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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 14 - Témoignages - 16 novembre 2010


OTTAWA, le mardi 16 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Bonjour. Je souhaite la bienvenue à mes collègues les sénateurs et aux membres du public qui suivent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, autrefois du Manitoba, et j'ai l'honneur de présider le comité.

Le comité a pour mandat d'étudier les dispositions législatives et les questions qui touchent les peuples autochtones du Canada en général. Compte tenu de ce mandat, le comité a entrepris d'examiner des stratégies pour éventuellement réformer l'éducation primaire et secondaire des Premières nations, en vue d'améliorer les résultats. Notre étude portera entre autres sur les éléments suivants : ententes ou partenariats tripartites dans le domaine de l'éducation; structures de gouvernance et d'exécution; cadres législatifs possibles.

Ce matin, nous accueillons Colin Kelly, curateur public de la Division scolaire Northland no 61, en Alberta. M. Kelly a été nommé curateur public en janvier dernier. Auparavant, il a été pendant trois ans directeur de l'éducation pour les Premières nations du Traité no 8, de l'Alberta. Il a aussi travaillé pour le gouvernement du Yukon : de 2005 à 2007, il a été coprésident du projet de réforme de l'éducation et de 2002 à 2005 il a été surintendant des écoles et sous- ministre adjoint de l'Éducation. De 1990 à 2002, il a occupé le poste de surintendant de la Division scolaire Northland. En 2002, il a reçu le prix du président de l'Association des conseils scolaires de l'Alberta.

M. Kelly est titulaire d'un doctorat en éducation, leadership éducatif, qui lui a été décerné par l'Université de l'Alberta en 2000. Il a obtenu un baccalauréat ès arts et un baccalauréat en éducation à l'Université St. Mary's, à Halifax, en 1974; en 1986, il terminait sa maîtrise en éducation à l'Université Memorial, à Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Avant d'entendre le témoin, permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents.

[Traduction]

J'ai à ma gauche le sénateur Jim Cowan, de la Nouvelle-Écosse, leader de l'opposition au Sénat. À côté du sénateur Cowan se tient le sénateur Maria Chaput, du Manitoba. À ma droite se trouvent le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut, et le sénateur Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick. Viennent ensuite le sénateur Patrick Brazeau, du Québec, le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, et le sénateur Daniel Lang, du Yukon.

Mesdames et messieurs les sénateurs, accueillez avec moi notre témoin, que certains d'entre vous connaissent peut- être. Monsieur Kelly, nous vous écoutons.

Colin Kelly, curateur public, Division scolaire Northland no 61 : Merci beaucoup, mesdames et messieurs, merci de m'avoir invité à témoigner. J'espère sincèrement que le peu que j'ai à vous offrir vous sera utile dans vos très importantes délibérations sur ce sujet si important et actuel.

Je tiens à dire que, selon moi, ce que vous entreprenez en tant que sénateurs, vu votre influence et vos pouvoirs décisionnels, concerne l'un des plus importants dossiers pour le Canada, les Premières nations et les Canadiens en général; il faut agir, intervenir avec précision, selon une orientation, et avec détermination pour enfin corriger le déficit éducatif dont souffrent nombre de Premières nations dans notre pays.

L'éducation, c'est l'épanouissement. C'est la création de possibilités, la réalisation de soi, la contribution à la société et, il faut l'espérer, la possibilité d'améliorer un tant soit peu le monde. Toutefois, pour les Premières nations, c'est aussi l'autonomie gouvernementale, l'épanouissement et la concrétisation des promesses des traités. Comme dans toutes les cultures, c'est un mécanisme nécessaire pour le transfert des connaissances entre générations, l'amélioration et la revitalisation des langues autochtones et, par conséquent, la survie même des cultures.

Je crois qu'il faut aussi dire, vu la gravité de cette étude nationale que vous entreprenez, que vous éveillez des espoirs. J'espère sincèrement que le comité permanent obtiendra des résultats concrets.

Vous savez, je crois que plus de 2 000 études ont été consacrées aux peuples autochtones et à l'éducation des Autochtones. À l'époque où je travaillais au gouvernement du Yukon et au Conseil des Premières nations du Yukon pour la réforme de l'éducation, un chef m'a fait remarquer que ce qu'il fallait dire avait déjà été dit, qu'il fallait maintenant passer à l'action, mettre en œuvre les recommandations et les pratiques et débloquer les ressources nécessaires. Je suis certain que vous avez déjà entendu ce message, que vous avez reçu le même message.

Je dois aussi préciser, à ce point de ma déclaration, que je ne parle pas au nom des peuples autochtones. J'ai eu le plaisir et le privilège de travailler avec des collectivités et des enfants autochtones et pour eux. Je crois que j'ai eu beaucoup de chance dans mon expérience du secteur de l'éducation. J'ai travaillé pendant 30 ans dans un système provincial où la clientèle vient principalement des Premières nations. J'ai occupé des postes similaires au Yukon, où j'ai également été surintendant et SMA de l'Éducation. J'ai eu l'occasion de coprésider un projet de réforme éducative mené par le gouvernement du Yukon et le Conseil des Premières nations du Yukon. Pendant trois ans, j'ai été directeur de l'éducation pour les Premières nations du Traité no 8 en Alberta et j'ai récemment été nommé curateur public à la Division scolaire Northland no 61. J'ai travaillé pour deux ordres de gouvernement et j'ai vu l'éducation des deux côtés de la clôture.

Il faut aussi comprendre que toutes mes références à l'éducation se rapportent surtout à l'Alberta et au Yukon, tout comme mes expériences.

Ce qui m'encourage également, outre le profil évident de votre groupe et les postes que vous occupez, c'est que les thèmes de discussion sont pertinents, qu'ils touchent les problèmes de l'éducation autochtone qui doivent être réglés au moyen de discussions et de partenariats marqués par la coopération.

Si vous le voulez bien, j'aimerais commenter brièvement chacun des thèmes de votre mandat et j'espère ainsi stimuler le dialogue.

En ce qui concerne les cadres législatifs possibles, les territoires et les provinces du Canada ont tous un ministère de l'Éducation et des lois qui régissent la prestation des services éducatifs. Ce sont généralement des lois sur l'éducation ou les écoles. Les parents, les membres de la collectivité, les étudiants, les fonctionnaires, tous ceux qui veulent savoir et participer peuvent connaître la teneur de ces lois. Ils connaîtront aussi les attentes, les rôles et les services offerts. Ces lois permettent donc une contribution et une participation structurées, elles permettent de poser des questions, d'assurer une utilisation optimale et de définir les rôles. Elles exigent aussi que les gouvernements, les structures de gouvernance et les employés rendent des comptes. En outre, puisqu'il s'agit de lois, tout changement nécessite une consultation, un débat législatif et plusieurs lectures, car les Premières nations qui reçoivent les avantages ou l'appui des structures fédérales ne bénéficient pas des mêmes protections législatives. D'après ce que je sais, l'éducation financée par le fédéral est assujettie à la politique. Les possibilités d'intervention ou de changement sont limitées ou inexistantes, et le débat législatif n'est pas une exigence. Les changements, en réalité, peuvent être imposés et le débat public est souvent limité. Je crois qu'il est temps de consacrer un débat national à l'éducation des Premières nations, afin d'élaborer et d'adopter une loi qui régira l'éducation des Autochtones.

Quant aux protocoles d'entente ou aux accords tripartites, je suis convaincu que le temps est venu de conclure des ententes tripartites entre les trois ordres de gouvernement — le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les Premières nations. Je crois que les trois gouvernements sont également favorables au concept de partenariat. Je suis également d'avis que ces partenariats sont nécessaires si nous voulons réussir à régler les problèmes de l'éducation des Premières nations. Les ententes tripartites permettent de partager les ressources et le savoir-faire. Elles permettent aussi de mener des initiatives ciblées et concertées.

Je pense par exemple au protocole d'entente entre les Premières nations des Traités nos 6, 7 et 8, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, qui reconnaît l'autonomie et l'autorité des Premières nations. Les deux gouvernements s'engagent à améliorer et à accroître constamment les connaissances des étudiants des Premières nations et, pour ce faire, à éliminer les obstacles, à créer des occasions d'apprentissage stratégique pour les Premières nations et à améliorer le service et la qualité de l'éducation offerte aux étudiants autochtones dans les écoles administrées par les Premières nations et dans les écoles provinciales.

Le déficit d'éducation dont souffrent les étudiants autochtones ne se limite pas aux systèmes administrés par les bandes. Les étudiants autochtones qui fréquentent les écoles provinciales ou territoriales n'affichent pas les mêmes résultats que les autres étudiants.

Dans ce PE, comment prévoit-on y arriver? Le PE contient des cibles convenues et des engagements concernant les ressources, l'analyse du financement, les programmes et services, la loi et les politiques, les frais de scolarité et les ententes de services éducatifs, les plans stratégiques à long terme et la responsabilisation, la gestion du rendement, le renforcement des relations, la mobilisation parentale et communautaire et la sensibilisation aux cultures et aux traités.

Tous ces éléments sont essentiels pour établir une compétence contemporaine et adaptée sur le plan culturel en matière d'éducation. Ce sont des conditions essentielles pour régler les problèmes d'éducation des Premières nations et créer un soutien pour l'éducation.

Au cœur du PE discuté se trouve la création d'un centre de connaissances et de sagesse autochtones. Un tel centre mettrait l'accent sur les résultats de l'éducation pour les étudiants autochtones dans un cadre éducatif approprié et adapté sur le plan culturel.

Les orientations convenues dans ce PE sont louables, et leur succès sera fonction de divers facteurs, dont les ressources humaines, la volonté politique des trois ordres de gouvernement et les ressources financières. Toutefois, selon moi, trois facteurs clés sont essentiels à la réussite de cette entente ou de toute autre entente.

Je crois que toutes les ententes doivent reposer sur les principes d'un partenariat véritable et je propose d'utiliser les principes énoncés dans le rapport de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones pour définir les « partenariats ». Cette définition, en bref, consacre les principes initiaux des traités. C'est une relation fondée sur des mécanismes qui assurent la non-ingérence entre nations, des partenariats égalitaires sans assujettissement et marqués par le respect mutuel, le consentement mutuel et la non-subordination de part et d'autre.

