Qu’en est-il pour nous en Afghanistan?
Les Canadiens ont besoin de savoir
Rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense
Membres du comité
Sén. Colin Kenny – Président
Sén. David Tkachuk – Vice-président
Sén. Joseph A. Day
Sén. Grant Mitchell
Sén. Michael A. Meighen
Sén. Wilfred P. Moore
Sén. Nancy Ruth
Sén. Rod A. A. Zimmer
Deuxième session
Trente-neuvième législature
Juin 2008
Partie 1 : Pourquoi le Canada est-il en Afghanistan?
Défis sur le plan de la sécurité
Défis au chapitre du développement économique et social
Défis aux chapitres de la gouvernance, des droits de la personne et de la primauté du droit
Les défis que pose l’approche pangouvernementale du Canada
Partie 3 : Des progrès en Afghanistan?
Des progrès sur le plan de la sécurité
Des progrès en matière de développement économique et social
Des progrès sur le plan de la gouvernance, des droits de la personne et de la primauté du droit
Des progrès relativement à l’approche pangouvernementale du Canada
Partie 4 : Points de repère et action
Points de repère en matière de sécurité pour le Kandahar et l’Afghanistan
Points de repère en matière de développement pour le Kandahar et l’Afghanistan
Points de repère en matière de gouvernance
Points de repère en matière de primauté du droit
Annexe A : Recommandations de 2007
Annexe B : Lettre nocturne
Annexe C (a) : Carte de l’Afghanistan
Annexe C (b) : Carte de Kandahar
Annexe D : Hommage
LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ
NATIONALE ET DE LA DÉFENSE
39E LÉGISLATURE, 2E SESSION
L’honorable Colin Kenny
Président
L’honorable David Tkachuk
Vice-président
et
Les honorables sénateurs :
Tommy Banks
Michael A. Meighen
Wilfred P. Moore
Nancy Ruth
Rod A.A. Zimmer
*L’honorable Marjory Lebreton, C.P. (ou l’honorable Gerald Comeau)
*L’honorable
Céline Hervieux-Payette, C.P.
(ou l’honorable Claudette Tardif)
*Membres d’office
Autres
sénateurs qui ont participé au travail du comité au sujet de
la mission canadienne en Afghanistan :
Les honorables sénateurs Comeau, Nolin et Peterson.
Conseillers spéciaux du comité :
MGen (ret) Keith McDonald et
Barry Denofsky
Personnel de recherche de la Bibliothèque du Parlement
:
Melissa Radford, Maureen
Shields, Jason Yung et Steven James
Greffières du comité :
Shaila Anwar et Gaëtane Lemay
Extrait des Journaux du Sénat, le mardi 20
novembre 2007 :
L’honorable sénateur Kenny propose, appuyé par l’honorable sénateur Banks,
Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à mener une étude et à faire rapport sur la politique de sécurité nationale du Canada. Le comité sera en particulier autorisé à examiner:
a) la capacité du ministère de la Défense nationale de défendre et de protéger les intérêts, la population et le territoire du Canada et sa capacité de réagir à une urgence nationale ou à une attaque et de prévenir ces situations, ainsi que la capacité du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile de remplir son mandat;
b) les relations de travail entre les divers organismes participant à la collecte de renseignements, comment ils recueillent, colligent, analysent et diffusent ces renseignements, et comment ces fonctions pourraient être améliorées;
c) les mécanismes d’examen de la performance et des activités des divers organismes participant à la collecte de renseignements;
d) la sécurité de nos frontières et de nos infrastructures essentielles;
Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet depuis le début de la première session de la trente-septième législature soient renvoyés au comité;
Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 mars 2009 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant les 90 jours suivant le dépôt de son rapport final.
La motion, mise aux voix, est adoptée.
Le greffier du
Sénat
Paul C. Bélisle
Partie 1 : Pourquoi le Canada est-il en Afghanistan?
Depuis que le Canada a déployé ses toutes premières troupes en Afghanistan, en 2002, nombre de Canadiens ont changé maintes fois d’avis sur la nécessité de la mission. Certains d’entre eux ont vigoureusement défendu la mission; d’autres s’y sont bruyamment opposés partout au pays. Malgré l’existence d’opinions bien tranchées sur la question, la majorité des Canadiens, selon les conversations que nous avons eues avec eux, ne savent probablement pas vraiment si la mission en Afghanistan représente un investissement utile en ressources humaines et financières canadiennes. De même, beaucoup de membres du Comité ont, ces dernières années, considéré cette mission avec des sentiments mitigés.
Les Canadiens sont généralement sensibles à la nécessité d’être disposé à envoyer des troupes à l’étranger pour défendre les intérêts et les valeurs du Canada et aussi pour jouer le rôle que doit jouer tout pays souverain dans la promotion de la stabilité internationale. Mais il y en a pour qui l’Afghanistan a parfois semblé être un lieu étrange pour envoyer nos militaires.
D’abord, l’Afghanistan n’a jamais présenté un intérêt particulier pour les Canadiens. Ensuite, si, au début, la mission dans ce pays ne semblait pas être bien risquée, nous avons appris par la suite que ce n’était qu’une illusion. Alors, pourquoi sommes-nous là-bas?
Le Comité pense que deux raisons, au départ, ont poussé le Canada à intervenir en Afghanistan. La première raison, c’est que le Canada voulait appuyer son allié de longue date, les États-Unis, à un moment où ce dernier avait besoin d’aide. La seconde raison est que toute initiative de la part de notre gouvernement visant à faire échec au terrorisme international, à la demande des Nations Unies, ne pouvait être que bénéfique. Ce n’est qu’en 2003 qu’a commencé à se répandre au pays l’idée que le Canada avait redéployé des troupes en Afghanistan pour apaiser les Américains après que le premier ministre Jean Chrétien eut refusé de soutenir les forces américaines en Iraq.
Une mission impossible?
Le rapport publié par le Comité après sa deuxième visite en Afghanistan, en décembre 2006, était le premier rapport parlementaire dans lequel on trouvait un résumé des formidables obstacles au « succès » canadien en Afghanistan. La longue liste d’obstacles à franchir avait surpris certains journalistes et observateurs à l’époque. Ces défis sont devenus depuis tellement familiers pour tout Canadien réfléchissant à la condition afghane que c’en est déprimant : toutes les tentatives de reconstruction ont été minées par la grande pauvreté, la violence, la faiblesse du gouvernement central, la toute‑puissance des seigneurs de la guerre, la corruption endémique, l’esprit féodal, le manque d’instruction, le legs d’étrangers dont il faut se méfier... sans oublier, bien sûr, les talibans, lesquels sont animés par la ferveur religieuse, financés par les profits du trafic de stupéfiants, implacables, patients et capables de recruter une horde infinie de volontaires le long de la passoire qu’est la frontière pakistanaise.
Pour couronner le tout, les troupes canadiennes en Afghanistan – 1 000 hommes sur le terrain[1] – sont bien trop maigres pour pouvoir exercer un contrôle sur la plus grande partie de la province de Kandahar, un secteur en proie à l’instabilité. Même les renforts promis par l’OTAN en réponse aux exigences du Groupe Manley[2], qui a réclamé l’affectation de 1 000 soldats supplémentaires pour appuyer nos forces à Kandahar, seront insuffisants pour permettre aux troupes alliées de maîtriser la situation dans cette province.
Compte tenu de ce bien sombre tableau, on serait porté à considérer comme sans espoir la mission du Canada en Afghanistan. Or, après sa troisième visite dans ce pays, en mars et avril 2008, le Comité a présenté un rapport plus optimiste que le précédent.
Mythes et demi-vérités
Pour commencer, nous avons dû détruire un certain nombre de mythes populaires à propos de la mission en Afghanistan. Certains d’entre eux étaient peut-être des demi-vérités, mais d’autres étaient si erronés qu’ils nuisaient à toute évaluation impartiale du bien-fondé de la présence du Canada en Afghanistan.
Premier mythe : « Le Canada est en Afghanistan parce que les États‑Unis veulent qu’il y soit. »
L’opinion du Comité :
C’est par solidarité envers ses alliés de l’OTAN et en raison de son engagement à combattre le terrorisme international, aux termes de la résolution 1368[3] du Conseil de sécurité des Nations Unies, que le Canada, en la personne de l’ex-premier ministre Jean Chrétien, a décidé d’envoyer des troupes en Afghanistan en 2001-2002, dans la cadre de l’opération américaine Liberté immuable. Ces troupes sont rentrées au pays en juillet 2002. Mais pourquoi donc y a-t-il eu un redéploiement par la suite?
La plupart des gouvernements canadiens – en particulier les gouvernements libéraux – craignent d’être vus comme trop proches des Américains. Personne ne veut donner l’impression d’être le pantin des États-Unis. Il reste que ses relations avec les États-Unis viennent en tête des priorités du Canada en matière de politique étrangère. Les Américains peuvent se montrer intraitables à l’endroit des Canadiens lorsqu’ils en sentent le besoin, et le gouvernement américain n’a guère prisé la décision du Canada de ne pas envoyer de troupes en Iraq. Nous savons que Jean Chrétien a convenu d’envoyer un contingent canadien en Afghanistan au mois d’août 2003 afin de prêter main-forte à la Force internationale d’assistance à la sécurité à Kaboul et que, exactement deux ans plus tard, en août 2005 donc, son successeur Paul Martin a décidé de redéployer nos troupes de Kaboul à Kandahar, où le Canada a pris le commandement de l’Équipe provinciale de reconstruction[4]. Ce ne sera que lorsque les historiens auront accès aux conversations secrètes du Cabinet, dans plusieurs dizaines d’années, que les Canadiens sauront dans quelle mesure les États‑Unis ont influé sur la décision du Canada d’envoyer des troupes en Afghanistan. D’ici là, on pourra continuer de débattre cette question sur la place publique, comme au sein de notre Comité.
Un changement d’objectif
Que le second déploiement de troupes canadiennes en Afghanistan ait eu ou non pour motif principal d’apaiser les Américains, ce qui compte maintenant, c’est que nous sommes là et que la population afghane – malmenée par trois décennies de guerre et dont l’espérance de vie moyenne est d’une trentaine d’années – a énormément besoin de nous. Une mince possibilité s’offre maintenant aux Afghans de renverser la vapeur. Et nous, les Canadiens, allons les abandonner parce que nous n’avons pas d’intérêts économiques d’envergure en Afghanistan, parce que nous n’avons pas de liens historiques avec ce pays ou parce que les Afghans nous ont souvent laissés tomber?
Une fois qu’ils ont bien réfléchi à la question, ce n’est peut-être pas ce que souhaitent la majorité des Canadiens. Que ce soit par choix ou par hasard, nous sommes en mesure d’aider certaines des personnes les plus démunies et les plus affligées par la guerre. Il se pourrait fort bien que le Parlement du Canada ait prolongé la mission canadienne en Afghanistan jusqu’en 2011 pour des raisons qui ont pris une toute nouvelle dimension au cours des dernières années.
Deuxième mythe : « Les Afghans considèrent les Canadiens comme les derniers d’une longue liste d’envahisseurs étrangers qu’ils doivent tenir à distance, avoir à l’usure et, finalement, renvoyer chez eux. »
L’opinion du Comité :
Les troupes étrangères sont accueillies tantôt par des acclamations assourdissantes, comme ce fut le cas pour les soldats canadiens qui ont libéré les Pays-Bas des Nazis en 1945, tantôt par des huées bien nourries, comme l’ont constaté les troupes soviétiques qui ont envahi l’Afghanistan en 1979. L’intervention canadienne en Afghanistan est loin de susciter l’allégresse qui avait accompagné la libération des Pays-Bas, mais elle ne peut être comparée à l’abominable occupation soviétique. Beaucoup d’Afghans sont emballés par la présence de troupes canadiennes à Kandahar, d’autres pas. Quand on y regarde de plus près, il n’est guère surprenant que certains Afghans appuient la présence actuelle d’une force de l’OTAN mandatée par l’ONU et que d’autres s’y opposent.
La majorité des Afghans détestent, avec raison, les talibans, contrairement à bien des Kandaharis. Il faut savoir que Kandahar est le foyer des talibans et que bon nombre de Kandaharis ont des liens familiaux, religieux et même idéologiques avec eux. En outre, les talibans, qui avaient rendue illégale la vente d’opium lorsqu’ils étaient au pouvoir, distribuent maintenant les profits tirés de ce trafic aux recrues et défendent les champs de pavot des paysans pauvres, dont ils achètent les récoltes. Ils réussissent ainsi à se faire des partisans.
Si les Canadiens combattent dans la région la plus hostile, et la plus importante du point de vue stratégique, de l’Afghanistan, c’est pour permettre au gouvernement afghan de se gagner l’appui du pays tout entier et de se doter d’une capacité policière et militaire grâce à laquelle il pourra rétablir l’ordre dont a besoin l’Afghanistan pour entrer dans le XXIe siècle.
Il ne faut pas croire que tous les Kandaharis souhaitent le départ des troupes de l’OTAN. Les Afghans à qui ont parlé les membres du Comité sans qu’il y ait de responsables canadiens présents ont dit soutenir tant les actions militaires du Canada que ses efforts en matière de développement. Même à Kandahar, nous avons tous les six pu nous rendre compte, d’après les expressions d’appréciation, que, pour un grand nombre d’Afghans à tout le moins, la présence canadienne est appréciée.
Nous ne sommes pas naïfs – certains de ces interlocuteurs nous ont peut‑être dit ce que nous voulions entendre. Mais d’autres étaient clairement des gens courageux qui ne veulent pas revivre sous le joug taliban – des gens qui veulent travailler sur les routes et aller à l’école tout en sachant que les talibans menacent de s’attaquer à ces routes et ces écoles, ainsi qu’à tous ceux qui les utilisent. Ces gens-là veulent échapper à la pauvreté et à la répression, mais ils n’y parviendront jamais si le Canada et les autres pays de l’OTAN s’en vont dans un proche avenir.
L’adaptation à la situation en Afghanistan
Il est vite devenu évident que la lutte contre les talibans causait une quantité excessive de dommages collatéraux et faisait trop de victimes innocentes chez les Afghans. Dans tout conflit militaire, les dommages collatéraux sont une chose inévitable, mais il faut s’efforcer par tous les moyens de les réduire au strict minimum, même si cela signifie que l’on doive freiner nos ardeurs lorsqu’on s’attaque à l’ennemi. Les excès sur ce plan sont non seulement déplorables en soi, mais nuisibles à nos efforts en vue de gagner le soutien de la population. Les troupes canadiennes ont maintenant ordre de ne pas poursuivre les combattants talibans lorsqu’ils se réfugient chez des civils. On met plus l’accent maintenant sur la distribution de l’aide internationale – les militaires contribuent à acheminer l’aide dans la province de Kandahar – et moins sur la poursuite des insurgés.
Le Comité a pu constater que les Forces canadiennes s’efforcent réellement de maintenir à un minimum les dégâts causés par la guerre, même si cela peut être coûteux sur le plan tactique, et d’améliorer la vie des Kandaharis.
Nos militaires comprennent bien maintenant qu’ils sont là pour favoriser l’application d’une solution civile. Compte tenu de la situation sur le plan de la sécurité, les civils ne peuvent s’engager librement dans du travail de développement. Il en résulte que les équipes d’ingénieurs des Forces canadiennes et de coopération civilo-militaire doivent faciliter des projets de développement particuliers à Kandahar.
Gagner le soutien des Afghans
Une nation démocratique est peut-être en train de naître en Afghanistan. Elle a cependant besoin d’aide de l’extérieur afin d’assurer sa sécurité et son développement pendant un certain temps. Durant cette période, les Afghans ne vont pas tous aimer et apprécier la contribution du Canada au processus. Les Canadiens ne peuvent qu’essayer de les gagner à leur cause, et ils semblent mettre beaucoup d’effort à cette tâche.
Le Canada a décidé d’appliquer une démarche collaborative au processus décisionnel. Des experts civils et militaires canadiens travaillent avec des Afghans au niveau national à Kaboul, dans le cadre de l’Équipe consultative stratégique[5], pendant que d’autres travaillent au niveau de la base auprès de chouras[6] locales ou des conseillers des provinces et des districts. Les Canadiens que nous avons rencontrés sur le terrain croient fermement qu’ils sont là pour aider les Afghans à réaliser leurs aspirations et que s’ils échouent, il n’y aura pas de changements durables.
Donc, s’il est vrai que personne ne veut être gouverné indéfiniment par des étrangers armés, il est faux de dire que le Canada n’est qu’un envahisseur de plus dans une longue liste d’envahisseurs honnis.
Troisième mythe : « Le Canada doit concentrer ses efforts de développement dans des pays paisibles, où l’aide peut être distribuée sans assistance militaire. »
L’opinion du Comité :
La plupart des Canadiens soucieux de leur prochain aiment le développement, mais détestent la guerre. Malheureusement, en Afghanistan, il ne peut, pour l’instant, y avoir de développement sans que l’on ait recours à la force pour assurer un certain degré de sécurité. Les talibans ne veulent pas de développement. Ils brûlent les écoles parce que la connaissance menace leur idéologie féodale et que les femmes sont censées servir et non s’instruire. Or, l’Afghanistan a terriblement besoin de développement. En fait, rares sont les pays dans le monde qui en ont autant besoin que lui puisque, en 2007, il occupait le 174e rang sur 178 pays à l’indice de développement humain des Nations Unies[7].
Bien sûr, il serait préférable – et beaucoup plus facile – que le développement en Afghanistan se fasse en l’absence de conflits. Mais, en l’état actuel des choses, le développement ne se produira que si l’une des parties au conflit, les talibans, est à tout le moins tenue en échec.
Il est donc essentiel, pour ses activités de développement en Afghanistan, que le Canada maintienne une présence militaire dans ce pays. Les Canadiens ont fait beaucoup de sacrifices pour mettre en marche des projets de développement en territoire afghan. Les hommes et les femmes à qui nous avons parlé à Kandahar ont d’ailleurs indiqué qu’ils avaient connu l’expérience la plus satisfaisante et la plus enrichissante de leur carrière. S’il devait retirer ses troupes sous prétexte que le développement est une bonne chose, mais pas les interventions armées, et qu’il ne faut pas mêler les deux, le Canada écarterait du coup toute possibilité d’intervention de sa part pour aider des gens dans le besoin dans une zone de conflit. Autrement dit, il refuserait son aide à ceux qui en ont le plus besoin.
Et à ceux qui pensent que le départ du Canada et des autres pays occidentaux mettrait fin au conflit, il faut demander ce qui arriverait par la suite, si cela n’entraînerait pas le retour au pouvoir des talibans.
Le Canada ne doit pas renoncer au développement sous surveillance militaire, et ce, pour trois bonnes raisons :
1. Si les Afghans ont désespérément besoin d’aide, c’est justement parce que leur pays est dévasté par la guerre depuis plus de trois décennies.
2. Si les pays de l’OTAN (dont le Canada) devaient retirer complètement leurs troupes, il n’y aurait pas de développement possible en Afghanistan.
3. La sécurité dans le monde est de plus en plus menacée par l’existence d’États faibles ou sur le point de s’effondrer, qui se sont multipliés au cours des dernières années et qui sont maintenant près d’une cinquantaine. L’Afghanistan fait partie de ces États[8] qui continueront de péricliter à moins d’une intervention sérieuse et soutenue sur les plans de la sécurité et de la reconstruction de la part des pays mieux nantis. Le Canada se concentre pour le moment sur Haïti et l’Afghanistan. Ses contributions dans ces deux États sont essentielles à un plus vaste effort en vue d’aider à stabiliser des États défaillants ou en déroute.
On pourrait penser que mélanger guerre et développement, c’est un peu comme tenter de mélanger de l’huile et de l’eau, mais lorsque développement rime avec sécurité, le mélange s’impose d’emblée.
Quatrième mythe : « Le Canada devrait intervenir au Darfour et non (ou pas seulement) en Afghanistan .»
L’opinion du Comité :
Il y en a pour qui le gouvernement devrait rediriger son attention de l’Afghanistan au Darfour. À première vue, le Canada ferait œuvre utile en se portant au secours des Darfouriens éprouvés par la guerre. D’ailleurs, le Canada participe déjà au Darfour à une initiative internationale destinée à promouvoir la paix sur l’ensemble du territoire soudanais[9]. De sérieux obstacles l’empêchent cependant de dépêcher des troupes au Soudan.
Premièrement, une intervention militaire dans ce pays constituerait carrément une invasion. Les Forces canadiennes sont en Afghanistan à l’invitation du gouvernement afghan. Or, elles n’ont pas reçu d’invitation semblable de la part du gouvernement soudanais. Les militaires étrangers actuellement au Darfour[10] sont ceux de la force hybride de l’Union africaine et des Nations Unies au Darfour (MINUAD). Le gouvernement soudanais, qui bloque l’entrée au pays de la plupart des troupes ne provenant pas d’un pays membre de l’Union africaine, s’ingère dans les opérations de la MINUAD et gêne la distribution de l’aide humanitaire[11].
Deuxièmement, les Forces canadiennes n’ont pas la capacité voulue pour mener de front deux missions extrêmement complexes. Une intervention au Darfour exigerait autant de ressources qu’en Afghanistan, voire davantage. Face à un gouvernement hostile, une insuffisance de ressources ferait courir à nos troupes un risque démesuré.
Il ne faut pas se bercer d’illusions : une mission au Darfour ne serait pas une mission de maintien de la paix. Il y aurait des affrontements armés et peut-être une tentative de renversement du gouvernement soudanais, ce qui serait loin d’être aussi facile que certains voudraient bien le faire croire.
En Afghanistan, nous avons la possibilité d’améliorer le sort des Afghans et aussi d’accroître la stabilité dans le monde. Nous y effectuons une mission humanitaire multilatérale, sous l’égide de l’ONU. Nos chances de réussite seraient bien plus minces au Darfour. Pour certains, le retrait de nos troupes d’Afghanistan et leur redéploiement au Darfour constituerait un acte – ou à tout le moins un objectif – moral en soi, mais il y a de bonnes chances que l’opération tourne à la catastrophe.
Partie 2 : Les défis
Sénateur Tkachuk : Après la Seconde Guerre mondiale, le Japon et l’Allemagne ont plaidé pour la paix, l’ennemi a capitulé, de nouvelles forces ont dirigé ces pays, et ceux-ci ont ensuite entamé le processus de reconstruction. Par ailleurs, ils ont lancé le processus de démocratisation, surtout le Japon. Au Vietnam, nous étions en guerre en même temps qu’on essayait de développer le pays et d’en faire une démocratie. Cet effort n’a pas été couronné de succès. Y a-t-il des données qui montrent que le genre de plans que nous appliquons en Afghanistan et en Irak va fonctionner? Y a-t-il des cas, au cours de l’histoire, où cela a vraiment fonctionné?
Seth Jones, politicologue, RAND Corporation : C’est une excellente question. Il y a une riche histoire de ce qu’on appelle souvent l’«édification d’un État» depuis la fin de la guerre froide — par exemple, les opérations de l’ONU, de l’Europe et de l’OTAN dans les Balkans, en Bosnie, au Kosovo, en Haïti, en Namibie, au Mozambique, au Congo, en Côte d’Ivoire et dans toutes sortes d’autres pays. Je dirais que même cette histoire récente de l’édification d’État, même dans certains cas, dans des situations passablement violentes ou qui auraient pu donner lieu à des actes de violence, comme nous l’avons vu dans les Balkans, nous enseigne une leçon très claire: on ne peut pas le faire à peu de frais. Dans les Balkans, le nombre de soldats était de plusieurs fois supérieur au nombre de soldats déployés en Afghanistan, et la situation était la même au chapitre du développement et de l’aide. En réalité, si on envisage le montant de l’aide et le nombre de soldats déployés en Afghanistan par rapport à la population du pays, c’est l’une des opérations les moins importantes depuis la Seconde Guerre mondiale. J’ai des données là-dessus, si vous voulez les voir. Franchement, je trouve embarrassant que la quantité de ressources fournies soit aussi faible. Il y a deux grandes leçons à tirer: c’est quelque chose qu’il est possible de faire, mais pas à peu de frais. Malheureusement, nous avons essayé de reconstruire l’Afghanistan en procédant à une intervention légère, peu coûteuse. Je crois que l’histoire montre que ce genre de stratégie n’est pas particulièrement susceptible d’être appliquée avec succès[12].
Défis sur le plan de la sécurité
Les talibans ne prisent pas beaucoup ce que d’aucuns appellent le progrès. Ils ne sont pas en faveur de routes mieux pavées, même si elles aideraient les Kandaharis à acheminer le produit de leurs récoltes vers les marchés, parce qu’elles sont plus difficiles à saboter et qu’elles permettent aux troupes canadiennes de se déplacer plus librement. Ils n’aiment pas les écoles, bien qu’elles offrent de meilleures perspectives économiques pour les Kandaharis, parce que l’instruction permet de s’ouvrir au monde. Et ils n’aiment ni les routes ni les écoles tout simplement parce que leur construction est financée par des étrangers, le « Grand Satan ».
Ils profèrent donc des menaces à l’endroit des Kandaharis qui sont employés à la construction de nouvelles routes ainsi qu’à ceux qui vont à l’école ou qui envoient leurs enfants à l’école. Il leur arrive parfois de les aborder dans la rue et même d’adresser des lettres[13] la nuit à la famille, pour qu’ils sachent qu’ils les ont à l’oeil et qu’ils désapprouvent leur conduite.
Un article paru en mars 2008 sur le site Web de la Défense nationale citait ces propos du sergent John H. Dawson, coordonnateur tactique civilo-militaire à Kandahar : « Ces lettres produisent un effet incroyable, mais ce n’est pas tout. Les talibans donnent parfois suite à ces messages en assassinant leurs destinataires[14]. »
Dans quelle mesure les talibans mettent-ils à exécution leurs menaces de mort? Le Comité n’en sait trop rien. On nous a dit que ces choses arrivent, mais nous n’avons pas été en mesure de mesurer la fréquence du phénomène lors de notre visite. Quoi qu’il en soit, les personnes ayant vécu sous le régime brutal des talibans ne prendraient pas à légère des menaces qui leur seraient adressées durant la nuit.
Évidemment, les Kandaharis qui joignent les rangs de la police, laquelle est formée et payée par le Canada et les États-Unis, raccourcissent certainement leur espérance de vie. Des centaines de policiers se sont fait piéger et tuer par les talibans au cours des dernières années.
La mission canadienne fait face à une foule d’obstacles. En voici quelques-uns, qui nous apparaissent particulièrement dignes d’intérêt.
Les routes minées
Sénateur Mitchell : Est-il donc juste de dire que relativement peu de nos soldats sont tués ou blessés à l’occasion de combats directs, parce qu’ils sont si efficaces et si bien entraînés?
Brigadier-général P.J. Atkinson, directeur général des Opérations, État-major interarmées stratégique, Défense nationale : Nos soldats sont bien équipés et bien entraînés, et ils savent ce qu’ils font. La plus grande menace pour nous a été les EEI. Cela demeure le cas aujourd’hui[15].
Le Comité serait ravi d’annoncer que l’OTAN a trouvé une parade infaillible aux engins explosifs improvisés (EEI), mais puisque ces engins demeurent malheureusement la cause de la majorité des pertes subies par la mission militaire canadienne dans la région de Kandahar, il est clair que le problème est loin d’être réglé.
Au cours de notre visite en Afghanistan, nous avons abordé la question des EEI avec le major Dan Shaver, qui a expliqué que chaque soldat canadien reçoit une formation propre aux opérations dans un milieu semé d’EEI et que le Canada a acquis de l’équipement capable de repérer et de neutraliser un gros pourcentage d’EEI. Par exemple, la nouvelle Capacité d’ouverture d’itinéraire de circonstance (COIC)[16] dont disposent les Forces canadiennes fait appel à trois types de véhicules : le Husky, le Buffalo et le Cougar. Nos militaires sont aussi dotés de véhicules plus résistants aux explosifs, comme le Nyala RG-31, ce véhicule de patrouille blindé qui a servi aux déplacements du Comité pour voir à l’œuvre des projets de développement à Kandahar et aux alentours.
Lorsqu’il est question de véhicules spécialisés, il faut parler de pièces de rechange et de facilité d’entretien. Des véhicules comme le Husky sont conçus pour absorber l’impact d’un EEI. De par la nature même de la COIC, il est fort possible que les Buffalo et les Husky déclenchent l’explosion d’un EEI pendant leurs manœuvres. L’importance des réparations dépend de l’ampleur de l’explosion et des parties du véhicule qui ont subi le plus gros de l’impact. Le Comité a appris que sur les quatre véhicules Husky utilisés sur le théâtre d’opérations, un était à l’atelier de réparations après avoir sauté sur un EEI. Il en reste donc trois en service. Les Forces canadiennes n’ont jamais plus de 12 véhicules COIC en service en Afghanistan. Des soldats nous ont dit qu’ils pourraient en utiliser bien davantage, et nous devons leur donner raison.
Capacité d’ouverture d’itinéraire de circonstance (COIC)
La COIC consiste en une colonne de trois véhicules résistants aux explosifs qui servent à déblayer des routes que l’on pense truffées d’EEI.
Son fonctionnement : Lorsque le véhicule de tête, le Husky, a détecté ce qu’il croit être un EEI, le véhicule de déminage Buffalo utilise son bras robotisé pour sonder l’objet et le retirer délicatement de l’endroit où on l’avait caché. Une fois qu’il est confirmé qu’il s’agit bien d’un EEI, c’est au tour du Cougar d’entrer en action. Ce dernier transporte une équipe de génie d’assaut spécialisée dans la neutralisation des explosifs. Le Cougar ne participe pas lui-même au déminage; il ne fait que transporter l’équipe de spécialistes et leur équipement, dont des combinaisons d’artificier et des robots de déminage. |
Le major Shaver a cependant pris soin d’ajouter que toutes les fois que l’OTAN parvient à trouver un moyen de se défendre contre les EEI, les talibans semblent en mesure d’inventer d’autres astuces. Ils recourent à des engins plus gros, utilisent dans leur fabrication des matériaux non ferreux[17], qui sont beaucoup plus difficiles à détecter, et mettent au point toutes sortes de mécanismes de déclenchement. Nos militaires ont beau leur opposer de nouvelles parades, les insurgés continuent de construire des bombes plus puissantes et de trouver d’autres moyens de déjouer les tactiques employées par les Canadiens pour faire échec aux EEI[18]. Le problème persiste donc.
Le soutien aérien
Les drones
Un des meilleurs moyens de défense contre les EEI est de surprendre les insurgés pendant qu’ils posent leurs engins de mort, et c’est toujours plus facile à faire du haut des airs. Le Comité a visionné des images captées par un drone, c’est-à-dire un véhicule aérien sans pilote, montrant des talibans en train d’installer des EEI, que des avions-chasseurs américains ont bombardés et neutralisés par la suite. Il ne saurait insister assez sur l’importance d’améliorer les drones dont disposent les Canadiens en Afghanistan. Pour leurs opérations de reconnaissance, les Forces canadiennes font appel à des drones tactiques Sagem Sperwer, dont le fonctionnement est plutôt incertain lorsque la chaleur, le vent et la poussière se mettent de la partie, comme c’est souvent le cas en Afghanistan. Deux de ces appareils venaient tout juste de s’écraser à notre arrivée.
