Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 4 - Témoignages du 2 avril 2009
OTTAWA, le jeudi 2 avril 2009
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier les systèmes de cartes de crédit et de débit au Canada et leurs taux et frais relatifs, particulièrement pour les entreprises et les consommateurs.
Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour à tous. La séance est ouverte. Je rappelle aux témoins et aux sénateurs de garder leurs questions et réponses courtes et de réduire au minimum les commentaires éditoriaux. Nous sommes ici pour nous renseigner et nous n'avons qu'une heure pour entendre nos témoins. Nous essaierons de donner à tous la chance d'intervenir.
[Français]
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se penche ce matin sur les questions relatives aux systèmes de cartes de crédit et de débit au Canada et leurs taux et frais relatifs, particulièrement pour les entreprises et les consommateurs.
[Traduction]
Le comité a été chargé de cette étude après que le Sénat eut adopté une motion à cet effet présentée par notre collègue, le sénateur Ringuette.
Les témoins que nous entendrons au cours de la première heure de la réunion d'aujourd'hui ont un point de vue unique sur la question, puisqu'ils jouent le rôle de traiteurs entre les commerçants et les émetteurs de cartes.
Je vais présenter les sénateurs qui sont présents aujourd'hui. À partir du fond, à gauche, ce sont le sénateur Massicotte, du Québec; le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Fox, du Québec; le sénateur Greene, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Gerstein, de l'Ontario. Je suis Michael Meighen. Je viens de l'Ontario et j'ai l'honneur de présider le comité.
Pendant la première heure de notre réunion, nous entendrons Jim Baumgartner, président et chef de la direction, Moneris Solutions; Fern Glowinsky, vice-présidente principale, avocate et secrétaire générales, Moneris Solutions; et Jeff van Duynhoven, président, Services aux commerçants TD.
Jim Baumgartner, président et chef de la direction, Moneris Solutions : Merci de nous avoir invités à comparaître devant le comité au sujet de l'étude sur le secteur des cartes de crédit et de débit au Canada. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de contribuer à votre étude. Je suis Jim Baumgartner, président et chef de la direction de Moneris Solutions. Fern Glowinsky, vice-présidente principale, avocate et secrétaire générales, m'accompagne.
Moneris Solutions est une entreprise basée au Canada qui offre des services de traitement des paiements. Notre siège social est à Toronto et nous avons des bureaux à Sackville, au Nouveau-Brunswick; à Montréal, au Québec; à Calgary, en Alberta; à Vancouver, en Colombie-Britannique; et aux États-Unis. Nous offrons aux marchands canadiens et américains des solutions de cartes de crédit, de cartes de débit et de cartes-cadeaux depuis décembre 2000. Nous avons plus de 350 000 points de vente au Canada et environ 65 000 aux États-Unis.
Moneris Solutions est une coentreprise de la Banque Royale du Canada et de la Banque de Montréal. Nous offrons nos produits et services directement au marché par l'entremise de divers réseaux de vente. Nous employons environ 1 800 personnes, dont la vaste majorité au Canada. Comme notre segment est souvent l'élément le moins bien compris de l'industrie du crédit et du débit, je vais expliquer brièvement en quoi il consiste.
Premièrement, nous permettons que les commerçants acceptent les paiements électroniques au point de vente en agissant comme intermédiaire entre eux et les clients, que ce soit aux caisses enregistreuses, à une pompe à essence, à un comptoir de service ou sur un site web. Deuxièmement, lorsqu'une carte est glissée — ou insérée s'il s'agit d'une carte à puce — dans le lecteur, nous transmettons la demande d'autorisation à la société qui assure le paiement — Visa, MasterCard ou Interac — et à l'émetteur de la carte, qui renvoie un message d'autorisation que nous transmettons au commerçant au point de vente. Ainsi, le commerçant sait que le client a l'autorisation de faire ce paiement. Une fois que l'opération est autorisée par l'émetteur de la carte, le commerçant termine la transaction avec le titulaire de la carte et nous envoie une fiche de règlement, ce qui nous permet de transférer le montant dans le compte bancaire du commerçant.
La souscription est un aspect important de notre modèle opérationnel, étant donné que nous assumons le risque que le commerçant ne fournisse pas les biens ou les services qui ont été acquittés à l'avance; par exemple, si un titulaire de carte achète un billet d'avion et que la compagnie aérienne fait faillite avant de pouvoir offrir le service, ou dans les cas de fraude ou de non respect des règles établies par les sociétés de services de paiements. Nous produisons également des rapports qui aident les commerçants à surveiller leurs transactions quotidiennes, à rapprocher leurs comptes et à se protéger contre la fraude. Le traitement des cas exceptionnels est aussi un aspect important de nos services; par exemple, l'acheminement des questions posées par les titulaires de cartes et la médiation au nom de nos commerçants en cas de transaction contestée par un titulaire de carte.
Globalement, ces éléments constituent le rôle de l'acquéreur. Le traitement des paiements est bien souvent la dernière interaction entre le commerçant et le consommateur. Il faut donc que cette opération soit aisée, instantanée et toujours possible. Elle est essentielle aux flux monétaires et, par conséquent, le commerçant doit recevoir l'argent où et quand il en a besoin et il faut que les paiements soient assurés. Dans la période d'incertitude économique actuelle, la finalité des paiements enlève un facteur de risque du crédit et élimine la manipulation de grosses sommes d'argent.
L'émetteur joue aussi un rôle de premier plan dans l'intégrité et l'évolution des réseaux de paiement électronique. Avec l'entrée en scène des méthodes de vérification améliorées, comme les cartes à puce, des normes renforcées de sécurité des données, comme la norme PCI, et des nouvelles techniques de lecture des cartes, comme les cartes sans contact, l'émetteur est tenu de mettre à jour son infrastructure, ce qui n'est pas une mince affaire. Ces améliorations coûtent cher et sont très complexes. Nous avons contribué à faire du réseau de paiement électronique du Canada un des plus omniprésents, des plus sûrs et des plus accomplis du monde.
Notre secteur est visé par les responsabilités accrues qui découlent de la compromission éventuelle des données. Quelques cas récents très médiatisés de bris de sécurité aux États-Unis ont mis en évidence la menace bien réelle qui plane sur l'infrastructure numérique du secteur des paiements. Les coûts associés à la sécurité des systèmes de paiement augmentent constamment, au rythme de l'accroissement des menaces de brèches.
Au Canada, le marché du traitement des paiements est fortement concurrentiel. La plupart des grands acquéreurs nord-américains sont actifs au Canada et de gros joueurs entrent régulièrement sur le marché. En fait, le marché Canadien est actuellement dominé par des acquéreurs américains. De plus, il existe un solide marché de revendeurs de services qui offre encore plus de possibilités aux commerçants. Pour garder sa position, notre secteur est forcé d'être très concurrentiel sur le plan des tarifs et de l'innovation. À l'heure actuelle, la croissance du taux d'acceptation des cartes de paiement est à peu près équivalente à ce qu'on observe dans l'économie normale. Il s'agit en fait d'un jeu à somme nulle dans lequel chaque participant s'efforce de répondre le mieux possible aux besoins des commerçants.
Les tarifs sont négociés avec chaque commerçant. Le choix des cartes acceptées relève de chaque commerçant. Accepter les cartes de crédit offre de nombreux avantages pour les commerçants : économie des coûts liés à la manipulation de grosses sommes d'argent; production de rapports; rapprochement des comptes; finalité des paiements; rapidité et débit du traitement au point de vente; augmentation de la satisfaction de la clientèle grâce aux multiples possibilités de paiement.
On a beaucoup parlé de l'interchange. Vous savez sans doute qu'il s'agit d'un montant versé par les acquéreurs aux émetteurs de cartes. Selon notre modèle de fixation des prix, ce montant fait partie de notre coût des produits vendus. Les acquéreurs n'établissent pas les taux d'interchange; ce sont les sociétés de services de paiement qui nous en avisent. Les autres composantes de notre coût des produits vendus sont les montants versés aux sociétés de services de paiement et les coûts liés au fonctionnement de notre infrastructure.
On a abondamment parlé d'ouvrir à la compétition le marché canadien des produits de débit. À titre d'acquéreurs, nous devons investir dans l'infrastructure afin de traiter les produits des émetteurs de cartes. Nous croyons que nos clients vont vouloir accepter les cartes de paiement des consommateurs. Nous devons donc nous doter de la capacité technique, établir et mettre en place des processus commerciaux et renseigner et former nos clients. Les nouveaux produits nous ajoutent un fardeau sur le plan de la compatibilité et de l'usure de nos appareils et de la gestion des cas d'exception.
Nous espérons que notre exposé guidera votre réflexion et répondra à vos questions. Je suis heureux d'avoir pu comparaître devant vous.
Le président : Nous allons écouter, monsieur van Duynhoven, puis nous poserons des questions à qui nous voudrons.
Jeff van Duynhoven, président, Services aux commerçants TD : Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui dans le cadre de votre étude portant sur les systèmes de paiement par cartes au Canada, pour discuter de l'entreprise que je dirige à titre de président des Services aux commerçants TD.
La Banque TD est la seule banque canadienne qui exerce actuellement des activités de banque acquéreur, La raison en est toute simple : nous pensons que ce genre d'activités est une affaire de relations personnelles et nous sommes heureux d'avoir des rapports directs et étroits avec les commerçants et les propriétaires d'entreprises.
Les systèmes de paiement constituent de toute évidence un sujet complexe, mais je suis heureux de pouvoir vous expliquer de mon mieux le processus et de vous préciser le rôle qu'une banque acquéreur joue dans ces systèmes. Il se peut que vous ayez des questions précises concernant d'autres aspects du processus, mais vous aurez l'occasion de les poser aux intervenants concernés qui se présenteront devant le comité.
Comme nous le savons tous, la plupart des détaillants acceptent les cartes de débit et de crédit comme mode de paiement par leurs clients. Ils le font parce qu'il s'agit d'un moyen simple et efficace d'effectuer l'opération, tant pour le commerçant que pour le client. Les détaillants non traditionnels, tels que de nombreuses compagnies de téléphone et de câble et sociétés hydroélectriques, acceptent maintenant les paiements par carte de crédit, en dépit de la disponibilité d'autres méthodes de paiement efficaces comme le paiement des factures par voie électronique ou les paiements directs préautorisés prélevés sur le compte-chèques du client. Il semble évident dans ce cas que l'acceptation de la carte de crédit comme mode de paiement a été dictée par le choix des clients qui recherchent la commodité et par le fait que les commerçants y trouvent leur compte.
Bien sûr, certains commerçants continuent de n'accepter que de l'argent liquide. Vous n'avez qu'à penser aux entreprises de restauration rapide. Mais cela est en train de changer aujourd'hui, puisque de plus en plus de ces entreprises constatent qu'il est avantageux pour elles d'accepter les paiements par cartes de crédit ou de débit, surtout avec l'arrivée des solutions de paiement sans contact qui offrent la promesse d'un règlement plus rapide.
Dans son sens le plus simple, la banque acquéreur vend un service directement aux détaillants canadiens. Nous offrons à nos clients des terminaux de points de vente, c'est-à-dire l'équipement que l'on pose sur le comptoir du commerce, et nous traitons les paiements pour le compte du commerçant. Au chapitre du crédit, si nous prenons l'exemple d'un consommateur qui règle ses achats avec une carte Visa, le caissier ou le commis saisit le montant du paiement et glisse la carte de crédit dans le terminal de point de vente. Le terminal de point de vente transmet ensuite l'opération au moyen de la ligne téléphonique ou d'Internet (selon la configuration du terminal du commerçant) aux Services aux commerçants TD. Nous validons certains paramètres de l'opération et la transmettons ensuite au réseau de carte, en l'occurrence à Visa. Visa achemine l'opération à la banque émettrice afin d'obtenir son autorisation.
La banque émettrice approuve ou rejette l'opération, et donne une réponse à Visa. Visa transmet cette réponse aux Services aux commerçants TD. Le terminal de point de vente indiquera alors si l'opération a été acceptée ou rejetée. Il faut à peine quelques secondes pour effectuer ce processus. Les Services aux commerçants TD doivent en général recevoir le relevé des opérations le jour ouvrable suivant et, à leur tour, ils créditent le commerçant du produit de l'opération. Dans notre cas, nous imputons généralement au commerçant les frais de traitement appropriés à la fin du mois. Nous réglons nos dépenses à partir de ces frais et nous transmettons le montant des commissions d'interchange appropriées à Visa qui, à son tour, le transmet à la banque émettrice.
Les commissions d'interchange varient d'un détaillant à l'autre et dépendent de plusieurs variables, notamment l'industrie du commerçant, la taille de son entreprise, la façon de traiter l'opération et le type de carte présentée aux fins de paiement. Il est important de souligner que les commissions d'interchange sont établies exclusivement par les sociétés de cartes de crédit — Visa, MasterCard — en fonction de certaines variables ayant trait au marché que les représentants de ces sociétés pourront certainement mieux vous expliquer lorsqu'ils se présenteront devant ce comité. Je ne m'étalerai pas sur toutes les étapes du processus de paiement par carte de débit, mais la plupart des aspects fonctionnels sont les mêmes, mise à part le fait que l'autorisation est accordée par une institution financière plutôt que par Visa.
J'ai offert au comité une courte présentation qui, je l'espère, vous aidera à visualiser le processus de paiement et je serais heureux d'en discuter plus en détail si vous le souhaitez.
