Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 1 - Témoignages du 20 novembre 2007
OTTAWA, le mardi 20 novembre 2007
Le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, conformément au sous-alinéa 86(1)f)(i) du Règlement du Sénat, pour examiner le rétablissement des projets de loi; les préavis requis pour les questions de privilège; et l'utilisation des langues autochtones au Sénat.
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, les trois points à l'ordre du jour sont des sujets controversés. J'aimerais offrir au comité la possibilité de tenir la séance à huis clos, s'il le souhaite. Qu'en pensez-vous?
[Français]
Le sénateur Robichaud : Pourquoi irait-on à huis clos?
[Traduction]
Le président : Je ne le sais pas non plus.
Le premier point que nous devons examiner, en vertu du sous-alinéa 86(1)f)(i) est le rétablissement des projets de loi. Vous connaissez tous bien ce sujet. Je vais demander au greffier de dire un mot sur ce dossier, et ensuite, peut-être que M. Robertson pourra faire des observations.
Blair Armitage, greffier du comité : Comme le sénateur Keon l'a rappelé, cette question figurait au programme de la dernière session. Vous avez présenté un rapport au Sénat et la question était toujours inscrite au Feuilleton lorsqu'il y a eu prorogation. Je suis certain que M. Robertson serait ravi de passer en revue les détails de ce rapport ainsi que les changements au Règlement, si vous le souhaitez.
Le sénateur Smith : Un résumé conviendrait tout à fait.
James R. Robertson, directeur, Division du droit et du gouvernement, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement : La question du rétablissement des projets de loi a été soulevée au Sénat à plusieurs reprises à la suite d'une motion qui avait été proposée, mais qui n'a jamais été adoptée par le Sénat. Cependant, le comité s'était donné le mandat de se pencher là-dessus. Le Règlement de la Chambre des communes contient maintenant une disposition prévoyant que les projets de loi d'initiative parlementaire soient automatiquement rétablis à l'étape où ils se trouvaient avant une prorogation, et non pas une dissolution, mais bien au terme d'une session d'une même législature. Quant aux affaires émanant des députés, elles sont également rétablies à la suite d'une prorogation.
Les projets de loi gouvernementaux font souvent l'objet, à l'autre endroit, d'une motion proposée au début d'une seconde session ou d'une session ultérieure visant à permettre au gouvernement de les rétablir; il ne s'agit pas de présenter de nouveau le projet de loi, mais de le rétablir à l'étape où il se trouvait au moment de la prorogation si la motion est proposée dans les 30 jours de séance suivant le début de la session et si le Président convient que le texte est inchangé par rapport à la version à l'étude au moment de la prorogation.
Cette motion a été adoptée il y a quelques semaines au début de la deuxième session de la présente législature.
Le Sénat n'a pas dans son Règlement des dispositions concernant le rétablissement des projets de loi. Au terme d'une étude, nous avons constaté que de nombreuses assemblées législatives ont établi des pratiques ou des procédures qui permettent le rétablissement des projets de loi. On peut soutenir que le Sénat a besoin d'une telle procédure puisque la décision de proroger une session d'une législature est prise par le gouvernement, ce qui signifie que le moment de la prorogation échappe au contrôle du Sénat.
Le comité a consacré plusieurs séances à l'examen des procédures suivies au Sénat et il a constaté qu'elles étaient en quelque sorte plus complexes que celles de la Chambre des communes parce que le Sénat est souvent saisi des mesures législatives gouvernementales une fois qu'elles ont été adoptées aux Communes. En outre, les différentes procédures concernant la réimpression des projets de loi notamment contribuent à la complexité du Règlement.
À la suite de nombreuses discussions au sein des greffiers à la procédure du Sénat et des membres du comité, il a été décidé de déposer le sixième rapport, qui décrit brièvement le sujet dans les trois premières pages environ et qui présente les changements proposés au Règlement. Le rapport énonce également certaines modifications corrélatives qui devraient être apportées.
En résumé, cette procédure doit être utilisée au début d'une deuxième session ou d'une session ultérieure. Différentes dispositions ont été élaborées selon qu'il s'agit d'un projet de loi d'intérêt public émanant d'un sénateur, d'un projet de loi gouvernemental présenté par le Sénat, d'un projet de loi gouvernemental émanant des Communes ou d'un projet de loi d'initiative parlementaire proposé par un député.
Voilà en gros de quoi il retourne. Si vous avez des questions précises à propos de la procédure, je serai ravi d'y répondre, ou peut-être que d'autres membres du personnel du Sénat pourront aussi répondre.
Le sénateur Smith : Je tiens à dire aux membres qui ne siégeaient peut-être pas au comité lors de la dernière session que j'approuve ce changement. Il y avait consensus là-dessus. La nouvelle disposition n'est pas aussi simple que celle qui figure dans le Règlement de la Chambre, car quelques personnes avaient des préoccupations à propos de certaines situations, et notre premier but était l'efficacité. Nous ne voulions pas retourner à l'âge des ténèbres et revenir toujours au point de départ. Nous visions l'efficacité en prenant soin de ne nuire à personne. C'est le principe que nous avons essayé de respecter.
Nous y sommes assez bien parvenus. Si quelqu'un veut proposer des améliorations, libre à lui de le faire. Je voulais seulement souligner que nous en sommes rendus là et que j'estime que l'approche choisie faisait consensus. Nous avons traité la question de façon aucunement partisane. Les sénateurs étaient d'avis qu'il s'agit d'une disposition relativement efficace qui ne nuit à aucun des partis concernés. Je suis ravi de proposer son adoption.
Le président : Il a été proposé d'adopter le rapport. Les gens sont encore en train de s'installer, alors peut-être devrions-nous discuter de la motion.
Le sénateur Smith : Je serais heureux que nous en discutions.
Le sénateur Corbin : De quoi parlait l'attaché de recherche? Je suis arrivé un peu en retard et je ne sais pas de quoi nous discutons.
Le président : Nous discutons du rétablissement des projets de loi. Il a résumé le contenu du document que vous avez sous les yeux et que nous avions adopté avant la prorogation, mais qui n'avait pas été approuvé au Sénat.
Le sénateur Corbin : Merci.
Le président : Y a-t-il des commentaires?
Le sénateur Cools : De quoi le comité est-il saisi en ce moment? Est-il saisi d'une motion? De quoi est-il question?
Le président : Le sénateur Smith a présenté une motion...
Le sénateur Smith : Nous avions approuvé un changement au Règlement du Sénat visant à établir une disposition sur le rétablissement des projets de loi comme il en existe une dans le Règlement de la Chambre. La nôtre n'est pas aussi simple que celle contenue dans le Règlement de la Chambre parce que certaines personnes avaient des préoccupations, alors nous avons essayé d'élaborer une disposition qui soit efficace sans toutefois nuire à qui que ce soit, mais la session a pris fin avant que le rapport ait pu être adopté. Nous l'avons en main, et l'attaché de recherche nous en a fait un résumé, alors je suis ravi de proposer son adoption.
Le sénateur Cools : Je me demandais de quoi est saisi le comité en ce moment. Est-il saisi d'une motion ou d'une question?
Le président : Madame le sénateur Cools, nous sommes saisis d'une motion présentée par le sénateur Smith.
Le sénateur Cools : Quelle est la motion?
Le président : Il a été proposé d'approuver le document, et c'est de cette motion dont nous discutons maintenant.
Le sénateur Cools : D'accord.
Le sénateur Watt : J'aimerais avoir des précisions. Par exemple, le projet de loi C-51 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à l'étape de la deuxième lecture. Si votre motion est adoptée, cela voudrait-il dire que le projet de loi C-51 serait automatiquement renvoyé encore une fois à ce comité?
M. Robertson : Le Sénat et notre comité ont été extrêmement clairs — et c'est d'ailleurs précisé au paragraphe 7 du rapport; ils sont d'avis que la procédure de rétablissement ne doit pas être automatique. La nouvelle disposition permet au Sénat, s'il le souhaite, de décider que ce projet de loi sera considéré comme ayant été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, pourvu que certaines étapes soient suivies. Toutefois, le comité reprendrait son examen de cette mesure au début de l'étape en question. Si le comité avait terminé son étude, il recommencerait au début de l'étape où le projet de loi était rendu. Des témoins pourraient être convoqués et des amendements pourraient être examinés.
Le sénateur Smith : Ce n'est pas dans la poche. Si vous avez des préoccupations, vous aurez encore l'occasion de les faire valoir.
Le sénateur Watt : Je ne suis pas certain de ce qu'il adviendrait si le parrain du projet de loi n'était plus la même personne. Que se passerait-il dans un tel cas? Disons, par exemple, que le sénateur Segal était le parrain d'un projet de loi lors de la dernière session et que maintenant, c'est une autre personne. Que se passerait-il?
