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Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

Fascicule 5 - Témoignages du 9 mai 2012


OTTAWA, le mercredi 9 mai 2012

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 7, pour étudier les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes; aux anciens combattants; aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leurs familles.

Le sénateur Roméo Antonius Dallaire (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Mesdames et messieurs, bienvenue à cette réunion du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Le sous-comité poursuit sont étude sur la transition des membres des Forces canadiennes vers la vie civile, en tant qu'anciens combattants. Nous étudions les programmes liés à cette transition afin de mesurer l'efficacité et la capacité avec laquelle on est apte à rencontrer les besoins de ces membres.

Nous accueillons aujourd'hui, à la fois des représentants du ministère de la Défense nationale et des représentants du ministère des Anciens Combattants. Je trouve très bien le fait d'entendre, encore une fois, des représentants de ces deux ministères en même temps. Ce n'est pas la première fois que cela se produit. Quelqu'un aura peut-être l'idée un jour de fusionner ces deux ministères, mais je préfère laisser cet exercice pour une autre conversation.

Nous accueillons Catherine Campbell, assistante du scientifique en chef, Recherche et analyse en personnel; Kerry Sudom, Ph.D., recherche et analyste en personnel militaire; et, encore une fois, le colonel Bernier, médecin-chef adjoint, que nous remercions d'avoir accepté de comparaître de nouveau.

Du ministère des Anciens Combattants, nous accueillons David Pedlar, Ph.D., directeur de recherche, que nous connaissons bien; et Anne-Marie Pellerin, directrice, Réadaptation et gestion des cas.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous nous penchons sur des études qui ont été menées sur la transition des anciens combattants à la vie civile. Les trois études qui nous ont été signalées sont les suivantes : Enquête sur la transition à la vie civile : Rapport sur les vétérans de la Force régulière, étude datée du 4 janvier 2011; Étude sur le revenu : Rapport sur les Anciens Combattants et Vétérans de la force régulière, document aussi daté de janvier 2011; enfin, Étude du cancer et de la mortalité chez les membres des Forces canadiennes : Causes de décès, document daté de mai 2011. Ce sont des études non négligeables. Elles sont publiées depuis plus d'un an et, dans certains cas, depuis près d'un an et demi. C'est avec un vif intérêt que nous allons discuter de leur contenu et des mesures prises, ainsi que de la crédibilité de ces études dans le contexte de l'atteinte de votre objectif.

Monsieur Pedlar, vous avez la parole.

David Pedlar, Ph.D., directeur de la recherche, Anciens Combattants Canada : Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant le sous-comité aujourd'hui. Le programme de recherche intitulé Études sur la vie après le service — ou EVAS, comme nous l'appelons — avait pour objet de nous aider à mieux comprendre la transition du service militaire à la vie civile et les effets à court terme et à long terme du service sur le parcours de vie des anciens combattants.

Ces études sont uniques en leur genre. Pour la première fois, dans le cadre d'études canadiennes, nous avons pu étudier l'ensemble de la population des anciens combattants et non pas seulement les clients d'Anciens Combattants Canada. La portée plus large de ces études est extrêmement importante, étant donné que seulement 11 p. 100 des anciens combattants ayant servi après la guerre de Corée sont actuellement des clients d'ACC.

Par conséquent, ces études sont des outils puissants qui nous permettent d'accroître nos connaissances sur une nouvelle génération d'anciens combattants. Elles nous permettront aussi de répondre à des questions fondamentales sur la vie après le service sous l'angle de la santé, de l'invalidité, de la portée de nos programmes et des besoins des anciens combattants. Cette démarche nous permet également de comparer les anciens combattants à la population canadienne.

Je voudrais ajouter que cette démarche repose beaucoup sur la collaboration. Nous avons travaillé en étroite collaboration pour la réalisation de chacune de ces trois études durant les trois ou quatre dernières années. Statistique Canada a aussi participé aux études, mais je tiens à souligner à quel point nous avons travaillé ensemble pour mener ces études, et les partenariats ne s'arrêtent pas là. Nous collaborons étroitement, aussi, avec le milieu universitaire pour l'analyse de l'information recueillie.

Vous voulez bien sûr savoir ce que nous avons appris. Je vais donc vous donner des précisions sur ces études.

Tout d'abord, comme le sénateur Dallaire l'a mentionné, il y a eu trois études. La première portait sur le revenu avant et après le service. Nous savons que le revenu est essentiel à une bonne vie. C'est aussi un important facteur déterminant de la santé. Nous avons étudié sur une période de 10 ans le revenu de près de 36 000 membres des forces armées libérés entre 1998 et 2007. La deuxième étude était une enquête sur la santé de la population. Elle portait sur les militaires vivants libérés de la Force régulière durant cette même période de 10 ans. Nous avons étudié la santé, l'invalidité et un ensemble de déterminants de la santé comme le revenu, l'emploi et les soutiens sociaux, entre autres.

La troisième étude, menée par les Services de santé des Forces canadiennes, vient compléter les deux premières. Elle portait sur les causes de décès chez les militaires encore en service et les anciens militaires des FC; les militaires libérés faisaient partie de la population étudiée et c'est en ce sens que cette étude vient compléter les autres travaux.

Afin de mettre tout cela en perspective en peu de temps, j'ai pensé que la meilleure façon de procéder serait de faire ressortir certaines des constatations positives, puis de parler de ce que nous apprenons sur certaines difficultés et certaines sous-populations sur lesquelles nous pourrions vouloir centrer notre attention compte tenu de l'information recueillie.

Pour ce qui est des constatations positives, 65 p. 100 des militaires libérés pendant cette période de 10 ans ont affirmé que leur transition à la vie civile avait été relativement facile. Au sujet du revenu, les militaires libérés des Forces canadiennes risquaient moins de toucher un faible revenu que les autres Canadiens. En fait, 50 p. 100 moins de militaires étaient sous le seuil de la Mesure de faible revenu de Statistique Canada comparativement aux autres Canadiens.

Moins de 2 p. 100 des anciens militaires touchaient un faible revenu persistant —c'est-à-dire un faible revenu pendant plus de trois ans. Seulement environ 1 p. 100 avaient eu recours aux programmes d'aide sociale au cours d'une année donnée pendant cette période de 10 ans. Environ 8 p. 100 étaient sans emploi, selon les estimations de Statistique Canada, ce qui était semblable à la population canadienne pendant la période. Sur le plan de l'adaptation à la vie civile, environ 90 p. 100 ont travaillé après leur libération. La majorité d'entre eux étaient satisfaits de leur travail et leur degré de satisfaction s'améliorait au fil du temps. Je soulignerai que 72 p. 100 ont affirmé que leur expérience militaire les avait aidés dans leurs emplois civils.

En ce qui a trait aux causes de décès, les risques généraux de décès des anciens combattants de sexe masculin étaient 23 p. 100 moins élevés, toutes causes confondues, que ceux de la population canadienne.

En ce qui concerne les soins de santé, les anciens combattants étaient plus susceptibles d'avoir un médecin désigné et, aussi, de bénéficier de la protection d'un régime de soins de santé que la population générale canadienne.

Passons maintenant à certaines des difficultés observées. Même si les constatations que je viens de mentionner indiquent un taux global moindre de décès prématurés, l'exception majeure à cette tendance est le suicide. Les anciens combattants de sexe masculin présentaient un risque de 46 p. 100 plus élevé de décès par suicide. Cette constatation provient d'une autre étude portant sur les militaires qui se sont enrôlés entre 1972 et 2006. Pour ce qui est des mesures concrètes prises au cours de la dernière décennie, ACC et le MDN ont consacré beaucoup de temps et de ressources au renforcement des capacités de traitement des problèmes de santé mentale; nous avons entre autres adopté un cadre de prévention du suicide ainsi qu'un plan d'action visant la prévention du suicide qui est en voie de mise en œuvre.

Du point de vue de la recherche, nous menons des analyses approfondies sur une dimension du problème, les idées suicidaires, pour mieux comprendre le problème et les solutions éventuelles. Il y a aussi des problèmes d'invalidité qui n'entraînent pas la mort. Par exemple, les taux de douleurs musculosquelettiques, de troubles anxieux et d'invalidité sont plus élevés dans la population étudiée que dans la population canadienne. L'arthrite est mentionnée presque deux fois plus souvent que dans l'ensemble de la population, tout comme les maux de dos.