Dans l'avenir, je suis certain que nous verrons des changements continus dans l'univers des paiements. Les nouvelles fonctionnalités de paiements mobiles et de paiements sans contact n'en sont que deux exemples. Selon toute évidence, de nouveaux venus sur le marché du débit modifieront encore davantage la manière dont les paiements sont traités au Canada. Toutefois, même si des changements seront observés, l'histoire nous a appris que pour être viable, toute innovation doit créer de la valeur pour toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur des paiements, que ce soient les émetteurs, les consommateurs, les commerçants ou les acquéreurs car, sans l'acceptation de toutes les parties concernées, cette innovation sera probablement vouée à l'échec.
Je vous remercie de m'avoir invité et le serais heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur van Duynhoven. Madame Glowinsky, avez-vous quelque chose à ajouter ou bien si on vous garde en réserve pour les questions vraiment corsées?
Fern Glowinsky, vice-présidente principale, avocate et secrétaire générale, Moneris Solutions : Je n'ai rien à ajouter pour l'instant.
Le président : Avant de commencer la période des questions, je vais présenter les sénateurs qui sont arrivés après le début des témoignages : le sénateur Mac Harb, de l'Ontario, à ma droite; le sénateur Wilfred Moore, de la Nouvelle- Écosse; le sénateur Céline Hervieux-Payette, du Québec; le sénateur Yoine Goldstein, notre vice-président, du Québec. De nombreux sénateurs s'intéressent à cet important sujet.
Le sénateur Harb : Merci pour vos présentations. J'aimerais en savoir plus sur l'évolution du marché. Combien y avait-il de joueurs au début? Combien y en a-t-il maintenant? Croyez-vous qu'il y a de la place pour de nouveaux joueurs? Selon que vous souliez ou non que le comité intervienne auprès du gouvernement pour qu'il établisse un mécanisme du type CRTC, grâce auquel n'importe quel joueur a accès au marché en autant que tout le monde comprenne bien les règles du jeu, croyez-vous que la bonne marche à suivre soit la déréglementation ou la réglementation avec un dénominateur commun que tous seraient tenus de respecter?
Hier, le sénateur Fox et moi, ainsi que d'autres collègues, avons demandé pourquoi les gens de votre secteur viennent voir une bande de politiciens comme nous pour nous demander de régler un problème apparent du secteur. Pourquoi les acteurs de l'industrie, c'est-à-dire les émetteurs, les commerçants et les associations de consommateurs qui représentent la population, ne peuvent-ils pas convenir d'un format commun? Pourquoi se tourner vers le gouvernement?
Si vous n'avez pas été en mesure de le faire, voulez-vous que le gouvernement établisse un mécanisme semblable au CRTC et vous dise : « Voici les règles telles que nous les comprenons. Nous allons vous consulter et rédiger un rapport. » Ce rapport proposerait, par exemple, l'établissement d'une norme minimale, semblable au système du CRTC. J'aimerais savoir, et je suis sûr que cela intéresse aussi mes collègues, ce que vous pensez des modalités générales de cette norme éventuelle.
M. Baumgartner : Je vais essayer de répondre, et M. van Duynhoven pourra intervenir par la suite.
La première partie de votre question portait sur les débuts du marché, son évolution au fil du temps, sa compétitivité, et cetera. Vous avez mis le doigt dessus : le marché a changé énormément au fil des ans. Quand nous avons lancé notre entreprise, les services aux commerçants n'étaient pratiquement offerts que par des acquéreurs canadiens. Au début des années 2000, quelques grandes banques ont vendu leurs entreprises à des acquéreurs américains. Certaines autres banques, dont celles qui ont fondé mon entreprise et celle de M. Duynhoven, ont décidé de conserver leur part du marché, car elles le considéraient comme étant stratégique.
Par conséquent, depuis quelques années, la concurrence a augmenté au Canada. Les acquéreurs américains ont une plus grande part du marché. Ce sont nos frais de transaction et le volume d'opérations dans les systèmes qui nous permettent de faire concurrence aux plus gros joueurs du monde, dont la plupart sont maintenant actifs au Canada.
Depuis que notre entreprise existe, un nouvel acteur est entré sur le marché chaque année, en moyenne. De mon point de vue, celui de l'acquéreur, le marché n'a jamais été aussi concurrentiel qu'il ne l'est actuellement.
En ce qui concerne la façon et la difficulté d'entrer sur le marché, la prestation des services en tant que telle ne coûte pas très cher et il y a moyen d'offrir des services en passant par d'autres fournisseurs. Certains acquéreurs, surtout américains, permettent à de plus petites entreprises de revendre leurs services en leur nom. Par conséquent, les commerçants n'ont jamais été exposés à un aussi grand nombre de fournisseurs de services que maintenant.
M. van Duynhoven : Comme M. Baumgartner l'a mentionné, ces autres joueurs, que nous appelons les OCI, les organisations commerciales indépendantes, sont associés à certains de mes concurrents et offrent des services en leur nom, et nos concurrents traitent l'information pour eux.
Au Canada, il y a quatre ou cinq grands acquéreurs. Deux sont représentés ici aujourd'hui. Global Payments et Chase Paymentech sont deux autres gros joueurs. Desjardins, dont des représentants ont déjà comparu devant vous, est aussi un acquéreur sur le marché canadien. Il y a aussi d'autres sociétés américaines qui sont actives sur le marché.
Je suis d'accord avec M. Baumgartner : la concurrence est féroce et notre compétitivité dépend de la valeur que nos clients retirent de nos services. TD considère qu'elle a une relation avec ses clients. Nous sommes fiers que plus de 85 p. 100 des clients qui font affaire avec Services aux commerçants TD fassent aussi affaire avec Services aux entreprises TD.
Donc, si nos services n'offrent aucune valeur à nos clients, ceux-ci vont aller voir ailleurs et, en plus, il est possible qu'ils changent de banque. Il nous incombe donc que nos services offrent une bonne valeur.
Le sénateur Harb : Croyez-vous que le gouvernement devrait envisager un système semblable au CRTC?
M. van Duynhoven : Comme M. Baumgartner l'a dit, c'est un domaine concurrentiel. Je crois que la compétitivité du marché rend les choses équitables pour les commerçants en ce qui concerne les services que leur offrent les acquéreurs.
Le président : Sur le plan de la concurrence, vous avez dit que les nouveaux joueurs entrent dans le marché peuvent offrir leur services à vos clients. Si un de vos commerçants fait affaire avec Visa, par exemple, votre concurrent lui dirait-il : « Vous devriez vraiment faire affaire avec MasterCard », ou plutôt « Nous pouvons vous offrir un service moins cher que celui que vous utilisez actuellement »? Comment attirent-ils la clientèle?
M. van Duynhoven : C'est habituellement le deuxième. Un de nos clients reçoit une visite ou un coup de téléphone, on lui demande combien il paie pour ses services aux commerçants et on lui offre un meilleur prix.
Il se peut que quelqu'un puisse offrir un meilleur prix. Par contre, il se peut que la tarification ne soit pas la même. Il se peut que les prix soient moins transparents.
Le sénateur Goldstein : En quoi consisterait une tarification différente?
M. van Duynhoven : Des prix plus bas, avant tout. Les frais de service aussi. Quand Visa, par exemple — je suis acquéreur pour Visa —, a changé ses taux d'interchange en avril 2008, le nombre de taux différents est passé de deux à 21. Ils sont expliqués sur le site web Visa.ca. Les taux sont divulgués.
Du point de vue de l'acquéreur, nous avons dû changer notre tarification puisque ces taux varient de 1,21 p. 100 à 2 p. 100. Quelqu'un pourrait offrir un meilleur taux de base, mais pour certains autres types d'opérations — il y a maintenant 21 taux différents —, les taux s'additionnent peut-être différemment. Le coût total pour le commerçant n'est peut-être pas le même. Certains commerçants ne s'y retrouvent pas.
Les relevés de TD sont très transparents. Toutes les opérations, par type de carte, y sont énumérées. Donc, si nous avons un taux plus élevé pour les cartes premium, par exemple, nous indiquons clairement le nombre d'opérations, la valeur totale de ces opérations et les coûts y afférents.
Le sénateur Goldstein : Est-ce que les différences ce prix sont fonction de la valeur de chaque opération ou de la nature de la carte — premium ou autre?
M. van Duynhoven : Les deux sont possibles, car notre domaine est fondé sur des marges et des pourcentages. Évidemment, plus le montant de l'opération est élevé, plus les frais sont élevés. Si nous accordons à un commerçant un taux réduit, nous sommes plus disposés à accepter une marge de profit plus mince sur une grosse transaction que sur une petite, puisqu'il y a des frais fixes dont il faut tenir compte.
M. Baumgartner : Il y a aussi d'autres éléments. Il peut y avoir des frais pour les relevés ou pour la location des terminaux. Le coût total est composé d'une multitude d'éléments différents, dont les principaux sont ceux auxquels M. van Duynhoven a fait référence.
Le président : M. van Duynhoven a dit que les commerçants, parfois, ne s'y retrouvent plus. J'irais même jusqu'à dire qu'ils ne sont pas les seuls.
Le sénateur Massicotte : J'ai une autre question. Je crois comprendre que ce sont les gens comme vous qui négocient les frais de location des terminaux. Ce ne sont pas les sociétés de cartes de crédit, comme Visa ou MasterCard, qui s'en chargent, est-ce exact?
M. Baumgartner : Vous avez raison.
Le sénateur Massicotte : Donc, vous négociez avec Visa et les autres pour déterminer combien elles reçoivent et combien les banques reçoivent?
M. Baumgartner : Non. Ces taux sont fixés par Visa et MasterCard. Amex négocie directement les frais avec les commerçants. En moyenne, Amex coûte plus cher.
Le sénateur Massicotte : Donc, les frais sont fixés par Visa et chaque institution bancaire décide quel pourcentage l'émetteur obtient. Ce pourcentage est-il fixe lui aussi?
M. Baumgartner : Ce pourcentage est fixe. L'interchange est un transfert.
Le sénateur Massicotte : Les coûts sont fixes. Tout ce que vous pouvez négocier, c'est vos frais de traitement. Vous prenez les deux autres frais, ajoutez vos frais de traitement, et c'est ce total que vous réclamez des commerçants.
M. Baumgartner : En gros, c'est ça.
Le sénateur Massicotte : Ce ne sont pas Visa et les autres qui traitent avec les commerçants, c'est vous.
M. van Duynhoven : Dans les documents que je vous ai remis, il y a un exemple qui illustre bien la situation. Je crois que c'est le même exemple que le ministère des Finances a donné plus tôt : 2 $ pour une opération de 100 $. Visa ou MasterCard établit le taux d'interchange, soit 1,50 $ dans ce cas précis. C'est ce montant que l'acquéreur reçoit et verse à Visa. Visa le transmet ensuite à l'émetteur approprié, puisqu'elle fait affaire avec de nombreux émetteurs, dont sans doute des émetteurs internationaux.
Le sénateur Massicotte : Quelle partie du montant imputé par Visa est conservée par Visa et quelle partie va à l'émetteur?
M. van Duynhoven : La totalité va à l'émetteur. Visa ne fait aucun profit sur l'interchange. Elle réclame ses frais aux acquéreurs. Nous payons les sociétés de cartes de crédit pour accéder à leur réseau et pour utiliser leur marque de commerce. Elles réclament aussi des frais des émetteurs. Je ne suis pas au courant des proportions, mais elles réclament des frais des deux parties.
Le sénateur Massicotte : Donc, tout ce que l'émetteur établit, ce sont les modalités de son crédit, le taux d'intérêt. Ai- je raison?
M. van Duynhoven : C'est exact. Les caractéristiques et les avantages de la carte elle-même — le taux d'interchange — sont établis par l'émetteur.
Le président : Je vous rappelle qu'une question complémentaire réduit votre temps de parole.
Le sénateur Moore : Pas de problème, je veux intervenir maintenant. Il y a des frais pour les relevés des commerçants et je crois que M. Baumgartner a aussi mentionné des frais de location des terminaux. J'ai bien raison?
M. Baumgartner : Oui.
Le sénateur Moore : Ces frais s'ajoutent au 1,50 $, comme l'indique le document de présentation.
M. Baumgartner : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : Merci d'avoir clarifié cela pour nous.
Il est intéressant de voir que Visa et MasterCard établissent les frais que vous réclamez et que vous signez des contrats avec les petites et moyennes entreprises. Vous serait-il possible de donner un exemple de contrat avec une entreprise?
M. Baumgartner : Certainement, nous serions heureux de vous en fournir un.
M. van Duynhoven : Oui, nous aussi, sans problème.
Le sénateur Ringuette : Merci.
On nous a dit que certaines règles sont indiquées dans les contrats. Par exemple, un commerçant ne peut divulguer le coût d'utilisation d'une carte de crédit ni indiquer un éventuel rabais lié au paiement en espèces. Pouvez-vous confirmer qu'une telle règle existe?
Mme Glowinsky : Je ne parlerai qu'au nom de Moneris Solutions et M. van Duynhoven parlera au nom de Services aux commerçants TD. Aux termes de nos contrats, les commerçants peuvent offrir un rabais aux clients qui souhaitent payer en espèces. Visa et MasterCard, qui aborderont le sujet lorsqu'elles comparaîtront devant le comité, interdisent l'ajout de frais aux clients qui veulent payer avec une carte Visa ou MasterCard.
Le sénateur Ringuette : C'est l'inverse de ce que j'ai dit.
Mme Glowinsky : Elles n'empêchent pas les commerçants d'offrir un rabais aux clients qui paient en espèces.