M. Robertson : S'il s'agit d'un projet de loi émanant du gouvernement, c'est le gouvernement qui doit le rétablir. Par contre, s'il s'agit d'un projet de loi d'intérêt public émanant d'un sénateur — par exemple, si le sénateur Keon avait présenté un tel projet de loi — ce n'est que lui qui pourrait rétablir cette mesure législative durant la nouvelle session de la législature. Le sénateur Corbin et d'autres membres du comité avaient exprimé des préoccupations à ce sujet, alors c'est pourquoi il a été précisé clairement qu'un projet de loi doit être rétabli par le même parrain.
Le sénateur Fraser : Ce qui est le plus important à retenir, c'est qu'aucun projet de loi ne franchirait toutes les étapes au Sénat sans qu'il y ait au moins une occasion de plus d'en débattre comme il se doit. D'après ce que je comprends, si l'étape de la troisième lecture au Sénat était terminée, il faudrait tenir un autre débat à cette étape. La discussion pourrait être brève, mais elle devrait avoir lieu, de sorte que les sénateurs auront toujours l'occasion de faire un second examen.
Quant à la question qu'a posée le sénateur Watt, je dois dire que ce qui est proposé dans la conclusion du rapport devrait être l'option choisie, car on ne dit pas que personne ne peut rétablir un projet de loi qu'un autre sénateur avait présenté à la session précédente, mais plutôt qu'afin d'accélérer le processus, il semble approprié que seul le parrain du projet de loi puisse accélérer l'adoption de la mesure en question. C'est la seule différence.
Le président : Quelqu'un a-t-il d'autres commentaires à formuler?
Le sénateur Cools : J'ai quelques questions à poser. J'ai toujours pensé qu'une prorogation était un décret provenant de Sa Majesté et ordonnant la fin de tous les travaux des deux Chambres. Malheureusement, je n'ai pas apporté mon dossier. Je me suis renseignée à ce sujet. Le président ou le vice-président pourrait-il m'expliquer pourquoi le droit de la prérogative est ignoré dans ce cas-ci?
Le président : Je vais demander à M. Robertson de répondre.
Le sénateur Smith : Quand il y a eu dissolution du Parlement, on se retrouve avec une nouvelle législature, mais dans ce cas-ci, la législature est la même, et nous étions d'avis qu'il s'agissait d'une procédure efficace qui assurait une protection raisonnable.
Le sénateur Cools : Peut-être pouvez-vous éclairer ma lanterne. Quelle est la différence, en ce qui a trait à la cessation des procédures, entre une dissolution et une prorogation?
Le sénateur Smith : La dissolution entraîne une nouvelle législature alors que ce n'est pas le cas lorsqu'il y a prorogation.
Le sénateur Cools : Ces gens-là sont mieux placés pour répondre.
Le sénateur Robichaud : Nous sommes tous égaux, madame le sénateur Cools.
M. Robertson : Comme le sénateur Smith l'a affirmé, la dissolution met fin à une législature, qui est remplacée par une nouvelle. Une prorogation met fin à une session d'une législature. Tous les députés de l'autre endroit demeurent en poste durant une prorogation. Dans le cas d'une dissolution, ils ne sont plus députés du Parlement dès le jour de la dissolution.
Le sénateur Cools a tout à fait raison de dire que, conformément à la tradition et à la Constitution, une prorogation met fin à tous les travaux en cours dès le jour de la prorogation. C'est effectivement ce qui s'est toujours produit parce que cela signifie qu'on mettait un terme à une session et qu'il fallait tout reprendre dans la nouvelle session. Cependant, certaines choses ne résistent pas à une prorogation, comme les adresses à la Couronne, les avis de production de documents et diverses décisions et motions ou résolutions prises par un organisme parlementaire. J'ai vérifié si nous avions un exemplaire du Marleau et Montpetit, mais il semble que non. Je peux cependant vous affirmer que certaines choses résistent à une prorogation. Je présume que le Parlement en a décidé ainsi dans sa sagesse. Il croyait que c'était plus important que les détails concernant la prorogation.
Par surcroît, en raison de la complexité des lois modernes et de la difficulté à trouver le temps pour terminer le processus d'examen, il est de plus en plus courant que les divers organes législatifs adoptent des règles selon lesquelles certaines choses peuvent se produire malgré une prorogation. Il est noté dans le rapport que la Chambre des lords et la Chambre des communes du Royaume-Uni prévoient toutes deux le rétablissement ou le report de projets de loi d'une session de la même législature à l'autre. Le rétablissement des projets de loi est une procédure que divers organes législatifs ont adoptée pour différentes raisons. Puisqu'il est autonome, le Parlement peut, bien entendu, décider de faire certaines choses.
Le sénateur Cools : J'aimerais avoir une réponse des membres du personnel. Je ne suis pas contre un processus de rétablissement des projets de loi; je ne veux pas qu'il y ait de malentendu à ce sujet. Il a expliqué pourquoi c'est nécessaire, mais il n'a pas expliqué comment cela va à l'encontre de la définition d'une prorogation. C'est malheureux, car je ne vois pas comment nous pouvons débattre d'une question avec les membres du personnel. Puisqu'ils sont au service de chacun de nous, nous ne pouvons pas véritablement les faire participer à un débat, mais j'aimerais beaucoup que nous puissions le faire. Je ne crois pas qu'il soit approprié de dire cela, mais je tiens à affirmer que j'estime qu'il a tort.
Le sénateur Smith : Je vais dire un mot. Je ne prétends pas être un expert sur le sujet, mais je sais qu'il est clair que les privilèges du Parlement visent certains éléments comme l'organisation interne. Je crois que nous voulons établir un processus qui nous permette de fonctionner efficacement. C'est ce que la Chambre des communes a fait. La Chambre des communes — nos membres du personnel pourront vous expliquer les différences — n'a pas prévu les mêmes protections que nous, malgré le fait que nous sommes un organisme permanent qui n'est pas autant touché par un changement de législature.
Nous avons essayé d'aborder cette question d'organisation interne d'une manière un peu différente que la Chambre des communes. Nous avons convenu que ce processus ne nuirait pas aux sénateurs parce qu'ils auraient toujours l'occasion de s'exprimer au sujet du projet de loi en question. Ce sera toujours possible. Tant qu'une mesure législative n'a pas été promulguée, elle peut encore faire l'objet d'un débat, mais d'une façon efficace en évitant de tenir des discussions inutiles.
Le sénateur Cools : Je comprends ce que veulent les sénateurs. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu à cet égard. J'aimerais qu'on m'explique comment on peut faire abstraction tout simplement d'une certaine partie de la législation de prérogative. Je comprends les sénateurs qui présentent un projet de loi, car je sais la frustration qu'ils vivent; on n'a pas besoin de me l'expliquer. Je comprends tout cela.
Si on peut aller à l'encontre des règles s'appliquant à une prorogation, on peut aller à l'encontre de celles relatives à une dissolution. Ce n'est qu'une question d'opinion, d'après ce que quelqu'un a dit. Une prorogation est la période qui s'écoule entre deux sessions d'une législature. S'il est possible de faire fi d'un décret en particulier provenant de Sa Majesté, alors on peut le faire pour tous les décrets. Le fait de dire qu'une dissolution met fin à une législature tandis qu'une prorogation met fin uniquement à une session relève d'une opinion sélective favorable au rétablissement. Le fait est qu'il s'agit d'un ordre. Dans les deux cas, il s'agit d'un ordre émanant de Sa Majesté pour mettre fin aux délibérations. Je croyais que c'est sur cet aspect du droit que nous allions nous concentrer. De nos jours, il n'est pas rare que l'élaboration des lois soit guidée par la vanité et les caprices. J'accepte et je comprends cela, mais j'estime toutefois que ce n'est pas souhaitable.
Le sénateur Smith : Alors vous pouvez voter contre la motion.
Le sénateur Cools : Il serait intéressant de mener une étude sur cet aspect du droit. Je crois, monsieur le président, qu'on ne peut pas se contenter simplement de voter contre si nous ne sommes pas d'accord et de voter pour, si nous sommes en faveur. Ce serait bien que le comité obtienne l'avis d'experts sur les aspects du droit qui deviennent de plus en plus obscurs et complexes même aux yeux des membres du comité.
Le sénateur Smith : Nous avons effectué une étude de la sorte lorsque nous avons préparé ce rapport. C'est malheureux que vous n'étiez pas là, mais sachez que nous l'avons fait.
Le sénateur Cools : Je n'ai vu aucune preuve. J'ai lu les délibérations et je n'ai rien vu au sujet d'une étude du droit.
