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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 12 - Témoignages du 29 septembre 2010


OTTAWA, le mercredi 29 septembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour étudier l'état de préparation du Canada en cas de pandémie.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie

[Traduction]

Au cours de la séance, nous amorçons une nouvelle étude sur l'état de préparation du Canada en cas de pandémie, en réponse à une lettre que nous a adressée en juin la ministre de la Santé, l'honorable Leona Aglukkaq. Les attachés de recherche et le personnel ont préparé un plan de travail, qui a été approuvé par le comité de direction. Nous allons poursuivre cette étude au cours des neuf prochaines audiences. Certaines dureront deux heures, et d'autres, trois heures. Vers la fin, nous aurons une table ronde d'une durée de trois ou quatre heures, ce qui nous permettra de terminer au début de novembre. Les attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement prépareront ensuite un rapport et le feront traduire. Vers la mi-décembre, avant l'ajournement du Sénat pour Noël, le comité va déposer le rapport au Sénat.

Vous avez peut-être remarqué qu'hier, au Sénat, j'ai présenté une motion pour repousser à la fin du mois de décembre la date de dépôt du rapport, initialement prévue à la demande de la ministre pour la fin d'octobre. Nous avons consulté le cabinet de la ministre, qui a accepté notre requête.

Au cours de la première réunion, nous examinerons le contexte et ferons un survol de la situation en ce qui concerne le H1N1 au Canada. Avant de vous présenter les témoins d'aujourd'hui, j'aimerais souhaiter la bienvenue au sénateur Patterson, qui est ici aujourd'hui à titre de remplaçant, et à un nouveau membre du comité, le sénateur David Braley, de l'Ontario. Je souhaite aussi la bienvenue à tous les autres qui faisaient déjà partie du comité.

Aujourd'hui, notre premier témoin est le Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique de l'Agence de la santé publique du Canada. Le Dr Butler-Jones est le premier administrateur en chef de la santé publique du Canada et il dirige l'agence qui met en œuvre les efforts du gouvernement visant à protéger et à promouvoir la santé et la sécurité des Canadiens. Il a travaillé dans de nombreuses régions du Canada, tant en santé publique qu'en médecine clinique, et a été consultant dans plusieurs pays.

Notre deuxième témoin est la Dre Danuta Skowronski, chef du service de l'épidémiologie de l'influenza et des nouveaux pathogènes respiratoires au BC Centre for Disease Control. La Dre Skowronski est professeure clinicienne adjointe à la School of Population and Public Health à l'Université de la Colombie-Britannique. Elle a été consultante en maladies transmissibles auprès de la South Fraser Health Region dans le Lower Mainland en Colombie- Britannique. Elle est aussi membre de l'American Board of Preventive Medicine. La Dre Skowronski fait partie d'une équipe chargée de la surveillance, de la recherche et des questions stratégiques en matière de maladies évitables par la vaccination, de l'influenza et de la coqueluche en particulier.

Notre troisième témoin est le Dr Donald Low, dont je me souviens, car il était à Toronto pendant l'épidémie du SRAS. Le Dr Low est directeur médical des laboratoires de santé publique de l'Agence ontarienne de protection et de promotion de la santé. Il dirige le département de microbiologie du University Health Network et à l'hôpital Mount Sinai à Toronto. Ses principaux domaines de prédilection sont l'étude de l'épidémiologie et des mécanismes de la résistance aux antimicrobiens dans les collectivités et leur importance clinique. Le Dr Low est une autorité reconnue internationalement en matière de microbiologie et de maladies transmissibles. Il a publié plus de 300 articles dans des revues évaluées par des pairs.

La Dre Susan Tamblyn est consultante en planification en cas de pandémie et ancienne présidente du Comité consultatif national de l'immunisation. Elle a été médecin hygiéniste. La Dre Tamblyn est active dans le domaine des pandémies d'influenza depuis plus de deux décennies. Depuis 2004, elle a été consultante en matière de planification en cas de pandémie pour tous les ordres de gouvernement, et durant l'épidémie de SRAS, elle a siégé au comité consultatif d'experts sur le SRAS de l'Ontario. Pendant la pandémie de grippe H1N1 de 2009, la Dre Tamblyn a participé à l'intervention contre la pandémie à titre de membre de l'équipe de vaccination pour l'Agence de la santé publique du Canada.

Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique du Canada, Agence de la santé publique du Canada : Je tiens à remercier les membres du comité sénatorial de me donner la parole ainsi que la possibilité de contribuer au processus constant de planification en cas de pandémie. Plusieurs représentants de l'agence paraîtront dans les semaines à venir — et je viendrai moi-même plus d'une fois — pour parler de la planification en cas de pandémie et pour donner plus de détails sur les leçons apprises de la pandémie de grippe H1N1.

[Français]

Afin de définir le contexte, je crois qu'il serait approprié de parler tout d'abord de la pandémie.

[Traduction]

Monsieur le président, ce que nous avons vu en 2009 dans le cas de la pandémie de H1N1 aurait pu être bien pire. Si le monde et nos méthodes de lutte contre les pandémies n'avaient pas changé, nous aurions pu nous retrouver dans la même situation qu'en 1918. Gardez à l'esprit qu'en 1918, une personne jeune et en bonne santé serait morte. En 2009, cette même personne jeune et en bonne santé était branchée à un appareil d'assistance respiratoire grâce, en partie, à l'évolution importante de la technologie, des antibiotiques et des traitements.

Toutefois, la grippe H1N1 n'avait rien d'un roman de Robin Cook, et il y a une bonne raison à cela. C'est parce que les Canadiens et Canadiennes, conjointement avec leur milieu, leurs institutions et leurs gouvernements, ont réagi efficacement, tout comme cela a été le cas à l'échelle mondiale. Cette réponse collective aurait été impossible sans les années de planification et les investissements en ce sens du gouvernement du Canada.

Sans le plan, le Canada n'aurait peut-être pas eu un des taux de vaccination contre la grippe H1N1 les plus élevés au monde. Il n'y aurait pas eu de structure permettant aux gouvernements, aux laboratoires et aux hôpitaux d'échanger de l'information et des données de surveillance en constante évolution. Le Canada n'aurait pas eu ce contrat unique au monde, adapté à nos besoins et visant à maximiser le caractère sécuritaire du vaccin et de la vaccination. Nous n'aurions pas réussi, en quelques mois seulement, à passer du décodage du virus à la plus grande mobilisation de masse dans l'histoire du pays.

[Français]

Nous n'aurions pas réussi à nous attaquer efficacement aux risques chez les groupes vulnérables.

[Traduction]

Nous n'aurions pas réussi à lancer des campagnes nationales de publicité et de sensibilisation du public pour donner aux Canadiennes et aux Canadiens les renseignements dont ils avaient besoin pour se protéger et protéger leur famille. La population canadienne n'aurait pas non plus bénéficié d'un accès à des traitements aux antiviraux précoces par l'intermédiaire des réserves nationales ni de soins efficaces et relativement harmonieux. Grâce à toutes ces mesures, le taux de survie chez les cas hospitalisés, même les cas graves, est de 85 p. 100. Le plan a fonctionné.

Les gouvernements ont investi dans des années de planification et cela en a valu la peine. Le plan reposait sur des leçons tirées de la crise du SRAS, en 2003, qui ont notamment mené à l'établissement de l'Agence de la santé publique du Canada, à la signature de protocoles, à la création d'outils, au renforcement des capacités de laboratoire et à l'amélioration de la recherche et des communications. Le plan était centré sur un contrat d'approvisionnement en vaccins décennal unique. Sous la houlette de l'Organisation mondiale de la santé, le plan a permis d'unifier et de maintenir des groupes d'experts nationaux, des réseaux internationaux ainsi que le secteur de la surveillance, des médias et des communications à l'échelle nationale et internationale.

Il est pratiquement impossible de dénombrer avec certitude le nombre de cas et de décès que les mesures prises par la population canadienne ont permis d'éviter. Il est aussi difficile de faire des comparaisons à l'échelle internationale, en particulier parce qu'il existe des différences importantes dans le mode de collecte de données des autres pays.

[Français]

Toutefois, les résultats de nos interventions communes en disent long.

[Traduction]

L'utilisation d'antiviraux chez les enfants est passée de 48 à 89 p. 100 entre les deux vagues de la pandémie de H1N1, et de 60 à 65 p. 100 des Canadiens ont dit avoir utilisé plus souvent des mesures personnelles de prévention des infections, comme se laver les mains et tousser dans sa manche. En Ontario, une étude montre que nos interventions conjointes ont permis d'éviter des coûts de santé possibles de 20 millions de dollars, et qu'elles ont aussi permis de prévenir des décès et des cas de maladie à grande échelle.

Cela ne signifie pas qu'un plan peut stopper la progression d'un virus. Les pandémies sont connues pour leur caractère imprévisible, tant sur le plan de leur évolution que de leur gravité. À la fin de la deuxième vague, il y avait eu 428 décès et des milliers d'hospitalisations au Canada. Dans la majorité des cas, les gens présentaient des facteurs de risque sous-jacents, mais environ un tiers étaient en parfaite santé. Parmi les autres, nombreux sont ceux qui souffraient d'une forme peu sévère et contrôlable de diabète, d'asthme et d'autres maladies.

Jamais auparavant les médecins aux soins intensifs au pays n'avaient vu des cas de détresse respiratoire aussi graves, ni autant de cas chez les adultes où les respirateurs ne suffisaient pas. Les jeunes qui n'ont pas été hospitalisés ont dit que c'était la première fois qu'ils étaient aussi malades. D'autres personnes mentionnent des problèmes de cœur ou d'autres types de problèmes qui ont longtemps persisté.

Notre réponse n'a pas toujours été parfaite. Pour gérer le flot d'information en temps réel et les demandes de renseignements urgentes, il a parfois fallu modifier nos avis. Les incertitudes techniques entourant la production de vaccins ont parfois entraîné des doutes chez le public quant au moment où le vaccin serait offert. Des opinions discordantes ont eu tendance à embrouiller les Canadiennes et les Canadiens plutôt qu'à les aider.

Tout ceci démontre, comme l'histoire nous a enseigné, que la planification est aussi importante que le plan. Voilà pourquoi je suis heureux d'annoncer que l'Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada ont pratiquement terminé leur examen des mesures prises pour lutter contre la grippe H1N1.

L'examen englobera des secteurs d'intervention précis dans l'ensemble des mesures prises et entraînera la formulation de plusieurs recommandations intersectorielles. L'Agence de la santé publique et Santé Canada ont aussi demandé l'avis et les commentaires des organisations non gouvernementales avec lesquelles ils ont collaboré tout au long de la pandémie. Bon nombre de nos partenaires, y compris les provinces et les territoires, effectuent leur propre examen.

L'étude du comité constituera une ressource essentielle pour tous les employés de l'agence et tous les partenaires concernés. Dans le cas de l'agence plus précisément, la grippe H1N1 a mis à l'épreuve nos capacités à tous les échelons, qu'il s'agisse de se préparer aux urgences publiques, de promouvoir la santé ou de pratiquer la santé publique. Je crois que cette expérience nous sera très utile à l'avenir et nous permettra de faire face à toutes les urgences, et non seulement aux pandémies à venir.

Dre Danuta Skowronski, chef, Épidémiologie de l'influenza et des nouveaux pathogènes respiratoires, BC Centre for Disease Control : Je veux commencer par vous donner un aperçu de mon point de vue, qui n'a pas nécessairement été mis en évidence dans la biographie. Je suis une conseillère en chef en matière de santé publique et aussi une chercheuse, une scientifique. Ma sphère de responsabilité couvre les interventions rapides. J'ai donc un portefeuille lié aux interventions rapides, et je vais vous expliquer de quoi il s'agit.

À titre de conseillère en politiques, je suis membre d'un certain nombre de comités provinciaux et nationaux, dont le Comité consultatif de l'immunisation, le Groupe de travail sur les vaccins pandémiques, anciennement connu sous le nom de Comité sur la pandémie de l'influenza, et cetera.

Je conseille les décideurs au sujet de la prévention et du contrôle de l'influenza chaque année et pendant les crises sanitaires dues aux nouveaux pathogènes respiratoires, les pathogènes émergents. À titre d'exemple, en 2003, en Colombie-Britannique, j'étais la responsable des interventions dans le cas du SRAS. Nous avons vécu une situation très différente de celle de l'Ontario. J'ai aussi fourni des recommandations en matière de santé humaine liées au contrôle de la plus grande épidémie de grippe aviaire de l'histoire du Canada, l'épidémie de H7N3, qui a touché la volaille. J'ai fourni des conseils à la Colombie-Britannique, au cours de la dernière année, dans le cadre de son intervention concernant la pandémie de grippe H1N1.

Pour que je puisse faire mon travail, pour pouvoir informer les décideurs, j'ai besoin des meilleures données disponibles à jour. Cela signifie qu'il faut que la capacité de produire ces données soit vraiment rapide, tout comme doit l'être l'analyse critique des nouvelles données qui peuvent être fournies par d'autres personnes parce que pendant une crise, les données nous arrivent très rapidement. Les choses ne se font pas nécessairement de la meilleure façon. Autrement dit, on ne peut pas procéder à un essai clinique contrôlé randomisé. Il arrive donc parfois que les méthodes utilisées ne soient pas les méthodes de premier plan que nous souhaiterions employer, mais ce sont les meilleures dont nous disposons en temps de crise en évolution rapide, où les délais sont très courts.

Nous devons être capables de procéder à une analyse clinique de ces données, et parfois nous devons produire ces données nous-mêmes et nous devons être en mesure de les diffuser et de les analyser pour ceux qui doivent prendre des décisions en matière de santé publique. Tout cela demande que l'on ait facilement accès à une infrastructure, une capacité, des ressources tant humaines que matérielles, et des experts tout fin prêts.

C'est de ce point de vue que je veux établir un lien avec la réponse à la pandémie de H1N1. Premièrement, il y a eu de toute évidence une amélioration en matière d'intervention rapide et sur le plan de la capacité de recherche appliquée en santé publique au Canada depuis qu'on a tiré des leçons de la pandémie de SRAS en 2003. Par exemple, nous avons maintenant trois grandes agences de santé publique reliées entre elles, soit le BC Centre for Disease Control, d'où je viens, l'Institut national de santé publique du Québec et nous avons la toute nouvelle Agence ontarienne de protection et de promotion de la santé, qui a été créée, tout comme l'Agence de la santé publique du Canada, à la suite de l'épisode du SRAS.