Le gouvernement canadien a aussi lancé des appels d’offres en vue de se doter de drones de haute ou moyenne altitude et de longue endurance plus perfectionnés, capables de transporter du matériel militaire[19]. On ne pourra cependant pas compter sur ces appareils avant quelques années. Il semble toutefois que le Canada veuille se doter en attendant d’autres appareils pour remplacer ses Sperwer et qu’un marché serait conclu rapidement. Les nouveaux drones arriveraient en Afghanistan avant la fin de l’année, soit probablement juste après que le dernier Sagem Sperwer se sera écrasé. Ces appareils ne pourront servir malheureusement qu’à des fins de reconnaissance, n’ayant pas la capacité d’attaque dont disposeront les drones que le Canada se propose d’acheter dans quelques années. C’est regrettable, mais c’est un autre problème avec lequel les Canadiens devront composer dans la province de Kandahar. Le Comité s’est souvent prononcé en faveur d’un usage accru des drones en Afghanistan. Il semble au moins que les plaintes exprimées par le Groupe Manley à propos du manque de drones à l’usage des Forces canadiennes en Afghanistan auront fini, à la longue, par inciter le gouvernement canadien à agir pour corriger le problème.
Les hélicoptères
Les Forces canadiennes manquent aussi d’hélicoptères de transport de taille moyenne pour soutenir leurs opérations en Afghanistan. Nos militaires ont eu tôt fait de constater la nécessité de disposer d’hélicoptères de transport. En se déplaçant par la voie des airs, on évite les EEI, l’arme qui a fait le plus de victimes dans les rangs canadiens depuis le début de la mission en Afghanistan. À l’été 2006, le gouvernement a annoncé qu’il prévoyait faire l’achat d’un certain nombre d’hélicoptères de transport de taille moyenne pour remédier à cette lacune.
Deux ans plus tard, les négociations en vue de l’achat de 16 de ces appareils se poursuivent. Même advenant l’approbation rapide d’un marché, les premiers appareils ne pourront être livrés avant 2011-2012. Le Groupe Manley a vivement recommandé l’acquisition d’hélicoptères et le gouvernement canadien a amorcé des négociations en vue de fournir à nos troupes une capacité limitée de transport par hélicoptère d’ici la fin de la présente année. Il s’agirait d’acheter des hélicoptères américains en service actuellement en Afghanistan. On s’attend à ce que la livraison ait lieu avant la fin de 2008. Nos militaires pourront alors cesser de s’en remettre continuellement au transport routier pour leurs déplacements et leur approvisionnement.
L’Armée nationale afghane
La transformation de l’Armée nationale afghane (ANA) en une force militaire capable de protéger les Afghans sans le soutien de troupes étrangères pose différentes difficultés. Pour commencer, l’ANA manque d’équipement, de ressources et de personnel. Voici ce que disait à ce sujet le spécialiste de la question afghane Seth Jones, de la RAND Corporation, au cours de son témoignage devant le Comité le 10 décembre 2007 :
M. Jones : L’Armée nationale afghane est relativement bonne. L’Armée est de plus en plus compétente au chapitre de la conduite des opérations. La plupart des recrues de cette armée n’ont peur de rien. Les soldats sont prêts à se battre. L’Armée a connu quelques problèmes de maintien de son effectif, mais sa situation est potable, surtout par rapport à celle de la police. L’Armée ne peut pas effectuer des opérations de façon autonome pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles, c’est qu’elle ne dispose d’aucune puissance aérienne, ce qui fait qu’elle devrait donc avoir recours à un soutien extérieur si elle devait avoir besoin d’une force aérienne. L’Armée nationale afghane ne compte pas suffisamment de soldats pour lancer une opération autonome contre des groupes d’insurgés[20].
Le Comité a rencontré à Kandahar le major canadien Mark Campbell, qui participe au programme de mentorat offert aux soldats afghans. Selon lui, les recrues de l’armée afghane ne manquent pas de force ni de courage, mais il y a d’autres choses qui empêchent celle-ci de former une vraie machine de combat efficace.
Absences
Par exemple, les soldats canadiens ont été surpris de constater que leurs homologues afghans se permettaient souvent des absences sans permission, pour des raisons à la fois culturelles et financières. On ne fait tout simplement pas grand cas en Afghanistan de ce qui serait une faute passible de la cour martiale au Canada, surtout si son auteur a disparu pendant quelque temps avec la ferme intention de revenir. Souvent, a-t-on expliqué au Comité, les absences sont dues aux conditions d’extrême pauvreté dans lesquelles vivent les familles des soldats. Sachant que leur famille a besoin d’argent et qu’il n’est pas facile de lui en envoyer, ceux-ci décident parfois d’aller le lui porter en personne quand ils reçoivent leur solde.
Il y a aussi des soldats afghans pour qui il est difficile de vivre loin de leur foyer ou de leur famille pendant de longues périodes. Le cycle opérationnel de l’armée afghane comprend un mois de congé, deux mois d’entraînement et six mois de service actif, pour une durée totale de neuf mois.
Les absences récurrentes de ses éléments ne sont pas de nature à aider les forces armées afghanes à acquérir la discipline nécessaire à la conduite d’une guerre anti-insurrectionnelle.
Formation
Les équipes de liaison et de mentorat opérationnel (ELMO) et la formation de l’Armée nationale afghane (ANA)
FORMATION DE BASE : Le Commandement de la transition conjointe de la sécurité en Afghanistan, dirigé par les États-Unis, veille à la formation de base et à l’équipement des recrues de l’Armée nationale afghane. Une trentainede membres des Forces canadiennes en font partie[21].
MENTORAT : Une fois leur formation de base terminée, les soldats de l’ANA sont affectés à différents endroits au pays, où on leur procure des services de mentorat. Dans la province de Kandahar, ces services sont offerts par les Canadiens, par l’entremise des équipes de liaison et de mentorat opérationnel (ELMO). Les membres de ces équipes se greffent aux unités de l’armée afghane et les accompagnent dans leurs opérations.
Les ELMO de la province de Kandahar regroupent au total quelque 200 militaires canadiens, chargés de former environ 3 000 soldats afghans de la 1re Brigade du 205e Corps de l’ANA, regroupés en kandaks (bataillons) d’à peu près 350 soldats chacun[22].
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Un des principaux obstacles à la création d’une force militaire afghane de première classe a été le manque de formation. Le Canada n’est pas responsable de la formation selon les plans de l’OTAN, mais les Canadiens offrent aux membres de l’Armée nationale afghane (ANA) à Kandahar une formation en cours d’emploi ou, si on veut, des services de mentorat. C’est une bonne chose, étant donné que les Canadiens sont réputés pour être de bons mentors. Mais il y a quelques problèmes.
Premièrement, une formation soutenue est bien meilleure qu’une formation au petit bonheur. Or, en raison du roulement des troupes canadiennes tous les six mois, de l’imprévisibilité des mouvements de troupes afghanes et du cycle opérationnel de neuf mois observé par l’armée afghane, il n’est pas toujours facile pour un mentor canadien d’offrir plus que quelques conseils au hasard.
Deuxièmement, il y a les attitudes ancrées. L’armée afghane a hérité bon nombre de ses traditions militaires des Soviétiques, qui ont occupé le pays dans les années 1980. Au sein de l’armée soviétique, les officiers supérieurs décident de presque tout et laissent peu d’initiative aux grades inférieurs. Ce n’est pas toujours comme cela que l’on forme des soldats motivés et réfléchis, ce dont l’ANA aura besoin en quantité si elle veut assurer la sécurité au pays.
Le renseignement
Il serait faux de prétendre que toute la population de la province de Kandahar aime les Canadiens et déteste les talibans. Ce n’est pas le cas. Nous sommes, après tout, dans le sud du pays, la patrie des talibans et la région où ils trouvent encore la majorité de leurs appuis[23]. Les chefs talibans viennent pour la plupart du district de Panjwayi. Ben Laden y avait une mosquée. Ajoutons à cela que la principale source monétaire dans cette région, en dehors de l’aide étrangère, est l’opium. Les mêmes talibans qui, à une certaine époque, avaient l’opium en horreur, se posent maintenant comme des amants de cette drogue, qui les aide à attiser l’insurrection.
Bref, il est plutôt rare que les militaires canadiens soient tout à fait sûrs que les citoyens afghans qu’ils croisent dans la rue ou à qui ils ont affaire sont des amis ou des ennemis, d’où l’importance capitale du renseignement et d’une extrême prudence. Alors que nous observions une route construite dernièrement par 400 travailleurs afghans à l’aide de capitaux canadiens, on nous a dit que ces travailleurs devaient tous être fouillés chaque jour par la Police nationale afghane avant de se mettre à l’ouvrage, et que les téléphones cellulaires étaient interdits sur le chantier. La confiance est une chose importante dans n’importe quel lieu de travail, et c’est aussi un élément qui permet d’améliorer les relations en dehors du travail, sauf qu’elle fait cruellement défaut actuellement dans la province de Kandahar, et c’est là une autre difficulté que doivent surmonter les Canadiens.
Par ailleurs, le Comité a appris que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) déploie des efforts à l’étranger pour aider nos troupes en Afghanistan et que la coopération et le partage de renseignements entre les différents organismes alliés sur le théâtre d’opérations ont atteint des niveaux sans précédent. Toutefois, il semble toujours manquer quelque chose.
Le Canada a consacré beaucoup de temps et d’argent à la formation et au soutien de l’Armée nationale afghane et de la Police nationale afghane, et l’ACDI a soutenu activement les efforts de reconstruction en Afghanistan, mais on a dit peu de choses sur les rapports du Canada avec les services de renseignement en Afghanistan. Des autorités locales afghanes nous ont parlé de problèmes de sécurité et de l’omniprésence des services de renseignement du Pakistan et aussi d’autres pays voisins qui cherchent à déstabiliser leur pays. Si ces problèmes existent bel et bien, comme nous le pensons, le SCRS et ses alliés devront faire plus pour engager le dialogue avec la Direction nationale de la sécurité (le service de renseignement afghan), la Direction du renseignement interservices (le service de renseignement pakistanais) et les autres services de renseignement de la région. On ne peut penser que ces derniers sont étrangers à la conjoncture politique actuelle. Le Comité pense qu’il faut multiplier les efforts dans ce domaine.
Un mauvais voisin
La frontière poreuse avec le Pakistan représente peut-être le plus gros défi pour l’avenir de l’Afghanistan. Les membres du Comité n’ont pas été vraiment surpris lorsque Haji Baran, le chef de district de Panjwayi, a dit que la Direction du renseignement interservices (DRI), le fameux service de renseignement pakistanais, cherche activement à déstabiliser l’Afghanistan.
La DRI a la réputation d’agir à sa guise au sein de l’appareil de sécurité pakistanais, ne répondant ni à l’armée pakistanaise ni aux plus hautes instances politiques du pays. On dit même qu’elle n’hésite pas à recourir aux narcodollars et à d’autres fonds illicites pour financer les conflits en Afghanistan et au Cachemire.
Les combattants talibans à l’œuvre en Afghanistan ont établi leurs quartiers dans la ville-forteresse de Quetta, érigée dans les montagnes sillonnant l’ouest du Pakistan.
Le président pakistanais Pervez Musharraf, pourtant un ami de l’Occident, a longtemps été accusé de laisser les talibans se réfugier impunément dans les terres tribales de l’ouest, que l’on dit généralement ingouvernables. On peut se demander si un gouvernement central, pakistanais ou afghan, pourrait réussir à mater cette région indépendante d’esprit et à en extirper les talibans. Le professeur Gordon Smith, de Victoria, a écrit que la destruction du mouvement taliban est conditionnelle à la destruction de l’influence pakistanaise en Afghanistan[24], ce à quoi on ne pourrait parvenir que difficilement.
Le nouveau gouvernement de coalition dirigé par le premier ministre Youssouf Raza Gilani, du Parti du peuple pakistanais, affirme qu’il veut bien négocier avec les militants tribaux réunis sous la bannière du Mouvement tribal pakistanais, mais il n’est pas certain que cela incitera les insurgés pakistanais à se mêler moins des affaires de l’Afghanistan[25]. Ce gouvernement demeure extrêmement fragile et il y a tout lieu de se demander s’il réussira à changer quoi que ce soit à la situation à la frontière.
En fait, la tribu pachtoune, dont sont issus les talibans, est la plus grosse tribu d’Afghanistan et la plus dominante dans l’ouest du Pakistan, et la frontière fragile entre les deux pays procure aux Pachtounes une liberté de circulation pratiquement totale d’un pays à l’autre.
Les Pachtounes faisant partie du conseil provincial élu à qui nous avons parlé dans la province de Kandahar trouvent qu’ils ne sont pas représentés convenablement au sein du gouvernement Karzaï à Kaboul, et ils ne ressentent aucune loyauté à l’endroit de ce gouvernement, pas plus que les Pachtounes de l’ouest du Pakistan à l’endroit du gouvernement pakistanais, à Islamabad.
Dans une partie du monde où les allégeances tribales ont une importance cruciale, le problème est de taille. Le gouvernement afghan pourrait un jour offrir aux Pachtounes d’Afghanistan le genre de services et d’avantages qui pourraient lui valoir une plus grande loyauté de la part de la population pachtoune, sauf que les allégeances tribales ne vont pas disparaître pour autant.
Défis au chapitre du développement économique et social
Le sénateur Nolin : Revenons à Kandahar. Vous avez des agents sur le terrain. Qu’en est-il de leur sécurité?
Stephen Wallace, vice-président, Groupe de travail sur l’Afghanistan, Agence canadienne de développement international : La situation est difficile. Cette année, plus de 100 travailleurs d’aide ont été soit tués ou enlevés. La situation est très préoccupante. Elle a eu pour effet de réduire la mobilité de nos partenaires sur le terrain. Cela nous a poussés à envisager de nouvelles formes pour atteindre nos objectifs[26].
Les spécialistes du développement sont vulnérables
La majorité des projets de développement financés par le Canada sont exécutés par des Afghans, parce que le Canada veut que les Afghans fassent partie intégrante du processus de développement et qu’il voit bien que ceux-ci ont besoin d’emplois, mais aussi pour une raison purement pratique : il est extrêmement dangereux pour les civils de se déplacer dans la province de Kandahar sans la protection des militaires.
Trois représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) locales ont indiqué au Comité que le manque de sécurité représente le plus gros obstacle à l’amélioration de la qualité de vie des Kandaharis. Il est difficile d’accélérer le développement lorsque ceux qui y travaillent et y participent vivent continuellement sous la menace des talibans. Ce qu’on nous a dit, essentiellement, ce n’est pas que les talibans sont beaucoup trop forts, mais que le gouvernement afghan est beaucoup trop faible et qu’il est incapable de protéger les Afghans même contre le danger modéré que posent les talibans.
Les Kandaharis, comme n’importe qui, n’aiment pas vivre dans la terreur, et ils ne sont pas contents de voir les talibans empêcher le développement, en tout cas pas ceux à qui nous avons parlé. Mais comme il y a peu de troupes pour couvrir un aussi vaste territoire, les talibans peuvent s’infiltrer à leur guise dans les collectivités et rappeler à la population que les militaires étrangers vont un jour quitter le pays. La menace talibane à l’endroit des organismes de développement et des civils qu’ils emploient s’estompera lorsque les forces de sécurité nationales seront en mesure de maîtriser la situation dans la région de Kandahar. Quant à savoir si on réussira à mettre un terme complètement aux pratiques d’intimidation des talibans, seules les générations futures le diront probablement.
Les organismes d’aide internationaux et la difficulté que pose la région de Kandahar
Les ONG étrangères et les représentants d’organismes internationaux ne se sentent pas encore en sécurité dans cette région, et c’est pourquoi ils évitent d’y envoyer du personnel. Les membres du Comité ont rencontré des représentants de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), du Programme alimentaire mondial (PAM), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et de plusieurs ONG locales. Pour tous ces gens, le manque de sécurité constitue le premier obstacle à un développement efficace dans la province de Kandahar.
Il y a des organismes internationaux et des ONG qui embauchent sur place des agents de sécurité, mais cette pratique n’est pas une garantie de sécurité. Le Comité a appris, par exemple, que cinq employés locaux de l’UNHCR ont été tués en 2005, que des membres d’une des équipes médicales de l’UNHCR ont été enlevés l’année suivante et qu’un des conducteurs de cet organisme a été assassiné en 2007.
Selon le représentant du Programme alimentaire mondial, l’aide alimentaire constitue une cible de choix. En 2007 seulement, 900 tonnes d’aliments ainsi que quatre véhicules de livraison ont été pillés, et les conducteurs de ces véhicules ont été tués. Ces incidents ont cependant amené le PAM à changer ses méthodes de livraison et à demander aux collectivités auxquelles la nourriture volée était destinée de l’aider à la récupérer. Devant le succès remporté par cette démarche, le PAM a commencé à impliquer les premiers intéressés, soit les collectivités, en leur prêtant des camions pour qu’elles viennent elles-mêmes chercher la nourriture à son dépôt. Voilà qui démontre encore une fois qu’il est souvent préférable de laisser les Afghans prendre l’initiative.
La coopération internationale et le rôle des organismes de secours de l’ONU
Des représentants du Canada avaient des choses positives à dire au sujet de l’ONU et des travailleurs de l’aide internationale à l’œuvre dans la province de Kandahar. L’un d’eux était M. Stephen Wallace, vice-président du Groupe de travail de l’ACDI sur l’Afghanistan :
M. Wallace : Dans le cas de la province de Kandahar, si vous comptez le nombre de travailleurs humanitaires des organismes comme l’UNICEF, la Croix-Rouge et le Haut Commissariat pour les réfugiés de l’ONU, disons qu’il y en a environ 400 en ce moment. S’il faut compter le nombre de travailleurs humanitaires du côté des ONG afghanes avec lesquelles nous collaborons par l’entremise de la Croix-Rouge ou du Programme alimentaire mondial, disons qu’il y en a environ 900. Environ 1 300 travailleurs humanitaires sont liés directement à l’aide canadienne dans la province de Kandahar[27].
Ces chiffres, s’ils sont exacts, sont impressionnants, mais nous n’avons pas réussi à en obtenir confirmation sur place. En fait, nous avons plutôt eu l’impression, en interrogeant certaines personnes, que la capacité d’opération de ces organismes à Kandahar est très limitée.
Avant de partir pour l’Afghanistan, le Comité a entendu le témoignage du professeur Seth Jones, de la RAND Corporation, dont les propos étaient moins optimistes que ceux de M. Wallace à propos du niveau de coopération internationale et du rôle joué par l’ONU au chapitre du développement dans le sud de l’Afghanistan :
M. Jones : L’argument, c’est que, du côté militaire, il y a plusieurs chaînes de commandement qui passent par l’OTAN, par le United States Special Operations Command et par le Commandement central — au moins trois chaînes de commandement différentes. Du côté civil, il n’y a aucune chaîne de commandement — il y a des Canadiens, des Britanniques et des Américains qui effectuent des opérations sur plusieurs fronts du côté civil. Il y a également des organisations non gouvernementales et des organisations internationales comme la Banque mondiale, l’ONU et le FMI. Il n’y a pas vraiment d’organisations ou de personnes qui dirigent tout ce monde. Il n’y a pas de structures de commandement et de contrôle clairement établies. Nous participons à un effort de lutte contre l’insurrection, qui devrait être composé surtout d’efforts non militaires, avec environ 10 p.100 d’opérations militaires cinétiques. Non seulement nous ne sommes pas en mesure de combiner les aspects militaires et civils, mais nous n’arrivons même pas à combiner les différents aspects des opérations civiles. Il faut sérieusement repenser à l’efficacité et la coordination entre les États, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales, même du côté du développement, parce que nous sommes tout à fait inefficaces en ce moment[28].
Au cours de sa visite en Afghanistan, le Comité n’a jamais saisi clairement en quoi devait consister le rôle de l’ONU dans la province de Kandahar. Six représentants de cet organisme à qui nous avons parlé à Kandahar nous ont nettement donné l’impression de se sentir beaucoup plus à l’aise assis à leur bureau à Kaboul. Nous n’avons pas constaté le moindre esprit de coordination entre l’ONU et l’OTAN/la FIAS à Kandahar, et nous avons eu du mal à mettre le doigt sur un ensemble cohérent d’objectifs fixés par l’ONU. Cette rencontre avec des membres de l’ONU ne fut pas très inspirante.
Les réfugiés
Des travailleurs de l’aide internationaux ont indiqué au Comité que le gros problème qui se pose à l’heure actuelle dans la province de Kandahar est le retour au bercail de millions de gens qui avaient fui le pays. Il est bon signe qu’environ six millions d’Afghans décident de rentrer au pays. Cela veut dire que des gens qui ne croyaient pas pouvoir supporter de vivre sous les anciens régimes ont maintenant foi dans le régime actuel. Les Afghans donnent l’impression de vouloir revenir dans leur patrie.
Par contre, ces personnes doivent faire face à de graves difficultés. En raison de titres de propriété contestés et des rivalités entre tribus, on ne sait plus trop à qui appartiennent les terres en Afghanistan et, souvent, des réfugiés ont la surprise, en rentrant chez eux, de voir leur domicile occupé par une autre famille. La plupart d’entre eux étaient partis les mains vides et ils rentrent aussi les mains vides. Ils reviennent le coeur rempli d’espoir, mais la plupart du temps, c’est la déception qui les attend, et ils doivent aller ronger leur frein dans des camps de réfugiés improvisés.
La gestion des attentes des Canadiens
Il y a un autre problème lié aux efforts de développement en Afghanistan : la gestion des attentes des Canadiens. L’Agence canadienne de développement international (ACDI) doit trouver le moyen de ramener à la réalité les Canadiens qui s’attendent à une solution rapide en Afghanistan alors que, malheureusement, le développement est habituellement un processus lent et progressif.
Mme Rangina Hamadi, une des travailleuses de l’aide à qui nous avons parlé, risque sa vie quotidiennement à la tête d’une petite ONG à l’œuvre à Kandahar. Elle dit qu’il faut mettre plus de temps pour répondre aux besoins définis par les Afghans eux-mêmes, et pour le faire à la manière et au rythme qui leur conviennent. « Nous essayons de changer la mentalité occidentale, préconisant l’application de solutions simples et rapides, mais souvent cause de réactions défavorables chez les Afghans et d’impatience parmi les donateurs occidentaux. Mon rôle consiste à adapter le développement au contexte afghan. »
À une réunion de l’Équipe provinciale de reconstruction (EPR) de Kandahar, le lieutenant-colonel Dana Woodworth a dit que le Canada doit garder à l’esprit qu’il lui faut faire preuve de « patience opérationnelle », qu’il est toujours impératif de consulter la population locale et que l’on aurait tort de céder à l’impulsion d’aller tout régler rapidement. Dans bien des pays, dont l’Afghanistan, la manière compte tout autant que le résultat.
L’ambassadeur du Canada en Afghanistan, M. Arif Lalani, a expliqué qu’on n’a pas suffisamment sensibilisé les Canadiens à la nécessité d’inscrire le développement dans le long terme si on veut que l’Afghanistan devienne un jour un État viable. Il a indiqué également que le gouvernement canadien entendait préciser d’ici quelques mois ce qu’il espère accomplir en Afghanistan et se fixer des jalons clairs pour parvenir à ses fins. « Nous pourrons dire : voici les cinq choses prioritaires que nous voulons accomplir ici. »
Les membres du Comité sont tous d’accord avec cela, il va sans dire, et ils reconnaissent que des documents comme le Pacte pour l’Afghanistan et la Stratégie de développement national de l’Afghanistan[29] énoncent des objectifs et fixent des jalons acceptés tant par le gouvernement canadien que par la communauté internationale et le gouvernement afghan. Cependant, ils se demandent pourquoi il a fallu attendre maintenant, c’est-à-dire sept ans après l’envoi des premières troupes en Afghanistan et deux ans et demi après leur redéploiement à Kandahar, pour qu’on commence à s’interroger à Ottawa sur l’objet précis de l’intervention du Canada en Afghanistan, plus précisément dans la province de Kandahar, aux yeux des Canadiens. On aurait dû normalement se poser cette question avant le début de la mission et s’ajuster par la suite une fois sur place, quand on constate la réalité. Mais bon, mieux vaut tard que jamais.
Pour bien des spécialistes du développement, il est parfois problématique, d’envoyer sur le terrain des journalistes et d’autres spécialistes du développement dans le but de démontrer aux Canadiens que leur argent fait œuvre utile en Afghanistan. Les membres du Comité, par exemple, ont dû se fier à ce que leur ont raconté les porte-parole canadiens à propos des précieux investissements effectués par le Canada dans les écoles communautaires des régions éloignées. Il a fallu prendre leur parole, faute de pouvoir visiter ces écoles par crainte de représailles de la part des talibans.
Une question nous trotte dans la tête à propos des dépenses de l’ACDI. Selon le site Web de cet organisme, le Canada aurait promis la somme de 15,5 millions de dollars pour la construction d’écoles communautaires en Afghanistan, en partenariat avec une organisation non gouvernementale d’expérience du Bangladesh. Pourquoi la province de Kandahar, qui devrait être la première bénéficiaire de l’aide canadienne, ne reçoit-elle qu’une partie infime de cette somme, soit 3,5 millions de dollars?
Les membres du Comité auraient bien aimé constater par eux-mêmes ce qu’on fait pour les écoles dans les régions éloignées, tout simplement pour brosser un meilleur tableau de la situation aux Canadiens, mais ils comprennent la nécessité d’agir avec prudence. Voilà qui démontre à quel point il est difficile de juger de la valeur des efforts du Canada en matière de développement dans les parties les plus dangereuses de l’Afghanistan.
La gestion des attentes des Kandaharis
Le sénateur Moore : Pendant notre visite [en 2006], on nous a dit que la ville de Kandahar bénéficiait de l’électricité pendant deux heures par jour. La situation est-elle demeurée la même sur ce plan, à votre connaissance?
Bgén Howard : Au début de l’année 2007, nous craignions qu’il n’y ait plus du tout d’électricité à Kandahar. L’alimentation en électricité de cette ville est minimale.
Le sénateur Moore : C’est une ville qui compte 600 000 habitants.
Bgén Howard : Oui : il y avait la menace que l’électricité ne soit pas fournie si les salaires n’étaient pas majorés. Il fallait composer avec cette situation[30].
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Seth Jones, politicologue, RAND Corporation : Le problème principal tient à ce que les villageois afghans pensent. Il faut se rappeler que, depuis 30 ans de violence, depuis l’invasion de 1979, toute la politique afghane est locale. Ce qui se produit à Kaboul et à Kandahar est moins important que ce qui se produit dans les régions rurales. C’est dans ces régions qu’on perd ou qu’on gagne toute prise de mesures anti-insurrectionnelles[31].
Le Comité a critiqué l’ACDI dans le passé parce qu’elle ne consacrait pas une plus grande partie de son aide à la région de Kandahar, où les troupes canadiennes ont besoin de toute l’assistance que l’on peut leur donner pour gagner la confiance et le soutien des habitants. Le Groupe Manley a aussi tenu des propos dans ce sens.
Selon ce qu’a appris le Comité, il est important que l’ACDI respecte le plan national de développement de l’Afghanistan et que l’on donne aux Afghans l’impression que l’aide monétaire étrangère leur est distribuée par le gouvernement afghan, afin d’aider ce dernier à s’assurer de leur allégeance. Mais l’ACDI devrait quand même trouver le moyen de se concentrer davantage sur la province de Kandahar.
Des représentants de l’ACDI ont admis que celle-ci n’avait pas suffisamment de personnel sur le terrain. L’ambassadeur Lalani a fait savoir que l’Agence avait doublé ses effectifs à cet endroit au cours de la dernière année, les portant à neuf, et qu’elle espérait doubler ce nombre à l’été 2008. L’ACDI a indiqué qu’elle avait réussi à distribuer de l’aide alimentaire à quelque 400 000 Kandaharis qui en avaient désespérément besoin, grâce au Programme alimentaire mondial, mais que, faute d’un personnel suffisant, il y avait au moins autant de monde dans le besoin qu’elle n’était pas parvenue à aider.
Par ailleurs, l’Agence croit qu’elle a accompli une foule de choses intéressantes dans la région de Kandahar dont ni les Canadiens ni les Kandaharis ne semblent être au courant. En jetant un coup d’œil au site Web de l’ACDI, on constate tout ce qu’a fait cet organisme dans les domaines de la santé, de l’éducation, du développement communautaire, de l’aide humanitaire et des infrastructures[32].
Il se peut cependant que toutes ces réalisations ne soient qu’une goutte d’eau dans l’océan, quand on pense à l’étendue des besoins des Kandaharis. Il y en a d’ailleurs parmi ceux-ci qui pensent que le président Karzaï, même s’il aime bien s’en vanter, surestime grandement la quantité d’aide étrangère fournie par son gouvernement au peuple afghan. Nous avons entendu des plaintes à cet effet au cours de notre visite, habituellement de la part de gens qui soupçonnaient également que l’aide monétaire échouait souvent dans les poches de fonctionnaires corrompus au lieu de parvenir à destination.
Il se peut aussi que, gênés par un manque de mobilité dans un milieu dangereux et réticents à faire éclat de certains projets, par crainte qu’ils ne deviennent la cible des talibans, les donateurs canadiens et autres dans la province de Kandahar ne tiennent tout simplement pas les Kandaharis au courant des progrès accomplis.
Quoi qu’il en soit, on ne réussira pas à toucher le cœur et l’esprit des Kandaharis si ceux-ci ne sont pas convaincus que le gouvernement en place à Kaboul les sert mieux que ne le feraient les talibans.
Défis aux chapitres de la gouvernance, des droits de la personne et de la primauté du droit
Quels sont les plus gros défis à relever pour l’Afghanistan? Certes, le pays est aux prises avec de graves problèmes sur le plan de la sécurité et de l’économie, mais aussi sur le plan social. Lorsque des êtres humains n’ont pas droit à un traitement égal parce qu’ils sont de la mauvaise tribu ou du mauvais sexe, ou à cause de la corruption de l’appareil bureaucratique, la loyauté envers l’État peut paraître un objectif bien illusoire. La saine gouvernance et le respect des droits de la personne et de la primauté du droit sont des éléments essentiels à l’avenir de l’Afghanistan, mais ils font défaut à l’heure actuelle.
Les disparités entre les sexes et la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU
RÉSOLUTION 1325 DE L’ONU SUR LES FEMMES, LA PAIX ET LA SÉCURITÉ[33]
Le 31 octobre 2000, le Conseil de sécurité de l’ONU adoptait la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité. Cette résolution comprenant dix-huit articles demande aux parties à un conflit armé de tenir compte des besoins particuliers des femmes et des petites filles qui, en situation de conflit, sont indiscutablement celles qui souffrent le plus parmi la population civile.