Le sénateur Joyal : D'une certaine façon, le quatrième paragraphe du rapport comporte la réponse à la question soulevée par le sénateur Cools. Si vous le lisez bien, vous constaterez que le principe dont parle le sénateur Cools est protégé, il me semble. Il se lit comme suit :
... La Chambre des lords et la Chambre des communes du Royaume-Uni prévoient toutes deux le rétablissement ou le report des projets de loi d'une session de la même législature à l'autre. Chez les lords, seuls les projets de loi n'ayant pas quitté la Chambre peuvent être rétablis par l'adoption de motions spéciales après consultations amicales. À la Chambre des communes, le rétablissement de projets de loi est possible depuis 2002. Il s'agit, entre autres, d'éviter le dédoublement des efforts. Le législateur peut ainsi, estime-t-on par ailleurs, étudier les projets de loi plus à loisir et donc plus à fond.
Autrement dit, le paragraphe protège et reconnaît le principe selon lequel une Chambre du Parlement est maîtresse de sa propre procédure et peut décider comment elle traitera un projet de loi.
D'après ce que je comprends, si un projet de loi est resté inchangé, ce qui doit être confirmé par le greffier après avoir consulté le conseiller juridique de la Chambre, la Chambre peut alors décider de la façon dont elle veut procéder avec ce projet de loi tant qu'elle ne tient pas pour accepté le vote tenu à la session précédente sur le sujet. C'est la raison pour laquelle un débat à l'étape de la troisième lecture est toujours prévu. C'est en gros ce que j'ai compris de la façon dont le Parlement britannique a protégé le principe.
Si ce que nous considérons être une modification à notre procédure dans ce rapport s'en rapproche beaucoup, je pense que tous les principes soulevés par le sénateur Cools sont satisfaits. La question que nous devons examiner, c'est essentiellement si ce que nous proposons protège le principe selon lequel la Chambre a toujours une autre chance de revoir sa décision précédente et lui fournit une autre occasion de réexaminer ses vues. Après tout, comme l'a dit le sénateur Cools à juste titre, le principe veut que tout projet de loi meure au Feuilleton après la prorogation d'un Parlement.
Je suis d'avis que c'est de cette façon que le Parlement britannique a pu régler cette question tout en protégeant le principe selon lequel la Chambre doit enregistrer le résultat du vote tenu à la troisième lecture, s'il y a accord : par le fait même, si on lui confirme que le projet de loi est exactement le même, la Chambre doit tout de même se prononcer à l'étape de la troisième lecture, ce qui donne l'occasion à quiconque de proposer un amendement et de voter contre le projet de loi si les sénateurs ou les lords jugent bon de le faire.
C'est ainsi que j'ai compris la procédure établie en Grande-Bretagne, d'après ce que nous avons examiné plus tôt, et je crois qu'elle protège le principe, comme l'a bien expliqué le sénateur Cools.
Le sénateur Smith : Je suis d'accord.
Le sénateur Cools : Je remercie le sénateur Joyal pour ces observations. En ce sens, cette procédure est supérieure à celle de la Chambre des communes. J'y suis favorable, mais il y a tout un ensemble de règles dont les gouvernements font fi sans cesse, et je crois que le compte rendu devrait montrer que cette question est soulevée. Vous savez qu'il existe des moyens d'obtenir l'accord également, mais personne n'essaie de l'obtenir. Vous connaissez mes préoccupations. Elles devraient figurer au compte rendu. Depuis des années, nous assistons au phénomène qui consiste à recommencer ou relancer l'étude de projets de loi ou d'autres travaux, ce qui a toujours été recommandé par ceux qui connaissaient le Parlement et savaient que les Chambres devraient mettre aux voix une série de motions adoptées sans opposition. Autrement dit, en négociant avec les différents leaders, elles vont de l'avant rapidement au moyen de motions adoptées sans opposition.
Le sénateur Robichaud : Cela se fait toujours.
Le sénateur Cools : Oui, mais on a un accord. Ce n'est pas comme à la Chambre des communes où l'on prend immédiatement des mesures à cet égard selon la nature d'une déclaration du Président. J'ai lu récemment une transcription d'un débat particulier à la Chambre des communes auquel le sénateur MacEachen participait, où la Chambre est allée de l'avant grâce à une série de motions adoptées sans opposition. Les motions pouvaient toujours faire l'objet d'un débat, mais la Chambre a procédé de cette manière.
Une partie de moi croit que ce type de pratique est encore la meilleure façon de procéder. Nous savons tous ici que les gouvernements s'opposent souvent à l'adoption de nombreux projets de loi d'initiative parlementaire en pratiquant une forte ingérence. Cela dit, je crois que nous devons maintenir de grandes parties du système. Je soutiens que la Chambre est maîtresse de ses travaux, mais non pas des règles de la prérogative. Les travaux de la Chambre avancent conformément aux règles du Parlement et non pas aux règles de la prérogative.
Je comprends la nécessité de cette pratique, mais ce serait bien d'étudier ces questions à fond.
Le sénateur Smith : À mon avis, elles l'ont été. Nous avons consacré un certain temps à la question.
Le sénateur Cools : Ce n'est pas ici, ni dans les délibérations du comité.
Le sénateur Smith : Ne croyez-vous pas que le paragraphe 4 règle la question?
Le sénateur Cools : Le paragraphe 4 est d'une grande aide. Il précise qu'il n'y a pas d'intention délibérée ni de tentative sérieuse visant à miner la position de Sa Majesté dans la Constitution, mais c'est un palliatif. Il faut comprendre que le rôle de la souveraine dans la Constitution n'est pas un vestige du passé. C'est un phénomène bien réel qui se produit constamment en droit. Tous les jours, nous entendons le gouvernement intimider et harceler les députés en les menaçant de dissolution. Aucun gouvernement, particulièrement lorsqu'il est minoritaire, n'est censé punir ou menacer ses membres en brandissant la dissolution pour atteindre le résultat qu'il souhaite.
Je soulève ces questions pour que nous comprenions que ce gouvernement est une monarchie constitutionnelle, en dépit de tout le discours sur l'abolition du Sénat, comme si l'on pouvait abolir le Sénat sans rien changer à la Chambre des communes. Les choses ne fonctionnent pas ainsi. Nous devrions étudier les principes et les règles pour nous assurer que nous respectons en tout temps les pouvoirs de Sa Majesté.
Le sénateur Andreychuk : Je crois qu'on a dit que cette question ne figurait pas au compte rendu. Elle a été soulevée lors de sessions précédentes du Sénat, où elle a fait l'objet d'une étude exhaustive et réfléchie et avait été débattue à plusieurs reprises à des sessions précédentes. Les questions qui ont été inscrites ont été pleinement débattues.
Nous sommes parvenus à un consensus sur ce que nous croyons être un processus approprié pour le Sénat, tenant compte de toutes les questions, y compris les prérogatives. Je ne vois aucunement la nécessité d'examiner d'autres questions, car je crois que ceux d'entre nous qui ont assisté à toutes les réunions ont débattu de toutes les questions. Je me souviens que le sénateur Corbin et le sénateur Joyal étaient ici. Nous avons consacré de nombreuses heures à cette question. Je propose de passer au vote.
[Français]
Le sénateur Robichaud : J'appuie le sénateur Andreychuk sur le fait que ces questions ont été examinées en profondeur, même si on ne les a peut-être pas traitées aussi profondément que madame le sénateur Cools l'aurait désiré. Je proposerais que le président présente ce rapport au Sénat afin qu'il y soit débattu.
[Traduction]
Le président : Nous sommes saisis d'une motion visant l'adoption du rapport. Êtes-vous prêts à vous prononcer? Tous ceux en faveur?
Des voix : D'accord.
Le président : Tous ceux contre? Êtes-vous contre ou vous abstenez-vous de voter?
Le sénateur Cools : Je m'abstiens.
Le président : La motion est adoptée.
Nous passons au deuxième point portant sur l'examen des préavis requis pour les questions de privilège, conformément au sous-alinéa 86(1)f)(i). M. Robertson est prêt à nous en parler et à en faire l'historique.
M. Robertson : Honorables sénateurs, ce point a découlé d'une décision rendue par le Président sur une question de privilège soulevée au Sénat à la dernière session. En rendant sa décision, le Président a invité ce comité à examiner un certain nombre de questions liées au Règlement du Sénat, dans lequel on retrouvait un manque de clarté ou peut-être une imprécision.
Le comité a donc consacré à la dernière session plusieurs réunions à l'étude du Règlement existant et des modifications proposées en consultation avec les conseillers en procédure parlementaire du Sénat. Le résultat est résumé à la deuxième page du Quatrième rapport de la dernière session et les modifications précises recommandées par le comité sont énumérées aux pages 2 et 3. Elles sont assez techniques, mais ont évidemment beaucoup de valeur et d'importance.