Deuxièmement, je crois que toutes les ententes avec nos Premières nations doivent porter sur l'autodétermination, l'autonomie gouvernementale et la concrétisation des promesses des traités. Je crois qu'il faut allouer aux Premières nations les fonds qui leur permettront de participer équitablement à toute entente ou négociation.

En ce qui concerne les structures de prestation des services, il existe des déficits importants, selon moi, dans la prestation des services éducatifs aux Premières nations. Vous avez certainement souvent entendu parler de cela dans vos audiences et vos délibérations.

J'aimerais en mentionner deux, ce que l'on appelle généralement les services de deuxième et troisième niveaux dans les écoles des Premières nations financées par le gouvernement fédéral.

Les services de deuxième niveau sont les services similaires à ceux qu'offrent les conseils scolaires et qui prennent la forme d'un soutien de programme, d'un encadrement de l'instruction, d'un mentorat et d'autres types de soutien professionnel, pour les enseignants, les étudiants, les services aux étudiants — par exemple, l'éducation spéciale — et le perfectionnement professionnel. Ils appuient les programmes scolaires afin d'améliorer l'apprentissage. Les services de deuxième niveau visent à assurer la cohérence des programmes éducatifs dans les écoles et les administrations scolaires.

À l'époque où je travaillais avec les nations du Traité no 8, et avec l'aide d'Affaires indiennes et du Nord Canada, nous avons étudié les services de deuxième niveau dans quatre administrations du Nord, dans trois provinces et un territoire. Ces administrations avaient été choisies en raison de leurs similarités géographiques et démographiques avec les écoles du Traité no 8. L'analyse montre qu'à l'échelle provinciale et territoriale, les administrations dépensaient en moyenne 1 300 $ par étudiant pour les services de deuxième niveau.

Au niveau de la province ou du territoire, les services de deuxième niveau sont un acquis. Ils sont considérés comme nécessaires à tout programme éducatif. L'idée d'exploiter un système d'éducation sans services de deuxième niveau est, dans une certaine mesure, inconcevable.

Le fait que ces types de services soient pratiquement inexistants dans les écoles administrées par les bandes peut expliquer en partie le profond fossé qui sépare les résultats des étudiants des écoles administrées par les bandes et ceux des étudiants des écoles provinciales.

Les services de troisième niveau sont les services ou les soutiens nécessaires à la viabilité des structures de gouvernance. L'absence de structure de gouvernance est directement liée à l'absence de loi ou de cadre législatif dont nous avons parlé précédemment.

Contrairement à ce qui se passe au niveau provincial, la gouvernance dans les écoles des Premières nations n'est pas ancrée dans la loi. Elle n'est pas appuyée par des soutiens éducatifs reconnus, par exemple, une fédération provinciale de conseils scolaires. Elle n'est pas appuyée financièrement par les cadres de financement fédéraux.

La gouvernance est souvent laissée au chef et au conseil, qui forment dans la plupart des cas, par leur nature même, une structure gouvernementale surchargée de responsabilités et à court de ressources en raison de la multitude des responsabilités. On risque alors que les décisions soient basées sur les politiques plutôt que sur la pédagogie. En outre, on a peu de temps pour discuter et orienter la gouvernance commune des systèmes des Premières nations.

Il est nécessaire de débattre d'une loi sur l'éducation, mais il faut que le gouvernement participe intégralement à l'initiative ou au débat que vous pourriez lancer. Il ne faut pas imposer de structure de gouvernance, et un changement de la politique ou du cadre de financement ne peut pas servir de fondement à de nouvelles structures de gouvernance. En outre, selon moi, il ne serait pas efficace d'adopter une structure de gouvernance provinciale qui se superposerait aux écoles administrées en vertu d'un traité ou par une bande. Les dirigeants des Premières nations dans les collectivités seront mieux en mesure de définir la structure de gouvernance appropriée à leur situation.

La gouvernance ne signifie pas que les Premières nations doivent renoncer à leur autorité ou à leur autonomie. La gouvernance peut signifier un regroupement des ressources et des soutiens pour faciliter la gouvernance et le partenariat actuel avec la province et les responsables de l'éducation.

Pour terminer, je souligne que l'on peut être optimiste malgré les résultats décevants de l'éducation. Les trois ordres de gouvernement abordent l'éducation des Premières nations avec le plus grand sérieux et ils sont prêts à éliminer les obstacles et à agir en termes de dispositions législatives, de services et de ressources.

Je le dis parce qu'il y a des initiatives qui pourraient donner des résultats. Je pense à la création du conseil du partenariat en éducation des Premières nations, des Métis et des Inuits avec le gouvernement de l'Alberta. Il y a les trois régions visées par les traités et le Métis Settlements General Council. Les possibilités de partenariat avec l'Alberta Métis Association sont intéressantes, et l'examen de la Division scolaire Northland, actuellement en cours, est prometteur. Évidemment, le Protocole d'entente tripartite sur l'éducation des Premières nations en Alberta présente de belles perspectives. Les partenariats sont essentiels pour corriger nombre des problèmes de l'éducation. Les partenariats permettent de partager les ressources et d'avoir accès aux ressources. Ils permettent aux systèmes d'apprendre les uns des autres. Ils permettent d'exploiter les points forts de chaque partie. Ils permettent de mieux dialoguer et d'adopter des dispositions législatives efficaces.

L'éducation des enfants autochtones ne devrait pas être la responsabilité d'un seul ordre de gouvernement, les étudiants dans les réserves étant financés par le gouvernement fédéral et les étudiants hors réserve, par la province. Tous les étudiants de la province devraient avoir un accès comparable à l'éducation, à des garanties législatives et à des occasions. Les questions de financement, les obstacles et la concurrence pour attirer les étudiants ne devraient pas avoir d'effet sur la réussite scolaire. L'accès des étudiants aux programmes ne devrait pas être déterminé par la géographie et l'adresse du domicile. Les partenariats avec les trois ordres de gouvernement, tels que définis précédemment et fondés sur les principes du PE, peuvent faciliter ce processus.

Pendant mes cinq minutes, j'espère avoir abordé des questions dont vous avez entendu parler auparavant, pour les renforcer. J'espère aussi vous avoir offert quelque chose de nouveau pour stimuler la réflexion et vous avoir donné assez de détails pour encourager la discussion.

Le président : Merci, monsieur Kelly. Que devons-nous faire pour secouer les Canadiens et tous les gouvernements? Je ne parle pas seulement du gouvernement actuel, parce que tous les gouvernements depuis 1867 ont échoué dans ce domaine. Nous n'avons jamais tenu les promesses des traités, d'après les Premières nations. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Nous devons respecter nos promesses en tant que Canadiens. Ce que nous faisons est honteux. Nous remplissons les prisons de membres des Premières nations, d'Inuits et de Métis. Le fait de ne pas corriger immédiatement cette situation est un crime commis par tous les Canadiens.

Nous écoutons des exposés — vous avez dit qu'il y avait eu 2 000 études sur le sujet — de tous les gouvernements, de tous les partis. Peu importe qui est au pouvoir. J'ai connu en Colombie-Britannique divers gouvernements qui n'ont pas su reconnaître le besoin. Que pouvons-nous faire pour secouer les Canadiens, leur indiquer que s'ils perdent encore une génération, le cauchemar social qui en découlera pèsera sur les épaules de tous les Canadiens?

M. Kelly : C'est un grand débat. Je suis d'accord avec vous, nous n'avons pas tenu les promesses des traités. Les Premières nations n'ont pas touché les avantages des partenariats originaux que nous avions conclus à l'époque des traités. Cela est certain.

Je suis convaincu qu'il faut une volonté politique. C'est un problème pour tous les gouvernements, quelle que soit leur affiliation politique. Il est temps qu'un gouvernement prenne des mesures très audacieuses et fasse un acte de foi. Les traités parlent de partenariat et de partage. Les traités ne visent pas à subordonner ni à contrôler tous les aspects de la vie d'un groupe; et pourtant, c'est ce que nous faisons depuis bien longtemps déjà. Les choses peuvent changer grâce à la loi et si on laisse les Premières nations se gouverner. Quand j'examine les questions de l'éducation, je vois les réponses dans les collectivités des Premières nations, mais aucune occasion ne leur est offerte.

Nous devons écouter. Nous devons avoir la foi. Nous devons prendre des mesures très audacieuses pour corriger une situation totalement inacceptable. Si cette situation persiste, avec nos pratiques et nos lois, nous en avons pour encore des années et nous perdrons encore des générations.

Le sénateur Cowan : Ce n'est pas mon champ de compétence, mais la question m'intéresse, comme tous les sénateurs. Ce que vous avez dit dans votre exposé semble si raisonnable, si rationnel. Ce qu'il faut se demander, comme l'a indiqué le président du comité, c'est peut-être pourquoi, en 2010, nous sommes ici à nous poser encore ces questions et à écouter des exposés comme le vôtre, qui semblent si raisonnables. Vous avez peut-être une perspective particulière, car vous êtes devenu un conseil scolaire en soi, et cela peut limiter le débat à la table du conseil. Nous avons vu cela fonctionner à l'occasion dans des régions où le conseil scolaire est dysfonctionnel et que le gouvernement intervient et nomme quelqu'un pour assumer les responsabilités du conseil.

Si vous aviez au niveau national des responsabilités similaires à celles que vous exercez dans votre district, quelle baguette magique pourriez-vous agiter pour que des décisions soient prises afin de régler un problème que nous étudions sans interruption depuis 150 ans? Vous parlez des principes d'égalité et de respect entre les partenaires. Nous convenons tous que sans ces principes il ne peut pas y avoir de progrès.

Comment passons-nous de la situation actuelle à celle que tous voudraient voir? Je suis certain que personne n'est satisfait du statu quo. Évidemment, il est inutile de réaliser de nouvelles études; elles ne feraient que s'empiler sur les étagères. Que devons-nous faire maintenant?

M. Kelly : Vous avez raison. Il n'est pas nécessaire de réaliser d'autres études. Il y en a déjà beaucoup sur les étagères. Malheureusement, il n'y a pas de baguette magique, de solution miracle, de mesure qui permettra de régler d'un coup tous les problèmes.