La résolution demande aux pays signataires de faire participer les femmes aux décisions concernant la reconstruction, le développement et la gouvernance. Elle ne vise pas à imposer les valeurs occidentales aux autres cultures, mais à souligner que les femmes ont un rôle crucial à jouer dans la société (même s’il n’est pas toujours reconnu) et que, pour des raisons pratiques et morales, elles ne peuvent être tenues à l’écart des efforts de reconstruction. |
Les femmes comptent parmi les groupes les plus marginalisés au sein de la société afghane et elles sont souvent en proie à l’instabilité, à des mauvais traitements, à la violence et à la pauvreté. Même dans un pays où l’injustice a pris des proportions endémiques, leur sort est particulièrement tragique. C’est une tragédie humaine pour ces personnes, et une tragédie sociale pour une nation qui doit tirer le meilleur parti de toutes ses ressources. Les femmes viennent en tête de liste de toutes les ressources gaspillées en Afghanistan. Le professeur Jones, de la RAND Corporation, a dit au Comité, avant qu’il quitte pour l’Afghanistan, qu’il avait trouvé très peu d’indications lui permettant de croire que la Résolution 1325 de l’ONU sur les femmes la paix et la sécurité est prise au sérieux dans ce pays. En chemin pour l’Afghanistan, l’ambassadeur Lalani nous a prévenus qu’il n’y aurait pas de changement culturel relativement à des questions comme la discrimination fondée sur le sexe avant des générations. Beaucoup d’hommes, en Afghanistan, trouvent que la résolution de l’ONU a plusieurs décennies d’avance sur leur pays et qu’il est prématuré de prêcher en faveur d’une réforme de la condition féminine. Le professeur Jones n’est pas d’accord, mais il est bien conscient de cette attitude rétrograde et il ne voit rien qui démontre que les femmes jouissent d’un meilleur traitement aujourd’hui qu’il y a cinq ans[34].
Rencontrée à Kandahar, Mme Rangina Hamadi a insisté sur le fait que tout changement culturel, par exemple en ce qui a trait aux droits des femmes, doit se faire selon un échéancier raisonnable pour les Afghans. En tant qu’activiste pour les droits des femmes, elle est bien placée pour savoir qu’en tentant de précipiter un tel changement, on s’expose à de graves contrecoups. Chaque jour, comme d’autres femmes et d’autres filles qui repoussent les frontières en participant au processus décisionnel (au niveau national, provincial et communautaire), en gagnant un revenu ou en allant à l’école, elle met sa vie en péril. Elle affirme cependant que le risque de contrecoups ne devrait pas constituer un facteur de dissuasion, mais simplement un important rappel à la réalité pour le Canada.
La corruption
La corruption est le talon d’Achille du gouvernement Karzaï. Le régime taliban était cruel et tyrannique, mais il adhérait de façon rigoureuse aux valeurs coraniques, même dans leur interprétation la plus stricte. La corruption – comme le mépris à l’endroit des pauvres – est un comportement jugé aussi condamnable dans le Coran que dans la Bible. Elle est malheureusement fort répandue chez les fonctionnaires afghans.
Le président Karzaï vante souvent les bienfaits de l’aide étrangère que son gouvernement attire au pays, mais lorsque les petites localités éloignées ne reçoivent pas la moindre aide, elles imaginent évidemment le pire : les fonctionnaires et les policiers à tous les niveaux entre eux et le président se sont empli les poches.
Selon un ingénieur afghan du nom de Noozai, président de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan, le simple citoyen afghan pense qu’il existe un large fossé entre lui et le gouvernement de Kaboul. Il y a beaucoup de gens à Kaboul qui semblent avoir de l’argent, mais dans les régions éloignées, les gens ordinaires sont bien chanceux s’ils peuvent se loger dans une baraque en briques crues. Il y en a encore dans le noyau urbain de Kandahar qui crèvent de faim à l’ombre des manoirs des seigneurs de guerre.
On nous a souvent répété que le système est injuste, que les plus pauvres d’entre les pauvres ne peuvent espérer qu’une amélioration marginale de leur sort. Nous avons appris également que le gouvernement n’embauche pas toujours les meilleures personnes, que trop souvent l’appartenance à telle ou telle tribu ou famille joue dans le choix des employés.
Il existe une foule de données empiriques tendant à démontrer la corruption de l’administration du gouverneur de la province de Kandahar, Assadullah Khalid, et de certains parlementaires à Kaboul. C’est une source de préoccupation importante pour les gens de l’endroit à qui nous avons parlé au cours de notre visite. Il est regrettable que le ministre canadien des Affaires étrangères, Maxime Bernier, ait remis en question aussi ouvertement l’utilité de Khalid au cours d’une conférence de presse le 14 avril 2008, mais les autorités canadiennes ont raison d’être irritées par la présence nuisible du gouverneur.
Jusqu’à quel point le Canada peut-il presser le président Karzaï de serrer la vis pour réduire la corruption? Le Comité a affirmé catégoriquement que la reconstruction doit se faire sous la direction des Afghans, et à leur manière. Malheureusement, la corruption s’est maintenant ajoutée aux traditions afghanes – il y a des gens à différents échelons du pouvoir qui ont eu tendance à prendre plus que leur part, et il est certain que les sommes considérables découlant du commerce de la drogue n’aident en rien sur ce plan.
Le Canada peut dénoncer le caractère nuisible de la corruption. Il peut insister pour qu’on punisse les coupables. Il peut même menacer de retirer son aide, puisque la corruption aurait de quoi le faire regimber. Mais si la corruption continue de se répandre au même rythme, il est difficile de s’imaginer que les Afghans résisteront au cynisme que nous avons constaté et qu’ils accorderont leur fidélité à ce qui serait censé être un nouvel État attrayant. Les États corrompus n’ont d’attrait que pour les personnes qui profitent de la corruption, la grande majorité des citoyens recherchant autre chose.
La Police nationale afghane
Le sénateur Banks : C’est un principe fondamental en matière de guerre : une fois le territoire conquis, il faut pouvoir l’occuper. Or, il faut pour cela des forces militaires. Convient-il de donner aux policiers la tâche de former les gens pour cela? Est-ce une tâche qui devrait incomber à la police nationale afghane?
M. Bourduas, sous-commissaire, Services fédéraux et Région du Centre, Gendermerie royale du Canada : Vos posez une question légitime. Nous avons pris en considération l’environnement explosif qui existe là-bas. Il faut se rappeler aussi qu’il n’y a pas une longue file de bénévoles prêts à se joindre à la police nationale afghane. C’est que, récemment, ils sont devenus des cibles faciles.
Le sénateur Banks : C’est parce qu’ils fonctionnent à la manière de l’infanterie, mais ce n’est pas une infanterie.
M. Bourduas : Il y a eu plusieurs victimes, et cela n’aide pas les recruteurs. Comme vous l’avez dit, lorsque l’armée aura sécurisé l’environnement, la police nationale afghane, aux côtés d’une force auxiliaire, viendra tenir le fort. Ils sont formés notamment à l’établissement de liens avec la collectivité et à la prise en considération de ce qui s’est passé là. Il y a un rôle pour le corps policier et un rôle pour l’armée. Comme la situation est extrêmement explosive dans le secteur, parfois, nous devons retirer ces agents de police pour reprendre le territoire, et cela a créé de nombreux problèmes. De même, nous avons eu un certain nombre de désertions. Certains agents ont déposé leurs armes et sont partis.
Le sénateur Banks : Ne prennent-ils pas les armes avec eux? Est-ce qu’ils les abandonnent vraiment?
M. Bourduas : Ils les abandonnent. C’est ce qui se passe actuellement sur le terrain[35].
On fustige régulièrement les membres de la Police nationale afghane (PNA) pour leur propension à arracher des pots-de-vin et à déserter leur poste, mais les policiers afghans méritent un peu de notre sympathie. Leur sort est loin d’être enviable. Dans n’importe quel pays, la police aura du mal à afficher le rendement qu’on attend d’elle si elle manque d’équipement approprié, elle est mal payée et ne jouit pas d’une solide formation. Et de constituer la cible principale des insurgés talibans, qui continuent de lui tendre des embuscades là où elle offre moins de résistance dans les endroits isolés, n’est rien pour lui remonter le moral.
Comment peut-on réformer une force policière dont au moins 80 p. 100 de l’effectif est analphabète, donc incapable de lire les lois qu’il est censé appliquer? Sachant qu’ils ont facilement accès à la drogue destinée à l’exportation et qu’ils sont constamment l’objet de menaces, nous n’avons pas été surpris d’apprendre que bon nombre de policiers afghans sont toxicomanes. Enfin, comme on n’a pas l’air de congédier personne, malgré un rendement lamentable, les policiers trouvent bien peu d’encouragement à faire leur travail comme il se doit.
L’ambassadeur Arif Lalani a indiqué au Comité que les efforts de formation de la PNA entrepris par les Allemands à la grandeur du pays n’ont pas semblé avoir vraiment amélioré les choses, si bien que des pays chargés de la sécurité dans des régions données – le Canada, par exemple – ont décidé de s’attaquer au problème dans leur région. Pour commencer, les Canadiens et les Américains ont conçu l’idée de payer directement les membres de la PNA dans la région de Kandahar. Les salaires des policiers devaient grimper, mais très peu de l’argent promis a été versé en réalité. Or, comme l’a fait observer M. Omar Samad, l’ambassadeur de l’Afghanistan au Canada, « nous avons besoin de mieux former et de mieux payer nos policiers, si nous voulons éviter qu’ils se fassent acheter par les talibans à 5 dollars par jour, car c’est exactement ce qui se produit. Les talibans versent 5 dollars par jour aux policiers et la Police nationale afghane, 1 dollar seulement. C’est un problème, mais ce n’est pas tout, car les caïds de la drogue, eux, offrent 6 dollars par jour[36]. »
Pour compliquer les choses, on nous a dit que les pays donateurs et le gouvernement afghan ont du mal à s’entendre sur les niveaux de rémunération, la formation et le système de versement des salaires. Les méthodes de formation des pays donateurs, entre autres, ont été vivement critiquées dans les témoignages entendus par le Comité.
Le sénateur Moore : Nous avons entendu dire que les Américains et les Allemands étaient là-bas et s’occupaient de former des policiers. Une entreprise de la Californie consacrait 5 milliards de dollars par année à la formation des policiers. Pour sa part, le Canada dépensait autour de 2 millions de dollars; je ne me rappelle pas le chiffre exact. La formation durait plusieurs semaines, mais la plupart des gens abandonnaient après cinq semaines. Nous leur avons demandé pourquoi ils ne suivaient pas la formation au complet, et ils nous ont répondu qu’ils trouveraient l’argent ailleurs, d’un chef de guerre ou des talibans. Certains d’entre eux étaient des talibans, mais pas des membres convaincus. Encore là, ils auraient pu obtenir de l’argent d’un ministre à Kaboul en échange de leur loyauté. Êtes-vous au courant de tout cela?
Paul LaRose-Edwards, directeur executive, CANADEM : Oui.
Le sénateur Moore : Saviez-vous que ce genre de choses se passait?
M.LaRose-Edwards : Oui.
Le sénateur Moore : Il s’agit d’une somme énorme, et je suis surpris qu’une entreprise de ce genre dépense autant d’argent.
M.LaRose-Edwards : Il s’agit de DynCorp International.
Christine Vincent, directrice executive adjointe, CANADEM : DynCorp International est financée par le gouvernement des États-Unis, alors l’embauche de Canadiens pose problème. Tonita Murray a rédigé un article dans lequel elle critique la formation des policiers à Kaboul, et je serais heureuse de vous en fournir un exemplaire. Mme Murray a été à la tête du Collège canadien de police, et elle a travaillé au sein du ministère du Procureur général; elle a donc beaucoup d’expérience. Elle a rédigé une critique de la formation policière en général, dans laquelle elle dit que la communauté internationale a laissé tomber la police nationale afghane.
Le sénateur Moore : Voilà qui ressemble, je trouve, à une histoire tirée des Confessions d’un tueur à gages économique, c’est-à-dire que les Américains disent: «Vous avez besoin de former des policiers: ça va vous coûter 5 milliards de dollars. Nous allons vous donner les 5 milliards de dollars et vous allez payer l’entreprise californienne pour le faire.» L’argent transite, mais il n’y a aucun avantage pour l’économie afghane.
M. LaRose-Edwards : C’est quelque chose qui se produit souvent[37].
La formation de la Police nationale afghane (PNA) et le Programme de développement de district (PDD)
FORMATION DE BASE : La formation de base de la Police nationale afghane est assurée essentiellement par le Commandement de la transition conjointe de la sécurité en Afghanistan (CTCS-A), dirigé par les États-Unis, et par la Mission de police de l’Union européenne (EUPOL) en Afghanistan. Les recrues policières afghanes de la province de Kandahar sont formées au Centre de formation régional du CTCS-A à Kandahar.
MENTORAT : En septembre 2007, l’Équipe de liaison et de mentorat opérationnel (ELMO) a constitué une sous-unité, l’ELMO de police, destinée à œuvrer auprès des nouveaux policiers afghans. Des spécialistes de la police militaire et des armes de combat de l’ELMO de police sont affectés à quelques-uns des 28 postes de contrôle et des 6 postes de police satellites dans la région de Kandahar. Les membres de la PNA reçoivent aussi de la police civile canadienne une formation à l’emploi de méthodes plus douces. Les postes de police afghans sont régulièrement la cible d’attaques lancées par les talibans.
POSTES DE POLICE SATELLITES : Au cours de la dernière année, des soldats canadiens ont été affectés à des postes de police satellites dans les districts de Zhari et de Panjwayi. Ces postes comprenaient entre 10 et 15 policiers afghans et 7 soldats canadiens, dont 4 ou 5 étaient de la police militaire et les autres étaient des fantassins. Afghans et Canadiens effectuaient ensemble des patrouilles et veillaient à ce que les réfugiés afghans se sentent en sécurité à leur retour dans la région.
PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT DE DISTRICTS (PDD) : Conscients de la formation inégale que reçoivent les membres de la PNA, les États-Unis et le ministère de l’Intérieur ont lancé une nouvelle initiative appelée Programme de développement de districts, qui consiste à donner une nouvelle formation aux policiers afghans occupant déjà un poste dans un district donné et à les réintégrer ensuite dans leurs fonctions. La formation, offerte successivement à chaque district, comporte une instruction supplémentaire de survie, le perfectionnement des aptitudes policières comme telles et de l’enseignement sur les droits de la personne et la culture et le droit afghans[38]. Le premier cycle de la formation a débuté en décembre 2007. À l’instigation du Canada, le PDD sera maintenant offert à Kandahar, où 188 membres de la PNA seront formés pendant deux mois au Centre régional de formation. Des membres de la Police nationale afghane pour l’ordre civil les remplaceront en leur absence[39].
Une longue liste de problèmes
La PNA doit faire face à une longue liste de problèmes, et c’est très décourageant. Par exemple, policiers et procureurs doivent recevoir une formation commune afin que les premiers aient une meilleure connaissance du processus judiciaire, du genre de preuves que l’on juge légitimes et de celles qui ne le sont pas, et de la façon de traiter les suspects pour garantir à l’accusé un procès équitable.
Par ailleurs, si les victimes sont nombreuses parmi les femmes en Afghanistan, il y a peu de femmes au sein de la PNA. Le gouvernement est conscient de la nécessité d’en embaucher davantage. Les quelques femmes policières en Afghanistan jouent un rôle limité. Dans son rapport sur la condition des femmes dans la PNA, Tonita Murray, conseillère en sexospécificité du ministère de l’Intérieur de l’Afghanistan, indique que « les policières sont censées recevoir une formation équivalant à celle de leurs collègues masculins, sauf que beaucoup d’entre elles, même aux grades d’officier, ont reçu une formation plutôt sommaire […] Elles occupent effectivement peu de place au sein de la PNA et dans l’esprit des gens, et n’ont donc pratiquement aucun impact sur la police en Afghanistan[40]. »
Les policiers afghans sont plus entraînés à tenir tête aux insurgés talibans qu’à accomplir le genre de travail policier essentiel à la société civile. Il y a des Canadiens en Afghanistan, comme le sergent Paul Wassill, du Service de police régional de Durham, qui ont pour rôle de donner une orientation « civile » à la formation de la PNA, mais il faut faire encore beaucoup plus dans ce domaine. Toutefois, le gouvernement afghan sera-t-il pressé de se doter d’une force policière civile alors qu’il a besoin de tous les éléments dont il dispose pour repousser les talibans? Il est encore loin le jour où, dans la province de Kandahar, l’armée se chargera des combats, laissant ainsi à la police le soin de protéger les citoyens.
La réforme de la Police nationale afghane représente sans aucun doute une des conditions essentielles au succès de la démocratie en Afghanistan, mais ce pourrait être une des choses les plus difficiles à accomplir.
La réforme du système judiciaire
Le sénateur Moore : C’est le gouvernement central qui doit faire preuve de cette volonté, mais il semble y avoir un système de justice traditionnel dans les régions tribales, et ils n’adoptent pas — ils pensent peut-être qu’ils n’en ont pas besoin — un système national de justice comme celui que nous avons au Canada.
M.Jones: Oui. Selon moi, c’est bien dans une certaine mesure. Surtout dans les régions pachtounes, lorsque quelqu’un vole un animal qui appartient à quelqu’un d’autre, le problème peut être réglé par une djirga locale. On fait appel aux aînés de la tribu, qui se réunissent et règlent le litige. Les affaires plus graves, par exemple, les meurtres, sont parfois réglées par des djirga, et parfois par des instances supérieures. Dans certaines provinces, nous avons vu ce genre d’affaire réglées dans le cadre d’une structure de gouvernance talibane. Aux niveaux inférieurs, il y a un système non officiel fondé sur les djirga, et aux niveaux supérieurs, il y a un système assez officiel. C’est seulement qu’il n’est pas très efficace[41].
Les crimes et les différends étant traditionnellement réglés au niveau local en Afghanistan, il n’est pas facile d’imposer un système de justice universel, surtout que les opinions varient souvent d’une région à l’autre sur la préséance de la charia[42] sur les lois gouvernementales, ou l’inverse.
Le Comité s’est laissé dire qu’il n’y a que six juges dans toute la province de Kandahar et qu’ils hésitent à s’occuper de cas de sécurité ou de certains types d’affaires controversées, par crainte de représailles de la part des tribus. Quelqu’un a suggéré d’envoyer des juges par avion de Kaboul. Ce pourrait être l’amorce d’une professionnalisation de la justice, sauf que l’on risquerait de se mettre à dos la population locale si les juges étaient perçus comme des étrangers venus remplacer des personnes occupant une place importante dans leur collectivité. La réforme de la justice se heurtera à de nombreux obstacles.
Elissa Golberg, la représentante du Canada à Kandahar, a indiqué que le gouvernement afghan avait adopté 188 lois fiscales, douanières, foncières et autres au cours des dernières années. Il reste à les appliquer. Jusqu’à présent, on ne peut pas dire qu’on ait beaucoup entendu parler de policiers qui auraient cessé d’accepter des pots-de-vin, ou entendu dire que tous les ministres ont cessé tout favoritisme ou rompu tout lien avec les narcotrafiquants. Dans un pays en grande partie analphabète où le gouvernement central se fait très discret, qui donc connaît ces lois? Dans ce pays pétri de traditions où les dirigeants locaux ont coutume de régler les différends, qui s’en soucie? Le Comité a appris qu’entre 60 et 70 p. 100 des crimes sont jugés actuellement en dehors du système de justice officiel. La réforme de la justice en Afghanistan a du retard sur celle de la police.
L’ambassadeur Lalani pense qu’il faudra attendre une génération pour que les changements juridiques et les nouvelles procédures judiciaires prennent racine. C’est une prévision qui apparaît bien optimiste.
Pourquoi la culture du pavot représente-t-elle une menace pour la stabilité et la justice en Afghanistan?
Ce n’est plus un secret : l’Afghanistan compte sur les stupéfiants pour alimenter son économie clandestine. En 2006, 93 p. 100 de toute l’héroïne vendue dans le monde venait d’Afghanistan[43]. En plus de mettre à l’épreuve la lutte antidrogue et la création d’une économie afghane équilibrée, les stupéfiants ont nui à pratiquement tous les efforts faits par le Canada dans la région de Kandahar. Le Comité n’a malheureusement pas consacré beaucoup de temps à l’étude de la culture du pavot dans la province de Kandahar au cours de sa dernière visite. Il sait néanmoins que le commerce d’opium représente un problème sous différents rapports, qu’il favorise la corruption et ralentit les progrès accomplis par le Canada dans la région.
Voici, en résumé, ce que nous avons entendu :
· Primauté du droit : Selon des instructeurs de police canadiens, les stupéfiants constituent un problème de taille pour la Police nationale afghane, qui compte dans ses rangs un nombre élevé de toxicomanes.
· Corruption : La culture du pavot contribue au statu quo et maintient au pouvoir des personnes corrompues. Comme le faisait remarquer un témoin au Comité : « Le domaine le plus important où on voit de la corruption, c’est la participation au trafic de stupéfiants. Il y a des gens qui participent de toutes sortes de façons au contrôle de certaines zones ou de certaines forces et qui tirent profit de la production et de la culture du pavot et du trafic de l’opium en imposant des taxes ou par d’autres moyens . » Au dire des Afghans, moins la situation change, plus les gens croient que le gouvernement central est corrompu.
· Sécurité : Les talibans n’existeraient pas sans la drogue . L’argent découlant du commerce de la drogue représente une de leurs principales sources d’influence. Il s’en servent en effet pour acheter des partisans dans le sud, pour corrompre les policiers afghans et pour acheter des lance-roquettes et du matériel destiné à la fabrication d’EEI pour tuer des Canadiens. L’insurrection continuera de gronder tant que prospérera le commerce de la drogue dans la province de Kandahar.
Le Comité réitère la recommandation qu’il avait faite en février 2006, à savoir que le gouvernement du Canada avise le gouvernement Karzaï qu’il doit remettre à l’OTAN un plan global, transparent et efficace pour réduire la corruption comme condition du maintien de l’engagement à long terme du Canada en Afghanistan.
Les défis que pose l’approche pangouvernementale du Canada
Des civils bâillonnés par le gouvernement canadien
Le Groupe Manley a reproché à M. Harper ne ne pas avoir lui-même expliqué aux Canadiens ce qui se passait en Afghanistan. Depuis février 2008, le gouvernement tient à Ottawa à peu près trois séances d’information par mois sur la mission canadienne en Afghanistan. En outre, les ministres et des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), de l’ACDI et du ministère de la Défense nationale font régulièrement le point sur la mission avec les journalistes et répondent à leurs questions. Il est très bien de donner de l’information de base aux médias, mais le Comité trouve que le gouvernement restreint encore trop la diffusion de l’information aux Canadiens. Il pourrait, pour commencer, autoriser la présence de caméras aux séances d’information.
Les porte-parole des Forces canadiennes en Afghanistan paraissent beaucoup plus disposés à parler des progrès et des problèmes sur le plan de la sécurité que leurs homologues oeuvrant dans le domaine diplomatique ou du développement. Nous avons appris, durant notre visite, que le gouvernement dissuade les civils représentant l’ACDI ou le MAECI de parler de leurs activités avec les journalistes et d’autres visiteurs. Comment les Canadiens pourront-ils mieux comprendre les raisons de la présence du Canada en Afghanistan si on force ainsi tant de gens au silence?
Les Canadiens devraient entendre parler de la mission canadienne en Afghanistan non seulement par Ottawa, mais aussi par les gens qui oeuvrent sur le terrain. Naturellement, puisque nos forces sont engagées dans la lutte contre les insurgés, il y a des informations qui ne peuvent être divulguées pour des raisons de sécurité. Le Comité croit cependant que les Canadiens aimeraient entendre les hommes et les femmes, militaires et civils, qui travaillent sur le terrain, afin de se faire une meilleure idée des conditions de vie en Afghanistan, des dangers auxquels ils font face et des progrès qu’ils accomplissent.
Trop peu d’effectifs pour une tâche aussi imposante
Les représentants du gouvernement canadien
Une deuxième chose à savoir à propos des civils canadiens sur place en Afghanistan : il n’y en pas suffisamment. Le Canada manque de soldats pour tenir en échec les insurgés dans la région de Kandadar et il est très à court de diplomates et de représentants de l’aide civile pour coordonner les activités avec le gouvernement afghan à Kaboul et mener à bien le plus imposant programme de développement du Canada à l’étranger.
Vingt-six représentants du gouvernement canadien sont à pied d’oeuvre à Kandahar. Le Comité a appris que le gouvernement compte doubler ce nombre au cours de la prochaine année. Il peut paraître ambitieux de vouloir doubler sa représentation, mais pas quand celle-ci se limite actuellement à 26 personnes. Les civils que nous avons rencontrés à Kandahar ont insisté sur le fait que toute aide supplémentaire serait la bienvenue. La cadence des opérations est intense et, puisque la semaine de travail est décalée au Canada par rapport à l’Afghanistan[44] et qu’il y a toujours du travail à faire, il n’y a pas beaucoup de jours de repos. Dans un climat de tension, il ne faut pas se surprendre que nos civils souffrent d’épuisement professionnel.
Le Comité a aussi appris que les civils dans la région de Kandahar auraient particulièrement besoin d’aide dans des domaines où il faudrait grandement améliorer la situation, par exemple :
· des policiers de la GRC et de corps de police municipaux de partout au Canada pour aider à la formation de la PNA;
· des experts juridiques de Justice Canada pour aider à la réforme de la justice à Kandahar, un projet qui a pris beaucoup de retard par rapport aux initiatives menées dans d’autres secteurs;
· des spécialistes des relations publiques du gouvernement, afin que les civils en poste à Kandahar puissent dire les choses telles qu’elles sont à la population canadienne.
Le colonel Serge Labbé, de l’Équipe consultative stratégique à Kaboul, nous a dit qu’il aimerait voir au moins 100 civils canadiens parmi les meilleurs travailler au sein de cette équipe.
Équipe consultative stratégique - Afghanistan (ECS-A)
· L’Équipe consultative stratégique est le fruit d’une initiative lancée en 2005 par les Forces canadiennes dans le but de fournir, sur une base bilatérale, une équipe de planificateurs stratégiques militaires destinée à appuyer le développement des ministères afghans en leur faisant profiter de l’expérience canadienne[45].
· En mars 2008, l’ECS-A était composée de 19 personnes ayant pour fonctions de conseiller leurs collègues au sein des ministères afghans et de les aider sur le plan de la procédure, tout en restant politiquement neutres.
· L’ECS-A est un élément de la Stratégie de développement national de l’Afghanistan dont le Canada est responsable.
Si le gouvernement canadien doit offrir des primes à ses fonctionnaires pour les inciter à aller travailler à Kandahar, alors qu’il le fasse. Un million de dollars supplémentaire au budget des salaires des fonctionnaires est un faible prix à payer comparativement à ce qu’il pourrait en coûter de tenter d’accomplir une tâche aussi imposante et cruciale avec un petit noyau insuffisant de gens fatigués.
Les civils canadiens que nous avons rencontrés à Kandahar nous sont apparus, pour la plupart, extrêmement compétents. Ces gens ne pourront jamais faire ce qu’on exige d’eux si on les épuise.
Les militaires
a) La lutte anti-insurrectionnelle
La taille de la présence militaire étrangère en Afghanistan a été bien inférieure à ce qu’on aurait pu attendre au départ. Dans le secteur sud, il y a environ 6 soldats par 100 kilomètres carrés. En Bosnie, pays ayant moins du tiers de la superficie de l’Afghanistan, il reste encore 11 soldats par 100 kilomètres carrés, plus de 10 ans après les premiers déploiements qui avaient suivi la conclusion des accords de Dayton (au départ, leur nombre était de 117 par 100 kilomètres carrés).
[…] Si un insurgé doit affronter une force écrasante, il est moins susceptible d’entreprendre une action violente. Le niveau de la violence dans le Sud en 2006 témoigne de la faiblesse de l’ISAF sur le terrain. Et, ce qui est plus important, les nombres montrent le manque de volonté politique, sinon de belles paroles, des pays lorsqu’il s’agit de l’Afghanistan. Même si des tactiques bien pensées sont importantes, la volonté politique est essentielle pour réprimer une insurrection[46].
Le Comité a souligné à maintes reprises que les 2 500 soldats canadiens à Kandahar, dont environ 1 000 seulement affrontent les insurgés en dehors du périmètre de sécurité, ne sont pas suffisants pour repousser l’insurrection. Le Comité a été surpris de voir le Groupe Manley recommander l’ajout de seulement 1 000 soldats de l’OTAN pour donner un coup de main à nos troupes. Nous sommes d’avis qu’il faudra beaucoup plus que 1 000 soldats supplémentaires pour chasser les talibans de la province de Kandahar et procéder à la reconstruction.
Les troupes que la France s’est engagée à déployer dans l’est pour permettre à des soldats américains de venir appuyer leurs collègues canadiens dans le sud arrivent évidemment à point nommé et devraient répondre aux besoins exprimés par le Groupe Manley. Il se pourrait aussi que Washington finisse par envoyer en renfort un contingent beaucoup plus important, ce qui serait fort apprécié. Mais soyons réalistes. D’après ce que nous avons vu et ce que nous ont dit pratiquement tous les commandants et les simples soldats qui connaissent de près la situation à Kandahar, quand bien même on doublerait les effectifs de combat dans la région de Kandahar, ce serait encore trop peu pour assurer le degré de sécurité nécessaire à la mise en œuvre des projets de développement.
Les soldats canadiens combattent aux côtés de l’Armée nationale afghane, mais celle-ci n’a toujours pas ce qu’il faut pour faire partie d’une force de combat professionnelle. Que lui manque-t-il? Bien des choses, par exemple : plusieurs types d’équipements modernes, des unités de communications et de logistique et une force aérienne. Elle finira bien par se munir de tout cela, mais ce n’est pas pour tout de suite.
b) Des mentors et des catalyseurs du développement
Il est évident pour les membres du Comité que la région de Kandahar n’est pas encore suffisamment sûre pour que des civils canadiens ou locaux puissent s’aventurer sans protection en dehors de la ville pour y effectuer du travail de développement. D’où l’incroyable utilité des équipes de coopération civilo-militaire des Forces canadiennes, dont nous avons parlé précédemment. Ces équipes font des sorties hebdomadaires en dehors du périmètre de sécurité pour rencontrer les gens du cru et faciliter les projets de développement. Cependant, ces ressources fonctionnent à la limite de leurs capacités. Le Canada devrait donner de l’expansion aux équipes de liaison et de mentorat opérationnel (ELMO) à mesure que se développe l’Armée nationale afghane. Ce serait une façon, pour lui, d’accentuer son engagement non militaire dans la province de Kandahar. Encore une fois, cependant, nous rappelons aux Canadiens que ce genre d’initiatives nécessite un degré de sécurité beaucoup plus élevé que ce qu’il est actuellement.
Dans son dernier rapport sur l’Afghanistan, en 2007, le Comité a recommandé que le gouvernement du Canada envoie jusqu’à 250 instructeurs des Forces canadiennes pour accroître la capacité de formation des membres de l’ANA des équipes canadiennes de liaison et de mentorat opérationnel. Il est heureux de constater que les Forces canadiennes l’ont écouté et il recommande qu’elles poursuivent dans cette voie à mesure que grossiront les rangs de l’ANA.
Plus de temps pour bien faire le travail
Au cours de sa dernière visite à Kandahar, le Comité s’est souvent fait dire par nos soldats qu’ils n’ont pas assez de six mois pour effectuer correctement leur travail. Lorsqu’un soldat commence à être à l’aise dans ses fonctions, il est déjà temps de partir. C’est surtout vrai pour ceux qui travaillent avec la population afghane. La confiance est à la base des bonnes relations de travail. Quand on connaît l’histoire de ce pays, on sait que les troupes étrangères doivent gagner cette confiance, et cela prend un certain temps.
Mais il est difficile d’établir des liens de confiance quand les soldats canadiens sont remplacés tous les six mois par des collègues qui ont tout à apprendre quand ils arrivent.
