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VEAC

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

Fascicule 5 - Témoignages du 2 mai 2012


OTTAWA, le mercredi 2 mai 2012

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 8, pour étudier les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes; aux anciens combattants; aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leurs familles.

Le sénateur Roméo Antonius Dallaire (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Mesdames et messieurs, bienvenue à une autre réunion du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Le sous-comité se penche en ce moment sur une étude, initiée par le sénateur Plett, qui vise la transition des vétérans en service vers la vie civile. Cette étude examine les outils qui existent pour aider ces vétérans, et leur famille, dans la transition afin qu'ils deviennent des citoyens qui se sentent bien dans leur peau et capables de vivre convenablement avec leurs blessures et les services qu'on leur fournit.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous allons parler du programme de Soutien social; blessures de stress opérationnel. Tout d'abord, j'aimerais mentionner que tout le programme est l'initiative d'un major qui a servi à mes côtés au Rwanda. Stéphane Grenier est maintenant lieutenant-colonel; il a été détaché auprès du sénateur Kirby pour mettre en œuvre ce programme dans l'ensemble de la société civile canadienne. Cet exemple montre que certaines initiatives menées au sein du MDN peuvent être adaptées pour la population civile et pour les personnes — comme les policiers et les pompiers — qui prennent part à des exercices semblables.

[Français]

Colonel, nous vous écoutons.

Colonel Gérard Blais, directeur, Gestion du soutien aux blessés, Défense nationale : Monsieur le président et membres du sous-comité, merci de m'avoir invité aujourd'hui afin de parler du programme de soutien social, blessures de stress opérationnel, communément appelé SSBSO — ou OSISS en anglais. Je suis le colonel Gerry Blais, directeur de la gestion du soutien aux blessés des Forces canadiennes et commandant du réseau des centres intégrés de soutien du personnel situés partout au pays.

Créé en 2001, le programme SSBSO visait à compléter les soins cliniques offerts par les professionnels en soin de santé mentale des Forces canadiennes. Un groupe de militaires et d'anciens combattants qui avaient servi dans des théâtres d'opération ont réalisé les avantages que peut procurer le fait de raconter leur expérience, et ont mis sur pied un réseau de soutien mutuel. Depuis ce temps, le SSBSO est devenu un programme bien établi, géré en partenariat avec le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada. Il représente une organisation communautaire solide, coordonnée par des pairs présélectionnés et formés. Les coordonnateurs ont appris à faire face à leurs propres problèmes et s'affairent maintenant à aider les autres.

Chaque membre du réseau possède une expérience directe et une connaissance pratique de ce que représente le fait d'être aux prises avec des problèmes de stress opérationnel ou de vivre avec une personne qui en souffre.

[Traduction]

Les problèmes de stress opérationnel ont des conséquences graves sur le personnel ou les anciens combattants des Forces canadiennes, mais elles en ont également sur les membres de leur famille. Grâce au programme SSBSO, un service de soutien mutuel est également offert aux membres des familles de militaires ou d'anciens combattants souffrant de problèmes de stress opérationnel. Les membres de la famille immédiate sont souvent les premiers à constater des changements de personnalité et des comportements inhabituels chez leur proche. Ils peuvent déployer beaucoup d'efforts à tenter de comprendre le problème, à faire preuve de soutien durant la phase de récupération et à maintenir la stabilité familiale. Au fil du temps, cette situation peut devenir un facteur de stress important pour les membres de la famille qui essaient de s'adapter aux conséquences à long terme de la blessure. Étant donné ces facteurs de stress, il est important que les membres de la famille demandent également de l'aide ou du soutien afin qu'ils puissent s'occuper de leur bien-être, de celui de leurs enfants et de celui de la personne blessée.

En plus de ces deux types de soutien mutuel, les Forces canadiennes offrent également depuis 2006 un programme de soutien mutuel pour les familles de militaires des Forces canadiennes décédés appelé « Empathie, Soutien par les Pairs, Offrons une Invitation au Réconfort » et mieux connu sous le nom d'ESPOIR. Ce programme a été créé avec la participation des familles endeuillées qui désiraient aider les autres. Même si des membres de la famille, des amis et, dans certains cas, des conseillers professionnels peuvent offrir du soutien, un grand nombre de personnes endeuillées expriment également le désir de parler avec une personne qui a vécu une expérience similaire.

Dans bien des cas, le fait de communiquer avec un pair qui a reçu une formation en la matière ou de s'identifier à celui-ci peut grandement contribuer au processus de deuil. Le programme ESPOIR offre du soutien, une oreille attentive, une compréhension du processus du deuil, une mise en commun des expériences et de nouvelles options. De plus, ce programme fait la promotion d'une série d'ateliers sur la ténacité et l'épanouissement personnel pour les familles qui sont touchées par la perte d'un être cher.

En plus du budget de 3,4 millions de dollars du MDN qui comprend le salaire de 54 fonctionnaires à temps plein, les trois programmes sont appuyés par des bénévoles formés qui ont déjà eu recours à ces programmes et qui ont choisi d'appuyer les autres de façon volontaire. Le programme SSBSO compte environ 80 bénévoles, et le programme ESPOIR, une vingtaine. Le fait d'aider les autres peut constituer une partie importante du processus de guérison, et un grand nombre de nos bénévoles sont assez actifs à ce chapitre. Ils sont un élément clé du succès du programme.

[Français]

Suite aux commentaires de mes confrères, il me sera plaisir de répondre à vos questions.

Colonel Jean-Robert Bernier, médecin-chef adjoint, Défense nationale : Mesdames et messieurs les membres du sous- comité, je suis le colonel Jean-Robert Bernier, médecin-chef adjoint. La direction de la santé mentale des Forces canadiennes relève de ma compétence, et je peux répondre aux questions qui traitent de l'importance du soutien par les pairs en santé mentale.

[Traduction]

Comme mon collègue, le colonel Blais, l'a fait remarquer, le programme SSBSO constitue un élément important de l'ensemble du programme de santé mentale des Forces canadiennes et il est un excellent exemple de militaires qui se donnent un coup de main et qui se tiennent les coudes les uns les autres. Il s'agit d'une importante évolution par rapport aux mesures de soutien prises antérieurement par les systèmes divisionnaires de la Marine et les systèmes régimentaires de l'Armée ou au programme de soutien par les pairs en cas d'incident critique des Forces canadiennes, du début des années 1990.

Même si le soutien par les pairs n'est pas un traitement en soi, le programme SSBSO a eu des retombées considérables en aidant les personnes souffrant de troubles liés au stress opérationnel à accepter leur état et à obtenir les soins cliniques nécessaires. Grâce à la diminution de la stigmatisation et à la réduction des obstacles aux soins de santé mentale qui ont eu lieu au cours des 10 dernières années, bon nombre des militaires se sentent maintenant assez à l'aise pour se rencontrer et normaliser leurs réactions dans leurs propres groupes de pairs naturels. Par exemple, certains membres des Forces canadiennes qui ont participé ensemble à un déploiement se soutiennent les uns les autres durant leur traitement et leur rétablissement.

[Français]

En association avec nos programmes d'évaluation, de sensibilisation, d'éducation et de traitement de la santé mentale, ce programme et les autres mesures de soutien par les pairs continuent d'être des éléments importants dans l'aide apportée aux militaires afin qu'ils obtiennent les soins dont ils ont besoin.

Raymond Lalonde, directeur, Centre national pour traumatismes liés au stress opérationnel, Anciens Combattants Canada : Je suis heureux d'être accompagné ici de mes deux collègues des Forces canadiennes pour témoigner au nom d'Anciens Combattants Canada sur les services offerts aux vétérans et leur famille dans le cadre du programme SSBSO. Je suis le directeur général pour le réseau des blessures liées au stress opérationnel. À ce titre, je suis responsable des cliniques de traitement pour les blessures de stress opérationnel. Tout récemment, on m'a confié la responsabilité du partenariat avec les Forces canadiennes pour le SSBSO.

