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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 1, Témoignages du 5 décembre 2013


OTTAWA, le jeudi 5 décembre 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour examiner, pour en faire rapport, l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliment et de graines au Canada.

SUJETS : L'importance des pollinisateurs en agriculture et les mesures à prendre pour les protéger.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. À chacun et chacune de vous, honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Bienvenue à tous à cette première réunion sur l'ordre de renvoi concernant les abeilles. Je m'appelle Percy Mockler, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick. Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Bienvenue. Pana Merchant, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, Québec.

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, les Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je suis le sénateur Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci, chers collègues. Notre comité entendra aujourd'hui des témoins au sujet de l'ordre de renvoi sur l'importance des abeilles et de la santé des abeilles pour la production de miel, d'aliments et de semences au Canada. J'estime utile de lire l'ordre de renvoi qui nous a été dévolu par le Sénat du Canada, à savoir :

Que le Comité permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada. Plus particulièrement, le comité sera autorisé à étudier les éléments suivants :

a) l'importance des abeilles dans la pollinisation pour la production d'aliments au Canada, notamment des fruits et des légumes, des graines pour l'agriculture et du miel;

b) l'état actuel des pollinisateurs, des mégachiles et des abeilles domestiques indigènes au Canada;

c) les facteurs qui influencent la santé des abeilles domestiques, y compris les maladies, les parasites et les pesticides, au Canada et dans le monde;

d) les stratégies que peuvent adopter les gouvernements, les producteurs et l'industrie pour assurer la santé des abeilles; [...]

Chers collègues, nous avons l'honneur d'avoir parmi nous ce matin le directeur général du Conseil canadien du miel, M. Rod Scarlett. Monsieur Scarlett, merci d'accepter notre invitation de venir parler au comité, conformément à notre ordre de renvoi, de vos observations, opinions, visions et recommandations.

Le Conseil canadien du miel représente plus de 7 000 apiculteurs. En 2012, le secteur du miel a enregistré des ventes de 173 millions de dollars.

Monsieur Scarlett, je vous demanderais maintenant de faire vos remarques liminaires, qui seront suivies de questions des sénateurs.

Rod Scarlett, directeur général, Conseil canadien du miel : Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les sénateurs, de votre invitation. Je souhaite également remercier les membres du comité d'avoir rédigé un texte si bien raisonné et réfléchi pour encadrer les discussions et l'étude du comité. Je pense que ce document est d'une très grande qualité, puisqu'il vous donne assez de latitude pour étudier tous les enjeux entourant les abeilles au Canada, ainsi que certains enjeux internationaux qui les touchent.

Je serais très bref dans mes remarques, puisque j'ai déjà rencontré un certain nombre d'entre vous. Il y a deux ans, le Conseil canadien du miel avait comparu devant votre comité. Par ailleurs, j'avais également comparu devant un comité de la Chambre des communes.

Comme l'a dit le sénateur, nous représentons tous les apiculteurs au Canada. En 2012, nous étions environ 8 000. Notre secteur est quelque peu différent du secteur agricole, car le nombre de producteurs est en hausse partout au Canada. En fait, cette hausse est importante. Par ailleurs, le nombre total d'abeilles au Canada est également en forte croissance depuis 10 ans, ce qui est très particulier et contraire à ce qu'on lit dans les journaux.

Je dis « inusité », car si les apiculteurs sont plus nombreux, ils se concentrent essentiellement en Colombie- Britannique et en Ontario, et ont de toutes petites exploitations. Ce sont des amateurs qui ont une ruche ou deux en milieu urbain. Le nombre total d'apiculteurs est en hausse; en revanche, celui des apiculteurs professionnels est stable et ne représente guère plus de 20 p. 100 du nombre total. Par professionnels, j'entends les apiculteurs qui tirent une grande proportion de leurs revenus des abeilles.

La taille de leur exploitation peut varier, et elle varie effectivement beaucoup d'une région à l'autre au Canada. Dans les Prairies, où les apiculteurs se retrouvent en régions éloignées, ils exportent l'essentiel de leur production; tandis qu'au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, où les populations sont plus denses, davantage de petits apiculteurs peuvent produire du miel en petites quantités, le transformer, l'emballer et le vendre localement à un marché agricole ou au magasin du coin, en en tirant un bon profit. Dans ce contexte, on n'a pas besoin d'autant d'abeilles ou de colonies pour être rentable.

Ainsi, on trouve de tout. Certains apiculteurs possèdent 20 000 colonies, tandis que d'autres sont tout à fait rentables avec seulement 50.

Bien que notre association représente tous les apiculteurs, il reste que 85 p. 100 de la production de miel au Canada se concentre dans les trois provinces de l'Ouest, à savoir le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta. Ceci est attribuable à la production à grande échelle de céréales et du type d'apiculture qui s'y déroulent.

L'année dernière, nous avons connu de lourdes pertes hivernales, qui ont été d'environ 28 p. 100 en moyenne, alors qu'elles devraient se situer à 15 p. 100. Les pertes hivernales ont beaucoup à voir avec la météo, mais d'autres facteurs peuvent également entrer en jeu. Je suis sûr que nous en discuterons tout à l'heure. En 2012, les pertes hivernales au Canada étaient d'environ 15 p. 100, soit une très bonne année. Là encore, la météo était le plus important facteur; nous avons eu un hiver à peu près idéal, ainsi les apiculteurs ont connu très peu de pertes.

Permettez-moi de vous donner un peu d'information au sujet de notre association. Le Conseil canadien du miel s'intéresse à quatre facteurs clés. Deux de ces facteurs sont la santé des colonies et le remplacement des stocks, ce qui cadre tout à fait avec votre mandat. Nous sommes d'ailleurs très heureux que vous vous intéressiez à ces questions clés.

En ce qui concerne la santé des ruches, nous avons fait beaucoup de travail sur les ravageurs et les pesticides. Nous avons d'ailleurs créé un livret sur la gestion des ravageurs à l'intention des apiculteurs, et nous distribuons ce livret partout au Canada. On y trouve de l'information sur la façon d'éradiquer les ravageurs — un aspect très important de l'apiculture. En 2012, nous avons organisé un grand symposium à Winnipeg pour tous les apiculteurs de partout au Canada, ainsi que pour les présidents des associations connexes. Nous avons essayé de forger une stratégie nationale qui s'attarderait sur des questions comme l'autosuffisance des apiculteurs, et la création d'une base de données sur la santé des abeilles.