Je souligne que bon nombre de ces troubles de santé n'apparaissaient pas seuls. Ils étaient concentrés dans un groupe d'anciens combattants présentant des états de santé complexes, qui souffraient simultanément de troubles musculosquelettiques, de troubles mentaux et de douleur chronique. Cette tendance a été observée dans environ 16 p. 100 de la population étudiée. Nous nous concentrons sur ces problèmes de santé dans le cadre d'analyses additionnelles afin de mieux connaître la situation et de contribuer à la conception de programmes d'intervention.

Au sujet de la portée de nos programmes, nous avons appris que nous atteignons, par exemple, un grand nombre d'anciens combattants libérés pour des raisons médicales. Nous sommes en rapport avec eux et ce sont des clients. Toutefois, il y a aussi des anciens combattants qui pourraient avoir besoin d'aide et qui ne sont pas des clients d'ACC. Par exemple, 17 p. 100 des anciens combattants qui ne sont pas clients d'ACC ont dit avoir eu de la difficulté à s'adapter à la vie civile et 13 p. 100 des non-clients ont dit éprouver des problèmes de santé mentale. Ces résultats font ressortir des lacunes dans la portée des programmes et les communications avec les anciens combattants et nous collaborons étroitement avec nos collègues pour déterminer les groupes à risque et les atteindre.

Enfin, je voudrais parler de certaines des sous-populations. À mesure que nous progressons dans nos travaux, même si nous savons que beaucoup d'anciens combattants se sont adaptés assez facilement à la vie civile, nos recherches nous font repérer des sous-groupes à risque susceptibles de vivre une transition difficile. Certains groupes se heurtent à un ensemble disproportionné de difficultés. Par exemple, un faible revenu était fréquent chez les militaires libérés à un jeune âge, les militaires libérés après recommandation et les militaires des grades inférieurs. De même, les militaires qui avaient un faible revenu persistant — c'est-à-dire un faible revenu pendant plusieurs années — avaient tendance à être ceux qui avaient été libérés comme jeunes recrues et libérés après recommandation.

Un autre élément était la diminution du revenu après la libération. Les anciens combattants de sexe féminin ont constaté une baisse de leur revenu de l'ordre de 30 p. 100 après leur départ des forces armées.

Un autre groupe qui retient l'attention est celui des militaires qui ont servi pendant une période moyennement longue, c'est-à-dire entre 10 et 19 ans. Les membres de ce groupe ont aussi enregistré d'importantes baisses de revenu.

Bien que la majorité ait affirmé avoir eu une bonne expérience de transition, une minorité notable — environ le quart — a dit avoir vécu une transition difficile. Nous essayons d'en savoir davantage sur ceux qui ont de la difficulté à s'adapter. À mesure que nous poursuivons nos travaux, il y a certains groupes qui ressortent clairement : ceux qui ont été libérés pour des raisons médicales, ceux qui sont veufs, séparés ou divorcés et, à nouveau, le groupe de militaires qui ont servi pendant 10 à 19 ans et dont la carrière peut ainsi avoir été perturbée.

Pour terminer, j'aimerais revenir à ce groupe de 16 p. 100 de la population étudiée. Il y a des sous-groupes d'anciens combattants qui ont des besoins de santé très complexes. Par exemple, environ 16 p. 100 de la population totale présentait simultanément les trois troubles suivants : troubles musculosquelettiques, problèmes de santé mentale et douleur chronique. Nous devons donc veiller à ce que nos programmes leur apportent le soutien dont ils ont besoin — un soutien proportionnel à la complexité de leurs besoins. Notre fonction de gestion de cas jouera un rôle déterminant dans le règlement de ces préoccupations.

En conclusion, nous menons des analyses additionnelles sur plusieurs fronts. Nous mettons la dernière main à un compte rendu qui portera exclusivement sur les constatations liées à la santé mentale issues de ces études. Nous collaborons étroitement avec nos partenaires, mais je voudrais aussi mentionner l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, qui a été très utile en nous aidant à établir des liens avec des chercheurs universitaires de l'ensemble du pays alors que ce secteur, si je peux l'appeler ainsi, se rassemble autour des questions relatives à la santé des militaires et des anciens combattants.

Voilà ma déclaration préliminaire. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Madame Campbell, nous vous écoutons.

[Français]

Catherine A. Campbell, assistante du scientifique en chef, Recherche et analyse (Personnel militaire), Défense nationale : Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Merci de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui.

[Traduction]

Je suis ici à titre de directrice du Soutien au personnel et aux familles, Recherche, soit la DSPFR. Puisque je pars à la retraite bientôt, je n'occupe plus ce poste, mais j'exerce les fonctions de conseillère auprès du scientifique en chef de ma division. Je suis moi-même une ancienne combattante, ayant servi 27 ans dans les Forces canadiennes et quatre ans à la Gendarmerie royale du Canada, avant de revenir au ministère de la Défense nationale en tant que fonctionnaire pour travailler dans le domaine de la recherche liée au personnel des FC.

Je suis accompagnée aujourd'hui par Mme Kerry Sudom, chef de l'équipe de la dynamique de la santé psychosociale au sein de la direction du Soutien au personnel et aux familles, Recherche, qui a contribué à la partie de l'Étude sur la vie après le service militaire concernant le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes, et par le colonel Jean-Robert Bernier, médecin-chef adjoint, dont l'organisation a mené l'Étude du cancer et de la mortalité chez les membres des Forces canadiennes en collaboration avec Anciens Combattants Canada.

[Français]

Comme vous le savez déjà, Anciens Combattants Canada, est un des ministères responsables de l'étude sur la vie après le service militaire. Cependant, le MDN, les Forces canadiennes et tout particulièrement le chef du personnel militaire ont été ravis d'y participer. Aider les militaires à réaliser une transition à la vie civile est depuis longtemps une priorité de notre ministère.

Cette occasion de collaborer avec Anciens Combattants Canada serait un projet de recherche qui permettrait d'orienter aussi bien les politiques et les programmes des Forces canadiennes que ceux d'Anciens Combattants Canada de manière à aider les membres des Forces canadiennes à réintégrer harmonieusement la vie civile et à assurer une transition sans heurt, et a été qualifiée d'extrêmement importante.

[Traduction]

Au sein de la DSPFR, notre participation à l'Étude sur la vie après le service militaire a consisté tout d'abord à prendre part aux discussions ainsi qu'à la prise de décisions concernant la méthode de recherche utilisée dans l'étude, puis à déterminer les ensembles de données adéquats et à trouver le moyen d'établir un lien entre les données du MDN sur les anciens militaires et celles d'Anciens Combattants Canada et de Statistique Canada. Ensuite, nous nous sommes occupés de demander que soit réalisée une vérification des responsabilités légales et de la protection des renseignements personnels, puis d'obtenir l'approbation du ministère pour pouvoir établir des liens entre les données. Enfin, nous avons mis à profit nos connaissances des politiques du MDN et des FC ainsi que des données des FC lors de l'interprétation des résultats de la recherche, puis nous avons pris part à la rédaction ainsi qu'à la révision des rapports. De plus, nous étions responsables de tenir les hauts dirigeants au courant des résultats de la recherche.

[Français]

De nombreux résultats présentés dans ces deux rapports intéressent le MDN et les Forces canadiennes. Par exemple, l'enquête a déterminé que de nombreuses personnes qui souffrent de troubles de la santé chroniques et ayant été diagnostiqués par un professionnel de la santé attribuent ces problèmes de santé au service militaire. Il en est de même pour les personnes aux prises avec une invalidité.

Ce qui était très intéressant était le nombre de personnes ayant indiqué avoir eu des problèmes de santé pendant leur service militaire mais qui n'ont pas cherché à obtenir des soins auprès d'Anciens Combattants Canada.

Les obstacles qui empêchent les gens de chercher à obtenir des soins devront faire l'objet d'une étude à l'avenir.

[Traduction]

La majorité des personnes sont d'avis que leur expérience, leur éducation et leur entraînement militaires les ont aidées pendant la période de rétablissement et elles ont indiqué que leur expérience au sein des FC leur a été bénéfique après avoir réintégré la vie civile. Toutefois, il serait important d'améliorer l'éducation sur la transférabilité des compétences, particulièrement auprès d'individus appartenant aux groupes professionnels pour lesquels aucun emploi civil ne correspond exactement.

[Français]

La Défense nationale et Anciens Combattants Canada collaborent à la planification d'une étude portante sur les réservistes qui se serviraient de la même méthode utilisée pendant l'enquête sur la transition à la vie civile qui a été menée auprès des anciens membres de la force régulière.