[Traduction]

Je voudrais souligner la présence dans la salle de deux de mes collègues : le major Carl Walsh, gestionnaire du programme SSBSO pour les FC et Serge Arseneault, gestionnaire du partenariat relatif à ce programme pour Anciens Combattants Canada. Ils jouent un rôle important pour ce qui est de s'assurer que le programme puisse atteindre ses objectifs.

Dans le cadre du partenariat, les deux organisations participent à la gestion globale du programme, et les Forces canadiennes assurent la tenue quotidienne des opérations sur le terrain.

Le partenariat relatif au programme SSBSO est un très bon exemple de la façon dont les Forces canadiennes et Anciens Combattants Canada peuvent collaborer pour mieux utiliser leurs forces et leurs ressources respectives afin de fournir des services continus aux membres des Forces canadiennes et à leur famille à mesure qu'ils effectuent la transition vers la vie civile.

[Français]

En comptant sur la compétence et l'engagement du personnel, la structure, la formation et la vision, le SSBSO est devenu un leader international dans le domaine du support social pour les militaires et les vétérans.

Le SSBSO a contribué à améliorer le bien-être de plus de 6 002 membres des Forces canadiennes, vétérans et membres de leur famille, depuis le début du programme en 2001.

Présents dans des endroits clé, dans les bases des Forces canadiennes, les unités conjointes de support du personnel, les centres intégrés de support du personnel, les bureaux de district d'Anciens Combattants Canada, dans les cliniques de blessures de stress opérationnel et les centres pour trauma des Forces canadiennes, les coordonnateurs pairs aidants sont bien positionnés pour rejoindre ceux qui ont des besoins et pour favoriser la continuité des services alors que les membres des Forces canadiennes font la transition vers la vie civile.

En plus des employés de la fonction publique travaillant pour le SSBSO, près de 100 volontaires ont été formés et augmentent la capacité du programme à rejoindre ceux qui ont des besoins dans les communautés.

Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président : Comme toujours, je dispose d'une liste de sénateurs qui souhaitent poser des questions. Commençons.

Le sénateur Plett : Messieurs, merci d'être ici ce matin. Nous l'apprécions.

Monsieur le colonel, vous avez dit que le programme SSBSO était un complément des services de santé mentale des Forces canadiennes. N'y a-t-il pas un chevauchement, dans ce cas? Veuillez me donner quelques éclaircissements à ce sujet, si vous le voulez bien.

Quelles sont les qualifications des gens qui mettent en œuvre le programme? Vous dites qu'il s'agit de pairs dûment sélectionnés et formés — et je trouve cela merveilleux —, mais ces personnes ont-elles également reçu une formation en santé mentale et ont-elles de l'expérience en matière de soutien destiné aux victimes de blessures psychologiques? Comment sont-elles formées, et y a-t-il un peu de chevauchement entre les deux programmes?

Col Blais : Non, il n'y a certainement aucun chevauchement entre les deux. L'effectif des services de santé mentale des Forces canadiennes est constitué de travailleurs sociaux, de psychologues et de psychiatres dûment formés, alors que les pairs sont des employés des Forces canadiennes qui ont eux-mêmes déjà été aux prises avec une blessure de stress opérationnel, avec un problème de santé mentale lié à leur service militaire. Ils ont été formés pour interagir adéquatement avec les personnes dans cette situation et pour éviter de revivre leurs problèmes du passé, et ce, en essayant d'aider les autres à surmonter les leurs.

Les rôles qui leur conviennent le mieux sont l'écoute et l'aiguillage. Bien souvent, les personnes qui ont subi une blessure psychologique sont moins disposées à écouter les autres. Cependant, si leur interlocuteur a vécu des choses semblables, elles s'ouvriront à lui et l'écouteront. Cela pourra peut-être les amener à se faire administrer un traitement par les services de santé des Forces canadiennes.

Le sénateur Plett : Les intervenants du programme SSBSO font d'abord et avant tout de l'écoute, puis de l'aiguillage. Ils ne font pas de counseling; c'est bien ce que vous dites?

Col Blais : Pas de counseling en tant que tel, non.

Le sénateur Plett : Vous dites aussi qu'ils travaillent auprès des familles. Il y a une femme qui a appelé notre bureau et qui, de Shilo, a travaillé avec mon adjointe et moi-même. Elle était assez ouverte à nous faire part de ses problèmes, mais elle a également dit qu'elle ne pouvait pas nous parler officiellement; elle le faisait de façon non officielle, car c'était son époux, ancien combattant atteint de problèmes liés au stress opérationnel, qui devait demander de l'aide. C'était lui qui devait dire : « Nous avons besoin d'aide. » Elle ne pouvait pas le faire elle-même.

Pourriez-vous écouter une personne qui se trouve dans une telle situation? Parlez-vous directement aux membres de la famille?

Col Blais : Absolument. Le programme compte deux types de coordonnateurs. Un premier groupe de pairs soutient uniquement les militaires, et un deuxième groupe est constitué de membres de familles de militaires qui ont habité avec une personne atteinte d'une blessure de stress opérationnel. Comme ces gens-là ont vécu les mêmes expériences, ils sont les mieux placés pour interagir avec les membres des familles — comme la femme dont vous avez parlé —, pour leur expliquer comment aider leur proche à recevoir un traitement et pour leur donner des conseils à ce sujet.

Le sénateur Plett : Elles le font de façon confidentielle?

Col Blais : Tout à fait.

Le sénateur Plett : La femme dont j'ai parlé a dit : « Je ne peux même pas aborder le sujet avec mon mari, car il se met en colère et dit qu'il n'a pas besoin d'aide. ». Donc, elle pourrait obtenir de l'aide confidentielle?

Col Blais : Oui, le SSBSO est un service confidentiel à 100 p. 100.

Le président : Merci. Ces questions nous aident beaucoup à comprendre la nature du programme. Comme j'ai moi- même bénéficié des services initialement dispensés par le SSBSO, je sais que les militaires qui ont subi des blessures ont besoin d'obtenir des renseignements et d'avoir quelqu'un qui peut simplement les écouter durant trois ou quatre heures entre les périodes de traitement officiel. Le soutien fourni par les pairs dans le cadre du SSBSO a permis à des gens d'éviter une rechute entre les thérapies officielles.

Le sénateur Plett : J'aimerais poser une question supplémentaire à ce sujet : comment la femme dont vous avez parlé peut-elle communiquer avec le SSBSO? Existe-t-il une ligne d'aide dont elle peut trouver le numéro sur Internet? De quelle façon peut-elle joindre une personne-ressource?

Col Blais : Oui, sénateur, il existe une ligne d'aide. De plus, si cette femme le souhaite, elle peut maintenant obtenir de l'aide dans un des centres intégrés de soutien du personnel qui ont été aménagés dans les bases de partout au pays. En se rendant simplement à un tel centre, elle pourrait obtenir l'aide dont elle a besoin à ce chapitre ainsi qu'à un certain nombre d'égards.

Le président : Sans donner son nom?

Col Blais : En effet.

Le sénateur Day : J'ai une autre question à ce sujet. J'aimerais obtenir des éclaircissements. Quand on se rend dans un centre intégré de soutien du personnel, est-ce qu'il faut se présenter à la réception et dire : « J'ai besoin d'aide »? Il n'y a pas beaucoup de gens qui seraient disposés à faire cela. C'est la question de la confidentialité — dont a parlé le sénateur Plett — qui importe ici.

Col Blais : Quand une personne entre dans un tel centre, tout est confidentiel. La majorité de ces centres sont situés dans des bâtiments distincts, loin des autres locaux des Forces canadiennes. Nous servons maintenant plus de 4 000 clients à l'échelle des Forces canadiennes, et la confidentialité n'est pas un problème.

