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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement


Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 4 - Témoignages du 17 juin 2008


OTTAWA, le mardi 17 juin 2008

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, pour étudier le problème de violation d'un privilège soulevé par l'honorable sénateur Gerald J. Comeau, violation qui se serait produite lors de l'examen d'un rapport préliminaire par un comité.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous sommes réunis pour étudier le problème de violation d'un privilège soulevé par l'honorable sénateur Comeau. Cette violation se serait produite lors de l'examen d'un rapport préliminaire par un comité. Le problème a été soulevé et débattu les 28 et 29 mai.

Votre comité directeur s'est réuni et a discuté du problème. Il a établi le plan de travail suivant : nous allons entendre les deux principaux intéressés, le sénateur Comeau et le sénateur Kenny, puis Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire, ainsi que Heather Lank, greffière principale de la Direction des comités. Nous allons ensuite passer à l'étape de la discussion.

Si vous permettez, nous allons écouter tout de suite le sénateur Comeau.

L'honorable Gerald J. Comeau, sénateur, Sénat du Canada : Merci, monsieur le président. J'ai préparé quelques notes que j'aimerais parcourir avec le Comité, si cela vous va.

Le 29 mai 2008, lorsque j'ai indiqué qu'on avait selon moi violé l'un de mes privilèges en distribuant un rapport aux membres du comité de la défense sans qu'il y ait de version française, le sénateur Kenny m'a répondu. Je cite un extrait de sa réponse :

Pendant cette réunion, aucun membre du comité n'a demandé un exemplaire français du rapport. Lorsqu'est venu le moment d'adopter celui-ci, j'ai demandé à la greffière s'il y avait un exemplaire français dans la salle. La greffière a répondu par l'affirmative. Le comité a donc procédé à l'adoption du rapport.

La première phrase semble indiquer qu'il n'y a pas d'obligation de fournir la documentation dans les deux langues officielles si personne ne le demande. Plus tard, au cours de la discussion ayant eu lieu au Sénat, le sénateur Banks a indiqué que les transcriptions des réunions à huis clos pouvaient être consultées. C'est ce que j'ai fait, et voici ce que j'ai trouvé :

Le président : Y a-t-il une version française du rapport dans la salle?

Le greffier : Il y en a une, mais elle n'est pas définitive.

Le président : Je voudrais qu'on note officiellement qu'il y a une version française du rapport dans la salle pendant son adoption.

Il n'y a pas de transcription de la réunion du comité directeur qui a eu lieu le lendemain et lors de laquelle le sénateur Tkachuk a demandé une version française du rapport. Toutefois, on m'a confirmé que, lors de cette réunion, il n'y avait pas de version française correspondant à la version anglaise du rapport ayant été distribuée au comité la veille. Quand je parle d'une version correspondant à l'autre, je veux dire que les deux versions sont équivalentes.

J'ai su qu'il n'y a jamais eu de version française équivalente à la version anglaise pendant que le comité a étudié le rapport. Quatre réunions ont eu lieu : le 2 février ainsi que les 5, 12 et 26 mai. À aucune réunion le comité a disposé d'une version française équivalente du rapport. À la réunion initiale, le 2 février, il n'y avait même aucune version française. Seule la version anglaise du rapport était disponible.

Pour qu'il n'y ait aucun malentendu, permettez-moi de répéter ce qu'a dit le sénateur Kenny au Sénat, le 29 mai :

[...] j'ai demandé à la greffière s'il y avait un exemplaire français dans la salle. La greffière a répondu par l'affirmative.

J'ai demandé la version française du rapport le 27 mai, le lendemain de la distribution de la version anglaise aux membres du comité. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails, mais permettez-moi de signaler quelques-unes des nombreuses différences entre les versions française et anglaise. J'ai la prétendue version française sous les yeux.

Je n'entrerai pas dans les détails, mais permettez-moi de vous signaler que, dans la version anglaise, la partie 4 compte 29 pages, alors que la version française en compte seulement trois. Bref, la version française n'existe pas. Lors de la formulation des recommandations du comité, la version française n'existait pas. Cette différence n'est qu'un exemple parmi tant d'autres des différences entre les deux versions.

Le sénateur Robichaud : À titre d'information, j'aimerais revenir sur la prétendue version française que vous dites avoir sous les yeux.

Le sénateur Comeau : Je n'ai pas dit « prétendue ».

Le sénateur Robichaud : Il y a quelques instants, vous avez dit que vous aviez sous les yeux la prétendue version française. Je voudrais simplement savoir pourquoi vous l'avez qualifiée de « prétendue » version française. C'est une version française ou ce n'en est pas une.

Le sénateur Comeau : Je parle du document que le sénateur Kenny a prétendu être la version française et qui aurait dû être une version équivalente ou correspondante. La prétendue version française ne correspondait pas à la version anglaise. C'est ce que je veux dire.

Le sénateur Robichaud : Merci.

Le sénateur Comeau : En tant que membre d'office du comité, j'ai alors demandé qu'on me remette une version française équivalente dès que possible. Cette version m'a été apportée par un messager à midi, le mardi 10 juin, soit le jour même du dépôt du rapport de 124 pages au Sénat.

Le comité avait en main la version anglaise depuis le 26 mai. Je considère qu'on m'a empêché directement de faire mon travail de sénateur. J'avais le droit garanti par la Constitution d'obtenir le rapport en même temps que mes collègues anglophones, et non 15 jours plus tard et deux heures avant le dépôt du rapport.

Je pense avoir parlé du respect des droits constitutionnels lorsque j'ai soulevé cette question de privilège. Étant donné qu'on n'a pas respecté le droit qui m'est garanti par la Constitution, je mets en doute la légitimité même du rapport et de la démarche qui a conduit à sa présentation au Sénat.

Le Sénat devrait rejeter l'argument voulant que la version française soit nécessaire seulement lorsqu'un sénateur la demande. Selon moi, un comité n'a pas le droit d'étudier un rapport qui lui est présenté dans une langue seulement. Si l'on retenait un tel argument, n'en résulterait-il pas que la traduction simultanée serait fournie uniquement si un sénateur ou un témoin le demandait?

D'autres questions se poseraient aussi. Que se passerait-il si le whip envoyait un sénateur en remplacer un autre au sein d'un comité? Faudrait-il alors que le remplaçant demande officiellement une version dans l'autre langue officielle?

Je suis d'avis que non. Tout document doit être traduit sans qu'on ait à en faire la demande officielle. Il est vrai que nombre de sénateurs s'expriment avec aisance dans les deux langues officielles. Cependant, les sénateurs ne sont pas tenus de maîtriser les deux langues, et ce ne devrait pas être une obligation pour être sénateur.

Si les sénateurs francophones doivent attendre pour obtenir la traduction des documents du Sénat — comme j'ai dû le faire dans ce cas —, ils sont désavantagés puisque les sénateurs anglophones ont ces documents en main un certain temps avant eux. Les francophones doivent faire du rattrapage lorsqu'ils obtiennent enfin la traduction française.

Dans ce cas, comme je l'ai indiqué, la traduction est arrivée 15 jours plus tard et deux heures avant le dépôt du rapport. Voilà ce qui s'est produit lorsque j'ai reçu mon exemplaire du rapport deux heures avant qu'il soit déposé au Sénat.

De tels documents devraient être disponibles en même temps pour tous les membres d'un comité. À mesure que progresse l'examen d'un rapport, chacune de ses versions préliminaires devrait être fournie en même temps en anglais et en français. Les présidents de comité, comme le président du comité de la défense dans le cas présent, peuvent trouver cette façon de faire peu pratique et susceptible de retarder l'examen des rapports, mais c'est une bien petite concession à faire pour veiller au respect des deux langues officielles et des obligations auxquelles est soumise notre institution.

On aurait pu croire qu'en soulevant ce problème de violation d'un privilège, j'aurais réussi à sensibiliser le sénateur Kenny à la question des langues officielles. Pourtant, même après que le président eut déterminé que ma plainte semblait fondée de prime abord, il n'a absolument pas changé d'attitude, au contraire. Permettez-moi de vous en donner la preuve. Voici un document de 17 pages envoyé aux membres du comité le 4 juin 2008. La page de garde est en français et en anglais, c'est-à-dire dans les deux langues officielles, mais au bas de la page, il est écrit que la traduction française n'est pas disponible et qu'on regrette les inconvénients éventuels.

Ce document a été distribué après que le président eut déclaré devant le Sénat que, de prime abord, il lui apparaissait qu'un privilège avait bel et bien été violé. Voilà comment on envoie les documents aux membres de ce comité.

Le sénateur Corbin : Le comité pourrait-il obtenir maintenant des copies de ce document?

L'honorable Colin Kenny, sénateur, Sénat du Canada : Je ne l'ai pas encore vu, pour ma part.

Le sénateur Fraser : Le comité pourrait-il obtenir une copie de ce que vient de déclarer le sénateur Comeau, au cas où il y aurait des erreurs de dates et de chiffres dans les notes qui sont prises?

Le sénateur Comeau : Je vais certainement mettre mes notes à la disposition du comité, bien qu'il s'agisse seulement d'un brouillon.

Le sénateur Kenny : Au cours de la présente réunion?

Le sénateur Comeau : Comme mes notes ne sont pas traduites, je préférerais qu'elles le soient avant de les distribuer, de manière à ce qu'elles puissent être consultées dans les deux langues officielles.

Le sénateur Kenny : En tout respect, monsieur le président, comme je devrai vraisemblablement répondre au sénateur sous peu, j'aimerais vous demander si je peux avoir une copie des notes, car elles me seraient utiles.

Le sénateur Comeau : En tout respect, monsieur le président, j'aimerais pouvoir fournir mes notes dans les deux langues officielles, comme le veut la règle et comme je m'en suis toujours fait un point d'honneur. Dans ce cas-ci, j'ai préparé deux versions distinctes.

Le président : Sénateur Kenny, nous devons nous plier à la demande du sénateur Comeau. Il sera peut-être possible de prendre d'autres arrangements plus tard pour que vous puissiez répondre après avoir lu les notes.

Le sénateur Kenny : Je suis à votre service, monsieur le président, quelle que soit votre décision.

Le président : C'est bien.

Le sénateur Comeau : Le document que je viens de distribuer compte 17 pages.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Le document en question n'existe que dans une seule langue, n'est-ce pas? C'est un document du comité, si je comprends bien?

Le sénateur Comeau : Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, oui.

Le sénateur Robichaud : Il va nous être présenté de la même façon qu'il a été reçu des autres membres du comité, n'est-ce pas?

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk : Oui, avec le compte rendu des témoignages entendus par le comité.

Le président : Sénateur Robichaud, est-ce que vous parlez du témoignage du sénateur Comeau ou du document déposé par le comité?

Le sénateur Robichaud : Je parle du document de 17 pages du sénateur Comeau dont le sénateur Corbin voulait qu'on fasse des copies.

Blair Armitage, greffier principal, Bureau des systèmes législatifs et de la télédiffusion, Sénat du Canada : À la demande du comité, je viens d'envoyer une copie du document pour qu'il soit traduit. Il sera distribué au cours de la présente réunion.

Le sénateur Comeau : À propos du document de 17 pages, le sénateur Kenny va-t-il mettre la faute sur les greffiers encore une fois? Il faudrait peut-être que le comité parle à ceux qui doivent suivre les ordres. Je sais par expérience que les greffiers des comités ne distribuent pas de documents dans une seule langue. Il serait peut-être intéressant de savoir si on leur a donné directement l'ordre de distribuer ce document en anglais seulement.

Le sénateur Kenny : Je m'inscris en faux contre ce que vient de dire mon honorable ami. Il se demande si je vais mettre la faute sur les greffiers encore une fois. Mais, qu'est-ce qui lui dit que j'ai déjà mis la faute sur les greffiers?

Le sénateur Comeau : D'accord. Le comité peut poursuivre son travail.

[Français]

Le respect des deux langues officielles devrait être la règle pour tous les comités. En tant que membre d'office de tous les comités sénatoriaux, je veux pouvoir examiner les propositions de rapports et de documents de n'importe quel comité. Les membres d'office ne sont pas nécessairement capables de travailler avec aisance dans les deux langues officielles. Les travaux ne sont pas réservés uniquement aux sénateurs qui sont parfaitement bilingues.

