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Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

Fascicule 6 - Témoignages du 30 mai 2012


OTTAWA, le mercredi 30 mai 2012

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 7, pour étudier les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes; aux anciens combattants; aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leurs familles.

Le sénateur Roméo Antonius Dallaire (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, bienvenue à cette séance du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale.

[Traduction]

Nous allons reprendre notre étude des services et prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leurs familles. Nous accueillons aujourd'hui deux groupes qui sont en première ligne pour ce qui est de fournir de ces services. Et pour cette raison, nous avons hâte d'entendre parler du programme Legion Military Skills Conversion, du British Columbia Institute of Technology, dont M. Kevin Wainwright est le chef, et Mme Natalie Condrashoff, une gestionnaire. Quant à Mme Melanie Mitra, elle est chef de la direction de Prospect Human Services.

Je suis heureux que les représentants de ces deux groupes aient accepté de faire tout ce voyage pour nous expliquer comment l'Ouest arrive à trouver des solutions à des problèmes qui se posent à l'échelle du pays.

Le sénateur Plett : Bravo, bravo!

Le sénateur Wallin : Il faut consigner ça au compte rendu.

Le président : Les témoins vont certainement nous faire une excellente description de ce qu'ils font.

N'oubliez pas que notre temps est limité. Nous voulons en savoir davantage sur vous, mais nous voulons aussi avoir le temps de vous poser des questions. Merci de nous avoir fait parvenir de la documentation.

Kevin Wainwright, chef de programme, British Columbia Institute of Technology, Legion Military Skills Conversion Program : Merci.

Comme l'a dit le président, je suis M. Wainwright, et Mme Condrashoff est ma collègue. Nous sommes les deux créateurs du programme. Pour vous situer un peu le contexte, je vous dirai que la Honour House Society a été créée en 2006 à Vancouver, afin de venir en aide aux familles des soldats rapatriés pour cause de blessures. Un grand nombre de personnes qui contribuent à cette association sont aussi des entrepreneurs qui travaillent avec le BCIT. En 2008, on nous a demandé de voir comment il serait possible d'aider les anciens combattants et des réservistes à refaire leur curriculum vitæ et à acquérir les qualifications nécessaires pour retrouver un emploi civil.

C'est à ce moment que nous nous sommes rendu compte, en parlant avec des instructeurs, qu'il y avait beaucoup de choses que nous ignorions. Puis nous avons lancé un projet pilote visant à faciliter le placement des soldats, des réservistes et des anciens combattants à des niveaux supérieurs dans les programmes du BCIT.

En 2010, notre première cohorte de réservistes a été acceptée dans le programme de gestion des affaires. Tous les soldats de cette cohorte ont dépassé les attentes, ont terminé le programme en un an et ont poursuivi leurs études pour obtenir le diplôme. Le 16 juin, les trois premiers soldats participant à ce programme recevront leur baccalauréat, qu'ils auront donc réussi à faire en deux ans. Voilà, en résumé, ce que nous avons fait.

Avec 48 000 étudiants, le BCIT est le deuxième établissement de formation de la Colombie-Britannique; il dispense des certificats, des grades et des diplômes dans divers métiers, en commerce, en santé et en génie.

Le modèle que nous avons élaboré est modulaire en ce sens que vous pouvez faire un diplôme en génie pendant deux ans et ensuite, un grade en génie. Vous pouvez aussi faire un diplôme en génie et ensuite changer de domaine pour terminer par un grade en commerce, avec des passerelles. C'est le principal accommodement que nous avons obtenu pour les militaires.

Dans notre programme — ce que nous appelons le modèle de la Légion —, nous avons trois façons d'aider les réservistes et les anciens combattants qui se présentent au BCIT. Premièrement, nous les aidons à rédiger leur CV où leur expérience militaire est convertie en équivalences civiles, et nous les aidons à se préparer à passer des entrevues. S'ils veulent créer leur propre entreprise, nous pouvons les faire profiter du programme Students in Free Enterprise, ou SIFE, que nous gérons avec les étudiants de ce programme. Il y a, je crois, neuf anciens combattants et réservistes qui ont créé leur propre entreprise jusqu'à présent. Les autres candidats peuvent être admis dans le programme, et nous essayons de les placer à des niveaux supérieurs. En prenant en compte l'évaluation que nous avons faite de leurs antécédents — et dont Mme Condrashoff vous parlera plus en détail tout à l'heure — et leurs aspirations de carrière, nous les orientons vers tel ou tel programme, dont ils peuvent, dans certains cas, sauter une année. Autrement dit, ils peuvent faire un diplôme de deux ans en un an, ce qui leur permet de faire ensuite un programme conduisant à un grade.

Le programme reçoit des fonds de la Légion canadienne — depuis cette année — et du BCIT, mais nous dépendons pour l'essentiel d'un grand nombre de bénévoles. Nous avons à peu près 70 étudiants du programme SIFE qui nous aident à organiser des séances d'information et à faire connaître le programme auprès des régiments, en compagnie de Mme Condrashoff. Nous recevons aussi l'aide d'un grand nombre de professeurs et de bénévoles de la collectivité. Le programme marche bien, mais nous en sommes encore à nos débuts.

Nous avons commencé par nous adresser au régiment Seaforth, à Vancouver, pour essayer de savoir ce que devenaient les soldats qui rentraient d'Afghanistan. Comme je n'ai aucune expérience militaire, je ne connaissais rien de leur situation et je leur ai donc demandé de m'expliquer comment ça se passait, entre le moment où un soldat est recruté dans les Forces canadiennes et le moment où il est déployé. Ils m'ont parlé des différents modules de formation qu'ils avaient suivis, et c'est à ce moment-là que je me suis rendu compte qu'il s'agissait pratiquement d'un programme de formation pour un diplôme technique, car c'était intense, pluridisciplinaire et modulaire.

Nous avons des programmes qui permettent à des gens qui ont des diplômes techniques d'entrer dans d'autres programmes à un niveau plus avancé. Nous avons donc commencé à plancher sur le sujet. Les militaires nous ont communiqué un grand nombre de leurs modules de formation. Nous avons organisé beaucoup de groupes de discussions avec des anciens combattants et des réservistes et nous nous sommes aperçus qu'il y avait beaucoup de choses pour lesquelles on pouvait établir des correspondances systématiques, par exemple un soldat qui a été déployé en Afghanistan a toujours un certain niveau de formation. Il n'y a pas qu'eux, mais c'est un point de repère assez facile.

Donc, nous avons constaté que les soldats qui sont déployés ont un certain niveau de formation, et nous avons fait en sorte qu'ils puissent être placés à un niveau avancé dans un programme. En fait, leur expérience de soldat leur donne l'équivalence d'un diplôme de deux ans. Ce n'est pas une équivalence dont ils peuvent se servir partout, c'est simplement pour être admis à un niveau supérieur dans certains programmes. Ensuite, ils peuvent poursuivre leurs études dans d'autres programmes. Cette année, trois réservistes vont recevoir leur baccalauréat en administration des affaires. Voilà comment fonctionne notre programme, en gros. Je vais maintenant donner la parole à Mme Condrashoff qui va vous expliquer, en détail, comment ce programme est administré.

Natalie Condrashoff, chef de projet, British Columbia Institute of Technology, Legion Military Skills Conversion Program : Je vais d'abord vous dire quelques mots sur les participants à notre programme. Nous acceptons tous les militaires, anciens ou actuels, quel que soit leur grade ou leur spécialité dans les forces armées, qu'ils soient issus de la force régulière ou de la réserve. Leur âge moyen est d'environ 33 ans. Le plus jeune a 20 ans, et le plus vieux, 55. Ce sont le plus souvent des caporaux, des caporaux-chefs ou l'équivalent, mais il y a aussi beaucoup d'adjudants et de maîtres proches de la retraite, qui viennent nous voir avant de reprendre un emploi dans le civil.

Soixante-treize pour cent d'entre eux ont terminé l'école secondaire ou ont commencé des études postsecondaires sans aller jusqu'au diplôme, et 63 p. 100 d'entre eux ont été déployés en Afghanistan, en Bosnie ou ailleurs dans le monde.

Ils nous contactent par téléphone, par courriel ou en remplissant un formulaire sur le Web. La première chose que nous leur demandons, c'est de participer à une entrevue de 40 minutes pour que nous puissions avoir une bonne idée de leur situation. Nous les interrogeons longuement sur leurs antécédents militaires, sur leur domaine de spécialisation et leurs métiers, sur leurs rôles, leurs tâches et leurs différentes missions. Nous cherchons également à savoir quels sont leurs aspirations de carrière, leurs besoins et leurs limites.