Le sénateur Ringuette : Vous avez dit que Visa et MasterCard établissent les règles. Vous êtes l'intermédiaire entre Visa et MasterCard et les entreprises. Donc, leurs règles doivent être stipulées dans vos contrats. Est-ce exact?
Mme Glowinsky : Exact.
Le sénateur Ringuette : Vous confirmez donc que les entreprises ne peuvent pas annoncer un rabais pour les paiements en espèces.
Mme Glowinsky : Elles peuvent offrir un rabais pour les paiements en espèces, mais elles ne peuvent pas dire qu'elles vont vous faire payer plus cher si vous réglez vos achats avec Visa ou MasterCard.
Le président : Et est-ce que Services aux commerçants TD fonctionne de la même façon?
M. van Duynhoven : Rien dans nos contrats n'interdit aux commerçants d'offrir un rabais pour les paiements en espèce, ni même d'en faire la promotion. Les commerçants sont libres d'offrir un rabais et de l'annoncer. Nous serions heureux de les compter parmi nos clients.
Le sénateur Ringuette : En ce qui vous concerne.
M. van Duynhoven : Oui, en ce qui concerne Services aux commerçants TD. Je ne parle pas des contrats des autres acquéreurs.
Le sénateur Ringuette : Vous représentez deux des plus gros joueurs du marché canadien. Quelle est votre part actuelle du marché canadien?
M. Baumgartner : Nous faisons affaire avec 34 ou 35 p. 100 des commerçants canadiens.
M. van Duynhoven : Je crois que M. Baumgartner, dans sa présentation, a parlé de quelque 300 000 clients. Nous avons environ 116 000 ou 117 000 clients; nous sommes donc plus petits. M. Baumgartner a une bonne longueur d'avance et nous essayons tous de le rejoindre.
Le président : Donc, ensemble, vous occupez un peu moins de 50 p. 100 du marché.
M. van Duynhoven : Notre part est d'environ 15 à 17 p. 100.
M. Baumgartner : Le deuxième joueur en importance est Global Payments, d'Atlanta, en Georgie.
Le sénateur Massicotte : Quelle est leur part du marché?
M. Baumgartner : Environ 28 p. 100, je crois. Chase Paymentech, de New York, occupe aussi une bonne part.
Le sénateur Moore : Quelle est la part de Chase Paymentech?
M. van Duynhoven : Semblable à la nôtre.
M. Baumgartner : Cela varie.
Le sénateur Goldstein : Appartenez-vous toujours à la Banque de Montréal?
M. Baumgartner : Oui, nous sommes une coentreprise de la Banque Royale du Canada et de la Banque de Montréal.
Le sénateur Ringuette : Services aux commerçants TD appartient à la Banque TD.
M. van Duynhoven : Oui, nous ne sommes pas une personne morale distincte. Nous faisons partie de la Banque TD.
Le sénateur Ringuette : Visa et MasterCard établissent les frais, mais vous percevez ces frais à titre d'émetteur et d'acquéreur.
M. Baumgartner : Dans notre cas, nous sommes une entreprise distincte. Les frais sont établis par Visa et MasterCard, qui se font concurrence pour obtenir la plus grande part des consommateurs. Elles font aussi concurrence à American Express, dont la part du marché canadien est croissante. Ces trois sociétés se disputent la totalité des dépenses réglées par cartes de crédit. Ces frais sont fixes. Nous en transférons une partie aux commerçants.
Le sénateur Ringuette : Dans le cas des cartes de débit, il y a un maillon de moins dans la chaîne. Statistique Canada indique que le coût complet de l'utilisation de la carte de débit, par opération, est de 12 cents, si on tient compte que du seuil de rentabilité. Comment peut-on justifier que le coût de l'utilisation de la carte de crédit, comme Visa et MasterCard, soit de 50 cents par achat de 100 $? Votre rôle n'ajoute qu'une seule étape. Comment justifiez-vous que le coût par opération soit de 12 cents pour la carte de débit et de 50 cents par achat de 100 $ pour la carte de crédit? Pour un achat de 1 000 $, les frais de traitement sont beaucoup plus élevés, mais le processus de traitement est le même.
Comment expliquez-vous cette différence dans les frais de traitement?
M. Baumgartner : Excellente question.
Le sénateur Massicotte : Je précise que les frais sont de 12 cents pour un achat de 100 $ réglé avec une carte de débit. Pour le même achat réglé avec carte de crédit, les frais sont d'environ 2 $.
M. Baumgartner : C'est un peu moins de 2 $ en moyenne.
Le sénateur Massicotte : Voilà l'écart.
M. Baumgartner : Il y a une grande différence entre le traitement des cartes de crédit et des cartes de débit sur le plan des coûts d'infrastructure. Le traitement d'une carte de débit est une opération complète qui ne nécessite que très peu de traitement des exceptions. Par exemple, si vous achetez un billet d'avion avec votre carte de débit, la transaction s'effectue exactement comme vous l'avez décrit et les frais seraient exactement ceux que vous avez dits. Si vous achetez le même billet avec votre carte de crédit, nous devons assurer l'achat. Notre équipe d'assurance vérifie si la compagnie aérienne est solvable et si nous avons besoin d'un fonds de réserve. Il peut y avoir des différends ou de la fraude. Il y a plus de fraude dans le cas des cartes de crédit. Il y a donc plusieurs facteurs sont il faut tenir compte.
Dans le cadre de nos négociations, les commerçants examinent le coût total de l'acceptation des paiements. Ils comparent les cartes de crédit et les cartes de débit, qui sont négociées de concert. Il est rare que nous établissions un taux pour les cartes de crédit et que nous négociions séparément pour les cartes de débit. Les négociations sont habituellement globales.
Le sénateur Ringuette : Y aura-t-il une deuxième ronde de questions?
Le président : Si le temps nous le permet.
Le sénateur Ringuette : Malgré ce que vous dites, la seule étape de plus dans le processus de traitement est Visa et MasterCard.
Vous avez parlé des compagnies aériennes. En Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique, des lois provinciales obligent les compagnies aériennes et les organisateurs de voyages à avoir un fonds de réserve pour protéger les consommateurs. Pourquoi imposez-vous des frais supplémentaires à ces entreprises pour protéger les consommateurs même si des lois provinciales le font déjà?
Je crois comprendre que vous ne payez les entreprises, les agences de voyage ou les compagnies aériennes, que 90 jours après le vol ou le voyage.
M. Baumgartner : Sur le plan du risque, nous aimerions que ce soit le cas. Malheureusement, pour la grande majorité de nos opérations, nous payons soit le jour même, soit le jour suivant.
Mme Glowinsky : Le jour suivant l'opération, pas le voyage.
M. Baumgartner : C'est notre situation. Je crois que d'autres acquéreurs ont d'autres méthodes quant au risque.
Le sénateur Ringuette : On m'a dit que c'était surtout vrai pour Moneris Solutions.
M. Baumgartner : Non, pas du tout. Dans la grande majorité des cas, nous payons le jour même ou le lendemain. Aux États-Unis, le paiement se fait habituellement un jour ou deux plus tard qu'au Canada.
Pour répondre à votre autre question, c'est un domaine où le gouvernement pourrait nous donner un coup de main à certains égards, car les régimes d'assurance dont vous avez parlé protègent bel et bien les titulaires de cartes. Malheureusement, le remboursement nous est imputé. Le système fonctionne ainsi. Si vous achetez un billet d'avion d'un de nos clients au moyen d'une carte Visa ou MasterCard, mais que vous ne recevez pas le service en question, vous allez contester auprès de l'émetteur de la carte. L'émetteur va ensuite refiler la facture à Visa ou MasterCard, qui nous la refilent à leur tour. Puis nous nous adressons au commerçant, mais si personne ne répond, nous assumons la totalité du montant. Nous assumons le montant de l'achat et celui du règlement. Le régime d'assurance est presque un double fardeau pour le secteur du voyage, car les agences sont tenues d'avoir un fonds de réserve pour ce régime et, dans certains cas, les plus petites agences doivent aussi avoir un fonds de réserve pour nous.
Mme Glowinsky : Je veux préciser que, pour les compagnies aériennes, il n'y a aucun régime. Cela ne concerne que les organisateurs de voyages et seulement dans certaines provinces. Comme M. Baumgartner l'a souligné, si l'organisateur de voyage ne peut pas offrir le service et disparaît, il nous incombe de rembourser le montant. Récupérer cet argent n'est pas chose facile. Nous en savons quelque chose. Nous sommes en communication avec les autorités provinciales qui sont en charge de cela, notamment au Québec et en Ontario. Nous aimerions approfondir ce dialogue, étant donné que nous travaillons de près avec le secteur du voyage.
Depuis environ cinq ans, nous tentons de régler ce problème. Nous remboursons l'argent, mais nous n'avons pas accès aux fonds qui sont mis de côté. Nous disons aux commerçants que nous devons trouver une façon de nous protéger, car en fin de compte, c'est nous qui payons ces montants.
M. van Duynhoven : J'aimerais réagir à ce qu'a dit le sénateur Ringuette.
Je veux préciser quelque chose au sujet des frais. Le sénateur a donné l'exemple des frais de 50 cents pour un achat de 100 $ réglé par carte de crédit et de 12 cents pour la carte de débit. En moyenne, les achats réglés par carte de débit s'élèvent à une quarantaine de dollars. Les moyennes fonctionnent. Si on prend des montants égaux, donc si on fait passer l'achat par carte de débit de 40 $ à 100 $, on multiplie les frais par 2,5 et on obtient 30 cents, par opposition à 50 cents pour la carte de crédit. C'est un exemple qui illustre bien ce dont on parle. Comme l'a dit M. Baumgartner, la différence entre la carte de crédit et la carte de débit est le risque de fraude que doit assumer l'acquéreur, ce qui n'existe pas dans le cas du débit.
Il faut faire attention. Si on compare les frais associés à des achats de 40 $, les frais de 50 cents passent à 20 cents, comparativement à 12 cents pour l'achat moyen par carte de débit, qui est de 40 $. Il faut comparer des pommes avec des pommes.
Le sénateur Ringuette : C'est pourtant ce que nous avons fait, car pour un achat de 100 $ réglé par carte de crédit, comme dans l'exemple donné par le ministère des Finances, les frais imputés au commerçant sont de 2 $. Pourtant, pour le même achat réglé par carte de débit, les frais seraient probablement de 12 cents.
Comment expliquez-vous cette énorme différence? Excusez-moi, monsieur le président, je pourrais parler de ce sujet pendant des jours.
Le sénateur Massicotte : Je suis un peu perdu.
Je pensais que les frais moyens pour les opérations par carte de débit étaient de 12 cents et que les frais moyens pour les cartes de crédit étaient de près de 2 p. 100, peu importe que le montant de l'achat soit de 40 $ ou de 100 $. Vous semblez dire que ce n'est pas le cas.
M. van Duynhoven : J'essayais d'expliquer quels seraient les frais pour un achat de 40 $ par carte de crédit.
Le sénateur Massicotte : Les frais seraient de 80 cents dans un cas et de 12 cents dans l'autre.
M. van Duynhoven : Oui, mais je ne parlais que de la portion de l'acquéreur.
Le sénateur Massicotte : Ça va, je comprends ce que vous dites.
M. van Duynhoven : Je suis conscient des frais pour les commerçants, mais l'acquéreur ne décide que d'une partie.
Le sénateur Massicotte : Je comprends, vous ne parlez que de votre portion.
M. van Duynhoven : Oui, il n'y a que cela que nous pouvons établir.
Le sénateur Massicotte : Je comprends. Donc, le résumé du sénateur Ringuette est probablement exact.
Cela dit, vous nous avez expliqué longuement pourquoi les frais liés aux cartes de crédit et aux cartes de débit varient : c'est à cause des remboursements, de la fraude ou des effets contrepassés. Le titulaire d'une carte de crédit a 30 jours pour déclarer qu'il n'a pas acheté tel ou tel produit ou service. Est-ce que la valeur de ces effets contrepassés, si c'est le bon terme, est très élevée? Quel en est le coût annuel, dans votre cas?
M. Baumgartner : Dans notre cas, des millions de dollars.
Le sénateur Massicotte : Combien de millions?
Mme Glowinsky : Cela dépend du nombre de cas d'insolvabilité. Si, une année, l'insolvabilité est grande, le montant sera beaucoup plus élevé.
Le sénateur Massicotte : Quelle en serait la moyenne sur cinq ans?
M. Baumgartner : Je devrai vérifier.
Le président : Ce serait bien aimable de votre part.
Le sénateur Massicotte : Connaissez-vous les chiffres pour l'industrie? On nous a dit hier que la fraude, qui comprend les effets contrepassés, se chiffre à 500 millions de dollars par année.
Mme Glowinsky : C'est exact.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que cela comprend les effets contrepassés que vous ne pouvez pas vous faire rembourser?
Mme Glowinsky : Non, c'est un chiffre brut.
M. van Duynhoven : Ce montant équivaut à ce que les émetteurs épongent. Je crois que les montants sont de 400 millions de dollars pour les cartes de crédit et de 100 millions de dollars pour les cartes de débit.
Le sénateur Massicotte : Effets contrepassés compris, ou seulement pour la fraude?
M. van Duynhoven : Non, c'est ce que les émetteurs absorbent. Cet élément n'est pas inclus, car c'est un supplément, comme l'a expliqué M. Baumgartner.
Le sénateur Massicotte : Ces chiffres semblent élevés, mais les achats totaux par carte de crédit par année s'élèvent à 212 milliards de dollars. Je voulais seulement relativiser.