Quant à savoir si le comité est assujetti à la Loi sur les langues officielles, si les deux langues officielles jouissent d'un statut égal en vertu de la Constitution et que les exigences s'appliquent aux documents des comités, il devrait en être ainsi. J'ai présenté mes arguments lorsque j'ai soulevé ma question. Je vous encourage à consulter si vous désirez obtenir un deuxième point de vue. Vous pouvez communiquer avec le légiste du Sénat et les experts de la Bibliothèque du Parlement.

Vous pouvez également solliciter l'opinion de vos collègues du Comité des langues officielles. Celui-ci examine actuellement la mise en œuvre de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles et les actions prises par les institutions fédérales à ce chapitre depuis l'adoption des modifications à la loi en novembre 2005. Je vous rappelle que ces modifications avaient été préparées par notre ancien collègue, le sénateur Jean-Robert Gauthier. La Partie VII de la loi porte également sur les communautés minoritaires de langue française au Canada ainsi que sur l'engagement à favoriser la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

Le projet de loi du sénateur Gauthier a modifié l'article 41 de la Partie VII par l'ajout du paragraphe 2, qui précise l'obligation des institutions fédérales à prendre des actions et à adopter des mesures positives pour assurer la mise en œuvre de l'engagement du gouvernement en vertu du paragraphe 1, c'est-à-dire favoriser l'épanouissement des minorités de langues officielles du Canada et appuyer le développement. L'ajout du concept de mesures positives est particulièrement important puisqu'il confirme formellement qu'il revient aux institutions fédérales de mettre en place la Partie VII. Il existe des recours en justice pour contester les manquements aux obligations prévues à la Partie VII de la Loi sur les Loi sur les langues officielles.

Pour le Comité des langues officielles, l'égalité du français et de l'anglais est une question cruciale. Le comité exerce d'importantes pressions sur les ministres et organismes fédéraux pour que ces derniers respectent l'esprit, à la lettre, de la Loi sur les langues officielles.

Accepter que les comités sénatoriaux puissent contourner les exigences serait une preuve d'hypocrisie et aurait pour effet d'enlever toute leur signification aux arguments du Comité des langues officielles.

Jetez un coup d'œil aux documents qui sont devant vous aujourd'hui, dans les deux langues officielles, de ce comité. On respecte l'esprit de la Loi sur les langues officielles, les documents sont équivalents. Ce sont les documents qui nous avaient été prescrits avant la réunion. S'il manque plus d'un paragraphe à la version française et qu'on utilise la version anglaise comme document de travail, on ne respecte pas l'esprit, à la lettre, de la Loi sur les langues officielles.

Que pouvons-nous faire pour la question qui nous préoccupe? Il serait présomptueux de ma part de proposer des solutions avant que vous puissiez examiner les faits et les questions que j'ai soulevées et qui ont été soulevées par d'autres. C'est pourquoi je vous suggère d'inviter d'autres témoins et d'approfondir le dossier. Les faits sont faciles à confirmer. Il devrait être assez facile de déterminer si les questions juridiques se tiennent.

Vous avez des documents très importants devant vous que vous pouvez consulter, soit la Constitution du Canada, la Charte, la Loi sur les langues officielles et le Règlement du Sénat.

Respectons-nous, en tant qu'institution, la Constitution du Canada et la Loi sur les langues officielles? La question est oui ou non. Si vous concluez que, effectivement, il y a atteinte aux privilèges, je serais heureux de revenir parmi vous et de proposer des façons de remédier à la situation.

[Traduction]

Pour terminer, je dirais que, si vous arrivez à la conclusion qu'il n'y a pas eu violation de privilège et que vous donnez ainsi raison au sénateur Kenny, on n'aura manifestement d'autre choix que de conclure que les présidents de comité ont le droit de décider du respect ou du non-respect des langues officielles. C'est aussi simple que cela.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Comeau. Le sénateur Fraser voudrait poser une question ou faire une intervention.

Le sénateur Fraser : Non. Je voulais seulement mettre mon nom sur la liste pour y être lorsque vous déciderez que le temps est venu de poser des questions, monsieur le président.

Le président : Certaines personnes n'étaient pas présentes lorsque j'ai présenté le plan de travail établi par le comité directeur. Nous devons entendre les deux principaux intéressés, puis les conseillers juridiques. Par la suite, la discussion aura lieu. Nous nous sommes dit que le cadre pour les questions et la discussion serait meilleur ainsi. Si vous voulez bien, nous allons entendre le sénateur Kenny.

Le sénateur Kenny : Je n'ai pas préparé de notes, mais j'aimerais commencer en disant que je suis sénateur depuis 25 ans. Auparavant, j'ai travaillé pendant une dizaine d'années au cabinet du premier ministre Trudeau. J'ai un profond respect pour la Loi sur les langues officielles. Je considère que les langues officielles sont indissociables de la culture canadienne et qu'elles font partie du tissu même de la société canadienne.

J'ai présidé divers comités pendant les 15 ou 20 dernières années. Nous nous sommes toujours efforcés d'y respecter la Loi sur les langues officielles. C'est un aspect fondamental de notre travail.

Je crois qu'il serait utile que je décrive la situation du comité dans une certaine mesure, pour que vous puissiez bien comprendre. Peu de francophones ont été membres du comité, bien que nous ayons souvent réclamé auprès des dirigeants la nomination de membres francophones.

Laurier LaPierre a brièvement été membre du comité. Il refusait d'y parler français et préférait parler anglais. Il ne voulait pas obtenir les documents en français. Il voulait les versions anglaises.

Pendant une brève période, le comité a eu la chance de compter dans ses rangs Pierre Claude Nolin. En plus d'agir comme porte-parole du comité lors des conférences de presse, il révisait la version française des documents et bénéficiait pour ce faire de la pleine confiance des autres membres. Il changeait les titres des rapports et veillait à ce que le style et la forme conviennent aux Canadiens dont la langue première est le français.

Lorsque j'ai indiqué, comme l'a signalé le sénateur Comeau, que personne n'avait demandé une version française du rapport, je faisais simplement le constat que toutes les personnes présentes dans la salle à ce moment travaillaient en anglais. Donc, personne n'avait demandé une version française du rapport. C'était simplement une observation et non le reflet d'une attitude. Pendant toute la réunion, jamais personne n'a fait cette demande.

Comme la plupart des membres le savent, je crois, le comité se réunit seulement les lundis, et les réunions durent habituellement quatre ou cinq heures. Compte tenu de la composition du comité, l'anglais est sa langue préférée. Lors de la rédaction des rapports, il n'y a jamais eu d'intervention en français. Toutefois, il y a eu fréquemment des interventions en français lorsque le comité a entendu des témoins.

Je dois dire que je parle seulement anglais. Toutefois, pendant cinq ans, au cours de mon mandat au Sénat, je me suis réservé un mois de cours de français chaque été et un mois chaque hiver. Je me suis efforcé d'acquérir ce que je décrirais comme une connaissance rudimentaire du français.

J'essaie de présenter en français les témoins francophones et, lorsque je préside le comité, j'essaie de m'adresser aux membres francophones du comité dans leur langue, lorsqu'il y a des francophones.

J'ai cherché à savoir s'il y avait une version française du rapport dans la salle parce que je n'en étais pas certain, étant donné que personne n'avait demandé la version française auparavant. Je suis bien conscient de l'obligation de mettre une version française du rapport à la disposition du comité.

Je devrais préciser en outre que, compte tenu de la composition du comité, dont les membres sont tous anglophones, ils préfèrent obtenir les documents en version anglaise. Si quelqu'un demandait la version française d'un document, on la lui fournirait. Si la version française n'était pas disponible, la réunion serait interrompue. Nous l'avons fait dans le passé. Lorsqu'une personne demandait la version française d'un document et que celle-ci n'était pas disponible, les travaux cessaient. Il n'y avait ni débat, ni discussion. La réunion prenait fin.

Dans ce cas, j'avais comparé la version française à la version anglaise, mais je ne pense pas être compétent pour le faire. De toute ma vie, je n'ai jamais lu au complet un document en français parce que ce ne serait pas productif. Je n'ai pas la compétence nécessaire.

Je me fie à l'opinion des autres pour déterminer si le texte d'un document est adéquat ou non. J'ai vraiment hâte de voir le document qui a été déposé et qui est en cours de reproduction parce qu'après lui avoir jeté un rapide coup d'œil au moment où le sénateur Comeau le faisait circuler, j'ai l'impression que ce document n'a jamais servi à la préparation du rapport. Je ne crois pas qu'il en fasse partie et que le comité en ait tenu compte. Lorsque j'en aurai une copie sous les yeux, je pourrai me prononcer avec certitude.

J'aimerais résumer en disant qu'il n'y a aucun doute dans mon esprit en ce qui a trait aux obligations prescrites par la Loi sur les langues officielles. Il ne fait aucun doute à mes yeux qu'un francophone participant à une réunion de comité — et du reste quiconque participe à une réunion de comité — a le droit de disposer du rapport en cours de préparation dans une langue ou dans l'autre ou encore dans les deux langues. Chaque fois que cette condition n'a pu être satisfaite, nous avons interrompu la réunion. Je crois que c'est ainsi que le problème doit être envisagé. C'est l'approche que nous avons essayé de suivre.

On peut dire en toute justice que le comité travaille entièrement en anglais. Je ne me souviens pas d'une seule fois, au cours des huit dernières années, où un membre du comité aurait parlé français pendant les travaux de préparation d'un rapport. Ce n'est que lorsque le comité reçoit des témoignages qu'il entend parler français. Lorsque des témoins s'expriment en français, deux ou trois membres du comité posent des questions en français. Ils n'ont jamais eu de problème avec la version française.

Dans certains cas, des francophones comparent les deux versions. Je me demande si des anglophones ont déjà fait la même chose. Je pense qu'il est arrivé à des anglophones de comparer les deux versions.

Dans le cas de ce rapport, personne n'a fait de comparaison. Toutefois, si quelqu'un avait voulu comparer les deux versions, je présume qu'il aurait pu le faire. Ce n'est pas une question que je pose au début de chaque réunion. Je tiens simplement pour acquis que le travail fait lors de la réunion précédente a été traduit et qu'il est disponible.

Si j'ai posé la question cette fois-là, c'est uniquement parce que nous étions sur le point d'adopter le rapport. Je savais qu'il était important que je m'assure de la disponibilité de la version française, même si personne ne l'avait demandée.

J'espère toujours que le page apportera les copies du rapport, mais on dirait qu'il va falloir attendre encore.

À part les commentaires que j'aurai éventuellement à faire sur le document dont le sénateur Comeau a parlé, c'est tout ce que j'ai à dire.

Le président : Merci, sénateur Kenny. Espérons que le rapport va arriver.

Le sénateur Comeau : J'entends dire que le document serait un rapport. Il ne s'agit pas d'un rapport, et je n'ai jamais indiqué qu'il s'agissait d'un rapport. C'est un document qui a été distribué aux membres du comité avant une réunion. Ce n'est pas un rapport.

Le président : Merci, sénateur Comeau.

Pendant que nous attendons le document, nous pourrions peut-être entreprendre la suite de notre plan de travail. La prochaine étape consiste à examiner la Loi sur les langues officielles dans la perspective juridique et dans la perspective de son application concrète.

Nous allons commencer par entendre M. Audcent, puis nous donnerons la parole à Mme Lank.

Le sénateur Corbin : J'aimerais savoir, à titre d'information, si la greffière du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la Défense est présente ce matin.

Le président : Non.

[Français]

Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire : Honorables sénateurs, il me fait plaisir de vous adresser la parole ce matin au sujet du fondement juridique des droits et obligations en matière de langues officielles au Sénat.

[Traduction]

Dans mon exposé, qui va prendre une quinzaine de minutes, je vais vous donner un aperçu de la législation qu'il vous sera loisible de consulter par la suite.

[Français]

Je commence au début, avec le principe de base qui gouverne les droits et obligations linguistiques au Canada : celui de l'égalité des deux langues officielles. D'ailleurs, le caractère fondamental de ce principe est garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.

Le paragraphe 16.(1) de la Charte se lit comme suit :

Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.