Le président : Il est également possible d'obtenir du soutien par téléphone ou en ligne.

Col Blais : Oui.

[Français]

Le sénateur Nolin : Avant de poursuivre, monsieur le président, vous nous avez distribué il y a quelque temps une vidéo dans laquelle il est question de cliniques où il y a une interaction entre des pairs. Est-ce qu'on parle du même programme?

Le président : Oui.

Le sénateur Nolin : Pour le bénéfice de mes collègues et des auditeurs qui n'ont pas vu la vidéo, qui est très révélatrice de l'efficacité du travail du programme que vous avez mis en place, j'aimerais que vous nous expliquiez comment cela fonctionne. Racontez-nous une séance de ces cliniques qui ne visent pas à remplacer un traitement médical mais à aider le militaire. C'est étonnant à voir, et les Canadiens ont besoin de comprendre l'effort qui se fait par vous pour aider et appuyer les militaires qui souffrent de ce type de blessures.

Col Blais : Il y a deux composantes. La première est individuelle, où, comme le sénateur Dallaire l'a si bien dit, les gens peuvent se rencontrer sur une base individuelle, un à un, en prenant par exemple un café dans un endroit tranquille. La personne qui souffre peut exposer ses sentiments, ses préoccupations et autres soucis. Des fois, cela fait du bien juste de se vider le cœur.

En plus, chacun des pairs coordonne aussi des sessions de groupe.

Le sénateur Nolin : C'est celle que j'ai vue.

Col Blais : Exactement. Dans ces sessions, les gens s'échangent des informations, se donnent des tuyaux pour savoir comment gérer leur stress de façon non clinique encore une fois.

Le sénateur Nolin : Il y a un drôle de jeu à un moment donné entre le militaire ou l'ancien militaire où on l'amène à verbaliser les effets de sa blessure. C'est ce qui est touchant. Et on sent vraiment l'efficacité de votre programme.

Col Blais : Le fait de s'exprimer a une grande valeur. Tant qu'elles ne peuvent pas identifier et admettre ce qu'elles ressentent, les personnes ne sont pas prêtes à aller chercher l'aide dont elles ont besoin. Par le service par les pairs, en amenant la personne à cette étape-là, c'est souvent à ce moment-là qu'elle ira au service de santé pour recevoir les services médicaux dont elle a tant besoin.

Le sénateur Nolin : Je résiste à utiliser le mot « patient ». Je préfère parler de membre, d'adhérent ou de participant.

Col Blais : On les appelle « les pairs ».

Le sénateur Nolin : Je vois que vous aussi vous tentez d'éviter le mot « patient », « bénéficiaire » ou « malade ». Mais ce sont des gens qui ont définitivement besoin d'aide.

Col Blais : Oui.

Le sénateur Nolin : Comment a-t-on pu mettre tant de temps à mettre au point ce qui me semble être un programme tellement bénéfique et si efficace et que cela vous coûte si peu d'argent : 3,4 millions de dollars, 54 employés civils plus une centaine de bénévoles. Peut-être que votre programme n'est pas assez connu et que suite à l'émission d'aujourd'hui, la publicité va faire son œuvre et vous allez devoir augmenter vos budgets.

Col Blais : On remarque une augmentation de l'utilisation des services. Depuis le début de l'année, l'augmentation a été d'environ 17 p. 100.

Le sénateur Nolin : C'est certainement à cause du vidéo du sénateur Dallaire!

Col Blais : Les services sont bien connus, mais la personne doit admettre qu'elle a besoin d'aide. Comme le sénateur Plett l'a mentionné, si la famille d'un membre vient nous voir et nous dit qu'il en arrache, peut-être que le pair de sa région va aller le voir et lui dire : « J'ai entendu dire que t'as servi à telle place. » En entamant la conversation, on peut peut-être briser la glace et l'amener à s'intégrer au groupe.

Le sénateur Nolin : Mais, comme le disait le sénateur Plett, la personne peut aussi souffrir. Je pense au conjoint ou aux enfants qui peuvent souffrir de l'attitude impulsive du père. Tout cela fait partie des effets indirects de ce type de blessure.

Col Blais : Absolument.

Le sénateur Nolin : Vous avez l'expérience et l'entraînement clinique nécessaires pour faire face à ce genre de situation?

Col Blais : Dans les groupes où les pairs participent, il y a des groupes parallèles pour les épouses et les enfants qui peuvent participer et faire le même genre de session en groupe.

Le sénateur Nolin : Une dernière question au sujet du financement du programme. Dans le 3,4 millions de dollars, vous dites que ça comprend les salaires de 54 fonctionnaires?

Col Blais : Oui.

Le sénateur Nolin : Je présume qu'il n'y a pas que les salaires. Pouvez-vous ventiler cette somme de 3,4 millions et nous dire d'où provient cet argent?

Col Blais : Le 3,4 millions de dollars, c'est la contribution de Défense nationale Canada, et Anciens Combattants Canada a aussi un budget pour le programme. De notre côté, une grande partie de l'argent est consacrée à la formation des pairs et aux frais de voyagement. Les 54 pairs doivent se déplacer pour rencontrer les membres.

Le sénateur Nolin : Est-ce qu'il serait possible d'envoyer l'information au président afin qu'on puisse avoir en filière le détail de cette structure financière et être à même de comprendre d'où provient l'argent et comment il est dépensé?

Col Blais : Absolument.

Le sénateur Nolin : Quel est l'historique du programme? Il n'a certainement pas commencé à ce niveau. Serait-il possible de nous fournir de l'information sur la progression au cours des cinq dernières années ou depuis que le programme existe?

Col Blais : Absolument.

Le sénateur Nolin : Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Peut-être que, quand vous enverrez l'information conjointement avec le rapport, vous pourriez nous indiquer dans quelles bases ces 54 personnes sont situées. Je l'apprécierais.

Col Blais : Tout à fait, sénateur.

Le président : Laissez-nous présenter ces renseignements, si je puis me permettre. Initialement, le programme était mis en œuvre par des bénévoles qui payaient eux-mêmes leurs dépenses et il a évolué de telle façon au fil des ans que nous versons maintenant un salaire aux intervenants, bien qu'il arrive encore qu'ils paient de leur poche le café au Tim Hortons, entre autres choses. D'après ce que je comprends, ce n'est pas toujours clair.

Toutefois, la structure continue à reposer sur de nombreux bénévoles qui aident les employés permanents à gérer leur grand volume de travail. J'aimerais par ailleurs examiner la structure des bénévoles à l'appui des questions posées par le sénateur Plett et le sénateur Nolin.

Par exemple — et je vais céder la parole au sénateur Wallin tout de suite après —, j'aimerais connaître le nombre d'officiers par rapport aux sous-officiers et aux militaires d'autres rangs qui sont bénévoles ou employés permanents dans le cadre du système d'entraide.

Si je pose cette question, c'est parce qu'il n'y en avait aucun la dernière fois où je me suis informé, et ce n'est pas bon signe, selon moi.

Le sénateur Wallin : Messieurs, je vous demande votre opinion plutôt que des réponses, car je sais à quel point vous connaissez bien ce domaine. Mon intervention porte sur la question globale de la transition vers la vie civile. Tout récemment, à l'occasion d'une réunion du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense, nous avons discuté de la question du suicide, et le CEMD a dit qu'un seul suicide, c'est déjà trop. C'était sa déclaration préliminaire. Par ailleurs, malgré tous les efforts déployés pour détecter le mieux possible les tendances suicidaires et malgré toutes les autres mesures, on ne peut pas prédire qui éprouvera un problème et qui conservera sa santé mentale, pas plus qu'on peut prédire qui survivra physiquement à une guerre.

Y a-t-il d'autres leçons que vous avez tirées du travail ex post facto que vous réalisez à l'égard des blessures de stress opérationnel qui, selon vous, devraient être mises en œuvre d'une façon ou d'une autre en amont du processus suivant la sélection, le recrutement?