Ensuite, nous leur demandons de faire, en ligne, un test d'évaluation professionnelle qu'on appelle le World of Work Inventory ou WOWI, ce qui nous permet de déterminer leurs aptitudes, leurs intérêts professionnels et leurs préférences. Dans le cadre de ce test, nous leur demandons également de nous fournir le sommaire de leur dossier militaire personnel, le SDPM, afin de vérifier ce qu'ils ont fait exactement quand ils étaient dans l'armée. Nous leur demandons aussi parfois un CV.

À partir de là, nous établissons leur profil individuel en indiquant l'équivalence, dans le monde du travail, de leurs connaissances, qualifications et aptitudes, les carrières qu'ils peuvent envisager et les cours qu'ils doivent suivre pour y parvenir. Ensuite, nous rencontrons chacun des soldats pour discuter de son profil, répondre à ses questions et définir les mesures qu'il doit prendre pour atteindre son objectif.

Nous avons constaté que les militaires avaient du mal à faire la distinction entre « je » et « nous » quand ils répondaient à nos questions. C'est vrai qu'un soldat doit avant tout être capable de travailler en équipe, mais dans le civil, les employeurs veulent savoir ce que le candidat a réalisé personnellement. Nous essayons donc de déterminer ce que le soldat a fait précisément au sein de l'équipe.

Nous avons aussi constaté que les candidats se sentent souvent incapables de faire un choix parmi toutes les options qui s'offrent à eux. Le ministère des Anciens Combattants met à leur disposition un grand nombre de services, mais il arrive souvent que, face à une abondance d'informations, ils n'arrivent pas à déterminer ce qui correspond à leurs besoins. Nous les aidons à définir plus précisément leur objectif et à s'y tenir.

Ils regrettent aussi que le système ne leur attribue pas une personne-ressource ou un service en particulier. Au BCIT, un membre du personnel est là pour trouver des solutions à leurs problèmes et pour les aider à poursuivre leur objectif, surtout dans le cas des réservistes qui sont parfois obligés de partir en plein milieu d'un cours parce qu'ils sont convoqués à des exercices.

Depuis cette année, nous avons un mentor au BCIT qui est militaire. Il peut ainsi expliquer aux nouveaux étudiants ce à quoi ils doivent s'attendre, et en quoi c'est différent de l'armée. Son rôle consiste à aider les étudiants, à garder des contacts avec eux, à les initier à la culture de l'établissement, et à leur inculquer un sens d'appartenance au BCIT.

Nous leur présentons également les différentes étapes, du début jusqu'à la fin, qu'ils devront franchir pour atteindre leur objectif. Souvent, quand on leur fixe un objectif, ils veulent savoir comment l'atteindre et ensuite, ils se débrouillent tout seuls. Nous organisons également une séance d'orientation spéciale pour les aider à s'adapter à la vie universitaire. Cette séance ne s'adresse qu'aux étudiants militaires du BCIT. Ça leur permet de faire connaissance et de garder contact, sur le campus, avec des gens qui vivent la même expérience qu'eux et qui comprennent bien leur situation.

Pour le moment, notre programme se limite essentiellement à la Colombie-Britannique puisque nous travaillons avec le 39e Groupe-brigade du Canada. Mais nous savons bien qu'il y a des réservistes et des membres de la force régulière partout au Canada, et nous aimerions pouvoir travailler avec eux tous.

Nous avons même reçu des messages de soldats qui sont actuellement en mission. Ils nous ont envoyé un courriel pour nous dire qu'ils aimeraient bien participer, et c'est fantastique car je sais qu'ils n'ont pas toujours beaucoup de temps pour naviguer sur Internet.

Nous aimerions également travailler davantage avec la marine et avec la force aérienne. Étant donné l'endroit où nous sommes installés, nous travaillons essentiellement avec la réserve de l'armée terrestre. Mais il y a aussi, dans la région, BFC Comox et les Forces maritimes du Pacifique. Nous voudrions que tous ceux qui veulent améliorer leurs compétences ou devenir officiers puissent recevoir la formation et le soutien dont ils ont besoin.

Auparavant, les gens devaient habiter dans la région de Vancouver pour pouvoir participer à notre programme, mais nous nous sommes démenés pour qu'un certain nombre de nos programmes soient désormais offerts en ligne, si bien que, quel que soit votre lieu de résidence au Canada, vous pouvez suivre les cours. Nous reconnaissons également les crédits obtenus dans la plupart des universités du Canada; autrement dit, les gens qui ont déjà suivi des cours ailleurs peuvent les faire valoir au BCIT.

D'après les données que nous avons recueillies jusqu'à présent, je peux vous dire, en quelques mots, qu'il n'y a pas de relation directe entre les programmes que les militaires choisissent et le métier qu'ils exerçaient quand ils étaient dans l'armée. Souvent, ils veulent faire quelque chose de différent par goût du changement.

Ils s'intéressent beaucoup aux sciences de la santé, ce qui ne correspond généralement pas à l'expérience et à la formation qu'ils ont acquises. Mais d'après les conversations que j'ai eues avec eux, il semble que ce soit un domaine qui cadre bien avec leur ancien rôle, celui de se dévouer pour la collectivité et de jouer un rôle concret; c'est très important pour eux.

Nous avons également constaté que la formation acquise par les militaires est bien plus vaste que ne l'indique leur SDPM, et qu'ils ont du mal à le formuler oralement car, comme ils ont fait le même travail pendant des années, ça leur semble anodin. Mais quand vous cherchez vraiment à savoir ce qu'ils ont fait exactement, vous constatez qu'ils avaient des budgets de plusieurs millions de dollars et des chaînes d'approvisionnement gigantesques. Ce sont des éléments auxquels un employeur civil attache beaucoup d'importance, mais les soldats, eux, ont besoin d'aide pour formuler oralement leurs propres réalisations et pour les mettre en valeur.

Voilà ce que nous avions à vous dire.

Le président : Je me sens tout requinqué. C'est à se demander si ces témoignages ont pour but de me remonter le moral ou de me transmettre des informations.

Mélanie Mitra, chef de la direction, Prospect Human Services : Monsieur le président, sénateurs, je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous parler aujourd'hui d'une initiative pour l'emploi qui a été lancée en Alberta et qui s'appelle Forces@WORK. Participent à cette initiative notre organisation, Prospect Human Services, l'Unité interarmées de soutien au personnel, et le ministère de la Défense nationale.

Permettez-moi tout d'abord de vous dire quelques mots de l'histoire de notre organisation et de son expertise dans le placement en emploi, notamment des personnes pour lesquelles le retour sur le marché du travail est plus difficile. Prospect est une organisation à but non lucratif qui, depuis 50 ans, aide les gens à opérer des transitions sur le marché du travail. C'est dans les années 1950 que nous avons commencé à aider les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée à se réinsérer dans la société et sur le marché du travail. Avec les années, cette aide à l'emploi s'est étendue à d'autres populations, si bien que Prospect est devenu un chef de file dans le domaine du placement en emploi. Nous aidons ceux qui veulent réintégrer le marché du travail à se trouver un emploi, et nous nous assurons que les employeurs sont en mesure d'attirer et de garder en poste des gens issus de populations diverses et ayant des antécédents différents.

Nous comprenons bien les difficultés qui se posent aux membres des Forces canadiennes et aux anciens combattants lorsqu'ils veulent trouver un emploi civil, et nous estimons que la solution que nous proposons est un ajout positif au réseau de services existants. Notre modèle permet de combler une grave lacune dans le secteur des services de soutien à la transition, à savoir l'absence de services de placement direct, de services d'aide au maintien en poste, et de stratégies de mobilisation des employeurs.

C'est pour cette raison que nous avons élaboré le programme Forces@WORK, et que, après avoir obtenu la participation de l'Unité interarmées de soutien au personnel dans un projet pilote, nous avons commencé à offrir des services aux membres des Forces canadiennes et aux anciens combattants de Calgary et d'Edmonton. À Calgary, les services sont dispensés par les services actuels de placement en emploi de Prospect. À Edmonton, Prospect a accepté de financer un projet pilote jusqu'à concurrence de 60 placements en emploi.

Je vais maintenant vous parler des difficultés que rencontrent les militaires et les anciens combattants pour s'intégrer au marché du travail.