Le paragraphe 4.(1) de la Loi sur les langues officielles mentionne l'application de ce grand principe dans le contexte parlementaire. Il se lit en partie :

Le français et l'anglais sont les langues officielles du Parlement; [...]

Enfin, ce principe de base est repris par l'article 5 du chapitre 1:02 du Règlement administratif du Sénat :

Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada et ont au Sénat un statut égal; [...]

[Traduction]

Il résulte de l'application du principe fondamental de l'égalité deux corollaires formant en quelque sorte la trame et la chaîne du tissu des droits linguistiques au Sénat.

Le premier corollaire est le droit de toute personne de s'employer l'anglais ou le français lors des débats des deux Chambres du Parlement du Canada. Le deuxième est l'obligation des Chambres du Parlement de publier leurs archives, procès-verbaux et journaux respectifs en anglais et en français.

Ces deux corollaires existent depuis le début de l'union fédérale et sont inscrits dans son document constitutionnel fondateur, la Loi constitutionnelle de 1867. Ils ont précédé dans le temps les déclarations plus formelles d'égalité, qui sont arrivées beaucoup plus tard.

Voici ce que dit l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 :

Dans les chambres du parlement du Canada [...] l'usage de la langue française ou de la langue anglaise, dans les débats, sera facultatif; mais dans la rédaction des archives, procès-verbaux et journaux respectifs de ces Chambres, l'usage de ces deux langues sera obligatoire [...] Les lois du parlement du Canada [...] devront être imprimées et publiées dans ces deux langues.

Les droits et les obligations prévus à l'article 133 sont énoncés de nouveau dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Loi sur les langues officielles.

Voici les dispositions de la Charte à cet égard :

17. (1) Chacun a le droit d'employer le français ou l'anglais dans les débats et travaux du Parlement.

18. (1) Les lois, les archives, les comptes rendus et les procès-verbaux du Parlement sont imprimés et publiés en français et en anglais, les deux versions des lois ayant également force de loi et celles des autres documents ayant même valeur.

Et voici les dispositions de la Loi sur les langues officielles :

4. (1) Le français et l'anglais sont les langues officielles du Parlement; chacun a le droit d'employer l'une ou l'autre dans les débats et travaux du Parlement.

(2) Il doit être pourvu à l'interprétation simultanée des débats et autres travaux du Parlement.

(3) Les comptes rendus des débats et d'autres comptes rendus des travaux du Parlement comportent la transcription des propos tenus dans une langue officielle et leur traduction dans l'autre langue officielle.

5. Les archives, comptes rendus et procès-verbaux du Parlement sont tenus, imprimés et publiés dans les deux langues officielles.

6. Les lois du Parlement sont adoptées, imprimées et publiées dans les deux langues officielles.

En énonçant de nouveau dans divers textes de loi ces droits et obligations, on les inclut dans divers cadres de gestion et d'application de la loi, ce qui permet aux gens de bénéficier des recours prévus dans ces cadres.

Qu'entend-on par le droit de toute personne de s'employer l'anglais ou le français lors des débats des deux Chambres du Parlement du Canada?

La Cour fédérale a examiné cette question dans l'affaire Knopf c. le Président de la Chambre des communes. La décision a été rendue en 2006 par la juge Carolyn Layden-Stevenson et la décision d'appel, en 2007 par le juge Trudel.

M. Knopf était venu témoigner devant le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes et avait étayé son témoignage de documents dont il avait distribué uniquement des versions anglaises. Conformément à la pratique au sein de ce comité, les documents unilingues ne furent pas distribués. M. Knopf fit alors valoir que ses droits linguistiques avaient été violés. Les deux tribunaux ont par la suite jugé que ce n'était pas le cas.

Dans l'affaire Knopf, les juges se sont fondés sur la prémisse voulant que les lois régissant l'utilisation des langues officielles aux Communes s'appliquaient également lors des travaux des comités. La juge Layden-Stevenson, de la Cour fédérale, a cité le juge Cheverie, dans une affaire opposant le Canada à l'assemblée législative de l'Île-du-Prince- Édouard. Le juge avait affirmé que les comités étaient des prolongements naturels de la Chambre et que la Chambre exerçait naturellement ses activités par leur intermédiaire.

Dans l'affaire Knopf, les deux tribunaux se sont également fondés sur le jugement de 1986 de la Cour suprême du Canada dans l'affaire MacDonald c. Ville de Montréal pour affirmer que le paragraphe 4(1) de la Loi sur les langues officielles et le paragraphe 17(1) de la Charte protègent le droit de la personne qui parle ou qui écrit d'employer une seule langue. Le Parlement ne peut pas obliger la personne à s'exprimer dans une autre langue que celle qu'elle choisit.

Mais, qu'ont dit les tribunaux de la distribution de documents unilingues? Voici la réponse du juge Trudel de la Cour d'appel fédérale :

La juge Layden-Stevenson a correctement conclu que la diffusion de documents n'était pas visée par le paragraphe 4(1) de la Loi. Le droit d'employer la langue officielle de son choix ne comprend pas le droit d'imposer au Comité la diffusion immédiate et la lecture de documents déposés par le témoin à l'appui de sa déposition. C'est bien évidemment au Comité qu'il revient de décider quoi faire des renseignements présentés par le témoin, et à quel moment.

En concluant que la distribution de documents n'était pas visée par le paragraphe 4(1) de la Loi sur les langues officielles, les juges ont apporté une réponse suffisante dans le cadre de l'affaire Knopf. Néanmoins, ils n'ont pas répondu à la question qui consiste à savoir si les documents soumis au Sénat ou à l'un de ses comités ou encore utilisés par eux doivent être traduits.

La réponse à cette question se trouve dans le deuxième corollaire du principe de l'égalité des deux langues : l'obligation des Chambres du Parlement de publier leurs archives, procès-verbaux et journaux respectifs en anglais et en français. Quelle est la portée de cette obligation?

Dans un ouvrage intitulé Words and Phrases Legally Defined et publié au Royaume-Uni, le mot « record », qui est traduit en français dans les textes juridiques récents par « archives, comptes rendus et procès-verbaux », est défini comme suit :

Qu'entend-on par les archives, comptes rendus et procès-verbaux? Ce sont les documents qui sont conservés par le tribunal pour témoigner en permanence de ses travaux : voir Blackstone's Commentaries, vol. 3, p. 24.

En 1985, dans l'affaire Québec c. Collier, le juge Turgeon, de la Cour d'appel du Québec a déclaré ce qui suit au sujet du sens de l'expression « archives, procès-verbaux et journaux » contenue à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 :

Je crois que les documents sessionnels sont couverts par les termes ci-haut mentionnés.

Quelques années plus tard, dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba de 1992, la Cour suprême a jugé que le sens de l'expression employée à l'article 23 de la Loi sur le Manitoba était limité aux documents qui sont déposés à l'assemblée législative.

Selon moi, la meilleure façon de comprendre le sens de l'expression anglaise « records and journals » est la traduction française officielle la plus récente, soit « les archives, comptes rendus et procès-verbaux du Parlement ». Lorsqu'on retraduit en anglais, on obtient l'expression « archives, transcripts of proceedings and minutes ».

Pour terminer de répondre à la question, je vais faire appel aux autorités en matière de procédure. Je vous renvoie à deux décisions du Président, prises le 15 avril et le 11 mai 1999. Un sénateur avait invoqué le Règlement pour s'opposer à la présentation d'un amendement rédigé seulement dans une langue. Le Président répondit que, bien que la plupart des motions puissent être présentées dans les deux langues, étant donné qu'elles peuvent être traduites pendant le délai de préavis, les motions d'amendement d'un projet de loi entrent dans une catégorie différente puisqu'aucun préavis n'est nécessaire. Il précisa qu'en l'absence de règles concernant cette situation, il fallait s'en remettre à la pratique établie qui, au Sénat, veut qu'on ajourne le débat jusqu'à ce qu'on dispose de versions dans les deux langues. Voici exactement ses paroles :

[Français]

En outre, je crois comprendre qu'au sein des comités on veille à ce que les sénateurs disposent dans les deux langues de tout amendement à un projet de loi avant de prendre une décision.

Cela donne à penser que, abstraction faite des règles et autorités, le Sénat reconnaît l'importance d'avoir les motions, interpellations et amendements dans les deux langues officielles. Lorsque ce n'était pas fait, il semble que le Sénat était disposé à reporter toute décision jusqu'à ce que la question à l'étude soit disponible dans les deux langues. Je crois qu'il s'agit de la bonne façon de procéder.

Je poursuis avec les autorités procédurales. Dans Les procédures et les usages de la Chambre des communes, Marleau et Montpetit, à la page 962, nous informent :

Toutes les publications parlementaires sont dans les deux langues officielles. La Constitution et la Loi sur les langues officielles prévoient l'utilisation des deux langues officielles, et leur accordent la même valeur, dans les « archives, les comptes rendus et les procès-verbaux » du Parlement.

De nombreuses dispositions du Règlement de la Chambre des communes mentionnent de manière explicite les Journaux, les Débats, le Feuilleton et le Feuilleton des avis. Ces documents, de même que les procès-verbaux des comités et les projets de loi présentés à la Chambre, sont publiés sur ordre de la Chambre et avec l'autorisation du Président, et ils sont considérés comme des publications « officielles ».

Ils complètent, à la page 976 :

Chaque comité de la Chambre publie ses propres documents. Depuis 1995, ces publications sont principalement diffusées par voie électronique. Elles comprennent trois types de documents :

Les procès-verbaux : comptes rendus officiels des travaux menés durant la séance d'un comité;

Les témoignages : transcriptions in extenso des délibérations d'une séance;

Les rapports à la Chambre : Document par lequel le comité fait connaître ses vues et recommandations.

Toutes les publications des comités sont diffusées par voie électronique et avec l'autorisation du Président de la Chambre. Le Règlement autorise les comités à faire imprimer des documents et témoignages. Toutefois, le Bureau de la régie interne restreint quelque peu ce pouvoir par les limites qu'il impose à cet égard.

[Traduction]

Marleau et Montpetit donnent encore d'autres explications aux pages 865 et 866 :

Un document présenté à un comité devient sa propriété et fait partie de ses dossiers. Les ministères sont tenus de présenter leurs documents aux comités dans les deux langues officielles. Toute autre personne, y compris les députés, peut présenter des documents écrits dans l'une ou l'autre des langues officielles. Chaque comité doit décider si les documents qui lui ont été présentés dans une seule langue officielle seront distribués à ses membres immédiatement ou seulement une fois qu'ils auront été traduits. Le droit de présenter un document ne comporte cependant pas celui de le voir étudié sur-le-champ.

De ce passage ressort l'idée que, tout en respectant les obligations prévues dans la loi, le système est doté d'une certaine souplesse dans la pratique, quant à la séquence à suivre. Autrement dit, chaque comité dispose de la latitude lui permettant d'établir, à cet égard, ses propres règles de fonctionnement.

En outre, le Sénat et ses comités adhèrent à une longue tradition voulant qu'en matière de procédure, les décisions nécessitent le consentement unanime.

Compte tenu de ce qui précède, la seule interprétation possible de la loi, à mes yeux, exige que les rapports de comité soient déposés au Sénat dans les deux langues officielles.

La Cour suprême du Canada a rendu en 1979 une décision importante dans l'affaire Blaikie, à laquelle a participé à titre de plaignant un certain Yoine Goldstein, qui est votre collègue, je crois bien. Les juges ont alors dit ceci :

En exigeant l'impression et la publication des lois dans les deux langues, l'article [c'est-à-dire l'article 133] en vise implicitement l'adoption : ce qui doit être imprimé et publié en français et en anglais, ce sont les « lois » et un texte ne devient « loi » que s'il est adopté.

Par analogie, on peut affirmer que les rapports devant être présentés ou déposés au Sénat dans les deux langues officielles doivent nécessairement être préalablement adoptés par le comité dans les deux langues officielles.

En somme, que peut-on conclure au sujet des obligations légales relatives à la présentation ou à la distribution de documents bilingues?