[Traduction]

Les résultats de l'Enquête sur la transition à la vie civile permettront d'orienter les programmes et les services d'Anciens Combattants Canada, du MDN et des FC. D'autres analyses en profondeur des données de l'Enquête sur la transition à la vie civile pourraient révéler des priorités dans le domaine de la promotion de la santé pendant que les militaires font encore partie des FC, ce qui pourrait leur éviter des problèmes de santé ou d'invalidité après leur libération, ou à tout le moins d'en atténuer les effets.

Les deux ministères profitent donc de notre collaboration continue dans le cadre de la recherche sur la transition qui permettra de répondre aux besoins des militaires et des anciens combattants tout au long de leur vie.

Le président : Merci beaucoup. C'est le vice-président du sous-comité, le sénateur Plett, qui va commencer à interroger nos témoins.

Le sénateur Plett : Je vous remercie tous d'être venus témoigner devant nous, certains d'entre vous pour la deuxième ou la troisième fois. Nous vous savons gré de votre présence ici.

Je voudrais parler d'un programme qui a été mis en place en 2010, sauf erreur. Je crois que le gouvernement a annoncé à ce moment-là l'affectation d'environ 2 milliards de dollars à l'amélioration des allocations et prestations offertes aux militaires canadiens malades et blessés. La même année, notre gouvernement a aussi annoncé l'affectation de 52,5 millions de dollars au programme « Une tradition de soins ».

Je me demande si l'un d'entre vous pourrait nous décrire ce qu'est le programme « Une tradition de soins » et comment cela fonctionne.

Colonel Jean-Robert Bernier, médecin-chef adjoint, Défense nationale : Monsieur le sénateur, le colonel Blais, directeur de la Gestion du soutien aux blessés, qui a témoigné plus tôt, est le responsable de la gestion de ce programme du côté du ministère de la Défense nationale. Je crois qu'aucun d'entre nous ne serait en mesure de répondre de façon exhaustive à des questions sur ce programme.

Mme Campbell : Nous sommes ici pour parler des recherches effectuées. Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de parler de questions relatives aux politiques.

Le sénateur Plett : Vous ne pouvez pas me décrire comment ce programme fonctionne?

Mme Campbell : J'ignore comment le programme fonctionne, monsieur.

Le président : Sénateur Plett, j'ai pris note de votre question et nous allons la poser au colonel Blais.

Le sénateur Plett : Merci. Je vais vous poser une autre question; voyons si vous pourrez y répondre. Quel est le pourcentage de militaires ayant servi en Afghanistan qui ont présenté des symptômes de trouble de stress post- traumatique ou qui ont été diagnostiqués comme souffrant de TSPT, et quel est le lien entre le TSPT et les gens qui ont servi « à l'intérieur du périmètre » par opposition à « hors du périmètre »?

Col Bernier : Monsieur le sénateur, j'ai parlé un peu de cela plus tôt. L'étude sur l'incidence cumulative qui a été menée auprès des gens qui ont servi en Afghanistan entre 2001 et 2008 a permis de constater une incidence totale d'environ 8 p. 100 de gens ayant souffert de TSPT après environ quatre ans et demi de suivi consécutif à leur retour de mission. Cela ne se fondait pas simplement sur des symptômes signalés qui pourraient éventuellement conduire ou non à un diagnostic définitif; cela se fondait sur des évaluations de dossiers médicaux et des diagnostics bien établis pour ce déploiement, par opposition à toute autre chose.

Une conclusion solide a été tirée selon laquelle la proportion de 8 p. 100 était probablement le pourcentage le plus exact que nous pourrions obtenir et le pourcentage le plus exact que n'importe lequel de nos alliés pourrait obtenir. Il s'agit de 8 p. 100 au total, ce qui comprend l'ensemble du théâtre d'opérations.

Parmi ceux qui ont servi « hors du périmètre », environ 17 p. 100 ont souffert de TSPT. Pour ceux qui ont servi « à l'intérieur du périmètre », la proportion était d'environ 13 p. 100, et les pourcentages étaient moindres pour ceux qui ont servi à Kaboul ou ailleurs.

Jusqu'à maintenant, le nombre total de ceux qui ont demandé des soins, qui change tous les jours, s'élève à un peu moins de 1 500. Après avoir appliqué la proportion de 8 p. 100 à l'ensemble de la population déployée durant cette période et à la population qui a été déployée après 2008, nous prévoyons qu'au moins 1 500 autres militaires recevront ce diagnostic.

Nous prévoyons que notre fardeau des soins de santé mentale se maintiendra, à tout le moins, dans l'avenir. Selon la rapidité avec laquelle les personnes actuellement diagnostiquées prendront leur retraite ou se rétabliront — et il y a un nombre appréciable de personnes qui se rétablissent, qui sont libérées pour des raisons médicales ou qui quittent le service pour une autre raison — nous prévoyons que notre fardeau actuel augmentera considérablement au cours des quelques prochaines années.

Le sénateur Wallin : Je commencerai, si vous me le permettez, par demander quelques éclaircissements à Mme Campbell. À la deuxième page de votre déclaration préliminaire, vous affirmez : « Ce qui était très intéressant était le nombre de personnes ayant indiqué avoir eu des problèmes de santé pendant leur service militaire, mais qui n'ont pas cherché à obtenir des soins auprès d'Anciens Combattants Canada. » Vous voulez dire après leur service? Ils ne chercheraient pas à obtenir de l'aide d'ACC pendant leur service, n'est-ce pas?

Mme Campbell : En règle générale, non. Ce qu'elle demande, monsieur Pedlar, c'est si les membres des Forces canadiennes s'adresseraient à ACC alors qu'ils font toujours partie des Forces s'ils ont des ennuis de santé.

Le sénateur Wallin : Vous employez les termes « très intéressant », alors j'essaie de comprendre en quoi il est intéressant que des gens ayant eu des ennuis de santé pendant le service militaire n'ont pas cherché à obtenir des soins auprès d'ACC.

Mme Campbell : Cela fait référence à notre enquête, dans le cadre de laquelle des répondants ont affirmé qu'ils attribuaient un trouble de santé quelconque à leur service militaire, mais ont indiqué par la suite qu'ils n'avaient pas communiqué avec Anciens Combattants Canada — sans doute après le service, dans la plupart des cas.

Le sénateur Wallin : Manifestement, selon moi, ils ne communiqueraient pas avec ACC avant d'avoir quitté le service. Dans quelle mesure votre recherche est-elle approfondie? Il est question à quelques reprises de 17 p. 100 des anciens combattants qui ne sont pas des clients d'ACC. Leur avez-vous demandé pourquoi ils ne s'étaient pas adressés à ACC? Je vous pose la question à tous deux, et M. Pedlar pourra répondre.

Mme Campbell : Je crois que l'étude dont nous parlons est l'Enquête sur la transition à la vie civile, qui était une entrevue téléphonique réalisée par Statistique Canada. Je ne crois pas qu'il y ait eu de question de suivi de cette nature.

Kerry Sudom, Ph.D., Recherche et analyse (Personnel militaire), Défense nationale : L'information que nous avions provenait de dossiers administratifs qui indiquaient si les répondants participaient ou non à des programmes d'ACC. Nous avons tiré cette information d'une base de données, et non pas d'un sondage.

Le sénateur Wallin : Vous ne savez pas pourquoi ils ne participent pas.

Mme Sudom : Non, nous ne leur avons pas posé cette question.

Le sénateur Wallin : Ce pourrait être un problème de communication, ou ce pourrait être parce qu'ils ont choisi de ne pas le faire.

Mme Sudom : Exactement.

Le sénateur Wallin : Monsieur Pedlar, j'ai trouvé cette recherche très intéressante et plus positive que je ne l'aurais cru. Les gens qui ont vécu une transition difficile — le groupe dont vous vous préoccupez — sont ceux qui ont été libérés pour des raisons médicales, qui sont séparés, veufs ou divorcés ou auxquels la libération a été imposée. C'est un sous-groupe perturbé, si je peux m'exprimer ainsi. Je suppose que la question, sur le plan de l'utilisation des ressources d'ACC, est la suivante : dans quelle mesure pouvez-vous vous concentrer sur ce sous-groupe très hétérogène? Ces gens auraient des problèmes même s'ils ne faisaient pas partie des forces armées, n'est-ce pas, s'ils souffraient de troubles médicaux ou de troubles de comportement, et cetera? Dans quelle mesure pouvez-vous vous concentrer sur ces gens, en fait de pourcentage d'utilisation des ressources, par opposition aux anciens combattants qui rentrent chez eux et qui ont besoin d'aide pour entretenir la maison — le déneigement des allées, et ainsi de suite — qui ont seulement besoin des programmes d'aide de base?