Les fonctionnaires canadiens oeuvrant au sein de l’Équipe provinciale de reconstruction (EPR) de Kandahar ont des rapports quotidiens avec les Afghans. La durée de leur affectation varie de neuf mois à un an, ce qui est beaucoup mieux. Du côté militaire, par contre, les mentors de l’ANA et les membres des équipes de coopération civilo-militaire sont en Afghanistan pour six mois. Il y a une période de transition de six jours entre l’arrivée des nouveaux effectifs et le départ de leurs prédécesseurs, ce qui tombe sous le sens. Le soldat qui quitte est accompagné pendant trois jours dans tous ses déplacements par celui qui doit le remplacer, à qui il fait rencontrer les travailleurs et les décideurs locaux. Puis, pendant trois autres jours, c’est à son tour d’accompagner son remplaçant dans tous ses déplacements pour s’assurer qu’il sait s’y prendre dans son travail. Le Comité a appris que lorsqu’un soldat démontre qu’il a confiance en son remplaçant, les Afghans sont enclins à lui faire confiance eux aussi. Le Comité trouve qu’il s’agit d’une bonne pratique, quoiqu’un peu brève, mais il a du mal à croire que cela puisse fonctionner efficacement à tout coup. Nous pensons que moins souvent on passe le relais, moins on risque de le manquer.
Il serait préférable de prolonger à neuf ou douze mois la durée de l’affectation
Des affectations d’une durée supérieure à six mois seraient une bonne idée dans certains cas, et ce, pour toutes sortes de raisons.
D’abord, en restant entre neuf et douze mois, les soldats canadiens auraient plus de temps pour mieux comprendre l’Afghanistan et ses habitants, augmentant ainsi les chances de succès de la mission. Les rotations tous les six mois menacent la stabilité en Afghanistan, où il est essentiel de connaître la population locale pour obtenir son appui et la tenir à distance des agitateurs.
Ensuite, il serait à l’avantage de nos soldats, et de leurs familles, de diminuer la fréquence de leurs déploiements en Afghanistan. Leur tour revient déjà assez souvent en raison de la pénurie d’effectifs. Deux affectations de neuf mois, par exemple, perturberaient sûrement moins les familles que trois affectations plus courtes. Les soldats devraient également recevoir des primes, sous forme de supplément de salaire ou de congés supplémentaires, pour une affectation prolongée. Évidemment, cette mesure ne devrait pas toucher les soldats qui sont déjà sur le terrain ou ceux qui sont actuellement à l’entraînement en prévision de la prochaine rotation, et à qui on a dit (ainsi qu’à leurs familles) qu’ils s’en allaient pour six mois.
Le Comité n’ignore pas non plus les problèmes que pose le remplacement des troupes sur les lieux, ni les répercussions que cela peut avoir sur les opérations. Les militaires devront tenir compte des difficultés liées à la relève des troupes sur le théâtre d’opérations lorsque l’insurrection bat son plein, au moment de décider dans quelle mesure il conviendrait de prolonger la durée des affectations. Le Comité estime que les bonnes relations de travail entre nos soldats et les Kandaharis compenseront ces problèmes.
Des missions plus longues ne seraient pas quelque chose de nouveau pour les Forces canadiennes. Durant la guerre de Corée, nos soldats partaient pour un an. C’était la norme. Même aujourd’hui, les militaires canadiens affectés au quartier général de la FIAS à Kaboul ou travaillant au quartier général de Kandahar sont là pour neuf mois.
D’après les médias, les autorités britanniques songeraient elles aussi à porter à un an la période d’affectation de leurs soldats. Il ne plaira peut-être pas à tous nos soldats, ni à leurs familles, qu’on prolonge à neuf mois la durée de leur affectation, mais cette mesure pourrait s’avérer moins onéreuse pour les familles et elle augmenterait les chances de progrès en Afghanistan.
Partie 3 : Des progrès en Afghanistan?
Le sénateur Tkachuk : […] Vous avez dit plus tôt qu’il était difficile de faire passer notre message. Mais ce n’est peut-être pas de cela que les gens veulent entendre parler. Peut-être veulent-ils entendre dire que les gens là-bas sont en meilleure sécurité, et savoir pourquoi.
Brigadier-général P.J. Atkinson, directeur général des Opérations, État-major interarmées stratégique, Défense nationale : […] C’est une pression tout-terrain qui est exercée. Il n’y a pas que la question de la sécurité. Notre mission est une mission de sécurité, mais ce dont il faut vraiment parler, c’est ce qu’il arrive aux gens.
Je vous ai montré une photo qui fait voir la différence entre le mois d’avril et le mois de novembre à Sangin, dans la région de Zhari-Panjwai. À Noël, il y a un an, nous observions un certain secteur de la ville: il n’y avait pas âme qui vive. Quand j’y suis retourné en mai, cette année, 30 000 personnes étaient revenues dans la région. Les lumières sont allumées, les routes sont ouvertes, des vignes ont été plantées, on creuse des puits. On peut le voir. En s’organisant pour que les forces de sécurité nationales afghanes inspirent espoir et confiance — et j’ai mentionné le fait qu’elles ont pris en charge des opérations pour la première fois, des opérations mixtes, puis des opérations indépendantes — on montre aux Afghans qu’ils ont leur mot à dire à propos de ce qui se passera à l’avenir, qu’il y a une place pour eux. Ils voient que leur propre armée et leur propre force policière se tiennent debout et les protègent. C’est le visage que nous devons montrer pour qu’on en arrive à un état où les Afghans sont à même d’assumer la responsabilité de leur propre avenir[47].
Conscient des nombreux obstacles qui jalonnent la route du progrès en Afghanistan, le Comité a cherché avec scepticisme des preuves de progrès réels en Afghanistan, soit dans le déroulement de la mission canadienne ou dans les résultats obtenus. Son évaluation repose sur les nombreuses heures de témoignages recueillis à l’occasion de ses audiences, d’entrevues privées et de ses trois visites en Afghanistan, en 2005, 2006 et 2008.
Pourquoi un tel scepticisme? Parce que nous ne sommes pas dupes et que nous savons fort bien que, quand une délégation comme la nôtre se rend en Afghanistan, ses hôtes canadiens – et les Afghans qui travaillent pour eux – s’efforcent naturellement de présenter les choses sous le meilleur jour possible. Les Canadiens qui travaillent à Kandahar ont tout intérêt à voir la mission canadienne en Afghanistan réussir, et il serait naïf de s’attendre à ce qu’ils attirent l’attention du Comité sur ses aspects les moins reluisants.
Cela dit, suffisamment de personnes rencontrées sur place ont évoqué en toute franchise la possibilité que la mission échoue pour convaincre les membres du Comité qu’on ne leur avait pas exagéré ses chances de succès, ni caché la réalité. Rien ne garantit que l’Afghanistan, après trente ans de tourments, commencera à ressembler à un État qui fonctionne, mais nous avons constaté des signes encourageants.
Des progrès sur
le plan de la sécurité
Il est difficile de gouverner et de développer le pays en l’absence de sécurité. Les Afghans ne pourront jamais se sortir de dizaines d’années de désespoir tant qu’on n’aura pas rétabli un semblant d’ordre dans toutes les régions du pays. C’est à cette condition seulement qu’il sera possible d’offrir à la population afghane des conditions de vie normales, exemptes des bouleversements constants que suscitent les conflits et de la crainte que les talibans ne reviennent imposer leur joug moyenâgeux.
Comme les talibans demeurent une menace très réelle pour le gouvernement démocratiquement élu, et que cela ne risque pas de changer dans l’immédiat, force est, pour rétablir la sécurité et la paix, de faire appel à une force militaire, constituée en grande partie pour l’instant de troupes étrangères.
Question clé :
Quand les forces de sécurité nationales afghanes seront-elles capables de
protéger la population?
Le sénateur Nancy Ruth : Y a-t-il un mécanisme de mesure qui est employé pour qu’on sache comment se débrouillent les Afghans?
Brigadier-général P.J. Atkinson, directeur général des Opérations, État-major interarmées stratégique, Défense nationale : On reconnaît l’arbre à ses fruits: les opérations menées sur le terrain. J’ai parlé des opérations indépendantes et interarmées menées à bien depuis un mois — les fruits de la démarche sont là. C’est un franc succès[48].
On souhaiterait voir l’Armée nationale afghane prête à intervenir au besoin pour soutenir les autorités civiles, alors que la sécurité au jour le jour serait assurée par la police. La capacité militaire et, dans une moindre mesure, la capacité de la police, semblent avoir considérablement progressé partout en Afghanistan. Les forces de sécurité nationales afghanes sont les organismes d’exécution du gouvernement central, et leur territoire de compétence s’étend bien au-delà des limites de la capitale. On jugera donc de la compétence et de la légitimité du gouvernement central à la capacité de l’armée et de la police à protéger les citoyens. En fin de compte, le degré d’attachement et de confiance de la population afghane à l’endroit de son gouvernement sera fonction de l’efficacité des forces de sécurité nationales. Toute amélioration future de l’armée et de la police sera graduelle. Le processus s’apparentera à un marathon, et non à un sprint.
L’Afghanistan est un pays de guerriers. Il n’y manque donc pas d’hommes courageux et valeureux prêts à se battre. Reste à en faire une force de combat unie et disciplinée, puis à leur procurer du matériel.
Presque tous ceux à qui nous avons parlé durant notre visite nous ont dit que les soldats afghans étaient beaucoup plus disciplinés qu’avant, tant sur le plan de l’assiduité (auparavant, beaucoup manquaient à l’appel les jours de fête ou à d’autres occasions) que sur celui de leur capacité de se battre en tant qu’unité efficace. On doit ce résultat en grande partie aux militaires canadiens affectés aux unités afghanes par l’Équipe de liaison et de mentorat opérationnel (ELMO). Le Canada fournit aussi du matériel moderne aux soldats afghans. Par exemple, des fusils C7, des adaptations du M16 américain, seront remis à 2 500 soldats afghans à Kandahar dans les prochains mois. Beaucoup ont déjà été distribués, et les soldats canadiens apprennent à leurs homologues afghans à s’en servir.
Faire maison nette, tenir et construire
Brigadier-général P.J. Atkinson, directeur général des Opérations, État-major interarmées stratégique, Défense nationale : L’Armée nationale afghane a achevé récemment une opération mixte fructueuse visant à accroître la sécurité dans le district de Zhari de la province de Kandahar. La première Brigade du 205e Corps de l’ANA, de concert avec la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan du Canada et d’autres éléments de la FIAS sous la direction de l’OTAN, a mené à bien l’opération TASHWISH MEKAWA, ou « Aucun problème », comme on l’a traduite. L’opération en question comportait deux buts : chasser les insurgés du territoire entourant l’important carrefour de la région de Sangsar, à environ 40 kilomètres à l’ouest de la ville de Kandahar, et mettre en place un centre de résistance, une enceinte fortifiée, à partir duquel les forces de sécurité nationales afghanes assureront le contrôle du carrefour et maintiendront une présence dans le secteur, comme nous l’avons fait ailleurs en octobre[49].
Le premier jour de notre visite, le brigadier-général Guy LaRoche nous a donné des exemples de transfert à l’Armée nationale afghane (ANA) de certaines responsabilités en matière de défense assumées par les Forces canadiennes. Il nous a dit par exemple que l’année dernière, à la même époque, les soldats canadiens étaient chargés de tenir le district de Zhari après l’avoir repris de haute lutte aux talibans. Mais maintenant que l’Armée nationale afghane (ANA) a doublé ses effectifs dans la région, et grâce au succès remporté par le Royal 22e dans le cadre des opérations conjointes des Forces canadiennes et de l’ANA, ce sont maintenant des soldats afghans qui veillent à ce que le district de Zhari ne retombe pas aux mains des insurgés.
La majorité des opérations effectuées à l’extérieur du périmètre de sécurité[50] sont maintenant confiées aux Afghans, les Forces canadiennes y jouant simplement un rôle de soutien. Cela permet aux soldats canadiens ainsi libérés de faire deux choses : a) élargir leur zone d’activité et ainsi contrer les talibans sur un plus grand territoire, et b) accentuer l’instruction des soldats afghans, ce qui est crucial pour l’avenir du pays. Lorsque l’Armée nationale afghane s’est chargée du district de Zhari, nos soldats ont pu aller conquérir d’autres territoires et ouvrir la base d’opérations avancée Frontenac. « Prendre le territoire des insurgés et y construire un centre de résistance à partir duquel les forces afghanes contrôleront le secteur n’est qu’un élément de notre stratégie générale pour mettre en place un environnement de sécurité durable dans la zone des opérations canadienne[51] ». Plus nos soldats peuvent maîtriser de territoire, plus les soldats et les civils canadiens ont d’interaction avec la population locale, et plus on peut faire de développement. Comme le disent nos soldats, cela fait tache d’encre.
En avril 2007, l’ANA comptait 46 000 réguliers, soit une hausse de 20 000 hommes par rapport à 2005. Le gouvernement afghan dit qu’il lui faut une armée régulière d’au moins 70 000 hommes pour tenir à lui seul les talibans en échec et stabiliser le pays au point de gagner le respect des Afghans. Certains soldats manquent encore d’entraînement, mais au moins les choses vont dans la bonne direction, tant sur le plan du nombre que sur celui de l’instruction des militaires.
L’Armée afghane s’attire le respect
Arif Lalani, l’ambassadeur du Canada en Afghanistan, a rencontré le Comité au début de son voyage. Il nous a dit que les Afghans avaient maintenant beaucoup plus de respect qu’avant pour leurs militaires. Nous avons également entendu des commentaires à cet effet en Afghanistan. Un sondage mené dernièrement auprès des Afghans par Environics Research Group a révélé qu’« une grande majorité d’Afghans (84 p. 100) ont exprimé au moins une certaine confiance à l’endroit de l’Armée nationale afghane[52] ». Si la tendance se maintient, les chances de survie du nouvel État seront nettement meilleures.
L’apport du Canada à ce chapitre est énorme. En les empêchant de s’imposer dans leur fief traditionnel de Kandahar, les Forces canadiennes ont amorti la relance militaire des talibans.
Les talibans n’en continuent pas moins de multiplier les tentatives en vue de miner l’autorité du gouvernement afghan. Le trafic des stupéfiants leur rapporte des sommes considérables qui leur permettent de recruter des soldats et d’acheter des armes, et ils jouissent toujours d’une source sûre de fanatiques bien endoctrinés dans les zones tribales du Pakistan. Sans la présence des troupes de l’OTAN, ils auraient peut-être repris les rênes du pays à l’heure qu’il est.
L’ambassadeur Lalani a dit au Comité qu’il n’est pas impossible que les talibans puissent reprendre tout le pays, mais ils devront d’abord prendre Kandahar. S’ils n’ont pas encore réussi à le faire, c’est en grande partie en raison de la présence des troupes canadiennes.
Quatre signes encourageants à Kandahar
1. La coopération canado-afghane
Les Forces canadiennes travaillent dans une harmonie relative avec les militaires, la police et les organismes publics afghans pour tenir les territoires débarrassés des talibans et y amorcer des activités de développement. Auparavant, les Canadiens s’emparaient d’un secteur, sans grande aide de la part des Afghans, pour voir le secteur retomber aux mains des talibans après leur départ parce que les Afghans n’arrivaient pas à tenir. La coordination des efforts des Canadiens et des Afghans constitue une avancée importante depuis la dernière visite du Comité, en décembre 2006.
2. Les engins explosifs improvisés (EEI)
On nous a dit que les Kandaharis communiquent beaucoup plus de renseignements aux Forces canadiennes sur les activités des talibans. Ils renseignent nos forces notamment sur les lieux de fabrication et l’emplacement des engins explosifs improvisés. En fait, les insurgés seraient si frustrés par cette collaboration qu’ils auraient enjoint aux compagnies de téléphone de ne plus assurer le service pendant qu’ils installent leurs EEI. Ils auraient même incendié les tours de communication de celles qui ont refusé d’obtempérer. Douze incidents du genre ont été signalés dans le Commandement régional Sud[53].
D’après ce que nous avons appris, les Forces canadiennes ont adopté une démarche holistique à l’endroit de la menace que représentent les EEI. Cette démarche consiste notamment à mettre à profit les renseignements fournis par la population et à travailler en collaboration avec la Police nationale afghane, dont les membres ont une meilleure connaissance du mode de vie des villageois que nos soldats. Les Forces canadiennes jouissent aussi d’une formation sans cesse renouvelée sur la neutralisation des EEI, de nouveaux équipements résistant aux explosions et d’une technologie de pointe qui permet non seulement de détecter et désamorcer des EEI, mais aussi de conserver suffisamment de pièces à conviction pour retracer les origines et les fabricants de la bombe.
Le sénateur Banks : […] Tout de même, il est question dernièrement d’améliorations à cet égard. Disposons-nous maintenant de meilleurs véhicules pour contrer les EEI, les bombes de circonstance, les attentats-suicides?
Brigadier-général P.J. Atkinson, directeur général des Opérations, État-major interarmées stratégique, Défense nationale : Aucun autre groupe n’est mieux équipé que notre groupement tactique canadien, qui peut recourir aux LAV3, aux Nyala, à des chars d’assaut, au dispositif d’ouverture d’itinéraire que nous venons de déployer, aux camions blindés et lourds que nous venons de déployer. En bref, nous disposons du meilleur matériel, cela ne fait aucun doute[54].
Nos soldats disposent peut-être du meilleur dispositif d’ouverture d’itinéraire et des meilleurs camions blindés lourds qui soient, mais certains se sont plaints de ne pas avoir de véhicules et de pièces de rechange en quantité suffisante. Il semble que l’on ait effectivement besoin de plus de véhicules blindés de vérification d’itinéraire[55] résistant aux explosions, ainsi que de la technologie la plus pointue pour déceler et désamorcer les EEI.
3. Le travail d’équipe
Par rapport à notre dernière visite, on constate une plus grande harmonie entre les intervenants canadiens : militaires, diplomates, personnel des organismes d’aide et autres organisations. Nous avons appris également que le personnel civil et militaire canadien travaille en plus étroite collaboration avec les militaires, la police et les fonctionnaires afghans. À titre d’exemple, un centre interarmées de coordination de district (CICD) vient d’être installé dans la base d’opérations avancée de Masum Ghar. Il coordonne l’action de toutes les forces de sécurité (Forces canadiennes, GRC, Armée nationale afghane, Police nationale afghane, Police nationale afghane pour l’ordre civil [la version afghane de la GRC] et Direction de la sécurité nationale afghane [les services de renseignement afghans]) pour voir à ce que tous les acteurs poursuivent les mêmes objectifs. Des réunions régulières permettent de discuter des problèmes de sécurité et de s’entendre sur des solutions.
4. Une meilleure sécurité globale
Le chef du district de Panjwayi, Hadji Baran, nous a dit que le signe indéniable de la normalisation, c’est le retour des habitants dans leur village. Or, d’après des estimations, 4 000 Afghans qui avaient fui le fief taliban de Sperwan Ghar quand les talibans y régnaient ont réintégré leur village; 3 000 environ seraient rentrés dans le district de Panjwayi, un autre bastion des talibans. Les échoppes ont commencé à rouvrir dans les deux districts et les projets de développement, comme la boulangerie et le marché communautaires visités par le Comité, sont légion.
Une des grosses différences que le Comité a constatée au cours de sa dernière visite en Afghanistan, la troisième, est la quantité de temps qu’il a pu passer en dehors du périmètre de sécurité, loin de la protection de la base. En décembre 2006, nous n’avions passé que trois ou quatre heures en dehors du périmètre pour aller rendre visite à l’Équipe provinciale de reconstruction (EPR) au camp Nathan-Smith. Cette fois-ci, nous avons passé toute la nuit à ce camp. Nous avons emprunté un convoi franchissant la ville de Kandahar pour voir des projets de développement dans les quartiers éloignés de la ville. Nous avons aussi passé quelques heures dans une base d’opérations avancée (BOA). Le fait que notre hélicoptère ait pu survoler la ville à basse altitude sans devoir être accompagné d’un hélicoptère d’attaque traduit un sentiment de sécurité qui n’existait pas il y a un an et demi.
Le Comité assiste à une démonstration de force
Sur le chemin du retour au camp Nathan-Smith, qui abrite l’EPR de Kandahar, après une visite au centre de formation professionnelle des femmes de Kandahar, notre convoi a été témoin d’une démonstration de force. Un taxi refusait de s’éloigner du convoi malgré tous les signes que faisaient les soldats pour obtenir la coopération de son chauffeur. Il aura fallu un coup de semonce tiré dans le sol pour le faire arrêter. Cet incident mineur nous a rappelé que malgré l’amélioration de la sécurité dans certaines parties de Kandahar, nul ne tient rien pour acquis.
Tout n’est pas rose pour les talibans. . .
Il y a fort à parier que les talibans vont causer des difficultés en Afghanistan pendant de nombreuses générations encore. Ce qu’il faut se demander, c’est s’ils retourneront un jour au pouvoir ou s’ils vont continuer de causer tant et tant de problèmes que personne ne réussira à gouverner le pays.
Les deux scénarios sont possibles. On nous a dit que les Afghans sont bien en peine de prévoir le vainqueur de cet affrontement, les talibans ou le gouvernement actuel, et qu’ils ne savent pas si l’OTAN va tenir le coup suffisamment longtemps pour permettre au gouvernement de s’assurer le contrôle de tout le pays. Certains analystes pensent que les talibans sont en train de reprendre le dessus.
Par contre, nos propres observations des derniers mois – y compris ce que nous avons vu et entendu durant notre dernière visite en Afghanistan – nous donnent à penser que tout ne va pas pour le mieux pour les talibans, contrairement à ce qu’ils voudraient nous faire croire. D’un point de vue militaire, la nuit nous appartient, et les talibans ne l’ignorent pas. On nous a dit que nos soldats jouissent d’une supériorité opérationnelle une fois la nuit tombée et que, selon des communications interceptées, cette supériorité inquiète les talibans.
On sent chez ces derniers des signes de désespoir. Par exemple, on s’attendrait que les talibans, sur leur propre terrain, fassent des pieds et des mains, à l’instar du gouvernement, pour se gagner le cœur de la population, mais il n’en est rien. Au contraire; ils ne se font pas d’amis en incendiant des écoles et en menaçant les cantonniers. D’incendier des antennes de communication alors que les insurgés eux-mêmes se servent de téléphones cellulaires semble aussi assez absurde.
Le fait que les Kandaharis continuent d’aller à l’école et de construire des routes montre que beaucoup d’entre eux sont en faveur du progrès. Les Afghans à qui nous avons parlé nous ont dit maintes et maintes fois qu’ils en ont assez de vivre dans la terreur et nous ont fait part du même souffle de leur reconnaissance pour les efforts que déploie le Canada. Nous ont-ils raconté seulement ce que nous voulions entendre? Peut-être. Nous croyons cependant que c’est un acte de désaveu concret à l’endroit des talibans que d’aller à l’école et de construire des routes malgré les menaces proférées par ces derniers.
Des progrès en matière de développement économique et social
Le sénateur Peterson : Monsieur Wallace, vous avez décrit la progression des choses, vos réalisations dans le secteur. Je suis sûr que les talibans et al-Qaïda ne souhaitent pas que vous réussissiez. Avez-vous ce genre de difficultés : que les projets auxquels vous travaillez soient détruits par les talibans et par al-Qaïda, qui souhaitent nier que vos projets puissent aboutir?
Stephen Wallace, vice-président, Groupe de travail sur l’Afghanistan, Agence canadienne du développement international : Les insurgés n’ont pas intérêt à ce qu’un gouvernement démocratiquement élu s’implante. Cela dit, je crois qu’il existe une véritable différence entre ce qui est tenu pour local et ce qui est tenu pour étranger. À voir 600 projets de développement communautaire menés à bien grâce à 530 conseils de développement dans la province de Kandahar tout en constatant que pratiquement aucun de ces projets ne fait l’objet d’une attaque, nous nous posons la question : pourquoi? La réponse, à mon avis, c’est que les projets en question sont considérés comme des priorités locales; des projets locaux, menés sous la direction des autorités locales.
Là où les collectivités locales d’Afghanistan prennent en main leur propre développement et mettent à exécution leurs propres projets, nous constatons que les projets en question se portent bien. C’est la grande différence là-bas. Là où les collectivités afghanes assument la responsabilité de leur propre développement, nous constatons un niveau de protection que nous ne verrions peut-être pas autrement[56].
La mission militaire du Canada en Afghanistan accapare une très grande partie de l’attention des médias et le Canada ne peut faire quoi que ce soit pour améliorer le sort des Afghans sans le soutien des militaires. En dernière analyse, cependant, le seul espoir de viabiliser l’Afghanistan passe obligatoirement par le développement économique et social.
Or, pour que ce type de développement puisse s’imposer, il doit tenir compte des priorités des Afghans. Le Comité s’est fait dire que les conseils de développement communautaire (CDC) – dans la ville de Kandahar et dans les régions éloignées où le gouvernement de Kaboul a peu d’influence – commencent, au moins dans certains cas, à être bien établis, et donnent aux Afghans un plus grand sentiment d’avoir leur destin entre leurs mains. Les représentants locaux élus au sein des CDC décident de la façon dont le Programme de solidarité nationale[57] dépense, chez eux, les sommes destinées à améliorer les conditions de vie, ainsi que de la priorité à accorder aux projets de développement dans leur collectivité. Cela revêt une importance cruciale, car, de mémoire d’Afghan, les hommes et les femmes qui peuplent le pays ont toujours été des pions, les pions des Soviétiques, puis des talibans, des chefs de guerre et des trafiquants de stupéfiants.
Là encore, nous ne sommes pas naïfs. Nous n’avons pu visiter que deux projets financés par l’Agence canadienne de développement international (ACDI) à l’extérieur de la ville de Kandahar et parler aux moniteurs de ces projets, mais ce que nous avons vu et ce que nous avons entendu dire au sujet d’autres projets nous convainc que l’idée est certainement bonne et qu’elle donne même, semble-t-il, des résultats.
Activités des ONG canadiennes
Paul LaRose-Edwards, directeur exécutif, CANADEM : […] D’après mon expérience, les ONG et les autres organisations finissent toujours par trouver le moyen de travailler malgré les situations difficiles. Il y aura toujours des civils canadiens, notamment des membres de différentes organisations canadiennes, qui seront suffisamment téméraires pour se rendre partout, peu importe le conflit, et peu importe que l’armée soit là ou non […]
Le sénateur Banks : Pratiquement tout le monde avait quitté Kandahar lorsque nous y sommes allés.
M. LaRose-Edwards : Nous savons qu’une organisation, Development Works, y était. Development Works était à Kandahar en 2002[58].
Les deux projets que nous avons visités étaient administrés par une entreprise canadienne, Development Works, d’Almonte, en Ontario, aux termes d’un contrat de 5 millions de dollars de l’ACDI. Development Works a pour credo d’œuvrer « dans le respect des gens, en veillant au partage des retombées et en collaboration avec les personnes concernées[59] ».
Les membres du Comité ont pu voir à l’œuvre cette entreprise dans la reconstruction d’un petit village. Le projet, appelé Projet de développement rapide des villages dans la province de Kandahar, consistait à aider la population à améliorer l’infrastructure d’approvisionnement en eau et les installations sanitaires, et à faire la réfection des bâtiments scolaires, en plus d’aider à l’aménagement d’un marché et à la construction d’une boulangerie communautaire. Le directeur de Development Works, Drew Gilmour, passe 60 à 70 p. 100 de son temps dans la province de Kandahar. Il tient à ce que les projets de ce genre demeurent résolument axés sur la communauté. Il a raconté au Comité qu’il passe sept mois à sonder les conseillers provinciaux, les dirigeants communautaires et les simples citoyens kandaharis sur leurs besoins et leurs priorités, et à convenir avec eux des projets qui pourront aller de l’avant. Une fois qu’on s’est entendu sur un projet, une annonce à cet effet est affichée sur le mur de la mosquée.
Les projets de M. Gilmour visent à répondre aux besoins du plus grand nombre. Le Comité a appris que l’emplacement où se déroulait le projet de développement rapide que nous avons visité avait été choisi parce qu’il s’agissait d’un endroit central, accessible à environ 60 000 Kandaharis, pour installer un marché, une boulangerie, une clinique et d’autres centres de services. On nous a dit également qu’il avait été convenu, au cours des négociations avec la population, que 60 p. 100 des profits de la boulangerie seraient investis dans la formation des enseignants. Cette initiative a évidemment séduit le ministère de l’Éducation de l’Afghanistan, qui accueille avec joie cette aide providentielle pour les enseignants, dont le salaire touche à peine 60 dollars américains par mois, et qui espère qu’elle attirera plus de Kandaharis dans l’enseignement. Le reste des profits de la boulangerie ira au maître-boulanger (10 p. 100) et dans un fonds communautaire (30 p. 100) servant à construire des puits, à subventionner le transport jusqu’aux cliniques et ainsi de suite. En plus de profiter aux villages des alentours, les projets destinés à répondre aux besoins de la collectivité et à servir un grand nombre d’habitants jouissent d’une certaine protection de la part des villageois, contre les talibans.
Development Works a aussi contribué à la création d’une série de centres de formation professionnelle pour femmes où 120 femmes se perfectionnent en couture en vue de la création d’une industrie locale du vêtement. Le Comité s’est rendu dans l’un de ces centres. Mme Rangina Hamadi, qui défend la cause des femmes au niveau local, nous a dit que l’argent que gagnent ces femmes leur donne plus de poids dans leur ménage et que beaucoup d’entre elles s’en servent pour persuader leur époux d’envoyer pour la première fois leurs filles à l’école.
Un changement d’orientation pour l’ACDI?
L’ACDI fait l’essai d’une démarche qui consiste à accorder des contrats à des entreprises privées prêtes à prendre le risque de travailler dans les villages de la province de Kandahar. Elle continue cependant de verser la majeure partie de ses fonds consacrés à l’aide au développement à des organisations internationales qui les distribuent à leur tour à divers organismes du gouvernement afghan, dans le but de contribuer aux initiatives de développement du gouvernement et d’accroître la visibilité de ce dernier dans toutes les régions de l’Afghanistan. On ne peut encore se prononcer sur cette approche en deux volets de l’ACDI. Le Groupe Manley a demandé que le Canada fasse preuve de créativité pour accroître le soutien de la population afghane au gouvernement central, tout en se montrant lui-même plus présent dans la province de Kandahar. Les projets de Development Works correspondent parfaitement au souhait exprimé par le Groupe Manley de voir davantage de projets associés au Canada être réalisés dans la province de Kandahar. Nous n’avons pas vu suffisamment de projets pour dire si Development Works applique « la » bonne démarche en matière de développement à Kandahar, mais ce que nous avons vu nous a fait bonne impression. Selon nous, l’ACDI devrait encourager plus d’entreprises à suivre les traces de M. Gilmour dans cette province afghane.
Ces projets nous rappellent aussi l’importance de la mission du Canada pour l’instauration d’un climat de sécurité propice au développement. Si M. Gilmour tâche le plus possible de se fondre dans le milieu – en s’habillant comme les Afghans, en mangeant la cuisine locale, etc. – il n’oublie pas d’enfiler un gilet pare-balles sous ses vêtements. En effet, il reste dangereux pour les Canadiens de s’aventurer en dehors de la base militaire à Kandahar. Mme Elissa Golberg, la représentante du Canada à Kandahar, et d’autres représentants civils du gouvernement canadien nous ont fait part de leur frustration de ne pas pouvoir circuler librement autour de Kandahar en raison des règles de sécurité.