Je conclus qu'un rapport de comité doit être présenté au Sénat dans les deux langues officielles et que, par conséquent, le comité doit avoir adopté le rapport dans les deux langues officielles auparavant. Avant d'adopter un rapport, le comité est libre de déterminer son mode de fonctionnement et dispose d'une certaine latitude dans la structure de ses délibérations. Cependant, il est tout de même soumis aux règles prévues dans la loi, qui veulent que toute personne ait le droit d'employer la langue officielle de son choix dans les débats et que les archives, comptes rendus et procès-verbaux du comité soient dans les deux langues.

[Français]

Je vous remercie honorables sénateurs.

Heather Lank, greffière principale des comités : Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler de la distribution des ébauches des rapports des comités à leurs membres et surtout de la question des langues officielles.

L'anglais et le français sont les langues officielles du Canada et jouissent d'un statut, de droits et de privilèges égaux au Sénat. Le respect des langues officielles est donc un principe qui sous-tend les travaux des comités du Sénat.

Habituellement, un comité confie la rédaction de ses rapports à des analystes de la Bibliothèque du Parlement qui les rédigent en français ou en anglais, selon les instructions du comité. Chaque ébauche de rapport est ensuite envoyée au service de traduction par la Bibliothèque du Parlement ou, plus souvent, par le greffier du comité. Celui-ci communique les ébauches aux membres du comité selon les instructions de l'autorité compétente, qu'il s'agisse du président du comité, du comité directeur ou du comité principal, lorsque ce dernier a décidé de déléguer l'étude du rapport.

En général, une ébauche n'est pas communiquée au comité principal si elle n'est pas disponible dans les deux langues officielles. La norme est la distribution dans les deux langues officielles. Les greffiers ne communiquent des ébauches unilingues que s'ils ont reçu une telle instruction. À ma connaissance, il n'est jamais arrivé qu'un comité examine une ébauche unilingue malgré l'opposition d'un de ses membres. Dans la vaste majorité des cas, les comités commencent à examiner les ébauches de rapport lorsqu'ils disposent des deux versions. Ils adoptent aussi la version finale de leur rapport dans les deux langues officielles.

Ce point est important, car les deux versions faisant également autorité, les comités doivent assumer la responsabilité des deux versions.

Il faut souligner que les comités délèguent souvent à leur comité directeur le pouvoir d'approuver le texte final du rapport, en restreignant généralement le pouvoir du comité directeur à la correction des erreurs de grammaire et des coquilles avant le dépôt final ou la présentation au Sénat.

[Traduction]

Il est difficile de généraliser. Ce qui se produit entre la première réunion, où l'on étudie une version préliminaire du rapport, et l'adoption de la version définitive et bilingue du rapport varie selon le comité, le rapport, le délai, et ainsi de suite.

En général, lorsque les comités étudient une version préliminaire d'un rapport, ils se servent principalement d'une langue pour apporter des modifications. Le délai nécessaire pour incorporer dans l'autre langue les modifications effectuées dans une langue peut varier. Par exemple, lorsqu'un comité se réunit deux jours de suite pour examiner la version préliminaire d'un rapport, il est possible qu'on n'envoie les modifications à la traduction qu'après la deuxième réunion. Dans d'autres cas, ce sera fait immédiatement. La façon de faire dépendra normalement de ce que souhaitent les membres du comité. Il n'est donc pas rare qu'un certain temps s'écoule entre la modification d'un rapport dans une langue et sa mise à jour dans l'autre langue.

Les greffiers s'efforcent dans un esprit de concertation d'envoyer rapidement les documents à traduire pour en mettre le plus tôt possible à la disposition des sénateurs des versions identiques en français et en anglais.

Dans les cas où le comité directeur examine une version préliminaire d'un rapport avant que le comité principal en fasse l'examen lui aussi, il n'est pas rare que le comité directeur se serve d'un document unilingue. Toutefois, je n'ai jamais eu connaissance d'un cas où un comité directeur a décidé d'étudier une version préliminaire dans une seule langue à l'encontre du souhait exprimé par l'un de ses membres. N'empêche que, par souci d'efficacité, il arrive qu'un comité directeur demande au greffier de lui faire parvenir la version préliminaire d'un rapport dans une seule langue, dès que l'analyste a terminé la rédaction, de manière à pouvoir prendre connaissance du rapport, lui apporter des modifications et en faire traduire la version revue et corrigée, qui sera distribuée à l'ensemble des membres du comité principal.

Permettez-moi de conclure en disant que les greffiers prennent très au sérieux le respect des langues officielles. Une partie importante de notre travail consiste à nous assurer que les sénateurs sont capables de travailler dans la langue officielle de leur choix. Il s'agit par exemple de veiller à ce que des interprètes soient présents à chaque réunion, de faire traduire rapidement les mémoires présentés dans une seule langue et de parler aux sénateurs dans la langue officielle de leur choix. Faire traduire les versions préliminaires des rapports fait partie des responsabilités dont nous nous acquittons conformément à notre engagement à l'égard des langues officielles.

Le président : Merci beaucoup. Honorables sénateurs, nous sommes maintenant prêts à passer à la discussion.

Le sénateur Cools : J'aimerais essayer de cerner le problème que nous devons étudier. Le sénateur Comeau est-il en train de dire qu'il y a eu atteinte à ses privilèges? C'est bien ce qu'il est en train de dire. Habituellement, en pareil cas, le sénateur lésé se manifeste sur-le-champ et indique qu'il y a atteinte à ses privilèges.

J'essaie de comprendre, chers collègues, parce que le sénateur Comeau a dit clairement qu'il n'était pas présent à la réunion où le rapport a été adopté. Par conséquent, aucune objection n'a été soulevée pendant les travaux du comité au sujet de la façon de procéder.

Je crois, monsieur le président, que vous avez reçu davantage d'opinions d'experts et d'assistance que je n'en ai eu. Quelle question exactement fait l'objet de nos délibérations actuelles?

Le président : Nos délibérations portent sur le problème de violation d'un privilège qui a été soulevé par le sénateur Comeau.

Le sénateur Cools : J'essaie justement de comprendre ce qu'est le problème.

Le sénateur Comeau : Puis-je vous aider?

Le sénateur Cools : Allez-y.

Le sénateur Comeau : Voici ce que dit le paragraphe 43(1) du Règlement du Sénat du Canada, auquel vous avez tout à fait raison de faire allusion :

Il incombe à chaque sénateur de préserver les privilèges du Sénat. Une atteinte aux privilèges d'un sénateur touche aux privilèges de tous les sénateurs et à la capacité du Sénat de s'acquitter des fonctions que lui confère la Loi constitutionnelle de 1867.

Le jour après l'adoption du document en anglais seulement par le comité, j'ai demandé à titre de membre d'office d'avoir la version française pour pouvoir l'examiner. Or, cette version m'a été envoyée une quinzaine de jours plus tard, soit deux heures seulement avant le dépôt du document au Sénat. Autrement dit, à ma connaissance, seule la version anglaise du document a été acceptée par le comité. J'ai reçu la version française 15 jours plus tard, après l'adoption de la version anglaise.

Le sénateur Cools : Donc, vous êtes en train de dire, sénateur Comeau, que le fait d'avoir reçu le document 15 jours plus tard constitue une atteinte à vos privilèges?

Le sénateur Comeau : Oui.

Le sénateur Cools : Est-ce l'objet de votre plainte?

Le sénateur Comeau : Oui. De plus, le comité a pris l'habitude de ne pas respecter les deux langues officielles. Sa méthode de travail n'en tient pas compte. Je pense que vous avez maintenant en main les documents qui viennent d'être distribués et qui montrent qu'en vue d'une réunion devant se tenir le 9 juin, ces documents n'ont été distribués qu'en version anglaise. Si quelqu'un s'était plaint et avait demandé une version française, il l'aurait obtenue juste à temps pour la réunion. C'est ainsi que travaille ce comité.

Le sénateur McCoy : Je ne suis pas certain de bien comprendre ce dont il est question. Nous avons en main la transcription des débats, le jour où le sénateur a soulevé pour la première fois le problème de la violation d'un privilège. Conformément aux règles, vous avez employé lors des débats la formule habituelle disant que vous aviez donné avis. Mais, il me semble que vous soulevez actuellement deux questions distinctes sans en avoir donné avis. J'essaie de trouver comment il faudrait procéder dans cette affaire, car je ne pense pas que notre démarche actuelle soit dans les règles.

Il faudrait peut-être tirer cette question au clair avant d'aller plus loin.

Le sénateur Fraser : Ce n'est pas ainsi que je l'entends. Voici ce que le sénateur Comeau écrivait dans la lettre qu'il a envoyée au greffier et qui est à l'origine de nos travaux actuels :

Conformément à l'article 43 du Règlement du Sénat du Canada, je donne avis que plus tard aujourd'hui j'entends soulever une question de privilège [...]

Je fais référence à l'adoption, par ce comité, d'un rapport préliminaire mis à la disposition des sénateurs dans seulement l'une des deux langues officielles du Canada.

Il me semble que ce passage décrit le cœur de la question qui est soumise au comité, mais que le comité a comme pratique, à l'instar de nombreux autres comités sénatoriaux, de considérer ce que les principaux intéressés considèrent comme le contexte général dans lequel s'insère la question elle-même.

À la base, le sénateur Comeau s'est plaint de l'adoption d'un rapport préliminaire qui n'était pas disponible dans les deux langues, et c'est la question qui nous a été confiée.

Le sénateur Cools : Manifestement, nous entendons seulement parler d'autres questions. Le Président a confié au comité un mandat beaucoup moins vaste que ce dont parle le sénateur Comeau actuellement. Aux yeux de bien des gens, la différence peut sembler sans importance, mais elle est extrêmement importante.

Je m'interroge sérieusement. Le problème est plus vaste qu'il n'y semblait au premier coup d'œil. Par conséquent, nous allons devoir trouver un moyen de procéder. La décision prise au Sénat, par laquelle le problème a été renvoyé au comité, est fondée sur une prémisse qui diffère de l'orientation actuelle de la réunion.

Ce n'est pas tout à fait cachère ou correct. C'est ce que je veux dire.

J'ai un deuxième éclaircissement à demander. Sénateur Comeau, vous avez dit, lors de votre intervention au Sénat, le 28 mai, que les événements en question ne vous avaient été communiqués « qu'après 11 heures » la veille. C'est à la page 1415.

Le sénateur Comeau : La veille veut dire le lendemain de l'adoption du rapport par le comité.

Le sénateur Cools : Par conséquent, vous n'avez pas pu donner au Sénat un préavis de trois heures.

Le sénateur Comeau : C'est exact.

Le sénateur Cools : Je suis curieuse. Si vous n'avez pas pu donner un préavis de trois heures, comment le greffier du Sénat a-t-il pu distribuer aux sénateurs l'avis que vous lui avez fait parvenir? Je sais que je n'ai pas en main le document en question, mais comment le bureau de M. Bélisle a-t-il pu le distribuer aux sénateurs? Vous avez déclaré ne pas avoir été capable de donner un préavis de trois heures. Lors de votre intervention du 28 mai, qui se trouve à la page 1415, vous avez dit : « Permettez-moi d'abord de préciser que les événements en question ne m'ont été communiqués qu'après 11 heures hier matin [...] ». Par conséquent, vous n'avez pas pu respecter le délai de trois heures avant le début des travaux du Sénat. Vous n'avez pas pu respecter le délai la veille. Vous avez voulu dire que vous n'aviez pas pu soulever la question la veille. Est-ce bien exact?

Le sénateur Comeau : Permettez-moi de préciser la chronologie.

Le sénateur Cools : Je vais vous prêter ma copie. Vous trouverez le passage dans les paragraphes 1 et 2 de votre intervention.

Le sénateur Comeau : C'était le 28 mai.

Le sénateur Cools : Oui.

Le sénateur Comeau : C'était le jour de mon intervention.

Le sénateur Cools : C'est bien cela.

Le sénateur Comeau : J'ai découvert le problème la veille, le 27 mai, à 11 heures.

Le sénateur Cools : Et alors, comme il faut donner un préavis de trois heures, il était trop tard. Est-ce bien ce que vous essayez de dire?

Le sénateur Comeau : Le problème concernait un rapport qui avait été distribué le 26 mai. Quelle est votre question?