Vous permettez que les commerçants annoncent des rabais pour les paiements en espèces. Pourtant, je regarde le résumé des frais de Visa et je vois une différence importante pour les commerçants si les clients utilisent une carte « or » ou une carte « illimitée » ou d'autres types de produits du genre. L'écart est facilement d'un demi-point de pourcentage, ce qui est beaucoup pour les commerçants. Le commerçant a-t-il le droit de dire : « Je refuse votre carte Visa or, mais j'accepte votre carte Visa ordinaire »?
M. Baumgartner : Non, les règles d'Amex, de Visa et de MasterCard ne le permettent pas. Donc, nous n'avons pas le droit de le faire non plus.
Le sénateur Massicotte : Un commerçant pourrait-il dire « donnez-moi votre carte de débit au lieu de votre carte de crédit »?
M. Baumgartner : Il pourrait le proposer. Certains commerçants — et on le voit parfois chez nos clients — incitent le client à acheter un produit moins cher en utilisant un système de points ou de primes. C'est une pratique assez répandue.
Le sénateur Massicotte : Cela ne va pas à l'encontre du contrat qu'ils signent avec vous?
M. Baumgartner : Non, les détaillants ont le droit de dire qu'ils préfèrent les paiements par carte de débit.
Le sénateur Massicotte : Mais ils ne peuvent pas refuser une carte Visa, même une dont les frais seraient plus élevés?
M. Baumgartner : C'est exact.
Le sénateur Massicotte : J'accepte que vous disiez que le marché est concurrentiel pour les acquéreurs. Il y a quatre ou cinq gros joueurs, ce qui n'est pas beaucoup, mais on pourrait dire que ce milieu est concurrentiel. J'accepte vos arguments selon lesquels les cartes de crédit sont très utiles à notre société sur le plan de l'économie, de la souplesse et de l'utilisation du crédit.
Je trouve que les produits de marque sont problématiques. La compétition est féroce du côté des émetteurs. Il y a plus de 200 cartes. Force est cependant d'admettre que MasterCard et Visa détiennent un fort pourcentage des produits de marque. Ce n'est pas négligeable. Or, le pauvre petit commerçant n'a pas vraiment le choix. Vous frappez à sa porte. De son point de vue, Visa et MasterCard vous imposent des frais non négociables. Comment les commerçants peuvent- ils obtenir une juste valeur? Comment le processus de négociation peut-il être équitable s'ils n'ont pas de marge de manœuvre? Ces 2 p. 100 représentent beaucoup d'argent pour eux, mais ils ne veulent pas perdre une vente. Les commerçants refusent rarement de vendre à crédit.
Nous constatons que la nature non concurrentielle des produits de marque Visa et MasterCard constitue un gros problème dans de nombreux pays. Comment pouvez-vous réussir à vous engager dans un processus de négociation équitable?
C'est une très bonne question. Nous reconnaissons que les cartes de débit et les cartes de crédit ne sont pas le même produit. Toutefois, est-ce qu'une transaction de 100 $ est équivalente à une transaction de 1,88 $? Il y a là une grande différence. Compte tenu des coûts additionnels de la carte de crédit Visa, je ne suis pas certain si la concurrence nous permet d'en avoir pour notre argent.
M. Baumgartner : C'est une excellente question. Lorsque nous avons fondé l'entreprise en 2001, il n'existait qu'un ou deux niveaux d'interchange — les taux dont vous parlez —, déterminés en fonction du coût des biens vendus.
Par conséquent, nous sommes un peu comme un détaillant d'essence. Au lieu d'offrir seulement de l'essence sans plomb, nous offrons d'autres genres d'essence. Nos prix ont donc changé et il existe différents produits, notamment l'essence super. En général, ces prix ont augmenté. Les frais de service du commerçant ont augmenté, mais je ne crois pas que cela ait été de façon aussi dramatique que le taux d'inflation, en moyenne.
La diversité des types de transaction est l'un des facteurs qui a contribué à cette hausse. Je ne sais pas si vous utilisez des cartes de crédit d'entreprise, par exemple, ou des cartes de crédit du gouvernement pour payer vos déplacements. Elles sont devenues très populaires et tendent à coûter plus cher parce qu'elles ne sont pas renouvelables : il faut les payer. Afin de pouvoir faire concurrence à American Express sur ce marché, Visa et MasterCard ont été obligées d'établir un taux d'interchange différent pour les gouvernements et les entreprises. Amex monopolisait ce marché il y a quinzaine d'années. Maintenant, en raison de la diversification des interchanges, il s'agit d'un exemple de nouvelle concurrence.
L'autre nouveau facteur, c'est l'émergence des transactions sur Internet, qui tendent à comporter davantage de risques. Il y a plus de fraude dans ce genre de transactions, alors les frais sont plus élevés. Puisque plus de transactions sont effectuées sur Internet, la moyenne pondérée des frais d'interchange a aussi augmenté.
Le sénateur Massicotte : Vous avez dit que l'augmentation des frais a été inférieure à celle du taux d'inflation. Voulez-vous dire que le taux a moins augmenté que le taux d'inflation?
M. Baumgartner : En moyenne, l'augmentation du taux que le commerçant doit payer est inférieure à celle du taux d'inflation, sans nul doute.
Le sénateur Massicotte : Pourquoi devrait-il y avoir la moindre augmentation, puisqu'il s'agit d'un pourcentage des ventes au détail? Les ventes au détail suivent automatiquement l'augmentation du taux d'inflation.
M. Baumgartner : La différence entre ce que nous chargeons au commerçant et nos coûts relatifs aux biens vendus a diminué depuis l'époque où nous avons fondé l'entreprise. Elle a beaucoup diminué.
Le sénateur Massicotte : Vous avez dit que les gouvernements et certaines entreprises ont réussi à négocier des frais d'interchange moins élevés. Cela laisse fortement entendre qu'il y a un manque de concurrence dans ce domaine. Quand le pouvoir de négociation est équitable, il semble possible de payer des frais d'interchange moins élevés. Évidemment, le pauvre petit détaillant paie un taux plus élevé parce qu'il n'est pas le gouvernement du Canada et ne peut négocier un meilleur taux.
M. Baumgartner : Excusez-moi, je me suis mal exprimé. Je parlais des titulaires des cartes eux-mêmes. Jusqu'à il y a une quinzaine d'années, dans le secteur commercial, il n'y avait vraiment pas de concurrence au chapitre des voyages d'affaires. Par exemple, si vous déteniez une carte de voyage du gouvernement, c'était une carte American Express.
Le sénateur Massicotte : Quoi qu'il en soit, les conclusions restent les mêmes : du fait que, maintenant, les émetteurs interviennent et détiennent d'importants pouvoirs de négociation, ils sont capables de faire baisser les frais. Quels sont les frais d'interchange que Wal-Mart doit payer?
Le président : Nous devons passer à autre chose. Ce sont là des questions très intéressantes et très importantes. Monsieur Baumgartner, je vous demanderais d'y répondre en dix secondes.
M. Baumgartner : Bien sûr. Je ne sais pas. Je suis désolé, mais il ne s'agit pas d'un de nos clients. Toutefois, en général, tout comme n'importe qui d'autre tire avantage de son importance, les commerçants encourent des frais à l'avenant parce que leur clientèle entraîne moins de gestion des relations. Dans le cas de Wal-Mart, il y a notamment moins de risques de crédit.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : On parle des différents points où on a des coûts. Lorsque j'ai voulu utiliser ma carte de crédit pour payer ma voiture, je peux vous dire que mon marchand n'était pas tellement content. Je le faisais parce qu'il y avait des points air miles. Je veux savoir si on a des cartes où on paie le service et où on ne paie pas tous les artifices. À toutes fins pratiques, on est presque forcé de prendre ce service même quand on n'en veut pas. Après négociation, j'ai réussi à payer la moitié sur ma carte et l'autre par chèque. C'est pareil pour les dons de charité. Ce n'est plus intéressant d'envoyer un chèque. On se sert de notre carte de crédit et on gagne des points. Ce n'est pas un achat mais une contribution. Il me semble que cela entre dans vos coûts automatiquement et que c'est l'accumulation de tous les accessoires qui fait que cela coûte plus cher au Canada qu'en Australie.
Vous nous dites que vous avez vos taux d'opération, vos équipements, votre personnel, ce que vous payez à Visa. Il y a deux composantes qui sont variables : la fraude que vous estimez mais que vous ne connaissez pas de façon absolue et les cadeaux.
Je me demande en pourcentage ce que représentent les cadeaux et la fraude. Si on pouvait le savoir, cela semble les seuls variables dont on peut discuter et comment on peut aider les contribuables, aujourd'hui, à limiter les coûts de l'usage d'une carte de crédit, si on en avait une sans ajout.
Il me semble que c'était plus difficile d'avoir une carte de crédit il y a 25 ans qu'aujourd'hui. Quelles sont les règles que vous utilisez pour l'émission d'une carte et l'enquête de crédit qui fait que vous n'en donnez pas à tout le monde afin que ceux qui ne paieront pas ne seront pas à la charge des autres utilisateurs de carte.
[Traduction]
M. van Duynhoven : Bien qu'il s'agisse là d'excellentes questions, ce sont les émetteurs de cartes de crédit qui sont mieux placés pour y répondre. Je crois que des représentants de l'Association des banquiers canadiens ont comparu ici hier et que d'autres émetteurs ont comparu devant le comité. Je dis cela parce que la plupart des questions relatives à l'obtention des cartes sont pertinentes pour les sociétés émettrices, mais elles le sont beaucoup moins pour des entreprises comme la mienne et celle de M. Baumgartner, qui sont des acquéreurs.
Ce sont Visa et MasterCard qui déterminent les taux à payer et ce sont les émetteurs qui déterminent les avantages associés aux diverses cartes, de même que les modalités et les conditions qui s'y appliquent. Cela n'a rien à voir avec l'étape du processus de paiement dont l'acquéreur est chargé.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Vous voulez dire que TD n'émet pas de carte? Il y a des cartes de crédit TD.
[Traduction]
M. van Duynhoven : Certainement. Il existe de nombreuses cartes de crédit TD, mais je représente les fournisseurs de services aux commerçants alors je ne peux pas parler des pratiques des émetteurs. Je ne les connais tout simplement pas. Je pourrais répondre aux questions qui portent sur les activités de l'acquéreur, mais non à celles qui portent sur l'émission des cartes.
Le président : Monsieur Baumgartner, désirez-vous ajouter quelque chose?
M. Baumgartner : Je crois vraiment que la question devrait être adressée aux émetteurs. Cependant, j'ajouterais que les dons de charité sont un parfait exemple. Les organismes caritatifs qui peuvent accepter les cartes de crédit simplifient le processus et recueillent plus de dons.
Le président : Ils doivent payer des frais, évidemment.
M. Baumgartner : Oui.
J'aimerais ajouter une autre chose, qu'on oublie parfois de mentionner dans ce genre de discussion. J'essaie de ne pas parler au nom des sociétés émettrices parce que mon entreprise n'exerce pas cette activité. Toutefois, en ce qui a trait aux cartes à privilèges, il y a une forte concurrence de la part d'American Express, qui a tendance à avoir des clients très importants. Toutes les banques et les sociétés de cartes de crédit ciblent les clients très importants. Pour ce faire, elles doivent offrir des points de récompense parce que cela attire beaucoup de gens. Il en résulte qu'elles ont des coûts plus élevés, alors cela explique, en partie, la différence.
Le sénateur Goldstein : Je ne poserai qu'une question parce que nous sommes à court de temps.
Ma question porte sur la sécurité des données. Traitez-vous toutes vos données au Canada ou en envoyez-vous une partie à l'étranger pour qu'elles y soient traitées?
M. Baumgartner : Pour notre part, l'autorisation des transactions, dont le sénateur Ringuette a parlé plus tôt, se fait au centre-ville de Toronto. Par conséquent, oui, cela se fait ici au Canada. Le règlement des paiements se fait aussi ici au Canada.
Nous tentons de faire en sorte que nos clients américains, qui représentent une partie non négligeable de notre clientèle, tirent profit de l'étendue de nos ressources au Canada. Par conséquent, au fur et à mesure que attirons des clients américains, nous risquons d'avoir à utiliser notre infrastructure au Canada pour traiter les transactions effectuées aux États-Unis. L'inverse n'est pas vrai.
Le sénateur Goldstein : Je suis content de l'entendre.
M. van Duynhoven : Quant à nous, toutes nos opérations sont effectuées ici, alors toutes nos données sont à Toronto et c'est aussi là qu'elles sont traitées.
Le sénateur Goldstein : Êtes-vous satisfaits des mécanismes qui assurent la sécurité de vos données?
M. Baumgartner : Nous en sommes très satisfaits et nous dépensons beaucoup d'argent à ce chapitre. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de certaines des atteintes qui ont été portées à des données, mais elles sont extrêmement graves. Je crois que l'adoption de la technologie de carte à puce est un parfait exemple d'une manière dont nous pouvons accroître la sécurité des données, qui est une préoccupation qui m'empêche de dormir la nuit. On ne peut probablement pas dépenser assez d'argent sur la sécurité parce que les criminels s'adaptent continuellement aux changements et aux améliorations.
M. van Duynhoven : Pour une institution financière, la sécurité des données est de la plus haute importance, alors nous y veillons.
Le sénateur Goldstein : Merci.