C'est formidable que les trois plus grandes provinces collaborent dans le cadre d'initiatives de recherche sur la prise de décision fondée sur des preuves. De toute évidence, ce serait encore mieux si d'autres pouvaient y contribuer.

L'Agence de la santé publique du Canada a été créée à la suite de l'épidémie de SRAS. L'organisme vient en renfort aux efforts de coordination nationale. De surcroît, les subventions de l'Agence de la santé publique du Canada et de l'équipe pour la préparation en vue d'une pandémie des IRSC ont contribué à appuyer les réseaux de recherche et leur expansion partout au Canada.

Toutefois, je pense également qu'il y a encore beaucoup de place à l'amélioration au chapitre des capacités de recherche sur l'intervention rapide au Canada. Premièrement, nous devons établir et mettre à l'essai un processus national pour générer, évaluer, incorporer et communiquer rapidement de nouvelles données durant une crise. C'est crucial. À la diapositive suivante, vous verrez une citation d'un responsable de la santé publique qui explique à quel point il a eu du mal à gérer les nouvelles données qui s'accumulaient en temps réel durant la pandémie. Il a dit : « Ce n'est pas ma façon préférée de gérer la santé publique — de devoir fonder des décisions sur des recherches préliminaires au beau milieu d'une épidémie. »

Durant une crise, on n'a rien d'autre que des données préliminaires. Par définition, si on fait face à un nouvel agent pathogène, tout est nouveau. On doit trouver ces données rapidement et pouvoir les évaluer et intervenir en conséquence. Pour ce faire, il faut une expertise prête et un système flexible et transparent.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je crois que nous sommes aux prises avec une grave pénurie d'épidémiologistes des maladies transmissibles ou de spécialistes de méthodologie qui peuvent aider et informer les professionnels de la santé publique, les décideurs et les responsables, comme le représentant de la santé publique que je viens de citer.

Je veux établir une distinction claire entre les épidémiologistes et les spécialistes de la méthodologie ayant reçu une formation universitaire — ceux qui savent comment évaluer de manière critique les nouvelles données et études — et les professionnels de la santé publique qui utilisent ces renseignements, les décideurs et les cliniciens de première ligne qui prodiguent des soins. On a besoin d'épidémiologistes qui peuvent vraiment évaluer les données qui arrivent rapidement.

J'ai constaté un manque de volonté de s'écarter des points de vue ou des processus bureaucratiques répandus. Je parle plus particulièrement en ce qui a trait au vaccin contre la grippe. Certains ont des opinions bien arrêtées, presque polarisées, au sujet du vaccin contre l'influenza. Elles sont presque religieuses de nature, que l'on croie au vaccin ou non. Il peut devenir difficile de gérer ces opinions au moment d'évaluer de manière honnête et ouverte les données en faveur de l'utilisation du produit ou contre celle-ci. Nous devons être capables de mettre de côté nos croyances profondes durant une crise et de nous adapter au contexte actuel et à nos objectifs en matière de santé publique.

Je constate également que les conflits d'intérêts et les débats des comités consultatifs qui éclairent la prise de décision sont confidentiels. En tant que chercheur, si je veux publier mes conclusions de recherche, je dois déclarer par écrit quels peuvent être mes conflits d'intérêts pour que ceux qui prennent connaissance de ces renseignements puissent savoir comment les interpréter. Ce n'est cependant pas le cas des comités consultatifs. Aux États-Unis, les conflits d'intérêts sont déclarés ouvertement, publiés et affichés. Ce n'est pas ainsi qu'on procède au Canada. Par souci de transparence, on devrait faire de même ici aussi.

Enfin, nous avons une évaluation critique, un examen par les pairs et un processus de publication qui n'arrivent pas à suivre le rythme durant une pandémie ou une crise. Si nous voulons que les données scientifiques fassent l'objet d'un bon examen par des pairs avant qu'elles se traduisent par des politiques publiques, ce réseau d'experts doit pouvoir participer au processus.

Pour économiser du temps, je ne vais pas passer en revue les autres diapositives, mais je veux attirer votre attention sur le fait qu'un examen a déjà été réalisé pour donner suite à l'épisode de grippe A de 1976. Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, une autre éclosion de grippe A H1N1 est survenue en 1976, une épidémie mineure, au camp militaire de Fort Dix, aux États-Unis. Par la suite, les États-Unis ont décidé de lancer une campagne de vaccination de masse pour immuniser tous les Américains. Il s'est avéré que l'éclosion de grippe A en 1976 était limitée. L'épidémie a été contenue et n'a pas causé de pandémie. Le virus ne s'est pas propagé comme on l'avait prévu; or, immuniser tous les Américains n'était pas la bonne décision. Malheureusement, le vaccin a donné lieu à des effets secondaires néfastes graves.

À la suite de cette expérience, Neustadt et Fineberg — analyste politique et analyste des politiques, respectivement — ont réalisé un examen approfondi des facteurs qui ont mené à la décision prématurée d'immuniser la population américaine. J'aimerais attirer votre attention aux références que j'ai fournies parce qu'elles donnent un bon aperçu. J'ai résumé les sept principales leçons tirées de cette expérience, qui ont été reprises lors de la pandémie de 2009. Il s'agit évidemment de leçons pénibles, mais je pense qu'elles sont vraiment importantes. Je vais simplement en aborder quelques-unes, si vous le permettez.

Le président : Rapidement.

Dre Skowronski : Tout d'abord, la confiance démesurée dans les théories découlait du manque de données. Je répète qu'il y aura toujours peu de données durant une crise. Ce que l'on veut éviter, c'est de trop se fier aux données dès le début. Il faut s'assurer d'avoir un filtre, une bonne mesure de protection, en faisant appel à des experts et à des épidémiologistes qui peuvent évaluer ces données de manière critique.

Deuxièmement, on ne doit pas s'engager trop tôt ni prendre plus de décisions qu'il n'en fallait. Par exemple, la décision visant à utiliser un vaccin avec adjuvant au Canada a été prise tôt. Y avait-il un document comportant les données en faveur du vaccin et contre celui-ci? Autrement dit, existait-il une analyse détaillée des avantages et des risques associés à l'utilisation d'un vaccin avec adjuvant par rapport à un autre sans adjuvant? Dans quelle mesure cette décision pouvait-elle être adaptée en fonction des données obtenues au fur et à mesure que la pandémie progressait?

Troisièmement, il faut poser suffisamment de questions au sujet de la logique scientifique et des possibilités de mise en œuvre. À l'échelle locale, dans quelle mesure les responsables étaient-ils prêts à administrer le vaccin? Nous avons vu de longues files d'attente. Cet aspect a-t-il été pris en considération dans le processus de planification? Par exemple, il fallait mélanger les composantes du vaccin avant de l'administrer. À quel point cette étape a-t-elle ralenti le processus? Tous ces facteurs et ces leçons — et je ne les passerai pas tous en revue — peuvent être appliqués à l'ère moderne.

Enfin, Fineberg a fait une mise à jour de ces leçons tirées en 1976 relativement à la grippe aviaire. Je les ai résumées pour vous également. Les deux leçons que je tiens le plus à souligner, c'est la nécessité d'investir dans un portefeuille de recherche équilibré et des mesures de préparation modernes. Durant une crise, la connaissance, c'est le pouvoir; l'information est essentielle. Si les renseignements ne sont pas générés et synthétisés rapidement, on travaille dans le vide.

Deuxièmement, nous devrions nous abstenir de fixer des objectifs exagérés et d'énoncer de façon inexacte les risques si nous voulons maintenir notre crédibilité à long terme et la confiance que la population nous témoigne.

Le président : Merci beaucoup.

Avant de céder la parole à notre prochain témoin, je tiens à mentionner que le sénateur Dickson est aussi présent. Je suis si habitué de le voir au Comité des finances que je croyais qu'il était un membre à part entière ici, mais il est des nôtres aujourd'hui à titre de visiteur. Merci et bienvenue.

Le sénateur Dickson : Je suis ici pour le sénateur Eaton.

Le président : Comme je l'ai mentionné, le sénateur Patterson remplace le sénateur Martin.

Dr Donald E. Low, microbiologiste en chef, Hôpital Mount Sinai : J'aimerais tout d'abord remercier le comité de me donner l'occasion de lui faire part aujourd'hui de quelques réflexions sur la pandémie de 2001, de certaines des leçons tirées et peut-être de quelques améliorations à apporter dans l'avenir.

Lorsqu'on m'a pressenti pour faire cet exposé, le Journal de l'Association médicale canadienne m'a également demandé de faire une analyse de la pandémie. La Dre Allison McGeer et moi avons corédigé l'article découlant de cette analyse. Il sera accessible en ligne dans deux semaines environ. Bon nombre des réflexions que je vais vous communiquer aujourd'hui figurent dans l'article.

Je veux également signaler que j'ai participé à des conseils consultatifs pour les sociétés Roche et Novartis et que j'ai fait partie des bureaux des conférenciers pour Roche et GlaxoSmithKline.

Je vais aborder brièvement trois sujets qui continuent d'être soulevés : la question de savoir si on a fait trop grand cas de la pandémie, le programme de vaccination et certaines des leçons tirées que nous pouvons examiner en vue de nous améliorer dans l'avenir.

Il est important de se rappeler que, étant donné que la pandémie de grippe est un problème qui touche le monde entier, c'est l'Organisation mondiale de la santé qui est appelée à nous aider à s'y préparer. Sa participation est essentielle. À cause du SRAS, et par la suite à cause du virus H5N1 qui est apparu aux alentours de 2005 et de la crainte qu'une autre pandémie pourrait éclore, l'OMS a vraiment encouragé tous les pays à se préparer à une pandémie, ce qu'ils ont fait, le Canada compris.

Toutefois, en raison de la gravité de l'infection au H5N1 chez l'humain, le taux de mortalité était de 50 p. 100 chez les personnes infectées. Je pense que la population s'attendait à ce qu'une pandémie semblable ou une autre pandémie affichent des taux de mortalité comparables.

Quand je discute avec des collègues, je trouve intéressant de constater qu'ils semblent presque déçus que notre pandémie n'ait pas été aussi grave que prévue. Il est un peu risqué que les gens croient que nous ne devrions pas être préoccupés par les pandémies. C'est une leçon importante que nous devons communiquer à la population.

L'une des questions consiste à savoir pourquoi la pandémie n'a pas été aussi grave que prévue ou si elle a vraiment été si terrible en fait. Je pense que nous mesurons la gravité à partir des taux de mortalité. En 1918, le taux de mortalité était d'environ une ou deux personnes sur 100. En fait, dans le cas de la grippe H1N1, le taux de mortalité n'était heureusement que de 5 sur 10 000.

Ce taux est en partie attribuable au fait qu'il s'agissait d'un virus H1N1, qui n'était pas aussi virulent que le H3N2. Fait probablement plus important, c'est qu'il touchait les jeunes. En réalité, 10 p. 100 de la population infectée était âgée de plus de 65 ans, tandis que dans une saison de la grippe typique, 90 p. 100 des personnes qui décèdent des suites de la grippe ont plus de 65 ans. Par conséquent, le virus s'est attaqué à un segment différent de la population.

Si on jette un œil aux années de vie perdues — autrement dit, quelqu'un qui décède à l'âge de cinq ans et toutes ces années perdues — et qu'on fait une comparaison avec la pandémie de H1N1, c'est probablement une saison de la grippe aussi dévastatrice que la pandémie de 1968. Nous devons prendre cet aspect en considération.

En ce qui concerne le programme d'immunisation, l'Agence de la santé publique du Canada a pris la décision d'avoir un programme de vaccination. Cette décision a été prise en juin au moment où très peu de renseignements étaient disponibles quant à la gravité de la situation. Lorsqu'on dispose de si peu d'information, il est très difficile de prendre cette décision. Quel allait être le taux — 0,1, 0,2 ou 1 p. 100?

On a décidé d'offrir le vaccin à tous les Canadiens. Au nombre des problèmes qui sont survenus par la suite, citons notamment la mise en œuvre du programme de vaccination. C'est à partir de ces problèmes que l'on peut tirer des leçons.

Je ne pense pas que nous avons prévu à quel point il serait difficile d'administrer le vaccin. On a vraiment sous- estimé l'ampleur de la tâche. Les tentatives de communiquer rapidement un message d'éducation en matière de santé publique au sujet du vaccin ont échoué et le vaccin n'a pas été disponible aussi promptement que nous l'avions espéré.

Les fabricants du vaccin ont fait du bon travail. Ils ont répondu à la demande en six mois, mais tout le monde espérait qu'ils le feraient plus rapidement. Le virus ne s'est pas propagé aussi rapidement que nous l'avions anticipé. En outre, il y avait la production complète du vaccin saisonnier habituel, alors on ne pouvait pas commencer avant qu'elle soit terminée.

On a perdu un peu de temps car il a été reconnu que puisque nous utilisions un vaccin avec adjuvant, il faudrait concevoir des vaccins sans adjuvant pour les femmes enceintes et les jeunes enfants, ce qui a malheureusement ralenti le processus.

Le virus est revenu un peu plus rapidement que nous l'avions prévu. Il a fait un retour en force au début septembre. Je pense que nous espérions tous avoir un petit répit et que la deuxième vague commencerait quelque temps en octobre ou en novembre, mais lorsque les enfants ont recommencé l'école, il y a eu une vague de cas de H1N1.

La distribution des vaccins et la communication avec les médecins de première ligne ont aussi été sources de difficultés. Normalement, ce sont les médecins de première ligne — du moins en Ontario — qui administrent les vaccins contre la grippe saisonnière. C'est ce qui était prévu dans le plan de lutte contre la pandémie, sauf que c'est la santé publique qui devait s'occuper de la distribution.

Dans une certaine mesure, le fait que les médecins de premier recours devaient acheter 500 doses du vaccin à la fois a également posé problème. Malheureusement, c'est la quantité dans laquelle le vaccin était vendu, ce qui a causé des ennuis aux médecins qui n'auraient pas normalement besoin de 500 doses pour leur pratique privée. Ces médecins courraient donc le risque de gaspiller une quantité importante du vaccin. En outre, le vaccin venait dans des fioles de 10 doses, ce qui signifie qu'une fois mélangé, il devait être administré à 10 personnes. Après 24 heures, il n'était plus efficace. C'était là un autre problème.

De plus, les médecins de famille de l'Ontario devaient satisfaire à une exigence avant de pouvoir administrer le vaccin : ils devaient posséder un réfrigérateur adéquat, et le réfrigérateur bar habituel ne l'était pas. Cela signifie qu'ils devaient acheter un nouveau réfrigérateur, ce qui a aussi ralenti le processus.