Col Bernier : Merci, sénateur. Vous savez sûrement que, récemment, les médias ont rapporté 19 cas de suicide cette année parmi les hommes faisant partie de la Force régulière, et c'est le chiffre que nous devons utiliser.

Bien que chacun de ces cas soit une tragédie grave qui nous attriste tous et bien que nous souhaiterions avoir un taux de suicide nul, cela est impossible en raison de la biologie humaine, et nos attentes doivent se limiter à faire tout en notre pouvoir pour éviter de tels drames — ce que nous avons fait en mettant en œuvre toutes les recommandations du Comité d'experts des Forces canadiennes sur la prévention du suicide, constitué de civils siégeant à titre indépendant et d'universitaires militaires provenant du Canada et de l'étranger.

Toutefois, le problème, c'est qu'en dépit des vérifications de la qualité des services de santé mentale et en dépit des patients traités, on estime que seulement le quart de suicides auraient pu être évités.

Donc, compte tenu de cette réalité, nous devons prendre absolument toutes les mesures possibles qui — à la lumière des données probantes ou, même, selon l'intuition ou la logique — sont susceptibles d'améliorer la situation. Je suppose que vous êtes probablement déjà au courant de tous les efforts déployés en matière de sensibilisation. Une initiative en particulier que nous mettons en œuvre depuis avril 2010, c'est que chaque suicide, en plus de l'examen du comité d'enquête, fait l'objet d'un examen technique approfondi mené par un professionnel de la santé mentale visant à vérifier la qualité des services qui ont été dispensés et à étudier tous les facteurs qui ont joué un rôle —, les motivations personnelles, la famille, et cetera. Cet examen est mené dès que possible; nous n'attendons pas les conclusions du comité d'enquête, car cela peut être très long. En général, cette initiative a été bien accueillie par les membres de la famille et les proches de ces personnes. Nous étudions en profondeur les tendances et les circonstances propres à chaque cas pour vérifier si un facteur aurait pu être modifié au cours du traitement clinique, de celui dispensé dans le contexte de la chaîne de commandement, de la situation professionnelle.

La dernière chose que nous avons essayé de faire — et les dirigeants ont fait preuve d'une efficacité et d'un engagement remarquables à ce chapitre —, c'est sensibiliser les gens au suicide et réduire les préjugés entourant la prestation de soins et la tenue d'examens techniques concernant les maladies mentales ainsi qu'établir une politique en matière d'aiguillage. Les analyses ont révélé que certains cas étaient directement liés au déploiement et à un trouble de stress post-traumatique, mais que, jusqu'à 2010, la majorité des suicides avaient été commis par des gens qui n'avaient jamais été déployés. Il y a eu un nombre élevé de suicides cette année, mais, comme les chiffres demeurent très faibles du point de vue de la biostatistique et de l'épidémiologie, nous devons les étudier par blocs de cinq ans pour obtenir des données statistiquement significatives. Il est possible que ce nombre indique le début d'une tendance ou que, une fois que nous aurons recueilli toutes les données pour la période quinquennale et obtenu le bon chiffre et le bon dénominateur, le taux s'avère le même que celui des périodes antérieures. Il est demeuré le même jusqu'à 2010, y compris lors de la période quinquennale où les opérations en Afghanistan étaient à leur plus fort. Il n'y a pas eu de changement depuis 1995.

Le sénateur Wallin : Ma question portait non pas sur ce sujet bien précis, mais sur celui des TSPT. Auriez-vous la capacité d'effectuer la même évaluation? Vous avez dit que la majorité des suicides n'étaient pas prévisibles, qu'il n'y avait pas d'indicateurs, et cetera.

Je me demande s'il y a quelque chose que nous pourrions faire avant qu'ils surviennent, s'il y a un symptôme quelconque des TSPT en général qui pourrait être plus facile à détecter — je ne sais même pas si c'est le mot juste. Donnez des explications un peu plus générales, si possible.

Col Bernier : Les trois facteurs cruciaux en matière de santé mentale sont les suivants : un leadership fort et dévoué, ce que nous avons — ils ont fait un travail remarquable, et c'est un des facteurs clés; des militaires dévoués et déterminés à recevoir un traitement et à le suivre jusqu'au bout; et des traitements de haute qualité. À cet égard, particulièrement en ce qui a trait au dernier facteur, le SSBSO a joué un rôle clé. Il y a eu beaucoup de chevauchements, alors nous avons essentiellement mobilisé des pairs qui exercent diverses fonctions au sein des Forces armées — surtout des superviseurs dans la chaîne de commandement — et qui sont informés et conscients des facteurs de risque afin qu'ils détectent les tendances suicidaires et les symptômes de maladie mentale — notamment de TSPT — justifiant l'aiguillage de la personne soit vers un pair du SSBSO, soit directement vers un professionnel de la santé mentale.

Nous avons les centres de ressources pour les familles des militaires; le Programme d'aide aux membres des Forces canadiennes — les gens qui souhaitent préserver leur anonymat peuvent téléphoner directement à ce service en toute confidentialité, sans que les Forces armées n'en soient informées, et avoir accès à jusqu'à 10 séances de counseling —, les ressources offertes par Anciens Combattants Canada ainsi que toute une gamme de groupes de soutien, y compris des services d'aumônerie.

Il y a un certain dédoublement intégré au processus en ce qui concerne la détection précoce des symptômes des TSPT. Nous sommes toujours à la recherche de mesures additionnelles qui nous permettraient d'améliorer nos services ou d'accroître notre capacité. Essentiellement, jusqu'ici, nous avons mis en œuvre... Et nous ne sommes pas parfaits; il y a encore des cas qui passeront entre les mailles du filet, particulièrement dans les régions qui sont peut-être insuffisamment desservies, qui ont des problèmes d'attrition ou encore où il est difficile de réunir assez de gens.

Toutefois, globalement, nous appliquons actuellement les meilleures pratiques, selon la RAND Corporation des États-Unis. Cette organisation a mené une très vaste étude sur les pratiques exemplaires en matière de prévention du suicide qui confirme le bien-fondé des mesures que nous mettons déjà en œuvre depuis 2001 dans le cadre du SSBSO et depuis 2009 dans le cadre du Comité d'expert des Forces canadiennes sur la prévention du suicide.

Le sénateur Wallin : Quelqu'un a d'autres commentaires?

M. Lalonde : Je dirais que je ne joue pas de rôle direct au sein du ministère au chapitre de la prévention du suicide, mais nous avons siégé à ce comité conjointement avec les Forces canadiennes et nous disposons d'une stratégie similaire à cet égard. Cependant, je ne suis pas assez informé pour en parler.

Le sénateur Wallin : Merci.

Le président : J'ai une observation complémentaire. Tout d'abord, le document des Forces canadiennes que vous avez publié où l'on rapporte 19 suicides cette année concerne la Force régulière. Il n'inclut pas les femmes, car vous dites qu'il y en a très peu. Il n'inclut pas les réservistes ni les personnes retraitées ou libérées qui sont maintenant entre les mains d'Anciens Combattants Canada — organisation qui, jusqu'à récemment, ne recensait pas le nombre de suicides ni ne menait d'analyse visant à déterminer s'il s'agissait de cela ou d'un accident, entre autres choses. Aucune mesure du genre n'a été prise à l'égard des anciens combattants des périodes antérieures, et je ne crois pas que le système soit en place.

Cette statistique — celle des 19 suicides — se rapporte au MDN, mais seulement à une partie et non à l'ensemble du ministère.

Je pense également qu'il serait certainement utile pour nous de connaître ces statistiques ou de savoir comment vous recueillerez les données afin de contribuer à la prévention du suicide chez les réservistes, de même que de savoir comment Anciens Combattants Canada poursuivra le travail que vous réalisez en vue d'éviter le suicide de militaires à la retraite.