Si je peux m'en tenir au domaine de l'éducation, je suis convaincu, vu l'état actuel des choses, qu'il nous faut travailler en collaboration avec les gouvernements des Premières nations, les gouvernements provinciaux et territoriaux et le gouvernement fédéral. En éducation, comme pour nombre d'autres programmes sociaux des Premières nations, nous avons créé des barrières entre les étudiants dans les réserves et les étudiants hors réserve.

Je suis très en faveur des écoles des Premières nations administrées par les bandes. Toutefois, parce que j'ai travaillé dans ce système, je sais que les systèmes provinciaux bénéficient de quelques principes et services très fondamentaux que le système des écoles de bande n'a pas. Prenons le Traité 8. Une simple question sur l'effectif des étudiants et les résultats dans l'ensemble du système reste sans réponse, car les Premières nations n'ont pas de base de données pour produire cette information.

Comment pouvez-vous exploiter un système scolaire si vous n'avez pas de dossiers sur les résultats de vos étudiants, leurs taux d'obtention de diplôme, leurs points forts et les faiblesses? Comment les éducateurs peuvent-ils prendre des décisions pédagogiques sans ce genre d'information? Les provinces ont cette information; tous les surintendants de conseils scolaires l'ont aussi. À l'échelle nationale, elle n'existe pas.

Le financement des systèmes scolaires à l'intérieur d'une même province présente d'importantes différences. Nous avons analysé le financement pour les trois régions visées par les traités en Alberta ainsi que pour le gouvernement fédéral et la province. Initialement, cette analyse a révélé qu'environ 28 p. 100 des étudiants autochtones des réserves en Alberta sont sous-financés relativement au financement offert dans les systèmes provinciaux dans la même région. Des chefs vous ont dit qu'ils recevaient environ 2 000 $ de moins par étudiant, et c'est la pure vérité. Il est très difficile de mettre sur pied le type de programme dont on a besoin, de mener le type d'intervention nécessaire et d'attirer du personnel et de le maintenir en poste.

Si nous prenons des ententes de financement comparables, des dispositions de financement qui répondraient aux besoins de nombreux étudiants autochtones... si je regarde les guides de financement du gouvernement fédéral, cela tient sur deux pages. Je crois qu'il y a quelque 28 catégories distinctes.

En Alberta, quand nous rencontrons notre surintendant et le secrétaire-trésorier pour fixer les budgets de notre administration scolaire, c'est un cahier d'un pouce et demi d'épaisseur. Nous avons accès à un financement pour répondre aux besoins distincts des étudiants dans la classe. En conséquence, il y a une disparité entre ce que la province dépense par étudiant et ce que le fédéral dépense dans les systèmes administrés par les bandes.

En conséquence, les écoles se font concurrence pour attirer les étudiants. Les parents ne sont pas satisfaits et ils veulent envoyer leurs enfants dans le système provincial. Les systèmes provinciaux ne sont pas aussi efficaces qu'ils le devraient en matière de langue et de culture, deux aspects qui doivent faire partie intégrante d'un système d'éducation. Nous créons cette concurrence.

Nous avons des étudiants qui se tournent vers le système provincial, et les Premières nations vous diront que le niveau de responsabilisation n'est pas toujours adéquat. Est-ce que nos étudiants réussissent bien? Leur contribution se fait généralement par une entente sur les frais de scolarité qui, en passant, s'inspire d'une entente-cadre qui remonte à 1974, et l'on parle d'argent. On ne parle pas de responsabilisation ni de programmes.

Je crois qu'il n'y a pas de solution miracle, mais un nombre considérable de mesures doivent être prises. Je crois sincèrement — et je suis peut-être naïf — que nous devons, sans prendre le contrôle des systèmes des Premières nations ou administrés par les bandes, mettre en place des relations et des partenariats avec le système provincial. La province doit s'engager dans ces relations, parce que nos étudiants, en Alberta, ne sont pas simplement des étudiants des Premières nations, ce sont aussi des Albertains et ils devraient profiter de l'avantage albertain.

Les programmes et les initiatives ciblés instaurés par la province de l'Alberta n'englobent pas les systèmes administrés par les bandes, et les systèmes financés par le gouvernement fédéral ne sont pas au même niveau en termes de financement ou de programme. Nous créons dans nos provinces un système à deux niveaux et un avantage injuste.

J'aimerais pouvoir croire que ce qu'il faut vraiment c'est d'octroyer des ressources aux populations des Premières nations, de créer des mécanismes pour qu'elles puissent nouer des relations et des partenariats avec les systèmes provinciaux et être des partenaires à part entière — ne pas s'attendre à ce que l'administration soit prise en charge par les systèmes provinciaux, mais devenir un partenaire à part entière.

Le sénateur Lang : Merci beaucoup, monsieur Kelly, d'être venu. Comme vous l'avez indiqué, vous avez passé du temps au Yukon où, je crois, le système est très différent de ce que vous avez vu dans le Nord de l'Alberta.

Au Yukon, nous avons beaucoup de chance. Nous avons un système mis en place par le gouvernement du Yukon, la province, et qui s'applique à tous les étudiants du territoire. Il n'y a donc pas de disparité financière entre les écoles, les fonds sont distribués en conséquence. Il me semble que même si cela n'est pas parfait... on ne peut pas dire qu'il est impossible de l'améliorer.

Il me semble que les provinces devraient peut-être considérer ce système comme un modèle de cadre qu'elles pourraient adopter. Cela les aiderait à relever le défi qui nous préoccupe tous, le taux d'échec inacceptable des étudiants et des enfants autochtones.

Je n'accepte pas entièrement tout ce qui a été dit, toutefois, au sujet du gouvernement du Canada ou de la province qui assume toute la responsabilité. Nous sommes tous citoyens de ce pays; nous sommes tous responsables du problème, pour ainsi dire. Je pense aux parents, à ceux qui siègent aux conseils de bande, à ceux qui représentent la province et le gouvernement du Canada.

Du point de vue du contribuable, nous ne pouvons pas dépenser plus que ce que nous dépensons déjà. Je ne crois pas que nous puissions imprimer l'argent assez rapidement, au rythme où nous dépensons. L'argent ne réglera pas le problème.

Le problème, selon moi, c'est qu'il faut reconnaître que le gouvernement fédéral ne doit pas intervenir dans l'éducation. Il fait un très mauvais travail. Nous dépensons des millions de dollars et les résultats sont scandaleux, ils sont absolument inacceptables. Tant que tous les partis politiques n'afficheront pas la volonté nécessaire, il ne se passera rien dans ce dossier, parce que personne ne prendra l'initiative.

Je crois qu'il faut un consensus au niveau politique pour que nous puissions progresser et conclure un accord avec les provinces ou les territoires, selon le cas, et n'avoir qu'une compétence en éducation. Selon moi, cela devrait régler en partie certains des problèmes.

Il y a un autre aspect dont j'aimerais que M. Kelly nous parle. Ceux d'entre nous qui vivent dans les régions rurales du Canada connaissent bien le problème. Comment allons-nous faire pour envoyer les enfants à l'école?

Dans bien des cas, pour une raison quelconque, il n'y a pas de contrôle parental. Les enfants peuvent manquer au moins un jour par semaine, parfois deux. Et nous nous demandons pourquoi ils ont en 10e année des connaissances de 7e. Ces enfants sont intelligents, il ne faut pas les négliger de cette façon. Il faut prendre des mesures non seulement dans le système scolaire, mais dans l'ensemble, pour créer un climat où tous veulent participer au système scolaire. Si nous ne parvenons pas à envoyer les enfants à l'école, il n'y a pas de solution qui tiendra.

Monsieur Kelly, vous avez fait l'expérience de diverses régions du Canada. Ma première question est sans doute celle-ci : est-ce que le gouvernement fédéral devrait intervenir en éducation?

M. Kelly : Vous avez abordé plusieurs points. Je vais essayer de répondre au plus grand nombre possible.

Vous avez raison de dire que le système du Yukon est distinct. Au Yukon, le ministère est le conseil scolaire, il est responsable de l'éducation. En conséquence, le financement de toutes les écoles au Yukon est équitablement distribué. Une part importante des ressources financières est allouée à l'éducation au Yukon. Toutefois, il existe aussi des écarts entre la réussite des étudiants autochtones et celle des autres étudiants du Yukon. Ce même genre d'écart existe aussi entre les régions rurales et les villes du Yukon. Les statistiques le montrent.

Cela signifie aussi qu'il faut intervenir pour corriger le déficit éducatif des Premières nations. Le gouvernement actuel l'a reconnu, sinon il n'aurait pas lancé un projet de réforme de l'éducation conçu pour faire participer les Premières nations à tous les aspects de la prestation des services éducatifs. Dans toutes vos discussions, vous devrez tenir compte de ce fait essentiel : les Premières nations doivent participer dans une mesure considérable.

Je n'ai pas entendu affirmer aujourd'hui que tout cela était la responsabilité du gouvernement. Vous avez raison. Nous avons tous un rôle à jouer et nous avons tous une part de responsabilité à assumer pour ce qui se passe en éducation. Lorsque je regarde la situation dans laquelle je travaille, je ne pense pas à ce qui s'est passé à la gouvernance de la Division scolaire Northland quand les commissaires étaient seuls responsables du conseil scolaire, parce que tel n'était pas le cas. Nous avons tous des responsabilités — le gouvernement, les appuis fournis par le gouvernement, les parents, les administrateurs, les éducateurs et les enseignants. Nous avons tous une responsabilité lorsque nos enfants ne réussissent pas dans le système d'éducation.

L'absentéisme des enfants à l'école est un sérieux problème dans nombre des écoles des Premières nations et aussi chez les enfants autochtones qui fréquentent les écoles provinciales. Le taux de fréquentation moyen est de 80 p. 100 dans nos écoles. C'est troublant. Lorsque vous manquez deux jours par semaine, vous manquez un cinquième de l'année scolaire; tous les cinq ans, vous avez perdu toute une année d'école. Et nous nous demandons pourquoi nos enfants ne progressent pas. L'absentéisme scolaire est important.