Nous savons que, pour environ 35 p. 100 des militaires et des anciens combattants qui doivent réintégrer la vie civile et le marché du travail, la transition est difficile. Au cours de nos recherches, ces gens-là nous ont dit qu'ils auraient besoin de services de placement direct et de services de maintien en poste. Malheureusement, les financements offerts pour la transition vers un autre emploi se limitent à la préparation à l'emploi et à la réadaptation professionnelle.

Nous savons que le nombre de soldats libérés pour raison médicale a plus que doublé depuis l'Afghanistan, et nous savons aussi que l'Afghanistan n'est pas la seule cause des libérations pour raison médicale. Nous nous attendons par ailleurs à une augmentation du nombre des personnes qui souffriront d'ESPT ou de stress opérationnel une fois qu'elles auront été libérées, et nous soupçonnons que le nombre de militaires actuellement en service et souffrant de stress opérationnel est plus élevé que les chiffres officiels, car un certain nombre de militaires ne le déclarent pas.

Dans ce contexte, il est essentiel, pour ces gens-là et pour les employeurs, d'avoir accès à des services de placement et de maintien en poste adaptés aux limites physiques et mentales des personnes. Ce type de service est fondé sur la relation existant entre l'emploi, le niveau de vie, la qualité de vie et la santé mentale d'une personne. Ce sont là des variables importantes, qui peuvent être la cause de phases de chômage récurrentes, de problèmes de santé mentale et d'une dépendance vis-à-vis des services de soutien traditionnels.

Les défis que je viens de mentionner sont d'autant plus difficiles à surmonter que les services actuels d'aide à la transition comportent de graves lacunes. Premièrement, il faudrait mettre en place des services de soutien pour le placement direct offrant une expérience pratique, ainsi que des services de maintien en poste, et ce, à la fois pour les militaires et pour les employeurs. Deuxièmement, il faudrait prévoir des mesures de soutien pour aider les employeurs à mieux comprendre comment ils peuvent attirer ces gens-là et les garder dans leur effectif. Par exemple, un employeur peut avoir une idée inexacte de la façon dont l'ESPT se manifeste en milieu de travail. Inversement, il peut être tellement ému d'avoir embauché un héros qu'il en oublie ce qu'il faut faire pour assurer le succès de la transition.

Enfin, les services actuels sont fondés sur un modèle de pré-emploi et mettent l'accent sur la préparation à l'emploi et la réadaptation professionnelle. Ces services sont axés sur la modification du comportement de la personne. Même s'ils poursuivent des objectifs louables, ils ne font que rallonger le processus de placement et ne s'intéressent qu'à un des deux éléments de l'équation — la personne.

Prospect reconnaît, au contraire, qu'il y a une corrélation directe entre le niveau de vie d'un individu et sa capacité à conserver un emploi intéressant. Nous pensons qu'il faut réduire la durée du processus qui conduit au placement, et que le meilleur moyen de surmonter les obstacles est de mettre en place, avec la collaboration de l'employeur, des services de placement rapide et de soutien au maintien en poste. Il faut également que ces services s'adressent autant au travailleur qu'à l'employeur.

Je vais maintenant vous parler des objectifs du projet et de la façon dont les services sont offerts. Le premier objectif de notre projet pilote est de démontrer que notre modèle permet à un plus grand nombre de personnes de réussir leur intégration sur le marché du travail. Vis-à-vis des employeurs, il s'agit de faire la promotion du potentiel de cette main- d'œuvre; vis-à-vis des membres des FC et des anciens combattants, il s'agit simplement de faciliter leur transition vers un emploi intéressant.

Au cours des douze derniers mois, nous avons organisé six groupes de discussion avec des militaires et des employeurs afin de dessiner les contours d'un service axé sur le soutien personnalisé; sur l'accessibilité et la flexibilité; sur le placement rapide et sur l'aide au maintien en poste, pour le travailleur et pour l'employeur; ainsi que sur les compétences transférables et les atouts qu'un travailleur apporte à l'organisation, et qu'il est important de faire connaître à l'employeur.

Les services offerts sont gratuits pour les travailleurs et pour l'employeur. Forces@WORK et l'UISP ont défini pour ce projet un ensemble de procédures de fonctionnement. Les activités de programme et le taux d'utilisation des services sont mesurés et consignés toutes les deux semaines et une fois par mois.

Permettez-moi maintenant de vous parler des clients qui utilisent les services que nous offrons, en collaboration avec le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada.

Conformément aux paramètres que le MDN a fixés pour la phase pilote du projet, nos services s'adressent aux soldats et aux anciens combattants qui ont été libérés pour raison médicale. Mais récemment, le ministère de la Défense nationale nous a demandé de nous occuper également d'un certain nombre de soldats libérés pour des raisons autres que médicales.

Les communications entre Forces@WORK, l'UISP et le ministère de la Défense nationale sont franches et sincères, et ce, depuis le début du projet. Nous avons réussi à mettre sur pied un service qui répond aux besoins des militaires et des employeurs. Étant donné le mandat limité du projet, nous n'avons pas encore fait des démarches auprès du ministère des Anciens Combattants.

Je suis heureuse de pouvoir vous dire que nous travaillons en étroite collaboration avec le colonel Blais et l'UISP. Étant donné le succès du projet pilote, ils appuient entièrement le programme et veulent qu'il se poursuive.

Pour terminer, j'aimerais dire quelques mots des succès que nous avons enregistrés, des difficultés que nous avons rencontrées et des résultats que nous avons obtenus jusqu'à présent. Nous en sommes au tout début du projet. Pour l'instant, nos succès se situent au niveau de la collaboration et du soutien que nous offrent l'UISP et ses partenaires de services, notamment le RARM, du climat de confiance que nous avons réussi à établir avec le personnel des Forces canadiennes et avec les anciens combattants, et de l'engagement que nous avons obtenu des employeurs de participer à ce programme. Mais surtout, nous avons réussi à placer 30 p. 100 des personnes qui ont été aiguillées vers notre programme, à Edmonton, depuis le 23 avril dernier, et nous approchons d'un taux de placement global de 38 p. 100.

Les défis que nous avons à relever sont les suivants : même s'il existe des programmes d'aide à la transition au ministère des Anciens Combattants, au RARM et à l'UISP, il n'existe pas de programme de placement direct ou des aides au maintien en poste, à part ce projet pilote. De plus, il est difficile d'avoir accès aux ressources qui permettent d'attribuer une équivalence civile aux compétences professionnelles, aux qualifications et à la formation acquises par les militaires.

Voici les résultats que nous avons obtenus jusqu'à présent. Le programme a été lancé à Edmonton le 23 avril dernier. Au 23 mai, 11 personnes avaient été aiguillées vers notre service, 8 par des CISP, et 3 par le RARM. Nous avons accepté 91 p. 100 d'entre elles, dont 75 p. 100 sont des soldats de la force régulière et 25 p. 100, des anciens combattants, lesquels ont tous été libérés pour raison médicale. Nous avons placé 30 p. 100 de ces personnes dans des emplois concurrentiels, et 10 p. 100 de ces 30 p. 100 ont accès à des services d'aide au maintien en poste. À Edmonton, le délai moyen du placement est de huit jours.

Pour notre bureau de Calgary et d'Edmonton, les résultats sont les suivants : 34 personnes ont été aiguillées vers nos services, 50 p. 100 par des CISP, 12 p. 100 par le RARM et 38 p. 100 par d'autres organismes. Quarante et un pour cent de ces personnes sont des membres de la force régulière, 15 p. 100, des membres de la réserve, et 44 p. 100, des anciens combattants. Je répète, elles ont toutes été libérées pour raison médicale. Trente-huit pour cent d'entre elles ont été placées dans un emploi concurrentiel, et 20 p. 100 de ces 38 p. 100 ont accès à des services d'aide au maintien en poste. Le délai moyen du placement est, dans l'ensemble, de 40 jours ouvrables.

À Edmonton, nous sommes sur le point de confirmer cinq autres placements d'ici la fin juin 2012. En moyenne, nous faisons quatre présentations de candidats par semaine, et nous essayons, avec l'UISP, de faire passer ce chiffre à cinq par semaine.