Enfin, si je peux me permettre, en réponse à vos commentaires, les services cliniques ont été très réticents à attribuer des suicides à des missions opérationnelles. En 1997, quand j'étais sous-ministre adjoint (Personnel), il y a eu 11 suicides, et nous avons essayé de convaincre les gens que ce n'était pas attribuable aux missions opérationnelles, même si nous savions très bien qu'ils étaient imputables aux opérations auxquelles ces militaires avaient pris part, de la guerre du Golfe jusqu'aux missions en Yougoslavie ou au Rwanda. Les améliorations que vous avez apportées au programme sont très importantes, comme vous l'avez dit — mais, globalement, elles demeurent assez récentes. Est-ce que tout ce que j'ai dit est exact?

Col Bernier : Je clarifierais certains points, mais vous avez tout à fait raison. Nous sommes encore confrontés à des difficultés importantes, particulièrement en ce qui a trait aux réservistes. Le seul suicide qui a été commis par une femme l'an dernier n'est pas inclus dans les 19 suicides rapportés.

Nous examinons très minutieusement tous les cas, y compris ceux des réservistes. Même s'il s'agit d'un réserviste en classe A qui, disons, n'a fait que participer à deux défilés, si pareil cas nous est signalé, nous mènerons une enquête technique et professionnelle des plus complète.

Le problème avec ces chiffres, c'est que, malgré le drame — particulièrement pour la famille de la personne qui s'est enlevé la vie —, sur le plan épidémiologique ou statistique, si, tous les deux ou trois ans, une femme se suicide, nous ne pouvons le déterminer, car les chiffres sont trop faibles. C'est la même chose pour les réservistes. Les données sont très difficiles à recueillir. Nous ne savons pas si nous recensons tous les cas, car un nombre énorme de réservistes participent seulement à des défilés pendant un bout de temps, puis sont libérés.

Comme je l'ai dit, nous mènerons tout de même une enquête approfondie sur les cas relatifs aux réservistes qui ne sont plus en service depuis deux ans, mais dont le nom figure encore dans les registres. Il s'agit de la même enquête que celle que nous menons sur les membres de la Force régulière. C'est difficile, tant sur le plan de l'enquête que sur le plan de la prestation des soins. Nous disposons d'équipes de liaison pour chacun des réservistes ainsi que de gestionnaires adjoints sur le terrain et de gestionnaires de cas qui travaillent auprès d'eux et qui veillent à ce qu'on applique la même norme en matière de soins aux réservistes chez qui on a détecté un problème quelconque de santé mentale.

Le sénateur Wallin : Je ne sais pas comment vous pourriez établir une distinction entre ce que vivent les réservistes dans le cadre de leurs tâches quotidiennes et...

Le président : Tout à fait, et la même question se pose si la personne est retraitée. Vous soulevez un bon point.

Col Bernier : Il n'est pas difficile de déterminer si un suicide est lié au service militaire, car nous constatons que les causes sont les mêmes — et cela est aussi vrai pour les membres de la Force régulière qui ont été déployés en Afghanistan. Elles tendent à être les mêmes : problèmes financiers, juridiques, disciplinaires, conjugaux — le même genre de problèmes que ceux qui ont été établis comme étant des causes du suicide. Toutefois, monsieur, vous avez absolument raison : les déploiements — surtout les opérations de combat — accroissent les risques de TSPT, ce qui, par ailleurs, peut entraîner des problèmes de cette nature. Il est très difficile d'établir un lien causal direct à cet égard.

Nous avons mené une étude cumulative des blessures de stress opérationnel survenues de 2001 à 2008 chez toutes les personnes qui ont été déployées. Des cliniciens se sont penchés sur chaque cas et ont essayé de voir s'il était attribuable au déploiement. L'étude — qui est probablement la plus fiable de toutes celles réalisées par les pays de l'OTAN — a révélé que le pourcentage de Canadiens atteints d'un TSPT à la suite d'un déploiement était de 8 p. 100. C'est considérable.

Nous avons également mené une sous-étude concernant un groupement tactique qui avait été particulièrement exposé aux combats, et 20 p. 100 de ses membres avaient souffert d'un TSPT à un moment ou à un autre au cours d'une période subséquente de quatre ans et demi. Il s'agit d'un fardeau significatif que nous continuerons probablement à observer au cours des 10 prochaines années, car les symptômes liés à certains de ces problèmes prennent un certain temps à se manifester.

Pour ce qui est des anciens combattants, nous avons aussi mené, conjointement avec Anciens Combattants Canada et Statistique Canada, l'Étude du cancer et de la mortalité chez les membres des Forces canadiennes. Cette étude a révélé que, globalement, le taux combiné relatif aux militaires en service et aux retraités est semblable au taux observé pour l'ensemble de la population.

Cependant, la cohorte des membres retraités affichait un taux de 50 p. 100 plus élevé. Il est surtout question des militaires du rang, des personnes qui ont servi dans l'armée, des personnes qui ont servi avant 1986, des personnes qui ont servi brièvement — moins de 10 ans — et, en particulier, de personnes qui ont été libérées de façon involontaire ou en raison d'une affection médicale.

On procède encore à des analyses des sous-groupes et de la base de données afin de déterminer plus précisément ce qu'il en est.

Il faut souligner qu'avant 1986, aucun de nos programmes actuels n'existait. Nous avons évolué et fait beaucoup de progrès. Il nous reste encore du travail à accomplir, ce qui peut expliquer certains de ces problèmes. Il y avait également beaucoup plus de préjugés à cette époque.

Le président : Votre réponse était très complète. Merci.

Le sénateur Plett : Des 19 suicides, combien, avez-vous dit, n'auraient pas pu être évités?

Col Bernier : On détermine cela au cas par cas.

Le sénateur Plett : N'aviez-vous pas mentionné un chiffre?

Col Bernier : Oui, je l'ai fait; j'ai dit qu'il s'agissait de un sur quatre, mais cette statistique ne se rapporte pas précisément aux Forces canadiennes. Cette statistique a été établie par le Comité d'experts des Forces canadiennes sur la prévention du suicide — composé notamment d'universitaires et de toutes sortes d'experts de la question du suicide — à la suite de son examen documentaire général des vérifications qui ont été menées concernant la qualité des services de santé mentale.

Le sénateur Plett : Ce chiffre n'était pas propre aux Forces canadiennes?

Col Bernier : Non. Nous pourrions nous attendre à voir moins de cas, car notre programme est très solide comparativement à ceux mis en œuvre dans la société civile. Cependant, si l'on se fie aux données existantes concernant les vérifications qui sont menées pour assurer la qualité des services de santé mentale à des fins de prévention du suicide — aux données recensées dans toute la littérature scientifique —, on conclut généralement, à la lumière d'enquêtes approfondies, que seulement le quart des suicides étaient potentiellement évitables.

Le sénateur Nolin : « Évitables ». Je croyais que c'était l'inverse.

Le sénateur Plett : Je croyais aussi que c'était l'inverse.

Col Bernier : Cela signifie que les trois quarts des suicides n'étaient probablement pas évitables, même avec un traitement en matière de santé mentale. C'est comme certains cancers : si une personne attend trop longtemps avant de demander des soins, ses chances de guérison diminuent considérablement. Certains cancers, même avec les meilleurs traitements de chimiothérapie et de radiothérapie, sont incurables et mortels.

Malheureusement, selon l'information dont nous disposons à l'heure actuelle, selon les mesures qui sont appliquées de nos jours et selon les renseignements découlant des vérifications de la qualité des services dispensés en matière de santé mentale, seulement un suicide sur quatre est évitable.

Je pense que nous pourrions obtenir de meilleurs résultats, car nous disposons d'un système très solide. De plus, nous avons l'avantage, par rapport à la société civile, d'avoir une surveillance exercée en milieu de travail par des superviseurs engagés et informés ainsi que par des pairs qui essaient de convaincre les gens de suivre un traitement. Un des principaux facteurs qui mènent au suicide, ce sont les maladies mentales non traitées.