En outre, le message transmis par l'Agence de la santé publique du Canada n'était pas très clair : il y a suffisamment de vaccins pour tous, mais nous avons établi des groupes prioritaires. Au début du mois de septembre, les résultats des sondages montraient que les gens ne semblaient pas tenir à se faire vacciner. En fait, seulement environ 30 p. 100 de la population planifiait le faire.

Puisque l'intérêt était limité, certaines provinces ont déclaré : « Nous recevrons le vaccin en octobre; utilisons-le et offrons-le à tout le monde. » Elles ont outrepassé quelque peu les directives. Puis, le 26 octobre, un jeune garçon de la région du Grand Toronto est décédé, et tout à coup, tout le monde s'est mis à prendre la situation au sérieux, et les gens ont commencé à faire la queue. Les cliniques ont vite épuisé leurs stocks de vaccins. En fait, je me souviens que mon fils était à Calgary et qu'il a attendu cinq heures pour se faire vacciner. La population s'est découragée.

Ensuite, les gens se sont mis à se demander si le vaccin était sûr et s'ils en avaient vraiment besoin. Les nombres de décès étaient plus bas que les taux prédits et on parlait d'un vaccin avec adjuvant. Les gens voulaient donc savoir si le vaccin présentait un danger à leur famille.

Qu'avons-nous appris et sur quels plans devrions-nous nous améliorer dans l'avenir? Arriverons-nous à distribuer un vaccin avant la deuxième vague de la prochaine pandémie de grippe ou devrons-nous trouver une nouvelle façon de fabriquer les vaccins? Que pouvons-nous faire pour informer le public de façon efficace lorsqu'une nouvelle maladie se déclare? Est-il possible pour nous d'améliorer notre compréhension de l'aspect émotionnel des pandémies de grippe? Quelle est la meilleure façon de mesurer rapidement la virulence d'un nouveau virus de grippe pandémique? Autrement dit, à quelle vitesse pouvons-nous fixer les limites de confiance étroites par rapport au taux de mortalité, qui va de 0,1 p. 100 à 1 p. 100? Lorsque les mesures d'intervention non pharmaceutiques sont efficaces, lesquelles peuvent servir à freiner la propagation de la grippe et à quel point fonctionnent-elles? Aussi, quelle est la meilleure façon de les mettre en œuvre?

Dre Susan Tamblyn, conseillère en santé publique, à titre personnel : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Le sujet de ma déclaration diffère un peu de ce que vous venez d'entendre. Je suis probablement la seule personne ici présente qui travaille à l'élaboration d'un plan de lutte contre la pandémie au Canada depuis le début, soit depuis 1983. C'est cette année-là qu'on a demandé au Comité consultatif national de l'immunisation de dresser un plan de lutte contre la pandémie pour le Canada, un projet que j'ai été appelée à diriger par la suite.

L'élément moteur fut l'épisode de grippe A de 1976, que la Dre Skowronski a mentionné, dans le cadre duquel un nouveau virus de la grippe a frappé durement une base militaire américaine; les gens craignaient une récurrence de la pandémie mortelle de 1918.

Au Canada, nous avons appris des leçons, notamment que nous ne pouvions plus recevoir notre approvisionnement habituel en vaccins des États-Unis. Nous avons dû faire des pieds et des mains pour nous procurer des vaccins ailleurs. L'expérience nous a donc appris l'importance d'avoir une source de vaccins en cas de pandémie au Canada même.

Les Canadiens furent des pionniers dans le domaine de la planification contre la pandémie; nous avons mis au point nos propres solutions en nous fondant sur nos connaissances relatives à d'autres pandémies et à la grippe saisonnière, celle qui frappe tous les hivers.

Dans sa première version, terminée en 1988, le plan était beaucoup plus simple que celui d'aujourd'hui, mais il contenait déjà les enjeux majeurs et les mesures d'intervention contenus dans celui d'aujourd'hui. De plus, on y reconnaissait le lien qui existe entre les programmes solides relatifs à la grippe saisonnière et la capacité de réaction en cas de pandémie.

Au cours des années 1990, un petit groupe, dont je faisais partie, a créé des versions successives du plan de lutte contre la pandémie; nous y avons ajouté des détails opérationnels et nous avons procédé à des consultations partout dans le monde. Lorsque la grippe aviaire, le H5N1, a frappé pour la première fois à Hong Kong en 1997, nous avons appris des leçons additionnelles.

Les grandes leçons tirées portaient notamment sur la difficulté de communiquer dans le cadre d'une pandémie, car le dossier a véritablement accaparé toute l'attention des médias, et sur l'importance de constituer des stocks des médicaments antiviraux nécessaires pour traiter la grippe puisque l'approvisionnement mondial s'est envolé dans l'espace de quelques jours après l'annonce de l'affaire.

La version exhaustive et actuelle du Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza dans le secteur de la santé, le PCLPI, a vu le jour au cours des années suivantes. Au début des années 2000, on a encouragé les provinces et les territoires à concevoir leurs propres plans de lutte contre la pandémie en s'inspirant des méthodes et des objectifs nationaux. Tous ont pris le projet au sérieux et reconnaissaient que les plans de lutte contre la pandémie pourraient nous aider à prendre des mesures adéquates si notre santé devait être menacée par une différente maladie ou par d'autres facteurs. De plus, on a signé un contrat d'approvisionnement en vaccins en cas de pandémie avec le fabricant canadien, une mesure extrêmement novatrice, comme on l'a déjà dit, qui a été employée depuis par d'autres pays. On a également constitué un stock national des nouveaux médicaments antiviraux, Tamiflu et Relenza. Toutes ces mesures visaient à protéger les Canadiens lors de la prochaine pandémie, car nous savions qu'elle frapperait, mais nous ne pouvions pas prédire à quel moment et avec quelle force. Nous devions être prêts à affronter n'importe quoi. D'autres améliorations ont aussi été apportées après l'affaire du SRAS : on a renforcé la surveillance de la grippe, on a amélioré les mesures de coordination et on a ajouté au plan des annexes contenant des détails opérationnels.

Le plan de lutte contre la pandémie était-il complet lorsque la grippe H1N1 a frappé en 2009? Il avait été publié officiellement en 2004 et il avait fait l'objet d'une mise à jour exhaustive. Il ne prévoyait pas tout. Le plan ne sera jamais terminé, mais il nous a bien servis. Nous avons réussi à orchestrer une réponse rapide et organisée au Canada, malgré les difficultés considérables associées à la coordination des mesures d'intervention dans le cadre d'une urgence sanitaire qui touche un si grand nombre de territoires et de secteurs, y compris des secteurs autres que celui de la santé. Le problème de la grippe n'est pas simple; on ne peut pas le résoudre en employant une recette universelle. La plupart des décisions cruciales doivent être prises très tôt, à un moment où les renseignements sont limités; elles sont donc fondées sur les meilleures données scientifiques dont on dispose à ce moment-là. Comme prévu, la réponse à la grippe H1N1 a été adaptée avec le temps en fonction de la situation et des nouvelles données scientifiques.

Je tiens à souligner l'importance de la surveillance, car elle sous-tend toutes les mesures mises en œuvre pour maîtriser la grippe. Par exemple, il nous faut des données de surveillance pour prédire le nombre de personnes qu'il y aura dans les hôpitaux et les services de soins intensifs; pour choisir des mesures de santé publique adéquates, grâce auxquelles notre réaction ne sera ni excessive, ni insuffisante; et pour décider qui vacciner en premier afin de minimiser les décès et les cas graves. Nous avons beaucoup amélioré nos systèmes de surveillance au Canada depuis l'affaire du SRAS, mais il y a encore du chemin à faire.

Pour conclure, j'aimerais parler brièvement du vaccin contre la grippe pandémique et des médicaments antiviraux, car c'est principalement dans ces deux domaines que j'ai concentré mes efforts de planification au cours des dernières années; dans le cas de la grippe H1N1, j'ai prêté main-forte dans le domaine des vaccins. Sans le contrat en cas de pandémie et la préparation effectuée par nos organismes de réglementation, nous n'aurions probablement pas eu de vaccin. De plus en plus de données montrent que le vaccin contre la grippe H1N1 était sûr et qu'il était très efficace. Même si la deuxième vague de la pandémie était bien avancée lorsque les campagnes de vaccination ont commencé l'automne dernier, selon une étude récente effectuée en Ontario, le vaccin a prévenu des centaines de milliers de cas de grippe H1N1, ainsi que nombre d'hospitalisations et de décès; l'étude montre aussi qu'il était rentable. Bien sûr, il aurait été préférable d'obtenir le vaccin plus tôt. J'attends avec impatience les avancées scientifiques qui permettront une telle chose.

J'aimerais mentionner que je viens tout juste de revenir d'une rencontre internationale, au cours de laquelle l'OMS et des représentants très haut placés de partout dans le monde ont beaucoup parlé des moyens qu'on pourrait employer pour accélérer la distribution de plusieurs semaines ou même adopter de toutes nouvelles méthodes qui nous permettraient d'obtenir le vaccin plus tôt.

Les médicaments antiviraux employés pour traiter la grippe sont particulièrement précieux lorsque nous n'avons pas encore de vaccin pour prévenir la maladie. Encore une fois, de plus en plus de données recueillies à l'échelle internationale — j'ai une pile d'articles juste ici — montrent que l'utilisation de médicaments antiviraux dans le cadre de la pandémie de la grippe H1N1 a diminué les risques de complications, d'hospitalisation et de décès associés à la maladie. Les médicaments ont donc eu les effets escomptés.

J'ai commencé en vous expliquant que les épidémies et les événements du passé, y compris l'affaire du SRAS, ont influencé notre plan de lutte contre la pandémie et les améliorations qui y ont été apportées. À mon sens, la préparation a joué un rôle essentiel dans la lutte contre la grippe H1N1. Le Canada s'en est peut-être bien sorti, mais chaque expérience nous aide à mieux nous préparer pour la prochaine fois, et il y en aura certainement une.

Le président : C'est pour cette raison que nous nous penchons actuellement sur la question : il y aura une prochaine fois. Dr Butler-Jones, vous avez mentionné au cours de votre déclaration que vous procédiez en ce moment à un examen des leçons apprises dans le cadre de la pandémie de la grippe H1N1. Quand croyez-vous que ce rapport sera prêt et quand pourrons-nous y jeter un coup d'œil?

Dr Butler-Jones : Chaque fois qu'il se produit quelque chose, nous faisons un examen. Évidemment, dans le cas de la grippe H1N1, l'examen était beaucoup plus poussé puisque le rôle joué était beaucoup plus important. L'examen paraîtra au cours des prochaines semaines, en même temps que vous menez votre enquête.

Le président : C'est ce que je voulais savoir. Nous le recevrons avant d'être rendus bien loin dans notre étude.

Dr Butler-Jones : C'est ce que je prévois.

Le président : C'est très bien. Ma question générale compte deux parties et elle s'adresse à tous les témoins.

Vous avez partagé avec nous vos connaissances et vos pensées par rapport aux différentes épidémies et pandémies auxquelles nous avons dû faire face par le passé. J'essaie d'établir dans quelle direction nous devrions nous lancer selon ce que vous nous avez dit.

En vous fondant sur les circonstances entourant la grippe H1N1 et le SRAS, pouvez-vous nous donner deux ou trois domaines dans lesquels il est essentiel d'apporter des améliorations et sur lesquels le comité devrait se concentrer dans le cadre de son étude? Quelle voie devrions-nous suivre afin de traiter de ces priorités au cours des prochaines audiences?

La pandémie pourrait être grave ou limitée. Selon vous, à quoi devrions-nous nous préparer — une pandémie limitée, modérée ou grave —, ou faut-il adopter une approche à facettes multiples? Comment devons-nous nous attaquer au problème?

Dr Butler-Jones : Les plans visent principalement la grippe, mais ils peuvent servir à affronter tous les risques. Si le SRAS frappe à nouveau ou si nous devons prendre des mesures pour lutter contre une autre situation, avons-nous mis en place les procédures et les dispositifs nécessaires pour résoudre le problème, qu'il soit limité, modéré ou grave?

Le printemps dernier, nous étions aux prises avec un virus de souche différente en provenance du Mexique; les Américains aussi. Le meilleur animal à utiliser pour étudier le virus de la grippe, c'est le furet. Or, le virus du Mexique tuait les furets plus rapidement et brutalement que celui de 1918. Le virus est très variable, ce qui n'est pas inédit. Même en 1918, le virus frappait les diverses collectivités de façons très différentes. Les gens ont tiré des leçons de la situation sur la côte Est, et la progression de la maladie dans l'Ouest a été accompagnée d'une baisse dans le taux de mortalité.

Au bout du compte, même si, à notre connaissance, la pandémie de grippe de 1918 était probablement la pire de l'histoire de l'humanité, 99,5 p. 100 des Canadiens y ont survécu. Le taux de mortalité parmi les 25 p. 100 de la population qui ont été touchés était peut-être de 1 à 2 p. 100, ce qui est tout de même un grand nombre de personnes. Comme Dr Low l'a mentionné, sur le plan de la mortalité prématurée et des années potentielles de vie perdues, la pandémie de 2009 n'est surpassée que par celle de 1918; elle était pire que celles des années 1950 et 1960 en raison de ses effets sur les jeunes. Ainsi, nous devons être parés contre toute éventualité.

En fait, un virus ne cherche pas à tuer un grand nombre de personnes, mais à se répandre. Lorsque les gens meurent, le virus ne se répand pas facilement. Il est peu probable qu'une grippe qui se propage facilement de personne à personne entraîne un taux de mortalité de 30. p. 100. Toutefois, même un taux de mortalité de 0,5 à 2 p. 100 représente un très grand nombre de décès sur une courte période de temps. Lors de cette pandémie, 90 p 100 des décès sont survenus chez les jeunes, tandis que lors d'une épidémie de grippe saisonnière, 90 p. 100 des décès surviennent chez les personnes âgées. L'âge médian des personnes décédées — c'est-à-dire moitié jeunes et moitié agées — lors de cette pandémie était de 51 ans, soit à peu près le même que lors de la pandémie de 1918. L'âge médian des personnes qui décèdent de la grippe saisonnière est d'environ 85 ans. Il s'agit donc encore une fois de deux maladies différentes qui frappent de manière très différente.