Ce comité a d'ailleurs développé quelques stratégies de communication de nos objectifs. En ce qui concerne l'autosuffisance, nous avons présenté une demande de fonds à Agriculture et Agroalimentaire Canada. L'autosuffisance est difficile au Canada à cause de notre climat. Nous ne sommes pas nécessairement capables de produire des abeilles dans les régions où on en a besoin. Beaucoup d'abeilles, dont les reines, sont d'ailleurs importées, notamment dans les provinces de l'Ouest, en raison des pertes subies pendant l'hiver. Et pour produire du miel, il faut remplacer les stocks.

En 2012, l'un des principaux enjeux en Ontario et au Québec a été l'utilisation des pesticides. Cette année-là, l'Ontario Beekeepers' Association a demandé au Conseil canadien du miel de former un comité et de formuler des recommandations au sujet des pesticides. Notre comité s'est réuni pendant environ 6 mois et a formulé près de 64 recommandations à l'intention de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire ou ARLA, du secteur, de CropLife Canada, des cultivateurs de grains et de notre organisation. Nous faisons actuellement le suivi de ces recommandations. Je suis heureux de vous dire que l'ARLA a adopté presque toutes les recommandations pour 2013, reconnaissant ainsi les besoins de l'industrie.

Nous tentons de collaborer avec tous les intervenants du secteur apicole — les producteurs de céréales, les cultivateurs, CropLife Canada, toutes les associations d'apiculteurs et les fabricants d'équipement afin d'aborder la question des pesticides qui, bien qu'elle soit régionale, semble maintenant toucher tout le pays. À l'extérieur de l'Ontario et du Québec, on s'inquiète, mais dans une moindre mesure, des effets des pesticides. On ne sait pas quels sont les liens de cause à effet entre les pesticides, les pratiques de monocultures, les conditions météorologiques, l'environnement et les maladies des abeilles. Il n'y a pas eu beaucoup de recherches importantes pour savoir comment tout ça fonctionne. Encore une fois, je suis très heureux que le comité ait assumé cette tâche et je suis impatient de voir les recommandations que vous formulerez.

Le président : Merci, monsieur Scarlett.

La sénatrice Merchant : Bonjour. Comme je vous l'ai dit, je viens de la Saskatchewan. Je me souviens de m'être rendue à Tisdale en voiture et il y avait une affiche qui disait, et elle y est peut-être toujours « La terre du colza et du miel ». C'est une question importante pour la Saskatchewan.

Je tente de comprendre l'enjeu. D'après ce que vous avez dit ce matin, vous pouvez bâtir des ruches avec les reines. Combien de temps les abeilles vivent-elles? Survivent-elles à l'hiver, ou devez-vous repartir à neuf chaque année?

M. Scarlett : Il est tout à fait possible de passer l'hiver. Il y a environ 25 ans, la frontière s'est refermée à l'importation d'abeilles des États-Unis. Généralement, les apiculteurs importaient des abeilles, les tuaient l'hiver et en rachetaient au printemps. La frontière a été fermée, ce qui a profondément changé les pratiques de l'industrie. Nous gardons maintenant les abeilles pendant l'hiver. Parfois, dans les installations d'entreposage, on peut emballer la colonie dans les ruches pour les garder au chaud. La plupart du temps, les apiculteurs font passer l'hiver aux abeilles, puis mettent sur pied les colonies. Les abeilles peuvent vivre pendant l'hiver si elles sont gardées de façon adéquate.

La sénatrice Merchant : Vous n'avez pas de difficulté à commencer de nouvelles ruches. Vous avez les reines, qui peuvent sans problème commencer les ruches.

M. Scarlett : Nous importons un grand nombre de reines d'Hawaï, de la Californie et du Chili. Les reines contribuent un peu à la génétique et favorisent la croissance rapide de la colonie, d'où leur importation.

La sénatrice Merchant : Les abeilles ont deux utilités : elles produisent du miel et elles pollinisent les cultures, d'où leur importance en Saskatchewan.

Avec toutes les difficultés dont nous entendons parler, comment peut-il y avoir des récoltes exceptionnelles de canola, de maïs et de fruits? J'essaie de comprendre cet écart.

M. Scarlett : Il y a certainement un écart entre ce que rapportent les médias et la réalité dans la majorité des régions apicoles du Canada; et je ne veux pas minimiser les effets dramatiques qui se sont fait sentir en Ontario et au Québec, en particulier par rapport aux pesticides. Certains apiculteurs pourraient perdre leurs entreprises en raison de facteurs qu'ils ne contrôlent pas. Toutefois, comme j'ai tenté de vous l'expliquer, ailleurs au Canada, où la majorité du miel et des abeilles se trouvent, ce n'est pas si mal. En fait, tout va très bien. Les apiculteurs s'ajustent aux pertes hivernales, aux enjeux environnementaux, à toutes sortes de choses, et ils réussissent assez bien, en collaboration avec les producteurs de céréales.

Bien sûr, le canola est une culture immense dans l'Ouest du Canada, et les apiculteurs en dépendent pour réussir. La relation entre les producteurs et les apiculteurs est extrêmement importante.

Oui, vous avez raison de dire qu'il y a un écart, et cet écart existe pour une raison, parce que certaines régions du Canada sont affectées de façon négative. Nous devons nous pencher sur les régions qui subissent les effets négatifs sans faire subir d'autres effets aux régions qui n'ont pas été touchées.

La sénatrice Merchant : Très bien. J'imagine que c'est ce que nous apprendrons.

La sénatrice Buth : Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui, monsieur Scarlett. Vous êtes notre premier témoin, de sorte que je veux revenir sur les commentaires de la sénatrice Merchant afin de comprendre les problèmes qui affectent les abeilles. Pourriez-vous nous parler des maladies, des parasites et des acariens qui affectent les abeilles? Vous avez parlé des effets qu'ont les ravageurs sur les abeilles; il est clair que vous devez contrôler les ravageurs dans la colonie également. J'essaie de comprendre quels sont les ravageurs et les pesticides à l'intérieur et à l'extérieur de la colonie. Pourriez-vous parler des maladies?