Le sénateur Plett : Je suis content d'avoir posé la question, car j'avais compris l'inverse de ce que vous aviez dit initialement. Merci d'avoir apporté ces précisions.

Le président : J'aimerais faire un dernier commentaire à ce sujet. Des douze officiers qui ont servi à mes côtés au Rwanda, neuf ont subi de graves blessures de stress opérationnel, et un s'est suicidé quatorze ans après. Le comité d'enquête, deux ans plus tard, a conclu que son suicide était directement lié à son engagement opérationnel.

Toutefois, pour revenir au SSBSO, j'aimerais dire qu'à un certain moment, selon une statistique qui circulait, ce programme permettait d'éviter un suicide par jour chez les anciens combattants. Est-ce un chiffre réaliste? Pourriez- vous nous donner vos impressions à cet égard?

Col Blais : À mon sens, c'est une donnée anecdotique. Toutefois, il est certain que les intervenants du SSBSO ont beaucoup d'influence sur les gens pour ce qui est de les convaincre de se soumettre à un traitement. Comme le colonel Bernier l'a souligné, plus une personne entreprend rapidement un traitement, plus elle a de chances de guérison. Il n'y a donc aucun doute que le programme contribue bel et bien à éviter des suicides, dans une certaine mesure.

Le sénateur Day : Je vais aborder d'autres aspects. Ce n'est pas que le suicide ne représente pas un sujet important; il est en fait capital pour nous d'entendre vos observations à ce sujet. D'ailleurs, les renseignements que vous nous avez fournis à l'égard des programmes que vous avez mis sur pied nous sont très utiles.

Colonel, vous avez parlé des programmes qui étaient mis en œuvre antérieurement, plus précisément des systèmes divisionnaires de la Marine et des systèmes régimentaires de l'Armée. Je suppose que ces programmes étaient mis en œuvre de façon assez informelle, et c'est ce qui est arrivé après la Deuxième Guerre mondiale et la guerre de Corée.

Col Bernier : Et par la suite. Les systèmes divisionnaire et régimentaire de la Marine représentent simplement la composante familiale, alors c'est tout à fait informel. Ce n'était pas suffisant.

Quand la campagne en Bosnie a commencé en 1991-1992, on a mené des efforts ponctuels et distincts afin de dispenser des séances d'aide après un stress causé par un événement grave aux personnes qui revenaient d'une opération ou qui avaient été exposées à certains événements traumatisants à l'étranger. Ces séances étaient habituellement dispensées par un professionnel de la santé mentale ou par un spécialiste médical ainsi que par un pair au sein de l'unité qui avait suivi une formation de une ou deux journées. Cette personne jouait un rôle particulièrement crucial pour ce qui est de donner de la crédibilité au programme et d'établir un lien avec le militaire concerné afin de lui fournir de l'information en matière de santé mentale et de l'épauler pour détecter les symptômes qui donnent à penser que des soins s'imposent.

Même si une politique a été établie à un certain moment en vue de dispenser de telles séances d'aide partout au pays, le programme n'a pas été adopté à l'échelle nationale par la suite et il était décousu. Il a également donné lieu à certaines études, car il a aussi été mis en œuvre par un grand nombre de nos alliés, qui ont démontré que, dans certains cas, le fait d'obliger les gens à se soumettre à une séance d'aide après un stress causé par un événement grave lorsqu'ils ne sont pas prêts entraîne des conséquences néfastes sur le plan de la santé mentale. Ces séances ne sont donc plus obligatoires.

Voilà le premier effort semi-officiel dans le cadre duquel des pairs ont reçu une formation de conseiller. Toutefois, cette formation était très limitée. Elle était d'un niveau inférieur à celui de la formation dispensée de nos jours aux intervenants du SSBSO. Elle n'était pas aussi complète. Elle était temporaire et dispensée ponctuellement aux diverses brigades et unités de l'Armée.

À l'heure actuelle, le SSBSO joue un rôle important à cet égard. On sélectionne — dans une certaine mesure — des gens qui ont eux-mêmes déjà été aux prises avec un problème de santé mentale, ce qui les aide beaucoup à amener les autres à reconnaître qu'ils sont eux-mêmes atteints d'un tel problème. Il s'agit d'une de nos principales difficultés. De nombreuses personnes s'abstiennent de demander des soins simplement parce qu'elles refusent de reconnaître que leur comportement est anormal.

Le sénateur Day : Ce problème n'est-il pas encore présent? Dites-moi ce que vous faites pour vous y attaquer. Par le passé, les commandants et les sous-officiers supérieurs n'ont pas fait preuve d'une grande empathie à l'égard des victimes de tout type de blessures de stress opérationnel, et il y a donc des préjugés associés au simple fait d'assister ou de participer aux séances de tels programmes. Même si on peut faire cela en toute confidentialité, le fait qu'on a un problème et qu'on essaie de guérir sa blessure ne demeure jamais tout à fait confidentiel.

Qu'allez-vous faire pour mettre fin aux préjugés?

Col Blais : Je suis heureux de dire que les mentalités ont beaucoup évolué, monsieur le sénateur. Il y a un certain nombre de méthodes que nous utilisons pour arriver à cette fin. Chaque cours de leadership des Forces canadiennes comprend un volet éducatif sur la santé mentale. Ce volet comporte des composantes clinique et non clinique. Tout comme les gens qui travaillent comme pairs après avoir subi une blessure de stress opérationnel, d'autres travaillent comme conférenciers et font part de leur expérience dans le cadre de ces cours. À cela s'ajoute une composante clinique, qui permet d'aborder la question d'un autre angle. Nous croyons que cette mesure contribue grandement à dissiper les préjugés.

En outre, il y a deux ans, le chef d'état-major de la Défense a lancé une campagne intitulée « Soyez la différence » dans l'ensemble des Forces canadiennes. Dans le cadre de cette initiative, le chef s'est lui-même adressé à tous les membres des Forces canadiennes pour leur demander d'aider activement les autres à surmonter ces expériences difficiles.

Col Bernier : J'ajouterais que nous disposons également de données probantes. Selon l'étude comparative de cinq pays — l'Australie, la Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis — qui a été publiée dans le Journal of the Royal Society of Medicine au Royaume-Uni, le Canada était celui où il y avait le moins de préjugés au sein des forces armées. Selon les conclusions de chercheurs américains, le niveau de préjugés au sein des Forces canadiennes équivalait à moins du tiers de celui rapporté par les soldats américains. Par ailleurs, notre propre évaluation a révélé que moins de 7 p. 100 des membres des Forces canadiennes auraient moins d'estime pour un collègue qui demanderait à recevoir des soins de santé mentale.

Grâce à de nombreuses initiatives menées par le truchement de nos divers programmes de sensibilisation et d'information, les gens parlent maintenant ouvertement de leurs problèmes de santé mentale au sein des Forces canadiennes. Un des facteurs clés qui ont contribué à dissiper les préjugés, ce sont les déclarations publiques du président.

Il est devenu socialement inacceptable dans la culture militaire de se montrer condescendant ou méprisant de quelque façon que ce soit à l'endroit d'une personne qui demande des soins de santé mentale. Il y a eu une évolution sur le plan culturel qui s'est révélée extrêmement bénéfique. Le SSBSO a joué un rôle fondamental à ce chapitre en amenant les gens à parler de cette question et en mobilisant des pairs afin qu'il y ait une lumière au bout du tunnel. Ces gens reconnaissent qu'ils ont besoin de soins et sont conscients des possibilités de guérison.

Le sénateur Day : Et cela est vrai pour toute la famille.