Ce que nous voulons faire, c'est de prendre en considération les différents aspects. Nous avons tiré des leçons et les avons appliquées par la suite. Par exemple, lorsqu'au printemps nous avons eu quelques cas de décès chez les femmes enceintes, nous avons pris conscience des risques élevés et avons administré des antiviraux, si bien qu'à l'automne nous n'avons eu aucun cas. Dans le Nord du Canada, nous avons réussi ainsi essentiellement à éliminer ou à réduire considérablement les décès.

J'aimerais commencer par la fin et parler des leçons apprises. La question qu'on peut se poser est existe-t-il des programmes d'immunisation plus efficaces, plus rapides? Là encore, certaines collectivités s'en sont tirées mieux que d'autres. En ce qui a trait à la confirmation, nous pensons que la distribution préalable d'antiviraux dans les collectivités éloignées a fait une différence énorme.

Dans votre étude, dans les questions que vous posez aux témoins, il y a divers éléments comme ceux-ci qui vous permettent de confirmer les aspects positifs des leçons que nous avons apprises, si tel est bien le cas, et les éléments que nous pouvons améliorer, soit du point de vue du processus décisionnel ou des communications. Il peut toujours y avoir plus de communications, mais encore une fois, les antiviraux ont fonctionné et c'est tant mieux. Si les antiviraux n'avaient pas fonctionné, il y aurait sans doute eu des milliers de décès.

Il est heureux que le vaccin sans adjuvant ait donné de bons résultats dans la plupart des pays où il a été utilisé, car les essais cliniques qui nous avaient amenés à opter pour le vaccin avec adjuvant avaient révélé que le vaccin sans adjuvant était inefficace contre le virus de la grippe H5N1. Le vaccin sans adjuvant ne réussissait pas à procurer l'immunité, même après deux doses, et fonctionnait beaucoup moins bien qu'un vaccin avec adjuvant. Au printemps, nous ne connaissions pas le degré d'efficacité du vaccin. Il s'est révélé qu'une demi-dose du vaccin avec adjuvant offrait une protection presque complète aux enfants.

Encore une fois, la confirmation et l'enjeu nous seront très utiles à tous pour l'avenir.

Le président : Je répète que nous voulons savoir quelles sont les deux ou trois questions prioritaires à examiner et s'il faut se concentrer sur une pandémie légère, modérée ou grave.

Dre Skowronski : Pour réagir rapidement, il faut avoir un système souple et bien rodé qui s'appuie sur une infrastructure déjà en place. Par définition, une crise exige une réponse rapide. Comme je l'ai déjà mentionné, je crois que nous devons accroître notre capacité de répondre rapidement, c'est-à-dire d'évaluer et d'endiguer la crise, notre capacité de recherche dans ce domaine. Il ne faut pas accroître seulement la capacité de recherche, mais également la capacité de l'interpréter. Je tiens à le répéter : nous n'avons pas suffisamment d'épidémiologistes qui possèdent une formation universitaire, de spécialistes de la méthodologie hautement qualifiés qui peuvent interpréter les minces preuves ou le très faible niveau de preuves dont nous disposons en temps réel pendant une crise. Nous avons besoin de gens hautement qualifiés pour le faire, et on ne les forme pas du jour au lendemain. Il faut que ces gens soient déjà en place au moment où la crise éclate.

Ce qui est bien avec la grippe, c'est qu'elle revient chaque année, et chaque année, il y a quelque chose de différent. Une année, la souche peut être résistante aux antiviraux. Chaque année, les journalistes me posent la même question : est-ce la pire année? Est-ce la moins mauvaise? Il y a toujours quelque chose de différent. Ce qui est bien avec la grippe donc, c'est qu'il faut une évaluation continue.

Pensons à tout l'argent que nous dépensons chaque année pour prévenir la grippe et lutter contre cette dernière. En fait, plus de gens meurent de la grippe saisonnière entre les pandémies qu'il en meure pendant une pandémie; alors, il y a plusieurs choses que nous devons évaluer dans le cas de la grippe.

C'est donc une excellente plate-forme pour élaborer une infrastructure et faire des simulations. Nous ne sommes pas encore rendus à ce point. Si nous investissons dans un plus grand nombre d'épidémiologistes, de spécialistes de la méthodologie, ces derniers pourraient devenir des éléments déterminants pour les décideurs qui doivent prendre des décisions difficiles en période de crise sans avoir de l'information sur laquelle s'appuyer. Personne ne veut devoir prendre une décision difficile sans avoir de l'information pour appuyer cette décision; alors, si nous avions ces épidémiologistes, ce réseau de recherche et ce processus pour générer des données en temps réel et en faire une évaluation critique, je pense que cela nous permettrait de progresser beaucoup. Cela serait utile non seulement aux Canadiens, mais également à d'autres qui dépendent de ces données également.

Et ensuite, pour ce qui est de savoir si nous devrions nous préparer en fonction d'une pandémie légère, modérée ou grave, franchement, encore une fois, vous voulez que votre système soit flexible. Si vous avez l'infrastructure en place, il ne s'agirait pas d'un bien grand pas à franchir pour aller plus loin et utiliser ce système pour des événements qui pourraient se situer légèrement à l'extérieur des marges, et auxquels vous êtes déjà habitué. Si vous n'avez pas ces systèmes de base et cette infrastructure en place, vous ne pouvez même pas réagir à une pandémie légère ou modérée.

Idéalement, évidemment, vous voulez pouvoir faire face à tout le spectre; comme on dit, préparez-vous au pire et espérez le meilleur, mais au moins, ayez cette infrastructure testée et rodée en place, de sorte que lorsqu'on en aura besoin, vous serez prêts à servir.

Dr Low : Nous avons fait beaucoup de chemin depuis l'épidémie de SRAS en 2003. Des améliorations incroyables ont été apportées et nous savons tous que nous pourrons faire mieux à l'avenir. Un des sujets qui dominent la liste des choses qui, peut-être, n'ont pas bien fonctionné et pourraient fonctionner mieux à l'avenir, c'est la communication — les communications au niveau fédéral entre les provinces, de sorte que les messages soient synchronisés. Voilà ce que le public veut entendre. Il veut entendre le même message.

De façon générale, nous devons savoir comment nous pouvons communiquer le bon message au public lorsque nous traitons de quelque chose qui correspond à un risque léger à modéré. Comment pouvons-nous faire cela? Si nous nous concentrons sur la grippe — et il y a un effort assez important pour examiner cette question au sud de la frontière —, nous devons examiner la production de vaccins. Nous devons examiner soit une façon différente de fabriquer les vaccins soit une façon de les rendre disponibles plus tôt.

Nous devons également comprendre la grippe. Comme l'a dit la Dre Skowronski, c'est quelque chose qui revient chaque année et les mêmes questions refont toujours surface. La protection personnelle : dois-je porter un masque N95? Quand dois-je porter un masque N95? Nous ne savons tout simplement pas grand-chose au sujet de ce virus, malgré le fait qu'il cause tant de mal année après année. Nous devons poursuivre la recherche dans ce domaine. Nous devons continuer d'appuyer les épidémiologistes dans la surveillance qui est si déterminante et je pense que nous avons fait de l'excellent travail durant la pandémie de H1N1.

Pour ce qui est de la préparation au prochain événement, quel qu'il soit, qu'il s'agisse d'une pandémie légère, modérée ou grave, je serais d'accord avec les observations de la Dre Skowronski. Nous devons nous préparer au pire et espérer le meilleur.

Dre Tamblyn : Je vais commencer par votre deuxième question. Je suis tout à fait d'accord avec les deux personnes précédentes. Un des plans actuels est centré principalement sur un scénario modéré, mais met l'accent sur la souplesse. Je pense qu'il a toujours été prévu que la prochaine étape dans la planification serait d'élaborer une gamme plus étendue de scénarios. Je dirais que le fait de mettre l'accent sur un événement modéré nous a bien servis parce qu'il est plus facile de monter ou de descendre dans l'échelle. Une des observations liées au H1N1, c'est que certains des pays qui avaient fait une planification en fonction de quelque chose qui était extrêmement grave ont eu beaucoup de difficulté à s'adapter à quelque chose qui n'était pas aussi grave et ils ont eu recours à un grand nombre de mesures de santé publique qui posaient vraiment des difficultés jusqu'à ce qu'ils soient finalement en mesure de démêler toute la situation.

J'ai déjà parlé de l'importance de la surveillance et de la nécessité d'investir pour améliorer nos systèmes de surveillance au pays et j'ajouterais à cela en me faisant l'écho de ce que les autres ont dit au sujet de la recherche sur les pandémies. En termes de surveillance, la capacité d'analyse a été portée à notre attention, c'est-à-dire le besoin d'études spéciales, surtout très tôt au cours d'une pandémie lorsque vous voulez savoir à quoi ressemble la maladie et à quelle vitesse elle se propage dans une population. Nous n'avons pas beaucoup de ces études spéciales en place, ou de capacité pour les organiser à une échelle nationale. Cela doit faire partie de notre état de préparation.

Nous avons la capacité de surveiller qui se fait vacciner à quel endroit grâce à des systèmes comme Panorama. Il est prévu comme un système national d'archivage électronique des données, et ce système est tombé en panne en cours de route et sera d'une très grande utilité à une autre occasion. Et enfin, il y a l'entente sur le partage des dossiers. Il s'est fait beaucoup de travail dans ce domaine et je ne suis pas certaine où nous en sommes rendus, mais des choses comme celles-là doivent être terminées.

La deuxième chose que je voulais dire, c'est que je pense que nous pouvons faire beaucoup pour améliorer la capacité d'administrer les vaccins et les agents antiviraux dans tout le système, mais c'est quelque chose qui se produit particulièrement au niveau local, en vertu des directives provinciales ou territoriales. Il y a beaucoup à apprendre dans ce domaine et on a acquis beaucoup d'expérience. Nous avons vu de nombreuses bonnes solutions. La plupart des régions étaient à pied d'œuvre en l'espace d'une ou deux semaines et ont élaboré certaines façons très astucieuses d'aller de l'avant. J'encourage la mise en commun des meilleures pratiques par les provinces et territoires en ce qui concerne les façons de cibler les gens. Nous avons commencé par un programme ciblé sur les personnes qui présentaient un risque élevé ou qui appartenaient au premier groupe prioritaire. J'encourage la mise en commun des façons de rejoindre les gens efficacement et des façons de le faire d'une manière sans heurts. C'est-à-dire, comment faire circuler un grand nombre de personnes efficacement dans les cliniques. Je crois qu'il y a beaucoup à apprendre à partir de la mise en commun de nos meilleures pratiques.

Enfin, j'aimerais souligner toute la question de la capacité de pointe dans notre système de soins de santé. Il s'agit d'un défi constant dans notre pays. De nombreux éléments du système, par exemple, les cabinets des omnipraticiens, les hôpitaux et les services de soins intensifs fonctionnaient à pleine capacité. Ils mettaient en œuvre leurs plans en cas de pandémie. Si les choses avaient été un peu plus sérieuses — et vous savez qu'il ne s'agissait pas d'une pandémie de nature grave —, nous aurions été vraiment dans le pétrin. C'est quelque chose qui n'est pas facile à résoudre. Il n'est pas facile même de savoir comment envisager la planification, mais c'est un domaine où le travail qui sera fait à l'avenir rapportera des dividendes.

Le sénateur Merchant : Le gouvernement fédéral a été critiqué parce qu'il n'avait qu'un seul fournisseur de vaccins. Le gouvernement disait sans cesse que le fournisseur serait en mesure de fournir le vaccin dans un certain délai, mais ce dernier n'a pas toujours été en mesure de le faire.

Estimez-vous que, pour la planification future, nous devrions avoir un plan de secours? Comment auriez-vous géré cette question différemment? Comment le gouvernement gérerait-il cela différemment? J'aimerais avoir une réponse de chacun d'entre vous, s'il vous plaît.

Dr Butler-Jones : Puisque je suis ici à titre de représentant fédéral, je vais commencer à répondre.

Le Canada, qui avait un fournisseur national, a eu un approvisionnement plus sûr et plus complet que les pays qui avaient des fournisseurs multiples. De nombreux pays qui n'avaient pas de fournisseur national — et la Dre Tamblyn en a parlé plus tôt, à savoir qu'une partie de la raison qui justifie le fait d'avoir un approvisionnement national était la question de l'accès aux vaccins — attendaient toujours leur vaccin en janvier. J'avais dit au printemps que nous espérions avoir le vaccin en novembre. Nous avons débuté la vaccination en octobre. J'avais dit que nous espérions être en mesure de vacciner quiconque voulait l'être avant Noël, et nous l'avons fait. Nous avons réussi à faire ce que nous avions prévu de faire, et un fournisseur unique nous a fourni suffisamment de doses de vaccin pour que quiconque au Canada désirait être vacciné puisse l'être avant Noël. Nous sommes le seul pays, à ma connaissance, qui a été en mesure de faire cela, sauf peut-être la Suède dont la population est beaucoup plus faible.

Existe-t-il de meilleures méthodes? Par exemple, le Nunavut, dont la population est très dispersée sur un territoire aussi grand que l'Europe, a réussi, en l'espace de deux semaines, à faire parvenir des vaccins dans toutes les collectivités pour ceux et celles qui avaient besoin d'être vaccinés et qui désiraient l'être et a obtenu un taux de vaccination élevé. Il y a beaucoup de leçons à tirer dans la planification au fur et à mesure que nous avançons et à partir des meilleures pratiques également. Je suis certain que vous allez les relever au fur et à mesure que vous allez progresser dans vos délibérations.

Dre Tamblyn : Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Je pense que la principale raison militant en faveur d'un deuxième fournisseur comme solution de secours, c'est au cas où quelque chose tournerait mal. De plus, c'est une façon d'obtenir une autre préparation vaccinale, si vous avez besoin d'une petite quantité d'un autre vaccin que quelqu'un d'autre produit, sans perturber votre principale production. Comme l'a dit le Dr Butler-Jones, votre source nationale est vraiment importante.

Dr Butler-Jones : Le gouvernement et le fabricant actuel se sont engagés à construire une nouvelle installation de remplissage qui, essentiellement, aura la capacité de produire 30 millions de doses par mois, et les choses seront bien différentes la prochaine fois que nous ferons face par une pandémie.

Dre Skowronski : Je pense qu'il y avait une très bonne justification pour vouloir un fabricant national. Je pense qu'il s'agissait d'un investissement sage. C'était comme contracter une assurance que nous aurions un certain approvisionnement au Canada. Quant à savoir s'il doit s'agir d'un fabricant unique par opposition à une certaine diversification, je pense qu'une certaine diversification comme solution de secours serait une bonne idée.