En conclusion, je peux dire que, d'après les premiers résultats du projet pilote, le programme répond bien aux besoins des personnes qui veulent réintégrer le marché du travail. Tous les partenaires de services actuels, ainsi que le ministère de la Défense nationale, reconnaissent que le programme est utile et qu'il correspond au mandat de l'UISP et du ministère de la Défense nationale pour ce qui est du soutien à apporter aux soldats libérés qui veulent retrouver un emploi. Les résultats démontreront, nous en sommes convaincus, que le projet pilote entrepris par Forces@WORK, l'UISP et le ministère de la Défense nationale est la meilleure façon de combler une lacune importante des programmes de transition vers l'emploi.

Le président : J'ai eu la chance d'être mis au courant par vous il y a quelque temps, mais vous avez ajouté aujourd'hui des statistiques intéressantes. Je vais laisser mes collègues poser les premières questions.

Le sénateur Plett : Je vais me faire l'écho du président en disant que, moi aussi, je me sens tout requinqué. Nous avons des programmes extraordinaires, et je tiens à vous en féliciter.

Je vais m'adresser aux deux organisations. Monsieur Wainwright, vous avez dit que vous receviez des fonds de la Légion. J'ai fait quelques recherches, et j'ai vu que c'était à peu près 240 000 dollars sur une période de quatre ans. C'est bien ça?

M. Wainwright : C'est exact.

Le sénateur Plett : À part ça, d'où provient votre financement? Uniquement du ministère provincial de l'Éducation?

M. Wainwright : Nous recevons à peu près autant d'argent de l'école de commerce du BCIT, et cet argent provient essentiellement des excédents de nos programmes de développement industriel. Ce sont des programmes en recouvrement de coûts. Je suis responsable du programme menant à un grade. Nous avons eu un nombre élevé d'inscriptions, et nous avons réussi à accumuler des réserves. Chaque fois que nous avons un excédent, nous l'investissons dans le développement de programmes d'études, et notamment dans ce programme-ci. L'argent que nous y avons investi correspond à peu près à ce que la Légion nous a donné.

Le sénateur Plett : Qui finance Prospect? Je sais que Prospect finance Forces@WORK, mais qui finance Prospect?

Mme Mitra : Nous avons plusieurs bailleurs de fonds. Il y a d'abord les gouvernements provinciaux et fédéraux. De plus, comme les autres témoins ici présents, lorsque nous enregistrons un excédent, notre conseil d'administration en transfère une partie dans une réserve. Cet argent nous sert à élaborer des programmes, à assurer la transition entre deux cycles de financement ou, comme c'est le cas ici, à financer un projet pilote, lorsque nous avons la preuve que ce projet permettra de combler une lacune importante dans les services existants. Voilà pour les sources de financement de ce projet en particulier.

Le sénateur Plett : Je vais aborder le projet pilote dans quelques instants.

J'ai rencontré des anciens combattants et des militaires encore en service, et très souvent, ils se plaignaient de ne pas être informés des programmes disponibles. Vous gérez des programmes extraordinaires, avec beaucoup de succès semble-t-il, mais comment les gens peuvent-ils s'informer? Mme Condrashoff a expliqué ce que les gens font lorsqu'ils sont informés. Ils appellent son service, et ainsi de suite. Mais pour ce qui est du programme Forces@WORK, comment les gens sont-ils informés de son existence? Que doivent-ils faire? Consulter le Web? Faites-vous de la publicité?

M. Wainwright : Nous sommes sur le Web. Sur la page du BCIT, nous avons un site dédié au programme. Nous utilisons aussi d'autres médias sociaux, comme Facebook. Pour l'instant, je dois dire que nous comptons beaucoup sur le bouche-à-oreille. Nous avons essayé d'offrir le meilleur service possible aux anciens combattants et aux réservistes qui se sont adressés au BCIT, et ils vont certainement le faire savoir, localement en tout cas.

Nous avons également réussi à faire parler de nous dans les médias; CTV a fait un reportage sur nous il y a un an environ. Nous essayons donc de faire la promotion du programme chaque fois que l'occasion se présente. Nous organisons aussi des séances d'information. Les étudiants du BCIT sont d'une aide précieuse à ce niveau-là. Voilà à peu près comment nous faisons connaître le programme.

Mme Condrashoff : Nous allons présenter notre programme dans les différentes unités. Nous nous sommes rendus dans la plupart des unités du 39e Groupe-brigade du Lower Mainland, et nous avons des contacts avec les organisateurs des séminaires du SPSC, avec les OSPB et avec les responsables de l'UISP.

Le président : Le SPSC est le Service de préparation à une seconde carrière que les Forces canadiennes ont mis sur pied pour informer les militaires sur le point de prendre leur retraite des possibilités d'emploi existantes.

Le sénateur Plett : Madame Mitra, comment les employeurs sont-ils informés de l'existence de votre programme et de ce qu'ils doivent faire pour travailler avec vous?

Mme Mitra : Nous avons plusieurs façons de faire connaître notre programme aux employeurs. Dans certains cas, nous organisons des forums stratégiques, tous les trois mois, ou d'autres activités à l'intention des employeurs. Nous avons aussi des gens qui travaillent uniquement avec les employeurs, et dont la responsabilité consiste à établir des relations avec eux, à s'assurer qu'ils sont au courant de l'existence de ce bassin de main-d'œuvre, et à se tenir informés de leurs besoins précis, dans l'immédiat et pour les trois à cinq prochaines années.

Nous avons donc accès à plusieurs mécanismes de présentation, traditionnels et non traditionnels, et on peut dire que notre stratégie est multidimensionnelle.

Le sénateur Plett : J'aimerais poser une autre question à Mme Mitra au sujet du projet pilote.

D'après ce que vous avez dit, ça me paraît être un projet extraordinaire. Comment allez-vous en évaluer le succès? Et si vous concluez que c'est un succès, comment allez-vous en faire un programme permanent?

Mme Mitra : Le premier critère de succès de notre programme sera de déterminer que la lacune à combler est bien celle que nous avons identifiée; que nous avons réussi à mettre sur pied un service qui comble cette lacune; que le service est connu des gens à qui il s'adresse, aussi bien les employeurs que les militaires, et qu'il répond bien aux attentes des utilisateurs; que nous avons un bassin d'employeurs qui ont la capacité de faire des ajustements culturels et physiques dans leur milieu de travail pour faciliter la transition de ces personnes, afin que celles-ci soient à l'aise dans leur nouvel emploi, qu'elles sentent qu'on est aux petits soins pour elles, et qu'elles soient satisfaites de toute l'aide qu'elles reçoivent à partir du moment où elles émettent le désir de retourner au travail jusqu'au moment où elles trouvent un emploi.

Le sénateur Plett : Y a-t-il une possibilité que ce projet pilote devienne un programme permanent?

Mme Mitra : Comme je l'ai dit tout à l'heure, les premiers résultats sont tels que, aussi bien du point de vue de notre organisation que de celui du colonel Blais et de l'UISP, on est d'accord pour poursuivre le programme au-delà de la phase pilote.

Le sénateur Wallin : J'aimerais poser quelques questions précises sur le même sujet. Vous avez parlé de fonds provenant du gouvernement fédéral, mais je n'ai pas compris de quel ministère.

Mme Mitra : Service Canada.

Le sénateur Wallin : Vous avez dit que vous receviez aussi du financement de la Légion du Canada. Est-ce qu'il va être reconduit pendant plusieurs années?

M. Wainwright : J'espère que oui. Nous espérons établir avec la Légion une relation à long terme.

Le sénateur Wallin : Je suppose qu'elle attend de voir ce que ça va donner?

M. Wainwright : Oui, car notre programme est relativement nouveau. Mais chaque année, le nombre d'inscriptions augmente. En fait, depuis trois ans, il a augmenté de façon spectaculaire. Chaque fois que notre programme de développement industriel affiche un excédent, nous le versons automatiquement dans notre programme de bourses pour les militaires. Si tout va comme prévu, nous espérons que, dans quelques années, la Légion continuera de nous aider, mais que ça servira surtout à financer le programme de bourses. La gestion de ce programme ne coûte pas grand-chose, mais sa mise en place est très onéreuse. Une fois que ce sera fait, nous espérons que la Légion continuera de nous verser de l'argent et que nous pourrons le consacrer uniquement au programme de bourses. Nous offrons déjà quelques bourses grâce à l'aide de la Légion, et cette année, nous en avons accordé quatre.

Le sénateur Wallin : Vos organisations ont-elles accès à des sources de financement comme les organismes caritatifs appuyés par le CEMD, ou le fonds Appuyons nos troupes? Est-ce que vous recevez de l'argent de ces sources-là?

Mme Mitra : Nous, non, pas pour l'instant.