Que devons-nous faire pour que les parents envoient les enfants à l'école? Nous avons beaucoup à faire; cela est certain. Vous avez lu au sujet des pensionnats, vous avez étudié la question et vous avez entendu parler des séquelles des pensionnats. La réalité, c'est que notre population en souffre encore.

Nous devons bâtir un système d'éducation qui reflète les cultures de nos clients. C'est la seule façon d'encourager la prise en charge. Si nous n'avons pas cette volonté et si les parents n'ont pas le sentiment que c'est le meilleur endroit où envoyer leurs enfants pendant la journée, notre système scolaire échouera complètement.

Je peux vous assurer que nous serons incapables d'y parvenir grâce au transfert de la responsabilité aux provinces, en disant simplement que les provinces ont d'excellents systèmes d'éducation. Elles ont d'excellents systèmes d'éducation, c'est vrai, mais nous ne pouvons pas les superposer aux cultures autochtones. Si nous le faisons, nous échouerons. Si vous deviez le faire et que vous connaissiez un certain succès, alors nous aurons complètement détruit toutes les langues et cultures, j'imagine.

Nos enfants sont aussi intelligents que les autres enfants de la province et du pays. Nous devons bâtir un système qui reflète les peuples et les cultures autochtones pour qu'ils soient au cœur de nos écoles et de notre programme. Alors, nous aurons une prise en charge. Quand nos parents se sentiront responsables du système, la fréquentation sera un problème moins sérieux.

Le sénateur Brazeau : Je vous souhaite une joyeuse journée de Louis Riel, monsieur le président.

Le président : Merci; c'est notre journée.

Le sénateur Brazeau : Monsieur Kelly, j'ai deux ou trois petites questions. Premièrement, je vous félicite de votre nomination. J'aimerais savoir précisément quelles sont les étapes que vous et votre équipe d'examen avez prises au moment de votre nomination pour améliorer les résultats et le taux d'obtention de diplôme des étudiants et pour recoller les pots cassés.

M. Kelly : Premièrement, l'équipe d'examen n'était pas la mienne, et je ne la dirigeais pas. J'avais pour mandat de faciliter ses délibérations. J'ai préféré ce type de structure, parce qu'il me permettait de travailler auprès des collectivités.

Je dois aussi mentionner que même s'il n'y a qu'un seul commissaire à la Division scolaire Northland, nous avons un conseil scolaire local dans chacune de nos collectivités. Ces conseils existent parce qu'il est essentiel d'avoir le point de vue des collectivités et de mener des discussions communautaires pour chacune de nos écoles. Ils font partie intégrante du fonctionnement de l'administration scolaire.

Je dois aussi signaler que nous attendons la publication du rapport de l'équipe d'examen. Il se trouve actuellement au bureau du ministre. Le ministre nous a indiqué que le processus suivait son cours : Cabinet, caucus, et cetera. Cela doit vous être plus familier qu'à moi. Je m'attends à ce que le rapport soit rendu public ce mois-ci. C'est ce que nous espérons.

Une des premières choses que nous avons faites portait essentiellement sur nos services de deuxième niveau. Depuis deux ou trois ans, les décisions de supervision n'étaient pas toutes en place à la Division scolaire Northland. Nous avons remédié à cette situation. C'était vraiment essentiel, vu le roulement des enseignants dans nombre de nos collectivités du Nord et le grand nombre de nouveaux enseignants qui arrivent dans le système chaque année; il nous faut ce genre de soutien du programme et de l'enseignement, pour aider nos enseignants dans la classe. Nos écoles sont plus éloignées et elles sont assez isolées dans un certain nombre de cas. Il est important que les superviseurs assurent l'uniformité de l'exécution, de l'évaluation et des programmes et qu'ils veillent à ce que les enseignants suivent le programme en classe.

C'est l'une des premières mesures que nous avons prises. Puis, nous avons réglé quelques questions administratives. Nous avons accru la taille de l'équipe d'administration pour que nos écoles ne se sentent pas isolées et nous avons mis l'accent sur l'introduction de stratégies d'intervention précoce, d'alphabétisation et de numératie dans nos écoles.

Le sénateur Brazeau : Depuis fort longtemps, j'entends ces discours creux au sujet de ce qu'il faut faire pour l'éducation. La question a été étudiée sous toutes ses coutures et il faudra une volonté politique pour aller au-delà du statu quo et obtenir des résultats concrets.

Je vous donne un exemple. Le pire obstacle, selon moi, c'est la question de la compétence. L'article 91.24 de la Constitution affirme que le gouvernement fédéral a compétence pour « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». Les provinces sont responsables de l'éducation sur leur territoire.

Pendant plusieurs années, j'ai siégé au Conseil de la fédération avec des ministres de l'Éducation, des ministres provinciaux et territoriaux et tous ceux qui voulaient faire quelque chose dans le domaine de l'éducation. Finalement, au bout du compte, oui, faisons quelque chose en éducation, mais nous voulons que le gouvernement fédéral paie parce que c'est lui qui est responsable des Indiens.

Selon moi, nous pouvons bien discuter de traités, de financement supplémentaire, de systèmes de gouvernance, mais la volonté politique fait défaut. D'après votre expérience du système provincial, je suis certain que vous êtes d'accord avec moi, le gouvernement fédéral ne transfère pas de sommes importantes aux provinces au titre de l'éducation. Il y a des années, avant la création du Conseil de la fédération, j'ai demandé aux gouvernements provinciaux de nous dire combien ils dépensaient pour l'éducation des Autochtones. J'attends toujours la réponse.

C'est peut-être parce que les gens ne veulent pas parler de ce qui se passe vraiment, regarder la vérité et les faits, mais c'est le pire obstacle. Comment pouvons-nous le surmonter?

M. Kelly : C'est une des questions que nous voulions traiter dans le PE. Il y a certaines convictions, et vous avez raison sur tous les points.

L'éducation, en passant, pour les étudiants autochtones hors réserve, relève du gouvernement fédéral, et vous ne pouvez pas échapper à cette responsabilité. Les sommes dépensées dans les systèmes scolaires des réserves sont inférieures à ce qui est dépensé dans le système provincial. Nous le savons. Ces faits et ces chiffres sont connus.

Pour les sommes que l'on dépense dans les systèmes provinciaux, je peux certainement vous communiquer le montant dépensé par étudiant dans notre administration, et nous pouvons vous faire part de ce que la province dépense par conseil scolaire. Je sais que le sénateur Lang a accès à cette information pour le Yukon parce que, comme on l'a mentionné précédemment, ce territoire dépense des sommes considérables au titre de l'éducation. Il est vraiment essentiel de dépenser cet argent.

L'un des objectifs du PE — et il faut en féliciter la province et reconnaître sa contribution à cela —, c'est que pour les étudiants des réserves dans une province donnée, les responsabilités ne relèvent pas uniquement du gouvernement fédéral.

Dans la région visée par le Traité no 8, nous croyons en outre que les étudiants sont des Albertains et qu'ils devraient profiter de l'avantage albertain. Le gouvernement provincial offre des programmes, des initiatives ciblées fondées sur de bonnes politiques en matière d'éducation, mais les systèmes administrés par les bandes n'ont pas accès à cet argent.

Grâce au PE, nous espérons pouvoir éliminer certains de ces obstacles et définir en collaboration des partenariats pour que les provinces ne prennent pas en charge les écoles des bandes. Il ne s'agit pas, pour le fédéral, de céder la responsabilité de l'éducation ou le financement de l'éducation à une province. Il s'agit d'offrir à tous les étudiants les mêmes possibilités en termes d'éducation, en Alberta dans ce cas-ci.

Les fonctionnaires et les ministres de l'Alberta ont demandé comment nous pouvions éliminer les obstacles. Comment nous pouvions assurer à tous les étudiants de l'Alberta l'accès aux programmes d'éducation? Pourquoi il était si difficile pour un étudiant hors réserve de passer à une école de réserve, et inversement?

Le PE tentait de corriger tout ce dont vous avez parlé, mais il traitait surtout des programmes et des étudiants plutôt que de l'école qu'ils allaient fréquenter.

Il y a une initiative en cours à la Division scolaire Northland. Il est encore très tôt, et nous travaillons en collaboration avec une Première nation. Dans un secteur géographique, nous avons trois écoles provinciales, toutes administrées par Northland, et deux écoles de bande. Nous avons deux systèmes distincts depuis trop longtemps.

Nous avons formulé un mandat et, au cours des prochaines semaines, nous consulterons les groupes intéressés, et tous ont accepté le projet et s'y sont engagés. Nous essaierons de déterminer comment offrir les programmes à tous les étudiants du secteur. Il se passe des choses dans le système provincial, il y a des ressources dans nos écoles provinciales auxquelles les écoles des bandes, à quatre kilomètres de là, n'ont pas accès. Cela devrait changer.

Le système administré par les bandes — et cela vaut pour de nombreuses écoles de bande — a des programmes, des ressources et un savoir-faire dont nous voulons profiter aussi, parce que nous faisons affaire avec les mêmes étudiants, les mêmes familles. Nous voulons éliminer certains obstacles et examiner les programmes d'éducation que nous offrons aux étudiants dans le secteur.

Je crois qu'il faut multiplier ce genre d'initiative. C'était également l'intention du PE. Essayons d'éliminer ces obstacles. Il ne s'agit pas d'intégrer les systèmes des bandes au système provincial. Ce n'est pas nécessairement ce que nous voulons faire, parce que les écoles provinciales n'ont pas montré — et elles l'admettent aussi bien que moi... Nous ne réussissons pas aussi bien que nous le voudrions. Cela n'a rien à voir avec qui administre l'école; il s'agit simplement de coopérer, de regrouper les ressources, d'examiner les programmes à offrir et, en partenariat, d'y travailler.

Le sénateur Poirier : Merci de cet exposé, monsieur Kelly. C'était très intéressant.

Parmi les renseignements que nous avons reçus, vous avez parlé de la Division scolaire Northland comme d'un cas unique en Alberta, d'une entité créée par une loi provinciale. Parallèlement, vous avez aidé 2 900 étudiants dans 23 petites collectivités autochtones du Nord. Les écoles que vous administrez, vous et la DSN, est-ce que ce sont des écoles des Premières nations ou des écoles provinciales?