Là où j'ai certaines préoccupations additionnelles, c'est, encore une fois, au niveau du processus. Le fait d'avoir un fabricant unique signifie que vous êtes à la merci de ce dernier. Si les négociations sont difficiles au moment d'une crise, ce n'est pas une situation très enviable.

Par exemple, la décision sur le processus consistant à choisir une préparation avec adjuvant par rapport à une préparation sans adjuvant a été prise au niveau fédéral. Je siégeais au sein du Groupe de travail sur le vaccin pandémique qui donnait des conseils pour ce genre de décision, mais à ma connaissance, l'analyse des avantages et des risques — c'est-à-dire le pour et le contre, les forces et les limites de l'un par rapport à l'autre — n'était pas documentée.

La façon dont ces décisions sont prises lorsque vous avez un fabricant unique soulève certaines questions au sujet du processus. Il serait bon d'avoir une certaine diversification parce que cela oblige à respecter certaines questions liées au processus.

Dr Butler-Jones : Pour information, la discussion concernant le recours à un vaccin avec adjuvant ou sans adjuvant se déroulait depuis un certain temps déjà avant la pandémie, et des essais cliniques ont été financés pour examiner le vaccin avec adjuvant ou le vaccin prototype contre le H5N1. C'est là qu'il a été constaté que si nous étions aux prises avec un virus comme celui-là, un vaccin sans adjuvant ne serait pas aussi efficace qu'un vaccin avec adjuvant.

Bien qu'au moment où cette décision a été prise, il n'y ait pas eu de consultation précise avec ce comité particulier, ces discussions se déroulaient depuis un certain temps déjà. Il s'agit d'une question de communication. Je pense qu'il est important d'avoir plus de communication et c'est là certainement une leçon que nous avons tirée. Grosso modo, on peut dire que l'affaire est déjà amorcée. Une demande de proposition a été lancée pour essayer de trouver des fournisseurs de remplacement potentiels.

Le sénateur Merchant : Est-ce qu'une partie des difficultés liées à l'approvisionnement a également quelque chose à voir avec les différences de compétences au niveau provincial, fédéral et municipal? À certains moments, il semblait y avoir un manque de communication entre ces différents paliers de gouvernement.

Dr Butler-Jones : Cela peut varier selon l'endroit où vous êtes au pays. Un des défis, c'était que nous examinions le vaccin en train d'être produit au moment même où nous nous apprêtions à l'utiliser. Normalement, ces choses surviennent des mois avant que le vaccin sorte. Personne ne l'a jamais su, mais littéralement, chaque fois qu'une série de flacons étaient fissurées, le fabricant l'apprenait en même temps que nous, pendant que nous le disions aux provinces, pendant qu'elles-mêmes prévenaient les gens et qu'elles modifiaient leurs plans. C'était un défi et cela rendait les choses difficiles pour le public parce que nous pensions recevoir trois millions de doses cette semaine-là. Soudain, toute une série de flacons est trouble. La sécurité l'emporte sur tout le reste. Vous retirez un paquet de boîtes et vous vous retrouvez avec seulement un million de doses pour la semaine. C'est difficile pour la planification, mais, en pleine crise, vous êtes en train de construire l'avion avec lequel vous essayez de traverser la tempête.

Dr Low : Sachez que le problème réside également dans la logistique. On ne veut pas faire une promesse qu'on ne pourra pas tenir. On avait promis que les doses du vaccin seraient distribuées en novembre, mais nous avons eu la chance de les recevoir plus tôt. Les autorités locales de la santé publique ont dû s'adapter rapidement. La situation était difficile puisqu'il fallait louer un local et y installer tout l'équipement requis. Les autorités ont dû recruter des gens et les former sur l'administration du vaccin. Elles ont dû avoir recours à des camions réfrigérants pour y entreposer les vaccins. Il y avait énormément de choses à gérer. Le processus étant enclenché, il fallait faire vite. Il n'était pas question d'attendre quelques semaines de plus. Nous devions agir tout de suite. Comme vous l'avez vu dans les médias, les gens faisaient la queue devant les cliniques de vaccination tellement ils étaient inquiets, surtout après le décès de ce jeune garçon. Ce sont donc des problèmes de logistique difficiles à gérer dans une telle situation.

Dre Skowronski : Vous soulevez une question importante. Comme Neustadt et Fineberg l'ont souligné, dans les leçons tirées de la grippe porcine de 1976, les plans de mise en œuvre locaux et les perspectives concernant la distribution des vaccins doivent être pris en considération. Dans le processus de planification, on a constaté des lacunes à ce chapitre. Pour certains, on n'en était pas encore à cette étape du plan.

Pour être honnête, le vaccin a apporté son lot d'imprévus. Par exemple, les questions entourant l'emballage et le remballage des vaccins n'ont pas été communiquées en temps voulu à l'échelle provinciale ou locale. De plus, il fallait combiner et mélanger les deux composantes du vaccin avant de l'administrer. Cela nous a donc fait perdre du temps.

Nous pouvons en retenir des leçons. J'espère qu'on en fait autant à l'échelle locale et qu'on prend certaines précautions de sorte que, la prochaine fois, on pourra réagir plus rapidement.

Le sénateur Cordy : Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui. Je pense qu'il est important d'évaluer la situation et de tirer des leçons de nos erreurs.

Comme vous le savez, après la crise du SRAS, nous avons considérablement amélioré nos méthodes et nous espérons pouvoir les améliorer encore dans le futur. Comme la Dre Skowronski l'a indiqué, nous assisterons à un nombre croissant d'épidémies de grippe dans les années à venir.

Docteur Low, vous vous êtes demandé si la gravité de la grippe H1N1 n'avait pas été surestimée et, docteure Skowronski, vous avez parlé d'un processus décisionnel mené sur une pente glissante. Le sénateur Merchant a posé des questions sur le fournisseur unique.

Nous l'avons vu et entendu dans les médias. Les gens étaient nombreux à faire la file pour se faire vacciner. Les provinces ignoraient combien de vaccins elles recevraient et quand elles les recevraient. Nous savons comment cela s'est terminé; 50,4 millions de doses du vaccin ont été achetées et 25,143 millions de doses ont été distribuées. Si je ne me trompe pas, on a prêté au Mexique cinq millions de doses, qui devaient nous revenir au plus tard en mars 2010. Ensuite, par l'entremise de l'ACDI, on a fait un don de cinq millions de doses à l'appui des efforts de lutte que menait l'OMS contre la pandémie mondiale — une autre excellente idée. Cela signifie qu'il nous en reste 15 millions. Avons-nous acheté plus de vaccins qu'il n'en fallait? Si oui, ces 15 millions de doses sont-elles entreposables? Quelle est leur date de péremption?

L'attente du vaccin m'a paru extrêmement longue, puis soudainement, en décembre et janvier, nous avions trop de doses. Alors que 45 p. 100 de la population a reçu le vaccin, 55 p. 100 ne s'en est tout de même pas prévalu. Par conséquent, qu'est-il advenu des 15 millions de doses, ou plutôt des 20 millions si l'on considère les 5 millions qui sont revenues du Mexique?

Dr Butler-Jones : Nous pouvons fournir tous ces renseignements au comité. En gros, à la demande des provinces, nous avons commandé 50,4 millions de doses. La commande avait été passée huit ans plus tôt, lorsque le contrat avait été initialement attribué, et il ne nous restait plus qu'à déterminer la quantité de vaccins nécessaires, étant donné qu'on nous avait accordé la priorité.

Lorsque la pandémie était imminente, on a passé une commande. On a reconnu l'innocuité du vaccin et confirmé qu'une dose était suffisante. Pour ce qui est du fabricant, il y avait des doses emballées, le vaccin en vrac n'était pas emballé, et cetera. Il y avait une gamme de mesures à prendre pour assurer la flexibilité.

Comme vous l'avez dit, on a envoyé cinq millions de doses au Mexique. L'OMS disposait de suffisamment de vaccins dans les circonstances, alors nous n'avons pas bougé, mais le chargement a été racheté. Certains facteurs nous ont permis de réduire le coût total. En fait, nous n'avons pas acheté 50,4 millions de doses. Nous pouvons vous fournir les détails, si vous le souhaitez. Nous les communiquerons à la greffière du comité.

Le sénateur Cordy : J'aimerais maintenant parler des communications et de la façon dont nous pourrions les améliorer. Après la crise du SRAS, nous avions mis en place des plans de communication avec tous les ordres de gouvernement. Je ne suis pas certaine que les communications aient été faites à tous les niveaux. Selon moi, les autorités ont pu prendre connaissance des plans de communication, mais je ne crois pas que ces plans soient parvenus aux travailleurs de première ligne dans les provinces.

En Nouvelle-Écosse, nous avons vu des annonces pleine page, payées par le gouvernement fédéral, insistant sur l'importance que tous les citoyens soient vaccinés. Pourtant, sur la page suivante, on apprenait que les cliniques ne seraient ouvertes que le lundi et le mardi en raison de la pénurie de vaccins. Les gens ont donc commencé à s'inquiéter et avec raison.

Il y avait également les groupes prioritaires. Qui détermine les groupes prioritaires? J'ai reçu une lettre de l'Association internationale des pompiers — je suis sûre que c'est arrivé aussi à d'autres membres du comité — selon laquelle les fournisseurs de soins de santé de première ligne faisaient partie des groupes prioritaires. C'est logique puisqu'ils travaillent directement avec les malades, mais qu'en est-il des autres travailleurs des services d'urgence? Les pompiers estimaient qu'ils devaient être considérés comme un groupe prioritaire. D'ailleurs, les pompiers d'une certaine province ont reçu une lettre cinglante de la part d'un administrateur de la santé leur disant à quel point ils devaient avoir honte de demander une telle chose.

Qui établit les listes de priorité? Est-ce le gouvernement fédéral? D'après la lettre que nous avons reçue — j'ignore si la personne a vécu cette situation en particulier ou si c'était la règle partout —, ce n'était pas les ministres qui prenaient les décisions, mais plutôt les gens des municipalités. Cette décision venait-elle du gouvernement fédéral ou des administrations locales? Par ailleurs, comment peut-on faire en sorte que le message se rende à tous les niveaux?

Dre Skowronski : De bonnes communications sont essentielles. Je suis tout à fait d'accord avec vous et avec le Dr Low; il est crucial que le même message soit transmis. Nous sommes des experts crédibles et nous devons être en mesure d'exprimer une certaine incertitude à propos des échéanciers, de la disponibilité des vaccins, des risques, et cetera. Une façon d'améliorer les choses serait de mettre en place des processus adéquats pour recevoir l'avis d'experts avant de faire des déclarations publiques au sujet des échéanciers et des risques liés au vaccin. Il est important de nous doter de cette capacité puisque les communications font problème chaque année avec la grippe. Nous devons avoir la possibilité de refaire l'exercice tous les ans, et c'est ce que nous faisons. L'information doit circuler de haut en bas pour que les bonnes personnes soient tenues informées.

Le choix des groupes prioritaires pour l'administration du vaccin relevait du Groupe de travail sur les vaccins pandémiques auquel j'ai participé. Je peux vous dire que j'ai compris toute l'importance d'avoir des données scientifiques et des données de surveillance à notre disposition. Idéalement, on essaie de dresser une liste de priorités, d'établir un ordre pour l'administration du vaccin, lorsque le produit se fait rare, soit au tout début de sa distribution. Il faut se rappeler que nous avons distribué le vaccin au plus fort de la pandémie; c'est pourquoi nous voulions avant tout protéger les groupes les plus vulnérables parce qu'ils n'allaient pas pouvoir en tirer le même avantage par la suite.

On veut prendre cette décision en fonction des groupes les plus vulnérables à cette infection, mais en même temps, on doit tenir compte des priorités sociales. Par exemple, les enfants ont-ils la priorité sur les personnes très âgées? Il faut reconnaître que la plupart des parents veulent que leurs enfants soient protégés avant eux.

C'est donc une question d'équilibre entre ces différentes perspectives, et c'est pourquoi il est important de disposer de ces données de surveillance pour déterminer qui sont les gens les plus à risque : l'aîné de 90 ans ou l'enfant de neuf ans, et quel est le risque? Ces données de surveillance devraient être à la base de toutes les décisions, d'où la nécessité d'obtenir ces renseignements. La décision a été prise, entre autres, par les décideurs et le réseau de la santé publique, qui ont été conseillés par le Dr Butler-Jones, du Groupe de travail sur les vaccins pandémiques.

Dr Low : C'est plus compliqué lorsque la santé est une responsabilité provinciale. Au Royaume-Uni, par exemple, il est un peu plus facile de diffuser le même message à la grandeur du pays. Cela devient problématique lorsque des provinces choisissent d'autres groupes prioritaires et d'autres façons d'administrer le vaccin.

Je ne crois pas qu'il y ait une réponse simple à cette question. Le Dr Butler-Jones pourrait peut-être se prononcer là- dessus. Nous avons trouvé des disparités dans deux annonces publiées dans le Globe and Mail. Idéalement, il faudrait éviter de diffuser des messages contradictoires. C'est dommage, mais les gens s'en servent parfois comme argument.

Pour ce qui est du choix des groupes prioritaires, tout cela s'inscrit dans la surveillance, la collaboration et la collecte de renseignements que nous pourrons utiliser à bon escient. Nous ferons mieux la prochaine fois.

Durant l'épisode de SRAS, certains patients recevaient jusqu'à quatre médicaments, mais rien n'indiquait que le traitement faisait effet. Il n'aurait fallu qu'un seul essai clinique mené sur 20 patients et nous aurions pu éviter bien des problèmes en n'administrant pas des médicaments toxiques; mais cela n'a pas été fait. Tout au long de la crise, nous avons continué de les administrer parce que nous n'avions pas la capacité de faire des recherches en temps réel, ce que nous devons être en mesure de faire. La Dre Skowronski a parlé du fait que nous devons avoir cette information rapidement afin de prendre des décisions judicieuses.

Dre Tamblyn : Il est intéressant de constater qu'un cadre de priorisation des vaccins pandémiques avait été élaboré par le Groupe de travail sur les vaccins pandémiques. Ce cadre avait été conçu pour nous aider à faire face exactement à ce genre de situation, et il ne restait plus qu'à le mettre à l'essai avant de le rendre public. On peut dire que nous avons eu un exercice en temps réel. Ce cadre de priorisation a été rendu public et affiché sur le site web avant que le processus soit enclenché. Il s'agit d'un cadre exhaustif fondé sur celui dont se servent les provinces et les territoires pour le choix des vaccins à acheter. Il contient non seulement les données scientifiques, mais aussi les considérations éthiques et les éléments relatifs aux programmes dont il faut tenir compte; des questions telles que les stratégies, la logistique et l'acceptabilité des méthodes envisagées; ainsi que d'autres considérations générales, notamment les recommandations de l'OMS et les mesures prises par nos voisins du Sud.