Premièrement, l'avis écrit que doit donner un sénateur qui veut soulever une question de privilège devrait contenir suffisamment de détails pour que les sénateurs aient une idée de la nature générale de la question qui sera soulevée.
Deuxièmement, une disposition dans le Règlement prévoit qu'une question de privilège peut être soulevée à la Chambre sans préavis. Ce point semble se rattacher au Règlement du Sénat d'avant 1991 et n'avait jamais été revu par suite des modifications adoptées à ce moment-là.
Le comité a estimé qu'il serait bon de déplacer cette disposition, de la rattacher plus directement aux autres dispositions portant sur les questions de privilège et d'indiquer clairement le lien entre ces différentes dispositions. Par conséquent, un nouvel article du Règlement est proposé.
Troisièmement, le Président a déclaré que, conformément au paragraphe 23(1) du Règlement, les rappels au Règlement ou les questions de privilège sont irrecevables à l'étape des affaires courantes ou durant la période des questions. Ce paragraphe visait à assurer le bon déroulement des affaires courantes, mais a donné lieu à des problèmes et des recommandations ont donc été faites pour que cette irrecevabilité s'applique également aux déclarations de sénateurs et qu'une modification appropriée au Règlement soit proposée.
Le président : Nous avons une modification proposée qui commence au bas de la page 3 et qui se poursuit aux pages 4, 5 et 6.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Ce que nous avons devant nous est une copie conforme de ce qui avait été soumis au Sénat avant la prorogation, et qui avait été débattu par ce comité, n'est-ce pas?
[Traduction]
Le président : C'est exact.
Le sénateur Andreychuk : Je remercie le sénateur Robichaud d'avoir fait cette observation, car c'était une partie de ma question que je croyais que nous avions déjà réglée.
Ce qui me préoccupait la dernière fois et qui me préoccupe toujours, c'est que même si je pense que nous avons réglé la question et que la disposition comporte une certaine logique qu'il vaut la peine de signaler, je m'inquiète toujours du fait que le sénateur moyen, comme moi-même, puisse en comprendre le sens.
Nous devons tenir des séances pour expliquer clairement aux sénateurs ce que cette modification changera pour eux, car les questions de privilège sont importantes. Je me suis rapidement heurtée à ce problème à mon arrivée. Les sénateurs ont entre autres des échéanciers et ils se demandent s'ils devraient soulever une question de privilège ou non et, même s'ils ont un diplôme en droit, je pense qu'il est difficile d'essayer de déterminer en 15 minutes la façon de procéder. Notre greffier ou quelqu'un d'autre doit expliquer aux sénateurs ce que ce point signifie vraiment de façon concrète, car il est théorique et comporte des scénarios hypothétiques. C'est complexe et plus déroutant que ce l'est déjà. Nous apportons la modification pour simplifier la disposition, mais je me demande si ce n'est pas plus déconcertant pour le sénateur moyen.
Je le signale; je ne suis pas contre. J'étais prête à l'essayer et je le suis toujours.
Le président : D'autres observations?
Le sénateur Cools : Oui, peut-on me fournir une explication? J'ai lu le compte rendu et cette modification a été présentée comme étant d'ordre technique et visant à réparer une omission d'une époque antérieure.
D'après ce que je comprends du paragraphe 59(10) du Règlement, il ne s'agit pas d'une omission d'une époque antérieure. Le paragraphe 59(10) du Règlement, aux fins du compte rendu, se trouve sous la rubrique « Questions n'exigeant aucun préavis ».
Le paragraphe commence par « Nul préavis n'est requis pour », qui introduit une longue énumération et, au no 10, il est inscrit « une question de privilège ».
J'étais bien ici quand c'était la procédure pour soulever toutes les questions de privilège. D'après ce que je comprends, la proposition consistant à insérer le paragraphe 59(10) à l'article 43 ne vise qu'à les rattacher ensemble. J'aimerais qu'on me donne une explication là-dessus. L'article 43 du Règlement a découlé d'une lutte difficile entre le gouvernement et l'opposition ici. Malheureusement, à cause de cette lutte, le gouvernement a adopté les articles 43 et 44 dans l'intention expresse de rendre nulle la vieille pratique des questions de privilège; autrement dit, d'en décourager le recours pour ainsi faire intervenir le Président lors des décisions concernant les privilèges.
La première fois qu'on en a fait l'essai au Sénat, de nombreux libéraux ont poussé des hauts cris. L'ensemble des nouvelles règles présentées peu de temps après — je vous regarde, sénateur Keon, parce que vous étiez là — n'auraient jamais été acceptables pour la majorité des sénateurs en l'absence du paragraphe 59(10). Je connais bien ces débats. Je sais de quoi je parle.
On a créé l'article 43 et l'article complémentaire 44, lesquels doivent toujours être considérés ensemble, parce que chaque fois que cette question de privilège est soulevée, le Président peut automatiquement intervenir pour « juger si la question de privilège se justifiait à première vue ». Si vous lisez les débats des dernières années où l'on a eu recours aux articles 43 et 44, vous verrez qu'il n'y a pas eu de débat sur la question de privilège concernant la motion que le sénateur envisage de présenter en vertu des articles 43 et 44 si le Président a déterminé qu'il y avait eu atteinte au privilège à première vue. Le débat porte sur cette constatation qu'un grand nombre de sénateurs considèrent comme étant vraie. C'est ainsi que cela fonctionne. Vous pouvez faire une recherche dans les Débats du Sénat depuis à peu près 1991 ou 1992 quand ces dispositions ont été adoptées, et vous constaterez qu'on s'abstenait systématiquement de débattre de toute motion découlant du recours aux articles 43 et 44.
Cette nouvelle proposition dont nous sommes saisis indique clairement que le paragraphe (10) de l'article 59 doit être abrogé et rédigé de nouveau pour être intégré aux articles 43 et 44. Avec ce changement, les questions de privilège relèveront de la compétence du Président. Le règlement voulait deux systèmes distincts, l'un relevant entièrement de l'ensemble des sénateurs; c'est ainsi que les questions de privilège devaient être soulevées, dans le cadre de ce que nous appelions autrefois le Comité des privilèges. Il y avait les deux systèmes, l'un en vertu du paragraphe 59(10), qui laissait au Sénat dans son ensemble le soin de déterminer s'il y avait atteinte au privilège, sans aucun rôle conféré au Président, que nous pouvions décider au pied levé, et l'autre faisant intervenir les articles 43 et 44 et relevant du Président.
La modification proposée fait maintenant intervenir le Président dans le processus qui est visé au paragraphe 59(10). Je voudrais des explications. J'espère que je me trompe. J'aimerais que le président me fournisse des explications. D'après ce que je comprends de cette nouvelle proposition, le Président jouera un rôle décisif dans ce qui était l'ancien système.
Le sénateur Fraser : Je ne voudrais pas vous empêcher de répondre au sénateur Cools, monsieur le président, mais puisque c'est moi qui ai incité le Président à saisir le comité de cette question, je pourrais peut-être donner un peu de contexte aux sénateurs qui ont manqué ces événements palpitants.
Le problème s'est posé quand le sénateur Stratton a soulevé une question de privilège concernant ce qui est devenu la forme habituelle des avis écrits. De notre côté, nous avons émis une objection selon laquelle son avis n'était pas suffisamment détaillé et le Président a pris la question en délibéré. Plus tard au cours de cette session, le sénateur Stratton a invoqué les dispositions du paragraphe 59(10), et je suis intervenue : « Il semble y avoir une contradiction dans la manière dont les dispositions du Règlement sont maintenant rédigées. Une disposition du Règlement stipule clairement que vous devez donner un préavis avant de soulever une question de privilège et une autre énonce clairement le contraire. Nous devons clarifier ce point ».
Le Président, dans sa sagesse, a convenu qu'il fallait éclaircir ce point, et devinez à qui il en a confié la tâche?
Le sénateur Cools fait valoir des points intéressants et valables, comme elle le fait souvent, se disant préoccupée de préserver l'indépendance du Sénat, des sénateurs qui agissent individuellement et collectivement.
Je pensais au départ que la meilleure façon de procéder serait de supprimer le paragraphe 59(10). Toutefois, je crois maintenant que ce qui est proposé ici est un moyen beaucoup plus rationnel de préserver l'indépendance du Sénat et des sénateurs, dont le sénateur Cools se préoccupe si admirablement et inlassablement.
Si j'ai bien compris la modification proposée, le Président ne pourrait pas empêcher un sénateur de soulever une question de privilège à n'importe quel moment pendant le débat.