Même les Afghans qui participent aux activités de développement sont la cible de menaces et de mesures de rétorsion de la part des talibans, toujours aussi omniprésents. Par contre, le chef de district Hadji Baran nous a dit que les travailleurs locaux se présentaient au travail en dépit des menaces, ce qui démontre, du moins l’espérons-nous, que la population veut échapper au passé destructeur de l’Afghanistan et commencer à bâtir un nouvel avenir. Mais il y a peut-être une explication plus simple à cela, à savoir qu’il règne une terrible misère et que les Afghans ont désespérément besoin de travail.
Des projets financés par les militaires canadiens
Les Forces canadiennes contribuent à la réalisation des projets de développement de deux manières. D’abord, sur le plan pratique. Par exemple, des ingénieurs militaires gèrent des activités de reconstruction et de développement à impact rapide. Ensuite, sur le plan consultatif. Par exemple, un peloton de coopération civilo-militaire (COCIM)[60] constitué d’officiers de réserve organise des rencontres avec les décideurs locaux et les ONG internationales pour déterminer s’ils ont besoin d’aide sur le plan de la sécurité ou si les Forces canadiennes devraient essayer de se tenir à l’écart. Chaque rotation dispose d’un budget qu’elle emploie à améliorer la qualité de vie des habitants. L’aide offerte à la population a pour effet de rehausser la sécurité de nos soldats sur le terrain. Les Afghans en bénéficient, et les Canadiens aussi.
Le Comité a observé un projet d’aménagement d’une route mis en œuvre par des ingénieurs militaires à partir de la base d’opérations avancée de Masum Ghar. Environ 400 Afghans travaillent à construire une route qui permettra aux agriculteurs d’amener plus facilement leur récolte au marché. On nous a dit que, pendant un certain temps, les Afghans employés à la construction de cette route désignaient celle-ci la « route des étrangers ». Nos soldats ont constaté qu’il est important pour les habitants de s’approprier le projet en travaillant à la route et en la baptisant du nom d’un héros local. En outre, comme cette route est asphaltée et de propriété afghane, il y a moins de risques qu’on y pose des bombes artisanales, puisque les Afghans auront tout intérêt à la préserver pour leur propre avenir.
Les administrateurs de projet doivent parfois se montrer particulièrement sensibles aux besoins des Afghans. Dans un cas, la souplesse dont ils ont fait preuve a sauvé des vies. En effet, il avait été prévu que les travailleurs affectés à la construction d’une route se présenteraient au travail très tôt – avant même que le gros de la population n’envahisse les rues. Les talibans n’avaient donc aucun mal à identifier les gens qui collaboraient au projet pour ensuite les menacer de représailles, eux et leur famille. Des modifications de l’horaire ont permis d’atténuer ce risque.
Autre adaptation : il serait plus facile de construire une route au moyen d’une machinerie lourde importée, mais on a choisi de montrer aux Afghans comment construire une bonne route à la main, sous la direction d’ingénieurs militaires canadiens. Les Afghans acquièrent ainsi des compétences utiles sur la construction et l’entretien des routes qui accroissent leurs chances de trouver du travail dans l’avenir.
Projets scolaires
Le Comité est passé devant une école élémentaire en construction. Il a appris que l’ACDI avait donné 3,5 millions de dollars pour la construction de 51 écoles dans la province de Kandahar cette année. Une école est terminée, 18 sont en construction et 32 autres sont prévues.
Développement en général
Le Canada investit des sommes considérables dans le développement en Afghanistan en général, et dans la province Kandahar en particulier. Sa contribution par habitant est supérieure à celle de tous les autres pays donateurs d’aide au développement en Afghanistan. Le budget américain de l’aide publique au développement (APD) en Afghanistan s’élevait à 1,23 milliard de dollars américains en 2007, celui de la Grande-Bretagne à 301 millions et celui du Canada à 292 millions.
APD destinée à l’Afghanistan, par habitant
Canada (32 millions d’habitants) = 9,13 $US par Canadien
Grande-Bretagne (61 millions d’habitants) = 4,93 $US par Britannique
États-Unis (303 millions d’habitants) = 4,06 $US par Américain
Le Comité n’a vu qu’une poignée de projets. Il lui est donc impossible, après une courte visite, de dire si les sommes que les Canadiens investissent dans le développement de l’Afghanistan donnent des résultats. Ce que nous pouvons affirmer cependant, c’est que les projets que nous avons vus semblent donner une bonne image du Canada, répondre aux besoins exprimés par les Afghans et magnifier considérablement l’utilité et la signification de la mission du Canada en Afghanistan.
Des progrès sur le plan de la gouvernance, des droits de la personne et de la primauté du droit
Tout le monde sait que les institutions afghanes sont complètement désorganisées. Il s’agit d’un pays décentralisé où l’arbitraire a régné pendant longtemps. Les Canadiens savent parfaitement que la démocratie, l’intégrité et la reddition de comptes sont essentielles à une bonne gouvernance, mais ces concepts n’étaient jusqu’à tout dernièrement que des idées abstraites en Afghanistan. Les Afghans accordent en général beaucoup d’importance à l’intégrité sur le plan personnel. Il reste que leurs institutions sont depuis longtemps entachées d’une corruption qui, là comme dans bien d’autres pays pauvres, nuit considérablement au progrès.
Cependant, d’après ce que le Comité a pu comprendre, si le désordre des institutions afghanes n’est pas encore réglé, il est bien moindre qu’il y a deux ans. Il y a eu des progrès, faibles, certes, mais importants.
La formation des gardiens de prison
Le Service correctionnel du Canada (SCC) conseille les gardiens de la prison de Sarpoza, à Kandahar, depuis février 2007. Le Canada a beaucoup contribué à l’effort de réforme des prisons afghanes de manière qu’elles respectent la règle de droit dont l’Afghanistan est en train de se doter et les normes internationales. Depuis 2003, le SCC envoie des cadres supérieurs comme conseillers en matière correctionnelle auprès de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).
L’aide offerte par le SCC inclut une formation sur le respect des droits de la personne. Mme Paula Milino, directrice des services correctionnels de l’EPR, a indiqué que les Afghans sont fort attirés par le travail d’agent de correction, puisqu’on leur garantit un milieu sûr, en plus du couvert, du logis et d’un uniforme. Il n’y a qu’un problème, et il est de taille : les agents de correction sont, parmi tous les membres de l’appareil judiciaire, les moins payés.
Le Comité continue de s’inquiéter de l’intégrité du système judiciaire. Il a fait part de ses préoccupations à l’égard d’informations suivant lesquelles des prisonniers auraient acheté leur liberté par l’entremise de juges corrompus. Mme Milino a fait savoir qu’elle n’avait été témoin d’aucun incident de ce genre à Sarpoza, une prison où l’on fixe la peine des détenus.
La Police nationale afghane
Brigadier-général P.J. Atkinson, directeur général des Opérations, État-major interarmées stratégique, Défense nationale : On n’a commencé à insister sur le développement de la police nationale afghane que deux ans après celui de l’Armée nationale afghane, mais disons que la police s’améliore même si elle a toute une côte à remonter. Deux grandes tâches ont été réalisées auprès de la police nationale afghane. Premièrement, l’acquisition de techniques de survie. Les membres de la police nationale afghane sont considérés comme des cibles vulnérables par les talibans parce qu’ils se déplacent en petites camionnettes Toyota. Ils portent bien l’uniforme, mais ils n’ont pas eu beaucoup d’entraînement, et ne portent pas d’armure. Dans un tel cas, la première tâche à assimiler, c’est l’art de survivre.
La deuxième tâche, c’est le mentorat. L’équipe de liaison et de mentorat opérationnel de la police, l’ELMO, est chargée d’encadrer les policiers afghans et de les faire cheminer lentement mais sûrement. Les policiers afghans subissent leur entraînement à une installation de Kaboul, puis ils sont envoyés dans les régions et les districts. C’est en raison du succès que nous avons eu dans le cas de l’armée que nous insistons sur les ELMO policières, qui font cheminer les recrues. Nous faisons travailler ensemble des soldats et des policiers militaires dans chaque segment[61].
Cible privilégiée des talibans, les policiers afghans sont incroyablement vulnérables et braves tout à la fois d’avoir choisi ce métier malgré les menaces dont ils sont l’objet. Le 14 avril 2008, après que nous avons quitté Kandahar, des militants talibans ont attaqué des policiers qui dormaient dans un poste de contrôle isolé et ils en ont tué onze. Or, les incidents de ce genre sont devenus monnaie courante.
Dans ces conditions de sécurité, il est difficile de transformer ce qui nous apparaît essentiellement comme une organisation paramilitaire velléitaire en une force efficace chargée de la protection des citoyens. Les Afghans racontent à la blague que la meilleure façon de se débarrasser de la criminalité en Afghanistan est de démanteler la Police nationale afghane.
Pourtant, quand on regarde l’évolution de la police dans ce pays, on constate que les choses s’améliorent, et le Canada y est pour quelque chose. Des soldats d’infanterie et des éléments de la police militaire du Canada sont venus se greffer aux unités de la PNA dans un certain nombre de stations de police satellites mixtes dans les districts de Zhari et de Panjwayi, non seulement à des fins de protection, mais aussi pour fournir des conseils pratiques aux agents de police locaux. Le Comité a rencontré des policiers canadiens qui enseignent à leurs homologues afghans à protéger la population dans un milieu truffé d’EEI, par exemple à vérifier les renseignements obtenus, à boucler le secteur, à recueillir des preuves ou des pièces à conviction et à faire enquête. On a aussi amorcé un projet pilote pour apprendre à lire aux policiers afghans.
Certains affirment que c’est entre autres parce qu’ils sont mal payés que les policiers exigent des pots-de-vin – mais il est difficile de trouver des gens qui pensent qu’une augmentation des salaires va vraiment réduire la corruption. Les salaires devaient passer de 77 à 150 $ par mois (grâce à un fonds de donateurs internationaux), mais l’argent ne se rendait pas aux policiers, si bien que les officiers militaires canadiens et américains ont pris les choses en mains.
Depuis novembre 2007, les militaires canadiens paient directement les salaires de la police de Kandahar parce qu’on s’est rendu compte que les policiers ne recevaient pas l’argent que leur devait le gouvernement de l’Afghanistan. Comme le brigadier-général Guy LaRoche l’a dit au Globe and Mail : « Ils n’ont pas vu la couleur de cet argent. Il en disparaît 10 p. 100 ici et 10 p. 100 là, si bien qu’au bout du compte, il ne reste plus rien pour ces pauvres bougres[62]. »
Le développement de district : peut-être une nouvelle planche de salut pour la PNA
David Beer, surintendant principal, directeur général des Services de la police internationale, Gendarmerie royale du Canada : […] Il faut reproduire dans l’environnement afghan la relation que nous avons en tant qu’organisme policier avec les militaires canadiens et étrangers. En contexte de guerre, dans un avenir immédiat, la police ne saura constituer un filet de sécurité dans la province de Kandahar. Ce sera la responsabilité de l’Armée nationale afghane, avec à ses côtés une police qui se développe.
De fait, il y a une stratégie qui est actuellement appliquée d’une région à l’autre pour ainsi dire : pour stimuler le développement du corps policier dans l’ensemble du pays, le Commandement de la transition conjointe de la sécurité en Afghanistan, le CTCS-A, prendra la Police nationale afghane pour l’insérer dans un milieu de formation total, pour en amener les éléments au niveau voulu. Pendant ce temps, il comblera le vide avec l’Armée nationale afghane et les forces de la coalition, chargées de la sécurité à la place de la police, puis il y aura le retour de la police, espère-t-on, dans cet environnement, aux côtés de l’Armée nationale afghane[63].
Le développement de district, un programme de formation d’une durée de huit semaines conçu par les Américains, représente le dernier espoir pour la réforme de la police en Afghanistan. Le ministre de l’Intérieur de ce pays souhaite qu’il contribue à rendre les forces policières afghanes plus disciplinées et plus professionnelles. Les participants au cours disposent d’un équipement plus perfectionné, apprennent à s’en servir et sont incités à se comporter comme des fonctionnaires au service des citoyens. On leur inculque des notions du droit afghan et le respect des droits humains fondamentaux et des différences culturelles.
En fin de compte, le programme de développement de district vise à motiver et à sensibiliser suffisamment de policiers, en plus de parfaire leurs compétences, pour que, si un collègue transgresse les règles, il y ait quelqu’un pour le rappeler à l’ordre.
La nouvelle symbiose entre les autorités militaires et civiles canadiennes s’est révélée utile pour convaincre les Américains d’implanter le développement de district dans la province de Kandahar. Les autorités américaines n’ont pas semblé prendre au sérieux la demande initiale présentée par les Forces canadiennes à cet effet. Il a fallu l’intervention de nos diplomates pour qu’un accord soit conclu.
Des progrès relativement à l’approche pangouvernementale du Canada
Nous avons constaté que les militaires sont généralement les premiers à comprendre que peu de conflits peuvent être réglés uniquement par une intervention militaire.
Sans diplomatie et en l’absence de campagne de lutte contre les causes sociales, culturelles et économiques des conflits, les victoires militaires pourraient facilement se muer en causes perdues. On nous a répété à qui mieux mieux qu’il n’existe pas de solution militaire au problème de l’Afghanistan. Au mieux, les Forces canadiennes pourront contenir les talibans et donner au gouvernement de l’Afghanistan toute l’aide possible pour que celui-ci puisse servir la population d’une manière qui lui gagnera sa confiance.
Le gouvernement de l’Afghanistan a besoin de bien plus que de la seule aide militaire pour atteindre ses objectifs. Le gouvernement Harper a eu la sagesse d’adopter une approche pangouvernementale pour la mission en Afghanistan : le ministère de la Défense nationale n’est qu’un ministère parmi plusieurs qui contribuent activement à faire de l’Afghanistan un pays viable.
La coopération civilo-militaire
Jusqu’à l’année dernière, le Canada avait peu de représentants de ministères autres que celui de la Défense nationale sur place, à Kandahar, là même ou doivent être prises rapidement des décisions difficiles. Le Comité est heureux de constater que les choses changent. L’ambassadeur Lalani lui a appris, par exemple, que l’ACDI a porté à neuf le nombre de ses représentants sur le terrain, soit le double par rapport à l’année dernière, et qu’elle cherche à doubler cet effectif encore une fois à l’été 2008.
De même, Ottawa renforce la représentation du Service correctionnel du Canada et de la GRC. Il y avait des représentants de ces organisations au milieu des militaires des Forces canadiennes presque partout où nous sommes allés, notamment au camp Nathan-Smith, à la base d’opérations avancée Masum Ghar et à l’aérodrome de Kandahar. Il y a vraiment des échanges et une collaboration entre ces organisations, ce qui représente un grand pas en avant par rapport à certaines des relations dysfonctionnelles que nous avons observées en 2006. L’ambassadeur du Canada Arif Lalani approuve les plans opérationnels du brigadier-général LaRoche et tous les deux discutent de la manière d’harmoniser leurs interventions de manière à répondre à la fois aux besoins civils et aux besoins militaires.
Le Comité croit fermement qu’Elissa Golberg, la première représentante du Canada à Kandahar, ajoute un important volet civil aux activités du Canada dans cette province déchirée par la guerre. La présence d’un équivalent civil du brigadier-général Laroche ne fait pas qu’accentuer énormément la coopération civilo-militaire dans cette province, elle permet également aux éléments civil et militaire de mieux faire passer leur message au gouverneur de Kandahar en se renforçant mutuellement. Les deux éléments forment un front plus uni et plus efficace sur pratiquement tous les terrains dans la province.
Le col. Serge Labbé représente évidemment les militaires, mais, en tant que responsable de l’Équipe consultative stratégique à Kaboul, il relève de l’ambassadeur Lalani. Il est d’avis que le Canada a déjà fait une grosse contribution en offrant un soutien direct à la planification en matière de développement et de gouvernance à des ministères et des groupes de travail du gouvernement. L’Équipe a beaucoup travaillé jusqu’à présent avec le Groupe de travail sur la stratégie de développement national de l’Afghanistan, les responsables de la réforme de l’administration publique, ceux de la politique en matière d’égalité des sexes dans la fonction publique, ainsi qu’avec le ministère du Relèvement rural et du Développement de l’Afghanistan.
La disparité entre les sexes et la résolution 1325 des Nations Unies[64]
Le Canada, à lui seul, ne peut exercer qu’une maigre influence en Afghanistan dans le dossier de la disparité entre les sexes. Pour faire progresser la situation dans ce domaine partout en Afghanistan, il va falloir un effort international. Le Canada a déjà investi, pour sa part, dans des programmes de santé des femmes, des projets de microcrédit et d’autres projets destinés à améliorer les conditions de vie des femmes.
Le Comité espère que les nombreuses conseillères et mentors de sexe féminin que le Canada envoie en Afghanistan auront un impact sur la visibilité des femmes dans la population active. Parmi le personnel féminin envoyé à Kaboul et dans la province de Kandahar, il y a, outre des militaires, des agentes de projet, des spécialistes techniques et de l’enseignement, des policières et des agentes correctionnelles. Un représentant de CANADEM, une agence canadienne qui tient à jour un répertoire des spécialistes canadiens pouvant agir comme consultants auprès d’organismes gouvernementaux et d’organisations internationales, a déclaré ce qui suit au Comité :
Paul LaRose-Edwards, directeur exécutif, CANADEM : Nous prenons la Résolution 1325 de l’ONU très au sérieux en ce qui concerne les gens dont le nom figure dans notre répertoire et que nous envoyons à l’étranger. Une femme inscrite à notre répertoire vient tout juste d’être nommée chef de la défense des droits de la personne en Afghanistan. Notre programme de stage est un exemple de ce que nous faisons pour promouvoir la présence des femmes à l’échelle internationale. Au cours des dix dernières années, nous avons envoyé 350 stagiaires sur le terrain, et environ 75p.100 d’entre eux étaient des jeunes femmes[65].
Mme Tonita Murray, une ancienne employée civile de la GRC et directrice du Collège canadien de police à Ottawa, est une autre civile canadienne qui a une influence sur le cours des choses en Afghanistan. Elle occupe actuellement les fonctions de conseillère principale en matière d’égalité entre les sexes dans les forces policières au ministère de l’Intérieur. Une représentante de CANADEM, l’organisme canadien qui l’a envoyée à Kaboul, a fait état au Comité des progrès que l’on doit à Mme Murray :
Le sénateur Nancy Ruth: Comment intègre-t-elle dans son travail quelque chose comme la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU? Est-elle en mesure d’appliquer cette résolution dans des domaines autres que son travail?
Christine Vincent, directrice exécutive adjointe, CANADEM : Son rôle est d’accroître la sécurité des femmes et des enfants. C’est là-dessus qu’elle concentre ses efforts. Elle examine comment on peut, dans un pays musulman, recruter davantage de femmes pour travailler auprès des femmes, des enfants et des groupes vulnérables. Elle a joué un rôle essentiel dans la création d’unités d’intervention en cas de violence familiale. Ces unités ont été créées grâce à des fonds américains. L’une des premières unités a été associée au poste de police de Kaboul. Les femmes peuvent se rendre dans les locaux de l’unité en passant par une porte indépendante et faire état des cas de violence familiale. Depuis l’évaluation, qui a été très positive, il y a 13 unités d’intervention en cas de violence familiale. Le Canada a joué un rôle essentiel à l’appui de ces unités.
Il y a des parcs réservés aux femmes. La conseillère en question a joué un rôle essentiel à la prise de mesures de sécurité relativement à ces parcs, mais elle a constaté que le fait que les femmes s’occupent elles-mêmes de la sécurité posait problème, parce qu’elles n’avaient pas reçu la formation adéquate. Elle travaille maintenant à faire en sorte que les femmes obtiennent cette formation. Dans les régions éloignées, les femmes qui terminent la formation pour devenir policières n’ont pas d’uniforme; il n’y a des uniformes que pour les hommes. La conseillère a aidé à coordonner une initiative à laquelle a participé la GRC pour fournir des uniformes aux policières. Ce sont là de petits pas vers l’accroissement de la sécurité des femmes et des enfants en Afghanistan[66].
Rencontrée par le Comité à Kandahar, Elissa Golberg, représentante du Canada à Kandahar (ROCK), a dit que l’Afghanistan avait fait un grand pas en prévoyant, dans sa constitution, un certain nombre de sièges réservés aux femmes à ses assemblées législatives. Comme le veut la constitution, au moins 68 des 249 sièges de la Wolesi Djirga, la chambre basse du Parlement, doivent être occupés par des femmes. Aux élections de 2005, les femmes ont remporté 17 sièges de plus que les 68 qui leur étaient réservés[67]. Dans les conseils provinciaux, cependant, seulement 121 sièges sur 420, soit trois de moins que les 124 prévus par la loi, sont occupés par des femmes et ce, en raison du manque de candidates[68]. La présence de femmes dans des postes décisionnels constitue un important progrès. Elle permet à toutes les femmes de la société afghane d’exprimer leur point de vue sur différentes questions[69].
La formation
Le Comité a appris que l’approche pangouvernementale du Canada était suivie non seulement sur le théâtre d’opérations, mais aussi au cours de la formation préparatoire des militaires et des civils canadiens, au Canada. Le Comité s’était montré sévère au cours de sa dernière visite à Wainwright, en Alberta, lieu d’entraînement des Forces canadiennes pour la mission en Afghanistan, parce qu’il n’avait vu aucun employé de l’ACDI ou du MAECI s’entraîner avec les militaires. Depuis ce temps, le gouvernement semble avoir fait un réel effort pour corriger la situation. Voici les propos tenus devant le Comité par deux représentants du MAECI, Kerry Buck, directrice générale du Groupe de travail sur l’Afghanistan, et David Mulroney, sous-ministre délégué des Affaires étrangères et coordonnateur interministériel pour l’Afghanistan :
Le sénateur Banks : La prochaine fois que nous nous rendrons en Afghanistan, allons-nous rencontrer des gens du MAECI et de l’ACDI tout à fait à l’aise dans leur milieu de travail?
Kerry Buck, directrice générale, Groupe de travail sur l’Afghanistan, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international : Ça dépend de l’élément de la formation offerte à Wainwright, mais il y a des membres du personnel du MAECI qui participent à la formation là-bas.
David Mulroney, sous-ministre délégué des Affaires étrangères et coordonnateur interministériel pour l’Afghanistan, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Si je peux ajouter quelque chose, sénateur, la réponse, c’est oui. Il s’agit essentiellement de la première grande rotation de ce gros groupe de civils. Comme je l’ai dit, nous travaillons à la deuxième et à la troisième rotations. Nous voulons nous assurer d’avoir réglé le problème. Nous avons également réussi à recruter des gens qui ont déjà servi en Afghanistan ou dans d’autres situations après un conflit, des gens qui ont déjà vécu le même type d’expérience. Je privilégie la constitution d’un bassin d’intervenants des affaires étrangères qui possèdent cette expérience, parce que nous aurons de plus en plus besoin de déployer des gens qui ont cette spécialisation. L’expérience au Canada est essentielle, mais toute autre expérience pertinente à l’échelle internationale est également essentielle, et le fait de travailler auprès des Forces canadiennes et de leurs partenaires de l’ACDI, des gens avec qui ces personnes vont vivre et travailler en permanence est fondamental à nos yeux[70].
La coordination internationale
On semble aussi faire des efforts pour corriger les problèmes de coordination internationale. L’ambassadeur Arif Lalani nous a laissé savoir que le Canada est passé du statut de simple participant à celui de leader dans des domaines comme l’éducation, la police, la lutte contre la corruption et les droits des femmes. C’est aussi le Canada, par l’entremise du MAECI, qui a pris la direction du processus de Dubaï, réunissant des personnalités politiques afghanes et pakistanaises pour tenter d’améliorer la sécurité de la frontière. Cette rencontre pourrait ne pas aboutir, mais il fallait tenter quelque chose. Côté renseignement, les membres du Comité ont été informés par des représentants du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) que le partage des renseignements avec les alliés avait atteint un niveau sans précédent et que les Canadiens jouaient un rôle clé sur ce plan, étant passés de « consommateurs » à « producteurs » de renseignements.
Partie 4 : Points de repère et action
Qu’est-ce que le gouvernement du Canada projette d’accomplir en Afghanistan de façon générale, au Kandahar en particulier?
C’est une question essentielle qui, dans un certain nombre d’années, sera suivie de deux autres questions encore plus importantes que poseront les Canadiens :
(a) Qu’a accompli le gouvernement du Canada au Kandahar et en Afghanistan dans son ensemble?
(b) Le sacrifice consenti par le Canada au Kandahar en a-t-il valu la peine?
Mais ce sont des questions qui seront posées dans l’avenir. Revenons à celle qui nous intéresse maintenant : que compte accomplir le Canada – au Kandahar et en Afghanistan – durant cette mission?
Tous les parlementaires qui ont voté en faveur de la prolongation de la mission militaire du Canada en Afghanistan jusqu’en 2011, au moins, doivent actuellement s’attendre à ce qu’elle en vaille la peine et à ce qu’elle continue d’en valoir la peine. Il s’ensuit qu’ils doivent bien avoir une idée des réalisations qui feront qu’elle en vaudra la peine. Quelles sont leurs attentes? Répondent-elles à la définition de ce que la plupart des Canadiens considèrent comme des attentes raisonnables, compte tenu du coût de la mission en pertes humaines et en ressources financières?
Les communications avec les Canadiens
Le Comité a appris que le gouvernement en est à recueillir le point de vue du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), du ministère de la Défense nationale (MDN), de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) ainsi que d’autres ministères et organismes gouvernementaux actifs en Afghanistan pour la formulation d’une série de points de repère qui aideront les Canadiens à évaluer ce que nous faisons en Afghanistan en général, et au Kandahar en particulier. Le Comité a également appris que ces points de repère seraient rendus publics cet été. Le Comité espère que cela sera fait selon l’échéancier prévu. Les Canadiens ne devraient pas avoir à attendre encore deux ans, comme ce fut le cas pour l’annonce de la Stratégie de défense : Le Canada d’abord, qui devait être rendue publique durant l’été 2006, mais ne l’a été qu’en mai 2008.
Le Comité craint que le gouvernement n’ait pas conçu, depuis la formation du groupe de travail Manley, de mécanismes améliorés pour communiquer ses objectifs à la population canadienne. Nous nous interrogeons sur le fait que le gouvernement a largement accepté les recommandations du groupe de travail Manley et sur sa détermination à améliorer les communications avec la population canadienne au sujet de la mission en Afghanistan. Le Comité du Cabinet sur l’Afghanistan récemment créé est présidé par le ministre du Commerce international, qui n’a pas d’intérêt direct dans la mission[71]. Compte tenu de l’importance que revêt la mission en Afghanistan pour les Canadiens, si le gouvernement tient vraiment à améliorer sa stratégie de communications, le Comité croit que c’est le premier ministre qui devrait être le président et le porte-parole du Comité du Cabinet.
Les porte-parole du gouvernement ont promis de rendre publique cet été une série de points de repère; toutefois, une telle liste ne servira à rien si nous nous ne fixons pas des objectifs clairs pour l’Afghanistan en général, et le Kandahar en particulier.
Définir le succès – Les objectifs proposés par le Comité
Qu’est-ce qui doit être accompli avant que les troupes canadiennes rentrent au pays et que l’ACDI réduise ses activités en Afghanistan?
Les Canadiens ont besoin de points de repère réalistes pour pouvoir dire un jour « mission accomplie » et pour que le Canada passe à autre chose. C’est pourquoi le Comité propose que trois objectifs généraux servent de fondements à la définition du succès du Canada :
Définition du succès
Objectif global en matière de sécurité : Les Afghans vivent dans une sécurité raisonnable[72] d’un bout à l’autre du pays, les forces armées afghanes étant suffisamment fortes pour que le gouvernement puisse exercer son contrôle sur l’ensemble du territoire national et la police assurant la protection des citoyens et des collectivités par le maintien de la primauté du droit.
Objectif global de gouvernance : L’établissement d’un gouvernement central en Afghanistan qui puisse répondre aux besoins de la population et fournir les services essentiels à ses gouvernés.
Objectif de développement global : Les Afghans ont accès aux nécessités de la vie (nourriture, eau, hygiène et abri) et ils commencent à avoir accès à des possibilités leur permettant d’améliorer leur situation économique et de stimuler la libre entreprise.
Ces trois objectifs n’ont rien de bien compliqué. Le Comité voudrait que le gouvernement établisse une série d’objectifs raisonnables et réalistes qui détermineront les conditions du succès de la partie canadienne de la mission en Afghanistan. Ce n’est qu’après avoir fixé des objectifs pour le Canada que le gouvernement pourra formuler une série de points de repère qui serviront à déterminer dans quelle mesure le Canada et l’Afghanistan progressent vers la réalisation de ces objectifs.
La classification hiérarchique des objectifs pour mieux comprendre les priorités
Il y a soixante ans, un psychologue américain du nom d’Abraham Maslow a proposé une théorie désignée sous le nom de « Pyramide des besoins de Maslow »[73]. La théorie de Maslow a pour principal fondement que l’espèce humaine cherche à satisfaire ses besoins physiologiques essentiels avant tout : le besoin de manger, celui de se mettre à l’abri et celui d’assurer sa sécurité physique. Ce n’est qu’une fois ces besoins remplis que l’homme passe à la satisfaction de besoins moins terre-à-terre, comme la réalisation de soi et les questions de moralité.
Si le Canada est en Afghanistan parce que les Afghans ont besoin de nous, de quoi ont besoin les Afghans? Après 30 années de guerre, les Afghans, dans nombre de régions du pays, n’ont pas accès aux principales nécessités de la vie : nourriture, eau, abri et sécurité. Dans la théorie de Maslow, les besoins humains sont classés de façon hiérarchique; les objectifs du Canada devraient être classés de la même façon. Aider le gouvernement afghan à assurer la satisfaction des besoins élémentaires des Afghans (nécessités de la vie et sécurité) devrait être au sommet de la liste de ce qu’il faudra pour définir le succès de notre mission en Afghanistan.
M. Barnett Rubin, un expert de l’Afghanistan, a témoigné devant le Comité des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes le 29 mars 2007 :
Barnett Rubin, directeur des études et agrégé supérieur de recherche, Université de New York, Centre de coopération international : La seule chose que je dirai pour ce qui est de savoir s’il est possible de gagner, c’est que si nous définissons nos objectifs de façon raisonnable, alors il est possible de réussir.
Il n’est pas possible, en peu de temps, particulièrement avec peu de ressources, de transformer l’Afghanistan en une démocratie moderne, prospère, stable et pacifique où le niveau de représentation des femmes en politique est supérieur à celui des États-Unis[74].
Gardant à l’esprit la pyramide des besoins et la définition du succès selon la réalisation d’objectifs globaux, le Comité propose que les Canadiens classent les objectifs en trois catégories par ordre de priorité. Un objectif classé au troisième rang des priorités ne pourra être rempli si ceux classés au premier et au deuxième rangs ne l’ont pas été. À la page suivante, le Comité tente d’illustrer de quelle manière la réalisation des objectifs classés au premier rang permettrait la satisfaction des besoins classés au deuxième et au troisième rangs
Classement des objectifs du Canada
par ordre de priorité
SÉCURITÉ RAISONNABLE
NÉCESSITÉS DE LA VIE (NOURRITURE, EAU, ABRI, SOINS DE SANTÉ ESSENTIELS)
BONNE GOUVERNANCE[75]
INFRASTRUCTURE DE SANTÉ
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES
ALPHABÉTISATION
ÉDUCATION UNIVERSELLE
PLUS GRANDE DÉMOCRATIE
MOINS DE CORRUPTION
APPLICATION TRANSPARENTE DE LA LOI
LIBERTÉ DE LA PRESSE
POPULATION MAJORITAIREMENT AU TRAVAIL
LIBERTÉ D’ENTREPRISE
ACCÈS À UN SYSTÈME JUDICIAIRE INDÉPENDANT
DROITS DE LA PERSONNE, y compris DROITS DES FEMMES
SÉCURITÉ RAISONNABLE : Le Comité estime « sécurité raisonnable » signifie : Une diminution des morts violentes causées par les conflits armés ou l’activité criminelle à un niveau permettant au gouvernement central et à ses organes provinciaux d’assurer les services essentiels, et aux Afghans, de commencer à faire des efforts personnels pour améliorer leur vie.