Cet été, lorsque nous avons préparé nos recommandations, nous avons rencontré des représentants provinciaux et territoriaux, qui nous ont donné l'heure juste sur la faisabilité, ainsi que des représentants de la Société canadienne de pédiatrie, de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, des communautés des Premières nations, et cetera. Nous avons tenu de nombreuses consultations avant de formuler nos recommandations définitives.

Bien sûr, il s'agissait de recommandations nationales. J'espère que la prochaine fois, on les appliquera plus uniformément à l'échelle du pays. Voilà une leçon que nous avons retenue. On a bien fait attention d'adapter les recommandations à nos besoins, en fonction des prévisions sur la disponibilité des vaccins, mais, naturellement, les besoins évoluent au fil du temps. Il faut donc les revoir attentivement avant la distribution des vaccins. Il ne faut pas non plus oublier toutes les difficultés que peuvent engendrer les décisions de dernière minute. Les gens ont besoin de savoir où aller. Les difficultés auxquelles on a été confronté étaient attribuables aux disparités entre les provinces. Premièrement, les gens auraient préféré ne pas avoir à renvoyer chez elles les personnes qui ne répondaient pas aux critères de la vaccination. Ils auraient aimé pouvoir les accepter, mais l'approvisionnement en vaccins ne le permettait pas. On a tiré de nombreuses leçons dans les provinces et les territoires. Encore une fois, je signale qu'il est extrêmement difficile de cibler ces gens et d'exécuter un tel programme. Nous avons beaucoup appris de nos erreurs et j'espère que nous en prendrons bonne note pour faire mieux la prochaine fois.

Dr Butler-Jones : Nous espérons qu'il n'y aura pas de prochaine fois, mais nous serons toujours confrontés à ce genre de situation.

Ce qui est ressorti, entre autres, c'est l'importance de mettre les plans à l'essai. De nombreuses autorités de la santé locales s'estimaient prêtes à procéder à l'immunisation contre la grippe pandémique, mais très vite, les deux ou trois cliniques qu'elles avaient ouvertes étaient engorgées. Elles n'avaient jamais vraiment mené d'essais et elles se croyaient prêtes à toute éventualité. Heureusement, elles ont su s'adapter rapidement en trouvant des solutions et en s'inspirant des autres. Dans ce cas-ci, les essais sont très importants.

Sur le plan des annonces, les autorités provinciales et fédérales ont collaboré étroitement pour qu'un message uniforme soit transmis à toute la population. Bien que la même information soit donnée, il y a toujours des gens qui décident de faire autrement. C'est le propre d'une fédération. Évidemment, le mieux, c'est de miser sur l'uniformité. Plusieurs journalistes se sont lassés de répéter constamment les mêmes choses et ont recueilli des avis différents, même s'ils provenaient de personnes mal informées. Certains ont affirmé que le vaccin ne serait pas prêt avant janvier pour diverses raisons. Je me demande d'où ils tenaient leur information.

Le sénateur Cordy : Est-ce que cela vous a surpris?

Dr Butler-Jones : Non; c'est plutôt l'ampleur qui m'a étonnée. Les groupes prioritaires, comme je l'ai indiqué, sont établis au départ. Le plan a pour objectif de réduire le nombre de cas graves, la mortalité et les perturbations sociales. Durant la première vague de l'éclosion du virus, parmi les décès signalés, on retrouvait davantage de femmes enceintes et de personnes qui présentaient des facteurs de risque de complications; pas des enfants. Les enfants étaient les plus susceptibles de contracter le virus, mais pas d'en mourir. Il n'était donc pas logique d'immuniser tous les enfants et de laisser de côté les jeunes adultes aux prises avec un problème d'asthme ou d'obésité. Par conséquent, durant la première vague, on a accordé la priorité aux personnes les plus vulnérables à l'infection. Comme nous savions que nous aurions suffisamment de vaccins pour tout le monde, nous avons voulu en informer les gens, tout en les priant d'attendre leur tour, mais cela a été plus ou moins bien compris. Entre-temps, si un pompier, un policier ou un employé de Wal-Mart tombait malade et avait besoin d'être vacciné, nous disposions de suffisamment d'antiviraux pour soigner tout le monde. En premier lieu, on voulait protéger les personnes vulnérables, et ensuite, soigner les personnes qui avaient contracté l'infection.

À la suite de l'épidémie de SRAS, nous avons financé des recherches en prévision d'événements semblables. Nous pourrions accélérer la réalisation de certaines études, mais bon nombre d'entre elles sont menées à long terme. De plus, au cours de l'été, nous avons réuni des experts d'unités de soins intensifs, des gens de la santé publique, des médecins, et cetera, pour nous pencher sur les leçons retenues au printemps en vue de mieux intervenir à l'automne. Je pense que cela a eu une incidence énorme sur le taux de mortalité et sur les soins qu'on a prodigués aux gens. N'empêche que des progrès pourraient être réalisés.

Le sénateur Callbeck : Bienvenue et merci d'être ici aujourd'hui. Je suis ravie d'entendre que nous avons fait d'importants progrès depuis la crise du SRAS. Je suis sûre que nous pourrons poursuivre dans cette voie.

Docteur Low, vous avez indiqué que la population voulait entendre un message uniforme. L'agence avait publié ses lignes directrices et, si ma mémoire est bonne, certaines provinces ont décidé d'administrer le vaccin à tous les aînés alors que d'autres n'étaient pas d'accord. Certaines ont même décidé d'administrer à la fois le vaccin saisonnier et le vaccin contre la grippe H1N1. Une grande confusion régnait au sein de la population. Comment éviter toute cette confusion la prochaine fois?

Dre Skowronski : Nous devons être en mesure d'expliquer aux gens les raisons pour lesquelles nous avons favorisé une approche plutôt qu'une autre. Nous devons étayer nos choix. Ensuite, nous devrions demander aux provinces pourquoi elles dérogent à notre approche. C'est pourquoi, à mon avis, il est important que nous leur expliquions clairement l'analyse des risques et des avantages sur laquelle nous nous sommes fondés pour décider d'aller dans cette direction. Les gens comprendront s'ils connaissent les raisons de nos choix. Nous devrions peut-être leur donner de meilleures explications. Pourquoi des gens se sont-ils présentés aux cliniques de vaccination alors qu'on leur avait demandé de céder la priorité aux personnes vulnérables? Ils n'avaient peut-être pas compris les raisons. C'est peut-être une question de crédibilité et de confiance. Pourquoi n'ont-ils pas confiance en nous?

Cela se résume en grande partie à notre capacité de donner des explications et de communiquer les raisons de nos choix à la population, aux médecins et aux responsables aux niveaux provincial et local qui, à leur tour, doivent nous dire pourquoi ils veulent déroger à nos décisions.

Dre Tamblyn : Je pense que vous en aurez la possibilité, car si j'ai bien compris, vous tiendrez davantage de discussions sur les relations fédérales-provinciales-territoriales. Il est important de définir les mesures réellement nécessaires pour que tous fassent la même chose partout au pays. Cela peut viser certains aspects du programme et des mesures à prendre pour réagir à la crise. Dans certains cas, l'adoption d'une approche différente dans une province donnée peut n'avoir aucune incidence. Une province pourrait, par exemple, choisir elle-même qui administrera les vaccins contre la grippe, en fonction de son propre modèle habituel.

Il y a toutefois certaines choses sur lesquelles il est essentiel de parvenir à un consensus national. Je pense qu'en recueillant ainsi les commentaires des gens sur ce qui les a dérangés lorsque les pratiques n'ont pas été les mêmes, nous pourrons nous ajuster pour prendre des mesures nationales et éviter l'application de mesures disparates qui varient en fonction des besoins locaux.

Dr Low : Comme on le dit dans le film Le pirate des Caraïbes : « Ce ne sont là que des lignes directrices ». On a beau avoir des lignes directrices, les gens font leur propre évaluation des avantages et des risques dans leur région et cela donne lieu à des écarts entre les régions. Ce serait bien de pouvoir remédier à la situation, mais je ne crois pas que ce sera possible.

Dr Butler-Jones : L'uniformité n'est pas toujours une bonne chose parce que, d'une collectivité à l'autre, la situation peut varier. La Dre Skowronski a souligné l'importance d'examiner les données scientifiques. Si, dans votre collectivité, les aînés sont les personnes les plus à risque, vous n'allez pas vous acharner à suivre une ligne directrice nationale.

De la même manière, il a fallu apporter des changements aux lignes directrices et on nous a tous reproché d'avoir changé de discours en cours de route. Encore une fois, la meilleure chose à faire est de miser sur la transparence et le dialogue, car les messages éclairs ne permettent pas de faire ressortir toutes les nuances. Nous devons trouver des façons plus efficaces d'y parvenir.

Vincent Lam, qui a remporté le prix Giller, a déclaré qu'il faut déroger au protocole standard lorsqu'il ne fonctionne pas pour un patient ayant une insuffisance cardiaque congestive. C'est pour le bien du patient. Il a ajouté qu'il ne s'entête pas à conserver une méthode inefficace.

À l'échelle locale, lorsque nous constatons que la pandémie ou la maladie évolue, ou encore que les antiviraux se révèlent efficaces peu importe l'âge des patients, nous n'attendons pas le deuxième jour pour les administrer. Nous recommandons de les donner tout de suite puisqu'ils aident réellement les malades. Mais les gens interprètent cela comme si nous ne savions pas du tout de quoi nous parlons. En fait, nous prenons les données scientifiques et nous les adaptons à la situation, ce qui, à mon avis, est très important.

Pour revenir aux propos du Dr Low, j'estime que nous ne pourrons jamais remédier complètement au problème. D'après les leçons que nous avons tirées, je pense qu'à l'avenir, nous allons surtout nous concentrer sur la bonne communication des messages.

Le sénateur Callbeck : Quarante-cinq pour cent de la population s'est fait vacciner au Canada. Ma province se classe au deuxième rang avec 62 p. 100 de la population immunisée. Quel est le pourcentage le plus élevé et le plus faible?

Dr Butler-Jones : Les pourcentages sont assez vagues. Nous n'avons pas le compte exact, et c'est là un des problèmes que nous avons avec la surveillance dont je vous ai parlé plus tôt. Le pourcentage de vaccination se situe entre 45 et 50 p. 100, et il est plus élevé chez les enfants. Cela confirme qu'il faut améliorer nos systèmes de suivi. Certaines provinces ont eu un pourcentage plus bas, aux alentours de 30 p. 100 alors que d'autres frôlaient les 60 et 70 p. 100. Cela ne représente pas vraiment un problème, puisque le taux de vaccination dépend de la géographie, de la culture et du moment choisi.

Le président : Nous avons un tableau.

Dr Low : Oui. C'est en Ontario qu'on a observé le taux de vaccination le plus faible.

Le président : C'est exact. Cela se trouve dans votre document, mais aussi dans l'un de nos documents d'information.

Dre Skowronski : Pour revenir à ce que disait le Dr Butler-Jones, n'est-il pas stupéfiant que le Canada ne dispose pas d'un système adéquat pour mesurer la couverture de vaccination? Pourtant, à l'heure actuelle, un tel suivi devrait être une pratique courante. Ce n'est pas comme si nous étions des débutants en la matière. Nous devrions avoir en place un système nous permettant de mesurer la couverture vaccinale. Si Wal-Mart parvient à retracer ses marchandises, nous devrions pouvoir en faire autant pour la vaccination, n'est-ce pas?

Par exemple, certaines provinces ont vu la nécessité d'avoir un registre et en ont établi un. Le Québec, entre autres, a instauré un registre pour savoir qui recevait le vaccin. Voilà une attitude responsable. Nous devrions en tirer une leçon. Il nous faut pouvoir mesurer la couverture de vaccination. Nous devons donc mettre en place une infrastructure et un système pour recueillir, résumer et analyser l'information. Cela nous ramène à la nécessité de recueillir des renseignements et des données scientifiques. Si on ne se dote pas tout de suite de l'infrastructure nécessaire, on devra le faire rapidement, en temps réel, durant une pandémie, parce qu'on ne sera capable de répondre à ces questions importantes.

Le sénateur Seidman : Merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître au début de cette étude.

Ma question porte sur des statistiques. Je ne suis pas certaine que vous êtes en mesure de nous fournir ces données, mais pour les fins du compte rendu, ce serait bien utile.

Avez-vous des statistiques sur le nombre de cas signalés de grippe H1N1 par rapport à la grippe saisonnière pour la même période?

Dr Butler-Jones : Oui.

Le sénateur Seidman : Avez-vous les données sur le nombre de personnes hospitalisées, de personnes admises aux soins intensifs et de personnes décédées?

Dr Butler-Jones : Nous disposons de beaucoup de renseignements et nous sommes encore en train d'en recueillir. Nous ne connaîtrons pas le nombre de personnes décédées tant que nous n'aurons pas obtenu les statistiques de l'état civil. Beaucoup de gens ne sont pas décédés directement du virus mais plutôt de causes secondaires.

Nous avons probablement l'un des meilleurs systèmes de surveillance au monde, mais l'hospitalisation d'environ les deux tiers des personnes admises pour la grippe — on croyait alors que le H1N1 n'était qu'une grippe comme les autres — n'a pas été enregistrée durant cette première vague. Nous ne pourrons jamais connaître le nombre exact, mais au moins, nous pourrons brosser un tableau plus précis à mesure que nous progresserons. Et ici, je ne veux pas sous- estimer l'importance qu'il y a à continuer d'améliorer nos systèmes de surveillance.

Dre Skowronski : Nous n'avons même pas de système en place pour surveiller les complications graves liées à la grippe saisonnière, et c'est une part du problème. Les gens essaient de comparer une pandémie de grippe, au cours de laquelle tout le monde cherche à recenser les cas, avec une grippe saisonnière dont personne ne se préoccupe. Bon nombre des estimations que nous avons produites pour la grippe saisonnière sont fondées sur des manipulations statistiques de données administratives. On n'est pas allé sur le terrain et on n'a pas recueilli de prélèvements pour être en mesure de confirmer un cas. Honnêtement, il arrive souvent qu'on ne puisse plus détecter le virus chez des patients hospitalisés, même si la grippe était la cause initiale.