M. Scarlett : Bien sûr. Chaque année, l'Association canadienne des apiculteurs professionnels produit un rapport hivernal, qui fait état des facteurs expliquant, selon les apiculteurs, les pertes subies pendant l'hiver. Bien sûr, les conditions météorologiques sont parmi les facteurs principaux, mais il y a aussi le problème du varroa qui a été introduit dans la population d'abeilles au Canada au cours de la dernière décennie. Les apiculteurs doivent utiliser des produits pour contrôler cet acarien, qui s'attache littéralement à l'abeille et en aspire le sang, en quelque sorte. Pour traiter le problème, il faut tuer l'acarien. Il y a aussi la nosémose, une maladie fongique affectant le tube digestif des abeilles. Encore une fois, les apiculteurs doivent utiliser des traitements — des pesticides, des insecticides, par exemple, pour les tuer. Ce sont les deux principales maladies qui touchent les abeilles au Canada. Des recherches sont en cours pour établir un lien entre le contrôle du varroa, celui de la nosémose et tout le reste. Elles doivent se poursuivre si nous voulons bien comprendre ces phénomènes.

Bien sûr, il existe d'autres maladies qui, elles aussi, sont contrôlées par des insecticides ou des pesticides ou par d'autres moyens, comme la loque, de même que le petit coléoptère des ruches, qui n'ont pas la même portée que les deux autres, qui constituent le plus grand souci des apiculteurs. Il est possible de contrôler de façon assez bonne les autres maladies affectant les abeilles, mais ces deux autres maladies sont vraiment celles auxquelles doivent être consacrés nos efforts.

La sénatrice Buth : Vous avez parlé de la raison pour laquelle nous achetons des abeilles ailleurs dans le monde, mais vous n'avez pas parlé des États-Unis. Pourquoi pas?

M. Scarlett : Nous importons des reines d'Hawaï et de la Californie. L'ACIA a établi des frontières régionales, entre autres. Par exemple, nous ne pouvons pas importer de reines des autres régions des États-Unis.

L'un des principaux problèmes cette année a eu lieu au Manitoba. Les pertes hivernales y ayant été extrêmes, les apiculteurs n'ont pas pu rétablir leurs colonies assez rapidement pour obtenir une bonne production de miel. La province a donc demandé d'importer les abeilles emballées des États-Unis. L'ACIA a mené des consultations — qui se sont terminées le 30 novembre — et a formulé des recommandations. Selon l'évaluation de l'ACIA, l'importation d'abeilles emballées des États-Unis présente quatre risques. La période pour formuler des commentaires a pris fin le 30 novembre. Certaines provinces sont impatientes d'ouvrir les frontières, d'autres ne le veulent pas. Nous attendons la période de commentaires pour voir quelles seront les recommandations finales de l'ACIA.

La sénatrice Buth : Quel est le problème que pose l'importation d'abeilles des États-Unis? Qu'est-ce qui pose problème?

M. Scarlett : L'ACIA a identifié quatre principales maladies ou risques, dont le petit coléoptère des ruches.

La sénatrice Booth : Donc, cela revient principalement à importer de nouvelles maladies?

M. Scarlett : Cela revient à importer des maladies et une certaine résistance des abeilles à certains produits que nous utilisons. Ce sont là les risques qu'ils ont cernés.

La sénatrice Buth : Pour ce qui est de la résistance, est-elle causée par les produits que nous utilisons au Canada? C'est-à-dire, en fait, les acariens ont-ils acquis une résistance aux produits aux États-Unis?

M. Scarlett : C'est exact.

La sénatrice Buth : Si vous importez les lots, le produit perd de son efficacité au Canada?

M. Scarlett : C'est exact.

La sénatrice Tardif : Bonjour monsieur Scarlett. Si j'ai bien compris, les apiculteurs de l'Ontario et du Québec sont les principaux touchés par la disparition d'abeilles par opposition à ceux, par exemple, de l'Ouest du Canada. Si j'ai bien compris, les pertes des apiculteurs de l'Ontario et du Québec sont causées par le fait qu'ils sont plus à proximité des cultures de maïs qui ont été poudrées d'une certaine façon? J'essaie de mieux comprendre les choses. Cela n'est pas le cas des cultures, par exemple, de l'Ouest du Canada, qui sont principalement des cultures de canola. La réaction de ces abeilles semble être bien différente en Ontario et au Québec par rapport aux abeilles des provinces des Prairies. Pouvez-vous m'aider à mieux comprendre cette situation?

M. Scarlett : Certainement. Les pertes hivernales en Ontario et les pertes dans le reste du Canada sont relativement semblables pour ce qui est des chiffres.

Il semble qu'en Ontario et au Québec, une classe de produits de traitement des semences appelée néonicotinoïdes a des répercussions sur les abeilles. C'est un produit qui est utilisé pour traiter le maïs, le soja, le canola et un certain nombre de céréales et d'oléagineux. Au cours de la plantation des cultures de maïs et de soja, on aurait procédé au poudrage de ce produit dans cette zone, et le produit a donc été répandu au cours de la plantation des graines. C'est cet événement, qui a eu lieu en 2012, qui a déclenché tout le problème. C'était un problème de poudrage. D'autres recherches menées en 2013 nous portent à croire que cela n'est pas juste dû au poudrage, mais qu'il y a aussi d'autres problèmes qui ont trait à cette classe de produits pour le traitement des semences. Il se peut que ce produit subsiste plus longtemps dans le sol.

Je pense qu'il y a encore beaucoup de recherche à faire sur les sols et l'eau afin de déterminer si la nature systémique du traitement des semences a quelques répercussions que ce soit sur la mortalité des abeilles. Pour être juste, lorsque ces produits ont été enregistrés auprès de l'ARLA, on n'a pas vraiment mis l'accent sur les abeilles domestiques. Personne ne pensait qu'il y aurait vraiment de répercussions sur ces dernières. Par conséquent, l'ARLA n'a pas jugé nécessaire de procéder à ces travaux d'enquête initiale. Donc, dans un sens, ils font beaucoup de rattrapage en ce moment.