M. Pedlar : L'une des choses que nous avons apprises, c'est que nous voulons nous concentrer sur ceux qui éprouvent des difficultés, mais il n'existe aucune formule applicable à tous. Je tiens à le dire clairement : cette population a un large éventail de besoins et il faut fournir un large éventail de services pour y répondre. Toutefois, ces recherches peuvent nous aider à repérer des gens auxquels nous ne pensions pas nécessairement autant auparavant — que nous n'avions pas envisagés comme présentant des risques élevés autant que nous aurions peut-être dû le faire — par exemple, les militaires qui servent seulement pendant une brève période. C'est un groupe qui ne nous serait peut- être pas naturellement venu à l'esprit comme présentant des besoins en ressources importants. Certains de ces gens peuvent être ceux qui deviennent itinérants, par exemple. Cela nous donne la possibilité d'examiner des éléments comme l'entrevue de transition.

Nous pouvons maintenant envisager l'entrevue de transition et nous demander si les gens qui s'en prévalent sont ceux qui sont les plus susceptibles de vivre une transition difficile par la suite. Il en est de même pour les services de transition de carrière. Voilà des exemples des façons dont nous utilisons les données pour cibler les ressources.

Le sénateur Wallin : Nous avons eu une discussion avec le colonel Bernier la semaine dernière au sujet de ces questions — par exemple, le suicide. En fait, les raisons citées sont souvent semblables à celles que l'on trouve dans le monde civil, comme les problèmes conjugaux ou les problèmes de pauvreté. Cela peut ne pas être exclusivement lié au service militaire, bien qu'ils aient fait leur service. Il faut peut-être trouver une façon de faire la distinction entre les deux. Sinon, énormément de ressources seront consommées par une proportion de plus en plus restreinte d'anciens militaires. Qu'est-ce que cela signifie, par conséquent, pour la plus importante proportion de anciens combattants qui fonctionnent bien — les 65 p. 100 qui disent avoir bien vécu leur transition?

M. Pedlar : C'est une question d'intégration de ces conclusions dans notre approche. Si je peux à nouveau faire un commentaire sur la santé mentale, je veux souligner que le plus souvent, dans cette population qui, d'après nous, a besoin de beaucoup d'attention, les problèmes de santé mentale ne se présentent pas seuls. Nous observons plutôt des problèmes de santé complexes qui nécessitent une autre approche que celle que requiert l'existence d'un seul problème physique ou d'un seul problème mental. La façon de mobiliser les ressources pour faire face à cette complexité représente une autre difficulté importante.

Le sénateur Wallin : Puis-je demander un autre éclaircissement? Estimez-vous que vous avez le bon équilibre sur le plan du pourcentage ou de la quantité de ressources que vous consacrez à ces groupes restreints, mais qui éprouvent de grands besoins et présentent des problèmes complexes, par opposition à l'ensemble de la population d'anciens combattants qui, en général, semblent s'adapter relativement bien?

Anne-Marie Pellerin, directrice, Réadaptation et gestion des cas, Anciens Combattants Canada : Je peux peut-être faire la lumière là-dessus. Le sous-comité a probablement une bonne connaissance des Centres intégrés de soutien du personnel. C'est dans cette structure qu'ACC a investi pour s'efforcer d'atteindre ceux qui sont libérés pour des raisons médicales et, par l'intermédiaire des services de soutien et des renseignements du MDN, ceux qui sont libérés pour d'autres raisons. Nous avons un rendement passablement élevé pour ce qui est d'atteindre les militaires libérés pour des raisons médicales qui ont besoin des programmes d'ACC. Quant à ceux qui sont libérés pour d'autres raisons, il est souvent plus difficile de les atteindre. Souvent, lorsqu'ils quittent l'armée, ils n'éprouvent pas le besoin d'obtenir des services d'ACC. Dans le cadre de l'entrevue de transition, nous essayons de sensibiliser non seulement le militaire qui retourne à la vie civile, mais aussi sa famille, car souvent, un membre de la famille se souviendra par la suite, si un problème surgit, de certaines prestations et de certains programmes que le ministère offre.

Outre l'entrevue de transition, nous venons de mettre en place un nouvel outil d'évaluation des risques. Cet outil aide notre personnel à mesurer un peu plus précisément les indicateurs laissant penser qu'un client peut présenter des risques et, dans un tel cas, à s'assurer que le vétéran ou le militaire libéré fera l'objet d'une intervention rapide qui lui permettra de recevoir des services plus intensifs de gestion des cas.

Le président : À titre de question supplémentaire, vous avez tenu compte de toutes les personnes possibles qui ont été libérées des forces armées, qui peuvent avoir subi des traumatismes et qui ne s'adressent pas nécessairement à Anciens Combattants Canada. Vous utilisez beaucoup de données historiques et il peut donc y avoir beaucoup d'éléments historiques et contextuels qui influent sur vos chiffres. Par exemple, pendant des décennies, Anciens Combattants Canada n'a offert aucun soutien à quiconque souffrait de troubles de l'ouïe. Les gens qui étaient atteints d'une déficience auditive ne s'adressaient pas à ACC parce qu'ils savaient que c'était inutile. Ces scénarios existaient et ils existent probablement toujours. Même si ces gens avaient fait leur service militaire, ils ne recevaient pas d'ACC l'aide dont ils avaient besoin. Les communications étaient un facteur, je crois, et l'autre facteur était simplement qu'ils n'avaient pas l'impression de pouvoir s'adresser à ACC.

La raison pour laquelle je soulève cette question est que les données historiques dont vous disposez remontent loin dans le temps. Comment ces données s'appliquent-elles à l'époque actuelle, où nous sommes de nouveau en guerre? Dans quelle mesure les données sont-elles vraiment adaptées à des militaires qui ont maintenant passé plus de temps à combattre que même des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, et ce, dans des scénarios plus complexes? Que faites-vous pour prendre en compte cet aspect de l'étude?

M. Pedlar : L'étude en question porte sur une période de 10 ans. Ainsi, l'étude sur la mortalité que nous avons mentionnée plus tôt couvre une longue période : c'est une étude historique qui remonte à 1972. L'étude en question est relativement plus récente et ce qui nous intéresse particulièrement, c'est d'en apprendre davantage sur cette nouvelle génération d'anciens combattants qui ont vécu un rythme opérationnel plus élevé, qui ont été déployés davantage et qui ont été davantage exposés à des risques. Je crois que cette période de 10 ans est en fait une bonne période de référence sur laquelle se fonder pour aller de l'avant.

Le sénateur Day : Je vous remercie tous de votre présence. Je voudrais tout d'abord faire un commentaire positif et vous dire que je suis heureux que vous vous préoccupiez maintenant des réservistes, car c'est une question sur laquelle le sous-comité s'est penché. Nous avions l'impression qu'ils avaient peut-être été négligés. Je suis sûr que votre tâche est plus difficile lorsque les militaires redeviennent réservistes et vivent dans diverses collectivités, mais je crois qu'il vaut la peine de se préoccuper d'eux et je pense qu'ils vous permettront de faire certaines constatations uniques.

Il y a une autre question que je veux aborder. Vous avez mentionné que l'Université du Manitoba a un projet de recherche en collaboration. Je voudrais savoir quel est le lien, le cas échéant, entre votre projet de recherche et Sainte- Anne-de-Bellevue, car on nous a indiqué que l'Hôpital Sainte-Anne est un centre d'excellence, en particulier, pour les traumatismes liés au stress opérationnel. Cela s'applique-t-il seulement au traitement de ces traumatismes ou cela s'applique-t-il aussi à la recherche? Si cela touche la recherche, comment collaborez-vous avec l'équipe de l'hôpital?

M. Pedlar : J'ai la responsabilité fonctionnelle de la recherche au ministère et j'ai donc la responsabilité fonctionnelle des activités dans le cadre du réseau de cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel, les TSO, de même qu'à l'Hôpital Sainte-Anne. Ensemble, le réseau de cliniques de traitement des TSO et l'Hôpital Sainte-Anne en sont venus à représenter le volet clinique, si on veut, de notre capacité de recherche, car ce sont ces composantes de l'organisation qui sont en rapport avec les gens et qui les traitent.

