(i)(B) du projet de loi, qui concerne la protection et la sécurité du public. Voilà ce dont il est question.
Je crois que cette disposition donne déjà aux tribunaux une bonne marge de manœuvre pour interpréter la loi en pareil cas lors du témoignage des personnes appelées à comparaître. En agissant ainsi, nous renforçons la loi et la rendons moins vague.
Le président : Y a-t-il d'autres commentaires ou questions? La motion est-elle adoptée?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 1 modifié est-il adopté?
Le sénateur Baker : Avons-nous parmi nous un représentant du ministère de la Justice du Canada?
Je voudrais savoir quelle partie du projet de loi est visée. J'aimerais également connaître l'opinion du ministère sur l'ajout d'une référence à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Vancouver Sun (Re), puisque celle-ci a un lien avec cet article.
J'aimerais savoir si le ministère de la Justice considère pertinent d'insérer dans le projet de loi une phrase évoquant la décision de la Cour suprême du Canada.
Le président : J'invoque le Règlement; y a-t-il un représentant du ministère de la Justice dans la salle? Voudriez-vous répondre à la question? Sommes-nous d'accord? Je ne demande pas à ce représentant de répondre à la question, mais j'aimerai bien que le ministère fasse un commentaire.
Pourriez-vous décliner votre identité et nous faire part de votre position?
Yves Parent, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je suis responsable de l'examen de la loi antiterroriste.
Le président : Voulez-vous que nous reformulions la question?
M. Parent : Non, je peux y répondre immédiatement. Je crois avoir abordé le sujet lorsque j'ai comparu devant le comité le 3 décembre à ce propos. On en a également discuté dans le cadre de la réponse du gouvernement aux recommandations. Cependant, nous continuons de croire qu'il est inutile ajouter un article afin de codifier ce qui a été dit dans l'affaire Vancouver Sun (Re), et ce, pour les raisons que j'ai invoquées lors de ma comparution du 3 décembre. Nous craignons qu'il devienne ainsi nécessaire d'énoncer ce type de principe — car c'est bien d'un principe dont il s'agit — dans chaque loi. C'est un risque que nous ne voulons pas courir pour l'instant.
Je reconnais pourtant, comme l'a fait remarquer le sénateur Baker, que l'article 486 du Code criminel stipule que « les processus dirigés contre l'accusé ont lieu en audience publique ».
Il s'agit d'un principe reconnu dans tous les tribunaux. Normalement, les affaires sont entendues en audience publique, à moins que le juge ne dispose de preuves qui le poussent à entendre les causes en privé ou à huis clos. C'est exactement la raison pour laquelle je vous conseille de ne pas ajouter cette référence. Ce faisant, nous ouvririons la porte à la codification du principe d'ouverture. Ce principe existe, a toujours existé et continuera d'exister.
De plus, l'article 486 du Code criminel concerne les accusés. Dans le projet de loi dont il est question ici, on ne parle pas d'accusés, mais de personnes venues livrer un témoignage susceptible d'aider les forces policières dans le cadre d'une enquête sur le terrorisme.
Comme je l'ai fait remarquer lors de ma comparution du 3 décembre, l'ajout de cette référence n'est pas conseillé parce que lorsqu'on essaie de codifier un principe, on alourdit le Code criminel, et ce n'est pas notre intention. Voilà pourquoi je persiste à dire que les aspects de l'affaire du Vancouver Sun (Re) concernant le principe d'ouverture devraient être laissés tels quels et ne devraient pas être codifiés.
Le sénateur Baker : J'ai soulevé la question parce que je suis certain que le témoin sait que deux autres témoins nous ont déjà recommandé d'apporter une modification au projet de loi afin de régler ce point. Je ne sais pas si un autre membre aimerait faire un commentaire à ce sujet. Je n'ai pas l'intention de porter l'affaire plus loin.
Le président : Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite intervenir? Nous cherchons encore à savoir si l'article 1 modifié devrait être adopté. Sommes-nous d'accord?
Des voix : Oui.
Le président : Messieurs, vous pouvez rester ici, au cas où il y aurait d'autres questions.
L'article 2 est-il adopté?
Le sénateur Day : Nous n'avons pas soumis l'article 1 au vote, n'est-ce pas?
Le président : Si, nous venons de l'adopter à l'unanimité avec les amendements proposés.
L'article 2 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté. L'article 3 est-il adopté?