La sénatrice Tardif : Je comprends maintenant pourquoi les associations d'apiculteurs de l'Ontario et du Québec demandent une interdiction des néonicotinoïdes, qui ont d'ailleurs été interdites dans l'Union européenne.

Quelle est la position du Conseil canadien du miel sur la question? Pensez-vous que le Canada devrait proposer ce genre d'interdiction, comme on l'a fait en Union européenne, ou comme l'Ontario et le Québec l'ont demandé? Quelle est votre position sur la question?

M. Scarlett : Sur le plan national, notre organisation... Il nous faut collaborer avec toutes les parties concernées pour tenter de limiter les risques que présente le traitement des semences. Nous collaborons donc avec le Conseil canadien du canola, l'Organisation Grain Farmers of Ontario, les Producteurs de grains du Canada, les producteurs d'équipement, et la Fédération canadienne de l'agriculture afin de trouver des façons de limiter les risques pour les apiculteurs.

Jusqu'à maintenant, et je dis cela avec certaines réserves parce que ça peut toujours changer, j'imagine, à la lumière de nouvelles données — mais jusqu'à maintenant nous ne demandons pas d'interdiction. Je pense qu'il est certain que l'utilisation massive de produits de traitement des semences doit être revue, que cela concerne ou non toutes les semences qui existent.

Généralement, il s'est avéré très difficile, particulièrement en Ontario et au Québec, d'acheter des semences non traitées. Le fait de savoir si la recherche agronome a rattrapé les considérations économiques est une autre question qui est certainement importante. Nous avons fait des progrès considérables dans un certain nombre de domaines et j'ai peine à croire que l'on ne peut pas faire de progrès dans le domaine de l'agronomie afin de venir en aide aux producteurs, aux producteurs de grains, afin de déterminer s'ils ont besoin ou non de ces produits de traitement des semences dans leur sol l'année précédente. J'espère que le comité examinera sérieusement la nécessité de ces produits, évaluera la nécessité de les utiliser, en tenant compte des répercussions économiques que cela représente pour le cultivateur.

La sénatrice Eaton : Veuillez éclairer quelque peu ma lanterne, monsieur Scarlett. Que fait un néonicotinoïde sur une semence?

M. Scarlett : Il s'agit d'un insecticide. Dans le cas du maïs, cela empêche un certain nombre d'organismes nuisibles d'attaquer prématurément le plant; dans le cas du canola, c'est pareil. Le traitement est effectué à l'extérieur de la semence. On utilise un adhésif pour que le produit adhère à la semence. En Ontario, l'un des problèmes avait peut-être trait à cet adhésif, en 2012 et 2013, dans la mesure où celui-ci n'était pas suffisamment efficace pour maintenir le traitement insecticide sur la semence; et c'est ainsi qu'on a mis au point — et il sera disponible l'année prochaine — un nouvel adhésif.

La sénatrice Eaton : Prenons le canola, par exemple. Il pousse; l'abeille, pendant la pollinisation — à quel stade de la croissance du canola l'abeille commencerait-elle à polliniser?

M. Scarlett : Lorsqu'il est en fleur.

La sénatrice Eaton : Donc, c'est à ce moment-là qu'elles entrent en contact avec l'insecticide?

M. Scarlett : Elles ne s'imprègnent pas nécessairement de l'insecticide du canola; du moins, ce n'est pas ce que nous avons pu observer.

La sénatrice Eaton : Et pour le maïs?

M. Scarlett : Une fois encore, les abeilles n'entrent pas vraiment en contact avec le maïs pendant la pollinisation. Une bonne partie a trait à la poussière présente dans l'air ou sur le sol, et c'est comme cela qu'elles s'en imprègnent, ou sur les plantes qui sont proches des champs faisant l'objet du poudrage.

La sénatrice Eaton : D'après ce que nous avons entendu dans le cadre d'une autre étude, les Allemands ont constaté que certaines de nos abeilles avaient survolé des cultures génétiquement modifiées, ce qui pourrait avoir des conséquences sur leur miel. Les semences génétiquement modifiées sont-elles bonnes ou mauvaises pour les abeilles, ou ont-elles quelque effet que ce soit sur celles-ci?

M. Scarlett : Autant que je sache, elles n'ont pas d'effet sur les abeilles.

La sénatrice Eaton : C'est une bonne nouvelle alors, pour le Canada, pour notre recherche.

M. Scarlett : Oui. Le fait qu'il y a du pollen génétiquement modifié dans le miel fait que le marché européen est toujours fermé pour le miel canadien. On est porté à croire que ce marché s'ouvrira de nouveau, nous l'espérons, en mars ou en avril, mais il se peut qu'il y ait des considérations en matière d'étiquetage à prendre en compte.

La sénatrice Eaton : Mais cela n'a aucun effet sur les abeilles?

M. Scarlett : Non.

La sénatrice Eaton : Le conseil de l'abeille collabore-t-il avec les chercheurs des universités? Collabore-t-il avec Monsanto, ou d'autres producteurs d'insecticides, ou travaille-t-il sur les semences génétiquement modifiées? Intervenez-vous pour collaborer avec eux? Avez-vous des liens avec eux?

M. Scarlett : Nous avons certainement des relations. Bon nombre de ces grandes entreprises — Monsanto, Bayer, Syngenta — sont toutes dotées de centres de recherche sur les abeilles. Certains sont en Amérique du Nord, d'autres en Europe. Nous avons eu des tables rondes avec CropLife, dont ils sont tous membres. Nous avons eu deux ou trois tables rondes avec eux au cours desquelles ils nous ont donné des renseignements sur les produits, la recherche qu'ils effectuent, la recherche qui porte sur leurs produits existants, et la recherche qui porte sur les nouveaux produits. Nos relations se sont certainement bien améliorées au cours des trois dernières années, et il faut que cela se poursuivre. Mais ils sont disposés à entendre nos problèmes et à collaborer avec nous pour les résoudre.

La sénatrice Eaton : De toute évidence, il en est de même avec les universités?