Col Bernier : Oui. La confidentialité est cruciale. Selon nos chercheurs en santé mentale, dans l'ensemble — bien qu'ils ne puissent le prouver au moyen de données probantes —, des améliorations apportées sous la direction du chef d'état-major de la Défense et la Loi sur la protection des renseignements personnels nous ont aidés à améliorer le dossier en matière de santé mentale des Forces canadiennes, le dépistage des problèmes de cette nature et l'état des personnes qui en sont atteintes. En outre, il s'agit peut-être du principal facteur qui a amené les gens à être disposés à demander des soins, et cela a aussi contribué à mieux protéger la carrière des personnes concernées.

Le sénateur Day : Il y a un autre aspect que je souhaite aborder, mais j'attendrai le deuxième tour.

Le président : Le cours destiné aux recrues que mon fils benjamin a suivi comportait une séance de trois heures dispensée par un pair — un sergent — qui portait sur les blessures de stress opérationnel. Ses collègues et lui étaient d'avis qu'il s'agissait du cours le plus important pour ce qui est de préparer les recrues à ce qui les attendait. Évidemment, le lendemain, quatre personnes ont demandé d'être libérées, car ils ont trouvé que c'était peut-être un peu trop pour eux. C'est peut-être le genre de choses que nous devons faire.

[Français]

Le sénateur Nolin : Nous sommes très fiers d'avoir le général Dallaire comme président. Cela nous permet de nous associer un peu à son histoire militaire — dont nous sommes également très fiers d'ailleurs.

Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais je vais me faire un peu l'avocat du diable. Après chaque événement malheureux, vous tentez d'en explorer les causes. J'aimerais comprendre comment cette enquête fonctionne. Qui parle? Qui ne parle pas? Pour quelle raison? Si vous êtes interrogé, avez-vous droit à la présence d'un avocat? Comment cela fonctionne?

Le président : Tous est au bureau d'enquête.

[Traduction]

C'est une enquête importante.

[Français]

Le sénateur Nolin : Exactement. J'essaie de comprendre comment il se fait qu'on parle de 75 p. 100. Je comprends que la littérature nous aide, de façon empirique, à comprendre ce qui se passe dans la vie civile et à comparer cette réalité avec la vie militaire. Lorsqu'on tente de découvrir la cause d'un acte aussi atroce, on risque de ne pas être capable de délier des langues qui, dans d'autres situations, pourraient parler. J'essaie de voir comment on fonctionne pour essayer de comprendre ce qui s'est passé. Êtes-vous convaincu que ceux qui savent des choses le disent?

Col Bernier : Sénateur, je peux seulement parler des enquêtes médicales professionnelles. Dans ce cas, tout est volontaire. On le fait immédiatement, aussitôt que la police militaire nous l'indique ou que la police civile nous permet de commencer à questionner les gens, car on ne veut pas s'immiscer dans leurs affaires s'il n'est pas encore déterminé qu'il s'agissait d'un suicide et non d'une cause naturelle ou d'une cause de sinistre. On nous fournit alors les dossiers de la police militaire et toutes les informations disponibles.

À ce moment, le personnel médical, un médecin, parfois un psychiatre ou un psychologue, va questionner, s'ils sont prêts, la famille, les amis, la chaîne de commandement, tous ceux qui étaient impliqués. Normalement, ils sont très heureux de collaborer. L'enquête médicale est beaucoup plus ciblée que l'enquête générale. On essaie tout simplement de déterminer la qualité des soins que l'individu a reçus ou s'il y a quelque chose dans ses motivations personnelles, des stress soit au travail ou dans la vie personnelle, qui auraient contribué. On parle en français d'une autopsie psychologique. C'est un domaine très précis. On utilise des données et des formules qui ont été démontrées très utiles pour essayer de déterminer la cause, s'il en existe une, qui puisse être déterminée.

Suite à tous ces entretiens, aux évaluations des dossiers médicaux, à l'évaluation des soins que la personne a reçus, aux réponses de la chaîne de commandement, de la police militaire, à tout ce qui a été trouvé, souvent on ne trouve rien qui indique la cause, d'une façon ou d'une autre. Normalement, on peut découvrir un stress financier, légal, disciplinaire ou relationnel, mais parfois il n'existe aucune indication.

On n'a pas les statistiques pour les Forces canadiennes, jusqu'à maintenant, à savoir combien de suicides auraient pu être prévenus s'il y avait eu une intervention. Bien souvent, le problème est que personne n'était au courant du stress qui existait dans la vie d'un individu, ou il n'en avait pas démontré du tout; il n'y avait aucune indication aux membres de la famille, aux amis, à la chaîne de commandement, au personnel médical, au personnel du SSBSO.

Les statistiques pour le quart des suicides qui ne peuvent pas être prévenus viennent des données de la société civile.

Le sénateur Nolin : Vous me parlez d'un quart? J'en étais arrivé à trois-quarts.

Col Bernier : Seulement un quart a été évalué être prévisible.

Le sénateur Nolin : D'accord. Je voulais m'assurer qu'on n'était pas revenu au même point.

Col Blais : Du côté administratif, pour ce qui est de l'enquête qu'on a essayé de faire, nous ne sommes pas qualifiés pour voir les causes comme telles. C'est plutôt le côté médical qui s'en charge. Toutefois, on tente de déterminer si on peut faire quelque chose, par exemple comme superviseur ou comme unité, pour prévenir qu'une telle chose se reproduise. On va chercher les causes ou les facteurs qui auraient pu contribuer et on va s'assurer de les éliminer.

Le sénateur Nolin : Vous arrive-t-il de trouver des causes corrigibles.

Col Blais : Oui.

Le sénateur Nolin : Qu'arrivera-t-il aux individus qui ont commis des actes qui pourraient, à la limite, être répréhensibles.

Col Blais : Si, lors de l'enquête, on voit quelque chose, les faits sont remis au commandant. Le commandant, selon la sévérité de l'acte ou du geste, décidera.

Le sénateur Nolin : Ou du manquement.

Col Blais : Ou du manquement. Celui-ci décide des mesures administratives ou disciplinaires qui doivent être prises.

Le sénateur Nolin : Est-ce que cela arrive?

Col Blais : Oui.

Le président : Le conseil est utile aussi pour déterminer si la cause du suicide est liée à une mission. Cet aspect est important pour les autres bénéfices qui s'ensuivent.

Le sénateur Nolin : Ce peut être l'entraînement qui est trop difficile?

Col Blais : Je dirais plutôt le contraire. Le fait que les gens sont si bien formés aide à prévenir de telles situations.

Le sénateur Nolin : Sûrement.

[Traduction]

Le sénateur Day : En tant qu'avocat, je me demande s'il peut être établi que vous auriez pu faire quelque chose qui aurait permis d'éviter un suicide. Comment êtes-vous exonéré des éventuelles réclamations pour responsabilité?

Col Bernier : Même si nous trouvons quelque chose que nous aurions pu faire mieux, cela ne signifie pas pour autant que le suicide aurait pu être évité. Dans de nombreux cas, tout a été fait selon les pratiques exemplaires, mais la personne s'est tout de même suicidée. Comme le montrent les études menées au civil, trois suicides sur quatre ne sauraient être évités même avec un traitement adéquat.

Sur le plan médical, l'examen technique professionnel vise principalement à assurer et à améliorer la qualité du programme dans son ensemble.

Le sénateur Day : Je comprends tout à fait. Je me demandais simplement si, peut-être, vous ne vous exposiez pas à des risques — et j'espère que non, car il est extrêmement important de mener cette analyse. Je n'aurais peut-être pas dû le mentionner, mais la question m'est venue spontanément pendant votre discussion avec le sénateur Nolin.

Col Bernier : Si nous découvrons certaines préoccupations concernant la pratique d'un clinicien, par exemple des lacunes au chapitre des soins cliniques dispensés à un patient, nous en informons — comme nous le faisons périodiquement — le Collège des médecins, l'Ordre des infirmières et infirmiers ou un autre ordre professionnel, selon le cas, à des fins d'évaluation. Nous avons-nous-mêmes la capacité à l'interne de révoquer les privilèges de pratique jusqu'à ce que la personne concernée satisfasse aux normes.