Il sera intéressant de voir si quelqu'un me dit que j'ai tort, mais d'après ce que j'ai compris, n'importe qui pourra encore soulever une « question de privilège » et lancer un débat complet sur le sujet, en faisant appel aux précédents et aux contributions de sénateurs vraisemblablement nombreux.
Toutefois, la contradiction flagrante dans le libellé du Règlement serait corrigée par une règle unique qui exigerait que les sénateurs donnent un préavis, mais ils pourraient soulever une question de privilège pour quelque chose qui se produit au cours d'une séance du Sénat. Ce serait énoncé clairement à l'intérieur de la même règle pour que nous n'ayons plus cette contradiction qui dit que les sénateurs doivent donner un préavis, d'une part, et qu'ils n'ont pas à le faire, d'autre part, ce qui n'est pas du tout clair. Voilà pourquoi je pense que la proposition dont nous sommes saisis est utile et pourquoi je ne crois plus que la bonne façon de procéder consiste à abroger tout simplement le paragraphe 59(10), ce qui était ma position initiale.
Le sénateur Cools : Est-ce que je dois comprendre que vous proposez un amendement au rapport?
Le sénateur Fraser : Non, j'explique pourquoi j'ai changé ma position par rapport à celle que j'avais exposée au comité à la session précédente.
Le président : Sénateur Fraser, que devons-nous faire du point 3 au haut de la page 6 du Quatrième rapport? Doit- on le supprimer?
Le sénateur Fraser : Comme il est proposé actuellement, je supprimerais le paragraphe 59(10) puisqu'il sera réinséré sous une forme plus claire à l'article précédent, c'est-à-dire l'article 43, et qu'il sera amélioré, mais le concept continuera d'exister.
Le président : Je vous suis.
Le sénateur Cools : Je suis sensible à ce qu'a dit le sénateur Fraser. Les articles 43 et 44 traitent du rôle accru du Président pour juger du bien-fondé des questions de privilège à première vue. Elles portent sur le rôle du Président du Sénat pour déterminer si les questions de privilège sont fondées.
Si le nouveau paragraphe 59(10) proposé aurait dû devenir l'article 45, cela aurait été plus logique, mais il est intégré aux pouvoirs conférés au Président, et toute disposition rattachée à l'article 43 sera prise en considération dans le cadre de l'article 43 dans son ensemble. Par exemple, conformément au paragraphe 43(12) :
Le Président juge si jusqu'à preuve du contraire, une question de privilège paraît fondée.
À l'époque, les articles 43 et 44 visaient à renouveler et renforcer le rôle du Président. Ces articles avaient pour seul objet d'étendre le rôle du Président. Par conséquent, tout ajout aux articles 43 et 44 accroît automatiquement cette latitude. Dans cet ensemble de règles, les articles 43 et 44 concernent principalement le Président, ses pouvoirs et sa relation avec les sénateurs qui soulèvent des questions de privilège. Si votre intention était de créer un ensemble clair et net, alors ce n'est pas le cas.
Cela en choquera peut-être certains, mais peu de sénateurs connaissent l'existence du paragraphe 59(10). Vous vous souviendrez que je suis venue au secours du sénateur Fraser à la Chambre ce jour-là. Je vous jure que j'ai toujours su que cette disposition existait. J'ai été tentée d'y recourir moi-même. Je me suis retenue parce que j'ai toujours cru que dès qu'on se rendrait compte de la réelle importance de cette règle, les gouvernements prendraient des mesures pour la supprimer ou l'abroger.
Alors que les articles 43 et 44 peuvent être perçus comme étant des dispositions qui aident le gouvernement, le paragraphe 59(10), pour sa part, favorise l'opposition. Si c'était votre intention, ce n'est pas ce qui s'est passé. Le simple fait que le paragraphe ait été intégré aux articles 43 et 44 restreint immédiatement la liberté du Sénat et de l'ensemble des sénateurs de soulever de nouveau des questions de privilège.
Le sénateur Fraser : Sénateur Cools, je présume que votre préoccupation est liée au fait que l'article 43 stipule que lorsque le Président en a assez entendu, il peut dire « J'en ai assez entendu ».
Le sénateur Cools : C'est l'une de mes préoccupations, même si je ne l'ai pas évoquée.
Le sénateur Fraser : Les sénateurs peuvent interjeter appel de cette décision, bien sûr, comme de toute autre décision du Président. La première phrase de l'article 43 ne concerne pas le Président. Il est dit qu'il incombe à chaque sénateur de préserver les privilèges du Sénat et j'ai lu tout l'article à la lumière de cet énoncé ferme et catégorique.
Le sénateur Cools : Vous pouvez le lire de mille et une façons mais, au bout du compte, les gouvernements agissent d'une certaine manière et les partis de l'opposition, d'une autre. Le fait est que nous déplaçons, ou supprimons, le paragraphe 59(10). La question à se poser est la suivante : Pourquoi même le supprimer? Pourquoi même l'abroger? Si nous voulons le rattacher à une autre disposition et le clarifier, nous n'avons pas à l'abroger ou à le supprimer; nous y trouvons un meilleur endroit. Nous l'intégrons maintenant aux articles 43 et 44.
Les articles 43 et 44 ont été créés pour donner au Président voix au chapitre dans les questions de privilège, ce qu'il n'avait pas eu jusque-là. Ces articles étaient complètement nouveaux au Sénat parce que le Président n'avait pas un tel rôle. Si vous lisez le vieux débat, vous le verrez clairement. Les articles ont suscité beaucoup d'opposition lorsqu'ils ont été présentés. Cependant, à l'époque, soyons francs, l'opposition avait été renversée par le recours aux huit sénateurs divisionnaires, comme nous avions l'habitude de les appeler, et la réalité était différente.
Quiconque examine n'importe quelle question de droit sait que l'endroit où elle se trouve en dit long. Par exemple, des articles du Code criminel traitent des infractions portant atteinte à l'administration de la justice. Ces infractions ne se trouvent pas ailleurs dans le Code en raison de la nature de la structure du droit. Nous devons comprendre que le droit au Sénat s'inspire de la common law. Il faut penser en ne perdant pas de vue la common law. Je ne conclus pas que nous avons une règle plus claire simplement parce que nous avons abrogé le paragraphe 59(10) et avons créé une disposition, que nous avons rattachée à l'article 43. Nous avons ici une situation totalement nouvelle que nous n'avons pas encore anticipée ni même envisagée. Entendons-nous bien. Cette préoccupation n'a rien à voir avec la gentillesse ou la grandeur d'âme des titulaires actuels de ces postes. Cette préoccupation n'a absolument rien de personnel, mais je suis de ceux qui croient que le pouvoir des sénateurs a sans cesse été érodé; tous les jours, l'indépendance des sénateurs s'effrite un peu plus, et je ne souhaite pas que la situation empire. C'est tout. Si je peux vous citer, c'est ce qui me préoccupe en ce qui concerne le paragraphe 43(1). C'est ce que j'avais à dire sur le maintien de notre indépendance. En termes clairs, nous devrions prendre une journée ou deux pour examiner ce point plus attentivement, car ma question est la suivante : Quel est le rôle actuel du Président relativement aux questions de privilège? Je veux une réponse avant de voter en faveur de cette question. Si vous lisez les délibérations, on ne répond pas du tout à la question. Les délibérations vont toujours dans cette veine : Cette disposition était une omission, un vestige d'une époque antérieure. La solution est très simple; il s'agit juste de réparer l'omission. Quiconque a siégé au Sénat est au courant du nombre de projets de loi qui sont présentés simplement pour corriger des vétilles, mais qui apportent des changements profonds.
Je ne demande pas grand-chose, honorables sénateurs. Examinons ce problème attentivement. Il faut répondre à la question fondamentale suivante : pourquoi avons-nous choisi d'intégrer cette disposition aux articles 43 et 44 du Règlement, alors que ces articles visaient à donner au Président un rôle dans la détermination des questions de privilège. Ce rôle dépasse l'intention première. Nous sommes maintenant aux prises au Sénat avec une situation qui se produit tous les jours, à savoir que des présidents mettent fin à un débat après qu'un ou deux sénateurs ont parlé. Cela n'a jamais été le but de ces règles. Je vois les greffiers se ranger du côté du président. Un vrai débat sur une question de privilège est censé inclure tous les sénateurs. Ces questions sont si énigmatiques et si difficiles que nous devons en débattre.
Nous pouvons peut-être l'exprimer autrement. Les rédacteurs peuvent peut-être nous expliquer pourquoi ils ont choisi de rédiger cette règle de cette manière? Pourquoi ont-ils choisi de supprimer le paragraphe 59(10) et d'intégrer ces nouvelles règles aux articles 43 et 44? Ces dispositions sont assujetties aux articles 43 et 44.