M. Kelly : Ce sont des écoles provinciales, et notre clientèle est en grande partie autochtone. Nous comptons six établissements métis et un certain nombre de collectivités des Premières nations. Environ 50 p. 100 de nos étudiants vivent dans les réserves et fréquentent les écoles provinciales.

Le sénateur Poirier : Est-ce qu'il n'y a pas d'écoles des Premières nations dans ces collectivités? Vous avez aussi appuyé l'idée que les Premières nations devraient avoir autorité sur leur propre système scolaire et le gérer, mais ici vous avez des écoles provinciales où 95 p. 100 des étudiants sont des membres des Premières nations, des Inuits et des Métis.

M. Kelly : Oui, et nous sommes voisins de plusieurs écoles administrées par les bandes.

Le sénateur Poirier : Pourquoi pensez-vous que 95 p. 100 de vos étudiants fréquentent les écoles provinciales et pas les écoles des Premières nations, puisqu'elles existent et qu'ils y ont accès?

M. Kelly : Il y a une collectivité, en particulier, où la réserve est voisine d'une collectivité non autochtone ou sans statut. Il y a une certaine concurrence. Nous voulons affaiblir cette concurrence entre les systèmes.

Diverses raisons peuvent expliquer pourquoi les parents envoient leurs enfants dans les écoles provinciales. Certains parents croient que le système provincial a un meilleur programme ou dispense mieux le programme et que les étudiants auront de meilleures chances. Nous avons des parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants à l'école de bande dans certains quartiers ou certaines collectivités parce que — c'est malheureux, selon moi, mais c'est une décision parentale — ils ne veulent pas que leurs enfants soient exposés aux programmes culturels et linguistiques. Parfois, cette décision repose sur une affiliation religieuse quelconque. Parfois, le soutien à l'égard d'un système administré par la bande est très fort dans les collectivités voisines.

À mon avis, la difficulté est due au fait que les systèmes administrés par les bandes sont sous-financés et ont de la difficulté à retenir le personnel enseignant. Ils ne sont pas capables d'offrir des programmes comparables, et les classes y sont parfois plus grosses. Tout cela peut miner la confiance d'un parent envers le système d'éducation.

Toutefois, la majorité des membres des Premières nations sont comme vous et moi, ils veulent que leurs enfants réussissent à l'école. En même temps, ils veulent préserver leur langue et leur culture; les écoles des bandes sont peut- être mieux à même d'offrir ce type d'éducation.

Le sénateur Poirier : Pensez-vous que les coûts liés à l'éducation des étudiants à l'école provinciale réduisent considérablement les fonds des écoles des Premières nations? Le coût par étudiant à l'école provinciale est plus élevé.

M. Kelly : Je répondrai à cette question, mais je veux revenir à votre question précédente. Je n'ai pas précisé que certaines écoles de bande offrent un programme qui va du jardin à la sixième. Après cela, les étudiants font leur secondaire dans une école provinciale. Les fonds que verse le fédéral par étudiant ne correspondent pas à ce que les écoles provinciales dépensent, alors les systèmes administrés par les bandes doivent trouver d'autres sources de financement. Je sais que les écoles des bandes utilisent l'argent de leurs fonds patrimoniaux et d'autres programmes pour payer les frais de scolarité provinciaux.

[Français]

Le sénateur Chaput : Je dois vous dire que je suis franchement désolée de voir que, en dépit des efforts continus — parce que des efforts ont été faits —, le Canada ne répond toujours pas à ses obligations à l'égard des peuples autochtones.

Les peuples autochtones, que ce soit en termes d'éducation ou autres, ont des droits constitutionnels, tels que le respect de leur culture et de leurs traditions. C'est enchâssé dans notre Constitution. Ils ont droit à un accès à l'éducation comme tous les autres jeunes Canadiens et Canadiennes, mais ils ne l'ont pas.

Je sais que certains de mes collègues diront que l'éducation est de juridiction provinciale, et c'est vrai. Cependant, concernant les peuples autochtones, il s'agit de droits constitutionnels, et donc, le Canada a une obligation.

Pour parler plus positivement, suite à toutes ces démarches infructueuses, nous reconnaissons finalement que l'approche « one size fits all » ne fonctionne pas; elle n'a jamais fonctionné. Elle ne fonctionne ni pour les minorités ni pour les Autochtones.

Pour répondre aux besoins de ces jeunes Autochtones, pour leur donner un accès à l'éducation égal à tous les autres jeunes Canadiens, pour leur offrir une éducation sur mesure, selon leurs besoins tout en respectant leur culture et leurs traditions, quelle serait, d'après vous, la première démarche à entreprendre?

[Traduction]

Si la première étape consiste à éliminer les obstacles, quels sont ces obstacles? Comment peut-on les éliminer?

M. Kelly : C'est vrai, j'en conviens, il n'y a pas de solution universelle. C'est pourquoi j'ai mentionné que mes commentaires s'appuyaient sur mon expérience en Alberta et au Yukon. Cela ne signifie pas que ce que je dis s'applique à l'ensemble du pays.

Je conviens aussi avec vous que l'éducation des étudiants autochtones est une responsabilité fédérale. C'est une promesse qui figure dans les traités. Pour respecter l'esprit des traités, cette responsabilité ne peut pas être déléguée à la province. Pour cette première étape, le gouvernement fédéral doit reconnaître que le rôle d'Affaires indiennes et du Nord Canada dans l'éducation des Premières nations est un rôle de facilitateur plutôt que de fournisseur de politiques et de gestionnaire de budgets. Le rôle du gouvernement est d'habiliter les Premières nations à faire ce qu'elles jugent nécessaires dans leur région géographique ou dans leur province ou territoire.

Trop souvent, les écoles administrées par les bandes consacrent beaucoup trop de temps à essayer d'obtenir du financement par l'entremise de la bureaucratie fédérale. Elles passent beaucoup trop de temps à produire des rapports et à justifier ce qu'elles ont fait. Le gouvernement fédéral doit reconnaître que les coûts de l'éducation varient selon les provinces et les territoires, qu'une formule unique ne peut pas fonctionner et qu'une seule formule de financement pour 10 provinces et 3 territoires ne convient pas. Le rôle du gouvernement est d'habiliter les Premières nations à définir et à mettre sur pied des systèmes d'éducation viables.

Actuellement, ils sont trop marginalisés financièrement parce qu'aucune ressource n'est allouée aux soutiens en tous genres. Il n'y a pas de ressources centralisées pour le développement des programmes ni pour l'élaboration de programmes linguistiques. C'est ce qui me semble être la première étape à franchir.

Le sénateur Stewart Olsen : Merci, monsieur Kelly, pour cet exposé réfléchi et bien organisé. C'était bien d'avoir des chiffres et de mentionner les partenariats tripartites.

Je ne suis pas certaine que vous puissiez répondre à ma question. Ce que vous voulez faire, c'est bien joli dans un monde parfait; toutefois, nous nous trouvons devant un problème d'une telle ampleur que je ne suis pas certaine que nous puissions le résoudre. Tant d'étudiants ne peuvent pas recevoir l'éducation dont ils ont besoin. Je me demande si nous ne devrions pas réfléchir de façon innovatrice, nous éloigner de tous ces rapports et des façons de faire éculées.

Avez-vous un exemple à proposer au comité? Pouvez-vous nous donner un exemple de réussite? C'est cela que je voudrais voir.

Le président : Docteur?

M. Kelly : Tout à coup, on m'appelle docteur? Pour quelle raison?

Le président : Parce que nous avons besoin d'un bon remède.

M. Kelly : Il y a dans le Nord du Manitoba des écoles qui réussissent très bien, des écoles administrées par les bandes et qui produisent des diplômés. Je crois qu'il faut regarder de ce côté.

Je ne le dis pas simplement parce que j'y ai participé, mais vous devriez aussi examiner l'esprit du PE sur l'éducation conclu entre les régions visées par les Traités nos 6, 7 et 8, le gouvernement fédéral et la province. Il ouvre des perspectives remarquables en ce qui concerne les partenariats et, si vous regardez bien l'intention et les engagements, ils ne portent pas uniquement sur l'éducation. On y parle des enfants pris en charge, des étudiants qui ont des besoins spéciaux et de certaines autres questions sociales dont il faut tenir compte.

Si je vous suggère d'examiner ce PE, c'est parce que les régions visées par les traités ont participé à la définition de l'orientation que le PE a prise. Je dois dire que la province et le gouvernement fédéral étaient évidemment très désireux d'agir, mais l'initiative est venue des trois régions visées par les traités, et c'est vraiment de là qu'elle doit venir. J'examinerais les possibilités que cela offre.

Le secret, c'est de travailler aux engagements. Vous avez raison : chaque fois qu'il y a une entente, la question de l'argent surgit. La province dit que le gouvernement fédéral doit injecter plus d'argent. Le gouvernement fédéral réplique que ces étudiants sont des résidents de la province et que la province devrait investir aussi. Ils ont tous deux raisons. Entre-temps, tout le monde parle d'argent, et nous n'avançons pas autant que nous devrions en termes de systèmes d'éducation. Nous devons régler cette question.

L'avantage, c'est que ce n'est plus simplement un gouvernement des Premières nations qui dit au fédéral « Il nous faut plus d'argent ». La province est là pour dire que c'est ce qu'elle dépense, c'est ce qu'il faut, c'est ce qu'il faut pour faire des affaires dans cette province, c'est la rémunération qu'elle verse aux enseignants, et c'est ce que coûte l'éducation. Cela donne plus de crédibilité, et les trois ordres de gouvernement se comprennent.

Je dois souligner que les Premières nations ont besoin de ressources pour être des partenaires à part entière. Il était intéressant d'arriver à ces discussions. Les représentants d'Ottawa sont venus avec un soutien technique, un soutien politique, un soutien de recherche, un soutien juridique, et il y avait sans doute cinq ou six personnes du fédéral à la table. La province est venue avec des SMA ou des directeurs de l'éducation, des directeurs exécutifs, un analyste stratégique, deux ou trois avocats pour le soutien juridique et une foule de spécialistes. Nous ne pouvons qu'envier leurs délégations. Les Premières nations avaient un représentant de la région visée par le Traité no 6, un pour le Traité no 7 et un pour le Traité no 8. Nous n'avons pas les mêmes ressources.