Le sénateur Cools : À lire le compte rendu des débats, on a l'impression que vous n'avez pas été capable de donner le préavis de trois heures le 28 mai.

Le sénateur Comeau : En fait, je parle du 27 mai. C'est ce jour-là que je n'ai pas pu donner le préavis de trois heures.

Le sénateur Cools : Mais, le compte rendu donne l'impression que c'est le 28 que vous n'avez pas pu donner le préavis. Quoi qu'il en soit, vous avez bel et bien pu donner le préavis de trois heures comme il se doit. Merci. J'ai la réponse à ma question.

Monsieur le président, à moins que le comité veuille passer six mois à discuter de la question, il est important d'en préciser les contours au fur et à mesure.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Cools. J'allais justement revenir aux contours de la question à étudier. Le sénateur McCoy a invoqué le Règlement dans le cours de nos délibérations. Nous devons donc établir si la discussion s'inscrit bel et bien dans les limites de la question de privilège dont l'étude a été confiée au comité.

Il me semble que les limites sont respectées, mais le comité va devoir en décider.

Le sénateur Cools : Sénateur McCoy, vous avez invoqué brillamment le Règlement, mais votre intervention a été très courte. Vous pourriez peut-être nous en dire plus long.

Le sénateur McCoy : Il me semble que la question qui est soumise au comité est celle qui se trouve à la page 2 des notes du greffier.

D'autres questions ont été soulevées aujourd'hui qui sont totalement nouvelles et qui dépassent le cadre de la question soumise au comité. J'essaie de comprendre le contexte, comme l'a dit le sénateur Fraser. J'essaie de voir quelles questions font partie du contexte, sans perdre de vue qu'en soulevant une question de privilège, on allègue fondamentalement et concrètement qu'un parlementaire s'est vu empêcher de s'acquitter de son devoir.

Comme on le dit en anglais et dans la loi, c'est en substance ce que nous sommes en train de faire : nous sommes en train d'investiguer. Nous devons par conséquent nous concentrer sur l'incident faisant l'objet de la plainte et sur les éléments du devoir de sénateur dont on n'a pas pu s'acquitter. J'essaie de circonscrire le sujet, et je crois qu'on a aujourd'hui introduit dans la discussion certaines questions non pertinentes.

J'espère que ces précisions pourront être utiles.

Le sénateur Cools : Je voudrais parler du recours au Règlement lorsque ce sera possible.

Le président : Allez-y.

Le sénateur Cools : Est-ce que quelqu'un voudrait prendre la parole en premier? Allez-y.

Le sénateur Cordy : Je voulais vous entendre en premier, sénateur Cools. Je ne suis pas avocate, mais j'étais, moi aussi, en train de sentir la confusion s'installer, vu le nombre de questions soulevées.

Je crois que nous devrions traiter du sujet qui est décrit dans la lettre adressée à M. Bélisle, c'est-à-dire du rapport préliminaire. Nombre d'autres questions n'ont été portées à la connaissance du comité qu'aujourd'hui. Ce sont des questions nouvelles.

Ces questions nous donnent matière à réflexion, mais nous ne devons pas perdre de vue la question principale à régler, soit le rapport préliminaire qu'a examiné le comité de la défense.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, si je comprends bien, nos travaux actuels résultent d'un ordre de renvoi du Sénat, et la motion dans laquelle est contenu cet ordre n'est pas tout à fait claire.

Néanmoins, l'avis est limpide. Nous délibérons actuellement en vertu de l'article 43 du Règlement du Sénat et aussi en vertu de l'article 44, puisque la question de privilège a été jugée fondée.

Nous ne pouvons pas ratisser aussi large que nous le croyons. L'ordre de renvoi du Sénat nous dit ce que nous devons examiner. Voici ce que déclare le sénateur Comeau lorsqu'il présente sa motion le 29 mai, que l'on trouve à la page 1429 des Débats du Sénat :

Honorables sénateurs, étant donné la décision de Son Honneur le Président, je propose que cette question de privilège soit renvoyée au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.

La question doit être celle qui est contenue dans l'avis du sénateur Comeau, qu'il a lu devant le Sénat au départ. Pour les besoins du recours au Règlement dont il est question actuellement, je voudrais lire cet avis à mon tour. Je prends le texte dans le compte rendu des débats du Sénat. C'est le sénateur Comeau qui parle, et nous sommes le 28 mai :

Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 43(7) du Règlement, je donne avis que je soulèverai une question de privilège.

Plus tôt aujourd'hui, conformément au paragraphe 43(3) du Règlement, j'ai donné un préavis écrit de la question au greffier du Sénat sous la forme de la lettre suivante :

Monsieur Bélisle,

Conformément à l'article 43 du Règlement du Sénat du Canada, je donne avis que plus tard aujourd'hui j'entends soulever une question de privilège touchant les délibérations du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense lors de la réunion du 26 mai 2008.

Je fais référence à l'adoption, par ce comité, d'un rapport préliminaire mis à la disposition des sénateurs dans seulement l'une des deux langues officielles du Canada. Il s'agit selon moi d'un affront au caractère bilingue du Sénat.

Veuillez recevoir, monsieur Bélisle, l'assurance de mes sentiments respectueux.

L'honorable Gerald J. Comeau

Honorables sénateurs, la question qui nous est soumise ne représente qu'une petite partie de ce dont le sénateur Comeau vient de parler. Nous pouvons considérer tout ce qu'il dit pour éclairer nos lanternes peut-être, mais la question qui nous est soumise, honorables sénateurs, consiste à déterminer si l'adoption du rapport préliminaire par le comité constitue une atteinte aux privilèges du sénateur. La question qu'on nous a demandé d'étudier est remarquablement pointue.

Le président : Merci, sénateur Cools.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Lorsque le Président du Sénat a pris sa décision, il ne l'a pas fait sur la force de l'avis qu'il avait reçu. L'avis est envoyé au Président pour signifier que l'on désire soulever une question de privilège. Cet avis n'a pas plus de force que ce qu'il constitue en soi, c'est-à-dire un avis. La personne qui envoie cet avis fait sa présentation au Sénat. Tous les sénateurs peuvent s'exprimer sur la question ou s'objecter. Le Président décide, en se basant sur ce qui lui a été présenté, si la question mérite d'être considérée plus longuement et s'il y a matière, à première vue, de la traiter comme une question de privilège. Par la suite, le Président entend une motion de la personne qui a soulevé la question pour connaître le remède proposé. Dans ce cas-ci, le remède a été de renvoyer la question au comité.

Je crois que ce qui a été dit au Sénat dans le but d'influencer la décision du Président, à savoir s'il y a ou non, à première vue, une question de privilège, doit être considéré. Ce sont ces propos qui ont motivé le Président à décider que, à première vue, il existait matière à considération. Je crois qu'on ne doit pas uniquement se fier à l'avis, car l'avis n'est en soit qu'un avis.

Le sénateur Corbin : Monsieur le président, j'aimerais obtenir une copie de ce rapport afin de pouvoir porter un jugement global sur les événements qui se sont déroulés.

D'autre part, on nous a remis ce matin une foule de documents. On a cité plusieurs précédents, nous avons entendu deux témoins. J'aimerais avoir le temps de lire le compte rendu des délibérations de ce comité jusqu'à 19 heures afin de pouvoir commencer à faire des distinctions sur l'orientation future du travail de ce comité eu égard à cette question spécifique.

Beaucoup d'information nous a été fournie. J'aimerais avoir le temps de la traiter. Je constate que nous nous dirigeons dans un sens et dans l'autre. Quelqu'un a dit tout à l'heure qu'on pourrait passer beaucoup de temps à délibérer sur le bien-fondé de cette question. Je crois qu'il est important de comprendre et que nous soyons saisis des données fondamentales de la loi et de la pratique du Sénat et du Parlement canadien en la matière.

J'aimerais rappeler au comité que, pas plus tard que la semaine dernière — et je regrette de ne pas avoir au bout des doigts la citation de l'événement particulier — , quelqu'un a présenté au Sénat une motion rédigée en langue anglaise seulement. Les autres sénateurs n'ont pas eu la version française de cette motion. La présidence a mis la question aux voix dans la langue d'origine seulement. Bien souvent, pour des raisons d'expédiant lorsqu'on manque de temps, ou pour d'autres raisons, des accommodements sont fait au Sénat ou devraient l'être. Or, ces pratiques ne sont pas toujours respectées, loin de là. Je me suis presque levé quand cet incident a eu lieu, mais j'ai décidé de m'abstenir pour cette fois car ce n'est pas la première ni la dernière fois que de tels événements auront lieu.

Nous avons à notre disposition le service d'interprétation simultanée, et certains peuvent s'en satisfaire. Toutefois, même au Sénat, je constate un manque à la pratique rigide exigée en vertu de la Loi sur les langues officielles.

Cela dit, pourrait-on ajourner nos travaux? Je suis entre les mains des autres membres du comité, à moins qu'il y ait des questions absolument urgentes.

Le sénateur Fraser : J'aimerais clarifier les témoignages avant d'ajourner, et j'attends depuis 40 minutes pour le faire.

Le sénateur Corbin : Ne vous énervez pas. C'est ce que je viens de dire, et je respecte vos droits. Ce n'est qu'une suggestion personnelle. Si certains sont confortables avec tout ce qui nous a été dit ce matin, tant mieux. Pour ma part, je ne le suis pas.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, sénateur Corbin. Je pense qu'il s'agit d'une réflexion utile.

Le sénateur Fraser : Je ne souhaite pas parler du recours au Règlement, monsieur le président. J'attends depuis un instant pour pouvoir poser mes questions. Puis-je y aller?

Le sénateur Cools : La discussion porte actuellement sur le recours au Règlement, qui peut déterminer...

Le sénateur Fraser : Avez-vous pris une décision sur le recours au Règlement?

Le sénateur Cools : Non, et il doit trancher. Il ne peut pas tout simplement escamoter le recours. Il nous faut la décision avant de passer à autre chose.

Le président : En ce qui me concerne, je ne pense pas que le Règlement ait été enfreint. Cependant, je voulais entendre d'autres points de vue. Je dirais maintenant que la discussion est conforme au Règlement.

Le sénateur Fraser : Merci, monsieur le président.

Je reviens aux témoignages intéressants des sénateurs Comeau et Kenny. Sénateur Comeau, vous avez parlé d'un document que vous avez reçu longtemps avant. Je ne parle pas du document qui a été distribué ici, ni de la dernière traduction officielle du rapport.

Vous avez dit avoir reçu une version antérieure du rapport avec des différences substantielles entre les versions anglaise et française. J'ai remarqué que, dans la version anglaise, la partie 4 avait près de 30 pages alors qu'elle n'avait que trois pages dans la version française. De plus, il n'y avait pas de conclusion dans la version française alors qu'il y en avait une dans la version anglaise. À mes yeux, il s'agit bel et bien de différences substantielles.

Vous avez probablement déjà répondu à ma question, mais je voudrais être certaine de bien comprendre exactement ce qui s'est passé. Selon vous, est-ce bien la version française comportant ces différences qui se trouvait dans la salle lorsque le rapport a été adopté par le comité?

Le sénateur Comeau : Oui.

Le sénateur Fraser : Quand avez-vous obtenu cette version?

Le sénateur Comeau : Je l'ai reçue le 27 mai.

Le sénateur Fraser : Le 27 mai?

Le sénateur Comeau : Le comité a adopté la version anglaise du rapport le 26 mai. Puis, le 27 mai, j'ai demandé la version française du rapport.

Le sénateur Fraser : Et vous avez alors reçu la version comportant des différences?

Le sénateur Comeau : J'ai reçu la version anglaise et la version française.

Le sénateur Fraser : Monsieur le président, je voudrais que ces documents soient reproduits et distribués au comité. Il me semble qu'il s'agit du cœur du problème que nous sommes en train d'étudier.

Sénateur Kenny, pensez-vous que la version française du rapport dont je viens de discuter avec le sénateur Comeau est bien la version qui se trouvait dans la salle au moment où vous avez demandé s'il s'y trouvait une version française?

Le sénateur Kenny : Je n'en ai pas la moindre idée.

Le sénateur Fraser : Vous n'en avez pas la moindre idée.