Encore une fois, cela démontre notre incapacité à assurer un suivi. Pensez à tout l'argent qu'on investit chaque année dans la prévention et le traitement de la grippe. Pourquoi n'avons-nous pas de bons systèmes de suivi pour les complications graves de la grippe saisonnière? Cela nous permettrait d'avoir un point de comparaison en cas de pandémie.

Dr Butler-Jones : Évidemment, nous avons beaucoup d'information à vous donner sur ce qui différencie ces deux types de grippe. Essentiellement, la grippe pandémique H1N1 est une grippe différente. Comme je le disais, dans 90 p. 100 des cas, ce sont des personnes très âgées et celles souffrant de graves troubles sous-jacents qui meurent de la grippe saisonnière. Dans le cas de la pandémie, 90 p. 100 des décès sont survenus chez une population relativement jeune. Les décès enregistrés cette année arrivent au deuxième rang des pertes subies depuis 1918, et il en va de même pour ce qui est des personnes touchées par le virus. Nous continuons de recueillir de l'information.

Il faut savoir deux choses. De quels renseignements avez-vous besoin, d'une part, pour pouvoir vraiment gérer la situation, et d'autre part, pour pouvoir réfléchir plus tard à la situation et en tirer des conclusions en temps et lieu? Vous avez besoin des deux réponses.

En ce qui a trait à la gestion de la maladie, nous en savions alors suffisamment pour définir les lignes directrices indiquant quelles personnes devaient recevoir un traitement, et cetera. Nous pourrons les affiner au fur et à mesure que nous recevrons davantage d'information. Nous ne connaîtrons pas toute l'ampleur de la pandémie avant la fin de l'examen de l'ensemble des décès, et tout cela peut prendre du temps.

Le sénateur Seidman : Comme vous dites, il y a effectivement deux raisons de recueillir des données. Durant la crise, elles servent à connaître l'état de la situation pour savoir quoi faire et pouvoir agir rapidement, et par la suite, elles permettent d'analyser ce qui s'est réellement produit. Serez-vous en mesure de nous fournir les renseignements lorsque vous les connaîtrez, même si j'ignore si vous les aurez avant la fin de notre étude?

Dr Butler-Jones : Nous pouvons vous donner beaucoup d'information, car nous voulons évidemment comprendre les différences entre cette grippe et les pandémies antérieures ou la grippe saisonnière, et déterminer ce que nous ferons à l'avenir.

Le sénateur Seidman : Connaissez-vous les différences entre les provinces en ce qui a trait, par exemple, aux hospitalisations, au nombre d'admissions aux soins intensifs et aux décès?

Dr Butler-Jones : Ces données ont été recueillies. Il se peut que vous deviez en demander une part aux provinces, mais nous vous fournirons celles dont nous disposons.

Dre Skowronski : Je voudrais seulement vous inviter à ne pas faire l'erreur de comparer des pommes et des oranges. Assurez-vous que les données ont été recueillies de la même façon durant la pandémie et la grippe saisonnière. Vous devez faire très attention à la qualité des données.

Dr Butler-Jones : Une multitude de renseignements peuvent être tirés des comparaisons interprovinciales. Même les tendances qui ressortent dans d'autres pays nous permettent de tirer des conclusions.

À titre d'exemple, je viens d'arriver de la Chine, un pays dont la population est 30 fois plus nombreuse que celle du Canada. Là-bas, il n'y a eu officiellement que 100 décès de plus qu'au Canada. Est-ce une question de surveillance? La maladie était-elle différente là-bas?

Le sénateur Seidman : J'aimerais demander à la Dre Skowronski de confirmer que c'est l'OMS qui décrit la phase dans laquelle nous nous trouvons, si on peut dire. En d'autres mots, nous dépendons des données dont dispose l'OMS, qui annonce notre phase d'alerte à la pandémie, n'est-ce pas?

Dre Skowronski : L'OMS appuie sa décision sur les données internationales et sur les données de surveillance. Elle en fait ensuite l'annonce après consultation. Rien n'est décidé indépendamment; il s'agit d'un processus consultatif auquel contribuent d'autres pays.

Le sénateur Seidman : Une fois que l'annonce est faite, elle s'applique à l'ensemble des pays, n'est-ce pas?

Dr Butler-Jones : Il y a deux aspects. Par exemple, à la phase 6 d'alerte à la pandémie, plusieurs régions de l'OMS sont touchées par le même virus. En avril et en mai dernier, le Canada se trouvait en phase 6; nous étions dans la zone de la pandémie. Le fait que le virus ne s'était pas encore propagé en Asie ou sur d'autres continents était sans importance à nos yeux.

C'est l'une des difficultés rencontrées lors de la planification. Lorsqu'on se trouve en phase 6 d'alerte à la pandémie, il y a toute une liste de choses à faire, ce à quoi Dre Tamblyn a fait allusion. Au Canada, des entreprises et d'autres organismes ont cru devoir faire telle ou telle chose parce qu'on se trouvait dans la phase 6, alors que, en réalité, ce n'était vraiment pas nécessaire. Ce ne sont donc pas les phases qui importent le plus. Pour plusieurs conventions internationales et pour d'autres activités, elles présentent bien sûr un grand intérêt et sont très significatives à l'échelle internationale. Néanmoins, le Canada se trouvait en phase 6 à la fin du printemps, avant de devoir réagir.

Dre Skowronski : Il est important de préciser que nous agissions comme si nous nous trouvions en situation de pandémie; nous nous sommes préparés et avons pris les mesures nécessaires à l'avance. L'annonce de la phase d'alerte à la pandémie encourage les autres à en faire autant.

Le sénateur Patterson : L'un des aspects importants des communications était les échanges entre les provinces et territoires et le Parlement, qui, je crois, a joué un rôle prépondérant dans l'information de la population. Comment les relations avec les provinces et territoires se sont-elles déroulées? Quelle était la fréquence des discussions? Est-ce que tout s'est bien passé?

Dr Butler-Jones : En toute honnêteté, il s'agissait d'une collaboration sans précédent. En tant que fonctionnaires, nous discutions quotidiennement avec des représentants des provinces et des territoires. Des rencontres téléphoniques entre les hauts fonctionnaires et les sous-ministres avaient lieu plusieurs fois par semaine, et d'autres ministres communiquaient régulièrement avec notre ministre. De plus, on organisait couramment des séances d'information pour les porte-parole de l'opposition. J'invitais tous les membres du Parlement à y assister, s'ils le désiraient. Nous avons tenu plusieurs séances de questions et réponses au cours desquelles nous répondions à toute question soulevée.

La collaboration ne se limitait pas aux gouvernements et comprenait aussi différents organismes. Des employés fédéraux, des sous-ministres et d'autres ministres, nos confrères des provinces et des territoires, et même des employés d'associations professionnelles étaient prêts à collaborer et voulaient offrir leur aide, une situation sans précédent. Comme Dr Low l'a mentionné, l'expérience n'avait rien à voir avec la crise du SRAS. Nous ne nous entendions pas toujours, mais nous avions ainsi l'occasion d'être en désaccord ouvertement et avec transparence, puis d'arriver à une conclusion commune, lorsque c'était possible.

Le sénateur Patterson : Vous avez parlé du Parlement. Je dois dire que j'ai trouvé inutiles certaines des questions et des déclarations faites à la Chambre des communes et au Sénat. Des efforts ont-ils été déployés pour informer les porte-parole de l'opposition et les membres du Comité de la santé à la Chambre des communes? À votre avis, cela s'est- il bien passé?

Dr Butler-Jones : Notre ministre s'est montrée très enthousiaste, ce qui est à son honneur, à l'idée d'informer les porte- parole de l'opposition, d'organiser un forum pour les députés et de participer, comme moi, à toute une gamme d'activités à l'intention du public et des autres. Je n'avais jamais vu des efforts d'une telle ampleur, et je crois qu'il était très important de le faire. Comme partout ailleurs, les gens tirent leurs propres conclusions et déclarent ce qu'ils veulent. C'était tout à fait essentiel, et je recommencerais assurément; j'en ferais même plus.

Nous avons invité les députés aux séances d'information. Seuls les membres du Comité de la santé et une demi- douzaine d'autres députés se sont présentés, tout au plus; c'est peut-être un indice de leur confiance au printemps. Tout le monde est occupé. Cela signifie qu'on fournissait des réponses sensées aux questions, ce que nous allons continuer de faire.

Dr Low : Il est évidemment essentiel de communiquer, mais nous devons trouver la façon la plus efficace d'y arriver. En temps de crise, les vidéoconférences finissent par nous paralyser. Il peut y en avoir de 9 à 22 heures. Quand pouvons-nous faire notre travail? C'est un vrai défi.

[Français]

Le sénateur Champagne : Peut-être que je vous ferai répéter ce que vous avez dit. Vous en êtes à nous parler de la préparation d'un plan, qui serait supérieur à celui que vous aviez au moment du SRAS et de H1N1. Maintenant, vous nous parlez tous, que ce soit la Dre Tamblyn, la Dre Skowronski et vous aussi, de l'importance de surveiller ce qui se passe, de l'importance de l'analyse, de l'importance des études. Vous disiez, docteure Tamblyn, qu'il n'y en avait pas tout à fait assez en ce moment.

Une fois que vous aurez vraiment mis ce plan en marche, il pourra toujours être amélioré. On peut toujours faire mieux. Est-ce qu'il faut attendre la déclaration de l'OMS? On peut dire, non, ce n'est pas une grippe saisonnière qui est, cette année, un peu plus sévère que celle d'autres années. Quel groupe d'âge risque d'être le plus touché et le plus sérieusement, pour éviter des choses comme ce qu'on a vécu avec le H1N1 où une septuagénaire avec de l'asthme s'est fait dire de rentrez chez elle. Il y a des plus jeunes et c'est plus important. Cela dérange un peu.

À quel moment dites-vous : le plan que nous avons travaillé, étudié et vraiment mis en place pour faire en sorte que tout se passe bien? Pesez-vous sur le bouton et dites-vous : maintenant nous tombons dans notre plan pandémie, ce n'est plus une épidémie de grippe tout simplement?

Dr Butler-Jones : Les plans sont essentiels. La planification est essentielle. Mais dans une éventualité, le plan est un guide. Le temps pour commencer le plan, pour introduire les activités, c'est un paramètre du problème. Et le premier but est de notifier les autres, engager les provinces et territoires et se préparer.

Le sénateur Champagne : Dire à l'usine de commencer à préparer les vaccins, ça s'en vient.

Dr Butler-Jones : Quand nous avons un tel virus, la conversation avec les compagnies, qui fabriquent les vaccins et les antiviraux, commencent de même qu'avec les provinces et les autres, par décider du processus qui est révisé. On change le plan selon le contexte.

Le sénateur Champagne : Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Vous voyez donc venir par ce qui se passe ailleurs et vous dites : on risque d'être touché aussi. Si cela commençait chez nous, à quel moment agir? Le plan, je suis certaine, qu'il va être excellent et qu'il va couvrir tout ce qu'il faut. Vous avez en plus l'expérience maintenant. À quel moment on décide de dire aux gens de faire attention?

Dr Butler-Jones : Quand le Mexique a requis notre assistance au sujet du virus, nous avons entrepris les étapes de communication pour les recherches.

[Traduction]

Au fur et à mesure que la situation évolue, la communication s'intensifie selon le niveau de certitude.

Par exemple, nous avons tout d'abord reçu un appel du Mexique. Nous avons déclaré aux autorités en place que nous les aiderions avec plaisir. On nous a envoyé des échantillons. Nous avons alors découvert qu'il s'agissait d'un nouveau virus possiblement pandémique.

Deux jours plus tard, des cas commençaient à être diagnostiqués au Canada. Nous avions alors déjà informé le public de la situation. Nous avons contacté le fabricant du vaccin, de même que d'autres intervenants, de sorte qu'il commence à tout préparer et puisse se mettre à la tâche dès que le virus serait disponible, et cetera.

Chaque étape du processus était enclenchée : les centres d'opération étaient en fonction, les provinces et territoires savaient la même chose que nous, et cetera. Afin de me tenir au courant de ce qui se passait, je discutais au moins deux ou trois fois par semaine au téléphone avec Margaret Chan, directrice générale de l'OMS. De plus, je communiquais régulièrement avec mes confrères aux États-Unis et au Mexique, étant donné qu'il s'agissait au départ d'un problème nord-américain.

Le Canada et les États-Unis ont tous les deux envoyé une équipe au Mexique pour aider à l'installation d'un laboratoire et d'un système de surveillance sur place qui permettraient d'identifier les personnes présentant un risque plus élevé, et cetera. Cette information nous était alors très utile pour planifier la suite des choses.

Il s'agit vraiment d'un processus cumulatif et itératif.

Dre Skowronski : Étant donné qu'il faut gagner autant de temps que possible lors d'une crise, on ne suit pas un ordre séquentiel. Il faut agir en parallèle, puis observer ce qui se passe et se demander si on est prêt à faire face à des situations hypothétiques. Quelles sont les hypothèses sur lesquelles reposent actuellement nos actions et qui pourraient être réfutées plus tard?

Il s'agit donc de prévoir les événements imprévus et de gagner du temps en planifiant des processus en parallèle. Il faut ensuite surveiller la direction que prendra la situation. On se trouve alors avec deux options. Il est important de laisser ainsi la porte ouverte à différentes possibilités.

Il s'agit d'un processus cumulatif et itératif mené en parallèle plutôt que de façon séquentielle.

Dr Butler-Jones : Dans le cas de la grippe saisonnière, par exemple, il est généralement admis que les antiviraux ne sont pas très efficaces deux ou trois jours après l'infection. Certains médecins refusent même d'en prescrire à un patient malade depuis plus de deux jours, à moins qu'il ne soit dangereusement malade.

Nous avons perdu du temps pour cette raison; en présence d'un nouveau virus à l'origine d'une pandémie, le système immunitaire de ceux qui deviennent dangereusement malades n'est pas en mesure de combattre le virus, qui se réplique sans cesse. Dans ce cas, il est préférable d'administrer un antiviral le deuxième jour que le troisième jour, tout comme on est mieux de le faire le troisième jour que le quatrième jour.

Il fallait donc découvrir cela, et nous commencions au même moment à entendre des histoires à cet égard. En cas de doute, il faut administrer un traitement. Il ne s'agit que d'un exemple où nous avons dû agir en parallèle pendant que nous essayions de comprendre tous les aspects du virus. Des dizaines, voire des centaines de personnes s'occupent chaque jour de différents...

L'une des raisons pour laquelle je travaille désormais à Ottawa plutôt qu'à Winnipeg, c'est qu'on ne peut y arriver à distance et de façon linéaire.