Le président : Sénateur Cools, je crois que c'est le comité qui a fait ce choix.
Le sénateur Cools : Alors, quelqu'un peut-il m'expliquer à quoi pensait le comité lorsqu'il a choisi d'intégrer le paragraphe 59(10) aux articles 43 et 44 et de faire en sorte qu'il relève du Président?
Le président : À mon avis, le comité ne pensait pas menacer, d'une manière quelconque, la question de privilège en ce qui a trait à un sénateur particulier. Le comité essayait de simplifier les règles pour que les docteurs puissent les comprendre.
Le sénateur Cools : C'est parfois troublant d'entendre ces grands aveux selon lesquels les sénateurs ne savent pas ce qu'ils font. J'ai beaucoup de difficulté avec cela. J'ai une opinion différente des sénateurs.
Peut-être le sénateur Keon peut-il m'expliquer pourquoi le paragraphe 59(10) a été déplacé et intégré aux articles 43 et 44?
Le président : La réponse est simple. On estimait que cette modification était la façon la plus raisonnable de mettre de l'ordre dans les articles 43 et 44 et d'éliminer la contradiction qui existait dans le Règlement. Il n'y avait rien de compliqué à mes yeux. À ce que je sache, le Sénat peut, en tout temps, infirmer une décision du Président. Je ne vois pas pourquoi nous sommes si inquiets du fait qu'un sénateur bénéficie d'un compromis par rapport à une question de privilège.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je ne suis pas d'accord avec ce qu'a dit le sénateur Cools, sur le fait que la présidence clôt le débat après qu'une seule personne ait parlé.
J'aimerais que l'on me prouve que cela s'est fait. Je ne crois pas que les gens sont libres de s'exprimer. C'est un peu injuste envers les personnes qui occupent la présidence de dire qu'on limite le débat. Il ne faudrait pas rester sous l'impression que c'est le cas. Je ne le crois pas.
[Traduction]
Le sénateur Cools : Pour changer de sujet, je peux vous signaler les récents débats au Sénat où j'ai supplié le Président de permettre à d'autres sénateurs de continuer, que ce soit pour un rappel au Règlement ou une question de privilège. Cela est clairement attesté dans les comptes rendus. La question dont nous sommes saisis est différente. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cette préoccupation n'a rien à voir avec les occupants actuels. Elle n'est pas du tout liée à des raisons personnelles. Lorsqu'on commence à codifier une poignée de règles, on finit par se retrouver avec une vingtaine d'autres, et cela se poursuit ainsi.
Lorsque je suis arrivée au Sénat, le Règlement n'était pas plus gros que cela; on partait de l'idée que les sénateurs comprenaient largement les principes. Il y avait peu de règles, mais beaucoup de principes — il fallait les comprendre. Si vous croyez qu'un sénateur dans cette salle connaît ces règles, vous rêvez en couleur. À mon avis, lord Campion a travaillé sur ce phénomène particulier qui fait que de nos jours, les parlementaires, particulièrement les députés à la Chambre des communes, sont de plus en plus écrasés par les règles à un point tel que cela entrave les débats. Mais il s'agit ici d'une question différente.
Le vrai problème ici concerne l'attribution du pouvoir. En effet, le paragraphe 59(10) visait clairement à s'assurer que le pouvoir relatif aux questions de privilège relève, sans aucun doute, de l'ensemble de la Chambre et de l'ensemble des sénateurs. Les articles 43 et 44, avec leurs différentes composantes, visaient à limiter ce pouvoir et à donner au Président une grande latitude dans les questions de privilège.
Docteur Keon, vous avez assisté à certains de ces débats. C'était triste. Ça a été la perte du sénateur Charbonneau. C'était un homme bon, un homme extraordinaire qui avait fait la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, cela l'a détruit et a presque détruit toutes les relations au Sénat pendant un certain temps.
On a beaucoup réfléchi à cette question à l'époque. Ces questions ont été examinées à fond. Les articles 43 et 44, à vrai dire, ont été imposés aux sénateurs à l'époque. Il y avait beaucoup de discussions à l'intérieur et à l'extérieur du caucus, mais à l'époque, nous savions tous que le paragraphe 59(10) restait intact.
Au lieu d'éclaircir le paragraphe 59(10), cette modification donne naissance une toute nouvelle créature.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec les propos du sénateur Cools. Nous avons simplifié les choses. D'ailleurs, très peu de sénateurs ont dit être au courant du paragraphe 59(10) étant donné qu'il est un peu en retrait. Nous avons ramené cette clause sur la table afin de nous assurer qu'elle soit prise en considération lorsqu'on traite de questions de privilège. Madame le sénateur y voit peut-être un problème. Pour ma part, je n'en ai aucun.
Nous avons devant nous un rapport qui a été bien étudié. Je crois que le président devrait le déposer en Chambre. Les honorables sénateurs tiendront un débat. Suite à ce débat, si, dans leur sagesse, les honorables sénateurs soulèvent de graves problèmes relativement au non-respect de privilèges, et ce, malgré le changement au règlement, nous pourrons revenir et modifier à nouveau le règlement. Après tout, nous sommes maîtres du foyer.
Il faut avoir confiance en la sagesse collective des sénateurs. Ils sont aptes à défendre leurs droits. Si la situation se présente, madame le sénateur Cools sera la première à nous le signaler et nous pourrons alors en tenir compte.
Par conséquent, je propose que le rapport soit adopté et que le président soit autorisé à le présenter au Sénat.
[Traduction]
Le président : Est-ce une motion, sénateur Robichaud?
Le sénateur Cools : Il n'y a pas de motion.
Le sénateur Corbin : Y a-t-il un ordre d'intervention, monsieur le président?
Le président : Oui, le sénateur Corbin est le suivant.
Le sénateur Corbin : Monsieur le président, je vous invite à mettre la motion aux voix pour déterminer si le comité est prêt à adopter ce rapport.
Le président : Sénateur Robichaud, était-ce une motion?
Le sénateur Robichaud : Oui.
Le président : Nous avons une motion. Y a-t-il un débat sur la motion?
Le sénateur Cools : Chers collègues, j'aimerais...
Le président : Voulez-vous poursuivre le débat sur la motion ou êtes-vous prêts à vous prononcer?
Le sénateur Cools : Je ne suis pas prête à voter, mais vous pouvez faire ce que vous voulez. Monsieur le président, cette question est si importante et les questions que j'ai soulevées sont si importantes qu'il ne convient pas de passer au vote sans avoir convenablement examiné les questions que j'ai soulevées et sans avoir trouvé des réponses satisfaisantes. Dans ce système, on n'est pas censé faire fi des questions soulevées et les écarter pour passer au vote. Ces questions doivent obtenir réponse.
J'aimerais que l'on tienne une ou deux réunions et que l'on invite les témoins nécessaires pour répondre à ces questions. Je serais heureuse d'avoir tort. Je n'ai pas peur d'avoir tort. J'apporterai mes références pour examiner la question. Par souci d'intégrité intellectuelle et dans l'intérêt du débat, nous devons faire ce travail. Je serais heureuse que l'on me prouve que j'ai tort, mais je crois que l'on devrait d'abord le prouver.
Le sénateur Corbin : Une motion doit être proposée immédiatement, monsieur le président.
Le président : Oui. Sénateur Cools, il n'y a aucun doute que vous avez fait valoir votre argument, et vos arguments sont clairs. Mais j'ai l'impression qu'aucun des autres sénateurs n'est d'accord avec vous, et nous sommes saisis d'une motion. Je crois que je dois la mettre aux voix.
Le sénateur Cools : Je vous prie de ne pas le faire, monsieur le président.
Le sénateur Corbin : Passons au vote.
Le sénateur Cools : Monsieur le président, ce serait bien si les préoccupations que j'ai soulevées étaient examinées à fond; si j'ai tort, j'aimerais que cela soit prouvé et établi. C'est la façon décente de procéder. Je dirais même que c'est la façon parlementaire de procéder.
Si j'ai tort, je reconnaîtrai mon erreur avec joie. Cette question n'a rien à voir avec mon ego ou ma vanité. En fait, j'aimerais bien que l'on me prouve que j'ai tort.
Le sénateur Corbin : Le vote.
Le président : J'ai de la difficulté à poser la question.
Le sénateur Corbin : Une motion a été proposée. Je ne crois pas que vous ayez le choix.
Le président : Je n'ai pas le choix; je dois poser la question. J'ai du mal à limiter le débat.