Le sénateur Kenny : Je n'ai pas demandé à voir la version de mes propres yeux. Je ne l'ai pas vue. Je dois avouer que, pendant la durée de la préparation du rapport, je n'ai jamais demandé d'en voir la version française. J'ai tenu pour acquis qu'à mesure que l'on progressait, la traduction se faisait.

Comme je l'ai dit auparavant, le comité se réunit une fois par semaine, et il y a sept jours pour faire la traduction. Comme personne n'avait demandé la version française, le problème ne s'était pas manifesté. J'ai posé la question par simple formalité avant de mettre la motion aux voix, puis le vote a eu lieu et le rapport a été adopté à l'unanimité. Comme l'a indiqué Heather Lanks, le comité a consenti en même temps à ce que des corrections mineures puissent être apportées au rapport par la suite, pourvu qu'il ne soit pas modifié en substance.

Je dois préciser en toute honnêteté qu'à ce moment, j'étais bien conscient que les modifications apportées au rapport pendant les quatre heures précédentes ne pouvaient pas avoir été apportées également à la version française. On n'aurait pas eu le temps d'effectuer cette mise à jour. Je me suis dit qu'elle serait effectuée par la suite et que c'était normal.

Si, à un moment ou un autre de la réunion, quelqu'un avait comparé les deux versions et y avait examiné, par exemple, la formulation des recommandations, l'issue de la réunion n'aurait pas du tout été la même. Soit on aurait obtenu une version satisfaisante du rapport, soit on aurait interrompu les travaux. Les deux options auraient été acceptables pour le comité et auraient été conformes aux règles sur les langues officielles.

Mais, comme personne n'a pris le temps d'effectuer une comparaison, le comité a poursuivi ses travaux. Je crois que tous les membres du comité étaient d'avis que leurs droits étaient respectés.

Le sénateur Fraser : Si je puis me permettre, j'aimerais savoir si c'est au cours de la dernière réunion, juste avant l'adoption du rapport, que le comité s'est entendu sur les conclusions ou sur l'expansion de la partie 4, par rapport à la version précédente, ce qui a fait passer le nombre de pages de trois à presque trente.

Le sénateur Kenny : Le comité a examiné le rapport en suivant l'ordre des pages, du début à la fin. Je n'en suis pas certain, mais je dirais que la plupart des modifications apportées lors de la dernière réunion concernaient la dernière partie du rapport, et non les parties précédentes. Il peut arriver que le comité étudie des rapports un chapitre à la fois, mais, si je me souviens bien, nous avons procédé cette fois en suivant l'ordre des pages.

Je tiens simplement à dire que, si une personne avait voulu comparer les deux versions, les sénateurs intéressés auraient reçu la version française. Puis, si quelqu'un avait relevé des différences entre les versions française et anglaise, le comité aurait interrompu ses travaux jusqu'au moment où l'on aurait remédié au problème.

Cependant, comme personne n'a jamais demandé à faire cette comparaison, nous avons poursuivi nos travaux et nous avons employé la phrase générique pour accorder au comité directeur l'autorisation d'apporter les dernières corrections au rapport, pourvu qu'il n'y ait pas de modification substantielle.

Le sénateur Fraser : Pourriez-vous donner au comité la phrase générique employée par le comité lorsqu'il a adopté le rapport?

Le sénateur Kenny : Je ne l'ai pas sous la main, mais je suis certain que la greffière l'aurait.

Le sénateur Fraser : Pourriez-vous veiller à ce qu'on nous la remette?

Monsieur le président, je voudrais faire une demande dans la même veine que celle du sénateur Corbin, qui souhaite qu'on approfondisse la réflexion. Voici ce qui me trotte dans la tête et qui nécessitera probablement un éclairage supplémentaire de la part de M. Audcent et peut-être aussi de la part d'autres personnes. Je ne suis pas sûre.

Les rapports doivent être adoptés dans les deux langues officielles, puis ils peuvent être déposés au Sénat. Il arrive souvent qu'on demande au Sénat d'adopter les rapports tels que produits par le comité. L'adoption d'un rapport est une décision sérieuse, voir solennelle. Elle se trouve au cœur de nos responsabilités. Il me semble qu'après l'étude des projets de loi, l'adoption des rapports est notre responsabilité la plus importante.

Par conséquent, je me demande si la version française du rapport qui se trouvait alors devant le comité était assez différente de la version anglaise, du point de vue grammatical, pour constituer, si vous voulez, une atteinte aux privilèges propre à invalider l'adoption du rapport. N'oublions pas que les deux langues ont le même statut et qu'on a le droit de s'appuyer sur l'une ou l'autre des deux versions d'une loi, d'un rapport, d'un procès-verbal, d'un compte rendu ou d'un autre document officiel.

À la limite, par exemple, on pourrait affirmer que le comité a voté pour l'adoption d'une version française qui n'avait même pas de conclusion, ce qui ne manquerait pas de soulever des interrogations. J'hésite. Je ne sais pas où se situe la ligne de démarcation, mais je pense que nous arrivons là au cœur du problème.

Nous connaissons tous la procédure permettant à un comité d'autoriser son comité directeur à effectuer les dernières petites corrections dans les deux langues. Il peut s'agir de ponctuation, de grammaire ou d'une vérification de la dernière traduction pour s'assurer qu'elle correspond à la version sur laquelle le comité a travaillé, dans une langue. Cependant, il s'agit alors de corrections qui ne changent pas le rapport en substance, et non de modifications importantes.

D'après ce que nous a dit le sénateur Comeau aujourd'hui, il s'agit de modifications importantes. J'aimerais obtenir des avis juridiques supplémentaires. Le légiste est sûrement sur le point de m'égorger, mais j'ai vraiment besoin de ses conseils.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Fraser. Vous aurez ce que vous demandez. Vous avez également demandé certains documents quand vous avez pris la parole précédemment. Auriez-vous l'obligeance de présenter une motion à cet effet?

Le sénateur Cools : Monsieur le président, ce n'est pas nécessaire. Le renvoi du Sénat équivaut à un ordre exigeant du comité qu'il fournisse toute la documentation pertinente à ses membres. Je m'attendais à avoir des exemplaires du rapport en question ainsi que des copies des transcriptions des délibérations du comité. Il a ainsi été ordonné au Sénat. C'est de cela dont nous sommes saisis. Tant mieux si quelqu'un veut faire le travail qu'a fait le Sénat, mais en réalité, les membres du comité ne sont pas tenus de présenter de motion. Nous devrions déjà disposer de ces documents.

Le président : Sénateur Cools, il est très difficile de savoir exactement ce qui est nécessaire pour la production de documents. C'est une entreprise très complexe.

Le sénateur Cools : En effet.

Le président : Je vous serais reconnaissant de bien vouloir simplifier ma tâche de président en présentant une motion pour la production des documents que demande le sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser : Monsieur le président, avant de présenter ma motion — que je vais devoir improviser; d'ailleurs, peut-être que le sénateur Corbin pourrait la traduire pour moi...

Le sénateur Cools : C'est justement là le problème.

Le sénateur Fraser : Je propose que le comité obtienne des copies des documents suivants : La déclaration initiale du sénateur Comeau — je pensais qu'il avait plus de renseignements que ceux qu'il nous a lus au sujet des divergences qui existent, selon lui, entre l'ébauche finale de la version française et la version anglaise; l'ébauche de la version française du rapport dont disposaient les membres du comité à l'étape de l'étude article par article; si possible, l'ébauche de la version anglaise du rapport dont disposaient les membres au début de la réunion; et la déclaration de M. Audcent, qui contient de nombreux points de droit. Il serait plus facile de lire la déclaration si nous en avions un exemplaire, sénateur Cools.

Le sénateur Cools : Le comité est censé mettre ces documents à notre disposition automatiquement.

Le sénateur Fraser : À l'ordre. Libre à vous de voter contre la motion.

Le sénateur Cools : Je ne voterai pas contre la motion. Je dis simplement que le comité est censé mettre des copies des transcriptions à notre disposition dès la première réunion.

Le sénateur Fraser : Enfin, une copie de la partie, ou des parties, de l'étude article par article, par le comité de la défense, dans lequel on a discuté de la version française du rapport et de sa disponibilité, et une copie de la disposition générique dont a parlé le sénateur Kenny.

[Français]

Et, en français :

Je propose que le comité obtienne le...

Vous acceptez de faire foi à la traduction?

Le sénateur Corbin : Nous n'avons rien contre.

Le sénateur Fraser : Excellent. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, sénateur Fraser. Allons-nous débattre de la motion?

Le sénateur Cools : Je suis désolée, mais il se peut que des sénateurs souhaitent proposer des amendements à la motion. L'insouciance est devenue chose courante ici. J'aimerais également proposer un amendement pour demander d'autres documents, si vous me le permettez, notamment : la déclaration du sénateur Comeau dans laquelle il parle des divergences qu'il a remarquées. Peut-être pourrait-il mettre à notre disposition un recueil des divergences qu'il a observées.

De plus, puisque nous devrions automatiquement disposer des déclarations de M. Audcent, pourrions-nous demander au greffier du comité, ou peut-être à la Bibliothèque du Parlement, de nous faire parvenir des copies de la jurisprudence, de tous les documents pertinents? Autrement dit, j'aimerais que nous ayons non seulement les transcriptions des déclarations de M. Audcent et les citations qu'il nous a fournies, mais aussi les documents originaux eux-mêmes. Si mes collègues sont disposés à accepter mon amendement, tant mieux.

Le sénateur McCoy : J'aimerais demander une précision. Nous obtiendrons ces documents. Demandez-vous que nous suspendions nos travaux jusqu'à ce que nous disposions des documents demandés? C'est bien cela?

Le président : Je pense que oui.

Le sénateur Fraser : Je suppose que oui.

Le président : Sénateurs, êtes-vous prêts pour le vote sur l'amendement? Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui

Des voix : Oui.

Le président : Êtes-vous prêts pour le vote sur la motion amendée?

Le sénateur Corbin : Allez-y. J'aimerais invoquer le Règlement après le vote.

Le président : Êtes-vous prêts pour le vote sur la motion amendée?

Des voix : D'accord.

Le président : Adoptée, parfait.

Sénateur Corbin?

Le sénateur Corbin : Le sénateur Comeau a donné à un adjoint au comité une liasse de documents il y a environ cinq minutes. Il ne l'a pas fait officiellement. J'ignore ce que sont ces documents. Le greffier les a maintenant en sa possession. Pourrions-nous savoir ce que sont ces documents?

Le sénateur Comeau : Vous permettez?

Le président : Je vous en prie.

Le sénateur Comeau : Plus tôt, on a demandé, de façon non officielle, que je produise les versions anglaise et française du rapport, et je les ai produites. J'aimerais maintenant le faire de façon plus officielle.

Les documents que j'ai donnés au greffier sont les deux documents en question : la version anglaise du rapport, adoptée le 26 mai, et la version française du 26 mai. Ce sont les deux documents que j'ai reçus le 27 mai suite à ma demande au greffier du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Le greffier peut en attester. Ils nous ont été fournis par le comité ce soir-là.

Je me permets d'ajouter que je fournirai également le recueil des divergences que j'ai observées, dès que je l'aurai fait traduire.

Le sénateur Corbin : Les documents dont parle le sénateur Comeau, sont-ce les rapports qui ont été adoptés, ou bien les documents de travail, les projets de rapport? Je ne suis pas sûr de comprendre.

Le sénateur Comeau : J'ai demandé, le 27 mai, une copie du rapport qui avait été adopté la veille. À ma connaissance — vous voudrez peut-être confirmer cela auprès des greffiers — les documents qu'on m'a fait parvenir sont : la version anglaise du rapport, qui a été adopté, et la version française du rapport qui, je suppose, a été adoptée.

Le sénateur Corbin : Je veux m'assurer qu'il s'agit des mêmes documents qu'a demandés le sénateur Fraser. Il va falloir tirer cela au clair.

Le président : Cela fait un certain temps que le sénateur Joyal a demandé la parole. L'avez-vous demandée en premier? Je m'excuse, sénateur Andreychuk.

Le sénateur Joyal : Si le sénateur Andreychuk a demandé la parole avant moi, je vous prie de la prendre.