Donc, à cause de la population qu'il dessert, l'Hôpital Sainte-Anne se concentre davantage sur des troubles tels que la démence et la maladie d'Alzheimer, la douleur chronique et les problèmes cliniques qui surviennent dans un contexte de soins de longue durée. De même, il y a dans le réseau de cliniques de traitement des TSO une capacité que j'ai contribué à mettre en place au cours des cinq ou six dernières années. Là aussi, l'accent est mis sur des aspects qui se rapportent directement aux soins cliniques de santé mentale.

Le sénateur Day : D'autres universités, comme l'Université Queen's, ont récemment créé des centres. Travaillez-vous en collaboration avec l'Université Queen's, par exemple?

M. Pedlar : Nous participons presque depuis le premier jour à l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans. Si je peux me situer dans une perspective un peu plus générale, ma façon de décrire la situation est qu'au cours des cinq ou six dernières années, un secteur s'est constitué. Les Instituts de recherche en santé du Canada s'intéressent davantage aux anciens combattants et jouent un rôle plus actif dans le domaine. L'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans a été créé il y a quelques années et nous avons pris une part active à ses activités et à ses forums, tous les ans, en tant qu'ardents défenseurs. Cela contribue à intégrer les universités dans le processus, de sorte que nous ne sommes pas seuls à nous attaquer à ce défi. Nous travaillons ensemble en tant que secteur dont les membres collaborent entre eux.

Le sénateur Day : Merci. Madame Sudom, nos renseignements indiquent que vous êtes une scientifique, par opposition à un médecin.

Mme Sudom : Oui.

Le sénateur Day : Quel est votre domaine de spécialisation scientifique?

Mme Sudom : La psychologie.

Le sénateur Day : Avez-vous participé à la collecte d'information pour l'une ou l'autre de ces études ou aux analyses — sans doute aux analyses, oui, mais je m'intéresse à la collecte de l'information et à la façon dont cela s'est fait. Qui y a participé, qui a supervisé le processus?

Mme Sudom : J'ai participé dès le début à l'élaboration de l'enquête et, donc, à la mise au point des mesures qui ont été utilisées dans le cadre de l'enquête, et au protocole de recherche qui a été appliqué. Les services de Statistique Canada ont été retenus pour la réalisation des entrevues téléphoniques et, ensuite, j'ai participé à l'analyse, à la rédaction et à la présentation des résultats.

Le sénateur Day : Je suis heureux de l'apprendre. Je crois qu'il est très important de recueillir cette information afin de la soumettre à une analyse objective, mais je suis préoccupé par certaines observations qui ont été faites ici à propos des autodiagnostics — la personne qui a affirmé que vous vous êtes basés sur les statistiques relatives aux gens qui répondaient : « Oui, c'est un trouble de santé attribuable à mon service militaire. » Ils peuvent affirmer cela parce qu'ils savent que c'est le moyen pour eux d'obtenir une indemnisation. Ils n'iront pas dire que le trouble de santé trouve son origine ailleurs.

Qu'avez-vous fait pour établir une distinction à ce sujet ou pour vous assurer que l'information recueillie était fiable?

Mme Sudom : Nous reconnaissons qu'il s'agit d'une information subjective et nous avons signalé les limites de l'enquête, qui repose sur l'autodéclaration et la perception des répondants. Le nombre de problèmes de santé attribués au service militaire était plus élevé que ce à quoi on aurait pu s'attendre pour certains troubles, comme le TSPT et les troubles musculosquelettiques, par opposition à d'autres maladies comme le diabète. Nous reconnaissons qu'il s'agit d'une mesure subjective et qu'il faudrait établir un lien concret avec le service militaire pour établir l'exactitude de leurs déclarations.

Le sénateur Day : Dans vos deux rapports, beaucoup de vos commentaires sont axés sur le fait que « nous allons » faire telle ou telle chose : « nous allons » faire le suivi de ces sous-groupes, « nous espérons » mettre des programmes en place. Cette analyse se poursuit depuis déjà un bon moment. Y a-t-il des programmes que vous pouvez mentionner comme étant des succès, qui sont concrètement mis en œuvre et auxquels les ministères de la Défense nationale et des Anciens Combattants travaillent en collaboration? N'importe qui?

Mme Campbell : Il y a quelques études sur lesquelles nous travaillons présentement. Nous n'avons pas encore les résultats de ces études. Nous avons des gens qui examinent les différences entre les sexes révélées par les données. En ce qui concerne les déterminants de la santé physique et mentale, nous espérons pouvoir mener une étude sur les différences entre le milieu rural et le milieu urbain dans les données, et nous collaborons avec ACC afin de déterminer les principaux prédicteurs d'une adaptation difficile à la vie civile.

Le sénateur Day : Est-ce là uniquement une information de base qui est utilisée par d'autres, ou avez-vous mis en place des programmes qui aident concrètement les soldats ou les anciens soldats en ce moment, et qui reposent sur les travaux que vous avez effectués?

M. Pedlar : Je pourrais vous donner trois brefs exemples. Il ne s'agit pas tant de créer de nouveaux programmes que de cibler nos programmes de telle sorte qu'ils aient des effets immédiats. J'ai donné deux exemples plus tôt; le premier est celui des entrevues de transition. Nous pourrions examiner si les gens qui se prévalent de l'entrevue de transition — ce n'est pas tout le monde qui le fait — sont ceux qui risquent le plus de subir des répercussions néfastes. Nous pouvons travailler avec nos collègues des deux ministères pour nous assurer que les entrevues de transition sont offertes aux gens qui sont les plus susceptibles de s'en prévaloir, et il en est de même pour les services de transition. Il y a quelques années, nous avons remarqué que le nombre de personnes qui avaient recours à ces programmes n'était pas aussi élevé que prévu. Que fait-on face à une telle situation? On se dit que les programmes ne sont peut-être pas nécessaires. Cependant, lorsqu'on dispose d'une information telle que celle-ci, on peut dire...

Le président : C'est une position très catégorique à adopter. Il y a une autre option à cet égard.

M. Pedlar : Les programmes sont probablement nécessaires, mais nous n'atteignons peut-être pas les personnes qui devraient les utiliser. Dans ce cas-ci, nous avons décidé que ce deuxième point de vue était le bon.

Le troisième exemple est celui des travaux que nous avons effectués sur la prévention du suicide et le suicide, et l'un des volets ne précède pas toujours l'autre. Parfois, les travaux se font en parallèle. L'étude portant sur la mortalité, qui faisait ressortir les données sur le suicide, était menée en même temps qu'une énorme quantité de travail que nous avons effectuée conjointement sur la prévention du suicide et qui a conduit à la prise de mesures. Nous avons un plan d'action relatif au suicide et nous savons aussi maintenant que le taux de suicides est plus élevé chez les anciens militaires. Donc, les travaux que nous avons effectués à cet égard, reposant sur une collaboration étroite entre la fonction de programme et la fonction de recherche, ont représenté du temps et de l'énergie bien dépensés.

Le président : Je voudrais poursuivre sur la question des programmes concrets, basés sur les données que vous avez recueillies, que vous mettez en place. Vous nous avez parlé de trois programmes qui sont à divers stades de mise en œuvre. Bravo. Cependant, compte tenu de l'ampleur de l'effort de collecte de données, il doit y avoir toute une série d'activités qui en ont découlé. Pourriez-vous nous dire quels sont les autres domaines d'étude et le genre de jalons que vous travaillerez à atteindre en conséquence de cet effort? Il y a plus d'un an et demi que les premiers résultats ont été publiés et nous pourrions sûrement avoir un aperçu plus précis de la façon dont vous allez tirer parti des données, par opposition à simplement analyser les données recueillies jusqu'à présent. Serait-ce approprié?

Mme Campbell : Je ne sais pas si votre question porte sur les politiques et programmes qui pourraient...

Le président : Je vous demande ce qui arrivera à ces données. Produisez-vous d'autres analyses? Je vais vous donner un exemple. Les constatations des études ont-elles fait l'objet d'une évaluation par les pairs assurée par des organismes externes et ont-elles été validées?

Mme Campbell : Tout à fait.

Le président : Très bien. À partir de cela, on dispose d'un fondement solide pour élaborer de nouvelles politiques ou de nouveaux programmes afin de répondre à ces besoins. Avez-vous une liste de ces politiques ou programmes dans le plan d'action?

Mme Campbell : Nous transmettons la recherche aux cadres supérieurs et nous faisons des recommandations sur les changements qu'ils pourraient vouloir envisager aux politiques et aux programmes. Après cela, malheureusement, nous ne sommes pas nécessairement au courant des mesures prises. Je ne peux donc pas vous parler de changements qui auraient été apportés aux politiques ou aux programmes par suite des conclusions des études.