M. Scarlett : Oui. Il est certain qu'on aimerait voir davantage de fonds et de recherches consacrés aux problèmes des pollinisateurs.

La sénatrice Eaton : Qu'en est-il d'une autre question qui est à bien plus petite échelle, de toute évidence, en Ontario et au Québec? Qu'en est-il des insecticides utilisés dans les jardins, lorsque les gens vaporisent leurs roses, ou lorsqu'ils vaporisent leur petit potager, ce qu'ils ont le droit de faire?

M. Scarlett : Je pense qu'il est juste de dire que tout insecticide utilisé va avoir des répercussions sur les insectes et la pollinisation.

La sénatrice Eaton : Même s'ils ne sont pas destinés aux abeilles?

M. Scarlett : Même s'il n'est pas destiné aux abeilles. Ces répercussions peuvent être très faibles, mais il se peut que cela ait des effets néfastes de façon cumulative. Si les gens des villes pouvaient planter des plantes favorables aux pollinisateurs, cela viendrait certainement en aide à la population d'abeilles locales.

La sénatrice Eaton : Merci.

La sénatrice Buth : J'aimerais avoir une précision sur le traitement des semences de maïs et de canola : J'ai cru comprendre que le problème était posé par la poussière qui se dégage au moment de la plantation des semences. Ce n'est pas du tout pendant la pollinisation; c'est lorsque le traitement est appliqué aux semences et que les semences sont plantées, et cela se passe au début du printemps lorsque les colonies ne sont pas aussi fortes qu'elles devraient l'être. Est-ce exact?

M. Scarlett : C'est exact. Il est certain que l'un des aspects qui distinguent le canola du maïs est la taille et la forme de la graine. Il est plus facile de faire adhérer un produit à une graine de canola qui est ronde. Le maïs, comme vous le savez, a toutes sortes de formes différentes, ce qui fait que l'adhésif utilisé pour le maïs doit être bien plus efficace que pour le canola.

De la recherche est effectuée sur l'intensité du traitement des semences de maïs par rapport à celles de canola, mais je ne suis pas certain. Je suis sûr que quelqu'un de mieux informé vous le dira plus tard.

Le sénateur Ogilvie : Merci, monsieur Scarlett. Pour conclure ce dernier aspect, les néonicotinoïdes sont utilisés dans l'Ouest; est-ce exact?

M. Scarlett : C'est exact.

Le sénateur Ogilvie : Vous avez déjà décrit la réussite de votre colonie d'abeilles par rapport à d'autres. Étant donné que le canola est une culture très importante, il est probable qu'une bonne quantité de néonicotinoïde soit utilisée.

M. Scarlett : C'est aussi exact.

Le sénateur Ogilvie : Les abeilles domestiques ne constituent pas une seule espèce. Selon vous, combien d'espèces sont-elles utilisées au pays? Donnez-nous une idée d'un chiffre.

M. Scarlett : Il y en a un certain nombre.

Le sénateur Ogilvie : Y a-t-il quoi que ce soit qui vous porte à croire qu'il y ait des différences significatives entre les abeilles importées dans l'Est du Canada par rapport à celles qui sont importées dans l'Ouest du Canada?

M. Scarlett : Non. Je ne suis probablement pas la personne la mieux placée pour répondre à cette question.

Le sénateur Ogilvie : Pas de problème. Pour ce qui est des pollinisateurs en général, les abeilles ne sont pas non plus les seules. Selon vous, quel serait l'autre grand insecte pollinisateur ou les deux autres grands insectes pollinisateurs au Canada?

M. Scarlett : De toute évidence, il y a le bourdon, les mouches et les oiseaux. Ils sont tous en quelque sorte des pollinisateurs.

Le sénateur Ogilvie : Les bourdons constituent un nombre relativement important de pollinisateurs.

M. Scarlett : Il est certain que les exploitants de serre se servent des bourdons pour assurer la pollinisation.

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'aimerais faire suite aux questions du sénateur Ogilvie. Je m'intéresse à la culture du bleuet. Bien sûr, comme toutes les autres productions, les abeilles jouent un rôle de premier plan. Quel rapport y a-t-il entre les abeilles ou les bourdons et celles qui sont élevées par les apiculteurs?

[Traduction]

M. Scarlett : Je ne suis pas certain qu'il y ait vraiment un lien en tant que tel. Lorsque l'on parle de bleuets, c'est une question d'intensité. Ce dont les cultivateurs de bleuets ont besoin, c'est une pollinisation intense de leur culture, et les abeilles domestiques offrent cette possibilité parce qu'on les y amène. Bien évidemment, les bourdons sont plus naturels mais ne sont pas en mesure de polliniser autant, donc le lien n'est pas forcément symbiotique ou autre. Mais il existe.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Un producteur me disait que les abeilles à l'état sauvage ont seulement besoin d'aller sur la fleur une fois pour la polliniser tandis que les abeilles des apiculteurs doivent les visiter deux ou trois fois. Est-ce le cas?

[Traduction]

M. Scarlett : Encore une fois, je ne suis pas le mieux placé pour vous répondre, car nous ne nous intéressons pas beaucoup aux pollinisateurs naturels. Nous nous occupons de ce qui a trait aux abeilles.

[Français]

Le sénateur Robichaud : La recherche menée sur les abeilles de culture, comprend-t-elle les abeilles à l'état sauvage pour savoir si les maladies se propagent autant d'un côté comme de l'autre?

[Traduction]

M. Scarlett : L'Université de Guelph et une association portant le nom de CANPOLIN ont fait certaines recherches sur les pollinisateurs naturels, y compris les bourdons, mais je ne connais pas les résultats de cette recherche. Je ne suis pas ce dossier de très près. Si le comité souhaite obtenir des réponses plus précises, il devrait inviter un représentant de cette organisation.

Le sénateur Robichaud : À votre connaissance, les bourdons sont-ils affectés par les mêmes problèmes que les abeilles en ruche?