Le sénateur Andreychuk : J'aimerais revenir à la question de privilège initiale, j'aimerais donc poser quelques questions afin de déterminer où je me situe.

Sénateur Kenny, vous êtes président depuis un certain temps, vous en n'êtes donc pas à votre premier rapport. Vous en avez produits beaucoup, comme nous le savons tous.

Quand vous obtenez un ordre de renvoi, effectuez votre étude et en venez à la conclusion qu'il est temps de rédiger un rapport, pourrez-vous me dire le processus que vous suivez à partir de ce moment, en tant que président? Suivez- vous toujours le même processus, ou est-ce qu'il varie?

Le sénateur Kenny : Nous avons rédigé 22 rapports depuis la création du comité, et le processus varie en fonction des membres du comité.

Le sénateur Andreychuk : Est-ce le comité directeur qui détermine, soit parce qu'il n'y a plus de témoins à convoquer, soit pour d'autres raisons, qu'il est temps de commencer la rédaction du rapport?

Le sénateur Kenny : Non. Le comité a choisi de confier très peu de décisions au comité directeur, car ses membres préfèrent prendre les décisions collectivement. C'est le comité principal qui détermine la marche à suivre.

Le sénateur Andreychuk : Faites-vous des recommandations, en votre qualité de président? Comment la décision est- elle prise de passer à la rédaction du rapport?

Le sénateur Kenny : Je pose la question, et je recueille les opinions des membres.

Le sénateur Andreychuk : Quand la décision est prise de rédiger un rapport, le comité directeur joue-t-il un rôle dans la rédaction de la première ébauche, ou est-ce que seul le comité principal est concerné? J'aimerais faire suite à ce que vous avez dit. Est-ce le comité directeur ou bien le comité principal qui fait le travail?

Le sénateur Kenny : Le comité principal fait le travail. Normalement, la première réunion consiste à faire le tour de table pour recueillir les observations des membres du comité.

En l'occurrence, par exemple, le comité principal a choisi de permettre à chaque membre, tour à tour, de faire connaître ses opinions et ses observations. Le personnel a soigneusement consigné leurs commentaires et, quelques semaines plus tard, s'est employé à présenter un condensé des opinions des membres au comité principal.

Le sénateur Andreychuk : Le personnel recueille les opinions et en fait un rapport?

Le sénateur Kenny : C'est bien ça.

Le sénateur Andreychuk : Qui voit le rapport en premier? Le comité au complet, ou vous-même?

Le sénateur Kenny : D'habitude, c'est moi. Je travaille avec le personnel et nous rédigeons un rapport qui, selon nous, reflète les opinions des membres du comité. Nous convoquons ensuite le comité, un peu comme aujourd'hui. Les membres du personnel et moi lisons le rapport à voix haute devant les membres du comité. Nous le lisons d'habitude en tranches de trois à cinq pages. Ensuite, nous permettons aux membres du comité de nous parler des trois à cinq pages qui ont été lues. Nous lisons le rapport au complet de cette façon.

Il arrive parfois qu'on décide de revenir en arrière. Il arrive parfois qu'on décide d'éliminer des chapitres au complet. Il arrive parfois que le comité compte d'excellents grammairiens et que nous passions beaucoup de temps à changer des virgules et des points-virgules. Quoi qu'il arrive, chaque mot de chaque version du rapport est étudié par chaque membre du comité avant l'adoption.

J'ajoute également que l'approche est différente quand un francophone siège au comité. Dans ce cas, il y a deux rapports sur la table, un en français et un en anglais. Le rapport est étudié dans les deux langues et toute divergence dans la version française par rapport à l'anglais, ou dans la version anglaise par rapport au français, est signalée. Il nous arrive de tenir ce genre de débat. Cependant, depuis sa création il y a environ huit ans, le comité n'a compté de membres francophones qu'à deux reprises.

Le sénateur Andreychuk : Quand vous lancez ce processus, vous dites que vous ajournez la séance pour rédiger le rapport. Ensuite, vous revenez devant le comité, lui présentez le rapport, et le comité procède à son étude ligne par ligne, ou paragraphe par paragraphe.

Je suppose que vous autorisez la publication du rapport et sa distribution aux membres en prévision de la réunion. Est-ce la version française ou anglaise qui est présentée en premier?

Le sénateur Kenny : Habituellement, les membres préfèrent le lire en entier, ensemble. Ils le voient pour la première fois quand il est lu devant le comité.

Le sénateur Andreychuk : Le rapport est-il donc distribué aux membres du comité à leur arrivée?

Le sénateur Kenny : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Travaillez-vous dans les deux langues officielles, ou seulement dans une langue à moins que quelqu'un demande de voir le rapport dans la deuxième langue?

Le sénateur Kenny : Le personnel sonde les membres pour déterminer la langue dans laquelle ils préfèrent recevoir leurs documents. Ils les reçoivent en anglais, en français, ou dans les deux langues, selon leurs souhaits.

Le sénateur Andreychuk : Qui ordonne au greffier de faire cela?

Le sénateur Kenny : Chaque sénateur indique au greffier sa préférence.

Le sénateur Andreychuk : Vous avez dit que le personnel sonde les membres du comité. Qui ordonne au greffier de procéder au sondage? J'ignore le processus. Je n'ai jamais siégé à un comité qui fonctionne de la sorte.

Le sénateur Kenny : Au début de chaque législature ou de chaque session, je demande aux greffiers de demander aux membres du comité s'ils souhaitent recevoir leurs documents en anglais, en français ou dans les deux langues. C'est une question standard qu'ils posent afin de servir les membres dans la langue de leur choix.

Le sénateur Andreychuk : Croyez-vous donc que c'est le processus établi? Je siège à de nombreux comités, et je n'ai jamais entendu parler d'un tel processus. On ne me demande pas dans quelle langue je préfère recevoir mes documents. Je me demande si c'est propre à votre comité.

Le sénateur Kenny : On m'a toujours demandé ma préférence, à tous les comités auxquels je siège. Je reçois les documents dans la langue de mon choix. C'est la même chose au Sénat : j'indique aux pages la langue de mon choix et ils me donnent les documents dans la langue que j'ai choisie.

Le sénateur Andreychuk : Ne trouvez-vous pas que c'est différent quand il est question d'un rapport déposé au comité que les membres reçoivent dans la langue qui, selon vous, est la langue de leur choix?

Le sénateur Kenny : Ce n'est pas selon moi. C'est la langue qu'ils ont choisie. Ce n'est pas moi qui choisis. Eux, choisissent.

Le sénateur Andreychuk : Nous n'avons aucune preuve, et peut-être que M. Audcent n'a pas touché là-dessus. On me l'a seriné un peu différemment. On m'a dit, chaque fois que j'en ai parlé, que le président et le comité directeur — si un comité directeur a été constitué — sont chargés de produire un rapport et de le distribuer à tous les membres dans les deux langues.

Je veux l'avoir dans la deuxième langue. Cela ne concerne pas seulement les membres francophones. Je veux la version française pour m'assurer qu'elle est conforme à la version anglaise. Nous voulons pouvoir dire que nous n'avons qu'un seul rapport, qui existe dans les deux langues officielles. Je me souviens que le sénateur Corbin, dans un des premiers comités qu'il a présidés il y a 15 ans — bien que je ne m'attende pas à ce qu'il s'en souvienne...

Le sénateur Corbin : Je suis ici depuis 25 ans.

Le sénateur Andreychuk : Et moi, depuis 15 ans. Quoiqu'il en soit, il s'est employé, très diligemment, à s'assurer que les deux versions étaient identiques avant d'autoriser la publication d'un rapport. Si nous étions capables de faire cette détermination au comité, nous la faisions. Si nous en étions incapables, nous demandions à un éditeur ou à un membre de notre personnel de nous en assurer, parce que ce ne sont pas seulement les membres francophones qui veulent être sûrs que nous avons deux versions officielles.

Même si je ne parle qu'une langue, je veux en avoir l'assurance, parce que, si j'ai bien compris l'argument du sénateur Comeau, il est question de privilège; nous avons la responsabilité de nous acquitter de nos fonctions de parlementaires. Une de celles-ci consiste à nous assurer que les règles sont respectées quand nous saisissons un comité d'une affaire. Une de ces règles porte sur les langues officielles.

C'est là où je veux en venir. Je n'ai jamais siégé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. J'y ai peut-être été une fois pour remplacer un membre, mais je n'en ai jamais été membre, je ne connais donc pas la routine qui y est suivie.

Voilà ce que j'essaye de dire. J'aimerais voir le compte rendu du comité, le procès-verbal.

Le président : Je pense qu'il s'agissait d'une réunion à huis clos, n'est-ce pas?

Le sénateur Andreychuk : Oui. Ne pouvons-nous pas cependant les voir si nous le souhaitons?

Le président : Nous pouvons les obtenir si vous présentez une motion en ce sens. Il me faut une motion, cependant. Souhaitez-vous présenter une motion pour obtenir ce document?

Le sénateur Andreychuk : J'attendrai d'entendre ce que les autres ont à dire. Peut-être présenterais-je la motion par la suite.

Vous dites que les membres du comité sont sondés au sujet de la langue de leur choix. Comment le savez-vous? Comment cela se fait-il?

Le sénateur Kenny : Les greffiers ont l'habitude de poser cette question à tous les nouveaux membres du comité, ou encore au début d'une nouvelle session ou d'une nouvelle législature. Habituellement, cela a lieu avant le début de la réunion. On leur demande dans quelle langue ils préfèrent recevoir les documents.

Le sénateur Andreychuk : Cela se fait-il au comité?

Le sénateur Kenny : Non, ce sont les greffiers qui le font, durant leur temps libre. Ils parlent à chacun des membres du comité et leur demandent leur préférence.

Le sénateur Andreychuk : Demandez-vous aux greffiers qu'on vous dise quand cela a eu lieu, ou faites-vous le suivi pour vous assurer que cela a eu lieu? Je suis plutôt curieuse.

Le sénateur Kenny : Ni l'un ni l'autre. Je me rendrais compte, dès la première réunion du comité, qu'un sénateur n'a pas reçu la documentation dans la langue de son choix. Le sénateur en question me ferait savoir qu'il a reçu un document en anglais alors qu'il le préférerait en français, en français alors qu'il le préférerait en anglais, ou encore qu'il aimerait l'avoir dans les deux langues. Il me le ferait savoir.

Personne n'a jamais rien dit de la sorte, à l'exception de l'ancien sénateur Laurier LaPierre. Notre greffier a dû tenir la préférence du sénateur pour acquis et lui donner un document en français. Il a exprimé vivement son mécontentement.

Le sénateur Joyal : J'écoutais attentivement M. Audcent quand il a dit, dans son exposé — nous le verrons dans le compte rendu de la réunion du comité — qu'un rapport doit être déposé dans les deux langues au Sénat. Je ne pense pas que qui que ce soit remette cela en question. Il a également affirmé avec insistance que les versions anglaise et française du rapport doivent être adoptées afin d'être déposées dans les deux langues officielles, ce qui veut dire que les deux versions doivent être adoptées en même temps.

Un comité ne peut décider de travailler uniquement en anglais. Je pèse mes mots. Un comité ne peut décider, parce que tous ses membres sont unilingues, de déroger à la loi. C'est dans la Constitution. Mme Lank a dit que les comités sont maîtres de leurs délibérations, mais un comité ne peut décider de déroger à la Loi sur langues officielles par commodité, parce que tous les membres parlent anglais ou parce qu'ils sont tous unilingues anglais ou français. C'est la loi.

À mon avis, il faudrait bien informer les présidents de comités, quand ils entrent en fonctions, qu'ils sont tenus de s'acquitter d'un bon nombre de leurs obligations juridiques dans les deux langues. Une de celles-ci consiste à adopter les rapports dans les deux langues. Il semble que ce soit la loi, à moins que quelqu'un me dise le contraire.

C'est la loi, cela veut dire qu'il incombe à la présidence, qu'elle soit unilingue français ou anglais, de veiller à ce que les versions anglaise et française soient sur la table en même temps quand le comité passe au vote.

Je suis d'accord avec vous, sénateur, qu'on peut demander au comité directeur d'apporter des modifications au texte, mais le fait de traduire un rapport après qu'il ait été adopté en anglais est plus qu'une simple modification. C'est, selon moi, contraire à la loi.