Le Pacte de l’Afghanistan
Au début de 2006, la communauté internationale, durant une conférence tenue à Londres, a adopté le Pacte de l’Afghanistan, dans lequel ont été énoncés une série d’objectifs généraux assortis de points de repère visant à mesurer les progrès en Afghanistan jusqu’en 2011[76].
Certains des points de repère étaient clairement trop ambitieux. Par exemple, un des principaux points de repère du Pacte était qu’à « la fin de 2007, tous les groupes armés illégaux dans toutes les provinces auront été dispersés »[77]. Cet objectif n’a pas encore été atteint, et la date fixée pour le désarmement des groupes armés illégaux a été reportée au mois de mars 2011 dans la Stratégie de développement national de l’Afghanistan[78]. Comme c’est le cas pour tous les accords multilatéraux, le Pacte résulte d’un certain nombre de compromis. Ainsi, étant donné qu’il faut tenir compte de douzaines d’intérêts et de priorités différents, les engagements sont souvent vagues, irréalistes et difficiles à appliquer.
Quoi qu’il en soit, les objectifs et points de repère établis dans le Pacte de l’Afghanistan et la Stratégie de développement national de l’Afghanistan servent de guides à l’ensemble des efforts internationaux en Afghanistan, y compris ceux du Canada – aussi bien qu’aux buts proposés par le Comité. Cependant, le Comité estime que la population canadienne mérite de savoir :
(1) Quelles sont les priorités du Canada en Afghanistan : Les objectifs et points de repère canadiens (dans le cadre plus général des objectifs internationaux guidés par le Pacte de l’Afghanistan) devraient être clairement placés par ordre de priorité par le gouvernement du Canada;
(2) Quels sont les objectifs et points de repère du Canada pour Kandahar en particulier : Étant donné que la plus grande partie des efforts du Canada sont déployés au Kandahar, les Canadiens doivent être continuellement renseignés au sujet des objectifs, priorités et points de repère concernant la province de Kandahar.
La population canadienne mérite d’avoir un document décrivant les objectifs et points de repère fixés pour la province de Kandahar, comme ceux énoncés dans le Pacte de l’Afghanistan, mais adaptés aux besoins particuliers des Kandaharis, aux capacités particulières du Canada et à la capacité du gouvernement afghan au Kandahar. Ce n’est qu’après la publication de pareil document que les Canadiens pourront déterminer si les programmes actuellement mis en oeuvre par le Canada ont l’effet escompté.
A Un système de production de rapports raisonnable
Pour tenir les Canadiens au courant des progrès accomplis vers la réalisation de ces objectifs, le Comité est d’avis que le gouvernement du Canada devrait publier tous les six mois un « rapport sur l’Afghanistan » qui ferait état des progrès obtenus vers l’atteinte des objectifs au Kandahar, aussi bien que des autres efforts déployés par le Canada en Afghanistan. Le rapport serait signé par des hauts gradés militaires ainsi que des hauts fonctionnaires chargés des questions diplomatiques et du développement. Il fournirait aux Canadiens des données chiffrées sur les progrès de même que des exemples illustrant les progrès ou l’absence de progrès.
Données chiffrées : Présentation tous les semestres des meilleures estimations du nombre de Kandaharis tués ou blessés durant des affrontements entre les militaires et les rebelles comparativement aux périodes semestrielles précédentes.
Données anecdotiques : Durant la période semestrielle précédente, il se pourrait que des travailleurs canadiens de l’aide humanitaire aient été incapables de se rendre dans une région en particulier sans être accompagnés par des militaires. Pendant le dernier semestre, la situation peut avoir changé : les travailleurs canadiens de l’aide humanitaire ont peut-être été en mesure de se rendre dans ces régions sans être escortés par des militaires et un certain nombre de ces travailleurs ont peut-être pu consacrer des journées entières à leurs projets sans être intimidés.
Le Comité souligne que les Canadiens ont actuellement accès à une partie de ces informations dans diverses parties du site web du gouvernement du Canada consacré à la reconstruction de l’Afghanistan[79], mais qu’elles ne sont pas suffisantes, en qualité ou en quantité, pour tenir les Canadiens pleinement informés de l’état de la mission.
L’analyse des tendances
Le Comité reconnaît qu’il est impossible de fixer des cibles arbitraires pour mesurer les progrès d’une période semestrielle à l’autre. Ce que l’on doit faire toutefois dans ces rapports, c’est présenter des indices clairs des tendances observées dans un sens ou dans l’autre de manière à ce que tous les Canadiens – de tous les horizons – puissent interpréter ces indices. Mais à moins qu’une série d’indices significatifs ne soit recueillie et publiée de façon régulière, la confusion régnera sur la question de savoir si des progrès appréciables ont été accomplis dans la région de Kandahar ainsi que dans l’ensemble du pays.
Les outils servant à mesurer les progrès
Il est certes difficile de mesurer quantitativement les progrès, mais ce n’est pas impossible. L’un des outils les plus utiles à cet égard pourrait être la réalisation de sondages. On pourrait, par exemple, poser aux Afghans et aux Afghanes des questions comme :
· Pensez-vous que la police nationale afghane a été plus utile aux citoyens et qu’elle a été moins corrompue depuis un an ou quelque?
· Pensez-vous que le gouvernement de l’Afghanistan a fait du meilleur ou du moins bon travail récemment en ce qui concerne l’amélioration de la situation des Afghans?
· Pensez-vous que les fonctionnaires afghans sont devenus moins ou plus corrompus depuis deux ans?
· Pensez-vous que les nouvelles lois adoptées à Kaboul rendront la vie plus juste et plus équitable pour le commun des Afghans?
Au cours de sa visite en Afghanistan, le Comité s’est fait dire que le gouvernement du Canada sonde la population du Kandahar tous les trois mois environ. Le Comité est d’avis que sonder l’opinion des Kandaharis de tous les secteurs de la province devrait compter parmi les principaux outils servant à mesurer les progrès accomplis dans la province.
Les points de repère servant à mesurer les progrès
Le Comité a critiqué le gouvernement pour ne pas avoir informé correctement les Canadiens dans le dossier de l’Afghanistan. Le groupe dirigé par Manley était d’accord avec nous. Nous estimons que le système de production de rapports que nous proposons aidera le premier ministre à mieux faire comprendre aux Canadiens la situation en Afghanistan, de manière à ce qu’ils soient mieux à même de déterminer si la mission est utile.
Dans les sections suivantes, le Comité a proposé des points de repère par lesquels les progrès pourront, selon nous, être mesurés. Ces points de repère ne sont que des suggestions générales – il incombera aux experts qui traitent de ces questions de façon quotidienne en Afghanistan d’énoncer ces points de repère plus en détail. Nous espérons toutefois que les suggestions du Comité stimuleront le débat sur la nature des progrès en Afghanistan, et nous invitons le gouvernement du Canada ou d’autres parties intéressées à présenter des points de repère supplémentaires qui aideront les Canadiens à mesurer les progrès ou à constater l’absence de progrès.
Ce ne sont pas tous les indicateurs de succès qui sont quantifiables. Le fait qu’il y ait plus de gens dans les rues dans la ville de Kandahar, par exemple, pourrait vouloir dire que la situation s’est améliorée sur le plan de la sécurité. Mais qui va se mettre à compter les gens dans les rues? Qui va compter le nombre de gens souriants d’une année à l’autre? Personne. Mais il existe des indicateurs mesurables, et le gouvernement du Canada devrait communiquer régulièrement aux Canadiens des chiffres reflétant ces indicateurs.
Si le gouvernement accouche d’un meilleur plan, le Comité y souscrira avec joie. Mais un tel plan se fait attendre depuis trop longtemps et, après avoir étudié cette question pendant un certain temps, le Comité propose maintenant quelques points de repère à l’examen des Canadiens.
Points de repère en matière de
sécurité
pour le Kandahar et l’Afghanistan
Objectif global de sécurité : Les Afghans vivent dans une sécurité raisonnable d’un bout à l’autre du pays, les forces armées afghanes étant suffisamment fortes pour que le gouvernement puisse exercer son contrôle sur l’ensemble du territoire national et la police assurant la protection des citoyens et des collectivités par le maintien de la primauté du droit.
Plus tôt cette année, le groupe Manley a soutenu de façon catégorique qu’il fallait 1 000 soldats de l’OTAN de plus pour assurer la sécurité au Kandahar. Le groupe d’experts a même affirmé que le Canada devrait se retirer si ces troupes ne sont pas accordées. Le groupe Manley a eu gain de cause en avril 2008, l’OTAN ayant annoncé que la France dépêchera des troupes dans l’est de l’Afghanistan, libérant du même coup des troupes américaines qui iront appuyer les Canadiens dans le Sud.
S’il se réjouit de l’arrivée de renforts dans le Sud, le Comité n’en estime pas moins qu’un plus gros contingent de l’OTAN doit être affecté au Kandahar pour y assurer la sécurité afin que le développement puisse se poursuivre à un rythme raisonnable. Nombre de secteurs de la province sont ou sous l’empire des Talibans ou vulnérables à des attaques des Talibans. Jusqu’à ce que l’armée nationale afghane devienne autosuffisante, l’OTAN doit combler le vide.
POINT DE REPÈRE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ PROPOSITION 1 :
La preuve d’une capacité militaire afghane accrue
Selon les estimations initiales présentées dans le Pacte de l’Afghanistan, l’Afghanistan aura besoin d’au moins 70 000 soldats prêts au combat. Dans la toute récente Stratégie de développement national de l’Afghanistan, le nombre de soldats a été porté à 80 000[80]. Ce n’est que si cette condition est remplie que l’objectif de « sécurité raisonnable » pourra être atteint en Afghanistan.
Les Forces canadiennes – qui ont mené les opérations de l’OTAN au Kandahar pendant presque trois ans et contribué à la formation d’un certain nombre de bataillons de l’armée afghane – savent combien de troupes afghanes bien formées au combat sont en activité maintenant au Kandahar et combien d’autres sont en formation.
Les Forces canadiennes devraient également être en mesure de donner une estimation fiable du nombre total de troupes de l’OTAN et de soldats afghans qui seraient nécessaires pour assurer un niveau raisonnable de sécurité au Kandahar durant les quelques années à venir. Ni les membres du Comité ni les Canadiens ne savent quel est ce chiffre. Nous devrions pourtant le savoir.
Pour que l’objectif de « sécurité raisonnable » soit atteint dans la province, certains grands indicateurs serviraient de points de repère mesurant la capacité croissante de l’armée nationale afghane (ANA). Parmi ces indicateurs, on compte notamment :
· Le nombre de troupes et de bataillons de l’ANA actifs dans la province;
· le nombre de troupes de l’ANA en formation dans la province;
· le nombre d’opérations de grande et de moindre envergures menées par l’ANA durant des périodes données;
· le nombre d’opérations de grande et de moindre envergures menées de manière indépendante par l’ANA durant des périodes données;
· le succès ou l’échec de ces opérations.
POINTS DE REPÈRE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ PROPOSITION 2 :
Les pertes causées par les Talibans
Le Comité propose qu’un important point de repère soit le nombre de pertes causées par les Talibans, d’un semestre à l’autre et d’une année à l’autre. Tant les dirigeants de l’OTAN que les autorités afghanes semblent être assez ouverts à l’idée de rendre publiques ces données.Si les tendances observées en fin d’année dans tout le pays en général, et au Kandahar en particulier, cela serait un signe encourageant pour les Canadiens. Si, par contre, il n’y a pas de tendances semblables, tant les Canadiens que les Afghans auront raison d’être sceptiques quant à la réalisation de progrès sur le plan de la sécurité.
Fait tout aussi important, les pertes civiles afghanes infligées par les Talibans nous disent également à quel point les Talibans peuvent mener des opérations au Kandahar et terroriser la population. Toutefois, il est difficile d’établir le chiffre exact des pertes civiles afghanes. Il se peut que certaines familles afghanes ne déclarent pas le décès des leurs par crainte de représailles ou simplement parce qu’il n’y a pas de système d’enregistrement de ce genre de pertes humaines dans les régions plus éloignées. Néanmoins, le gouvernement du Canada devrait tout mettre en oeuvre pour faire ces estimations régulièrement et faire connaître la façon dont l’information a été recueillie et dans quelle mesure elle est fiable.
En plus des civils tués par les Talibans, il est important de tenir le compte des civils tués accidentellement durant des opérations de l’OTAN pour assurer le succès de nos méthodes de réduction des dommages collatéraux.
POINT DE REPÈRE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ PROPOSITION 3 :
Territoire occupé par les Forces afghanes et canadiennes
La ville de Kandahar est beaucoup plus sûre cette année qu’il y a un an et demi – le Comité a pu le constater concrètement. Mais si les forces combinées de l’OTAN et de l’Afghanistan ont fait des gains, il y a encore des secteurs où les Talibans règnent en maîtres et d’autres où ils vont et viennent à leur guise.
Les Forces canadiennes devraient faire régulièrement des évaluations honnêtes du pourcentage du Kandahar, en particulier, et de l’Afghanistan, en général, qu’elles estiment être « sûr » (sous le contrôle de l’ANA ou des forces étrangères) ou « non sûr » (sous le contrôle des Talibans ou facilement accessible par ceux-ci).
Les soldats canadiens ne peuvent, de façon générale, faire des patrouilles à pied ou interagir avec la population que dans les secteurs relativement sûrs, de sorte qu’un nombre plus élevé de patrouilles à pied témoigne de ce que le secteur en cause profite d’une plus grande sécurité. Parmi de possibles points de repère, on compte :
· Le nombre de districts pris et occupés par les Forces canadiennes et afghanes (comme le district Panjwahi-Zhari);
· le ratio des troupes afghanes par rapport aux troupes canadiennes;
· le nombre de patrouilles à pied de l’OTAN.
Points de repère en matière de développement pour le Kandahar et l’Afghanistan
Objectif de développement global : Les Afghans ont accès aux nécessités de la vie (nourriture, eau, hygiène et abri), et ils commencent à avoir accès à des possibilités leur permettant d’améliorer leur situation économique et de stimuler la libre entreprise.
Si le Comité considère un niveau raisonnable de sécurité comme étant la condition la plus essentielle au succès de la mission en Afghanistan, la sécurité ne peut par elle-même assurer aux Afghans les nécessités de la vie que sont la nourriture, l’eau, la santé et un abri. De plus, le succès du gouvernement central afghan est tributaire non seulement de sa capacité à assurer un niveau raisonnable de sécurité, mais encore à fournir les nécessités de la vie à la population, sans quoi le développement du pays est impossible. Dans la présente section, le Comité propose des points de repère conçus pour déterminer si le bien-être général des Kandaharis s’améliore.
POINT DE REPÈRE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT PROPOSITION 1 :
La nourriture vient en premier
Selon l’ACDI, « un grand nombre d’Afghans ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins alimentaires de base. Grâce à l’aide canadienne, le Programme alimentaire mondial (PAM) est à l’oeuvre pour contribuer à combler ces besoins en fournissant une aide alimentaire[81] ». Le PAM reconnaît d’emblée que, selon la National Risk and Vulnerability Assessment de 2005, quelque 6,6 millions d’Afghans ne satisfont pas leurs besoins alimentaires de base[82].
Il ne pourra y avoir de véritable développement en Afghanistan tant que d’importants segments de la population seront mal nourris. Dans la section « Défis », le Comité a décrit les graves difficultés éprouvées dans la satisfaction des attentes des Afghans : le PAM a été incapable – pour diverses raisons – d’atteindre plus de la moitié de la population ayant désespérément besoin d’aide alimentaire.
Les travailleurs de l’aide internationale ont dit au Comité que même si le PAM avait tenté de déterminer les secteurs de la province de Kandahar ayant un besoin urgent d’aide alimentaire, le gouvernement central n’a pas déployé assez d’efforts pour répondre à ces besoins urgents, notamment dans le cas des réfugiés revenant de l’étranger et des personnes déplacées.
D’une manière ou d’une autre, le Comité estime que le gouvernement du Canada devrait surveiller des points de repère comme :
· Le nombre de Kandaharis qui doivent toujours remplir leurs besoins élémentaires;
· La quantité d’aide alimentaire fournie par l’entremise du gouvernement afghan par rapport à celle fournie directement par les agences internationales.
POINT DE REPÈRE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT PROPOSITION 2 :
La santé est essentielle
Le Comité constate qu’il n’est pas toujours facile de recueillir des données dans les régions rurales et éloignées, notamment parce qu’il arrive souvent que les chercheurs afghans – invariablement de sexe masculin – ne puissent interviewer les femmes. Toutefois, un grand nombre d’organismes de développement international sont actifs en Afghanistan de façon générale et tentent de devenir plus actifs au Kandahar[83].
Une foule de ces organismes fournissent aux Afghans les services de santé essentiels dont ils ont besoin pour vivre : meilleure hygiène, mortalité infantile réduite, vaccination contre les maladies débilitantes, etc. Par exemple, l’ACDI souligne que :
· Plus de sept millions d’enfants sont en train d’être vaccinés contre la polio grâce à une initiative parrainée par le Canada et gérée par l’UNICEF et l’Organisation mondiale de la santé;
· dans l’ensemble de l’Afghanistan, la mortalité infantile a diminué de 22 p. 100 depuis la chute des Talibans[84].
Cette dernière donnée constitue un important indicateur de l’accès à des services de santé essentiels dans les pays en développement et devrait être un des points de repère surveillés de façon régulière.
Aux fins du rapport semestriel du gouvernement sur l’Afghanistan, le Comité propose que le gouvernement du Canada choisisse quelques indicateurs clés en matière de santé pour lesquels des données pourraient être recueillies afin de déterminer si la situation s’améliore de façon considérable, très peu ou pas du tout.
Au nombre des possibilités, mentionnons :
· L’accès constant à une alimentation de base;
· l’accès à de l’eau potable;
· le taux de vaccination contre des maladies débilitantes bien connues comme la polio et la tuberculose[85];
· le taux de mortalité infantile;
· l’espérance de vie;
· le nombre d’hommes et de femmes du Kandahar qui ont accès à des services de santé adaptés à leurs besoins spécialisés;
· les tendances relatives à la violence faite aux femmes.
Ce pourrait être d’autres facteurs, mais imaginez si les Canadiens pouvaient être renseignés régulièrement sur la question de savoir si la vie des Afghans s’améliore dans ces domaines.
POINT DE REPÈRE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT PROPOSITION 3 :
Infrastructure de santé de base
Les Afghans ne pourront reconstruire leur pays si une majorité d’entre eux sont mal nourris ou malades. Quiconque est malade au point d’être cloué au lit ne peut travailler dans un magasin ni réparer une maison. L’édification d’une infrastructure de santé pour garder la population en santé signifie que les cliniques et les hôpitaux, aussi bien que les médecins et les infirmières, constituent une priorité.
Combien de villes et villages ne disposent pas de l’infrastructure essentielle pour améliorer leur situation sur le plan de la santé? Même s’il n’existe pas encore d’évaluations fiables, le Comité sait que, lorsque les Forces canadiennes ont tenu une clinique de santé gratuite au village d’El Bak, quelques Kandaharis dans la queue avaient marché pendant des jours dans l’espoir d’être vus par un médecin[86].
Le Comité propose qu’une série de points de repère en matière de développement fassent l’objet de sondages auprès des Afghans pour déterminer si les besoins élémentaires de leur ville ou village sont remplis et s’ils croient que le gouvernement est en mesure de satisfaire ces besoins.
Parmi ces points de repère, on compte :
· Le pourcentage de Kandaharis qui ont accès à un médecin ou à un professionnel de la santé;
· le nombre de cliniques et d’hôpitaux en activité au Kandahar.
POINT DE REPÈRE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT PROPOSITION 4 :
L’infrastructure économique est essentielle au développement
Le chômage est un symptôme et un indicateur important d’un problème bien plus grave : une économie dysfonctionnelle. Selon la Stratégie de développement national de l’Afghanistan (SNDA) de 2008, le taux de chômage s’établirait à quelque 40 p. 100 en Afghanistan[87], mais, d’après certaines études, il serait encore plus élevé dans la province de Kandahar[88]. Si l’on veut que le gouvernement afghan puisse un jour fournir par lui‑même des services essentiels à ses citoyens, les assises économiques du pays doivent être solides. Un développement durable ne peut tout simplement se produire si l’économie reste dysfonctionnelle, étant tributaire du trafic de stupéfiants, qui profite surtout à de puissants groupes armés comme les Talibans ou les seigneurs de la guerre.
Pour rendre possible le développement d’une économie saine, il doit y avoir une infrastructure économique. Les pannes d’électricité en succession qu’ont subies les habitants de la ville de Kandahar ne sont pas propices aux affaires. Dans la section du rapport qui porte sur les progrès, le Comité traite d’un certain nombre d’améliorations qui ont été apportées à l’infrastructure économique de base (routes, barrages, irrigation, etc.) par le truchement des conseils de développement communautaires, de projets d’ONG et de projets d’aide militaire.
Le gouvernement du Canada devrait examiner les améliorations apportées à l’infrastructure économique en conjonction avec la situation économique du Kandahar. Voici quelques points de repère possibles :
· Le taux de chômage au Kandahar;
· la quantité d’électricité distribuée dans la ville de Kandahar et dans le reste de la province;
· le nombre d’habitants et d’habitantes du Kandahar qui acquièrent une formation;
· le nombre de kilomètres de routes construites et réparées au Kandahar;
· le nombre d’emplois créés au moyen de programmes de développement parrainés par des pays étrangers;
· le nombre d’habitants et d’habitantes du Kandahar qui bénéficient de microprêts;
· le nombre d’agriculteurs qui passent de la culture du pavot à des cultures traditionnelles.
POINTS DE REPÈRE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT PROPOSITION 5 :
Éducation
L’éducation est une condition essentielle au développement économique et social. Sous le régime des Talibans, l’éducation était réservée aux garçons et elle était centrée principalement sur le Coran. Selon les Nations Unies, il ne peut y avoir de développement si les femmes et les filles n’ont pas accès à l’éducation. Par conséquent, l’éducation des femmes et des filles revêt une importance capitale pour le développement de l’Afghanistan. Les Nations Unies ont également déterminé que lorsque les femmes jouissent de la possibilité de mettre en valeur leur potentiel, les indicateurs de la santé s’améliorent rapidement pour elles-mêmes, leur famille et leur communauté[89].
Le rapport semestriel du gouvernement sur l’Afghanistan pourrait faire régulièrement des comparaisons dans plusieurs domaines. Voici quelques possibilités :
· Le pourcentage d’enfants d’âge scolaire du Kandahar de sexes masculin et féminin qui vont à l’école;
· le nombre d’écoles primaires ouvertes régulièrement au Kandahar;
· le nombre d’écoles secondaires ouvertes régulièrement au Kandahar;
· le nombre d’enseignants et d’enseignantes diplômés travaillant au Kandahar;
· le nombre de nouvelles écoles qui sont construites.
Points de repère en matière de gouvernance
Objectif global de gouvernance : L’établissement d’un gouvernement central en Afghanistan qui puisse répondre aux besoins de la population et fournir les services essentiels à ses gouvernés.
Si le gouvernement de l’Afghanistan n’édifie pas ses institutions de telle manière que les Afghans puissent clairement voir qu’elles servent à protéger tous les citoyens – plutôt que servir les intérêts des élus et des fonctionnaires et ne profiter qu’à eux –, l’Afghanistan pourrait ne pas survivre comme nation.
Une fois qu’il aura montré qu’il a les moyens de répondre aux besoins essentiels des Afghans, le gouvernement de l’Afghanistan pourra s’attaquer à d’autres priorités : éradiquer la corruption, assurer la tenue d’élections libres et équitables et établir une fonction publique indépendante et concurrentielle. Dans cette région du monde où la corruption a longtemps été un trait national, des choix devront être faits quant à la quantité d’efforts que le Canada est disposé à déployer pour inciter le gouvernement afghan à lutter contre la corruption et quant à l’énergie à consacrer à la satisfaction des besoins élémentaires de la population. Lorsque la corruption constitue un sérieux obstacle à la satisfaction des besoins élémentaires, les deux problèmes doivent être attaqués en même temps. S’ils ne le sont pas, la satisfaction des besoins élémentaires doit rester la priorité.
Ce n’est qu’en analysant les énormes défis que doit relever le gouvernement central de l’Afghanistan au Kandahar et dans les autres provinces qu’on peut commencer à déterminer quels genres de points de repère serviraient à déceler des tendances relativement aux progrès accomplis dans ces institutions.
Quels sont donc certains des grands défis qu’ont à relever les institutions du gouvernement afghan?
1. Il y a trop peu de hauts fonctionnaires afghans qui aient acquis une formation suffisante pour faire leur travail.
2. La corruption règne partout au sein du gouvernement de l’Afghanistan et de ses représentants au Kandahar.
3. Historiquement, il n’y a eu que peu de liens entre le gouvernement central afghan à Kaboul et les districts éloignés du pays.
4. Il n’y a jamais eu de système de justice central fondé sur la primauté du droit en Afghanistan; la seule « justice » centrale était surtout celle où des puissants jetaient des moins puissants en prison; quant à la justice rurale, elle était administrée localement et fondée sur les traditions locales.
Nous avons besoin de points de repère pour déterminer si la gouvernance s’améliore vraiment en Afghanistan, et le Kandahar est un bon endroit pour les mesurer. Les Kandaharis croient-ils que l’écart entre eux et le gouvernement central diminue? Croient-ils que les fonctionnaires du gouvernement central sont moins corrompus qu’ils ne l’ont été ces dernières années? Surtout, le gouvernement satisfait-il mieux les besoins élémentaires des Afghans?
POINT DE REPÈRE EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE PROPOSITION 1 :
La satisfaction des besoins élémentaires
En Afghanistan, « bonne gouvernance » s’entend de la capacité du gouvernement central d’assurer les normes minimales en matière de sécurité, de développement et de primauté du droit. Bonne gouvernance s’entend de la capacité du gouvernement d’équiper et de maîtriser les forces de sécurité afghanes. Bonne gouvernance s’entend de la capacité du gouvernement de fournir un niveau minimal de services comme l’assainissement, la santé et l’éducation à chacun des Afghans, quels que soient sa tribu ou son sexe. Bonne gouvernance s’entend de la volonté et de la capacité du gouvernement central de satisfaire les besoins physiques élémentaires de tous les habitants ainsi que leurs besoins essentiels en matière de sécurité.
La capacité du gouvernement central de satisfaire ces besoins assurera sa survie ou entraînera sa chute. Nous, Canadiens, sommes passés maîtres dans l’art de faire des sondages politiques. Nous pouvons certes mesurer si le soutien du gouvernement de l’Afghanistan augmente ou recule dans les années à venir. Au nombre des points de repère, on compte :
· La façon dont la population afghane perçoit la capacité du gouvernement central et de ses organes provinciaux de satisfaire ses besoins quotidiens en matière de sécurité, d’économie et de santé;
· le pourcentage de Kandaharis qui croient que le gouvernement du Kandahar satisfait leurs besoins élémentaires.
POINTS DE REPÈRE EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE PROPOSITION 2 :
A Une administration publique qui fonctionne
L’administration publique est essentielle au fonctionnement de tout pays. Sans personnel compétent pour mettre en oeuvre les politiques, aucun gouvernement ne peut fonctionner. Les administrations publiques ne sont jamais parfaitement efficaces, mais elles doivent s’efforcer d’être le plus justes possible.
L’Afghanistan n’a pas une administration publique efficace; et tous les Afghans savent aussi qu’elle n’est pas juste. La lutte contre la corruption sera longue en Afghanistan, car ses racines sont profondes. La seule manière de mesurer les progrès que fera le gouvernement afghan dans la lutte contre la corruption consistera à sonder la population pour savoir si elle croit que des progrès sont réalisés. Parmi les points de repère possibles, on compte :
· Le pourcentage de Kandaharis qui croient qu’un fonctionnaire a réglé des problèmes le concernant dans les six derniers mois;
· le pourcentagte de Kandaharis qui croient que l’administration publique ne s’est pas occupée d’eux dans les six derniers mois;
· le pourcentage de Kandaharis qui croient qu’il y a une diminution notable de la corruption au sein des fonctionnaires;
· le pourcentage de Kandaharis qui croient que les fonctionnaires sont embauchés en fonction de leur compétence et non par népotisme ou en échange de pots-de-vin.
POINTS DE REPÈRE EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE PROPOSITION 3 :
Représentation politique
En plus de satisfaire les besoins physiques de la population afghane, une bonne gouvernance signifie aussi donner son mot à dire à la population sur les affaires du pays. Au Canada, les citoyens peuvent s’adresser à leurs représentants parlementaires à Ottawa, à leurs représentants provinciaux, territoriaux et municipaux. S’ils pensent que leurs élus n’ont pas répondu à leurs attentes, les Canadiens peuvent voter contre eux aux élections.
La définition canadienne de « bonne gouvernance » ne consiste pas à imposer notre vision de la démocratie parlementaire aux Afghans. Peu importe ce qu’il choisira de faire, le gouvernement afghan doit montrer qu’il satisfait les besoins des Afghans au point où une majorité d’entre eux l’appuient. Le gouvernement du Canada souligne fièrement le fait que l’Afghanistan a tenu des élections et qu’il est un pays démocratique – mais qu’en pensent les Afghans?
Le Canada est certainement capable de sonder les Afghans pour déterminer s’ils croient que leur capacité de faire valoir leur point de vue et d’être entendu s’améliore.
Voici quelques points de repère à cet égard :
· Le pourcentage de Kandaharis qui croient que le système démocratique actuel leur permet de donner leur avis sur les décisions prises à Kaboul;
· le pourcentage de Kandaharis qui croient que le gouvernement du Kandahar transmet leurs préoccupations au gouvernement central.
Points de repère en matière
de primauté du droit
Le président : Pour réussir le travail policier qui se fait au Canada, on dépend énormément de l’appui de la collectivité et de la confiance de la collectivité. Dans la mesure où les Afghans connaissent depuis des décennies, sinon encore plus longtemps, une police qui les a exploités, comment peuvent-ils s’attendre à réussir le travail policier?
Le surintendant principal et directeur général des Services de la police internationale, M. David Beer : Ce sera peut-être le dernier repère de notre stratégie à long terme, le moment où le grand public en Afghanistan dira qu’il respecte et accepte sa police en tant que police civile et en tant qu’organisme-cadre chargé de la sécurité. Une fois cela accompli, nous réussirons; dans l’intervalle, nous n’aurons pas réussi.
Le président : Pourriez-vous nous donner un délai approximatif?
M. Beer : Je vais éluder la question avec toute l’adresse que je possède, mais, enfin, il faudra des années et des années[90].