Le président : Vous n'avez donc aucune orientation à l'égard des recherches ultérieures?

Mme Campbell : Nous savons dans quels domaines des recherches seront nécessaires et nous avons commencé à effectuer ces recherches.

Le président : Très bien.

Mme Campbell : Cela fait présentement partie du programme. Je crois avoir déjà mentionné quelques domaines dans lesquels nous travaillons déjà. Le volume de données est tel qu'il y a énormément de recherches de suivi à effectuer.

Le président : Si vous pouviez nous en donner un aperçu, nous vous en saurions gré.

Madame le sénateur Andreychuk, je vous souhaite la bienvenue.

Le sénateur Andreychuk : Je ne suis pas un membre habituel du sous-comité. Peut-être simplement pour ma propre gouverne, vous vous concentrez sur la transition et c'est ce dont vous avez été invités à parler aujourd'hui. Il me semble que vous tâchez de fournir suffisamment d'information aux responsables de l'élaboration des politiques sur ce dont les anciens combattants — au sens large — pourraient avoir besoin. Vos travaux sont-ils complétés par des recherches que vous avez déjà effectuées ou que vous effectuerez sur les gens qui entrent dans l'armée? Autrement dit, je crois qu'il faut savoir que des Canadiens peuvent, au moment du recrutement, présenter un éventail varié de problèmes mentaux, affectifs et physiques. Nous avons souvent une propension génétique à de tels problèmes. Effectuons-nous une analyse critique des recrues et de leurs besoins? Effectuons-nous une analyse critique et assurons-nous une surveillance durant le déploiement dans un théâtre d'opérations, ou directement dans le cadre des services, avant de nous pencher sur leur état de santé à la libération? Je crois que les prédicteurs sont déjà en nous, dans le cours de notre vie, et que cela n'en représente qu'une phase.

Comment mettez-vous cela en perspective?

Mme Campbell : Oui. Bien sûr, du côté médical, il y a beaucoup de recherches sur la santé mentale et physique qui sont effectuées en ce qui concerne les candidats aussi bien que les militaires en service. Du point de vue des recherches psychosociales, nous avons des tests de sélection qui nous fournissent certains renseignements. Nous commençons aussi à utiliser des tests de personnalité. Puis, tout au long de la carrière des militaires, nous effectuons des recherches pour recueillir de l'information sur leurs attitudes à l'égard de diverses choses, sur les problèmes familiaux et les dimensions humaines des opérations. Nous avons tout l'éventail de recherches possibles sur l'ensemble de la carrière des militaires et à présent, bien sûr, nous tâchons de transmettre l'information à Anciens Combattants pour que la transition s'effectue sans heurt. Nous disposons de recherches dans la plupart des domaines.

M. Pedlar : J'aimerais vous faire part de quelques réflexions à ce sujet. Pour ce qui est des effets en aval que nous pouvons observer et des facteurs en amont sur lesquels nous pourrions influer, la perte auditive est une question clé. C'est notre plus important domaine sous l'angle des prestations d'invalidité et c'est un domaine dans lequel des améliorations seraient possibles. Les troubles musculosquelettiques en sont un deuxième. On entend dire que les militaires en service sont semblables à des athlètes professionnels. Tout comme les athlètes professionnels, ils peuvent souffrir en aval de troubles musculosquelettiques — de l'arthrite, des maux de dos et d'autres troubles — et nous travaillons en étroite collaboration avec les FC et le MDN à cet égard.

Enfin, je voudrais mentionner les travaux en collaboration que nous avons effectués au cours de la dernière décennie en santé mentale, car c'est un problème au sujet duquel tout le monde s'accorde à dire, je crois, qu'il ne recevait pas une attention suffisante. C'est en fait ce qui est ressorti d'une enquête que nous avons menée en 1999 et qui nous a fait découvrir à quel point les troubles de santé mentale étaient nombreux chez nos clients. Nous investissons des efforts énormes dans ce domaine à mesure que nous en apprenons davantage, grâce à des travaux de ce genre, sur les domaines vers lesquels nous devrions orienter nos ressources.

Le sénateur Andreychuk : Vous dites qu'à présent, vous fournissez de l'information aux vétérans et aux membres de leur famille lors de la libération. Je me suis intéressée de près au placement d'un grand nombre de jeunes et d'autres gens qui se sont retrouvés dans une autre culture, une autre dynamique, une situation dangereuse, tout en n'étant probablement pas aussi bien outillés que nos militaires. Il y a beaucoup de civils qui œuvrent dans de tels domaines. Il y a un briefing à chaud, mais il y a ensuite un briefing à froid. En effet, lorsqu'ils viennent de sortir de la situation, on peut leur donner les renseignements; mais ils se concentrent sur leur départ, ce qu'ils vivent, et le briefing à froid semble vraiment être celui où l'information est absorbée. Quand on vient de quitter la situation, on se concentre sur l'endroit où se trouve sa maison et sur ce qu'on va faire; on n'a pas vu ses enfants, ou d'autres êtres chers. Des mois plus tard, tout le reste commence à prendre son sens. Quand faites-vous vos briefings et faites-vous des briefings informatifs de suivi? Comment avez-vous déterminé le moment le plus opportun pour mener toutes ces activités?

Col Bernier : Madame le sénateur, si vous parlez des membres des forces armées qui sont actuellement en service, cela débute dès l'enrôlement. Les responsables de la sélection du personnel — les psychologues organisationnels — font des recherches sur les caractéristiques les plus appropriées pour les militaires. Nous avons actuellement un programme prospectif basé sur un questionnaire relatif à la santé des recrues qui nous fournit des données de référence nous permettant de faire le suivi de ces militaires tout au long de leur carrière. Cela a débuté il y a quelques années seulement et nous avons déjà effectué un certain nombre d'analyses à partir des données. Lors des examens médicaux d'enrôlement, il y a un dépistage de troubles préexistants de santé mentale, de sorte que nous déterminons, à partir de cette information et des facteurs personnels liés à la sélection, qui peut être enrôlé sûrement et qui ne peut pas l'être.

Ensuite, tout au long de la carrière des militaires, il y a des évaluations périodiques de la santé en fonction de lignes directrices reposant sur des données probantes, et cela comprend beaucoup de tests de dépistage de diverses toxicomanies et affections mentales en plus de l'évaluation des problèmes de santé physique. Dans les périodes de péri- déploiement — pour chaque déploiement outre-mer — un programme En route vers la préparation mentale, comportant six étapes, est mis en œuvre. Il y a des briefings préalables au déploiement pour les familles et pour les militaires avant leur départ. Dans le théâtre, il y a un effectif complet de personnel clinique de santé mentale. Puis, après le déploiement, il y a une période de décompression dans un tiers lieu, habituellement Chypre, pour les opérations d'une durée plus longue que 60 jours, et il y a alors beaucoup d'autres briefings informatifs. Cela constitue l'une des six étapes du programme En route vers la préparation mentale. Cela comprend de l'information sur les troubles de santé mentale, ce à quoi s'attendre lors de la réunion avec la famille, les aspects sociaux et la disponibilité de professionnels de la santé mentale pour les gens qui peuvent manifester des symptômes ou s'interroger alors à ce sujet.

Il y a aussi un volet de ce briefing informatif à l'intention des membres de la famille avant le retour du militaire.

Puis, entre trois et six mois après le déploiement pour ces opérations, il y a un dépistage médical approfondi postdéploiement où l'on examine attentivement la symptomatologie physique et la santé mentale; cela comprend des entrevues avec un professionnel de la santé mentale. Nous avons appris grâce à certaines des études récentes sur l'incidence cumulative et, en particulier, à l'étude de Gagetown sur l'un des groupements tactiques qui ont été les plus exposés aux combats et qui présentent donc le taux le plus élevé de TSPT, qu'il y a dans bien des cas une période de latence avant que les graves troubles de santé mentale ne se manifestent. Bon nombre des troubles n'apparaissent pas avant au moins un ou deux ans. Nous avons encore aujourd'hui des manifestations de trouble de stress post- traumatique pour des opérations qui ont eu lieu il y a deux décennies.

Nous continuons à faire des évaluations de la santé pour tenter de dépister ces personnes à risque de façon proactive jusqu'à leur libération. Lors de la libération, il y a un examen médical de départ où nous sommes à l'affût de tout problème et, ces quelques dernières années, nous avons radicalement amélioré notre façon de concevoir les militaires comme se situant sur un continuum depuis le moment où ils sont encore en service jusqu'au moment de la transition à Anciens Combattants, par opposition à une rupture nette entre l'époque où ils relèvent des Forces canadiennes et celle où ils relèvent d'Anciens Combattants.