Le sénateur Corbin : Monsieur le président, il ne s'agit pas de la fin du débat. Il se poursuit à la Chambre, où les sénateurs peuvent discuter de n'importe quel sujet qu'ils ont en tête.
Le président : Bon point, sénateur Corbin.
[Français]
Le sénateur Robichaud : La question n'est pas close. Le rapport fera l'objet d'un débat exhaustif à la Chambre du Sénat, qui est en fait l'autorité sur cette matière.
[Traduction]
Le président : Êtes-vous d'accord avec la motion?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Cools : J'invoque le Règlement. Il s'agit d'un débat.
Le sénateur Fraser : Nous sommes en plein milieu d'un vote.
Le sénateur Cools : Non.
Le sénateur Fraser : Le président a procédé à la mise aux voix.
Le sénateur Cools : Oui, mais le président a dit ne pas se sentir à l'aise de procéder ainsi.
Le sénateur Corbin : Non, le président a demandé si nous étions en faveur de la motion. Je suis en faveur. Nous pouvons procéder à un vote par appel nominal, si vous le voulez.
Le président : Ceux qui sont pour veulent-ils bien lever la main?
Ceux qui s'y opposent? Un. La motion est adoptée.
Le sénateur Cordy : Abstention.
Le sénateur Joyal : Abstention.
Le sénateur Furey : Abstention.
Le sénateur Cools : J'aurais pu proposer un amendement à la motion. Ce vote n'est pas correct, monsieur le président.
Le président : Nous passons maintenant au point 3 : conformément au sous-alinéa 86(1)f)(i), examen de l'utilisation des langues autochtones dans la salle du Sénat.
Sénateur Smith, pourriez-vous faire quelques observations là-dessus, s'il vous plaît?
Le sénateur Smith : Honorables sénateurs, un rapport détaillé a été rédigé par le personnel qui indique que ce sujet a été évoqué à la suite d'une motion du sénateur Corbin, qui a alors été renvoyée à notre comité. Il y a eu quelques autres rebondissements dans cette affaire, et nous avons essayé d'atteindre un consensus sur quelques principes fondamentaux. Je suis en train de faire la mise en contexte à l'intention des nouveaux membres du comité.
Le président : Silence, s'il vous plaît. Le sénateur Smith est en train de donner un compte rendu.
Le sénateur Corbin : J'invoque le Règlement. Le sénateur Smith a indiqué vouloir informer les membres du comité qui connaissent mal cette question. Comme je l'avais demandé la semaine dernière, on a fait parvenir à ces derniers un document qui expose les diverses discussions et les étapes franchies dans le cadre de notre débat.
Si les nouveaux membres du comité ont lu le document, nous pourrions passer directement à la question de savoir si nous allons faire quelque chose à ce sujet. Le comité est saisi de ce dossier depuis 2005. En tant que parrain de la motion, j'aimerais que le comité en arrive à une solution à un moment donné. Nous pouvons discuter et poser des questions à l'infini, mais à un moment donné, le débat doit prendre fin.
Le sénateur Smith, mon estimé collègue, a dit qu'il semblait y avoir un consensus sur un certain nombre de questions. Si je me souviens bien, il y a eu consensus dès que j'ai présenté cette question au Sénat. Par la suite, les membres des comités précédents qui avaient examiné cette question ont exprimé de nouveau un consensus. Qu'attendons-nous pour prendre une mesure définitive sur la question? Nous ne pouvons pas continuer à seulement en parler. Nous devons en arriver à une résolution et fournir à la Chambre notre avis sur toute la question.
Il y a des questions qui ont été soulevées et qui ne relèvent pas de notre comité, mais du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. S'il y a toujours consensus, chose dont je ne doute pas, nous devrions l'indiquer dans notre rapport, mettre en évidence les questions qui nécessitent l'attention immédiate du comité de la régie interne et fixer une date limite pour en finir avec cette question. Il traîne depuis trop longtemps, à mon avis.
Vous êtes soit pour, soit contre cette motion. Je ne veux pas être celui qui regardera droit dans les yeux de mon collègue à ma droite pour lui dire, par exemple : « Je suis désolé, mais nous avons un problème avec vos droits autochtones. » Je crois qu'il est temps de prendre une décision.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je crois qu'en effet, nous devons prendre une décision, mais ce n'est pas simple. Je crois que nous devons tenter de trouver les moyens pratiques d'exécuter cette option qui se présente à nous afin de permettre aux personnes d'utiliser l'inuktitut au Sénat.
Nous avions prévu un voyage dans les Territoires du Nord-Ouest pour voir comment cela se faisait et on nous dit que maintenant, un des problèmes auxquels nous faisons face c'est qu'il est plus facile de trouver quelqu'un pour interpréter de l'inuktitut vers l'anglais que de trouver quelqu'un pour faire l'interprétation de l'inuktitut vers le français.
Nous qui exigeons que le tout soit fait simultanément, nous devrons peut-être faire un compromis et accepter qu'au début de l'exercice, on passe de l'inuktitut à l'anglais au français.
Je serais d'accord pour commencer l'expérience afin d'en arriver à une décision et peut-être que par la suite, il sera plus facile de trouver des interprètes qui pourront le faire directement.
Le sénateur Corbin : Monsieur le président, je voudrais réitérer un propos que j'ai tenu il y a un instant. Les modalités d'application de l'usage éventuel de la langue autochtone sur le parquet du Sénat et les dispositions matérielles ou personnelles —qu'il s'agisse des interprètes, des cabines, ou que cette interprétation se fasse à proximité ou à distance — ne sont pas notre problème.
Une fois la décision prise par ce comité de reconnaître l'usage de la langue inuktitut et d'autres langues autochtones sur le parquet du Sénat, ce sera au Comité de la régie interne de prendre les mesures qui s'imposent pour mettre en exécution ce désir, si le Sénat, éventuellement, l'approuve. Alors les visites dans le Nord, le coût de l'exercice, et cetera, c'est le problème du Comité de la régie interne. Nous sommes ici pour discuter de questions de principe et de fond. Nous n'avons pas à nous préoccuper de l'application quotidienne de cette question. C'est tout ce que j'ai dit. Je pense que le sénateur Watt voudrait intervenir sur une remarque faite par le sénateur Robichaud.
[Traduction]
Le sénateur Watt : Je crois que le sénateur Corbin l'a bien expliqué. Il s'agit d'une question de principe. Peu importe si nous reconnaissons ce fait, c'est la démarche à suivre et cela se concrétisera. Tous les obstacles administratifs que l'on a soulevés de temps à autre au sein du comité peuvent être réglés facilement.
Pour répondre au sénateur Robichaud en ce qui concerne la non-disponibilité d'un Inuit francophone pouvant traduire en français, en anglais ou en inuktitut, nous disposons de personnes ayant ces qualifications. La question consiste à déterminer si le Sénat approuvera cette motion ou non. Au fond, c'est tout ce que je veux savoir. Pour le reste, on peut s'arranger.
Le sénateur Furey : A-t-on donné suite à la proposition figurant dans la note d'information, c'est-à-dire que le comité permanent des pêches et des océans soit choisi pour faire l'expérience d'un service d'interprétation? Où en sommes-nous avec cette proposition?
Le président : Rien n'a été fait jusqu'à présent. D'après ce que je crois comprendre, la première priorité consiste à organiser un voyage à Iqaluit pour voir comment ils s'y prennent là-bas et à poursuivre à partir de là.
Le sénateur Smith : C'est en toute bonne foi que plusieurs sénateurs à notre comité ont traité cette question; ils voulaient mettre en place une version du concept pour que la motion initiale soit adoptée lorsqu'on l'a renvoyée au comité.
Toutefois, que signifie ce concept? Signifie-t-il qu'en tout temps au Sénat, nous aurons des interprètes disponibles à Iqaluit pour traduire dans les deux langues? Nous parlons ici de plusieurs personnes, ce qui pourrait représenter beaucoup d'argent. Je ne conteste pas le fait que nous devrons dépenser une somme assez importante pour mettre à exécution ce projet convenablement, mais je crois que nous acceptons tous le principe. Je crois que nous voulons l'appliquer d'une manière rentable.
Ce que je veux dire, c'est que certaines personnes évoquent l'expérience de Yellowknife où il y avait, je crois, jusqu'à huit langues pour lesquelles on offrait un service d'interprétation simultanée en tout temps, ce qui entraînait des coûts énormes; pourtant, d'après ce que j'ai compris, la façon de procéder à Iqaluit est beaucoup plus rentable.
Il y a six mois, nous avions convenu de nous rendre dans la région, accompagnés du personnel approprié, pour aller examiner le système utilisé sur place et tenter d'établir un budget que nous recommanderions et que les responsables adopteraient. Je crois que nous avons agi de bonne foi.