En Afghanistan, la primauté du droit est essentielle au maintien de la sécurité. Même si les forces de sécurité nationales afghanes parviennent en fin de compte à mâter l’insurrection des Talibans, les Afghans ne célébreront pas s’ils continuent d’être menacés par les seigneurs de la guerre, les criminels et les fonctionnaires corrompus. En Afghanistan, la primauté du droit et la sécurité sont les deux faces d’une même médaille – des éléments essentiels du maintien d’un niveau raisonnable de sécurité.
POINT DE REPÈRE EN MATIÈRE DE PRIMAUTÉ DU DROIT PROPOSITION 1
:
La police nationale afghane (PNA) : une organisation paramilitaire, une
force de police communautaire, ou les deux?
Dans la lutte pour faire respecter la primauté du droit en Afghanistan, le principal facteur limitatif est la police nationale afghane. La PNA représente le point central où convergent la sécurité et la primauté du droit; elle pourrait constituer, en fait, la clé du succès du gouvernement central afghan ou la cause de son échec.
Dans la section du présent rapport qui porte sur les défis, nous dressons la liste des nombreuses difficultés qui assaillent la PNA. À la base de ces problèmes se trouve le fait que la PNA n’exerce pas le rôle de protecteur au jour le jour qu’un service de police national devrait normalement assumer au nom du gouvernement central : prévenir l’activité criminelle, aider les victimes de crimes, arrêter les criminels et les faire juger par les tribunaux.
Étant donné que la PNA est un prolongement du gouvernement de Kaboul, si la population afghane ne se sent pas protégée par la police, cela se minera inévitablement la confiance envers le gouvernement de l’Afghanistan quant à son efficacité.
La clé du succès de la PNA repose sur sa capacité de gagner la confiance du public en montrant qu’elle est une force policière professionnelle en mesure de répondre de façon équitable et impartiale aux besoins des citoyens du pays – et elle doit être équipée et payée pour jouer ce rôle. Si on veut que la PNA soit un élément constitutif utile de la nation afghane, ses agents ne doivent pas être considérés comme corrompus, ni être vus comme des agents de seigneurs de la guerre ou de gouverneurs véreux.
Au nombre des principaux indicateurs des progrès accomplis vers la réalisation de cet objectif, on compte le suivi des attitudes des Kandaharis par rapport à leur police. Voici quelques points de repère possibles :
· Le pourcentage de Kandaharis qui considèrent la PNA comme une institution corrompue;
· le nombre de cas d’extorsion par la PNA déclarés par des civils;
· le nombre de postes principaux et secondaires de la PNA au Kandahar;
· Le niveau de rémunération des agents de la PNA.
POINT DE REPÈRE EN MATIÈRE DE PRIMAUTÉ DU DROIT PROPOSITION 2
:
La réforme de la justice
La police doit donc faire respecter les lois. Mais la question qui se pose est : quelles lois? Dans la section de notre rapport qui traite des défis, le Comité a esquissé les multiples défis que doit relever le secteur de la justice : trop peu de juges et d’avocats, système carcéral dysfonctionnel, systèmes de justice incohérents et accès limité à la justice. Pour une variété de raisons, les lois adoptées à Kaboul ne sont tout simplement pas appliquées dans l’ensemble du pays. Le Comité ne tente certes pas d’imposer une vision canadienne du système judiciaire à l’Afghanistan, mais il reste que les Afghans doivent se doter d’un système de justice national qui procure un accès équitable à la justice à tous les citoyens, et le Canada devrait tout mettre en oeuvre pour les aider à atteindre cet objectif.
Cela est particulièrement nécessaire dans la province de Kandahar, où on ne compte que huit avocats de la défense en pratique privée et 12 avocats de la défense rattachés à l’aide juridique. Le Comité a appris qu’il n’y a que six juges dans la province alors qu’il en faudrait 86. Le Comité reconnaît qu’il faudra des années pour que le Kandahar dispose d’une capacité juridique structurée qui soit suffisante. La solution consiste-t-elle à faire appel à des juristes régionaux impartiaux qui comprennent les langues et le contexte afghans – comme des juges du pays voisin, le Pakistan – pour contribuer à la formation de juges afghans? Des observateurs internationaux devraient‑ils être présents aux procès officiels tenus au Kandahar? Peut-être que oui ou peut-être que non – mais le gouvernement du Canada devrait, de concert avec le gouvernement de l’Afghanistan, examiner toutes les options possibles et prendre note des points de repère pour mesurer les améliorations apportées au système.
Parmi ces points de repère, on compte :
· Le nombre d’avocats et de juges en exercice au Kandahar;
· le nombre de procès qui se sont bien déroulés au Kandahar.
Points de repère anecdotiques
Les chiffres comme ceux que préconise le Comité permettent de faire des comparaisons. Les chiffres sont importants parce qu’il est difficile de les falsifier sans se faire prendre.
Bien sûr, les chiffres ne disent jamais tout. Ainsi, alors que les données brutes concertant les pertes et les territoires maîtrisés témoigneront largement de la question de savoir si la mission du Canada au Kandahar progresse, il existe d’autres indicateurs plus subtils qui nous diront si la situation s’améliore.
Un de ces indicateurs immatériels est le sentiment de sécurité ou d’insécurité éprouvé par les troupes canadiennes dans la région. Par exemple, à quel niveau de risque, selon les autorités militaires, s’exposent les soldats lorsqu’ils sont en patrouille dans la ville de Kandahar? Comme le lcol Dana Woodworth l’a dit au Comité quand celui-cil a rendu visite à l’Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar, quand un soldat décide d’enlever son casque de combat durant une patrouille, c’est qu’il a déterminé qu’il n’y avait pas de grand risque militaire. Cela constituerait une indication claire que des progrès ont été réalisés.
Une bonne partie des renseignements recueillis par les membres du Comité durant la dernière visite de ce dernier au Kandahar découlent des anecdotes racontées tant par des Afghans que des Canadiens :
Nous avons remarqué que, ces derniers mois, de plus en plus de réfugiés qui ont fui le district de Panjwahi-Zhari retournent chez eux. Il y a un an, les maisons des collines à l’extérieur de Sperwan Ghar étaient vides; elles sont maintenant toutes occupées et entourées de campements.
Les habitants locaux nous disent qu’un pourcentage beaucoup plus élevé d’insurgés qu’ils rencontrent viennent de l’extérieur de l’Afghanistan. Les Talibans menacent encore cette région, mais il semble que peu d’entre eux soient des Afghans.
Les Talibans ont peur de nous (les Forces canadiennes) la nuit [...] Nous entendons leurs conversations la nuit – il y a des secteurs où ils n’enverront pas les leurs en mission.
Les soldats de l’ANA dont nous parrainons la formation depuis six mois sont de bien meilleurs combattants que ceux rencontrés par les Forces canadiennes il y a un an.
Le niveau d’absents sans permission au sein de l’ANA est beaucoup moins élevé.
Les anecdotes, évidemment, sont comme des histoires de pêche – elles ont tendance à être sélectives et à trop embellir la réalité. Quoi qu’il en soit, lorsque les hauts gradés et les hauts fonctionnaires produiront leur rapport semestriel, nous nous attendons à ce qu’ils disent toute la vérité, à ce qu’ils donnent un compte rendu honnête de ce qui se passe sur le terrain. Cela est dans l’intérêt supérieur des dirigeants politiques canadiens qui prennent les décisions, des soldats qui risquent leur vie sur le terrain et des Canadiens en général.
Les anecdotes ont également leur utilité dans les domaines du développement, de la primauté du droit et de la gouvernance dans la mesure où elles sont des indicateurs légitimes des progrès accomplis. Les réponses aux questions types suivantes sont susceptibles d’aider considérablement les gouvernements canadien et afghan à remédier aux lacunes et, en fin de compte, à améliorer la vie des Kandaharis.
· combien de collectivités du Kandahar ont répondu aux invitations de représentants canadiens à participer à des projets de développement?
· Quelles preuves ont recueillies les spécialistes du développement de l’effet favorable qu’ont eu les projets sur la vie des Kandaharis?
· Les menaces que font peser les Talibans sur les projets augmentent‑elles ou diminuent‑elles?
· Les Kandaharis croient-ils pouvoir envoyer leurs filles à l’école en toute sécurité?
· Les Kandaharis commencent-ils à faire confiance à la police nationale afghane?
· La PNA se sent-elle en sécurité lorsqu’elle fait des patrouilles à pied dans la ville de Kandahar et à l’extérieur de celle-ci?
· Les Kandaharis ont-ils de la difficulté à trouver un avocat lorsqu’ils en ont besoin?
· Les Kandaharis croient-ils que leur voix est entendue aux niveaux fédéral et provincial?
Telles sont les suggestions de points de repère numériques et anecdotiques que, selon le Comité, le gouvernement du Canada devrait faire connaître aux Canadiens de façon régulière.
Conclusions
1. La communication de l’information sur l’Afghanistan
Les méthodes de communication aux Canadiens de l’information sur les questions se rapportant à la mission canadienne laissent à désirer. La création d’un Comité du Cabinet sur l’Afghanistan, sous la présidence du ministre du Commerce international, a eu peu de répercussions en dehors du gouvernement. Les informations fournies aux journalistes à l’occasion de séances techniques se retrouvent rarement dans les médias, si bien que la population reçoit l’information au compte-gouttes. Les Canadiens méritent mieux que cela. La mission en Afghanistan est à la fois coûteuse et importante. Le premier ministre devrait diffuser des mises à jour régulières et déposer tous les six mois au Parlement un rapport substantiel renseignant les Canadiens sur les buts visés par le Canada en Afghanistan, ses points de repère, les progrès qu’il a accomplis et les obstacles qu’il doit surmonter. On note actuellement un manque flagrant de leadership dans la communication d’information aux Canadiens sur une question aussi importante que l’Afghanistan. Il n’y a qu’une personne capable de remédier à la situation, et il est dans l’intérêt du gouvernement et des Canadiens qu’elle le fasse.
Le Comité a une autre mesure à suggérer, outre la diffusion de comptes rendus et la présentation au Parlement de rapports réguliers par le premier ministre. Il s’agit de la création d’un groupe mobile de conférenciers qui, à l’occasion de réunions partout au pays, mettrait les Canadiens en contact avec des gens qui ont une connaissance intime de la situation en Afghanistan. Ce groupe comprendrait des personnes comme :
· le colonel Serge Labbé, qui commande actuellement l’Équipe consultative stratégique à Kaboul;
· le major major-général Tim Grant, qui a commandé pendant trois mois le contingent des Forces canadiennes en Afghanistan à partir de novembre 2006 et qui a dirigé les opérations tactiques de la FIAS à Kandahar pendant neuf mois;
· le brigadier-général Guy Laroche, le tout dernier commandant des troupes canadiennes à Kandahar; et
· David Sproule, ancien ambassadeur du Canada en Afghanistan.
Ce ne sont que quelques noms. Le groupe devrait aussi comprendre des parlementaires, à qui il faudrait fournir les moyens nécessaires pourqui pourraient alors tenir leurs électeurs au courant du déroulement de la mission.
2. La poursuite de la coopération civilo-militaire
La coopération civilo-militaire est essentielle dans la région de Kandahar. Le gouvernement a eu la sagesse de faire d’Elissa Golberg la première représentante du Canada à Kandahar, de qui relève tout le personnel non militaire faisant partie du gouvernement canadien. Le Comité se réjouit de cette initiative, en sachant qu’une meilleure coordination des efforts du Canada, qui a permis aux militaires et aux non-militaires de mieux harmoniser leur travail en Afghanistan, pourrait accentuer les progrès aux chapitres du développement et de la gouvernance dans la région de Kandahar. Le brigadier-général Laroche a indiqué que le simple fait d’avoir un équivalent au niveau civil avait amélioré la coordination des efforts diplomatiques, de développement et de défense du Canada et permis au personnel militaire et civil de travailler de pair pour amener le gouvernement de l’Afghanistan à agir dans divers dossiers.
Afin de rehausser encore plus le niveau de coopération, on devrait accentuer la formation mixte avant le déploiement. On nous a expliqué que la formation mixte reçue par les fonctionnaires de l’ACDI et du MAECI au Centre canadien d’entraînement aux manœuvres de Wainwright, en Alberta, avant leur affectation à Kandahar, était très limitée. Nous avons appris depuis que la situation avait changé, pour le mieux, mais nous allons faire certaines vérifications avant de dire que la formation offerte maintenant est suffisante.
3. La nécessité d’envoyer plus de civils canadiens en Afghanistan
(a) L’Équipe consultative stratégique (ECS)
L’Équipe consultative stratégique (ECS) à Kaboul, dirigée actuellement par le colonel Serge Labbé, cherche à améliorer la bureaucratie naissante en Afghanistan, en vue de faciliter la réforme et la prestation de services aux Afghans. Mais il faut augmenter le nombre de mentors canadiens en fonction de la taille de l’appareil bureaucratique afghan. On doit grossir les rangs de l’ECS si on veut qu’elle puisse répondre aux besoins grandissants des ministères et organismes afghans. Le gouvernement canadien devrait y greffer des experts de tous les secteurs de la société canadienne[91].
L’Afghanistan est aux prises avec des problèmes de corruption, d’inégalité entre les sexes et d’organisation et de mise en application des programmes au sein de la bureaucratie gouvernementale à Kaboul et en province. Le Canada offre des services de mentorat aux bureaucrates au niveau national. Pourquoi ne pas faire de même au niveau provincial? Le Canada assume la responsabilité militaire dans la province de Kandahar. Une bonne partie des activités canadiennes dans cette province doit être synchronisée avec le gouvernement central, tant à l’échelle nationale que provinciale. Il serait utile de détacher des Canadiens aux deux niveaux, histoire surtout d’améliorer la communication entre Kaboul et Kandahar. Si l’ECS fait vraiment une différence au niveau national, le gouvernement du Canada devrait amorcer des négociations avec l’administration Karzaï en vue de la création d’une ECS provinciale chargée de conseiller les bureaucrates dans la province de Kandahar.
(b) La formation de la PNA et le mentorat auprès de ses membres
Le Comité a fait état à maintes reprises des difficultés auxquelles fait face la Police nationale afghane, y compris à la corruption, à une formation inégale et au népotisme tribal. Nous comprenons que les policiers afghans accomplissent des tâches nouvelles et difficiles, dans des conditions stressantes et dangereuses, surtout dans la province de Kandahar, et il est fort probable que la PNA demeure une organisation paramilitaire tant et aussi longtemps qu’elle sera la cible des insurgés.
Il reste que les policiers afghans ont besoin d’être formés à l’accomplissement de fonctions policières civiles, telles que la conduite d’enquêtes sur des crimes, la protection de la population locale contre les mines terrestres, l’arrestation de suspects et l’observation et l’application de la loi, et d’être conseillés en la matière. Des agents de police civile canadiens sont déjà mis à contribution, mais ils pourraient faire beaucoup plus. La GRC a reçu l’autorisation ministérielle d’envoyer 50 de ses membres en Afghanistan. Elle a aussi les fonds nécessaires pour affecter à l’étranger 150 agents de police municipale et provinciale de partout au Canada.
Le Comité aimerait que l’on fasse un usage maximal de ces ressources et qu’un nombre accru de policiers soient affectés aux équipes de liaison et de mentorat opérationnel travaillant auprès de la police afghane dans la région de Kandahar. On devrait ajuster la paye des policiers canadiens servant en Afghanistan en fonction du danger auxquels ils sont exposés et leur accorder les primes et les congés qu’ils méritent. Le gouvernement canadien devrait aussi puiser dans le bassin de policiers canadiens nouvellement retraités de la GRC ou de services de police municipaux ou provinciaux, pour y trouver des gens capables de former les policiers afghans.
4. Les ressources
Le Comité craint encore que nos soldats ne disposent pas de toutes les ressources nécessaires pour s’acquitter de leurs fonctions de la façon la plus sécuritaire possible.
Drones : L’utilisation de véhicules aériens sans pilote, ou drones, à des fins de surveillance et de reconnaissance procure à nos troupes un immense avantage sur les talibans, sauf que nous devons composer actuellement avec de l’équipement désuet. Les talibans se fondent parfaitement dans la population et nos soldats ont besoin de se doter d’une meilleure capacité pour les repérer pendant qu’ils posent des bombes sur la route et qu’ils préparent des embuscades. Les drones ont aussi un important pouvoir de dissuasion, puisqu’il peut être gênant de mener des opérations tactiques en se sentant épié du haut des airs. Ceux dont le gouvernement canadien est en voie de faire l’acquisition pour ses opérations en Afghanistan ne sont pas pourvus d’armes, malheureusement. Il est dommage également que l’on ait attendu si longtemps pour remplacer les Sperwer actuellement en service, mais mieux vaut tard que jamais. Le Comité reste persuadé que nos troupes dans la région de Kandahar ont un urgent besoin de la capacité de surveillance offerte par les drones.
Moyens de contrer la menace des EEI : Le gouvernement a promis de faire l’achat d’hélicoptères de transport moyen à lourd pour faciliter les déplacements du personnel et de l’équipement en Afghanistan, mais cela devrait être fait depuis longtemps, quand on pense au nombre de soldats canadiens qui ont succombé à l’explosion d’engins explosifs improvisés (EEI). Dans la région de Kandahar, il est beaucoup plus sécuritaire de voyager par hélicoptère que par la route. Par contre, que ce soit pour des raisons pratiques ou symboliques, on ne pourra s’éviter d’organiser des convois terrestres. Il faudrait donc équiper nos troupes d’un plus grand nombre de véhicules balayeurs d’EEI pour dégager les routes, ainsi que de véhicules blindés plus robustes capables de résister à l’explosion d’EEI.
Personnel : Le Comité ne sait trop quoi penser de la conclusion du Groupe de travail Manley à l’effet que le Canada n’aurait besoin que d’un millier de soldats en renfort pour ses effectifs militaires dans la province de Kandahar. D’ailleurs, il prie le gouvernement canadien de continuer de faire pression sur la communauté internationale dans l’espoir d’obtenir des troupes supplémentaires de l’OTAN. Nous croyons qu’il faudrait déployer au moins 4 000 soldats de plus dans la province de Kandahar pour former les membres de l’ANA et assurer la protection de la population et des équipes de coopération civilo-militaires à l’œuvre sur le terrain.
5. Les contacts avec les talibans
Le gouvernement du Canada est inflexible : il n’est pas question de négocier avec les talibans tant que ceux-ci n’auront pas renoncé à la violence.
Cet ultimatum est-il justifié?
Cette manière d’imposer ses conditions, comme le font les parents avec leurs enfants, ne fonctionne pas toujours dans le monde adulte de la résolution des conflits. Un ultimatum efficace combine le pouvoir à l’autorité morale – « Va dans ta chambre et restes-y jusqu’à ce que tu sois prêt à te comporter correctement. » Cela fonctionne parfois avec les enfants, qui savent qu’ils ont peu de pouvoir et que les règles leur sont imposées. C’est moins facile avec des mouvements de résistance, qui sont invariablement persuadés qu’ils finiront par gagner et ne supportent d’autres règles que les leurs.
Bien sûr, il arrive qu’il n’y ait pas d’autre solution. Neville Chamberlain a vainement tenté de négocier avec Hitler. Cela n’a fait que renforcer la position d’Hitler et entacher à jamais la réputation de Chamberlain à qui l’on a reproché sa politique d’apaisement.
Quelle conduite faut-il donc tenir en Afghanistan?
D’un côté, l’offre faite, fin 2007, par le président Karzaï de négocier avec les talibans et des les intégrer au gouvernement afghan ne semble pas avoir entamé d’un iota la détermination des talibans à multiplier les attentats suicides pour reprendre le pouvoir par la force.
D’un autre côté, le Canada et ses alliés de l’OTAN ont beau être plus coriaces que les talibans et leur être moralement supérieurs, ce n’est manifestement pas comme ça que les talibans voient les choses. Le conflit en Afghanistan pourrait donc durer encore très longtemps si l’on n’essaie pas de le résoudre par la diplomatie.
Qui sont les talibans?
Les talibans regroupent toutes sortes de gens. Il y a ceux qui souscrivent à une idéologie islamique radicale et qui feront tout pour causer du tort au gouvernement central, aux soldats de la Coalition et aux Afghans qui collaborent avec eux. On y retrouve des rescapés du gouvernement taliban renversé en 2002, des Afghans demeurés fidèles à ce gouvernement et à sa cause, et des combattants étrangers, pour la plupart des Pakistanais formés dans des madrasas le long de la frontière afghano-pakistanaise, des Arabes et des extrémistes islamistes d’Europe et d’Asie centrale.
À l’autre bout du spectre, on trouve des Afghans qui ne souscrivent pas nécessairement à une interprétation extrémiste des lois et convictions de l’islam, mais qui ont d’autres raisons de soutenir les talibans[92].
Prenons l’argent par exemple. Dans un pays où la pauvreté est si extrême, il n’est pas difficile de s’acheter la loyauté des gens, et les talibans ne manquent pas de moyens, grâce au trafic des stupéfiants et à des sources externes. Les combattants talibans sont grassement payés par rapport aux autres Afghans.
Les Afghans ont d’autres griefs qui ne font qu’accentuer l’attrait des talibans, comme la haine des soldats étrangers – n’importe lesquels – exacerbée par le souvenir des brutalités commises par les soldats étrangers non musulmans, notamment britanniques et soviétiques.
Il suffit de se mettre à la place d’un Kandahari – dont un des parents a sans doute été tué par un soldat étranger à un moment ou un autre, dont certains parents sont peut-être membres des talibans, qui est peut-être désespérément pauvre et sans accès à l’aide internationale, qui a été témoin de la corruption ou de la dureté de ceux qui sont censés le protéger – pour comprendre pourquoi l’OTAN a tant de mal à rallier la population au gouvernement Karzaï ou à toute autre solution de rechange raisonnable.
Non seulement l’OTAN doit contenir les talibans sur le plan militaire, mais il va devoir aider considérablement le gouvernement Karzaï à se gagner l’appui de certains Afghans très douteux. Le seul espoir à cet égard réside dans le développement. On voit mal comment la situation pourrait aboutir favorablement si les Afghans ne commencent pas bientôt à voir que l’aide internationale donne des résultats tangibles généralisés, ce qui pourrait les amener à faire pression sur les talibans pour convaincre ceux-ci de négocier ou même de renoncer à leur lutte.
Distinguer les amis des ennemis
Il est clair qu’un aspect essentiel de la mission du Canada à Kandahar consiste à favoriser le développement et une meilleure gouvernance, ce qu’on ne peut pas faire de l’intérieur d’un char d’assaut. Si l’on veut promouvoir le progrès économique et social, il faut se mêler aux gens qu’on cherche à aider et à Kandahar, ce n’est pas facile.
Des soldats et des responsables d’activités de développement nous ont dit que la plupart du temps ils ne savent pas si les Afghans avec lesquels ils travaillent ou qu’ils rencontrent sont affiliés aux talibans. Ceux-ci n’ont aucun mal à se fondre dans la population locale et sauf dénonciation, les soldats canadiens ont bien du mal à distinguer les talibans des Afghans ordinaires.
Même Drew Gilmour, responsable de Development Works dont le Comité a visité plusieurs projets, nous a dit être certain qu’il se trouve des talibans parmi les centaines de travailleurs locaux qu’il emploie. Il serait naïf et dangereux de s’imaginer le contraire.
Peut-on espérer faire tourner casaque à certains partisans des talibans? C’est tout à fait possible. D’ailleurs, il est déjà arrivé que des talibans déposent leurs armes et gagnent le camp du gouvernement. Il faut donc tout faire pour rallier les partisans modérés des talibans qui ne demanderaient rien de mieux que de trouver d’autres solutions à une guerre interminable.
Certains analystes disent que la manière dont les talibans ciblent des civils et des activités de développement suscite un profond ressentiment dans la population et que de nombreux Afghans commencent à se rendre compte que de soutenir les talibans a peu de chances d’aboutir à la paix. Sean Maloney[93] rapporte que des anciens du district de Panjwayi ont envoyé une délégation à Quetta (Pakistan), où les talibans ont leur siège, pour enjoindre à ceux-ci de cesser d’attaquer les écoles. Leur revendication semble avoir porté fruit : en avril 2008, aucune école n’avait été attaquée depuis des mois.
M. Maloney pense que la réaction de la population aux exactions des talibans a causé un schisme au sein du mouvement taliban entre ceux qui souhaitent donner un caractère encore plus militant à l’organisation et ceux qui veulent tempérer le mouvement. Plus la direction est divisée, plus l’incertitude règne parmi les partisans. Certains talibans se sont même prévalus des mesures d’amnistie offertes par le gouvernement de l’Afghanistan depuis 2004.
Le gouvernement afghan a soulevé la possibilité de négociations avec les dirigeants des talibans en 2007, mais les chefs talibans ont toujours rejeté ce genre de geste de conciliation. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun espoir de ce côté-là, car même les conflits les plus virulents entre chefs de guerre afghans ont toujours fini par se régler par la voie diplomatique. En dernière analyse, il revient au gouvernement de l’Afghanistan et aux talibans de déterminer si un compromis est possible.
Selon un article récent du Globe and Mail, le lieutenant-colonel Gordon Corbould, commandant de groupement tactique à Kandahar, et le sergent Tim Seeley, un agent de coopération civilo-militaire de l’Équipe provinciale de reconstruction du Canada, auraient évoqué une certaine ouverture envers les talibans modérés[94]. Le Comité croit qu’il faut encourager cette attitude. Les soldats devraient parler avec tout le monde, y compris les talibans, déterminer quels sont les besoins et exploiter cette information à notre avantage.
Cependant, le ministre de la Défense Peter MacKay a affirmé que ces militaires ne parlaient pas au nom du gouvernement fédéral : « Il n’est pas question de discuter avec les talibans. Il est hors de question d’avoir des rapports directs avec des terroristes. Ni maintenant, ni jamais, un point c’est tout », a dit M. MacKay[95].
C’est ce qu’on appelle mettre des limites. C’est un discours qui paraît ferme et moralement supérieur, mais quand on sait que le gouvernement de l’Afghanistan a publiquement offert de transiger avec les talibans, il ne semble pas très réaliste.
6. Ce que nous savons et ce que nous ignorons
Les membres du Comité n’ont pas la prétention d’avoir tiré de leur voyage et de leurs audiences des conclusions définitives quant aux perspectives d’avenir de l’Afghanistan, ni de savoir exactement ce qu’il faut faire pour améliorer les chances de succès de la mission du Canada dans ce pays.
La situation en Afghanistan est extrêmement complexe. Le pays est aux prises avec une myriade de difficultés aux multiples facettes. Faute de temps, par exemple, le Comité n’a pas pu consacrer beaucoup de temps à la corruption et à la culture du pavot. Le fait que plusieurs problèmes échappent complètement au contrôle du Canada vient compliquer les choses. Notre présence à Kandahar est une toute petite pièce seulement du casse-tête.
De nombreuses forces externes pourraient en dernière analyse être déterminantes et contribuer à faire de la mission du Canada en Afghanistan un succès ou un gaspillage. Elles concernent deux questions très importantes : a) les Nations Unies joueront-elles un rôle utile? b) le Pakistan voisin, dont le gouvernement vient de changer, continuera-t-il de compliquer la vie du gouvernement novice de l’Afghanistan?
Les Nations Unies
Les activités de l’ONU en Afghanistan suscitent de nombreuses critiques. On reproche notamment à l’Organisation le manque de coordination des activités de ses propres organismes d’aide au développement et le manque de coordination avec les pays qui offrent une assistance sur le plan de la sécurité et de l’aide au développement. Les choses sont peut-être en voie de s’améliorer. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon a récemment fait de l’ambassadeur de la Norvège Kai Eide son représentant spécial et l’a nommé à la tête de la mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA). M. Eide sera chargé d’améliorer la coordination et l’image de l’effort international à l’appui de l’Afghanistan. L’amélioration de la direction pourrait aboutir à une meilleure coordination sur place. Il faut sans tarder accélérer les activités de développement. Le gouvernement de l’Afghanistan pourra peut-être un jour s’en charger, mais il en semble incapable pour le moment, et les Nations Unies doivent donc prendre la direction des opérations à ce chapitre.
Le gouvernement du Pakistan
La nouvelle démocratie afghane est fragile et son plus important voisin, le Pakistan, ne lui facilite pas les choses.
Le 18 février dernier2008, la population pakistanaise a élu un nouveau premier ministre et un nouveau Cabinet. Le président Moucharraf a renoncé à son poste de chef des forces armées, mais demeure président. On a entendu dire que le nouveau premier ministre négociait avec les talibans au Pakistan et qu’un cessez-le-feu avait été conclu, mais on a dit plus tard que les négociations avaient été rompues[96].
De toute évidence, la
communauté internationale suit de très près la situation au Pakistan. On ne sait
pas encore quels seront le pouvoir et l’influence du nouveau gouvernement sur
les diverses factions qui coexistent au sein des forces armées et des services
de renseignement. Reste à voir si l’on réussira un jour à imposer l’ordre dans
la région frontalière anarchique et indépendante que le Pakistan partage avec l’Afghanistan.
N’importe quel progrès, aussi faible soit-il, pourrait améliorer les chances de
succès de la mission du Canada en Afghanistan et sauver la vie de Canadiens et
d’Afghans.
Il y a cependant encore loin de la coupe aux lèvres.
Dernières réflexions
Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide? Nous avons observé des signes concrets de progrès. Nous avons cependant aussi constaté que certains obstacles seront difficiles à surmonter.
Le Comité est unanime à penser que les efforts que déploie le Canada sur les plans de la sécurité et du développement pour améliorer la stabilité du pays et le bien-être des Afghans en valent la peine.
Mais réussira-t-on?
Ce serait mentir que de prétendre que nous avons trouvé réponse à cette question. Le meilleur conseil que nous puissions donner aux Canadiens, c’est de suivre la situation de près.
La mission en Afghanistan a déjà coûté très cher aux Canadiens, en vies et en argent.
Il faut continuer d’en suivre le déroulement de très près pour déterminer si le verre se remplit ou s’il se vide. Les choses ne changeront pas du jour au lendemain et il y aura inévitablement d’autres décisions à prendre : il est essentiel qu’elles soient les bonnes.