Le sénateur Chaput : Je vous remercie de tout ce que vous avez fait, et je vous encourage à poursuivre votre excellent travail. Nous en avons besoin.

Le sénateur Ogilvie : Je remercie chacun d'entre vous. Vous avez plusieurs fois fait allusion au fait que la situation constitutionnelle au Canada en soi représente un véritable défi lorsque vient le temps de répondre à des enjeux complexes. L'exemple du SRAS démontre sans l'ombre d'un doute que, à l'époque, rien n'était prévu pour ce genre de situation.

En toute honnêteté, je suis assez impressionné de ce que j'ai lu au cours des derniers mois sur les progrès que nous avons réalisés, entre autres, par l'intermédiaire de l'Agence de la santé publique, pour tenter d'améliorer notre situation. Au cours de la dernière crise, nous avons de toute évidence profité des leçons apprises.

Les instances, qui se chevauchent, doivent ensemble élaborer un plan sur une base essentiellement volontaire qui, au bout du compte, doit mener à une réaction à l'échelle locale et régionale. J'aimerais poser une question précise. À la page 5 de son document, le Dr Low dit qu'on a chargé les instances sanitaires locales de s'occuper du problème à la semaine 40 du calendrier canadien de la pandémie, et qu'on leur a donné environ deux semaines pour se préparer à administrer le vaccin.

Docteurs Butler-Jones et Low, avons-nous dû attendre de comprendre suffisamment la nature du vaccin et son mode d'administration avant de commencer à fournir des renseignements aux instances sanitaires locales sur la façon de procéder? Est-ce la raison pour laquelle elles n'ont pas été mobilisées pour administrer le vaccin avant la semaine 40 de notre calendrier?

Dr Low : Je pense que le Dr Butler-Jones est mieux placé pour répondre à cette question. Nous craignions sans cesse de ne pas avoir suffisamment de vaccins avant la mi-novembre pour commencer la campagne. Heureusement, le vaccin était prêt plus tôt.

Au départ, il n'y avait pas suffisamment de vaccins à la fois pour en administrer à tout le monde, mais ceux qui appartenaient au groupe hautement prioritaire pouvaient à tout le moins le recevoir. Nous avons établi des priorités pour commencer la vaccination sur-le-champ plutôt que d'attendre la mi-novembre. Parallèlement, c'était quand même difficile, étant donné que les autorités locales pensaient avoir quelques semaines de plus et ont dû accélérer le processus pour recruter et former le personnel, et pour se préparer à une campagne de vaccination qui, au départ, ne devait toucher que 30 p. 100 de la population, peut-être.

Dr Butler-Jones : C'est une très bonne question à laquelle on ne peut répondre précisément. À partir des mois d'avril et de mai, j'espérais bien que le vaccin arriverait au début du mois de novembre et je disais aux gens d'être prêts pour cette date.

J'aimerais vous relater une simple anecdote ayant eu lieu au cours de l'été. J'ai croisé un médecin local et lui ai demandé comment se déroulaient les préparatifs. Elle m'a répondu que son équipe serait prête à commencer la vaccination en décembre. Lorsque je lui ai demandé pourquoi si tard, elle m'a expliqué que certains préparatifs devaient être finalisés après l'arrivée du vaccin, au début du mois de novembre. Je lui ai dit qu'il ne s'agissait pas d'une campagne de vaccination ordinaire; c'est une pandémie. On ne peut pas procéder de façon aussi méthodique qu'avec la grippe saisonnière, où tout le monde a le temps de se préparer. En situation de pandémie, il faut administrer le vaccin dès qu'il est prêt et changer les plans en conséquence.

Nous avons notamment appris qu'une pandémie ou une crise touchant la santé publique ne se traite pas comme le travail courant. Il faut être capable de changer de cap très rapidement à tous les niveaux, tant politique et administratif que dans le cadre des programmes.

Le sénateur Ogilvie : On remarque que l'apprentissage se poursuit quant à la façon de nous préparer, en tant que société, à affronter de vraies situations de pandémie, d'urgence ou autres. Nous mettons l'accent sur la grippe pour des raisons évidentes, mais il y aura d'autres genres de crises, comme nous avons pu le constater avec le SRAS. Pourvu que nous ne soyons pas touchés par le virus d'Ebola ou par quelque chose de semblable.

Deux ou trois d'entre vous ont dit qu'il faut pouvoir faire appel à une capacité de recherche qui puisse rapidement étudier la situation au fur et à mesure qu'elle évolue. La loi actuelle nous permet-elle d'obliger les laboratoires universitaires, porteurs du capital de savoir, à nous prêter main-forte s'ils ont les compétences nécessaires et que la situation le justifie? Selon la loi, avons-nous le pouvoir, dans des conditions extrêmes, de mobiliser cette capacité pour qu'elle élabore une approche extrêmement concertée en réponse à une menace sérieuse?

Dans les circonstances, je crois que nous avons plutôt bien géré la crise. Nous avons beaucoup appris. Vous avez déjà souligné certains problèmes, mais je peux penser à des situations où tout peut se dérouler beaucoup plus rapidement et où une réaction beaucoup plus forte est nécessaire.

Dre Skowronski : Je crois que les laboratoires ont bien tenu le coup au cours de la pandémie. Nous avons demandé à des laboratoires universitaires de participer à certaines des analyses additionnelles nécessaires. À mon avis, les laboratoires ont fait un travail exceptionnel étant donné les fortes pressions qu'ils subissaient.

Je pense toutefois que nous devons améliorer notre capacité en épidémiologie, comme je l'ai dit. Par exemple, on ne peut pas s'attendre à ce qu'une personne sans aucune connaissance, expérience ou compétence ayant trait à l'influenza puisse procéder au même genre d'analyses et proposer des interprétations comme le ferait un spécialiste en épidémiologie qui travaille à temps plein sur l'influenza.

Au cours de la pandémie, la journée de travail des employés de bien des sections de mon ministère n'a pas bougé d'un iota, tandis que ceux qui, comme moi, s'occupaient de la vaccination et de l'influenza ont travaillé de très longues heures. Il était inutile de demander aux autres de nous aider, étant donné qu'il aurait été trop long de les former, d'actualiser leurs connaissances et de nous assurer qu'ils sont compétents. Ils ont fini par nous nuire davantage que nous aider.

Il faut améliorer notre capacité. En d'autres mots, nous avons besoin d'épidémiologistes dont le travail porte régulièrement là-dessus, peut-être pas expressément sur l'influenza, mais sur les pathogènes respiratoires pouvant se propager et évoluer rapidement. Par exemple, même s'ils étudient un virus respiratoire syncytial, ils doivent posséder les connaissances et compétences particulières qu'il faut pour les virus respiratoires à propagation rapide. Je pense que les laboratoires ont fait du bon travail.

Dr Butler-Jones : Je crois que la clé, c'est d'être prêt à offrir des formations multidisciplinaires dans toute une gamme de domaines, scientifique ou autres, et de connaître la capacité en cas de crise. Nous avons bien entendu fait appel à d'autres épidémiologistes, dont on a besoin dans certains cas. Or, bien d'autres peuvent recueillir les données, effectuer les analyses, et cetera. Il faut renforcer les capacités.

Pour ce qui est du pouvoir, nous allons nous pencher sur la question. Grâce aux Instituts de recherche en santé du Canada, nous avions accès au financement, à un réseau de chercheurs, et cetera. Nous avons pu les mobiliser rapidement. Était-ce suffisant? C'est ce que nous allons voir. Aurions-nous pu agir différemment? Bien sûr; nous aurions pu aller plus loin du côté des études cliniques. Nous avons obtenu des renseignements importants. Par exemple, une étude a démontré que les masques N95 ne protégeaient pas mieux les infirmières que les masques respiratoires ordinaires. Cette information s'est avérée très utile.

Deux jours après avoir reçu les échantillons, notre laboratoire a pu identifier le virus, une nouvelle forme de H1N1 différente de tout ce que nous connaissions. Nous avons rapidement créé les réactifs et les méthodes pour permettre à tous les laboratoires provinciaux au pays d'effectuer leur propre diagnostic sans faire appel au gouvernement fédéral. Les laboratoires et les réseaux de laboratoire, des mécanismes efficaces qui ont maintes fois fait leurs preuves, ont fait du bon travail.

Comme l'a dit la Dre Skowronski, il est plus facile de travailler lorsque tout le monde ne se précipite pas. Il faut former les gens. Si nous savons à l'avance que nous aurons besoin de certaines ressources, nous devons donc former ces employés dans une ou plusieurs disciplines.

Dr Low : Notre faiblesse, c'est de ne pas avoir pu fournir les ressources financières aux chercheurs canadiens par l'intermédiaire des Instituts de recherche en santé du Canada. Au bout du compte, un million de dollars seulement a été accordé. Je crois qu'on l'a réparti entre cinq centres, dont chacun a reçu 200 000 $. Ce ne sont que des miettes, et il a fallu attendre longtemps pour les recevoir; les fonds n'ont été attribués que tard dans l'automne, une fois que tout était terminé. Nous devrions pouvoir obtenir et distribuer les ressources en criant ciseau, parce qu'un grand nombre d'excellents chercheurs sont prêts à travailler avec nous pour résoudre n'importe quel problème. Nous devons leur fournir les ressources dont ils ont besoin.

Dre Tamblyn : Pour poursuivre sur la même lancée, j'aimerais souligner que la subvention pour la vaccination contre la grippe pandémique financée conjointement par les IRSC et l'Agence de la santé publique du Canada a été approuvée par chance au tout début de la pandémie. Toute une gamme d'activités a alors été mise en place. On a essayé de faire avancer les choses rapidement pour en faire le plus possible au cours de la pandémie. On commence tout juste à connaître les résultats. Par exemple, on a mené quatre études spéciales sur les vaccins. L'une portait sur la réponse des populations autochtones au Canada, et l'on cherchait à savoir si elle était différente de celle des non-Autochtones. On a aussi étudié les résultats chez les personnes atteintes du VIH et chez les adultes. Une série d'autres études étaient assez propres au Canada.

La subvention comporte cinq aspects, mais je vous ai donné un exemple de ce à quoi ce genre de financement peut servir. Le projet de subvention des IRSC en cas de pandémie est limité dans le temps, mais il devrait être appuyé de façon continue étant donné la quantité de bon travail qui en découle.

Le sénateur Braley : Je ne possède pas votre vaste compétence. Ma famille et moi avons pris le temps de réfléchir à la vaccination. L'information était tellement difficile à suivre qu'on ne savait plus à qui elle s'adressait. Vous aviez toutes ces activités sur les bras. Des analyses étaient réalisées ici et là, d'où l'information était tirée. Les médias étaient pris de panique. En famille, nous essayions de prendre une décision. Nous avons décidé de ne pas recevoir le vaccin parce qu'il y avait trop de confusion. Dans mes entreprises et au sein de ma collectivité, la plupart des gens ont décidé de ne pas le faire non plus. Nous habitons en Ontario.

Il me semble que vous avez oublié de vous adresser au consommateur dans le cadre de vos communications. Vous avez fait du bon travail, mais nous ne nous y retrouvions plus. C'est la raison pour laquelle vous n'arriviez pas à convaincre les gens de recevoir le vaccin. Vous avez fait un excellent travail, mais c'était difficile à suivre. Je vous le dis simplement parce que c'est ainsi que je me suis senti. Vous disiez qu'il s'agissait d'un nouveau virus, mais nous avons ensuite entendu dire qu'il sévit en Amérique du Sud depuis six ans, et que j'étais déjà immunisé étant donné que j'avais 69 ans. Nous ne savions pas quoi faire. Lorsque nous en avons discuté avec nos employés au travail, les mêmes questions ont été soulevées. Nous ne pouvions pas leur dire quoi faire. C'est aux autorités de le faire dans le cadre d'un plan de communication. Je vous prie de m'excuser, mais je tenais à vous le dire.

Il est très mauvais de n'avoir qu'un fournisseur. Je ne permettrais pas que ma propre entreprise dépende d'un seul fournisseur; j'en trouverais un autre. En réalité, j'en ai deux, et même trois pour mon principal produit. Je donne 50 à 60 p. 100 des contrats au premier, 30 p. 100 au deuxième et le reste au troisième. Si on se fie à un seul fournisseur et qu'il manque à ses engagements pour une raison ou une autre, on a alors de graves problèmes.

Dr Butler-Jones : C'est l'un des défis de l'ère de l'information. Je dirais donc à la population d'écouter les médecins locaux, parce qu'eux savent vraiment ce qui se passe. Tous ceux qui parlaient dans les médias et sur le web n'en avaient aucune idée et inventaient même des choses. Cela jetait une grande confusion dans la population. Pour recevoir le bon message, il faut écouter les responsables locaux de la santé publique. Ce sont eux qui sont vraiment au courant de ce qui se passe.

Le sénateur Braley : Essayez de parler directement au public.

Dr Butler-Jones : Tout à fait. J'ai essayé de le faire, mais j'ignore si on m'a entendu. Je vous remercie beaucoup.

Dr Low : C'est difficile. Dans mon exposé, j'ai terminé en disant que nous devions apprendre comment transmettre le bon message.

Le président : Sur ce, nous allons mettre fin à la séance. Je vous remercie beaucoup. Vous nous avez donné un bon point de départ, et nous pourrons réfléchir à bien des choses pour les audiences à venir.

Chers membres, nous tiendrons une autre audience à 10 h 30 demain matin, mais il nous reste un point à l'ordre du jour. Nous allons laisser partir nos témoins, puis nous passerons au prochain point qui porte sur le budget.

Nous ne devrions pas en avoir pour longtemps. Il faut autoriser le budget pour le Comité de la régie interne. Nous n'avons pas de grosses dépenses : des services de mise en forme et de révision d'une valeur de 900 $ environ. Nous avons aussi besoin d'un transport terrestre pour notre visite.

Le sénateur Chaput : Y allons-nous demain?

Le président : Non, ne vous inquiétez pas, nous n'y allons pas demain.

C'est ce qui fait le tour du budget. En novembre, nous irons visiter Nepean; c'est le centre névralgique. Nous avons besoin d'un autobus pour y aller. Le total s'élève à 1 550 $. C'est le budget le moins important de tous les comités actuels.

Pouvez-vous me donner votre approbation pour que je puisse le présenter?

Le sénateur Seidman : J'en fais la proposition.

Le sénateur Ogilvie : J'appuie la proposition.

Le président : C'est approuvé. La séance est maintenant officiellement ajournée jusqu'à demain matin, 10 h 30. Merci.

(La séance est levée.)


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