M. Wainwright : Nous non plus, pas pour l'instant.

Le sénateur Wallin : Les employeurs qui ont bénéficié de vos services vous aident-ils financièrement, en plus de recruter les gens que vous leur envoyez? Si ça marche bien pour eux, les encouragez-vous à contribuer financièrement au programme? Y a-t-il un mécanisme pour ça?

Mme Mitra : Nous n'avons mis en place aucun mécanisme de ce genre pour les employeurs avec lesquels nous travaillons.

Dans beaucoup de rapports sur la question, on utilise l'expression « emploi intéressant ». Nous entendons par là que la personne puisse maintenir son niveau de vie, qu'elle aime son travail et qu'elle estime qu'il est utile. Pour l'employeur, il faut que l'investissement qu'il fait en embauchant la personne en vaille vraiment le coup. Autrement dit, il faut que la personne qu'il embauche soit exactement celle qu'il lui faut.

Le sénateur Wallin : Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais beaucoup d'entreprises et d'organisations donnent de l'argent à des organismes caritatifs pour encourager la protection de l'environnement, la recherche sur le cancer ou que sais-je. En avez-vous parlé avec les employeurs qui ont profité de vos services, car ils sont bien placés pour apprécier les objectifs de votre programme? Essayez-vous de trouver des sources de financement dans le secteur privé? Par exemple, les grandes centrales syndicales vous ont-elles proposé une aide financière?

M. Wainwright : Dans notre cas, la dynamique est assez complexe car le BCIT a un mandat précis dans le contexte de l'économie provinciale. Nous avons eu l'occasion de travailler avec beaucoup d'entreprises sur des projets indépendants, et bon nombre d'entre elles avaient des antécédents militaires. On retrouve d'ailleurs leurs dirigeants parmi les principaux donateurs de la Honour House. Nous leur avons offert notre collaboration et Honour House nous a beaucoup aidés en échange. Nous avons aussi un autre partenaire, l'UBC Veterans Transition Program, et nous travaillons tous les trois ensemble. C'est de la collaboration à trois.

Pour le volet de notre programme qui s'adresse à ceux qui veulent créer leur propre entreprise, nous recevons de l'argent de certaines entreprises locales. Nous avons lancé un projet qui leur permet, s'ils nous présentent un bon plan d'entreprise, de faire une demande pour obtenir un capital d'appoint ou du micro financement. Le volet éducatif de notre programme, pour l'instant, est financé par la Légion et par le BCIT.

Mme Condrashoff : Un certain nombre d'entreprises privées font des offres à nos étudiants une fois qu'ils ont leur diplôme. Par exemple, nous avons une entreprise de l'Alberta qui a parrainé un militaire dans notre programme de géomatique. Ce soldat va avoir droit à une bourse pour les frais d'inscription, ainsi qu'à un emploi rémunéré pendant l'été, à condition que, une fois diplômé, il travaille pour l'entreprise pendant quatre à cinq ans.

Le sénateur Plett : Quarante-cinq ans avez-vous dit?

Le président : Non, quatre à cinq ans.

Le sénateur Plett : Quatre à cinq ans. J'avais compris 45 ans.

Mme Condrashoff : Non, pas 45 ans, je suis désolée, mais quatre à cinq ans. C'est comme un contrat dans la force régulière. Si ça marche bien cette première année, on espère que l'entreprise en fera autant pour un autre soldat, jusqu'à ce qu'elle ait pourvu tous ses postes.

Le sénateur Wallin : Vous avez tous parlé, d'une façon ou d'une autre, des difficultés que rencontrent les soldats qui quittent les Forces canadiennes pour se réinsérer dans la vie civile, que ces difficultés soient d'ordre psychologique ou comportemental. Vous avez aussi parlé du point de vue de l'employeur. Mais pour des raisons que je n'arrive toujours pas à élucider, c'est quand même quelque chose de relativement nouveau au Canada. Les Américains réussissent beaucoup mieux que nous à réintégrer leurs anciens militaires sur le marché du travail.

Est-ce que tout le monde comprend bien la nature du problème? Mon collègue vous a posé une question au sujet de la sensibilisation des employeurs. Est-ce que vous vous contentez de leur dire que les anciens militaires n'ont pas l'habitude de se mettre en valeur auprès d'un futur employeur, parce qu'ils ont toujours travaillé en équipe? Que ce n'est pas comme ça qu'ils ont été formés, surtout s'ils ont été soldats pendant de nombreuses années.

Vous avez parlé de leur intérêt disproportionné pour les services de santé. Ça a piqué ma curiosité, et j'aimerais bien que vous nous donniez quelques précisions.

M. Wainwright : Je vais répondre à la première partie de votre question, et Mme Condrashoff répondra à la question sur la santé.

Je suppose que ça fait partie d'un problème plus vaste. Mais je tiens à vous dire pour commencer que les Américains nous ont approchés pour reproduire notre modèle.

Le sénateur Wallin : Vraiment? Vous parlez de l'école?

M. Wainwright : Oui. En 2010, des représentants de l'Université de Washington et de la garde nationale de l'État de Washington sont venus à Vancouver pour que nous leur présentions notre programme. Par la suite, ils nous ont invités à nous joindre à un consortium d'universités des États-Unis qui reçoivent des fonds du département fédéral de la Défense pour mettre sur pied ce genre de programme. Les Américains ont 4,9 millions d'anciens combattants depuis la guerre du Golfe, et le fait que ces gens-là ne mettent pas à profit leurs qualifications est un très gros problème. Ils essaient donc de trouver un mécanisme qui encouragerait les anciens combattants à reprendre des études, surtout dans le domaine du génie. Ils sont venus nous voir parce qu'ils voulaient copier notre modèle, et ils nous ont invités, en tant qu'établissement non américain, à nous joindre au consortium. Nous allons entreprendre des recherches conjointes avec l'Université de Washington, avec des fonds, on l'espère, de la National Science Foundation des États-Unis.

Nous nous attaquons là à une question bien plus vaste que ce que nous avions prévu au départ. En effet, nous vivons dans une société où chacun doit avoir des titres de compétences, inscrits à côté de son nom. On a tendance à oublier que le tout est plus grand que la somme des parties. Jadis, les gens recevaient une éducation générale, et cela leur donnait la capacité de faire beaucoup de choses parce qu'ils avaient des compétences cruciales et polyvalentes. Aujourd'hui, on essaie de renouer avec une théorie ancienne selon laquelle on a affaire à un groupe de personnes présentant un ensemble de qualifications. Peu importe qu'elles aient un BAA, un BM, un DA ou quoi que ce soit après leur nom, c'est tout l'ensemble et l'expérience qui comptent. Le BCIT reflète cette nouvelle orientation, de par son mandat bien ciblé. Désormais, nous tenons compte à la fois de l'expérience et des qualifications, et nous avons développé un solide modèle de reconnaissance des acquis. Nous sommes l'une des rares écoles où l'on est en mesure de dire : « j'ai examiné l'expérience de tel candidat au cours des deux dernières années, et je peux affirmer qu'il a tout ce qu'il faut pour être placé dans un programme, à un niveau avancé, quels que soient les crédits qu'il a accumulés ». Ce n'est pas ce qu'on fait en général, et pourtant c'est ce que tout le monde voudrait faire, y compris les Américains, car la formation militaire ne cadre pas avec le système de transfert de crédits qu'on utilise dans le monde entier. Il est plus facile pour un Russe d'entrer au BCIT, à SFU, à UBC ou à Queen's sur présentation d'une attestation scolaire, que ça ne l'est pour un membre des Forces canadiennes. Voilà ce que nous essayons de faire.

Le sénateur Wallin : C'est exactement ce que je voulais vous entendre dire.

Mme Condrashoff : Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter votre question au sujet des sciences de la santé?

Le sénateur Wallin : L'un d'entre vous a dit tout à l'heure qu'il ne fallait pas supposer qu'ils souhaitent faire la même chose que ce qu'ils faisaient dans l'armée. Par exemple, s'ils conduisaient un camion, ils ne veulent pas nécessairement refaire la même chose. Vous avez ajouté qu'ils avaient un intérêt disproportionné pour les sciences de la santé. Qu'est-ce que ça signifie? Que veulent-ils faire?

Mme Condrashoff : Cela signifie qu'à la suite de conversations que j'ai eues avec des militaires, je me suis rendu compte qu'un grand nombre d'entre eux étaient intéressés par la profession d'infirmier ou d'auxiliaire auprès de professionnels de la santé. Mais c'est surtout la profession d'infirmier qui les attire, parce que c'est du concret.