Recommandations du Comité
1. Pour améliorer la stratégie de communication du gouvernement du Canada avec la population au sujet de la mission du Canada en Afghanistan, le Comité recommande :
a. que le premier ministre s’adresse à l’ensemble de la population, par la voie de la radio et de la télévision, pour expliquer les objectifs de la mission du Canada en Afghanistan;
b. que le gouvernement du Canada dépose tous les six mois à la Chambre des communes et au Sénat un rapport d’avancement sur la mission du Canada en Afghanistan rappelant ses objectifs et balises et faisant état des progrès accomplis et des problèmes à surmonter. En outre, le Comité recommande que, pour voir à ce que les Canadiens soient mis au courant du contenu de ces rapports, le premier ministre en fasse chaque fois un compte rendu informel diffusé à la radio et à la télévision. (Voir la page 79)
2. Le Comité recommande que le premier ministre préside le Comité du Cabinet sur l’Afghanistan et affirme ainsi son leadership et son attachement à la cause de la mission en Afghanistan. (Voir la page 74)
3. Comme ce sont les engins explosifs improvisés (EEI) qui font le plus de victimes parmi les Forces canadiennes, le Comité recommande que le gouvernement du Canada se procure 12 systèmes COIC (Capacité d’ouverture d’itinéraire de circonstance), soit 12 Husky, 12 Buffalo et 12 Cougar, pour mieux protéger nos soldats contre la menace que font peser sur eux les EEI. (Voir la page 14)
4. Pour doter les Forces canadiennes en Afghanistan d’une meilleure capacité de renseignement, de surveillance, de reconnaissance et d’acquisition de cible, le Comité recommande d’avancer l’achat prévu à titre provisoire de véhicules aériens téléguidés (VAT) de manière qu’ils puissent être déployés en Afghanistan dès septembre 2008. (Voir la page 15)
5. Pour améliorer la mobilité des Forces canadiennes sur le théâtre des opérations, le Comité recommande d’avancer l’achat prévu à titre provisoire d’hélicoptères moyens et gros porteurs de manière qu’ils puissent être déployés en Afghanistan dès septembre 2008. (Voir la page 16)
6. Pour remédier à la pénurie de soldats et exploiter au maximum les relations personnelles que les soldats canadiens établissent avec la population locale, le Comité recommande que les Forces canadiennes envisagent d’allonger les rotations opérationnelles normales à Kandahar pour les porter à neuf à douze mois selon le rôle des soldats. (Voir la page 43)
7. Pour conférer une plus grande efficacité à l’entraînement et à l’encadrement de la Police nationale afghane à Kandahar, le Comité recommande que le gouvernement du Canada intègre aux équipes de liaison et de mentorat opérationnel de Kandahar 50 agents de la GRC et 150 agents de police provenant des provinces et municipalités de tout le Canada. (Voir la page 42
8. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada recrute et affecte dans la province de Kandahar jusqu’à 500 agents de police récemment retraités pour améliorer encore l’entraînement et le mentorat de la Police nationale afghane. (Voir la page 96)
9. Pour lutter contre la corruption et améliorer le moral des membres de la Police nationale afghane, et encourager plus d’Afghans à intégrer la police et à y rester, le Comité recommande que le gouvernement du Canada offre une aide financière au gouvernement de l’Afghanistan pour permettre à celui-ci de doter les agents de la Police nationale afghane du matériel voulu et de leur verser un salaire analogue à la solde des soldats de l’Armée nationale afghane. (Voir la page 31)
10. Compte tenu de l’importance de la coopération entre les militaires canadiens et la population afghane locale pour le succès de la mission, le Comité recommande que le gouvernement du Canada augmente le nombre des équipes de coopération civilo-militaire des Forces canadiennes déployées dans la province de Kandahar. (Voir la page 44)
11. Pour encourager le personnel non militaire du gouvernement et les entrepreneurs à aller travailler en Afghanistan, en particulier à Kandahar, le Comité recommande que le gouvernement du Canada augmente le salaire, les primes et les congés de ceux qui acceptent une telle affectation. (Voir la page 41)
12. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de faire pression sur ses alliés de l’OTAN pour obtenir d’eux 4 000 soldats de plus pour aider nos Forces à sécuriser la province de Kandahar par le mentorat de l’Armée nationale afghane et la protection des civils et des équipes de coopération civilo-militaire des Forces canadiennes de manière à multiplier les efforts de développement et d’amélioration de la gouvernance. (Voir la page 43)
13. Vu le succès des spécialistes de l’Équipe consultative stratégique chargés d’encadrer les administrateurs des ministères et organismes du gouvernement fédéral de l’Afghanistan à Kaboul, le Comité recommande que le gouvernement du Canada constitue une équipe stratégique consultative analogue chargée d’encadrer les administrateurs provinciaux à Kandahar. (Voir la page 43)
14. Le Comité recommande que le Bureau du vérificateur général procède à une vérification des résultats consignés dans les rapports semestriels du gouvernement du Canada sur l’Afghanistan.
15. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada autorise les soldats des Forces canadiennes et les représentants du gouvernement du Canada en poste dans la province de Kandahar à avoir des contacts avec les Talibans si la communication encourage le désarmement ou garantit la sécurité des travaux de développement dans la province. (Voir la page 106)
16. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada contribue davantage à la réforme de la justice dans la province de Kandahar en chargeant des juristes de Justice Canada d’encadrer les avocats et les juges de la province. (Voir la page 38)
Des sénateurs ont émis des réserves sur certains aspects des recommandations 2, 6, 12 et 15.
Le Comité continue de souscrire à toutes les recommandations contenues dans son rapport de février 2007 intitulé « Les troupes canadiennes en Afghanistan : il faut voir les choses face ».
Ce rapport peut être consulté sur Internet à l’adresse suivante : /common/Committee_SenRep.asp?Language=F&Parl=39&Ses=1&comm_id=76.
Acronymes / Abréviations
ANA – Armée nationale afghane
APD – Aide publique au développement
BOA – Base d’opérations avancée
CDC – Conseil de développement communautaire(Afghanistan)
CIMIC – Coopération civilo-militaire
CIVPOL – Police civile
COIC – Capacité d’ouverture d’itinéraire de circonstance
DNS – Direction nationale de la sécurité
DRI – Direction du renseignement interservices (Pakistan)
ECS–A – Équipe consultative stratégique - Afghanistan
EEI – Engin explosif improvisé
ELMO – Équipe de liaison et de mentorat opérationnel
ELMO(P) – Équipe de liaison et de mentorat opérationnel de police
EPR – Équipe provinciale de reconstruction
EPR–K– Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar
EUPOL AFGHANISTAN – Mission de police de l’Union européenne en Afghanistan
FIAS – Force internationale d’assistance à la sécurité
MANUA – Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan
MANUD – Mission d’assistance des Nations Unies au Darfour
OEF – Opération Enduring Freedom (Liberté immuable, États-Unis)
ONG – Organisation non gouvernementale
ONU – Organisation des Nations Unies
OTAN – Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
PAM – Programme alimentaire mondial
PNA – Police nationale afghane
PDD – Programme de développement de district
PNUD – Programme des Nations Unies pour le développement
ROCK – Représentant(e) du Canada à Kandahar
SDNA – Stratégie de développement national de l’Afghanistan
UAV – Véhicule aérien sans pilote
UNHCR – Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
UNICEF – Fonds des Nations Unies pour l’enfance
MINISTÈRES ET ORGANISMES CANADIENS
ACDI – Agence canadienne de développement international
FC – Forces canadiennes
GRC – Gendarmerie royale du Canada
MAECI – Ministère des Affaires extérieures et du Commerce international
MDN – Ministère de la Défense nationale
SCC – Service correctionnel du Canada
SCRS – Service canadien du renseignement de sécurité
Annexe a :
recommandations de 2007
Voici les recommandations faites par le Comité dans son rapport de 2007 intitulé Les troupes canadiennes en Afghanistan : il faut voir les choses en face.
Anciennes recommandations
Le Comité recommande :
1. Que le gouvernement du Canada continue de faire pression sur ses alliés de l’OTAN pour qu’ils affectent des soldats supplémentaires à la formation de l’armée nationale afghane par le biais d’équipes de liaison et de mentorat opérationnel.
2. Que le gouvernement du Canada envoie jusqu’à 250 instructeurs des Forces canadiennes quand l’augmentation du nombre des stagiaires de l’armée nationale afghane à Kandahar obligera à élargir les équipes canadiennes de liaison et de mentorat opérationnel.
3. Que le gouvernement du Canada ajoute jusqu’à 60 formateurs de la police canadienne au contingent actuel d’environ 6 agents (qui seront bientôt 10) chargés d’aider à former la police nationale afghane et ses auxiliaires.
4. Que le gouvernement du Canada augmente sensiblement la contribution de 10 millions de dollars annoncée par le ministre des Affaires étrangères en janvier 2007 pour fournir à la police nationale afghane des uniformes et, dans les années à venir, améliorer ses salaires et ses avantages.
5. Que, pour réduire au minimum les victimes civiles, le gouvernement du Canada continue d’appliquer la « méthode douce » en prévenant la population locale de ses offensives contre les talibans comme il l’a fait lors de l’opération Baaz Tsuka.
6. Que le gouvernement du Canada annonce que,
même s’il comprend que l’engagement du Canada en Afghanistan est à long terme,
il sera contraint de le reconsidérer si l’OTAN ne met pas en place d’ici 12
mois une force de stabilité sensiblement plus nombreuse et pleinement engagée.
7. Que, dans le prochain exercice et les suivants jusqu’à ce que les ONG puissent opérer en sécurité à Kandahar, l’ACDI verse directement de son budget 20 millions de dollars aux Forces canadiennes pour leur usage dans les projets de développement local exécutés par des Afghans.
8. Que le gouvernement du Canada avise le gouvernement Karzai qu’il doit, d’ici à 12 mois, remettre à l’OTAN un plan global, transparent et efficace pour réduire la corruption comme condition du maintien de l’engagement à long terme du Canada en Afghanistan.
9. Que, pour arrêter efficacement l’infiltration des talibans, le gouvernement du Canada établisse, avec ses partenaires de l’OTAN et l’Afghanistan, une zone tampon défendable du côté afghan de la frontière avec le Pakistan.
10. Que le gouvernement du Canada augmente l’aide agricole et commerciale pour aider les agriculteurs afghans à faire la transition entre la culture du pavot et des cultures plus légitimes.
11. Que, conjointement avec les autorités afghanes, le gouvernement du Canada engage nos forces spéciales et les experts en recherche du renseignement de la GRC dans un programme de répression accéléré visant les caïds de la drogue et leurs systèmes de distribution afin d’étouffer le trafic de stupéfiants.
ANNEXE B :
Lettre nocturne
Voici la traduction d’une « lettre nocturne » sur laquelle le Comité a pu mettre la main lors de sa visite à Kandahar en 2008. Les talibans envoient des lettres de ce genre pour intimider les Afghans qui travaillent à des projets d’assistance dirigés par les Canadiens, comme la construction d’une route à Masum Ghar.
(Fournie à titre gracieux par le ministère de la Défense nationale)
Logo
État islamique d’Afghanistan
Date : 14/ / Édition
786*
Décision du Comité révolutionnaire islamique d’Afghanistan
Chers frères musulmans du district de Panjwayi, je vous rappelle respectueusement que tous les musulmans doivent écarter immédiatement leurs enfants et leurs frères de tout poste qu’ils occupent au sein du gouvernement, et que tous ceux qui travaillent à la construction de routes ou qui servent dans l’ANA, qui s’empressent d’aider les Américains ou qui leur confient leurs femmes, et ceux qui travaillent comme sous-traitants pour un entrepreneur américain ou qui ont des liens quelconques avec le gouvernement, doivent quitter leur emploi dans les deux jours, sinon qu’ils ne viennent pas se plaindre.
Toute personne surprise à déchirer cette lettre verra son cas être réglé très bientôt.
Signature illisible
Annexe C (a)
:
Carte de l’Afghanistan
Afghanistan
Source : Agence canadienne de développement international
ANnexe C (b)
:
Carte du Kandahar
Kandahar
Source : Agence canadienne de développement international
ANNexe D :
Hommage
Le Comité tient à exprimer toute sa gratitude aux soldats canadiens qui ont donné leur vie au service de la paix en Afghanistan.
Jonathan Sutherland Snyder, capitaine Richard (Steve) Leary, capitaine Michael Starker, caporal Terry Street, soldat Jason Boyes, sergent Jérémie Ouellet, bombardier Michael Hayakaze, parachutiste Étienne Gonthier, caporal Richard Renaud, parachutiste Eric Labbé, caporal Hani Massouh, adjudant Jonathan Dion, artilleur Nicolas Beauchamp, caporal Michel Lévesque, soldat Nathan Hornburg, caporal Mark Ruckpaul, major Christian Duchesne, caporal-chef Mario Mercier, adjudant-chef Simon Longtin, soldat Jordan Anderson, caporal Cole Bartsch, caporal Colin Bason, caporal-chef Matthew Dawe, capitaine Jefferson Francis, capitaine Lane Watkins, soldat Stephen Bouzane, caporal Christos Karigiannis, sergent Joel Wiebe, soldat Darryl Caswell, parachutiste Darrell Priede, caporal-chef Matthew McCully, caporal Anthony Klumpenhouwer, caporal-chef Patrick Pentland, parachutiste Allan Stewart, caporal-chef David Greenslade, soldat Kevin Kennedy, soldat Donald Lucas, sergent Brent Poland, caporal Christopher Stannix, caporal Aaron Williams, caporal Kevin Megeney, caporal Robert Girouard, adjudant-chef |
Albert Storm, caporal Darcy Tedford, sergent Blake Williamson, soldat Mark Wilson, parachutiste Craig Gillam, sergent Robert Mitchell, caporal Josh Klukie, soldat Glen Arnold, caporal David Byers, soldat Shane Keating, caporal Keith Morley, caporal Mark Graham, soldat William Cushley, soldat Frank Mellish, adjudant Richard Nolan, adjudant Shane Stachnik, sergent David Braun, caporal Andrew Eykelenboom, caporal Jeffrey Walsh, caporal-chef Raymond Arndt, caporal-chef Kevin Dallaire, soldat Vaughan Ingram, sergent Bryce Keller, caporal Christopher Reid, caporal Francisco Gomez, caporal Jason Warren, caporal Anthony Boneca, caporal Nichola Goddard, capitaine Matthew Dinning, caporal Myles Mansell, bombardier Randy Payne, caporal William Turner, lieutenant Robert Costall, soldat Paul Davis, caporal Timothy Wilson, caporal-chef Braun Woodfield, soldat Jamie Murphy, caporal Robbie Beerenfenger, caporal Robert Short, sergent Ainsworth Dyer, caporal Richard Green, soldat Marc Léger, sergent Nathan Smith, soldat |
[1] On dénombre en tout 2 500 soldats canadiens dans la région de Kandahar, mais seulement 1 000 d’entre eux, à peu près, participent à des missions de combat.
[2] Dans le présent document, le Groupe Manley désigne le Groupe d’experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan, sous la présidence de l’honorable John Manley, qui a remis son rapport au premier ministre Stephen Harper en janvier 2008.
[3] La résolution 1368 du Conseil de sécurité des Nations Unies reconnaissait le droit inhérent à la légitime défense individuelle ou collective conformément à la Charte, appelait tous les États à travailler ensemble de toute urgence pour traduire en justice les auteurs, organisateurs et commanditaires de ces attaques terroristes, en soulignant que ceux qui portent la responsabilité d’aider, de soutenir et d’héberger les auteurs, organisateurs et commanditaires de ces actes devraient rendre des comptes, et exprimait la résolution du Conseil à prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 et pour combattre le terrorisme sous toutes ses formes, conformément à ses responsabilités en vertu de la Charte des Nations Unies. (12 septembre 2001)
[4] Le Canada est intervenu pour la première fois en Afghanistan en octobre 2001, dans le cadre de l’Opération Apollo, en envoyant des navires de guerre et un aéronef dans le golfe Persique et la mer d’Oman. Des soldats canadiens participant à l’opération américaine Liberté immuable ont ensuite été déployés dans la province de Kandahar. En août 2003, les Forces canadiennes ont envoyé un contingent à Kaboul pour faire partie de la FIAS. En août 2005, les militaires canadiens déménageaient de Kaboul à Kandahar. Pour connaître la chronologie complète des événements et tous les détails, voir : Jim Cox, « Afghanistan : La mission militaire canadienne », dans l’Infosérie sur l’Afghanistan de la Bibliothèque du Parlement, février 2008.
[5] Voir la description de l’Équipe stratégique consultative, à la page 43.
[6] « Les institutions sociales au niveau communautaire en Afghanistan ont des fonctions et des structures qui varient d’une région à l’autre. Même leur nom est différent. On les appelle le plus souvent chouras et djirgas. D’une façon générale, il s’agit de groupes de personnes respectées au sein de collectivité qui est constitué pour les circonstances, par exemple pour régler un différend ou organiser une action collective. Une choura ou une djirga peut aussi représenter plusieurs collectivités et servir d’intermédiaire avec les institutions gouvernementales. Dans certaines régions, les femmes ont leurs propres chouras, n’étant pas admises dans celles des hommes. » Publication des Nations Unies sur la gouvernance en Afghanistan, www.un.org.pk/latest-dev/governance.pdf. [traduction]
[7] Programme de développement des Nations Unies, Rapport sur le développement humain en Afghanistan - 2007, disponible en ligne à http://hdr.undp.org/fr/reports/nationalreports/asiathepacific/afghanistan/nhrd2007.pdf.
[8] Selon l’Index des États défaillants 2007 publié dans Foreign Policy, numéro de juillet-août 2007, p. 57, l’Afghanistan se classe au 8e rang parmi les 60 États défaillants les plus instables.
[9] En avril 2008, le gouvernement canadien a annoncé qu’il investirait jusqu’à 275 millions de dollars au Soudan dans trois domaines : la sécurité, la diplomatie et l’aide. Cette somme comprend une contribution de 40 millions de dollars pour l’équipement et la formation des soldats africains de la Mission des Nations Unies au Darfour (MINUAD), qui fait du Canada la deuxième source d’appui financier volontaire de la MINUAD. Voir « Le Canada à l’œuvre au Soudan », http://geo-international.gc.ca/cip-pic/sudan/menu-fr.asp.
[10] Il y a aussi une mission des Nations Unies au Soudan (UNMIS) dont le mandat consiste à coordonner toutes les activités de l’ONU au Soudan, à mobiliser les ressources et le soutien de la communauté internationale dans le but d’offrir une assistance immédiate et d’assurer le développement économique à long terme du Soudan, à faciliter la coordination, avec d’autres acteurs internationaux, notamment l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement, des activités à l’appui du processus de transition instituté par l’Accord de paix global (un accord de cessez-le-feu et de paix signé par le gouvernement soudanais et diverses factions rebelles), et à offrir ses bons offices et son soutien politique aux efforts visant à résoudre tous les conflits en cours au Soudan. www.unmis.org/english/mandate.htm.
[11] Le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé en juillet 2007 le déploiement de la MINUAD, afin que celle-ci puisse prendre la relève d’une force de l’Union africaine démunie. L’opération a débuté en janvier 2008. Seulement 10 000 des quelque 26 000 Casques bleus prévus à l’origine ont été déployés jusqu'à présent. Voir le Centre d’actualités de l’ONU, « Darfour : cinq ans de souffrances et la crise s’aggrave, dénonce un responsable de l’aide », www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=16383&Cr=darfour&Cr1=conseil.
[12] Seth Jones, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[13] Le Comité a vu une de ces lettres au printemps 2008, lors de sa visite à Kandahar. La traduction de cette lettre apparaît à l’annexe B.
[14] Ministère de la Défense nationale, COMFEC, article vedette, www.cefcom.forces.gc.ca/site/fs-ev/2008/03/27_f.asp.
[15] Brigadier-général P.J. Atkinson, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[16] L’information sur la COIC a été tirée de la Canadian American Strategic Review, « Background – Cougar and Buffalo Mine-/Blast resistant vehicles », http://www.sfu.ca/casr/bg-cougar-buffalo-mrv.htm.
[17] Le terme « non ferreux » décrit les métaux autres que le fer et les alliages qui ne renferment pas une quantité appréciable de fer. Les mines et les EEI qui ne contiennent pas de fer sont plus difficiles à détecter.
[18] On dit qu’avant même la fin de l’occupation soviétique, les combattants afghans connaissaient et maîtrisaient l’art de la construction et de la dissimulation d’EEI aussi bien que les insurgés iraquiens d’aujourd’hui. Voir Michael Wallace, « Leopard Tanks and the Deadly Dilemmas of the Canadian Mission in Afghanistan », dans Foreign Policy Series, une publication du Cente canadien de politiques alternatives, numéro de février 2007, p. 4.
[19] C’est-à-dire qui seront équipés d’armes.
[20] Seth Jones, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[21] Jim Cox, « La mission militaire canadienne », dans l’Infosérie sur l’Afghanistan de la Bibliothèque du Parlement, 6 novembre 2007.
[22]Ministère de la Défense nationale, « Les Équipes de liaison et de mentorat opérationnel », dernière modification le 14 avril 2008, disponible à http://www.cefcom.forces.gc.ca/site/ops/fs-fr/omlt_f.asp.
[23] Gordon Smith, Le Canada en Afghanistan : Est-ce que ça marche?, Canadian Defence and Foreign Affairs Institute, mars 2007, p. 17
[24] Gordon Smith, Le Canada en Afghanistan : est-ce que ça marche?, Canadian Defence and Foreign Affairs Institute, mars 2007, p. 13.
[25] Au moment d’écrire ces lignes, les négociations entre les talibans et le gouvernement pakistanais venaient d’être rompues. BBC News, « Top Pakistan Militant Halts Talks », 28 avril 2008.
[26] Stephen Wallace, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 17 décembre 2007, numéro 3, 39e législature, 2e session.
[27] Stephen Wallace, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 17 décembre 2007, numéro 3, 39e législature, 2e session.
[28] Seth Jones, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[29] La Stratégie de développement national de l’Afghanistan a été parachevée et approuvée par le président Hamid Karzaï le 21 avril 2008. Il s’agit de la stratégie d’ensemble du gouvernement afghan pour favoriser la croissance, générer des richesses et réduire la pauvreté et la vulnérabilité.
[30] Brigadier-général A.J. Howard, directeur général des Opérations, État-major interarmées stratégique, Défense nationale, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 23 avril 2007, numéro 15, 39e législature,1re session.
[31] Seth Jones, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[32] ACDI, Afghanistan – Projets en cours et résultats, http://www.acdi-cida.gc.ca/CIDAWEB/acdicida.nsf/Fr/JUD-12514940-QGL?OpenDocument.
[33]On peut lire la version officielle intégrale de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU à http://www.un.org/docs/scres/2000/sc2000.htm.
[34] Seth Jones, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[35] Pierre-Yves Bourduas, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 17 décembre 2007, numéro 3, 39e législature, 2e session.
[36] Omar Samad, « To rebuild a shattered nation, a failed state, and to make it functional again », dans Policy Options, février 2007, p. 15. [traduction]
[37] Paul LaRose-Edwards et Christine Vincent, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 3 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session
[38] Officier marinier de première classe David M. Votroubek, « FDD builds and tests police integrity », CSTC-A News, 26 mars 2008, http://www.cstc-a.com/News/2008%20news/080326-FDD%20Builds%20and%20tests%20police%20integrity.html.
[39] Gouvernement du Canada, « Objectif Développement des districts », 26 mars 2008, http://www.canada-afghanistan.gc.ca/cip-pic/afghanistan/library/kprt_mar2008-fr.asp.
[40] Tonita Murray, Report on the Status of Women in the Afghan National Police, CANADEM. [traduction]
[41] Seth Jones, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[42] La charia codifie à la fois les aspects publics et privés de la vie des musulmans et de toutes les personnes vivant dans un système juridique fondé sur la jurisprudence islamique.
[43] Gerry Schmitz, « Afghanistan : Production et trafic de drogue », dans l’Infosérie sur l’Afghanistan de la Bibliothèque du Parlement, p. 2
[44] Les civils affectés en Afghanistan doivent travailler avec les Afghans, mais aussi avec leurs collègues à Ottawa. Puisque, dans les pays islamiques, la fin de semaine correspond au vendredi et au samedi, au lieu du samedi et du dimanche, ils n’ont que le samedi pour se reposer. Sauf que, avec tout ce qu’il y a à faire, beaucoup travaillent même le samedi.
[45] Documentation, Opérations des Forces canadiennes en Afghanistan, ministère de la Défense nationale, 14 août 2007, http://www.forces.gc.ca/site/newsroom/view_news_f.asp?id=1703.
[46] Gordon Smith, Le Canada en Afghanistan : Est-ce que ça marche?, Canadian Defence and Foreign Affairs Institute, mars 2007, p. 20.
[47] Brigadier-général P.J. Atkinson, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription d’audience, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[48] Brigadier-général P.J. Atkinson, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription d’audience, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[49] Brigadier-général P.J. Atkinson, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription d’audience, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[50] C’est-à-dire en dehors des limites du camp ou de la base militaire.
[51] Propos du brigadier-général Laroche tirés de : « Une opération de sécurité réussie dans le district de Zhari pour l’ANA et la FOI-Afg », par le capitaine de corvette Pierre Babinsky, OAP supérieur FOI-Afg (nov. 2007), http://www.forces.gc.ca/site/Feature_Story/2007/11/29_f.asp.
[52] Environics Research Group, 2007 Survey of Afghans: Summary report, 18 octobre 2007, p. 4. [traduction]
[53] Le territoire du Commandement régional Sud de la FIAS englobe les provinces de Day Kundi, de Zaboul, de Kandahar, d’Ourouzgan, d’Helmand et de Nimruz.
[54] Brigadier-général P.J. Atkinson, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription d’audience, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[55] Voir l’encadré sur la Capacité d’ouverture d’itinéraire de circonstance (COIC), à la page 14.
[56] Stephen Wallace, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription d’audience, 17 décembre 2007, numéro 3, 39e législature, 2e session.
[57] Le Programme de solidarité nationale (PSN) est le principal programme de développement communautaire du gouvernement de l’Afghanistan. Il vise à réduire la pauvreté en appuyant l’autonomisation et l’esprit d’initiative des collectivités, en améliorant la gouvernance locale et en renforçant le capital social, humain et économique.
[58] Paul LaRose-Edwards, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription d’audience, 3 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[59] Voir le site de Development Works, à l’adresse www.developmentworks.ca. [traduction]
[60] Lieutenant Jocelyn Lemay, « La COCIM, une capacité indispensable dans le concept de la guerre à trois volets », dans La Feuille d’érable, 15 février 2006, accessible en ligne à http://www.forces.gc.ca/site/Community/mapleleaf/article_f.asp?id=2337.
[61] Brigadier-général P.J. Atkinson, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription d’audience, 10 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[62] « The Afghanistan Mission : If they have a good salary, maybe they will behave », dans le Globe and Mail, 9 octobre 2007.
[63] David Beer, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription d’audience, 17 décembre 2007, numéro 3, 39e législature, 2e session.
[64] Voir l’encadré sur cette résolution à la page 30.
[65] Paul LaRose-Edwards, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription d’audience, 3 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[66] Christine Vincent, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription d’audience, 3 décembre 2007, numéro 2, 39e législature, 2e session.
[67] Office of the Senior Coordinator for International Women's Issues, Département d’État américain, « U.S. Commitment to Women in Afghanistan », 3 janvier 2006, http://www.state.gov/g/wi/rls/58651.htm.
[68] Wahidullah Amani et Salima Ghafari, « Is Afghanistan Ready for Women in Parliament? », (ARR No. 195, 15-Nov-05), Institute for War and Peace Reporting.
[69] Pour plus d’information sur les djirgas afghanes et les personnes qui en font partie, consulter PARLINE, à www.ipu.org/parline-f/parlinesearch.asp
[70]Kerry Buck et David Mulroney, Délibérations, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription, 17 décembre 2007, numéro 3, 39e législature, 2e session.
[71] Au moment où ces lignes ont été écrites, David Emerson était ministre du Commerce international. Après la démission de Maxime Bernier de son poste de ministre des Affaires étrangères, le 26 mai dernier, David Emerson a été nommé ministre des Affaires étrangères par intérim.
[72] Pour une définition de « sécurité raisonnable », se reporter à la page 77.
[73] A.H. Maslow, « A Theory of Human Motivation », Psychological Review, vol. 50. (1943), pp. 370-396.
[74] Barnett Rubin, Délibérations du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, Témoignages, 29 mars 2007, 39e législature, 1e session.
[75] Bonne gouvernance : ainsi que le Comité l’expliquera dans la section « Points de repère en matière de gouvernance », nous sommes prêts à accepter que l’établissement d’un gouvernement central capable d’assurer la satisfaction des besoins élémentaires des Afghans passe, pour le moment, avant l’établissement d’un gouvernement central non corrompu dans l’ordre de priorité.
[76] Le Pacte de l’Afghanistan établit 43 points de repère dans trois grands secteurs : la sécurité; la gouvernance, la primauté du droit et les droits de la personne; le développement social et économique. Les progrès réalisés vers l’atteinte de ces objectifs et points de repère sont mesurés par un comité mixte formé de représentants du gouvernement afghan et de l’ONU, le Joint Coordination and Monitoring Board (JCMB), dont est membre le Canada.. Le JCMB se réunit deux fois l’an, sa septième réunion ayant eu lieu en février 2008.
[77] La Conférence de Londres sur l’Afghanistan, Le Pacte de l’Afghanistan, 31 janvier – 1er février 2006, p. 6.
[78] République islamique d’Afghanistan, Stratégie de développement national de l'Afghanistan : 2008-2013, 21 avril 2008, p. 55.
[79] Le site web du gouvernement consacré à la mission en Afghanistan est : http://www.canada-afghanistan.gc.ca.
[80] République islamique d’Afghanistan, Stratégie de développement national de l’Afghanistan : 2008‑2013, 21 avril 2008, p. 191.
[81] Agence canadienne de développement international, « Aide alimentaire ». 21 novembre 2007. Voir site web http://www.acdi-cida.gc.ca/CIDAWEB/acdicida.nsf/En/NAT-1119111712-M4T.
[82] Programme alimentaire mondial, « Food Security: Overview », 2008. Voir site web http://www.wfp.org/country_brief/indexcountry.asp?country=004.
[83] Par exemple, les organismes des Nations Unies et les ONG locales.
[84] Site web de l’ACDI, « Résultats Afghanistan :Réalisations en vedette », http://www.acdi-cida.gc.ca/CIDAWEB/acdicida.nsf/En/FRA-51512501-MRB?OpenDocument
[85] [traduction] « Il y a 400 000 cas de tuberculose (TB) [en Afghanistan], et 72 000 nouveaux cas s’y ajoutent chaque année, selon les estimations. Quelque 15 000 personnes atteintes de la TB meurent chaque année, dont 83 p. 100 sont des femmes », Programme alimentaire mondial, Projected 2007 Needs for WFP Projects and Operations: Afghanistan, p. 1, voir site web http://www.wfp.org/country_brief/indexcountry.asp?region=5§ion=9&sub_section=5&country=004#.
[86] PBS Frontline World, « Afghanistan: The Other War », avril 2007, voir site http://www.pbs.org/frontlineworld/stories/afghanistan604 /.
[87] République islamique d’Afghanistan, Stratégie de développement national de l’Afghanistan : 2008-2013, 21 avril 2008, p. 40.
[88] [traduction] « Selon des données dignes de foi, la demande de main-d’oeuvre serait faible dans les provinces méridionales, ce qui serait partiellement compensé par de fortes migrations saisonnières et à long terme de travailleurs. » United States Agency for International Development, Labor Markets, Livelihood Strategies, and Food Security in Afghanistan, mai 2007, p. 23.
[89] Centre d’actualités de l’ONU, « Secretary-General calls for investment in women for peace and development » 6 mars 2008. Voir site web http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=25880&Cr=women&Cr1=.
[90] David Beer, Délibérations du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, transcription des témoignages, 17 décembre 2007, fascicule 3, 39e législature, 2e session.
[91] Le Comité remarque que le remplaçant du colonel Serge Labbé a déjà été nommé et qu’il s’agit d’un officier des Forces canadiennes.
[92] Pour en savoir plus sur les talibans, voir Jason Yung, « Les talibans », dans l’InfoSérie sur l’Afghanistan, Bibliothèque du Parlement, 5 décembre 2007.
[93] Sean Maloney, « Paving the Way in Afghanistan », dans Maclean’s, 21 avril 2008.
[94] « The Afghan Mission », dans le Globe and Mail, 6 mai 2008.
[95] Citation tirée de l’article intitulé « Unreal Ottawa Debate », dans le Globe and Mail, 6 mai 2008. [traduction]
[96] BBC News, « Top Pakistan militant halts talks », 28 avril 2008.
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