Je comprends qu'un comité puisse se sentir contraint d'adopter un rapport car le Sénat siège ce jour-là, ou qu'il souhaite terminer un rapport afin de pouvoir attirer l'attention des médias et se faire de la publicité. Je n'ai rien contre cela, mais s'il n'adopte pas les deux versions en même temps, il ne peut continuer.

Je pense que la Direction des comités — et Mme Lank en particulier — devrait sensibiliser les présidents à cette question. Une circulaire devrait être envoyée au président d'un comité lui rappelant qu'il doit adopter son rapport dans les deux langues. Autrement, la loi ne veut plus rien dire.

Comme l'a dit la Cour suprême dans le renvoi du Manitoba, on ne fait que donner un conseil — qu'on suivra seulement si c'est souhaitable et commode — mais ce n'est pas obligatoire. On peut choisir de ne pas appliquer le principe.

La Cour suprême a rendu une décision claire en 1985, dans l'affaire de la Loi sur le Manitoba, quand elle a déclaré que toutes les lois du Manitoba étaient anticonstitutionnelles parce qu'on n'avait pas respecté une obligation constitutionnelle. Il ne s'agissait pas d'un rapport, mais bien de toutes les lois du Manitoba.

C'est très clair. Si un rapport a été adopté dans une seule langue et traduit par la suite, et la traduction n'a pas fait l'objet d'un vote final par les membres, il y a lieu de contester le statut du rapport.

D'après les témoignages que nous avons reçus jusqu'à présent, surtout celui du sénateur Kenny, je ne pense pas que quiconque ait eu de mauvaises intentions. Le comité a décidé de rédiger le rapport en anglais. Les membres ont été sondés au sujet de la langue dans laquelle ils voulaient travailler.

Il serait absolument contraire à l'esprit et à la lettre de la loi si les comités se mettaient à prendre des décisions en fonction de ce qui est plus opportun ou commode. Je ne pense pas qu'on puisse fonctionner de la sorte tout en respectant le principe d'égalité entre les deux langues officielles.

Je comprends que cela risque de poser problème si la présidence est unilingue. Il risque d'être difficile de faire en sorte que les versions anglaise et française sont similaires. Cependant, le président du comité a la responsabilité de veiller à ce que les deux versions soient officielles aux yeux de la loi.

À partir du moment où le Sénat adopte un rapport, les deux versions sont de valeur égale. Une de celles-ci n'est pas la traduction de l'autre. Depuis 40 ans, le ministère de la Justice a maintenu non un service de traduction, mais un service de rédaction afin de respecter l'égalité des deux langues. C'est ce qui s'appelle l'harmonisation.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a adopté des mesures législatives sur cette base. Il y a eu deux telles mesures depuis que j'ai commencé à siéger à ce comité il y a 11 ans.

Madame Lank, il est très important que vous sensibilisiez, par l'entremise de votre direction, les présidents, vice- présidents et greffiers des comités aux situations dans lesquelles l'utilisation des langues officielles n'est pas laissée à leur discrétion.

Le sénateur Cools : Voulez-vous lui en donner l'ordre officiellement?

Le sénateur Joyal : Non, vous comprenez l'objectif.

Il se peut que quelqu'un préfère travailler dans une seule langue, et c'est là que les choses commencent. Pendant un certain temps, le comité peut fonctionner dans une seule langue. Cependant, c'est une telle habitude qui risque de pousser un comité à prendre des décisions dans une seule langue quand, en fait, il devrait le faire dans les deux langues pour respecter le principe de l'égalité entre les deux langues. Le comité doit respecter la loi dans ses délibérations et prises de décisions. C'est là le principe de la chose.

Il y a d'importantes limites au principe voulant que les comités soient maîtres de leurs propres délibérations. Celles- ci sont le respect du principe de l'égalité entre les deux langues. Ce principe est enchâssé dans la loi que nous a citée M. Audcent, et maintenu dans toutes les décisions des cours et des présidents responsables de l'application de cette loi.

L'élément central est la reconnaissance de l'importance de la décision. À titre individuel, tous les sénateurs doivent se demander comment ils appliquent ces principes dans toutes leurs activités quotidiennes, car c'est bien là l'objectif.

En effet, l'objectif est de veiller à ce que nous respections la loi dans toutes nos délibérations. C'est la responsabilité et le devoir qui nous incombent à chacun aux comités. Aucun membre du comité n'est déchargé de cette responsabilité parce qu'il ou elle est unilingue français ou anglais. C'est une responsabilité qui nous incombe à tous dans nos fonctions respectives dans la mesure où nous savons que notre Parlement et le Sénat respectent leur engagement envers l'égalité des langues.

Je ne veux surtout pas offusquer le sénateur Cools. Je m'excuse si j'ai offusqué un mandataire du Parlement. Ce n'était certainement pas mon intention.

L'important élément d'information que nous ont communiqué, ce matin, nos deux conseillers, est d'une importance fondamentale si nous voulons nous comporter convenablement aux comités.

Le président : Nous saisissons très bien votre argument, sénateur Joyal. Nous nous pencherons à nouveau sur les instructions données aux comités et les présenterons après qu'elles aient été acceptées par tous les membres du comité au terme de nos délibérations.

Le sénateur McCoy : J'aimerais poser une question au sénateur Joyal à propos des principes qu'il a énoncés. Comme toujours, il s'est exprimé avec éloquence, et j'apprends quelque chose chaque fois qu'il prend la parole.

J'aimerais lui demander une précision à propos de ce qui suit. Je suis d'accord avec lui sur le fait que les comités doivent adopter une version anglaise et une version française d'un rapport, mais doivent-ils le faire en même temps, et si oui, où cela est-il précisé?

Le sénateur Joyal : Il est sensé, comme l'a dit M. Audcent, de les adopter dans les deux langues afin d'accorder autant d'importance à l'adoption de la version anglaise qu'à l'adoption de la version française. Si on veut s'assurer que les deux versions sont d'importance et de substance égales, elles doivent toutes deux être sur la table quand le rapport est adopté.

Il se peut que vous ne soyez pas en mesure de vous prononcer sur l'une ou l'autre version, mais il incombe au président et au greffier, avec l'aide de la Bibliothèque du Parlement, de faire en sorte que le contenu des deux versions soit identique et que ces versions revêtent la même importance.

Autrement, il reviendrait à travailler dans une seule langue si on s'entend sur l'ébauche en anglais seulement et qu'on la fait traduire, tenant pour acquis que la traduction sera adoptée sans qu'elle ait été lue. Ni vous, ni le comité, n'a été saisi de cette traduction.

Le sénateur McCoy : Je vous remercie pour l'explication.

Le sénateur Andreychuk : Je sais que nous sommes à court de temps, mais j'aimerais faire remarquer au sénateur Joyal qu'il faudrait insister sur les sénateurs, en tant que parlementaires, et non sur les greffiers. J'ignore si c'était officiel ou non, mais on m'a seriné qu'un comité ne peut aller de l'avant si deux rapports n'ont pas été adoptés. J'aimerais tout d'abord savoir si vous avez reçu le rapport dans les deux langues officielles. Cette question concerne le greffier, même si la responsabilité ne lui revient pas directement. Celui-ci a une certaine responsabilité relativement aux langues officielles, mais les comités sont des créations du Sénat, c'est d'ailleurs pourquoi le sénateur Comeau a soulevé une question de privilège, si j'ai bien compris. Il a soulevé une question de privilège à titre individuel suite à quelque chose qui s'est passé au comité. En tant que membre du comité il peut exiger des comptes quant à ce qui se passe aux comités parce qu'il s'agit d'une responsabilité déléguée.

Le sénateur Joyal : Il est membre du comité, comme il l'a indiqué.

Le sénateur Andreychuk : Il est membre d'office, en effet. Cela contribue à la gravité de la chose. Nous devrions faire le ménage dans notre enceinte avant d'envoyer des instructions au greffier.

Le sénateur Cools : Je vais faire fond sur ce qu'a dit le sénateur Andreychuk à propos de la nécessité de s'entendre clairement sur ce que nous voulons avant d'envoyer des instructions au personnel. Au risque de choquer mes collègues, j'ai siégé à des comités qui ont adopté les versions anglaise et française de rapports à différents moments. Je rappelle aux honorables sénateurs que la plupart des sénateurs semblent avoir oublié que c'est le président d'un comité qui rédige le rapport. J'ai siégé à de nombreux comités dont le président a travaillé sans relâche à l'élaboration d'un rapport, en collaboration avec les membres, avant de faire traduire quoi que ce soit. Il faut donner une certaine marge de manoeuvre aux présidents.

L'important, c'est que le même rapport soit adopté en anglais et en français. Comprenons bien ce dont il est question. Peut-être sommes-nous plus habitué aux tendances actuelles, qui ne sont pas toujours conformes aux pratiques établies. Souvenons-nous que de nombreux présidents rédigent des rapports. J'ai collaboré avec de nombreux présidents à la rédaction de nombreux rapports. Nous nous en souvenons, sénateur Corbin, tout comme ceux qui ont la mémoire longue.

Il faut que les sénateurs puissent avoir une certaine marge de manoeuvre sans enfreindre la loi. On n'a pas enfreint la loi si un président de comité s'évertue pendant des jours, des semaines, à rédiger dans sa langue, l'anglais ou le français, un rapport qu'il présente au comité et qui est traduit après que les membres se soient entendus sur une version finale. Il m'est souvent arrivé de participer à des rapports dont le président a confié des parties entières aux membres. Tâchons de ne pas réagir avec trop de surprise ou d'anxiété. Nous établirons les pratiques exemplaires à mesure que nous avançons.

Monsieur le président, vous vous souviendrez d'une réunion du comité il y a quelques mois, en octobre si je me souviens bien, pendant laquelle on m'a encouragé, forcé, même, à adopter un rapport afin qu'il soit renvoyé ailleurs. J'ai dit — et cela figure dans le compte rendu — que je voulais aviser les membres du comité que je ne me prononçais pas sur des rapports finaux à moins d'en avoir une copie en main, pour éviter de bien fâcheuses situations, dont j'ai beaucoup d'exemples.

Peut-être que ce rapport de comité aura des conséquences positives, parce qu'à mon avis, il n'y eu aucune atteinte au privilège. Les sénateurs et comités du Sénat aborderont peut-être les rapports avec un peu plus de sérieux, et respecteront un peu plus les pratiques et procédures. Par exemple, de nombreux comités n'adoptent plus de projets de loi en entier et ne font pas d'étude article par article. Vient s'ajouter à ce phénomène-là la qualité décroissante des délibérations. Monsieur le président, peut-être pourrons-nous en profiter pour nous pencher là-dessus.

Le sénateur Andreychuk : Recevrons-nous les procès-verbaux des réunions du comité, y compris des réunions à huis clos?

Le président : Il faut que vous présentiez une motion à cet effet.

Le sénateur Andreychuk : J'en fais la proposition.

Le président : Allons-nous débattre de la motion?

Le sénateur Robichaud : Sommes-nous saisis d'une motion? Je voulais faire suite aux propos du sénateur Cools, parce que je ne voudrais pas que son affirmation selon laquelle la qualité des travaux est décroissante reste incontestée. Le travail des comités auxquels je siège est de très haute qualité.

Le président : Le comité est saisi de la motion du sénateur Andreychuk. Allons-nous en débattre davantage?

Le sénateur Corbin : De quelle motion s'agit-il?

Le président : De la motion voulant mettre les procès-verbaux des réunions à huis clos à la disposition du sénateur Andreychuk. Mes excuses, sénateur McCoy, il s'agit en effet de les mettre à la disposition du comité. Merci, vous les obtiendrez.

Il nous faut une motion d'ajournement, compte tenu de la suggestion du sénateur Corbin que les membres disposent de ces documents afin de pouvoir les étudier pendant l'été. Nous reviendrons à l'automne et tiendrons un débat approfondi sur la question. Cela dit, un sénateur pourrait-il proposer l'ajournement?

Le sénateur Robichaud : J'en fais la proposition.

Le président : Ceux qui sont pour, veuillez l'indiquer. La motion est adoptée.

Je vous souhaite un bel été à tous.

La séance est levée.


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