Il importe que nous puissions tous siéger à la table, participer à ces négociations et avoir le même accès aux ressources. Je crois sincèrement qu'alors, nous pourrions construire un meilleur système, mais il faut que tous les ordres de gouvernement s'y mettent et il faut éliminer les obstacles entre les écoles des réserves et les écoles hors réserve. Je ne dis pas qu'il faut éliminer la distinction. Je crois encore fermement dans le système administré par les bandes, mais je crois que nous aurons un meilleur système si nous le faisons en partenariat et si nous partageons les ressources.

Le sénateur Stewart Olsen : Combien de temps vous a-t-il fallu pour rédiger le PE, du début à la fin?

M. Kelly : Nous avons rencontré les trois grands chefs et notre chef de l'éducation pour le Traité no 8, le chef Rose Laboucan. Nous avons rencontré le ministre de l'Éducation, le ministre des Relations autochtones et le ministre d'AINC — à l'époque, c'était Chuck Strahl. Je crois que c'était en juillet, peut-être même au début d'août, et nous avons terminé en novembre ou au début de décembre.

Il suffit de vouloir et de s'y mettre. Si c'est important, vous allez engager vos ressources.

Le sénateur Sibbeston : Ma question a un caractère un peu philosophique et je pense que le sénateur Patterson serait d'accord avec moi. Vous êtes sans doute la personne idéale à qui la poser, en raison de votre expérience dans le Nord et avec les Autochtones.

Le programme du système d'éducation est élaboré dans le Sud, dans les centres urbains et les universités. Il est fondé sur des connaissances de l'ère de l'informatique, alors que dans le Nord, vous avez des peuples autochtones. Je ne me prends pas au sérieux, d'une certaine façon, parce que j'ai un esprit primitif. Ma grand-mère avait un tel esprit; elle regardait les tasses et les petits contenants et elle passait beaucoup de temps à feuilleter les catalogues, parce qu'elle aimait voir des choses qu'elle n'avait jamais vues auparavant.

Dans le Nord, les gens sont tout à fait différents. Ce sont des Autochtones, des gens de la terre, de la forêt, qui ne vivent pas dans la société industrielle. Vous avez des gens qui ont une philosophie, une culture et un esprit différents. On tente d'imposer l'éducation urbaine, de l'éducation du Sud, à ces gens.

Avez-vous déjà songé à créer un système d'éducation plus adapté, qui reconnaisse la situation dont je parle? Cela s'applique au Nord, aux Inuits, aux Dénés et à tous ces gens dans le nord de nos provinces. Est-ce que ce n'est pas là le problème? Nous essayons d'apporter quelque chose du Sud urbain à des gens si différents? Naturellement, vous aurez des difficultés.

Est-ce que la réponse ne serait pas de créer un système de la forêt, du nord du pays, de partir de là et d'intégrer les connaissances pour que les gens soient à l'aise et réussissent? Avez-vous songé à cela?

M. Kelly : La réponse est brève : oui, et je pense que les Premières nations vous le disent probablement depuis longtemps déjà. D'après mon expérience, je crois qu'il faut faire deux choses.

Je ne me soucie pas trop du programme. Les résultats d'apprentissage dans le cadre d'un programme sont excellents dans tout le pays. Les documents de soutien et nos méthodes pédagogiques, cela doit être adapté, c'est certain.

Prenons un cas. Dans la région visée par le Traité no 8, le programme d'études sociales de premier niveau porte sur le thème « ma famille, mon école, ma collectivité et moi ». Les ressources approuvées, évidemment, sont celles de la majorité. Avec les années, la région visée par le Traité no 8 a décidé d'adapter le programme d'études sociales de ses écoles pour refléter les écoles, les collectivités et les gens de la région. Quand ils disent « moi », ils parlent de l'enfant des Premières nations, d'une famille des Premières nations, et l'école est administrée par la bande. Les résultats d'apprentissage sont identiques. Le matériel pédagogique utilisé pour enseigner est adapté pour être beaucoup plus familier aux étudiants. Nous avons pris ce programme de niveau 1, nous l'avons présenté au gouvernement albertain et nous avons demandé au ministère de l'Éducation de l'examiner pour voir s'il répondait à ses normes, et il y répond. C'est une ressource pédagogique approuvée pour toutes les écoles albertaines.

Ce dont vous parlez est faisable. La difficulté, c'est que la région visée par le Traité no 8 reçoit environ 45 000 $ par année pour cela. À ce rythme, pour réviser et publier un programme social du jardin à la douzième il faudra des décennies. Cela ne se fera pas. Il n'y a pas de ressources pour cela.

Je crois qu'il faut faire deux choses. Il faut adapter les ressources en fonction du programme existant et des résultats d'apprentissage existants afin qu'elles s'appliquent mieux et conviennent aux étudiants autochtones. Il nous faut des initiatives d'élaboration de programme qui reflètent les valeurs et les cultures de la clientèle visée, tout ce dont vous parliez, les écarts entre le Nord et le Sud.

Le sénateur Sibbeston : L'expérience de Breynat Hall a été l'un des programmes les plus réussis jamais offerts dans le Nord. Ce programme administré par l'Église catholique allait chercher dans les collectivités les enfants les plus doués et il les réunissait. Une école a été ouverte à Fort Smith. En 10 ou 15 ans, on a formé tout le leadership que nous avions dans le Nord. On insistait pour que les enfants réussissent bien à l'école, mais on accordait une grande importance au leadership, jouer pour gagner, être bien et être fier. Dans le Sud, les parents sont naturellement ainsi, ils ont de la discipline et de l'ambition. Dans le Nord, par contre, les gens ne savent pas que ces éléments sont essentiels pour réussir dans la société d'aujourd'hui. N'oubliez pas que ces gens sortent de la forêt. Ils n'ont pas la même attitude ni la même philosophie. D'une façon ou d'une autre, nous devons les leur inculquer à l'école afin qu'ils puissent réussir dans la société moderne. Y avez-vous pensé?

M. Kelly : On m'a souvent dit que les populations des Premières nations avaient besoin d'un système d'éducation, mais les aînés vous diront qu'il faut aussi que les étudiants apprennent la culture autochtone. Il faut aussi jeter un pont vers la société en général, pour qu'ils sachent ce qu'est la société en général, qu'ils connaissent la culture dominante.

C'est ce que la population des Premières nations a toujours voulu. Selon moi, il n'y a jamais eu de tentative pour isoler un système d'éducation. Il s'agissait toujours de se connaître et de connaître les valeurs et la langue qui déterminent votre culture. Toutefois, c'est aussi d'être capable de participer pleinement et à part entière à la société. Cet aspect est très présent. Il faudra élaborer des programmes et du matériel pédagogique.

D'ailleurs, une autre question se présente à nous dans les cultures autochtones : la disparition de nos langues. Le sénateur Lang vous dira qu'il y a au Yukon un certain nombre d'initiatives pour revitaliser les langues autochtones, parce que toutes les langues autochtones au Yukon sont des langues en péril et qu'il y a peu de locuteurs. Seulement trois langues autochtones au Canada ne sont pas considérées comme en voie de disparition.

Le sénateur Lang pourra vous dire que lorsque nous parlons aux aînés, ils nous disent qu'ils veulent que leurs enfants connaissent leur langue et leur culture — c'est-à-dire l'essence même de leur identité et de leur passé. J'imagine qu'on ne peut comprendre cela que lorsqu'on l'a perdu ou qu'on risque de le perdre.

Les langues sont importantes non seulement parce que la culture se perd, mais aussi parce qu'elles ont un effet sur la réussite scolaire de nos enfants. Quand les enfants arrivent à l'école, on s'attend à ce qu'ils possèdent une langue ou des connaissances linguistiques assez solides pour apprendre. Il y a des situations où nous constatons, dans certaines de nos collectivités, que des enfants des Premières nations ou des enfants autochtones arrivent à l'école avec une certaine connaissance d'une langue autochtone et un peu d'anglais, mais ils n'ont pas de solides connaissances linguistiques. Cela complique énormément l'apprentissage et l'enseignement. Il nous faut une langue pour apprendre.

Le sénateur Patterson : Monsieur Kelly, vous avez parlé de l'importance de la gouvernance et du contrôle des Premières nations sur les écoles. Je pense que nous sommes tous d'accord, sans soutien communautaire, les écoles sont condamnées ou du moins très désavantagées.

Vous êtes arrivé à la Division scolaire Northland en janvier dernier, et nous aurions dû recevoir un rapport en juin. Je crois que ce rapport n'est pas encore terminé. Monsieur Kelly, est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu l'échec de la gouvernance dans cette expérience audacieuse? De nombreuses collectivités et un grand nombre de personnes y ont participé. Ce n'est peut-être pas votre mandat, mais pourquoi a-t-il fallu dissoudre le conseil? Et surtout, qu'est-ce que nous pouvons apprendre sur l'utilisation de la gouvernance, parce que cela ne semble pas avoir fonctionné dans ce cas? Est-ce que vous pouvez nous aider?

M. Kelly : Non, pas vraiment. Désolé. Toutefois, vous devriez probablement tenir cette conversation avec le ministre de l'Éducation de l'Alberta, lui demander pourquoi on a jugé nécessaire de prendre cette mesure et pourquoi on a cru que la gouvernance allait échouer.

À la Division scolaire Northland, j'ai collaboré à l'établissement de cette structure de gouvernance. J'y croyais sincèrement. La Division scolaire Northland fonctionne en vertu d'une loi distincte. Chaque collectivité élit un conseil scolaire local comme s'il s'agissait d'un conseil d'administration. Le président de ce comité siège à la commission scolaire. Lorsque j'étais surintendant, j'ai vu jusqu'à 25 commissaires assis autour de la table, un peu comme ici. C'était bien, parce que les problèmes de chaque collectivité étaient exposés.