Le sénateur Gerstein : Nous convenons tous que la majorité des commerçants doivent être capables d'accepter les cartes de crédit et les cartes de débit. Dans votre mot d'ouverture, monsieur Baumgartner, vous avez parlé du fait que votre entreprise compte sur le volume. Cela laisse entendre que vous avez une entreprise de taille. J'aimerais que, pour quelques instants, vous vous mettiez à la place des commerçants indépendants qui n'ont qu'un seul magasin. Je voudrais que vous pensiez à l'accès qu'ils ont à vos services. Dans quelle mesure offrez-vous de les aider? Quels sont certains des coûts qu'ils supportent? Est-il difficile pour le propriétaire d'un magasin unique de se prévaloir de vos services?
M. Baumgartner : Voilà une excellente question. Nous sommes environ la huitième entreprise au monde en importance dans le domaine des services aux commerçants en matière de traitement des opérations. À l'exception de quelques unes d'entre elles, les autres sont situées aux États-Unis. Notre volume nous permet de maintenir nos coûts au minimum, et il est à souhaiter que les commerçants en bénéficient.
Nous avons de nombreuses stratégies pour aider les petits commerçants et essayer d'attirer leur clientèle. Par exemple, s'ils font affaire avec M. van Duynhoven, nous enverrons une équipe de vendeurs frapper aux portes pour trouver les terminaux de TD afin de dire aux clients de cette banque que nous pouvons leur offrir de meilleurs prix. M. van Duynhoven fait la même chose. Nous sommes de grands concurrents.
Depuis la fondation de l'entreprise, en 2001, le nombre de fois qu'un commerçant entre en contact avec un vendeur a augmenté de façon spectaculaire, grâce à la concurrence. L'une des entreprises dont les données ont été compromises est aussi située au Canada, et il y en a d'autres.
Le sénateur Gerstein : Êtes-vous en train de dire que si j'ouvre un commerce, j'aurai accès à vos services pratiquement dès le départ?
M. Baumgartner : Absolument.
Le sénateur Gerstein : Le processus n'est-il pas trop encombrant pour moi?
M. Baumgartner : Non. Beaucoup de nos nouveaux clients sont de tout nouveaux commerces. J'ai parlé de la fraude et du crédit. Nous nous préoccupons moins du crédit que ne le fait un émetteur. Par exemple, dans le cas d'un nouveau restaurant, il est moins probable d'être aux prises avec des paiements frauduleux ou des litiges. Nous n'aurions peut- être pas à étudier aussi minutieusement le cas du propriétaire d'un tel commerce. Nous voulons notamment savoir s'il a commis des fautes dans le passé, mais, en général, notre taux d'approbation se situe entre 92 et 94 p. 100.
M. van Duynhoven : Il est facile d'avoir accès aux services de notre institution financière parce que nous avons plus de 1 000 succursales dans l'ensemble du Canada. Vous pouvez vous présenter à n'importe quelle succursale de la Banque TD et discuter avec un conseiller auprès des PME, et cela vous donnera accès à nos services. Le conseiller recueille les renseignements de base. Ensuite, nous communiquons avec le commerçant. Il s'agit d'un processus efficace pour les PME. Elles ont facilement accès à nos services.
Le sénateur Moore : J'aimerais revenir sur la question du sénateur Goldstein au sujet du traitement des données au Canada. Vous arrive-t-il d'envoyer des renseignements aux autorités américaines aux termes de la Patriot Act?
M. van Duynhoven : Non. Le traitement de toutes nos données se fait au Canada. Le traitement des données de Visa se fait par l'entremise de Visa, qui a des installations partout dans le monde. Par conséquent, des renseignements pourraient être communiqués à Visa à des fins d'autorisation. Toutes les données que nous traitons entre nos quatre murs restent au Canada. Toutefois, les sociétés Visa et MasterCard sont des organisations mondiales alors elles ont des bureaux de traitement à l'extérieur du Canada.
Le sénateur Moore : En ce qui concerne les contrats que vos deux entreprises concluent avec les commerçants, nous avons entendu dire que ces contrats peuvent être modifiés unilatéralement. Combien souvent apportez-vous des changements à un contrat et quel processus suivez-vous pour le faire?
M. Baumgartner : Dans notre cas, il est plutôt rare que nous changions un contrat. En règle générale, nous ne le faisons que si les sociétés de cartes de crédit modifient leurs prix, ce qu'elles n'ont pas beaucoup fait au fil des ans. Au cours des dernières années, la structure des interchanges a davantage évolué, et c'est alors que nous en avisons les commerçants. Si cette évolution affecte nos évaluations, il nous arrive d'apporter un changement à un contrat.
En dehors de la question des prix, nous modifions rarement un contrat. S'il s'agit d'une entente nationale avec des commerçants plus importants, cela n'arrive presque jamais.
Mme Glowinsky : La seule exception serait peut-être dans le cas de l'établissement d'un nouveau règlement. Pensons au règlement qui a été établi pour assurer la sécurité des données et qui a été appliqué de façon plus rigoureuse.
M. Baumgartner : C'est un exemple de cas où les gros bonnets sont pénalisés parce qu'ils traitent un si grand nombre de transactions par carte qu'ils doivent se soumettre à une vérification indépendante pour veiller à ce qu'ils assurent la sécurité des données.
Le sénateur Moore : Le plus important serait dans le cas d'une modification des frais. Quel préavis donnez-vous à un commerçant pour lui signaler que les frais seront modifiés, ce qui aurait une incidence sur son revenu?
M. Baumgartner : Cela dépend du client. Certains des contrats sont pour une période de 30 jours, d'autres pour 90 jours et d'autres encore pour 180 jours. Cela dépend du client.
M. van Duynhoven : Notre contrat avec la société Visa stipule que cette dernière doit nous donner un préavis de six mois si elle prévoit modifier un taux d'interchange. Je n'en ai connaissance que six mois à l'avance alors, évidemment, je ne peux donner de préavis. Une fois que nous en avons été avisés, nous amorçons le processus. Tout comme Solutions Moneris, en général, nous donnons un préavis de 30 à 90 jours, selon le commerçant.
Le sénateur Moore : Si Visa vous avisait aujourd'hui qu'il y aurait une augmentation dans six mois, quel préavis donneriez-vous à vos commerçants? Le donneriez-vous immédiatement? L'apprendraient-ils 30 jours avant la date d'entrée en vigueur de l'augmentation?
M. van Duynhoven : Nous avisons nos clients aussi rapidement que possible. Nous devons commencer par comprendre quelles seront les répercussions du changement. Comme je l'ai dit, le dernier changement apporté consistait à faire passer le nombre de taux de 2 à 21. Évidemment, notre entreprise a dû étudier attentivement comment cela affecterait la facturation de chaque commerçant. En toute honnêteté, nous avons dû nous pencher sur la manière dont chacun de nos clients procédait. Il nous a fallu beaucoup plus de temps pour déterminer quoi faire. Évidemment, les commerçants n'ont pas eu beaucoup de préavis dans ce cas-là.
Notre objectif, c'est de transmettre l'information dès que nous le pouvons. Nous avons tous un budget à respecter. Naturellement, nos clients veulent être informés aussi rapidement que possible alors c'est ce que nous tâchons de faire.
Le sénateur Massicotte : Dans quel délai sont-ils avisés des changements que les émetteurs apportent aux taux d'intérêt?
M. van Duynhoven : Je ne le sais pas, mais je sais qu'ils ont tous des ententes bien précises. Je suis certain que les émetteurs respectent les préavis qui y sont stipulés. Les titulaires de cartes n'ont pas à être avisés des changements apportés aux frais d'interchange parce qu'il s'agit d'un revenu pour l'émetteur.
Le sénateur Moore : Je ne comprends pas vraiment ce que vous avez dit au sujet des 2 taux et des 21 taux. Pourriez- vous expliquer au comité ce que vous avez voulu dire? À une époque, vous aviez deux taux.
M. van Duynhoven : Oui.
Le sénateur Moore : Vous avez dit qu'un taux était de 1,21 p. 100 et que l'autre était de 2 p. 100.
M. van Duynhoven : Voilà la fourchette des taux aujourd'hui.
Le sénateur Moore : Est-ce que cela fait partie des 21?
M. van Duynhoven : Ce sont les 21. Parmi les 21 taux d'interchange appliqués aux cartes de crédit Visa, le plus bas est de 1,21 p. 100 tandis que le plus élevé est de 2 p. 100. Cela peut être compliqué. L'ancien taux appliqué aux transactions des consommateurs était de 1,75 p. 100 moins 25 cents. Le taux appliqué à l'achat était donc beaucoup moins élevé et les taux ont été négociés en conséquence. Lorsque Visa a modifié les taux d'interchange, ce sont les commerçants dont la transaction moyenne était de 20 $ qui ont subi la plus forte augmentation.
Le sénateur Moore : Leur taux était-il plutôt bas? Vous avez dit qu'il y avait deux taux.
M. van Duynhoven : Le taux appliqué aux transactions des consommateurs est de 1,75 p. 100 de la valeur de l'achat, moins 25 cents. On soustrait toujours 25 cents. Voilà où cela devient compliqué. Il existait différents taux effectifs. Il y avait une courbe selon laquelle on appliquait le plus bas taux de 1 p. 100 à une transaction de 20 $, après quoi le taux augmentait. C'était très compliqué. Maintenant, on applique un taux unique à toutes les transactions. L'ancien taux appliqué aux transactions commerciales était de 2 p. 100 moins 10 cents. Maintenant, il s'agit d'un seul taux en pourcentage.
Le président : Le sénateur Ringuette aimerait poser une dernière question et je vais lui permettre de le faire. Elle promet de n'en poser qu'une seule, mais pas plus.
Le sénateur Moore : Je ne suis pas certain de comprendre. Il existe un nouveau programme qui établit 21 taux différents dans une fourchette qui va de 1,21 à 2 p. 100 de la valeur de la transaction.
M. van Duynhoven : Oui, selon le type de carte. Sept taux sont appliqués aux cartes des consommateurs, sept sont appliqués aux cartes « Infinite » et sept sont appliqués aux cartes commerciales, en fonction du type de transaction, du commerçant, du secteur et de la manière dont la transaction est traitée.
Le président : Vous expliquez cela à vos clients? Vous leur dites : « Il existe 21 taux »?
M. van Duynhoven : Oui, nous essayons de le faire. Les taux sont publiés et les commerçants les connaissent.
Le sénateur Massicotte : Ce matin, M. Pigeon m'a donné un tableau qui présente la plupart de ces taux. Nous pouvons tous en obtenir une copie.
Le président : La société MasterCard ne publie pas ces taux; est-ce exact? Pouvez-vous me le confirmer?
M. Baumgartner : Elle le faisait. Je ne suis pas certain si elle le fait encore, mais elle le faisait dans le passé.
Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne MasterCard — puisque vous êtes tous deux des acquéreurs et que vous acceptez tous les émetteurs de cartes —, quels changements ont été apportés aux taux de MasterCard? Visa a passé de 2 à 21. Quels changements ont été effectués par MasterCard?
M. Baumgartner : En réalité, MasterCard est pas mal semblable. Elle avait une échelle des taux plutôt simple au moment où nous avons fondé notre entreprise et elle l'a beaucoup élargie depuis ce temps. Je ne suis pas certain du nombre exact de niveaux qu'elle a établis. Je ne crois pas qu'elle en ait tout à fait autant.
Le sénateur Ringuette : Les taux ont-ils été changés en même temps?
M. Baumgartner : Non, ils ont été changés à d'autres moments. Auparavant, MasterCard avait des taux vraiment bas et avait du mal à attirer les émetteurs de la carte Visa, qui étaient également en concurrence avec American Express. D'après mon expérience ailleurs, ses taux étaient exceptionnellement bas et elle les a augmentés très tôt. Depuis ce temps, elle les a augmentés et a établi plus de niveaux.
Le sénateur Ringuette : Vous traitez tous deux à la fois les cartes Visa et MasterCard.
M. Baumgartner : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : Dites-vous que les frais de Visa et de MasterCard, qui détiennent 94 p. 100 du marché canadien, sont très similaires?
M. Baumgartner : Non. Ils varient en fonction des différents types de transactions. Il se peut que ces sociétés ciblent des marchés différents, ce qui fait qu'elles accordent peut-être de l'importance à des taux différents. Par exemple, elles utilisent les 21 taux pour attirer divers types de marchés qui étaient auparavant mal servis ou mal représentés ou dont les commerçants ne pouvaient accepter des cartes de crédit. Cela dépend du client.
Le président : Nous devrons adresser cette question aux sociétés Visa et MasterCard.
Je remercie les témoins. Permettez-moi de vous poser une question. Dans la situation économique actuelle, le coût de l'argent a diminué. D'après ce que j'ai compris, vous dites que Visa et MasterCard établissent le taux d'interchange et que vous établissez le taux appliqué au traitement des opérations. La situation économique a-t-elle changé votre capacité de fixer les prix? De prime abord, on serait tenté de croire que vous baisseriez les prix.
M. Baumgartner : C'est une excellente question. Dans notre cas, nous ne bénéficions pas du flottement parce que, essentiellement, nous finançons nos clients en même temps que nous recevons l'argent des sociétés de cartes de crédit. Il en résulte que les fluctuations dans les taux d'intérêt ont peu d'incidence sur notre rentabilité globale.
Le sénateur Goldstein : Qui bénéficie du flottement?
M. Baumgartner : En général, ce seraient les émetteurs qui bénéficieraient du flottement, si les taux d'intérêt baissaient, comme cela a été le cas. À l'inverse, d'après mon expérience dans le camp des émetteurs, je sais également que leurs dépenses et leurs pertes tendent à augmenter pendant des cycles de ce genre.