Selon moi, nous étions également parvenus à un consensus sur un autre principe important. Nous avons deux sénateurs dont la langue maternelle est l'inuktitut. Toutefois, plusieurs autres sénateurs maîtrisent plus ou moins d'autres langues autochtones du pays et lorsque nous les avons consultés dès le début de cette affaire, ils ont jugé qu'ils devaient avoir le même droit parce qu'un principe était en cause. Ils n'ont pas demandé un préavis de quatre heures. Ils se seraient contentés d'un préavis de deux ou trois semaines pour pouvoir disposer de la traduction des textes, advenant la visite de délégations spéciales, par exemple. Nous étions tous d'accord pour essayer de mettre en place un mécanisme qui tiendrait compte du droit des personnes de procéder ainsi.
Malheureusement, les progrès que nous avions réalisés relativement à cette question ont été interrompus à cause de la prorogation. Toutefois, je suis un peu offensé lorsqu'on insinue que certains d'entre nous n'ont pas traité cette question de bonne foi.
Le sénateur Corbin : Il n'y a aucune insinuation quant aux motifs. Je ne faisais que déclarer que nous sommes saisis de cette question depuis un certain temps. Voulons-nous prendre une décision, oui ou non, et combien de temps cela prendra-t-il?
Je respecte mes collègues profondément.
Le sénateur Smith : Moi aussi.
Le sénateur Corbin : Toutefois, vous êtes en train de déformer mes paroles, donc soyez prudent.
Le sénateur Smith : J'écoutais ce que vous disiez.
Le sénateur Corbin : Je ne suis pas avocat, mais faites attention.
Le sénateur Cools : J'appuie totalement l'idée que les membres autochtones puissent s'exprimer dans leur propre langue.
Je le dis clairement, et je crois que le sénateur Smith l'a bien formulé. Le concept et l'idée sont acceptés par la plupart des sénateurs. Je n'ai entendu personne s'y opposer.
Sur cette question, monsieur le président et chers collègues, je m'en remets à vous. Ailleurs, on vous demandera de mener une étude de faisabilité ou quelque chose de ce genre, mais quelqu'un doit s'occuper des détails. Peut-être qu'on l'a déjà fait, je l'ignore. Si c'est le cas, qu'attendons-nous?
Le président : Essayons d'avancer.
Le sénateur Cools : Je suis entièrement en faveur et je félicite le président et le vice-président pour le travail entrepris à cet égard.
Le sénateur Andreychuk : Nous avons discuté de cette question d'une manière générale — si nous offrons un service d'interprétation à un sénateur, non seulement pour l'inuktitut mais également pour les langues des futurs sénateurs, quelles seront les conséquences de cette motion?
De plus, si nous voulons que ces sénateurs soient en mesure de fonctionner, l'interprétation sera-t-elle offerte seulement à la Chambre ou aux comités? On dit sans cesse que c'est là que les sénateurs font le meilleur travail.
Je félicite le président et le vice-président d'avoir limité tout cela à un seul voyage et d'avoir soulevé certaines questions. Peut-être que nous n'avons pas besoin de répondre à certaines questions figurant sur la liste; peut-être qu'il y en a d'autres. Toutefois, ils ont rétréci la portée de notre étude. J'espère que le comité de direction fixera rapidement des échéances pour cette étude et que nous pourrons en arriver à une conclusion grâce à un débat raisonné et éclairé.
Je conviens que la question est au menu depuis un moment déjà; mais si le président et le vice-président donnent l'assurance que nous disposons maintenant d'un plan d'action, à savoir un voyage dans le Nord pour examiner le modèle utilisé là-bas et répondre à ces questions, je crois que nous pouvons limiter notre étude et parvenir à un consensus sur le principe que nous voulons mettre en pratique. Nous sommes saisis de cette motion parce que les sénateurs, en général, ont dit que nous devions faire quelque chose à ce sujet et ils ont confié à notre comité la tâche de déterminer la façon d'y donner suite.
Le sénateur Watt : Ce n'est pas comme si cela ne s'était jamais fait. On l'a fait au comité des pêches. En effet, on a déjà offert un service d'interprétation en inuktitut au comité des pêches et ce, à quelques reprises depuis que je suis ici.
Le sénateur Corbin : A-t-on rencontré des problèmes?
Le sénateur Watt : Non, je ne vois aucun problème.
Le comité des pêches planifie, lui aussi, un voyage dans le Nord. Nous aimerions que cette question soit ratifiée à un moment donné parce que nous devrons faire appel à des traducteurs inuits pour nous entretenir avec des gens unilingues. Je ne suis pas traducteur.
Le sénateur Robichaud : Je crois que le comité des pêches est son propre maître. Nous avons tous convenu de retenir les services d'interprètes lorsque nous irons là-bas pour que le comité puisse comprendre les personnes qui souhaitent s'exprimer en inuktitut. Il n'y a absolument aucun problème.
Le sénateur Watt : Pardon, il ne s'agit pas seulement de personnes qui veulent s'exprimer en inuktitut; ils n'ont pas le choix.
Le président : Honorables sénateurs, je vous suggère de nous autoriser à planifier un voyage à Iqaluit. Ce voyage ne signifie pas que nous n'irons pas à Yellowknife plus tard, si c'est nécessaire, ni que nous n'offrirons que des services de traduction en inuktitut. Je sais que les gens qui parlent le cri aimeraient avoir le même accommodement.
Vous avez deux options — un voyage à Yellowknife et Iqaluit ou un voyage à Iqaluit. Si je puis me permettre, je suggère d'aller à Iqaluit pour entreprendre la planification du service en inuktitut, sans toutefois fermer la porte aux autres langues.
M. Armitage : Je regrette de devoir vous dire cela, mais l'Assemblée législative du Nunavut ne siégera pas jusqu'au 19 février. Est-ce que le comité veut s'y rendre lorsque l'Assemblée législative reprendra ses travaux?
Le sénateur Watt : Oui.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je ne crois pas que ce délai soit acceptable. Si on attend le 19 février, advenant le cas d'une élection, comme il est fortement question ces jours-ci, la question ne serait toujours pas résolue pour la prochaine session. Je crois qu'on devrait quand même aller visiter les gens de l'assemblée là-bas afin qu'ils nous expliquent le fonctionnement, même si on ne le voit pas en action.
[Traduction]
C'est trop tard. Nous devrions trouver une façon d'y aller avant le 19 février.
Le sénateur Corbin : Je ne comprends pas. Je ne vois pas où est le problème. La plupart d'entre vous ont visité d'autres compétences, que ce soit les Nations Unies ou ses commissions, le Parlement européen ou d'autres instances en Afrique et bien d'autres endroits, où l'interprétation des langues nationales ou autochtones est une réalité.
De quoi débattons-nous? Sommes-nous pour ou contre? C'est tout ce que je veux savoir.
Le président : Je crois, sénateur Corbin, que le comité est en faveur. Nous parlons maintenant des détails techniques, à savoir si nous devons aller à Iqaluit lorsque le Parlement ne siège pas pour essayer d'accélérer notre étude de la question.
Le sénateur Corbin : Je propose de ne pas attendre, parce que nous avons déjà assez attendu, monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois. C'était votre intention d'amener certains membres du comité à Iqaluit l'automne dernier, mais des situations indépendantes de notre volonté sont survenues et il se peut que cela se reproduise.
Je vous suggère de prendre des dispositions sans tarder pour organiser le voyage des membres du comité qui souhaitent y aller, accompagnés d'un ou de deux membres du personnel, y compris évidemment le greffier, et d'autres parties intéressées. Je crois que le directeur des services d'interprétation, qui offre le service au Sénat, devrait vous accompagner.
Les installations sont là. Vous pouvez parler aux responsables des installations aux assemblées locales, recourir à des interprètes et faire ce que vous avez à faire là-bas pour former votre opinion. N'attendez pas.
Le président : Sommes-nous d'accord pour entreprendre ce voyage, sans attendre la reprise des travaux de l'Assemblée législative?
Des voix : D'accord.
Le président : Bien. Quelqu'un veut-il bien proposer l'approbation du budget à l'option B, s'il vous plaît?
Le sénateur Corbin : J'en fais la proposition.
Le président : Êtes-vous d'accord?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Watt : J'ai un problème. Je ne sais pas comment nous allons nous y prendre. Le comité des pêches prévoit un voyage dans le Nord, mais son budget restreint ne tient pas compte de notre besoin d'embaucher des traducteurs inuits. Comment devrions-nous régler cela?
Le président : Sénateur Watt, je crois que vous devriez vous adresser directement au comité de la régie interne.
Y a-t-il d'autres questions?
La séance est levée.