Col Blais : Pour ce qui est de l'aspect administratif, chaque comité d'enquête dispose d'un conseiller médical et d'un conseil juridique. À mesure que les choses progressent, ils peuvent prodiguer des conseils à ces deux égards pour assurer notre entière conformité avec les normes.

Le sénateur Day : Je vais m'arrêter là.

J'ai une question à poser à M. Lalonde concernant le ministère des Anciens Combattants. Nous avons entrepris des démarches du côté militaire afin d'obtenir une analyse de l'utilisation et de l'affectation des 3,4 millions de dollars. Est- ce que le ministère fait simplement une contribution au budget du programme? Le cas échéant, quel en est le montant?

M. Lalonde : Ces dernières années, le budget du programme a été d'environ 800 000 à 900 000 $, mais cette année, comme je viens d'entrer en fonction, j'ai reçu plus d'argent.

Le sénateur Day : Vous êtes arrivé les poches pleines d'argent.

M. Lalonde : Le budget devrait être d'environ 1,2 million de dollars. La plupart des fonds serviront à financer les ressources sous la direction des Forces canadiennes.

Le sénateur Day : Est-ce que les personnes employées dans le cadre du partenariat sont incluses dans les 54 employés de la fonction publique à temps plein, ou s'agit-il d'un groupe séparé?

M. Lalonde : Non, nous avons 10 équivalents temps plein. Huit d'entre eux travaillent à la mise en œuvre du SSBSO sur le terrain.

Le sénateur Day : Ces personnes s'ajoutent aux 54 employés?

M. Lalonde : Oui.

Le sénateur Day : Selon ce que des témoins nous ont dit, il arrive souvent que les symptômes d'un trouble mental liés à un déploiement commencent à apparaître seulement des années après qu'une personne a quitté les forces armées.

M. Lalonde : C'est juste.

Le sénateur Day : On peut supposer que c'est surtout l'affaire d'Anciens Combattants Canada. Une fois que vous avez établi qu'une personne a besoin d'aide, la renvoyez-vous dans le système militaire? Doit-elle retourner dans une base militaire? Ce n'est pas toujours facile de retourner dans un endroit où l'on ne travaille plus. Pouvez-vous me dire ce que vous faites?

M. Lalonde : Les anciens combattants n'ont pas à retourner à la base pour recevoir des services. Les coordonnateurs ou les pairs bénévoles du SSBSO travaillent dans de nombreux endroits. Ils peuvent les rencontrer dans un Tim Hortons. Les anciens combattants n'ont pas à retourner à la base.

Bien des coordonnateurs du soutien par les pairs et des coordonnateurs du soutien par les pairs pour les familles travaillent dans des bureaux de district. Il y en a également dans les cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel. Ils se déplacent au besoin, et une personne n'a pas à se rendre dans une base pour recevoir des services, si cela la rend mal à l'aise.

Le sénateur Day : Comment fait-on pour communiquer initialement avec un responsable du programme?

M. Lalonde : On peut composer un numéro de téléphone ou se rendre sur le site web du SSBSO à l'adresse suivante : osiss.ca.

Le sénateur Day : En fait, c'est un site web des Forces canadiennes, n'est-ce pas?

M. Lalonde : Il est lié aux deux organisations. Une seule dispense les services sur le terrain, à savoir les Forces canadiennes. L'ensemble du programme est géré au moyen d'un partenariat. Nous examinons conjointement les politiques, les processus opérationnels et la gestion du rendement, entre autres choses. Les activités menées sur le terrain à l'intention des militaires, des anciens combattants et de leurs familles sont la responsabilité des Forces canadiennes.

Le président : Je suis porté à croire que la charge de travail des employés du SSBSO est très grande, voire excessive. Ont-ils assez de ressources pour la gérer convenablement sans se surmener? Comment vous occupez-vous d'eux?

Par ailleurs, le volet familial demeure récent, et vous avez 20 personnes qui y travaillent, mais ne serait-il pas nécessaire d'accroître cette capacité? Avez-vous pris des mesures pour examiner cette question?

En outre, selon certaines personnes, les employés du SSBSO ont un peu développé le « syndrome du fonctionnaire » maintenant qu'ils sont salariés, en ce sens qu'ils seraient maintenant disponibles de 8 heures à 16 heures plutôt qu'en tout temps, comme c'était le cas par le passé. Est-ce vrai? Avez-vous reçu des plaintes à cet égard?

Enfin, par le passé, le personnel du SSBSO intervenait souvent quand la police arrêtait nos gens qui, à cause de leur blessure, troublaient l'ordre public, faisaient du saccage ou se bagarraient. Est-ce que les employés du SSBSO sont sollicités pour les aider à sortir de prison et peut-être aussi pour intervenir à titre d'officiers désignés lorsqu'ils sont appelés à comparaître devant les tribunaux?

Col Blais : Je vais d'abord répondre à votre première question. Les pairs sont très occupés. Il n'y a aucun doute là- dessus. Toutefois, je dirais que les ressources dont nous disposons sont adéquates. Nous publions des statistiques chaque mois. Quand nous voyons les chiffres augmenter dans un certain volet, nous pouvons demander des ressources additionnelles si nous croyons que c'est nécessaire. Cependant, quand nous constatons que trop de ressources sont affectées à un volet particulier ou que les pairs d'un certain volet ne sont pas aussi occupés que ceux d'un autre volet, nous essayons de les muter là où les besoins sont plus grands.

En ce qui concerne les heures de disponibilité, rien n'indique que la situation est telle que vous la décrivez. En effet, les gens qui réalisent ce type de travail le font par passion, et cela leur tient beaucoup à cœur. Ils n'ont certainement pas le « syndrome du 9 à 5 ». D'ailleurs, je dirais qu'une grande partie du travail est réalisé après les heures de bureau, car c'est à ce moment-là qu'ils peuvent tenir des réunions avec les pairs ou des séances de groupe et faire d'autres choses du genre.

Le sénateur Plett : Sont-ils salariés ou payés à l'heure?

Col Blais : Ils sont salariés.

Enfin, pour ce qui est de la police, le SSBSO reçoit encore des appels, surtout dans les régions éloignées. Toutefois, la plupart du temps, maintenant que le réseau des centres de soutien au personnel fonctionne, le commandant du peloton recevra un appel, et soit lui-même, soit l'adjudant du peloton ira s'occuper de la personne concernée.

Le président : Ce sont les centres intégrés de soutien au personnel qui reçoivent l'appel?

Col Blais : Oui.

Le président : Est-ce que les autorités judiciaires et la police sont au courant de leur existence?

Col Blais : Oui.

Le président : Quelqu'un a-t-il un dernier commentaire à ajouter?

Le programme a énormément évolué et a été lancé à l'initiative de pairs. Il a progressé à tel point que la population canadienne en retirera des bénéfices à mesure que nous allons de l'avant.

Un des points soulevés par le SSBSO qui renforce son importance et qui appuie un changement culturel, c'est le fait qu'il a été établi que le TSPT constitue une blessure de stress opérationnel plutôt qu'une maladie. Lundi, je vais expliquer à l'American Psychiatric Association à Philadelphie pourquoi nous avons choisi d'emprunter cette voie pour faire mieux accepter aux troupes le travail réalisé dans le cadre du SSBSO afin de dissiper les préjugés et les craintes dus à l'ignorance qui existait par le passé. En plus d'être tout à fait innovateur, le SSBSO joue un rôle essentiel pour ce qui est de permettre aux gens d'effectuer la transition vers la vie civile de façon beaucoup plus stable. Félicitations à vous et à tous les bénévoles qui y participent et qui boivent bien des tasses de café dans les Tim Hortons. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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