L'approche consiste maintenant à surmonter tout obstacle à une transition sans heurt lorsqu'il surgit, plutôt que de trouver une règle ou un règlement qui l'exclut, afin que la transition soit la plus harmonieuse possible. Nous travaillons encore là-dessus, mais il y a eu une importante amélioration, particulièrement au moyen des Centres intégrés de soutien du personnel. La transition se fait sans heurt et les soins sont bien établis avec ACC et le système provincial de santé avant que le militaire ne soit libéré.

En plus de tout cela, il y a un énorme effort de recherche. Il y a beaucoup d'activités de recherche appliquée au sein des Forces canadiennes. Du côté médical, il y a la Direction générale de recherche sur le personnel militaire. Il y a le programme de recherche en santé du médecin-chef et divers autres programmes de recherche au sein de Recherche et développement pour la défense. L'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans est un consortium de 22 universités. L'une d'entre elles, l'Université Queen's, a créé une chaire sur la stigmatisation en santé mentale. De sa propre initiative, l'Université de l'Alberta a créé une chaire en réadaptation des militaires et des anciens combattants, ce qui comprend la dimension de la réadaptation en santé mentale.

Nous avons deux systèmes informatisés d'environnement de réadaptation qui permettent de dispenser des traitements médicaux de pointe par réalité virtuelle pour les problèmes de santé physique aussi bien que de santé mentale. En fait, ils se trouvent ici, à Ottawa, aujourd'hui. Les Israéliens, les Américains et les Néerlandais participent. Dans tout ce que nous faisons, nous collaborons avec nos alliés pour échanger des connaissances et de l'information et pour établir des normes scientifiques basées sur des données probantes concernant toutes nos activités.

Le comité de recherche de l'OTAN en santé, médecine et protection compte de multiples groupes de recherche. Je suis le président de ce comité et je suis aussi le mentor d'une activité de recherche en particulier sur le suicide des militaires. Il y a beaucoup d'autres thèmes liés à la santé mentale, dont les symptômes physiques médicalement inexpliqués, la formation en santé mentale, et d'autres encore. Il y a une collaboration plus étroite entre les alliés américains, britanniques et canadiens. Une deuxième phase de l'Étude du cancer et de la mortalité chez les membres des Forces canadiennes est expressément axée sur la morbidité due au cancer. À partir de cela, il y aura de multiples analyses de sous-groupes concernant des expositions visant des populations à risque comme les vétérans de la guerre du Golfe, les ingénieurs de Camp Doha, les militaires exerçant certains métiers dans les Forces armées qui, selon ce que nous avons observé au fil des ans, sont particulièrement touchés par divers cancers ainsi que les pompiers des FC. Il y a un vaste effort de recherche pure aussi bien que de recherche appliquée au sein des Forces canadiennes.

Le président : Merci. L'évaluation trois mois et six mois après le déploiement pour tous les membres, ceux de la Force régulière et les réservistes, est-elle obligatoire? Lorsqu'ils ratent un rendez-vous chez le dentiste, ils doivent assumer des frais. Leur présence à ces évaluations est-elle obligatoire? Cela comprend les renforts individuels qui proviennent de partout et qui n'appartiennent pas nécessairement à des unités constituées.

Col Bernier : Oui, sénateur, leur présence est obligatoire. Elle est prescrite par les politiques, mais le corps médical n'a pas le pouvoir de la chaîne de commandement requis pour en assurer le respect, et le fardeau de l'observation repose sur la chaîne de commandement. Donc, cette exigence n'est pas parfaitement respectée. Il y a certaines personnes qui se sentent tout à fait bien et qui trouvent des moyens d'éviter d'obtenir des soins. Il y a aussi parfois des obstacles administratifs, par exemple lorsqu'une personne est affectée à une autre unité très rapidement par la suite, ce qui rend difficile pour la chaîne de commandement d'assurer le respect de l'exigence ou pour la chaîne de commandement ultérieure d'être au courant de cette exigence. La chaîne de commandement insiste de façon répétée sur la directive et nos chiffres s'améliorent. Quoi qu'il en soit, la politique établit qu'il est obligatoire pour les gens de se présenter à cette évaluation après trois à six mois.

[Français]

Le président : Malheureusement, ceux qui n'y vont pas sont ceux qui en ont le plus besoin. À ce titre, la chaîne de commandement n'a pas fait son travail. J'espère que vous poursuivrez vos efforts avec la chaîne de commandement.

[Traduction]

Le sénateur Wallin : À ce sujet, au cours des deux ou trois années écoulées depuis que nous avons commencé à examiner cette question, j'ai constaté que vous n'épargnez aucun effort pour offrir aux gens la possibilité d'obtenir de l'aide et des soins. Je sais que mon propre père ne voulait pas demander à Anciens Combattants de lui procurer un appareil auditif ou de faire déneiger son allée parce qu'il ne croyait pas qu'il le méritait ou que cela lui était dû. Ce sont ses filles qui lui ont dit : « Ces services sont là pour que vous les utilisiez et vous devriez en profiter. »

D'après certaines indications, les ex-militaires plus jeunes sont un peu plus exigeants et ils ont des attentes. Quelle est votre impression sur les raisons pour lesquelles les gens ne veulent pas recourir aux services? Est-ce parce qu'ils ont un problème psychologique qu'ils nient? C'est presque impossible d'éviter ce recours.

Col Bernier : Nous avons constaté que l'obstacle le plus important est la stigmatisation auto-imposée ou la dénégation auto-imposée de l'impression que leurs symptômes ou leurs émotions sont anormaux. Certaines personnes ont une attitude macho autogène qui les amène à croire qu'elles n'ont pas besoin de soins ou qu'elles ne devraient pas en demander, ou bien elles ne reconnaissent pas que leurs comportements ou leurs émotions sont anormaux.

Nous devons veiller à ne pas médicaliser des réactions normales face à des situations de grand stress. Dans la plupart des cas, ces réactions se résorberont naturellement. Ce sont les personnes qui ont des émotions ou des comportements hors de la normale et qui pourraient bénéficier d'une aide qui risquent de passer entre les mailles du filet.

Le sénateur Wallin : C'est mon incertitude à l'égard de tout cela. Nous ne voulons pas dire aux gens qu'il faut qu'ils reçoivent tel soin et qu'il faut qu'ils soient étiquetés. S'ils vont bien, ils vont bien, et s'ils vont moins bien dans six mois, nous nous en occuperons alors, mais tâchons de ne pas faire en sorte qu'ils aillent mal simplement pour que cela concorde avec nos échéanciers.

M. Pedlar : Je ne voudrais pas que nous perdions de vue le fait que les Études sur la vie après le service montrent que nous obtenons de très bons résultats pour ce qui est d'atteindre les gens dont les besoins sont les plus grands. Nous avons pu étudier divers types de clients et de non-clients. Dans la plupart des cas, les personnes qui sont des clients avaient beaucoup plus de problèmes et s'en tiraient beaucoup moins bien. À de nombreux égards, les non-clients n'étaient pas différents des autres Canadiens. Cela nous a montré que nous faisions du très bon travail.

Au sujet de la portée des programmes, nous voulons aller le plus loin possible. Cela nous aide à aller plus loin. Nous voulons faire en sorte de repérer toutes les personnes qui peuvent utiliser nos services.

Nous avons aussi remarqué, dans le cadre de travaux que nous avons effectués dans le passé sur la santé mentale, que le fait de demander soi-même des services de santé mentale posait problème, non seulement pour les anciens combattants, mais aussi au sein de la population canadienne. Cela fait intervenir un processus qui consiste à conclure que l'on souffre de problèmes de santé mentale après en avoir reconnu les symptômes, et à être disposé à agir pour obtenir des services, ce qui peut parfois nécessiter des années. Je suis sûr que vous saviez déjà cela.

Le président : Ma question supplémentaire fait suite à la question initiale du sénateur Andreychuk au sujet des briefings à chaud et à froid après la libération. Nous avons parlé de ceux qui ont été déployés dans des missions opérationnelles, qui font l'objet d'évaluations après trois mois ou six mois, mais les militaires qui passent par l'unité conjointe de soutien et qui prennent leur retraite, qui doivent faire face à la retraite, qu'ils soient conscients ou non du fait qu'ils souffrent de troubles de santé, reçoivent un briefing, de l'information, et cetera. Dans leur cas, y a-t-il une évaluation ultérieure visant à déterminer si l'on a bel et bien examiné tous les aspects qui devaient l'être afin que la transition soit un succès?