Pourquoi est-ce que cela a échoué? Si une structure de gouvernance échoue, comme je l'ai dit précédemment, je ne crois pas que les commissaires en soient les seuls responsables. La gouvernance, dans le monde administratif, n'est pas seulement la responsabilité d'un conseiller. L'administration doit aussi dire « très bien, ce n'est pas quelque chose à faire. Nous devons cerner les obstacles et définir nos paramètres. »

Je dois souligner que ce n'est pas la seule fois où cela s'est produit à la Division scolaire Northland, et la Division scolaire Northland n'est pas la seule commission scolaire qui a vécu cette expérience au fil des ans en Alberta. Quelques petites commissions scolaires ont aussi été jugées inefficaces par le ministère.

Je crois qu'il y a un certain nombre de facteurs, et je ne les connais pas tous. Je sais que les commissaires qui venaient voulaient mettre l'accent sur les étudiants, et la gouvernance n'est difficile, que ce soit à la Division scolaire Northland ou ailleurs, que lorsque cet accent sur les étudiants et leur réussite en classe faiblissent. C'est à ce moment qu'on se trouve en difficulté.

C'est tout ce que je peux dire. La gouvernance désigne souvent la gestion des trois B — le budget, les bus et les bâtiments —, mais l'accent doit toujours porter sur les enfants dans nos classes et sur ce que nous pouvons faire pour améliorer leur sort et leurs perspectives d'avenir.

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, sénateur. Je n'ai pas voulu, ni aujourd'hui ni à l'époque, entrer dans les détails. Ma conception de ce poste à Northland, je l'ai travaillée pendant des années, parce que je travaille depuis 30 ans dans cette administration scolaire. J'adore cette administration et ces collectivités, et c'est malheureux que l'on en soit arrivé au point où le ministre a jugé nécessaire d'intervenir.

Le président : Un des sénateurs a mentionné la responsabilité et vous a demandé pourquoi la Division scolaire Northland avait échoué. Je suis certain que le conseil scolaire a donné une orientation et une philosophie, comme l'aurait fait le conseil d'administration d'une société.

M. Kelly : C'est exact.

Le président : Toutefois, précédemment, vous avez parlé des séquelles des pensionnats et de la détribalisation sur les Premières nations. Vous avez mentionné comment cette détribalisation avait miné la structure de gouvernance et vous avez indiqué comment le système d'aide sociale avait pris le relais. Diriez-vous que c'est peut-être un facteur? Diriez- vous que les dilemmes sociaux des membres de nos Premières nations sont le résultat de gestes posés contre elles depuis le premier contact? Diriez-vous que ces gestes ont créé la situation actuelle, une situation où, comme le dit le sénateur Lang, il faut trouver des façons d'envoyer les enfants à l'école? Eh bien, si la collectivité est à ce point dysfonctionnelle, en raison des horribles scénarios qui ont été imposés à ces gens, comment pouvez-vous traiter cette dysfonction?

M. Kelly : J'aimerais connaître la réponse. Pendant l'exposé, nous avons parlé de gouvernance et j'ai mentionné qu'il ne servirait à rien de superposer une structure de gouvernance provinciale sur le système des Premières nations. J'ai dit qu'il était nécessaire de dialoguer, que la structure de gouvernance devait refléter les collectivités des Premières nations de la région.

Vous avez raison, nous devons vivre avec les séquelles des pensionnats. Les pensionnats ont eu des conséquences horribles, vous le savez. Je suis certain que vous avez beaucoup entendu parler de cela pendant vos déplacements. Cette situation a fait énormément de dommages. Elle a notamment interrompu le transfert intergénérationnel des connaissances. Elle a interrompu la transmission des compétences parentales, et la disparition de la famille élargie a eu de terribles effets à long terme.

C'est aussi pourquoi, lorsque nous avons discuté du PE, l'accent n'a pas porté uniquement sur l'éducation. Un grand nombre de questions sociales doivent être réglées, et pour que les enfants fréquentent l'école, il ne suffit pas que les parents leur disent « Va à l'école ». Les parents doivent être convaincus que l'école où ils envoient leurs enfants est le meilleur endroit pour eux. Les enfants doivent entendre, quand ils sortent de la maison, que c'est une bonne école avec d'excellents enseignants : « Bonne journée ». Malheureusement, on n'a pas confiance dans le système d'éducation. Nous devons régler un grand nombre de questions sociales qui nécessitent le genre de collaboration entre organismes dont les gouvernements parlent depuis des années, mais qu'ils n'ont jamais pu instaurer.

Le sénateur Lang : Je remercie M. Kelly d'être ici aujourd'hui pour nous offrir cet aperçu. J'aimerais préciser deux ou trois choses. Premièrement, au sujet de ma remarque antérieure, je reconnais la responsabilité constitutionnelle du gouvernement fédéral et le fait qu'elle ne peut pas être déléguée. Évidemment, le protocole d'entente ou un mécanisme de ce genre peut être le vecteur utilisé pour parvenir à une certaine entente entre les parties.

Je maintiens que vous seriez en meilleure position dans un système d'éducation provincial qu'avec le gouvernement fédéral, qui n'a évidemment ni les capacités ni les ressources voulues pour offrir un système d'éducation national ne serait-ce qu'à une partie de la population.

Je veux préciser quelque chose au sujet de la Division scolaire Northland. Nous parlions du système des écoles administrées par les bandes et de la Division scolaire Northland. Vous comptez, je crois, 23 collectivités. Combien sont administrées par la province et combien par le gouvernement fédéral?

M. Kelly : Toutes les écoles de la Division scolaire Northland sont des écoles provinciales.

Le sénateur Lang : Donc j'ai bien compris, ce sont des écoles provinciales. Il n'y a pas d'écoles administrées par les bandes dans la région?

M. Kelly : Sur le territoire de la Division scolaire Northland, il y a probablement 17 écoles administrées par les bandes.

Le sénateur Lang : Vous nous dites qu'il y a 23 écoles provinciales et 17 écoles administrées par les bandes?

M. Kelly : Oui.

Le sénateur Lang : C'est donc 40 écoles en tout.

M. Kelly : Oui, mais c'est aussi ce qui fait notre particularité. Il y a aussi d'autres systèmes scolaires provinciaux dans la région.

Je vais essayer de vous situer dans un contexte géographique que vous connaissez. À Fort McMurray, dans la collectivité d'Anzac, il y a une école Northland. Dans la Première nation de Fort McKay, c'est Northland, c'est-à-dire qu'il y a une école provinciale à Fort McKay. Nous administrons l'école de Fort Chipewyan, et un peu au sud les écoles de Janvier et de Conklin. Janvier est une collectivité des Premières nations, et Conklin est surtout métisse.

Nous avons des étudiants autochtones qui quittent les réserves et fréquentent l'école provinciale. C'est une école provinciale hors réserve, mais elle dispense l'éducation à ces étudiants. Nous avons des collectivités dans la région Wabasca-Desmarais, alors nous avons une école à Wabasca, une école à Desmarais et une école à Sandy Lake; elles sont toutes à 30 kilomètres les unes des autres. La nation crie de Bigstone administre une école de bande là-bas et elle a créé une petite école culturelle dans la région.

À l'école de bande, on offre un programme du jardin à la 6e, et les étudiants viennent ensuite chez nous de la 7e à la 12e. Il y a aussi des étudiants autochtones hors réserve et des étudiants non autochtones qui fréquentent nos écoles. C'est mixte.

Le sénateur Lang : Dans les écoles provinciales, vous touchez le même montant que ce que vous recevriez si vous étiez au centre de l'Alberta. Autrement dit, c'est environ 2 500 $ par étudiant, ou 4 000 $, je ne sais pas plus...

M. Kelly : Nous dépensons plus, en moyenne, que les administrations du Sud, parce qu'il est nécessairement plus coûteux d'administrer une petite école qu'une grande école. Par exemple, dans votre cas, ce que l'on dépense par étudiant à l'école secondaire F.H. Collins est très différent du montant alloué par étudiant à Old Crow. Les petites écoles sont beaucoup plus coûteuses à administrer.

Le sénateur Lang : Toujours en ce qui concerne l'engagement financier, dans ces écoles provinciales qui dispensent des services aux enfants autochtones qui choisissent de les fréquenter — ou lorsque c'est la seule école du secteur —, est-ce que le gouvernement fédéral paie directement la province?

M. Kelly : Non.

Le sénateur Lang : Est-ce qu'il y a un dédommagement quelconque?

M. Kelly : Le gouvernement fédéral fournit des fonds. Pour Wabasca-Demarais, il remet des fonds à la nation crie de Bigstone. Nous concluons une entente sur les frais de scolarité avec la nation de Bigstone en fonction, comme je l'ai dit précédemment, de l'ancienne entente-cadre de 1974 qui parle essentiellement d'un coût vérifié par étudiant. Le vérificateur général de l'Alberta vérifie nos administrations chaque année. Nous pouvons ventiler tous nos coûts, établir le coût par étudiant, et c'est ce que nous facturons à la Première nation qui envoie ses étudiants au système provincial.

La difficulté, c'est que souvent les sommes qu'une Première nation reçoit pour l'éducation sont nettement inférieures à ce que nous facturons par étudiant autochtone inscrit à l'école provinciale. À l'école provinciale, nous facturons ce que nous dépensons. Nous avons des cas où la province dépense évidemment plus pour l'éducation d'un étudiant provincial que ce que le gouvernement fédéral remet à la Première nation pour l'éducation d'un étudiant autochtone.

Le sénateur Lang : Au bout du compte, le gouvernement fédéral paie la Première nation, la Première nation paie, dans ce cas-ci, la province de l'Alberta, et il y a une différence. Est-ce que la province comble la différence?

M. Kelly : Non, la province ne paie pas la différence. C'est une facture qui est remise à la Première nation concernée. Dans notre cas, il n'y a jamais eu de problème, mais les systèmes provinciaux ont à l'occasion éprouvé des difficultés lorsque pendant un certain temps les sommes dues au système provincial par une Première nation sont supérieures à ce que celle-ci peut payer. À ce moment, le gouvernement fédéral intervient généralement et paie la facture. On peut évidemment se demander pourquoi, si vous pouvez payer la facture, vous ne versez pas assez d'argent au départ pour que nous puissions payer nos propres factures. Mais c'est une autre question.