Le président : Nous avons eu une réunion très instructive et très intéressante et nous remercions les témoins d'avoir comparu.
Avant de présenter le prochain témoin, j'attire l'attention des sénateurs sur le fait que le sénateur Ringuette nous a fourni un document. Il s'agit d'un projet de loi, présenté au Congrès américain le 12 mars, qui porte sur le taux usuraire sur le crédit national à la consommation. Cela nous servira de document d'appui et fera partie de notre compte rendu.
La Bibliothèque du Parlement a également trouvé les frais de remboursement des frais d'interchange sur le site web canadien de Visa. Cela fait aussi partie de notre compte rendu et les sénateurs obtiendront une copie de tous ces documents.
Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir M. Mel Fruitman, vice-président de l'Association des consommateurs du Canada. Nous nous attendions à entendre M. Duff Conacher, de la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire, mais il ne semble pas être présent. Monsieur Fruitman, nous allons entendre votre témoignage. Je présume que vous nous avez fourni un document?
M. Fruitman : Un document très bref.
Le président : Nous apprécions les documents brefs.
Le document est en anglais, seulement alors il n'a pas été distribué.
Le sénateur Fox : Y aurait-il moyen de recevoir ces documents et déclarations à l'avance?
Le président : Je veux être juste envers le témoin. Je reconnais que vous avez tout à fait raison : nous devrions nous efforcer de le faire. Je sais que le greffier demandera à tous les témoins que nous invitons de nous fournir ces documents à l'avance. Malheureusement, M. Fruitman a été invité il y a à peine deux jours et il a eu la gentillesse de se présenter. Ce n'est donc pas de sa faute.
Le sénateur Fox : Qu'on en prenne note pour éviter que cela ne se reproduise, monsieur le président.
Le président : Selon la Banque des règlements internationaux, 64,5 millions de cartes de crédit circulaient au Canada en 2007 et les Canadiens ont utilisé leurs cartes de crédit pour faire des achats d'une valeur de 214,7 milliards de dollars en 2006.
M. Fruitman, vice-président de l'Association des consommateurs du Canada, est ici pour nous parler des cartes de crédit du point de vue du consommateur. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous sommes reconnaissants de comparaître avec si peu de préavis.
M. Mel Fruitman, vice-président, Association des consommateurs du Canada : L'Association des consommateurs du Canada est heureuse d'avoir l'occasion de présenter son point de vue à ce comité. Fondée il y a 62 ans, l'ACC est un organisme indépendant et à but non lucratif, qui compte sur la participation de bénévoles comme moi. L'Association a un bureau national à Ottawa ainsi que des représentants provinciaux et territoriaux. Notre mandat est d'informer et de sensibiliser les consommateurs au sujet des problèmes liés au marché, de défendre les consommateurs auprès du gouvernement et de l'industrie, enfin collaborer avec le gouvernement et l'industrie dans le but de résoudre de façon avantageuse les problèmes liés au marché.
Quant aux cartes de crédit, dans le passé, l'ACC avait adopté la position selon laquelle, en période de taux d'intérêt très élevés, les consommateurs avaient beaucoup d'options de paiements qui leur éviteraient de payer ces frais. Nous avions aussi noté que, dans certains cas, le délai de grâce permettait en fait aux consommateurs de reporter leurs paiements pendant plusieurs semaines, sans qu'il ne leur en coûte un sou. Toutefois, comme nous le savons tous, les temps et les circonstances ont radicalement changé.
Le fait d'acheter par cartes de crédit et de reporter des soldes est devenu un mode de vie pour la plupart des Canadiens. En même temps, comme nous l'avons entendu ce matin, il existe de plus en plus de cartes, dont l'utilisation est plus compliquée et coûte plus cher. Même les consommateurs qui prennent le temps de parcourir la mine d'information fournie par l'Agence de la consommation en matière financière du Canada finissent probablement par être plus mêlés qu'avant, comme cela a été mon cas lorsque j'ai essayé de le faire hier.
Jusqu'à il y a quelques mois, les consommateurs étaient constamment sollicités. On leur proposait de demander de nouvelles cartes de crédit ou même, souvent, d'accepter des cartes de crédit préapprouvées. Ils étaient aussi encouragés à augmenter la dette sur les cartes qu'ils possédaient déjà. Les offres de faibles taux d'intérêt ont persuadé beaucoup de consommateurs de demander de nouvelles cartes.
Toutefois, depuis le ralentissement économique, beaucoup de consommateurs ont été incapables de rembourser leurs dettes totalement ou de respecter l'échéance des paiements, et ils ont vu ces faibles taux d'intérêt devenir soudainement des taux très élevés. Ils ont aussi vu leurs limites de crédit être réduites et les modalités et les conditions être modifiées. Les délais de grâce ont été radicalement diminués ou éliminés et les méthodes de calcul ont été changées, toujours de manière à obliger le consommateur à payer plus d'intérêts. Tout cela contribue à alourdir le fardeau des consommateurs, qui étaient déjà en difficulté.
Bien que nous encouragions certainement la concurrence entre institutions financières, nous croyons que les modalités actuelles sont délibérément compliquées et visent à embrouiller les gens plutôt qu'à leur offrir des choix clairs. Nous aimerions que le gouvernement normalise et simplifie les méthodologies, ce qui favoriserait la concurrence et permettrait aux gens de comparer facilement les divers taux d'intérêt. Nous aimerions aussi voir l'assouplissement des restrictions qui causent l'annulation immédiate des taux préférentiels, le retour aux délais de grâce traditionnels et l'élimination des calculs qui empêchent les gens de réduire leur solde à zéro.
En passant, ce matin, le représentant de Moneris a laissé entendre, sinon avoué, que la concurrence avait entraîné la hausse des prix, ce qui est le contraire de ce qui est écrit dans nos manuels d'économie.
En ce qui concerne les cartes de débit, nous nous inquiétons de la manière dont le système évolue en intégrant de nouveaux joueurs et de nouvelles technologies. La sécurité est toujours une préoccupation très importante. Bien que les nouvelles technologies, comme les cartes à puce, prétendent être plus sécuritaires, nous avons appris que les pirates informatiques ont déjà réussi à déjouer ces mesures de sécurité. La sécurité aux points de vente demeure et risque de toujours demeurer un problème.
Est-ce que les nouveaux mécanismes et l'utilisation d'un plus grand nombre de cartes émises par un plus grand nombre de fournisseurs feront en sorte qu'il sera encore plus difficile pour les consommateurs d'assurer la confidentialité de leurs renseignements personnels au moment de faire une transaction? Serons-nous obligés de mémoriser un plus grand nombre de numéros d'identification personnels? Les nouveaux développements suscitent de nombreuses questions.
La protection des renseignements personnels est, bien sûr, étroitement liée à la sécurité. Quelles données, tant personnelles que financières, seront recueillies? Où seront-elles conservées? Nous avons déjà abordé cette question ce matin. Qui aura accès à ces données? Comment seront-elles utilisées? Qui sera chargé de la protection de ces données? Si une carte de débit est émise par une société de cartes de crédit plutôt que par une institution financière où le client à un compte bancaire, est-ce que cela permet à une tierce partie d'avoir accès au compte du client?
Il faudrait encore passer en revue et peut-être mettre à jour le Code de pratique canadien pour les services des cartes de débit en envisageant de prévoir des mesures d'application dans la loi. Une disposition sacrosainte qu'il devrait comporter serait l'absence totale de responsabilité des consommateurs dans l'éventualité d'un accès non autorisé à leurs comptes bancaires.
J'ai essayé d'être bref et de simplement aborder certains des problèmes qui touchent les consommateurs. Il me ferait plaisir de répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci, monsieur Fruitman. Nous apprécions la brièveté et la clarté de votre exposé.
Le sénateur Harb : Votre exposé m'intrigue. Merci d'avoir comparu.
En fin de compte, la principale question, c'est de savoir qui paie les frais. Est-ce le consommateur ou le commerçant — et ce, peu importe l'angle sous lequel on regarde les choses. Si on intègre des technologies sur le marché, il faut trouver un mécanisme pour les soutenir. Les consommateurs et les commerçants sont tous deux vos clients puisque les commerçants sont aussi des consommateurs. Je suis certain que vous êtes de mon avis sur ce point.
Lorsque le dollar canadien était à parité avec le dollar américain, avez-vous cherché à savoir si des grandes sociétés ou des commerçants avaient transmis des économies aux consommateurs? Par exemple, certaines grandes chaînes ont- elles transmis aux consommateurs les économies qu'elles avaient réalisées grâce à l'appréciation du dollar canadien? Si leurs frais avaient diminué, ont-elles transmis ces économies aux consommateurs?
M. Fruitman : Comme vous le savez probablement, nous avons déploré le fait que les détaillants canadiens n'avaient pas baissé leurs prix malgré la réduction de leurs coûts et le fait que les consommateurs voyaient très bien ce qui arrivait. Comme la grande majorité des frais des cartes de crédit sont des frais cachés, la réponse simple à cette question est non. Les économies qui ont pu être réalisées dans le cadre des opérations par cartes de crédit et de débit n'ont pas été transmises aux consommateurs.
Le sénateur Harb : Je vous ai entendu dire que vous êtes en faveur de la concurrence et que vous voudriez qu'il y en ait davantage, ce qui est une bonne chose. Toutefois, vous avez aussi dit qu'il faudrait qu'une norme minimale soit établie. Demandez-vous au gouvernement de mettre en place une entité, comme le CRTC, qui préciserait les lignes directrices à ceux qui veulent entrer sur le marché? Préconisez-vous quelque chose de ce genre?
M. Fruitman : Nous n'en sommes pas encore là. Nous sommes inquiets et vexés des changements qui se produisent. Comme nous l'avons entendu ce matin, la concurrence provoque la hausse des coûts, ce qui, vraisemblablement, entraînera la hausse des prix pour les consommateurs, et nous ne pensons pas que ce soit approprié. Il faudrait examiner attentivement la situation pour voir s'il conviendrait d'imposer d'autres mesures de surveillance que les mesures normales prises par l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Nous ne demandons pas au gouvernement d'imposer un plafond aux taux ou d'adopter une mesure législative précise Visant à limiter les opérations. Toutefois, nous lui demandons de simplifier les modalités et de les rendre plus faciles à comprendre pour que les consommateurs aient l'assurance qu'ils ne se font pas arnaquer.
Nous n'en sommes pas au point où nous disons qu'il faut imposer une surveillance rigoureuse, mais nous disons que nous avons certainement besoin d'exercer davantage de surveillance.
Le président : Monsieur Conacher, aimeriez-vous dire quelque chose maintenant?
Duff Conacher, président, Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire (CCRC) : Malheureusement, le courriel que j'avais envoyé au greffier du comité n'a pas été reçu parce que le système parlementaire était en panne. Je mentionne cela parce que je pensais que, du fait que je serais en retard aujourd'hui, je ne ferais pas de déclaration préliminaire. J'ai fait une présentation sur le projet de loi C-37 parce que beaucoup de ces questions sont liées. Notre système n'établit pas de règles strictes, n'assure pas la mise en application des règles existantes et n'impose pas de sanctions pour veiller à ce que tout le monde soit traité équitablement et paie des prix équitables dans le cadre du système de cartes de crédits ou dans l'ensemble du secteur des services financiers, y compris dans le domaine des investissements. Voilà ce dont nous avons besoin.
Comme je l'ai expliqué dans ma présentation, je crois que la solution, c'est d'habiliter l'Agence de la consommation en matière financière du Canada ou la vérificatrice générale à vérifier les coûts et les revenus réels et, par conséquent, la marge de profits réelle. Dès le lendemain de la publication de tels chiffres, les prix baisseraient parce qu'il y aurait amplement de preuves que l'exploitation est endémique dans ces domaines. Je pourrais vous en donner des exemples précis, si vous le voulez.
Par ailleurs, il nous faut habiliter le Bureau de la concurrence de manière à ce qu'il ait comme mandat d'étudier le niveau actuel de la concurrence sur tous les marchés locaux de l'ensemble du pays, dans les domaines des services bancaires de base et de l'accès au crédit de base. L'étude montrerait qu'il existe de véritables monopoles et duopoles d'un bout à l'autre du pays. Qu'arrive-t-il lorsqu'il y a des monopoles et des duopoles? Il faut procéder à la régulation des prix ou à l'octroi de subventions pour favoriser la concurrence. C'est soit l'un soit l'autre, et c'est bien là ce qu'il convient de faire parce que les services bancaires de base et de crédit de base sont des services essentiels. Chaque dollar arnaqué va dans les poches des banques. Cela nuit à l'économie canadienne en général, tant en privant les gens d'argent qu'en augmentant les coûts des commerces. Il y au moins 20 ans que le gouvernement aurait dû agir dans l'intérêt de la population en procédant à une révision annuelle des prix. Nous pensons que ces vérifications devraient porter sur, au moins, les dix dernières années afin que nous puissions saisir l'ampleur de l'exploitation et du manque de concurrence pendant cette période. Certaines mesures compensatoires devraient découler d'une telle vérification.
Nous croyons qu'il faudrait créer un groupe de pression qui dispose d'autant de ressources que les banques. Une ou deux fois par an, il suffirait d'inclure dans les envois postaux aux clients une brochure d'une page qui décrit le but du groupe et qui les invite à en devenir membres, moyennant le paiement de frais annuels minimaux. La brochure serait envoyée à 20 millions de clients.