M. Scarlett : Certains des problèmes sont identiques. C'est le cas des pesticides. En outre, certains pathogènes peuvent s'attaquer à plusieurs espèces, et il pourrait y avoir de grandes similarités. Par contre, la gravité des problèmes pourrait être différente. Il pourrait aussi y avoir d'autres facteurs que je ne connais pas.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous ai entendu parler des pesticides qui peuvent causer des dommages aux colonies d'abeilles. Je comprends que vous importez des reines de l'extérieur du pays. Des vérifications ont-elles été faites avec d'autres pays pour savoir s'il y avait utilisation de pesticides moins dommageables? D'autres pesticides sont utilisés en Europe et peut-être seraient-ils moins dommageables s'ils étaient utilisés au Canada?

[Traduction]

M. Scarlett : On peut dire que les apiculteurs font de leur mieux pour se tenir au courant, mais les produits qui sont en marché sont plus importants pour les agriculteurs qui doivent appliquer ces produits dans leurs champs.

On ne sait pas s'il existe en Europe un produit de remplacement pour les néonicotinoïdes, puisqu'un moratoire y a été imposé sur ce produit. Il ne s'agit pas d'une interdiction, mais de moratoire. Nous ne savons pas quels produits de rechange les agriculteurs vont utiliser là-bas. En fait, d'après ce que nous ont dit un certain nombre de gens, ce moratoire aurait été imposé à peu près sans préavis aux agriculteurs, et ils essaient de trouver un produit pour le remplacer.

Quant aux autres produits qui existent dans d'autres régions, je ne peux pas vraiment vous donner une réponse précise. Par exemple, je ne suis pas certain que l'on fasse beaucoup de recherches et de tests pour voir l'effet de l'usage des pesticides sur les reines. Si la reine est saine, elle survit et semble se porter bien.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue, monsieur Scarlett. Je suis heureux que vous soyez notre premier témoin. Vous représentez les gens qui vivent de l'apiculture et c'est important pour nous. La recherche qui sera menée aura pour but d'améliorer ou de corriger la situation actuelle.

Je me questionne sur l'apiculture urbaine. Il faut bien comprendre que les fleurs produites en régions urbaines ont des engrais chimiques et des pesticides en terre et les abeilles s'abreuvent de tout cela. Les producteurs de pesticides vont nous dire que c'est excellent pour leur santé et que c'est comparable à l'huile de foie de morue.

Les abeilles urbaines peuvent-elles contaminer les abeilles élevées en grande surface dans les régions éloignées des grandes villes?

J'en reviens à la question posée par le sénateur Robichaud concernant les bleuets. Je suis originaire du Nord du Québec et c'est là qu'est la plus grande production de bleuets. La température n'est pas très clémente et la saison est très courte et pourtant, les abeilles survivent. On n'a pas besoin d'importer de reine encore; on en a une, on la respecte. Sénateur Merchant disait qu'on perdait 30 à 35 p. 100 des reines alors qu'on ne vit pas du tout ça dans le Nord du Québec. Probablement que les pesticides ne sont pas rendus dans cette région parce qu'il n'y a pas d'autres cultures comme le blé, le soja et le maïs. Il y a des bleuets et des fleurs sauvages. Donc, on n'a pas de pesticide autre. On va peut- être en avoir avec la tordeuse de bourgeons d'épinette un jour. Pourtant les abeilles meurent quand même.

Quelles sont les causes à effet entre l'élevage d'abeilles urbain, de grande surface et nordique?

Est-ce que c'est lié à la question du SECA? Est-ce que vous pourriez me donner un exemple de cela?

[Traduction]

M. Scarlett : C'est une opinion un peu personnelle, mais je crois que la relation entre les abeilles de ville, les apiculteurs urbains et les entreprises d'apiculture commerciales relève davantage des relations publiques que d'autres choses.

La biosécurité des abeilles est bien sûr liée à d'autres facteurs que les pesticides. Ces facteurs ont davantage à voir avec les ravageurs et les pathogènes. Les abeilles ne peuvent pas transmettre de pesticides d'une colonie à l'autre, mais elles peuvent transmettre des ravageurs ou des pathogènes. La seule relation réelle serait davantage liée aux ravageurs et aux pathogènes.

Nous avons récemment adopté un plan de biosécurité apicole avec l'aide de l'ACIA. Ce plan commence à être appliqué à tous les apiculteurs du Canada.

J'ajouterai toutefois que l'apiculture urbaine a permis de sensibiliser le public aux enjeux de l'apiculture. Cela a certaines conséquences — l'impression de connaître plus qu'on en sait réellement et l'impression que les problèmes de la colonie ou deux que vous avez touchent toutes les colonies. Vous avertissez votre voisin, et cela devient en enjeu public. Il en va différemment dans d'autres types d'agriculture. Cela ne se voit pas dans ces autres types d'agriculture.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous savez qu'au Québec il y a beaucoup de production de tomates en serre; on peut penser à Savoura et d'autres entreprises. À ma grande surprise, beaucoup des membres du comité ont eu l'occasion de visiter ces installations. On importe des bourdons hollandais pour venir polliniser nos tomates. Pourquoi les nôtres ne sont-ils pas capables de le faire? Parce qu'ils n'aiment pas les tomates? C'est quoi leur problème?

[Traduction]

M. Scarlett : Je ne sais vraiment pas comment répondre à cette question.

Il est certain que la pollinisation par les bourdons est importante dans les serres et pour les producteurs de tomates. Ces producteurs ont recours aux bourdons. Pour le Conseil canadien du miel, les bourdons jouent un rôle auxiliaire, parce que même s'ils sont un pollinisateur, ils ne produisent pas de miel. Le dossier de la pollinisation commence à prendre de l'ampleur dans l'industrie, car il devient de plus en plus important pour les producteurs de bleuets, de canneberges, de tomates et de graines de canola. C'est maintenant un élément du secteur qui n'existait pas vraiment il y a 10 ans, mais qui fait maintenant partie intégrante de notre industrie et c'est un moteur économique très important pour nous.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur Scarlett, merci d'être venu. À ce point de la discussion, les principales questions ont déjà été posées mais j'aimerais revenir sur l'importation des reines qui viennent du Chili et de la Californie. Je suppose que c'est une question de coût et de proximité relative. Je ne sais pas si la Russie ou la Chine en produisent, mais je suppose que si le choix a été fait, c'est probablement pour ce genre de raisons.