Le sénateur Wallin : Les hommes et les femmes?

Mme Condrashoff : Les hommes et les femmes. C'est une profession très concrète, et c'est un secteur où on manque terriblement de professionnels. C'est aussi une profession qui permet de se dévouer auprès des gens. Et pour les militaires, ce sont des choses qui comptent. Ils veulent faire partie de la famille et sentir que ce qu'ils font contribue au bien commun. Les sciences de la santé, et en particulier les sciences infirmières, correspondent bien à ce qu'ils recherchent.

Le président : Vous connaissez vraiment bien la psychologie des militaires; c'est assez impressionnant, d'autant plus que c'est exact.

Mme Condrashoff : Merci.

Mme Mitra : Pour ce qui est des employeurs et de leur attitude vis-à-vis des anciens militaires, je crois que ça ressemble beaucoup à celle de la population à l'égard des personnes souffrant de handicaps ou de problèmes mentaux. Nous avons constaté que nous obtenons de meilleurs résultats lorsque nous pouvons discuter avec l'employeur de la façon dont il perçoit le handicap physique ou mental en milieu de travail, et pourquoi cela le rend nerveux.

Nous avons constaté que la plupart des employeurs veulent vraiment faire quelque chose à ce niveau, mais qu'ils ne savent pas comment s'y prendre. Ils ont besoin d'en discuter avec quelqu'un qui saura les mettre à l'aise. Ils veulent surtout savoir ce que l'ancien militaire sait faire, quelle est son expérience, de quelle aide il a besoin, à quelles ressources il a accès, et s'il y a une solution concrète. Les employeurs entendent parler à tout bout de champ de handicap mental ou physique en milieu de travail, mais ils veulent des solutions concrètes. Et à ce niveau-là, nous obtenons d'excellents résultats.

Le sénateur Day : Je vous remercie de comparaître devant notre comité et de nous parler de ces projets très importants. D'autres témoins nous ont parlé des nombreux efforts qui ont été déployés pour aider les militaires qui quittent les Forces canadiennes, pour des raisons médicales ou non, à trouver un emploi civil.

Certaines entreprises reconnaissent la valeur — comme nous tous qui travaillons dans ce domaine — du personnel des Forces canadiennes, et des formations qu'ils ont suivies, parfois à des niveaux très avancés. Ce que vous faites est bien.

Je vais poser ma première question à Mme Mitra, de Prospect Human Services. Si j'ai bien compris, vous vous occupez surtout des soldats ayant été blessés ou souffrant de problèmes de santé?

Mme Mitra : Oui. C'est ce qu'on fait avec le projet pilote.

Le sénateur Day : Vous aviez un programme à Calgary, et maintenant vous avez un projet pilote à Edmonton. Est-ce que le projet pilote d'Edmonton est le même que celui de Calgary ou non?

Mme Mitra : Lorsque nous avons élaboré le programme, nous avons commencé par le mettre en œuvre à Calgary. C'était possible parce que Prospect recevait déjà des fonds pour offrir des services de placement à Calgary. Un certain nombre de personnes répondaient aux critères d'admissibilité à ces programmes. À l'époque, nous n'avions pas les financements nécessaires pour offrir ces services à Edmonton. C'est comme ça que nous avons décidé de financer ça nous- mêmes, dans le cadre d'un projet pilote.

Le sénateur Day : C'est pour ça que c'est un projet pilote.

Mme Mitra : Oui.

Le sénateur Day : Je comprends. Vous faites de la formation professionnelle depuis longtemps. J'ai lu les documents que nous a préparés la Bibliothèque du Parlement, et bien sûr aussi les vôtres, et vraiment, vous œuvrez dans ce domaine depuis très longtemps, et c'est très bien.

Le sénateur Wallin vous a posé une question au sujet de la possibilité de faire payer les employeurs pour ces services, et sur d'autres sources de revenus éventuelles. Vous êtes principalement un service de placement pour un certain type d'employés. En fait, c'est ce que vous faites, et les entreprises paient pour vos services. Pourquoi ne puisez-vous pas dans cette source?

Mme Mitra : Pourriez-vous répéter votre question?

Le sénateur Day : Pourquoi ne faites-vous pas payer vos services aux entreprises, puisque vous les aidez en leur présentant des employés dont certains sont très qualifiés?

Mme Mitra : Il y a deux raisons à cela. Il faudrait d'abord prendre la décision d'assurer ce service à des fins lucratives, et ce n'est pas ainsi que nous avons construit notre modèle d'entreprise. Pour l'instant, nous dépendons de différents bailleurs de fonds, et c'est pour cette raison que les services que nous offrons aux militaires et aux employeurs sont gratuits. Si nous voulions que ces services soient payants, il nous faudrait avoir un modèle d'entreprise légèrement différent. Il faudrait y réfléchir et voir si ça cadre avec notre mandat. C'est une possibilité, c'est vrai.

Je dois préciser que Prospect a créé un réseau d'environ 700 employeurs et de 25 associations professionnelles, et que nous collaborons avec eux en permanence. Il est vrai qu'on pourrait certainement mobiliser davantage les employeurs du monde des affaires. Mais vu les clients que nous servons, nous ne pouvons pas travailler avec n'importe quel employeur.

En Alberta, le marché du travail est à nouveau en plein essor, et nous voulons être sûrs que les employeurs qui embauchent d'anciens militaires le font pour les bonnes raisons. Nous aurions de bons arguments pour rendre nos services payants, mais d'un autre côté, les employeurs veulent être sûrs que des services de transition sont en place pour que l'adaptation de la personne à son nouvel emploi se fasse dans les meilleures conditions. Si nous faisions payer nos services, il nous faudrait nous assurer nous-mêmes de la qualité de ces services.

Le sénateur Day : Je comprends ce que vous voulez dire. Une fois le placement effectué, pendant combien de temps suivez-vous la personne pour vous assurer que tout marche bien?

Mme Mitra : Ça dépend. Ça va de un mois à douze mois. Dans certains cas, nous pouvons même faire des suivis pendant deux ou trois ans.

Le sénateur Day : Qu'est-ce qui fait que le suivi peut varier entre un mois et deux ans?

Mme Mitra : Cela dépend du soutien dont la personne et l'employeur ont besoin pour le maintien en poste.

Le sénateur Day : Est-ce que c'est quelque chose que vous négociez avec l'employeur?

Mme Mitra : Oui. Lorsque nous offrons un soutien au maintien en poste, nous élaborons un plan. Nous nous entendons sur ce que l'employeur fera, sur ce que le travailleur fera et sur ce que nous ferons, selon un échéancier établi et avec des objectifs. C'est ce que nous vérifions ensuite avec notre suivi. Une fois que nous avons atteint les objectifs que nous nous étions fixés, nous continuons de faire un suivi selon les échéanciers que je vous ai indiqués.

Le sénateur Day : J'aurais aimé poser des questions aux autres témoins, M. Wainwright et Mme Condrashoff, mais j'attendrai la prochaine ronde.

Le sénateur Plett : J'apprécie la réponse que vous avez donnée au sénateur Day quand il vous a demandé pourquoi vous n'aviez pas réclamé une aide financière aux employeurs. Je vais vous poser une autre question sur le même sujet : est-ce que cela a été un obstacle au placement des gens? Est-ce que, avec le modèle d'entreprise que vous avez, vous vous efforcez de répondre aux besoins des anciens militaires d'abord, et des employeurs ensuite, ou seriez-vous en mesure d'en faire plus si vos services étaient payants pour les employeurs?

Mme Mitra : D'après notre expérience avec les autres services et vu les résultats que nous avons obtenus avec ce programme jusqu'à présent, je pense pouvoir affirmer que nous répondons aux besoins des employeurs et des anciens militaires. Si on demande aux employeurs de payer, je ne pense pas que cela changera grand-chose. Pour le moment, ce n'est pas envisagé.

Le sénateur Plett : Ce n'est pas envisagé.

Mme Mitra : Non.

Le président : J'aimerais poser une question supplémentaire à la question supplémentaire, si vous me le permettez. Vous ouvrez les portes à des gens que les employeurs, normalement, ne recruteraient pas. Vous donnez à ces employeurs de nouvelles capacités, mais vous devez d'abord les encourager à le faire, car ils vont devoir s'organiser différemment pour accueillir ces gens-là. Vous devez donc leur donner de solides arguments pour qu'ils soient convaincus qu'ils y trouvent leur compte.