Le sénateur Lang : J'aimerais parler des enfants qui ne vont pas à l'école. Vous avez dit qu'ils pouvaient perdre jusqu'à 20 p. 100 de l'année scolaire. Évidemment, ils prennent du retard et ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils décrochent. Nous avons remarqué les taux de décrochage dans votre rapport.

Dans toutes ces petites collectivités où l'absentéisme a été ou est peut-être encore élevé, est-ce que l'on prend des mesures innovatrices pour aider les parents, les enfants et l'école en question, pour que les enfants fréquentent l'école et aient un petit-déjeuner? Est-ce qu'il y a des programmes pour essayer de changer les choses?

M. Kelly : Oui, il y en a. Dans notre administration, nous avons un service alimentaire scolaire. Nous distribuons des repas nutritifs à tous les enfants, tous les jours. Nombre de nos écoles ont aussi accès au programme Breakfast for Learning. Quelques écoles ont réussi à obtenir des fonds d'un autre programme qui offre des petits-déjeuners à nos enfants.

Les écoles ont en outre adopté diverses mesures individuelles. Nous utilisons des agents de liaison entre l'école et la collectivité; ils visitent les foyers pour travailler avec les familles et tenter de trouver quels sont les problèmes liés à la fréquentation scolaire.

Il ne s'agit pas uniquement des parents et des familles; c'est un élément très important, bien sûr, mais je crois que vous avez dit que c'était aussi une question de programmes. C'est une question de programmes et de méthodes pédagogiques. Nous avons eu du succès dans des écoles qui ont adopté des programmes plus axés sur l'expérience, plus adaptés, avec les mêmes résultats d'apprentissage à la culture. Un des programmes que nous souhaitons que les écoles provinciales de la région utilisent est celui de l'école culturelle de Bigstone. C'est extraordinaire de voir à quel point les étudiants qui fréquentent cette école sont intéressés. Là-bas, ils suivent des cours en langue crie avec les aînés. Ils apprennent les contes traditionnels. J'ai eu l'occasion de visiter l'école et de regarder des enfants apprendre à écorcher un castor et à préparer la peau. J'ai écouté des récits empreints de spiritualité. Le cours est axé sur la langue et la culture, et les étudiants suivent attentivement toutes les activités.

Il y a un excellent programme chez le sénateur, à Old Crow. Pendant deux semaines chaque année, les étudiants sont emmenés sur la plaine Old Crow. La collectivité appuie énergiquement le programme, les aînés et les parents aussi, tous veulent que les enfants aillent là-bas. Ce n'est pas simplement deux semaines passées loin de l'école. On enseigne là-bas un programme approuvé qui donne les mêmes résultats d'apprentissage mais de façon différente. C'est une autre façon d'offrir ce programme.

Il nous faut regarder ce dont vous avez parlé pour adapter le programme, le matériel pédagogique, et voir comment nous pouvons l'enseigner. Évidemment, notre façon de procéder ne donne pas les résultats souhaités, et il ne faut donc pas continuer à faire la même chose. Nous devons trouver des façons différentes pour éveiller l'intérêt des enfants.

Le sénateur Poirier : Vous avez dit un peu plus tôt qu'il fallait établir des partenariats et qu'il fallait cesser de considérer les étudiants autochtones uniquement comme des étudiants autochtones, mais aussi comme des étudiants albertains.

Avant de devenir sénateur, j'ai siégé à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick et j'ai eu, entre autres portefeuilles, la responsabilité des Affaires autochtones de la province du Nouveau-Brunswick. Je suis acadienne et je me considère comme Néo-Brunswickoise. Je me souviens que lorsque j'ai pris ce portefeuille en main, j'ai mentionné à un Autochtone au cours d'une réunion qu'il nous fallait collaborer parce que nous étions tous des Néo-Brunswickois, au bout du compte. Cette personne m'a immédiatement corrigée : elle n'était pas Néo-Brunswickoise, elle était Autochtone.

Selon vous, est-ce que les Autochtones se considèrent comme des Albertains? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Kelly : La réponse qu'on vous a faite n'a rien d'étonnant. Les membres des Premières nations sont des Autochtones.

J'ai parlé de la coopération nécessaire. L'Alberta, vous l'avez sans doute entendu dire, s'en tire très bien économiquement. Le gouvernement parle d'un avantage albertain. Les Autochtones croient que l'avantage albertain devrait être accessible à tous. Je suis d'accord.

Dans un partenariat, personne ne veut que la province prenne en charge une école de bande ou des collectivités autochtones. Dans un partenariat, comme je l'ai dit précédemment, un des partenaires n'est pas asservi à l'autre. Nous combinons les points forts et les capacités des deux pour les exploiter. L'un a quelque chose à offrir et l'autre a quelque chose à donner. Nous pouvons construire de meilleurs systèmes d'éducation de cette façon.

Je vous donne un exemple : notre système provincial recevra cette année 1 130 $ pour chaque étudiant autochtone autodéclaré. Le système des bandes, à côté, ne touche pas cet argent. Il n'a pas accès aux fonds d'éducation albertains. Lorsque nous acceptons un étudiant autochtone dans le système provincial, nous dépensons 1 100 $ par étudiant. Nous ne faisons pas de discrimination, mais nous ne recevons pas d'argent pour cet étudiant. Devrions-nous offrir un programme spécial aux étudiants autochtones? Non, nous ne le faisons pas. Et le système administré par les bandes ne recevra pas ces fonds pour élaborer les programmes. Nous dépensons cet argent et nous facturons la Première nation. Le gouvernement fédéral dit qu'il ne peut pas donner le même montant, et les Premières nations sont automatiquement en déficit.

Les Premières nations seront toujours les Premières nations. Pour établir le genre de partenariat dont nous parlons, il nous faut une coopération de ce type. Ce n'est pas parce que vous administrez une école de bande que certaines ressources du système provincial ne peuvent aller à cette école. À la Division scolaire Northland, j'ai des superviseurs de la pédagogie, des mentors et des coordonnateurs de l'éducation spéciale qui passent devant l'école de bande pour venir au travail. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous parlons des mêmes enfants, dans les mêmes collectivités. Il nous faut coopérer pour assurer leur éducation. Pour ce faire, il ne devrait pas être nécessaire de céder le contrôle. Les Autochtones ne devraient pas devoir dire qu'ils sont Albertains ou Néo-Brunswickois ou membres des Premières nations.

Les Premières nations devraient avoir accès aux mêmes genres d'occasions, de programmes, de financement et d'avantages que les provinces. Nous devrions pouvoir partager. Nous tentons d'y parvenir avec le PE. Comment pouvons-nous collaborer? Quand nous discutons avec les écoles administrées par les bandes, ce n'est pas parce que nous voulons les intégrer à la Division scolaire Northland ni pour que la Division scolaire Northland les administre. Cela nuirait à la population autochtone. Il s'agit de partager une partie de mes ressources et une partie de leurs ressources pour que nous puissions offrir une meilleure éducation à la population.

Le sénateur Patterson : Monsieur Kelly, vous avez dit qu'il nous fallait une loi nationale pour régir l'éducation des Premières nations. Nous sommes étonnés que la Loi sur les Indiens soit si désuète et inadéquate en ce qui concerne l'éducation, l'absentéisme, et cetera.

Quels sont les éléments que vous voudriez voir figurer dans une loi nationale sur l'éducation des Premières nations? Compte tenu de l'intérêt que le grand chef de l'Assemblée des Premières Nations a manifesté à l'égard de l'éducation, quels seraient les principaux intervenants qui collaboreraient à l'élaboration de cette loi?

M. Kelly : Les principaux intervenants seraient les Premières nations. Votre question nous entraîne dans l'univers politique, et j'aimerais mieux l'éviter, je ne suis qu'un éducateur. Cela dit, il devrait y avoir un représentant des Premières nations de toutes les provinces et de tous les territoires du pays ainsi que des représentants de l'Assemblée des Premières Nations.

Tout projet de loi devra traiter de deux ou trois aspects. Nous entendons constamment parler du manque de responsabilisation des Premières nations. Nous ne parlons pas souvent de la responsabilisation du gouvernement fédéral relativement à l'exécution des services d'éducation. Les deux côtés doivent rendre des comptes. Comme vous le savez, la Loi sur l'éducation établit l'orientation et la vision en la matière, et cela est accepté au niveau provincial et territorial. Il nous faut la même vision au niveau fédéral. Une loi nationale sur l'éducation définirait les mesures nécessaires pour concrétiser cette vision.

La loi contribuerait à déterminer la gouvernance et le rôle de la gouvernance. Elle réglerait aussi les questions de financement et définirait les responsabilités des étudiants et des parents. À défaut d'une norme nationale quelconque, nous continuerons d'échouer dans le domaine de l'éducation des étudiants autochtones.

Le président : Au nom du comité, monsieur Kelly, je vous remercie de nous avoir fait bénéficier de votre expérience et de vos connaissances. Nous nous sommes dangereusement approchés de l'arène politique, que vous avez préféré éviter, et nous le comprenons bien, compte tenu de vos responsabilités. Je suivrai avec intérêt les progrès du PE signé en Alberta. Il pourrait servir de modèle dans l'ensemble du pays.

Monsieur Kelly, merci encore. Nous vous rappellerons peut-être lorsque nous serons sur le point de terminer la rédaction de notre rapport, que nous voulons concis, précis et clair, un rapport qui ne pourra pas être ignoré. Nous aurons besoin de toute l'aide possible.

M. Kelly : Merci de m'avoir invité aujourd'hui. C'était un honneur. Je vous souhaite certainement beaucoup de succès dans vos délibérations et je vous assure que rien n'est plus important pour nous, Canadiens, que de corriger la situation de l'éducation autochtone dans les réserves et hors réserves. Je crois sincèrement que des efforts concertés donneront des résultats concrets.

Je suivrai moi aussi les progrès du PE, car il ouvre de belles perspectives à l'Alberta. Il n'y a pas d'initiative ou de réponse unique. Nous pouvons apprendre les uns des autres, collectivement.

Le président : La séance est levée jusqu'à demain soir. Nous examinerons alors une ébauche de rapport sur l'une de nos études.

(La séance est levée.)


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