Si seulement 3 p. 100 d'entre eux s'y joignaient en payant 30 $ par année, le groupe serait formé de 600 000 membres et aurait un budget annuel de 18 millions de dollars. À ce moment-là, je pourrais me présenter ici à l'heure parce que quelqu'un d'autre ferait mon travail. Je suis convaincu que les lobbyistes du secteur financier qui sont ici aujourd'hui sont les mêmes qui comparaissent devant le comité depuis que je le fais, soit depuis 12 ans.
Ils ont le loisir de hausser d'un dollar les frais payés par 20 millions de clients, et abracadabra, ils empochent 20 millions de dollars. Les consommateurs financent les groupes de pression des banques et on devrait obliger les banques à contribuer aux groupes de pression des consommateurs.
Le président : Je suis convaincu qu'on aura beaucoup de questions à vous poser.
Monsieur Conacher, nous étudions les coûts et les frais relatifs aux cartes de crédit. Pouvez-vous nous fournir des données comparatives précises entre le Canada et les États-Unis?
M. Conacher : Non. On ne peut comparer ces marchés. Nous devons nous contenter d'examiner la structure et la marge de profits de notre marché, et il faudrait le faire.
Le sénateur Fox : Monsieur Fruitman, j'ai toujours eu beaucoup de respect pour l'Association des consommateurs du Canada et le rôle qu'elle joue. J'entends parler pour la première fois de l'organisation de M. Conacher, mais ce dernier est en fait bien connu et pas nécessairement bien aimé dans le secteur, ce qui est probablement un compliment.
Vous avez offert de nous donner quelques exemples d'exploitation qui illustreraient bien vos propos. Pourriez-vous nous donner quelques exemples qui nous permettraient de comprendre ce que vous entendez par exploitation?
M. Conacher : Certainement. Combien d'entre vous prévoyez aller à l'étranger au cours des deux prochaines semaines de relâche, ou encore êtes-vous allés à l'étranger récemment?
Le sénateur Fox : Ce n'est pas le genre de choses que nous aimons admettre, mais poursuivez quand même.
M. Conacher : Il y a un an et demi, une personne révélait pour la première fois au Winnipeg Free Press, puis sur les ondes du réseau anglais de Radio-Canada qu'une personne qui utilise sa carte de crédit hors du pays verra des frais apparaître sur son relevé de compte à son retour. Ces frais seront équivalents à environ 2 p. 100 du prix des achats. Je pense que le porte-parole habituel de Visa était absent parce que la personne à laquelle le journaliste a parlé a déclaré que Visa facturait seulement des frais de 1 p. 100 aux banques. Visa fait le calcul du taux de change, puis facture la banque un supplément de 1 p. 100 du prix d'achat. Je ne sais pas exactement pourquoi les frais sont de 1 p. 100 du prix d'achat au lieu d'un montant fixe. Il y a peut-être un coût additionnel lorsqu'on échange plus d'argent et que les sommes entrées dans la calculatrice sont plus grosses. Je ne crois pas que ce soit le cas, en fait, mais la banque facture tout de même le double des frais. Dans certains cas, les frais sont de 2,5 p. 100, et la banque n'a strictement rien à faire. C'est de l'arnaque pure et simple.
La personne en question, à Winnipeg, avait acheté une voiture. L'achat lui ayant coûté 25 000 $, elle a dû payer des frais de 500 $, soit 2 p. 100, alors que Visa a facturé 1 p. 100 à la banque. Voilà des frais de 250 $ pour n'avoir rien fait, multipliés par 20 millions de clients. C'est un profit qui m'apparaît injustifiable.
Le sénateur Fox : Il s'agit un exemple intéressant, mais y a-t-il d'autres exemples? Nous sommes tous déjà allés en voyage à l'extérieur du pays, et nous avons tous déjà remarqué ces frais à notre relevé de compte de carte de crédit.
M. Conacher : L'autre exemple est celui des augmentations des taux d'intérêt décrétés unilatéralement au cours des derniers mois. De nombreuses personnes ont reçu des lettres à ce sujet. Comment peut-on justifier de telles augmentations? Par une augmentation des coûts? Qui sait. Voilà pourquoi il faut qu'une vérification ait lieu. Les coûts des banques ont-ils effectivement augmenté? Sont-elles plutôt en train de se dire qu'elles sont capables de justifier en apparence une augmentation des coûts en invoquant les défauts de paiement et les faillites? Elles affirment que les coûts augmentent, mais elles vont percevoir beaucoup d'intérêts que les gens vont payer parce qu'ils ne sont pas capables de payer leur solde mensuel comme ils le faisaient normalement. Elles vont récolter des gains énormes.
Nous avons besoin d'une vérification comptable parce que les banques ont tous les chiffres en main et peuvent affirmer ce qu'elles veulent sans que personne ne sache vraiment à quoi s'en tenir.
Le sénateur Fox : Je ne pense pas que nous ayons déjà obtenu une réponse satisfaisante à cette question. C'est une question qui a déjà été posée, manifestement parce qu'il semble, aux yeux des gens présents ici, que le loyer de l'argent a diminué considérablement. Les banques ont répondu qu'une baisse du taux de financement à un jour de la Banque du Canada n'a aucun effet sur les taux d'intérêt offerts aux consommateurs. Pourtant, les banques récoltent aussi de l'argent en faisant fructifier les dépôts de ses clients et en leur payant des taux d'intérêt très bas, beaucoup plus bas que ce qu'elles payaient auparavant. En outre, elles obtiennent de l'argent d'autres sources à des taux d'intérêt plus bas. Pourtant, le taux d'intérêt de 19,2 p. 100 semble rester stable. Il ne semble jamais baisser.
M. Conacher : Je vous dirais également que le comité a examiné les témoignages présentés en février 1997 au Comité permanent de l'industrie de la Chambre des communes. Ce sont les seuls témoignages jamais entendus au sujet des cartes de crédit. Malheureusement, des élections déclenchées au printemps 1997 ont interrompu ces témoignages, et ce comité n'a jamais produit un rapport à ce sujet.
Ses membres ont posé plusieurs questions importantes aux représentants des banques, qui leur ont répondu qu'ils avaient des cartes avec de faibles taux d'intérêt. Lorsqu'on leur a demandé combien de personnes pouvaient obtenir ces cartes, les banques ont répondu qu'elles rejetaient environ la moitié des gens qui en faisaient la demande. Pour quelle raison? Les comptes rendus des témoignages recueillis en 1997 sont remplis d'information pertinente et importante qui peut être utile pour éclairer les délibérations de votre comité sur cette question 12 ans plus tard, puisque rien n'a été fait entre-temps.
Le sénateur Fox : Enfin, je m'interroge sur une question, mais je ne suis pas certain que mon interrogation soit valable. Je voudrais savoir ce que vous en pensez tous les deux.
Pour justifier les taux d'intérêt élevés, on invoque entre autres une augmentation du taux de délinquance, augmentation qui peut ou non s'avérer. Dans certains cas, comme celui des Caisses populaires Desjardins, le taux de délinquance ne semble pas augmenter. Certaines personnes nous disent que, bien qu'elles annoncent officiellement un taux de délinquance de 1 p. 100, ce taux serait en fait de 4 ou 5 p. 100.
Puisque 70 p. 100 des gens paient le solde de leur carte de crédit intégralement chaque mois pour les achats qu'ils font, le taux de délinquance ne leur est aucunement attribuable. Ce sont les gens qui ne paient pas leur solde au complet chaque mois qui sont, d'une certaine manière, susceptibles de faire augmenter le taux de délinquance. Fondamentalement, les gens qui font partie de cette proportion de 30 p. 100 paient les coûts du système au complet. Peut-on dire que ces coûts sont répartis équitablement? Les services fournis au reste des utilisateurs, soit une proportion de 70 p. 100, engendrent des coûts. De l'argent est avancé. Le prêt engendre des coûts, et les marchands en paient une partie. Mais, il semble étrange que la totalité des profits que l'on tire de ce système vienne de la proportion de 30 p. 100 des utilisateurs qui ne paient pas leur solde au complet chaque mois et qui paient 19,2 p. 100 d'intérêt. Est- ce équitable? Une vérification comptable permettrait-elle de faire ressortir des faits intéressants sur les personnes qui paient les coûts du système? Nous croyons tous qu'il doit y avoir un système de crédit. Mais, le système est-il équitable?
M. Fruitman : C'est une question à laquelle il est difficile de répondre étant donné qu'il y a de nombreux types de frais associés au système, y compris aux nouvelles cartes, pour lesquelles il faut payer des frais annuels de surcroît. Les entreprises ont encouragé les consommateurs à utiliser leur carte de crédit. Elles leur fournissent toutes sortes de primes pour l'utilisation des cartes. Elles prennent une partie de l'argent dans les poches des marchands, alors on ne sait pas trop comment le système se finance. C'est une énigme, comme le dit M. Conacher.
Par ailleurs, il faut faire attention à ce que l'on entend par le terme « délinquance ». S'agit-il d'un défaut de paiement ou d'une forme plus bénigne de délinquance, où une personne qui est censée payer 50 $ un mois donné verse seulement 40 $. Je soupçonne qu'il y a peut-être une augmentation du nombre de personnes qui sont dans le dernier cas, puisque les gens ont de la difficulté à joindre les deux bouts avec l'augmentation du taux de chômage. Cela ne signifie pas pour autant que les institutions financières perdent de l'argent. Je dirais que leurs pertes n'augmentent pas vraiment pour la peine.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
Monsieur Fruitman, j'essaie de comprendre pourquoi les gens acceptent de payer des taux intérêt aussi élevés. Il y a beaucoup d'information qui circule à ce sujet. L'association pour la gouvernance a un site web où l'on compare 220 cartes de crédit. Si l'on veut savoir ce que l'on paie, on n'a qu'à se renseigner. Les banques et les émetteurs de cartes diront que l'information est disponible et qu'ils envoient des avis clairs. Les Caisses Desjardins nous ont signalé que le taux d'intérêt que les gens paient est indiqué sur le relevé de compte lui-même.
Si tel est bien le cas, j'essaie de comprendre pourquoi les consommateurs paient des taux d'intérêt aussi élevés pour le crédit, alors que des solutions de rechange sont offertes. Où est donc le problème? Quels sont les mécanismes psychologiques qui sous-tendent ce phénomène? Je ne comprends pas.
M. Fruitman : C'est une question qui nous intrigue depuis de nombreuses années. Notre position a été dans le passé que les consommateurs peuvent se prévaloir des solutions qui leur sont offertes. Pourquoi voudriez-vous payer 28,8 p. 100 d'intérêt sur le solde d'une carte de crédit de grand magasin? Pourquoi agir ainsi? Vous pouvez jeter votre argent par les fenêtres si vous y tenez et ne pas accepter d'utiliser une autre carte de crédit.
Je pense qu'il faut revenir à l'idée de la complexité des systèmes et l'information, dont je parlais. L'Agence de la consommation en matière financière du Canada a 220 points de données, comme vous l'avez indiqué, je crois. Faire une comparaison entre les cartes est une tâche pratiquement impossible pour le consommateur. Il doit jauger les avantages, et non uniquement les coûts. Il doit tenir compte des autres conditions qui sont rattachées à l'utilisation de la carte, en plus du taux de 19,8 p. 100 ou du taux encore plus élevé. Il est très difficile de faire des comparaisons, et on fait pratiquement la chasse aux consommateurs pour les amener à utiliser ces cartes. Nous sommes passés d'une situation, il y a une génération, où personne n'achetait à crédit, à une situation où tout le monde achète à crédit.
Le sénateur Massicotte : Avez-vous de l'information tirée d'une enquête qui permettrait de savoir si les utilisateurs de carte de crédit sont conscients des taux d'intérêt qu'ils paient?
M. Fruitman : Non, je n'ai pas d'information à ce sujet. Je dirais que la plupart des consommateurs ne sont probablement pas pleinement conscients des taux qu'ils paient.
Le sénateur Massicotte : Les autres coûts sont importants, mais le taux d'intérêt est celui qui engendre le gros des coûts. Pour la proportion de 30 p. 100 des utilisateurs qui ne paie pas son solde au complet, l'intérêt doit correspondre à une somme importante. Pourquoi n'en sont-ils pas informés? Je ne comprends pas. Si vous demandez à la plupart des gens ce qu'ils paient pour leurs services téléphoniques, ils seront en mesure de vous répondre parce que c'est une somme assez importante. Pourquoi ne savent-ils pas alors combien ils paient lorsqu'il s'agit d'un taux d'intérêt?
M. Fruitman : Malheureusement, la mentalité de nombreux consommateurs, en particulier ces jours-ci, veut que la commodité l'emporte sur les coûts. Ils n'examinent pas assez attentivement les chiffres. C'est la mentalité qu'exploitent les institutions financières en distribuant les cartes de crédit. Elles en mettent toujours plus sur le marché et essaient de nous inciter à utiliser un plus grand nombre de cartes et à payer davantage d'intérêt.
Le sénateur Massicotte : Je ne suis ni un psychologue, ni un expert de ces questions, mais je soupçonne que nous nous approchons de la bonne réponse. La facilité d'obtenir du crédit, sans être jugé, et la commodité des cartes de crédit expliquent probablement pourquoi les gens s'en servent. Hier, on nous a expliqué qu'il y avait autant de gens qui ne payaient pas leur solde à temps parmi les gens à revenu élevé que parmi les gens à faible revenu. Je soupçonne que, comparativement à la démarche d'obtention d'un prêt à la banque, où l'on se sent jugé et où l'on doit fournir un état de son actif et de son passif, il est beaucoup plus facile de se servir d'une carte de crédit. Les gens ont l'impression d'avoir accès au crédit, et ils en sont bien contents. On dirait qu'il y a beaucoup d'émetteurs de cartes.