Dans la traduction de vos propos tantôt — et nos traducteurs sont excellents — on citait un acronyme; on disait que c'était « la CIA » qui était l'organisme réglementaire. Pour moi, la CIA, c'est la Central Intelligence Agency. Je suis persuadé que ce n'est pas le service d'espionnage américain qui contrôle ça. Pouvez-vous me repréciser le nom de l'organisme qui réglemente l'importation des reines?

[Traduction]

M. Scarlett : C'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

[Français]

Le sénateur Rivard : Merci, je viens de comprendre la traduction, c'est donc l'ACIA. Merci de vos réponses. J'étais certain que ce n'était pas l'espionnage!

Le sénateur Maltais : On ne sait jamais!

[Traduction]

Le sénateur Oh : Merci d'être venu nous rencontrer, monsieur Scarlett. Les scientifiques canadiens ont-ils fait des recherches pour modifier génétiquement les abeilles en vue de produire des espèces spéciales mieux adaptées aux rigueurs de notre climat?

M. Scarlett : Il y a eu beaucoup de travail réalisé pour mettre au point une variété d'abeilles canadiennes.

Même s'il faut voir chaque année les résultats de l'hivernage des abeilles, vous constaterez que les abeilles sont génétiquement mieux en mesure de survivre au climat.

L'Université de la Saskatchewan et l'Université de la Colombie-Britannique se sont expressément intéressées à cette question, mais je ne crois pas qu'on ait réalisé des progrès. Nous n'en sommes certes pas au niveau des travaux de génétique réalisés pour les producteurs de bétail. Et il reste beaucoup à faire dans ce domaine.

Le sénateur Oh : On nous a beaucoup parlé des abeilles tueuses originaires de l'Amérique du Sud qui arrivent au Canada par les États-Unis. Est-ce que ce problème nuit à notre apiculture au Canada?

M. Scarlett : Comme je l'ai déjà dit, quand l'ACIA a fait l'évaluation du risque que posent les paquets d'abeilles importées des États-Unis, l'un des risques qu'on a identifiés était la présence d'abeilles africanisées. Nous sommes donc au courant du problème. L'ACIA est au courant et a déterminé que c'était l'une des préoccupations dans ce domaine.

Le sénateur Oh : Ces abeilles ont-elles vraiment envahi notre territoire? Sont-elles arrivées au Canada?

M. Scarlett : Les reines qui sont importées au Canada doivent subir des tests de dépistage. Ce sont les reines qui amènent avec elles les gènes. Ce ne sont pas les faux bourdons ou les travailleuses. Les gènes viennent des reines et celles-ci doivent subir des tests.

À ce que je sache, ces abeilles ne sont pas encore arrivées au Canada, mais elles sont néanmoins une préoccupation en raison de leur nature agressive.

La sénatrice Buth : Monsieur Scarlett, on vous a un peu mis en boîte en vous posant toutes sortes de questions qui n'ont pas grand-chose à voir avec le miel, alors permettez-moi de revenir à ce sujet.

Pourriez-vous nous fournir des données de base sur la production de miel au cours des cinq dernières années et nous dire ce qui s'est produit dans ce domaine?

M. Scarlett : Bien sûr. Agriculture et Agroalimentaire Canada et Statistique Canada publient des rapports de statistiques trimestriels sur la production de miel. En fait, j'ai le rapport de 2012 sous les yeux, et je peux donc vous dire quelle a été la production totale de miel au Canada. En 2012, cette production s'élevait à environ 90 millions de livres, ce qui représentait une augmentation par rapport à la production de 64 millions de livres de 2008.

En 2012, 45 p. 100 du miel produit venaient de l'Alberta; 28 p. 100, de la Saskatchewan, et 14 p. 100, du Manitoba. L'Ontario en avait produit 9 p. 100, le Québec 4 p. 100 et les provinces de l'Atlantique et la Colombie-Britannique 3 p. 100.

La sénatrice Buth : Voilà des renseignements très utiles. Quelle quantité de ce miel a été exportée?

M. Scarlett : En 2012, on a exporté 18 224 000 kilogrammes de miel, qui provenait en majorité des trois provinces de l'Ouest.

La sénatrice Buth : De toute évidence, les exportations sont importantes.

M. Scarlett : Il y a un chiffre en kilogrammes et un autre en livres, ce qui rend la lecture difficile. En grande majorité, ces exportations sont destinées aux États-Unis.

La sénatrice Buth : C'était ma prochaine question.

M. Scarlett : Notre deuxième plus grand marché d'exportation de miel est le Japon, je crois.

La sénatrice Buth : À un moment donné, on avait dit que le Canada avait importé de Chine du miel qui n'était pas nécessairement du miel. Pourriez-vous nous parler du miel de contrefaçon?

M. Scarlett : C'est un problème qui n'a pas autant touché le Canada que les États-Unis. Il existe une organisation appelée True Source Honey qui vérifie la provenance du miel. Un exportateur québécois de miel, Odem International en est l'un des principaux acteurs. La Chine usait de diverses méthodes pour contourner les droits d'exportation applicables au miel. Par exemple, on y utilisait du miel venant d'autres pays ou un mélange de miel et de sucrose. Je ne me souviens pas que le problème se soit posé au Canada. Toutefois, cela influe sur le prix que paient les Canadiens. Le miel canadien est souvent à peu près au même prix que le miel américain. Nous comptons sur le prix fixé aux États- Unis, de sorte que tout ce qui fait fluctuer les prix aux États-Unis fait aussi fluctuer le prix au Canada.

La sénatrice Merchant : Ma question porte sur ce que vous avez dit au sujet de l'exportation vers l'Europe. Comment le miel est-il touché par tous les problèmes dont nous avons parlé ce matin, par exemple, les néonicotinoïdes? Ce produit laisse-t-il dans le miel un résidu que refusent certains pays?