Le sénateur Day : Je prends la parole au nom de sénateur Joyal. J'appuie la modification proposée à la page 8, ligne 40 de la version anglaise et ligne 41 de la version française. Ainsi, à la fin de la ligne, on remplacerait le mot « peut » par le mot « doit » et, dans la version anglaise, on changerait le mot « may » par le mot « shall », ce qui aurait pour effet de renforcer l'article. Donc, la ligne 41 du projet de loi devrait se lire comme suit :
83.28, 83.29 et 83.3 et de leur application doit
Cette formulation se rapproche beaucoup du libellé de l'article 145 de la Loi antiterroriste, qui utilise le mot « doit ». Dans le cas présent, on a changé le mot « doit » par le mot « peut », et nous demandons de remettre le mot « doit ».
Le sénateur Andreychuk : Je ne suis pas totalement contre cet amendement. Je trouve cependant curieux que nous utilisions le mot « doit » en raison de son effet contraignant sur la Chambre. Récemment, nous avons clairement indiqué à la Chambre de ne pas nous dicter notre conduite, par convention et en pratique. Je crois qu'en utilisant « doit », nous imposons une contrainte à la Chambre basse, même si le projet de loi accorde une certaine discrétion plus loin. Selon moi, le mot « peut » est plus permissif et laisse chacun agir à sa guise.
Si la lutte contre le terrorisme et les droits de la personne nous tiennent tant à cœur, je ne crois pas que nous allons relâcher notre vigilance. Je ne pense pas avoir besoin qu'on me rappelle d'être vigilante, je le ferai naturellement. Notre comité a agi de façon très responsable. Il est investi d'un mandat permanent; or, en utilisant le mot « doit » dans le projet de loi, nous admettons pratiquement que nous n'avons pas examiné correctement les travaux jusqu'à maintenant.
Il me semble que l'amendement proposé comprend cette nuance. J'entre peut-être trop dans le détail. Je préfère cependant que nous utilisions « peut », ce qui impose le fardeau et la responsabilité au Sénat et laisse la Chambre des communes agir selon ses propres règles, ses procédures et sa conscience. Le mot « doit » ne me plaît pas, je préfère « peut », mais je ne m'obstinerai pas sur ce point.
Le sénateur Day : J'ai parlé au nom du sénateur Joyal et je vais maintenant exprimer ma propre opinion.
Je me réjouis que le sénateur Andreychuk ne soit pas fermement opposée à la motion et qu'elle accepte l'amendement proposé. Je ferais remarquer que le mot « peut » apparaît à la dernière ligne de l'article. Ce mot accorde au Sénat et à la Chambre des communes une certaine souplesse.
En outre, si je suis bien le sénateur Andreychuk dans sa démarche, celle-ci devrait proposer de remplacer le mot « remet », à la page 9, au paragraphe 83.32(1.2), par « peut remettre ». Je n'ai cependant rien entendu de la sorte. Je suppose donc que si le mot « remettre » lui convient dans ce cas, elle pourrait accepter le mot « doit » à l'article dont il est question ici.
Le président : Sénateur Day, puis-je vous demander d'apporter une précision? Lorsqu'on emploie le mot « peut », on veut dire que l'examen peut être effectué par l'une ou l'autre des chambres ou conjointement. Lorsqu'on utilise « doit », veut-on dire que la Chambre et le Sénat doivent tous les deux réaliser l'examen?
Le sénateur Day : Non, je crois que ce peut être l'une ou l'autre des Chambres ou les deux, qui peuvent agir indépendamment ou conjointement, au cas par cas, comme le permet le reste de l'article. Cependant, si elles décident de procéder à un examen approfondi, le paragraphe 83.32(1.2) stipule qu'elles doivent rédiger un rapport dans un délai d'un an.
Le sénateur Andreychuk : Voilà qui est logique. Si nous disposons d'un pouvoir discrétionnaire, ce pouvoir doit être limité dans le temps. Le mot « doit » me semble donc approprié. À partir du moment où nous décidons de procéder à un examen approfondi, nous disposons d'un certain délai pour le mener à bien. Nous assurons ainsi l'utilisation efficace des ressources afin de répondre aux attentes du public à l'égard de notre travail. Nous travaillons rapidement par la suite.
Cela ne diffère en rien de la date limite du 1er mars, n'est-ce pas? Nous avons travaillé rapidement pour respecter ce délai, et c'est ce que nous ferons si le processus est déclenché. La première option me déplaît tout simplement. J'ai dit ce que j'avais à dire.
Le président : Y a-t-il d'autres questions ou observations sur cet amendement?
Je suis sur le point de mettre aux voix l'amendement. J'essaie de voir si quelqu'un d'autre veut se prononcer là- dessus.