Mme Pellerin : Il n'y a pas de protocole officiel prescrivant un suivi ultérieur, mais, comme je l'ai mentionné plus tôt, il y a des questions qui sont posées lors de l'entrevue de transition et qui donnent ensuite lieu à une analyse des risques. Si des indications donnent à penser qu'un suivi est nécessaire, nous nous efforçons d'obtenir les coordonnées du client afin que nous puissions faire ce suivi ou aiguiller l'ex-militaire vers des services communautaires de telle sorte qu'il reprenne contact avec Anciens Combattants par la suite. Il n'y a pas de suivi structuré après la libération.

Le sénateur Day : J'ai devant moi la première page de l'Ottawa Citizen du 2 mai et l'on y trouve un article indiquant que, selon un rapport, les soins de santé mentale à la BFC Petawawa sont en « état de crise ». Cet article décrit un système insuffisamment financé, dépourvu de planification proactive, qui peine à fournir même des soins de base et qui fait attendre des soldats souffrant de troubles mentaux, souvent suicidaires, pendant quatre mois ou plus avant qu'ils ne puissent consulter un psychologue ou un psychiatre. Cet article indique aussi qu'entre 40 et 60 militaires ont été diagnostiqués comme souffrant de TSPT et recevaient une aide au Centre des services de santé de la Défense nationale du chemin Smythe, et que ce centre est sur le point de fermer ses portes. Le rapport en question avait été établi à l'intention du commandant de la BFC Petawawa. Est-ce le genre de rapport que vous recevez, auriez-vous connaissance de cette situation et des mesures qui sont prises?

Col Bernier : À propos des 40 à 60 patients, il y en a 43 qui reçoivent des services à cet endroit. Nous nous heurtons à deux grandes difficultés. Nous n'avons pas de restriction budgétaire pour l'embauchage d'un nombre suffisant de cliniciens. Le problème, c'est que, sur le marché concurrentiel canadien des professionnels de la santé mentale, nous avons de la difficulté à les attirer. Même dans le cadre d'un contrat privé par l'intermédiaire d'une compagnie appelée Calion, qui permet de dépasser les taux de la fonction publique, nous ne pouvons toujours pas embaucher et attirer un nombre suffisant d'entre eux pour fournir des services à certains endroits. Nous avons divers moyens innovateurs pour essayer de le faire. L'autre difficulté est que le processus d'embauchage dans la fonction publique n'est pas rapide. Étant donné qu'ils bénéficient d'un si grand nombre d'options, les cliniciens en santé mentale, lorsqu'ils ont franchi le processus gouvernemental interne débouchant sur l'offre d'un poste, se sont déjà vu offrir plusieurs autres emplois et sont passés à autre chose. Il y a diverses solutions, par exemple affecter davantage de professionnels de la santé mentale en uniforme à des emplacements isolés. Là encore, leur nombre n'est pas suffisant. Notre effectif n'est pas complet.

Le sénateur Day : Le chemin Smythe n'est pas un emplacement isolé.

Col. Bernier : Au Centre du chemin Smythe, il y a deux psychologues qui fournissaient des services aux patients de Petawawa qui devaient se rendre à Ottawa pour recevoir leurs soins. C'était une mesure temporaire parce que nous ne pouvions pas attirer de psychologues là-bas. Depuis, nous avons pu prendre des dispositions selon lesquelles ces deux psychologues fourniront désormais des services à ces patients dans la localité où ils habitent, à Petawawa. Il est essentiel qu'ils restent à proximité du soutien social de leur unité et de leur famille. Somme toute, cela constituera en fait une amélioration pour ce qui est de l'accès de ces patients, qui n'auront plus à se rendre à Ottawa pour recevoir des services. Ce n'est pas une fermeture, c'est un déménagement à l'endroit où le service aurait dû être fourni dès le départ.

Pour ce qui est du rapport interne, il avait été demandé par nos dirigeants responsables de la santé mentale. Nous effectuons régulièrement des visites d'aide sur place afin de cerner les préoccupations de chaque clinique de santé mentale du pays. Dans le cadre d'une visite du Centre de soutien pour trauma et stress opérationnels de Petawawa, nous avions demandé aux cliniciens civils de faire état de toutes leurs préoccupations. Ce n'était pas un rapport; c'était un document interne qui devait permettre au personnel de la santé mentale visiteur d'examiner la liste des préoccupations.

Le sénateur Day : Acceptez-vous leur description selon laquelle les soins de santé à Petawawa sont en état de crise?

Col Bernier : Non, du point de vue de ce que l'on considère comme des soins de santé mentale acceptables selon les normes canadiennes.

Le sénateur Day : Est-il vrai ou faux que 15 des 25 membres du personnel de santé mentale ont été licenciés? Ils ont reçu leurs avis de licenciement?

Col Bernier : C'est sans rapport avec les soins cliniques directs dispensés sur place. Ces gens sont à notre quartier général; ce sont ceux de l'évaluation épidémiologique. Nous avons actuellement environ 378 membres du personnel clinicien de santé mentale sur place qui fournissent un soutien clinique direct. Nous sommes autorisés à en avoir jusqu'à environ 450. Il n'y a pas d'obstacle. L'argent est là. Les seuls obstacles, comme je l'ai dit, à l'embauchage d'un plus grand nombre de cliniciens sont les deux que j'ai mentionnés : la bureaucratie, c'est-à-dire les exigences administratives à observer pour satisfaire aux critères d'embauchage du gouvernement du Canada, et la pénurie de professionnels de la santé mentale sur le marché.

Les soins de santé mentale ne doivent pas nécessairement être dispensés uniquement par un psychiatre. La majeure partie des soins de santé mentale au Canada est dispensée par des médecins qui fournissent des soins primaires. Tous nos patients qui souffrent de problèmes aigus et immédiats sont vus immédiatement et ils ont donc accès à des psychiatres ou à des psychologues. Le problème touche les personnes qui ont besoin de soins continus, d'évaluations et d'un suivi à long terme. Il y a effectivement des listes d'attente — plus longues sur certaines bases que sur d'autres, selon la région — avant que ces personnes ne puissent obtenir leur évaluation psychologique ou psychiatrique. Entre- temps, ils reçoivent des soins primaires. Dans certains cas, ils reçoivent un soutien psychologique en groupe et ils font l'objet d'une surveillance. À tout moment, il est possible de les diriger vers des soins d'urgence s'ils deviennent gravement suicidaires ou s'ils présentent d'autres besoins aigus.

Le sénateur Day : J'aimerais beaucoup creuser davantage cette question. Pourriez-vous nous communiquer ce rapport?

Col Bernier : Oui, monsieur.

Le sénateur Day : Je peux transmettre cet article à tous ceux que cela intéresse.

Le président : La plupart d'entre nous l'ont lu.

Dites-vous que vous embauchez davantage de psychologues actuellement?

Col Bernier : Nous sommes autorisés à en embaucher jusqu'à 450.

Le président : En uniforme?

Col Bernier : Non. Il y en a un certain nombre en uniforme. La grande majorité sont des civils. Il nous manque actuellement 54 civils et 16 militaires pour atteindre ce nombre.

Le président : Merci.

À titre de dernier point, mesdames et messieurs, nous avons abordé la question des réservistes, mais nous n'avons pas obtenu beaucoup de données à cet égard. Puis-je vous demander de donner à la greffière un aperçu plus précis du calendrier et de la portée de vos travaux sur les réservistes? Ils ont servi tout comme les autres, et pourtant, ils passent après les autres. Je ne sais vraiment pas pourquoi il en est ainsi, mais nous aimerions savoir comment vous vous occuperez des forces de réserve.

Cela dit, à titre de dernier élément d'information, à la conférence de l'American Psychiatric Association qui s'est déroulée à Philadelphie ces quelques derniers jours, le programme du Canada relatif aux traumatismes liés au stress opérationnel a été considéré comme l'exemple à appliquer aux États-Unis et, selon ce que les participants espéraient, dans d'autres pays. Félicitations à tous ceux d'entre vous qui ont contribué à rehausser la norme au moyen de ce programme, car les participants à la conférence le considéraient comme exemplaire et utile pour sauver des vies. C'est ce qu'un psychiatre a affirmé.

La séance est levée. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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