Qu'est-ce que le ministère de la Défense nationale et le ministère des Anciens Combattants pourraient faire pour vous afin que vous soyez en mesure d'offrir ce service à tous les militaires, de façon permanente?

Mme Mitra : Le MDN et l'UISP reconnaissent que le système actuel comporte une grave lacune : des services de placement et de maintien en poste axés sur les employeurs. Ces deux organismes nous ont beaucoup aidés à mettre en place notre modèle. Nous comptons sur eux pour nous envoyer des candidats appropriés, de façon régulière, et nous sommes en contact permanent avec eux.

Le président : Avez-vous besoin de financement pour vos services?

Mme Mitra : Étant donné que le programme a été un succès dès le départ, nous allons continuer d'en faire connaître les résultats et de faire la promotion des services de maintien en poste. Cela nous donnera des munitions pour faire ensuite une demande de financement.

Le président : Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Day : Madame Condrashoff et monsieur Wainwright, vous avez mis en place un excellent programme dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique. L'Université de Washington est intéressée par votre projet, mais j'aimerais savoir si vous avez des contacts avec d'autres établissements canadiens. Nous avons la chance d'avoir d'excellentes institutions chez nous.

Vous avez parlé de l'Université de la Colombie-Britannique et de l'Université Queen's. Est-ce que vous collaborez avec ces deux établissements?

M. Wainwright : Nous comptons beaucoup sur le Veteran Transition Program de l'Université de la Colombie- Britannique pour les cas d'ESPT, car nous faisons de la formation professionnelle et théorique, mais nous ne sommes pas psychologues. Nous avons donc besoin d'aide extérieure lorsque ce genre de situation se présente. Le personnel affecté à ce programme nous a été d'une aide précieuse.

Nous étudions en ce moment la possibilité d'élargir notre modèle à l'ensemble du Canada, mais nous avons dû l'adapter. L'Université de Lethbridge a été la première à nous contacter pour nous dire qu'elle aimerait bien faire ce que nous faisons en Alberta. Cela nous a fait plaisir, et nous lui avons promis de lui envoyer une esquisse de notre modèle. Mais la loi nous a posé des problèmes. Le ministère provincial de l'Éducation donne à chaque établissement le mandat de faire certaines choses, mais lui interdit d'en faire d'autres.

L'Alberta s'est heurtée à des difficultés pour mettre sur pied notre programme. Le mandat provincial du BCIT est assez unique. Nous avons remanié notre modèle et décidé de nouer un partenariat avec des établissements locaux en Alberta. De cette façon, les étudiants peuvent s'inscrire en ligne par l'intermédiaire du BCIT, mais ils restent en Alberta. Étant donné que nous sommes autorisés à faire ce que nous faisons, nous pouvons aussi le faire pour les habitants de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. Nous pouvons leur offrir un service de reconnaissance des équivalences et de placement dans un niveau avancé. Ensuite, les établissements locaux leur dispensent des cours théoriques, et les crédits sont transférés au BCIT.

Le président : Ce n'est même pas de l'enseignement à distance, puisqu'ils suivent les cours sur place.

M. Wainwright : En effet, c'est une solution mixte.

Notre programme comporte trois volets : l'éducation, le placement en emploi ou la rédaction d'un CV, et la création d'une entreprise. Le groupe SIFE rassemble des étudiants des universités du Canada, y compris le BCIT, Queen's et Memorial, et par leur interaction, ces étudiants réussissent à mettre sur pied un grand nombre de projets de création d'entreprises. Ces étudiants sont mis en compétition chaque année à Toronto, mais ils s'échangent beaucoup d'informations et s'inspirent des expériences les uns des autres pour élaborer leur propre projet, et ça bouge beaucoup.

C'est une sorte de forum, et si une équipe découvre quelque chose qui peut être utile à la société, l'information est diffusée dans tout le Canada par les autres groupes d'étudiants. Ils sont très bons pour ce qui est de la collaboration et du partage des informations. Le volet création d'entreprise se développe dans un grand nombre de campus du Canada.

En revanche, notre volet éducation est unique au Canada, car nous établissons des équivalences pour différents blocs de formation et d'expérience militaires afin de pouvoir placer les gens à un niveau avancé dans les programmes d'études. Nous essayons de contourner les difficultés en demeurant la plaque tournante de tout le système, de sorte que les établissements dispensent les cours et nous, nous nous chargeons de l'administration du programme.

Le sénateur Day : Par exemple, vous pouvez décider que telle personne a ce qui constitue l'équivalent d'un certificat en technologies du génie et, si elle le désire, la faire passer au niveau du baccalauréat dans le même établissement.

M. Wainwright : Même au niveau de la maîtrise.

Le sénateur Day : Dans certaines provinces, les collèges communautaires peuvent se charger de la première partie de la formation, et si je prends l'exemple du Nouveau-Brunswick, l'Université du Nouveau-Brunswick peut donner aux étudiants qui veulent poursuivre leur formation un crédit de deux années de génie. Ça marche bien.

M. Wainwright : C'est vraiment quelque chose d'unique. Les Américains ont le même problème. Les collèges communautaires délivrent des grades d'associés qui sont ensuite reconnus dans les universités. Pour pouvoir coordonner ça dans une autre province, il faudrait que nous puissions travailler avec les collèges communautaires et les universités auxquels se destinent les étudiants, pour voir comment on pourrait organiser tout ça. Plus il y a de joueurs, plus ça devient compliqué. Chez nous, c'est plus simple puisque la province nous a donné le mandat de délivrer des diplômes de tous les niveaux, du certificat à la maîtrise.

Le président : Nous parlons de connaissances, de qualifications, d'expérience, de formation et d'éducation. C'est un ensemble très complexe. Vous essayez de couvrir ces cinq grandes catégories en établissant des équivalences, et c'est assez unique en soi parce que les universités n'enseignent généralement que des connaissances théoriques et peu de compétences concrètes, sauf celles qui, comme l'Université de Sherbrooke, ont des programmes d'alternance travail- études.

Le sénateur Nolin : Madame Mitra, vous recevez du financement du gouvernement du Canada. D'autres régions du pays s'intéressent-elles à votre projet?

Mme Mitra : L'UISP s'intéresse beaucoup à la possibilité d'adapter le programme à d'autres régions du pays.

Le sénateur Nolin : Ça l'intéresse, d'accord, mais après? Que vous a-t-elle demandé de faire?

Mme Mitra : Pour l'instant, nous avons un projet pilote avec des paramètres bien définis. Nous allons continuer sur notre lancée, et ensuite, nous nous servirons de nos succès pour étayer une demande de financement, afin d'offrir le service dans d'autres régions du pays et poursuivre ainsi le projet au-delà de la phase pilote.

Le sénateur Nolin : Vous ne risquerez pas de vous heurter au problème dont vient de parler M. Wainwright, au sujet des lois provinciales, puisque vous travaillez principalement avec les employeurs.

Mme Mitra : C'est exact.

Le sénateur Nolin : Lui, il s'occupe des grades et il essaie de coller une étiquette sur chaque personne. Vos programmes sont complémentaires.

La loi provinciale est incontournable, il faut faire avec. J'aimerais savoir s'il y a quelqu'un au Québec qui voudrait offrir les mêmes services. Qui peut me répondre?

Le président : Pour le moment, le projet pilote est financé par le MDN, qui attend de voir comment ça marche. Ensuite, je suppose que le colonel Blais et le MDN décideront s'ils veulent lui donner un caractère plus permanent.

Mme Mitra : Permettez-moi d'ajouter ici une petite précision. Prospect a plusieurs bailleurs de fonds, principalement le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Grâce à notre travail, nous avons réussi à nous constituer une réserve, et c'est de l'argent de cette réserve que notre conseil d'administration a jugé bon d'investir dans ce projet pilote, entre autres. Ce n'est pas le MDN qui finance le projet pilote, c'est nous.

Le sénateur Nolin : Vous avez créé un besoin. Maintenant qu'ils ont vu ce que vous faites, ils veulent que ce soit offert dans tout le Canada.

Mme Mitra : Oui. Nous avons repéré une lacune dans les services existants, et comme ça cadrait avec notre mandat et avec notre mission, nous avons élaboré une solution et nous les avons fait participer au projet pilote. Maintenant, les résultats sont là. Le programme est prêt, le modèle est au point, toute la structure est là. Pour reproduire le programme dans une autre région, il suffit que quelqu'un décide de débloquer des fonds et de nous donner le mandat de poursuivre le programme de placement.