Le sénateur Baker : Le président a-t-il une opinion?
Le président : On me demande si Justice Canada a une opinion au sujet de l'amendement proposé.
M. Parent : Je vais réitérer ce qui a été dit. Ce point a été soulevé par le sénateur Joyal. Je crois que c'était à la suite de la mention d'un rapport de M. Kent Roach. Toutefois, nous avons fait remarquer que c'était la prérogative de l'une ou l'autre des Chambres de demander à ses membres d'entreprendre un examen de la loi en tout temps. Nous avons préféré adopter une telle approche plutôt que de leur imposer un échéancier préétabli. Cette loi évoluera pour ce qui est des outils utilisés par la force policière. Le Sénat et la Chambre des communes seront en mesure de déterminer le meilleur moment pour réclamer un examen, s'ils l'estiment nécessaire. Nous avions recommandé d'utiliser le mot « peut » dans la loi pour permettre cette possibilité.
En ce qui concerne le paragraphe 83.32(1.2) proposé, comme l'a signalé le sénateur Andreychuk, lorsque l'une ou l'autre des Chambres décide de réclamer un examen, dont elle peut choisir le moment à sa discrétion, nous recommandons de laisser le mot « peut ». Une fois que la décision d'entreprendre un examen est prise, l'article proposé prévoit une obligation de fournir le rapport dans un an, d'où l'utilisation du mot « doit ». Nous croyons que c'est la bonne formulation.
Le sénateur Day : Pouvez-vous me confirmer qu'il s'agit d'un changement par rapport à l'article 145 de la Loi antiterroriste, qui contient le mot « doit »?
M. Parent : C'est un changement.
Il faut remettre les choses dans leur contexte. Lorsque la Loi antiterroriste a été adoptée en 2000, il s'agissait d'une nouvelle mesure législative. À l'époque, les parlementaires avaient jugé qu'il serait approprié d'imposer un examen dans un délai fixe parce que c'était nouveau et on voulait revoir un certain nombre des questions soulevées relativement à la loi. Toutefois, maintenant, cinq ou six ans plus tard, on a déjà effectué un processus d'examen. Selon nous, c'est l'évolution de la loi. C'est à vous maintenant de décider quand demander un examen et quelles questions examiner.
Le président : Y a-t-il d'autres questions?
Le sénateur Day : Je veux une confirmation au sujet du changement du libellé antérieur. Cet amendement signifie-t-il qu'on reprendrait le libellé de l'article 145 de la Loi antiterroriste? Voici ce qu'on peut lire à la recommandation 40 du rapport de notre comité :
Que la Loi antiterroriste soit modifiée pour prévoir la tenue, dans les huit ans...
Nous disons qu'il faut huit ans, dans ce cas-ci. Cela sous-entend le mot « doit ». Si nous n'adoptions pas cet amendement, nous irions à l'encontre de notre propre recommandation.
Le président : Y a-t-il d'autres personnes qui veulent se prononcer sur l'amendement avant de passer au vote? Quelqu'un d'autre veut-il prendre la parole?
Êtes-vous d'accord avec l'amendement?
Des voix : D'accord.
Le président : Contre?
Des voix : Contre.
Le président : Sénateur Fairbairn, faisons-nous un vote par appel nominal?
Le sénateur Fairbairn : Ça va pour moi.
Le président : Je sais que ça va pour vous.
J'essaie de déterminer si nous devons procéder à un vote par appel nominal. Je ne peux voter qu'en cas d'égalité.
Adam Thompson, greffier du comité : Non, vous avez une voix délibérative; vous n'avez donc pas de voix prépondérante.
Le président : Sénateur Fairbairn, je suppose que vous votez en faveur de l'amendement.
Le sénateur Fairbairn : Oui.
Le président : Je ne voulais pas vous poser une question suggestive avant de connaître l'avis d'éminents avocats.
D'accord, faisons-le de nouveau. Êtes-vous d'accord avec l'amendement? L'amendement est adopté.
L'article 3 modifié est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 4 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 5 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi modifié est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le comité envisage-t-il d'annexer des observations au rapport?
Comme rien n'est proposé, nous n'annexerons pas d'observations au rapport.
Êtes-vous d'accord pour que je fasse rapport du projet de loi modifié au Sénat?
Des voix : D'accord.
Le président : Je crois que nous allons poursuivre nos travaux à huis clos pour le point suivant. Nous pourrions donc prendre une pause d'une minute.
La séance se poursuit à huis clos.