Vous faites valoir que, manifestement, les émetteurs fournissent un service que le consommateur est prêt à payer, que le coût soit élevé ou non. Cependant, ce coût semble être moindre que la commodité et les autres avantages qu'ils tirent de l'utilisation de ce service.
M. Fruitman : Il est évidemment beaucoup plus commode d'utiliser une carte de crédit que de demander un prêt pour faire un achat en particulier. Faut-il le répéter, nous sommes bombardés de publicité qui nous persuade d'acheter la gratification instantanée. On n'a pas besoin d'attendre d'avoir l'argent. On peut acheter ce qu'on veut tout de suite et le payer avec une carte de crédit.
Le sénateur Massicotte : C'est la nature humaine. Comment pourrait-on la changer?
M. Fruitman : À un certain point, lorsque le fardeau financier devient assez élevé, peut-être que les gens finissent par atteindre leur limite de tolérance, mais je n'en suis pas certain.
M. Conacher : Si vous jetez un coup d'œil aux études commandées par le groupe de travail MacKay, qui s'est penché il y a 11 ans sur l'avenir du secteur des services financiers, vous y trouverez encore de l'information très pertinente sur le niveau très bas de connaissances dans le domaine financier. Le taux d'intérêt indiqué, qu'il soit composé mensuellement ou annuellement, n'est pas compris par 90 p. 100 de la population. Les gens ne comprennent pas quel taux d'intérêt ils paient effectivement.
Le site web de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, ou ACFC, existe bel et bien, mais cela ne signifie pas que les gens le trouvent ou le consultent. Nous suggérons depuis des années à l'ACFC d'envoyer des dépliants régulièrement avec les relevés bancaires et dans les enveloppes contenant les factures de carte de crédit. Ces dépliants fourniraient l'adresse du site web et indiqueraient aux gens les réponses qu'ils peuvent y trouver. On n'a jamais donné suite à cette suggestion.
Le sénateur Goldstein : Je serai très bref. Ma question s'adresse à vous deux. J'essaie de comprendre qui finit par payer les coûts.
D'après ce que je comprends, dans une entreprise ordinaire, il y a des coûts de production, comme les salaires, le loyer, l'éclairage, le chauffage et l'électricité. On trouve ces coûts dans le bilan de l'entreprise, si je peux dire. Puis, il y a le coût des cartes de crédit, qui est de 2 p. 100 ou peut-être moins dans certaines circonstances. Cependant, ce coût est compris dans le prix du service ou de l'objet qu'on achète. C'est la première proposition.
La deuxième proposition dit qu'il existe deux genres de personnes qui n'utilisent pas les cartes de crédit. Il y a premièrement les gens qui ne veulent pas les utiliser pour une raison ou une autre et qui paient comptant. Je ne m'en fais pas du tout à propos de ces gens. Il y a aussi un autre genre de personnes qui n'utilisent pas les cartes de crédit. Ce sont les gens qui ne peuvent pas obtenir de crédit, donc qui ne peuvent pas utiliser une carte de crédit. Le nombre de personnes qui entrent dans cette catégorie est assez élevé, à ce que je sache.
Ai-je tort de dire que les gens qui n'utilisent pas les cartes de crédit paient quand même le coût d'utilisation de ces cartes dans le prix de vente au détail? Est-ce seulement les utilisateurs des cartes de crédit qui paient ce coût?
M. Conacher : Je pense que vous avez en partie raison de faire cette affirmation. Cette situation ne plaît pas aux détaillants, tant pour ce qui est des cartes de crédit que pour ce qui est des cartes de débit. Ils doivent payer des frais pour pouvoir accepter ces cartes, ce qui fait augmenter l'ensemble de leurs coûts et les oblige à faire payer un prix plus élevé aux gens qui paient comptant.
Je pense que votre appréciation est juste.
M. Fruitman : Votre première proposition était également correcte. C'est l'un des nombreux coûts à assumer lorsqu'on fait des affaires. Il est réparti également parmi tous les acheteurs.
Le sénateur Ringuette : Je vous remercie d'avoir pris le temps d'être avec nous. Monsieur Fruitman, vous avez présenté un scénario intéressant en ce qui a trait à l'émission des cartes de crédit. Si le marché est ouvert, comme c'est le cas aux États-Unis, et que MasterCard et Visa sont actifs sur ce marché, ces sociétés ont soudainement accès à l'information sur les comptes bancaires en raison du traitement des transactions par carte de débit.
Le Bureau de la concurrence est en train d'examiner actuellement la question du système Interac. Puis-je vous demander d'intervenir auprès du Bureau de la concurrence pour lui signaler vos objections à propos de cette possibilité?
M. Fruitman : Nous allons certainement tâcher de le faire. Comme je l'ai dit, nous avons des objections à ce sujet. Manifestement, nous n'avons pas d'information nous permettant de juger, mais cette possibilité soulève toutes sortes de questions sur le mode de fonctionnement du système et les moyens de préserver la sécurité et la confidentialité des données des utilisateurs ainsi que des données financières elles-mêmes.
Le sénateur Ringuette : Puis-je également vous demander, à titre de représentant des consommateurs, de communiquer vos objections au commissaire à la protection de la vie privée du Canada?
M. Fruitman : Oui, bien sûr.
Le sénateur Ringuette : Merci beaucoup.
Vous avez en outre soulevé la question des choix. J'ai sur moi mon contrat personnel de crédit Visa, où sont énumérés tous les produits de cette société. On en compte 27 et un seul d'entre eux est associé à un taux d'intérêt de 11,9 p. 100. Les 26 autres produits ont tous des taux d'intérêt entre 19,5 et 20,5 p. 100. Sachant que Visa et MasterCard détiennent 94 p. 100 du marché, les gens n'ont pas beaucoup le choix. Le document que j'ai en main vient de Visa, mais je crois bien que les taux d'intérêt ne seraient pas tellement différents chez MasterCard.
Vous avez aussi parlé de la question du retour à la politique du délai de 30 jours pour payer. Il s'agit d'un autre changement qui a eu lieu au cours des dernières années. Le délai est passé de 30 jours à des délais beaucoup plus courts. Dans certains cas, le délai est de seulement 17 jours. Si vous tenez compte de l'expédition par la poste, du traitement du paiement et de l'examen du relevé, c'est un délai très court. J'aimerais vous entendre sur ces deux questions.
M. Fruitman : Je pense que le choix n'existe que dans les arguments de commercialisation, et non dans la réalité, lorsqu'on y regarde attentivement. Lorsqu'on constate qu'une société émettrice offre 27 types de cartes et qu'on multiplie ce nombre par le nombre de sociétés émettrices, on ne peut pas conclure que le consommateur a vraiment le choix. En ce qui me concerne, c'est plutôt un moyen de susciter la confusion parmi les utilisateurs. Qui plus est, combien de consommateurs ont le temps de s'asseoir et de faire des comparaisons entre les diverses cartes offertes pour déterminer laquelle est la meilleure dans leur cas?
Le raccourcissement du délai de paiement est un moyen de puiser davantage d'argent dans les poches des consommateurs. En raccourcissant les périodes, on a réduit et parfois même éliminé le temps qui s'écoule entre le moment où l'on fait un achat et le moment où l'on doit le payer, si l'on ne veut pas se faire facturer de l'intérêt.
Il s'agit dans tous les cas d'augmentations des frais. Les consommateurs finissent par payer plus cher et, en fin de compte, ils versent plus d'argent dans les coffres des institutions financières. Cependant, comme ces augmentations sont progressives, les consommateurs que nous sommes ne les remarquent pas toujours. Il peut arriver que l'on ait pris l'habitude de payer son compte un certain temps après avoir reçu le relevé ou un certain nombre de jours avant l'échéance. Tout à coup, on se rend compte que l'on doit payer des frais. Ou encore, on peut se retrouver avec une facture disant ceci : solde à payer, 40 $; montant payé, 40 $; solde restant, 18 cents. C'est une situation qui se produit réellement. Cela signifie que vous pourriez ne jamais payer totalement le solde de cette carte.
Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne le point de vue du consommateur et les arguments de commercialisation, je viens de commencer à lire les passages en petits caractères sur ces contrats. En tant que consommateur soumis aux campagnes de commercialisation de masse, j'avais toujours eu l'impression que, lorsqu'on achetait un produit avec une carte de crédit et qu'on n'était pas satisfait de son achat, on pouvait le rapporter dans les 30 jours avec l'assurance que Visa ou MasterCard rembourserait l'achat. Je n'ai pas rêvé : cette idée a bel et bien fait partie des campagnes de promotion des cartes de crédit. Cependant, tout à coup, mon nouveau contrat précise que je dois payer. Il n'y a plus de garantie de remboursement. Je dois payer le produit et, si je suis insatisfait, je dois tâcher d'obtenir un remboursement en m'adressant au commerçant.
M. Fruitman : C'est un avantage qui a été offert avec certaines cartes, pour attirer les consommateurs et les inciter à choisir une carte plutôt qu'une autre. Ça n'a jamais été gravé dans la pierre. C'était une offre pour vous inciter à choisir une carte en particulier plutôt qu'une autre parmi les 27 cartes offertes.
En fait, les institutions financières ne sont pas tenues de rembourser les achats, ni dans le cas des billets d'avion, comme on l'a laissé entendre ce matin, ni dans le cas des autres produits. Elles peuvent s'engager à fournir une telle garantie si elles le souhaitent, en tant qu'argument de commercialisation.
M. Conacher : Voilà pourquoi, je le répète, nous avons recommandé que la coalition créée en 1997 exige des banques et des autres institutions financières qu'elles envoient ce dépliant d'une page à leurs clients et qu'elles les invitent à se joindre à un groupe. Voilà pourquoi nous avons insisté sur cette recommandation. Nous voulons que les institutions financières facilitent la création d'un groupe comprenant un grand nombre d'utilisateurs et disposant de bonnes ressources, de manière à ce que les gens puissent s'adresser à ce groupe. On trouverait au sein de ce groupe des spécialistes de l'éducation des consommateurs qui seraient en mesure de consacrer tout leur temps à lire les passages en petits caractères et qui fourniraient aux gens les réponses à leurs questions, de manière à pouvoir déterminer quelle carte convient le mieux à une personne donnée. Le groupe agirait en outre comme groupe de défense des utilisateurs.
Le sénateur Ringuette : Nous avons une institution fédérale qui a supposément le mandat de jouer ce rôle.
M. Conacher : Oui, mais elle se trouve coincée entre les consommateurs et les banques en tant qu'organisme de réglementation. Les banques ont leurs propres agents politiques et disposent de ressources qu'elles prennent aux consommateurs. Les consommateurs ont besoin d'un groupe qui se consacre à eux et dont l'existence ne représente un coût ni pour les consommateurs, ni pour les banques. C'est ainsi qu'on devrait former ce groupe. Le comité a avalisé cette proposition il y a 11 ans et a demandé au ministre des Finances de la mettre en œuvre. Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a lui aussi fait cette recommandation.
Le sénateur Gerstein : Monsieur Conacher, dans l'exposé que vous avez fait le 27 mars 2007 devant le présent comité, vous avez parlé des conflits d'intérêts des banques. La première source de conflits d'intérêts que vous avez indiquée a attiré mon attention. Vous avez dit que, chaque année, les plus généreux donateurs du secteur privé versant de l'argent dans la caisse du parti politique au pouvoir étaient les banques. Pourriez-vous m'en dire un peu plus sur les données qui sous-tendaient cette affirmation?
M. Conacher : C'était le cas avant qu'on l'on limite les dons aux partis politiques pour la première fois, en janvier 2004. Avant ce changement, c'est-à-dire avant que les dons ne soient publics, les banques constituaient, parmi les entreprises privées, le secteur qui donnait le plus d'argent année après année au parti politique qui était au pouvoir.
Le sénateur Gerstein : Cette affirmation ne s'applique pas aux cinq dernières années?
M. Conacher : Non.
Le sénateur Gerstein : Je suis d'avis qu'auparavant, ce n'était pas le cas, et je peux l'affirmer dans le cas du Parti conservateur. Je ne peux pas faire la même affirmation dans le cas du Parti libéral, mais je soupçonne que, pour eux non plus, ce n'était pas le cas.
Le président : Le sénateur Massicotte a un grand pouvoir de persuasion. Il lui reste 10 secondes.
Le sénateur Massicotte : Les commerçants paient des frais d'environ 1,2 p. 100 au Canada. Qu'est-ce qu'ils paient aux États-Unis, en Europe et ailleurs?
M. Conacher : Je dirais qu'une telle comparaison n'est pas vraiment pertinente. Ce sont les coûts réels qu'il faut connaître.
Le sénateur Massicotte : Qu'est-ce que les commerçants paient ailleurs?
M. Conacher : Je n'ai pas les moyens de trouver cette information.
Le président : Merci beaucoup. J'apprécie la coopération de tout le monde. Nous allons lever la séance et nous serons de retour après la pause parlementaire. Nous allons nous retrouver dans deux semaines et demie pour poursuivre notre étude.
Je remercie les deux témoins. Nous sommes heureux qu'ils soient venus témoigner devant nous malgré le bref préavis. Vos témoignages nous ont été utiles.
(La séance est levée.)