Le sénateur Nolin : Monsieur Wainwright, vous avez dit, au début de votre déclaration liminaire, et je paraphrase, que vous avez découvert beaucoup de choses auxquelles vous ne vous attendiez pas. Ces qualifications ne sont pas évidentes, et vous les mettez au jour. Et le problème, c'est que ces gens-là ne vous aident pas beaucoup car ils ne savent pas qu'ils possèdent toutes ces qualifications. Vous êtes donc là pour les aider.

Je suis un peu surpris que ça se passe dans la province de l'Alberta, dont on nous dit à longueur de journée qu'elle a besoin de main-d'œuvre. Les offres d'emploi y sont nombreuses. Je suis sûr que les autres provinces ont elles aussi besoin de ce genre de qualifications, mais elles ignorent peut-être que les anciens militaires peuvent offrir ce genre de service ou d'expertise. C'est la raison pour laquelle j'aimerais savoir si vous avez noué des liens avec d'autres provinces. Je comprends pourquoi vous passez par la Colombie-Britannique pour contourner les problèmes qui se posent dans les autres provinces, mais ça ne marchera pas au Québec. Il faudra que vous trouviez une organisation au Québec qui soit capable de mettre en place ses propres structures afin de surmonter les obstacles provinciaux. Avez-vous reçu des demandes de la province de Québec?

M. Wainwright : Pour l'instant, non.

Le sénateur Nolin : Après trois ans?

M. Wainwright : Oui, après trois ans. Nous nous sommes développés à l'échelle locale. Notre projet est à l'échelle locale. Dans mon modèle idéal, nous ne sommes pas la plaque tournante au Canada. Je préfère nettement qu'il y ait dix plaques tournantes.

Le sénateur Nolin : Vous le faites parce que personne d'autre ne le fait.

M. Wainwright : La solution idéale serait d'avoir un institut partenaire dans chaque province, auquel on pourrait dire : « voilà ce que nous avons fait, tirez-en parti et améliorez-le, si vous le pouvez, et prenez-en la responsabilité ». Chaque province devrait avoir une structure semblable à la nôtre.

Ça fait partie des choses qui passent au travers des mailles du filet. Lorsque nous présentons notre programme à des groupes, des universités ou des professionnels, ils sont toujours surpris de voir que ça n'existait pas avant. C'est vrai. Nous avons toutes sortes de programmes fantastiques au Canada, et parce que nous en avons beaucoup, nous nous imaginons que nous couvrons toute la gamme des besoins. Mais nous avons repéré une lacune, et c'est ça que nous devons expliquer aux gens.

Le sénateur Nolin : Même les Américains viennent vers vous pour avoir des solutions. Nous savons bien garder un secret. Il va nous falloir faire connaître ce programme. Nous vous remercions d'avoir accepté de comparaître devant notre comité.

Le président : Dimanche dernier, je me suis adressé à l'Association des collèges communautaires du Canada. Il y avait mille personnes présentes, qui représentaient tous les collèges communautaires du Canada, y compris le Québec. Êtes-vous dans le circuit? Le ministère de la Défense nationale y était. Pas le Anciens Combattants, mais la Défense y était. Est-ce que vous faites la promotion de votre produit dans ce réseau-là?

M. Wainwright : Non.

Le président : Il faudrait pourtant que ça se sache.

Le sénateur Plett : Monsieur Wainwright, vous avez des liens, avez-vous dit, avec la Légion. Avez-vous demandé au Corps des commissionnaires s'ils seraient intéressés, eux aussi, à vous aider financièrement?

M. Wainwright : Non.

Mme Condrashoff : Ils nous ont contactés pour nous parler des services qu'ils offrent. D'après ce que j'ai compris, ils ne sont pas très actifs en Colombie-Britannique pour la simple raison qu'il n'y a pas dans cette province autant d'anciens combattants qu'en Ontario, par exemple. Nous savons qu'ils sont là, mais nous ne sommes pas allés plus loin que ces premiers contacts.

Le sénateur Plett : Je vous encourage à aller plus loin. Le sénateur Nolin a dit que le Québec avait des circonstances uniques. Il y a beaucoup de commissionnaires en Ontario et au Québec. Nous pourrions offrir ce programme ailleurs au Canada.

Le sénateur Nolin : Ce n'est pas le Québec qui est unique, c'est la sphère de compétence provinciale qui l'est. On ne peut pas faire comme si cet obstacle n'existait pas.

Le sénateur Plett : Je vous remercie beaucoup de vos témoignages.

Le sénateur Day : J'aimerais que vous me confirmiez une chose, à propos du projet pilote. Vous m'avez déjà dit que vous offriez ce service à Calgary, et que le projet pilote consistait simplement à l'offrir également à Edmonton, c'est bien cela?

Mme Mitra : Oui.

Le sénateur Day : C'est simplement une expansion. Je vous encourage à en faire autant dans l'Île de Vancouver et à Comox. Il y a beaucoup de membres de la force aérienne qui prennent leur retraite là-bas, et aussi à la base navale de Victoria, au sud. Il y a beaucoup de commissionnaires et d'anciens combattants qui ont choisi de s'y installer. Je vous encourage à le faire.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l'entrevue? Vous avez dit qu'elle durait 40 minutes. Peut-elle se faire en ligne? Se fait-elle en face à face? Faites-vous appel à des bénévoles? Utilisez-vous un modèle?

Mme Condrashoff : Nous avons élaboré un modèle en 2009, et nous l'avons testé car nous voulions être sûrs qu'il nous permettait de recueillir fidèlement les informations dont nous avions besoin.

Les entrevues sont faites par moi ou, si je suis trop occupée, par un bénévole qui a reçu la formation nécessaire pour bien comprendre la structure et la culture militaires. Nous préférons que l'entrevue se fasse en personne ou au téléphone, car la combinaison de l'oral et de la gestuelle nous incite à approfondir certaines choses que nous ne comprendrions peut-être pas très bien si nous faisions une entrevue par courriel ou par un autre moyen électronique. C'est la solution que nous préférons pour aller chercher des candidats supplémentaires que, sinon, nous n'aurions peut- être pas choisis.

Le sénateur Day : Je suis en train de lire les documents que vous nous avez remis, et il y a deux choses qui me sautent aux yeux. D'abord, je constate que le processus d'évaluation nécessite un gros investissement en temps et en énergie de la part des évaluateurs, qui doivent recevoir la formation voulue et se prêter ensuite à tout l'exercice. Vous dites aussi qu'ils doivent, pendant le processus d'évaluation, essayer de détecter toutes les connaissances, qualifications et aptitudes pouvant justifier une équivalence en crédits universitaires et un enrichissement du CV. C'est là une dimension importante de votre modèle, qu'il ne faut pas perdre de vue.

Mme Condrashoff : Merci.

Le président : Une observation avant de conclure. Je suis surpris que le système 20 ans d'ancienneté - 40 ans d'âge, qui existe dans les Forces canadiennes et qui devait permettre d'établir des équivalences avec les crédits universitaires, n'ait pas eu beaucoup de résultats sur le marché du travail ou dans des organisations comme la vôtre. C'est vraiment un problème qu'il va falloir signaler.

Dans tout ce dossier, je constate que le ministère des Anciens Combattants brille par son absence, et cela me préoccupe.

Enfin, je voudrais dire quelques mots à propos des étudiants. Qui paie les cours? Les étudiants? L'UISP? Comment ça se passe dans votre établissement?

M. Wainwright : Ce sont les étudiants eux-mêmes qui paient. Bien sûr, ils peuvent essayer d'obtenir une aide financière ailleurs, ou bien une bourse d'études chez nous. S'ils répondent aux critères, ils peuvent avoir droit à une bourse d'étude et s'en servir pour payer les frais d'inscription. Une fois qu'ils sont admis dans un programme, ils ont le même statut que les autres étudiants. Les frais d'inscription sont à leur charge.

Le président : Il est bon de rappeler que les réservistes peuvent se faire payer 50 p. 100 de leurs frais d'inscription par la réserve. Il y a des anciens combattants qui n'ont pas ce recours, à l'heure actuelle. Il va falloir que nous démêlions tout ça.

Vous avez été extraordinaires. Merci d'être venus. Vous avez mis en place des programmes très novateurs, et j'espère que vous ferez des émules. Nous allons très certainement leur accorder une place importante dans notre rapport.

(La séance est levée.)


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