M. Scarlett : Dans le cas des exportations de miel vers l'Europe, ce ne sont pas les pesticides qui causent un problème, mais plutôt les OGM. La vaste majorité du miel que nous exportons est produit à partir du canola, qui est une plante génétiquement modifiée, et son pollen se retrouve dans le miel. L'Union européenne a déclaré que ce pollen était foncièrement un élément constituant du miel et c'est pourquoi elle a décidé de ne pas en importer. Cela commence à changer en raison des décisions de tribunaux, selon lesquelles le pollen ne constitue pas nécessairement un ingrédient du miel, il en fait simplement partie. L'Union européenne n'a pas encore établi les règles qui s'appliqueraient, mais elles pourraient avoir des conséquences sur l'étiquetage. Cela n'a rien à voir avec les néonicotinoïdes. Le problème c'est qu'il s'agit d'un organisme génétiquement modifié.

La sénatrice Merchant : Les néonicotinoïdes ne nuisent pas de quelque façon que ce soit à la qualité du miel?

M. Scarlett : Non.

La sénatrice Merchant : C'est ce que je voulais savoir.

M. Scarlett : Cela ne nuit pas du tout.

La sénatrice Eaton : Avons-nous un programme national de gestion des abeilles?

M. Scarlett : Nous avons un programme de biosécurité.

La sénatrice Eaton : Qui le gère? Est-ce un programme provincial ou fédéral?

M. Scarlett : À l'heure actuelle, il s'agit d'un programme en cours d'élaboration par le CCM auquel les apiculteurs peuvent adhérer volontairement.

La sénatrice Eaton : Commençons par le début. Qu'entendez-vous par « programme de biosécurité? »

M. Scarlett : Comme pour toutes les denrées, il y a des enjeux de biosécurité. Ce projet permet d'identifier les menaces à la biosécurité.

La sénatrice Eaton : Si quelqu'un en Alberta constate une menace, le conseil en est-il informé? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Scarlett : À l'heure actuelle, il s'agit d'un programme volontaire. Ce programme vise à aider les apiculteurs à gérer leurs exploitations de façon à réduire au minimum la transmission de pathogènes, de ravageurs et d'autres problèmes. Il s'agit de la façon dont le risque est géré pour garantir que l'exploitation demeure saine et n'a d'effet nuisible pour rien d'autre.

La sénatrice Eaton : Supposons que je sois apicultrice en Alberta, et que mon entreprise fasse l'objet d'une menace biologique. Je vous en aviserais volontairement afin que vous puissiez informer les autres apiculteurs de la région. Est- ce ainsi que cela fonctionne? Envoyez-vous un message? Comment l'information est-elle communiquée?

M. Scarlett : Nous tâcherons de régler cette question dans notre demande de subvention.

La sénatrice Eaton : À qui s'adresse votre demande de subvention?

M. Scarlett : Elle s'adresse à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Une bonne part de l'information passe par les apiculteurs des provinces. Chaque gouvernement provincial a un employé responsable des abeilles. Comme vous le savez, l'agriculture est une responsabilité conjointe du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux.

La sénatrice Eaton : Effectivement.

M. Scarlett : La plupart des provinces ont leur propre loi sur les abeilles.

La sénatrice Eaton : Il n'y a pas de loi nationale. Toutes les lois provinciales sur les abeilles sont-elles normalisées ou différentes?

M. Scarlett : Elles sont toutes différentes.

La sénatrice Eaton : Voilà un autre exemple de fonctionnement en vase clos.

M. Scarlett : Pour revenir à votre question de départ, il n'y a pas de stratégie nationale pour les abeilles. En ce qui concerne la salubrité des aliments, les exploitations productrices de miel doivent être enregistrées auprès de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. À l'heure actuelle, nous sommes à l'étape finale de notre propre programme de salubrité alimentaire volontaire, qui constitue un petit élément de l'ensemble. Nous envisageons une stratégie d'autonomie nationale, qui constitue un élément de la réponse au problème, mais pas une solution complète.

Bref, la véritable réponse à votre question est qu'il n'y a encore rien, mais que nous travaillons à des étapes pour arriver à ce que nous recherchons.

La sénatrice Eaton : Serait-il bon d'avoir une recommandation sur l'établissement d'une norme nationale de gestion des abeilles domestiques? Ou notre pays est-il trop grand pour une norme nationale dans ce domaine?

M. Scarlett : Chaque apiculteur est un entrepreneur indépendant, qui exploite son affaire à sa façon. Je ne suis pas sûr qu'une normalisation de l'exploitation fonctionne, vu toute la gamme de différences dans la façon dont les gens gèrent leurs exploitations.

La sénatrice Eaton : Qu'en est-il de la biosécurité nationale? Si quelque chose se produisait en Alberta, au Québec ou ailleurs, cette information serait transmise partout au pays.

M. Scarlett : La nécessité d'une norme nationale de biosécurité s'appliquant d'une province à l'autre ne fait aucun doute et j'espère bien que nous en adopterons une. Le volet des rapports, que vous évoquez dans votre question, reste à élaborer. Nous avons élaboré le plan, mais il en est encore à ses balbutiements.

Le plan de biosécurité a été achevé un peu plus tôt cette année seulement et distribué aux apiculteurs partout au Canada. La question est maintenant de savoir comment nous le mettons en œuvre. Que faisons-nous pour nous assurer que les apiculteurs puissent adopter tout ou partie du plan?

La sénatrice Eaton : S'ils veulent l'adopter.

M. Scarlett : Effectivement. Il nous reste une myriade de problèmes majeurs à régler dans le volet exploitation du plan sur la biosécurité. C'est parfois une question d'argent, parfois un problème dans les rapports entre les provinces et le gouvernement fédéral, et parfois aussi une question de savoir qui fait quoi et à quel moment. Nous sommes aux prises avec ces questions, mais nous allons nous efforcer de les régler.

Le président : Le comité entend être votre partenaire.

M. Scarlett : Je vous en remercie.

Le sénateur Robichaud : Vous représentez les producteurs de miel. Quelle part du revenu de vos membres provient du miel et quelle part de la location de ruches aux agriculteurs?

M. Scarlett : Comme je l'ai dit, cela a changé de façon radicale. J'aimerais pouvoir vous donner un pourcentage absolu, mais je crains de ne pas être en mesure de le faire. Laissez-moi vous donner un exemple. Je crois que l'Alberta utilise environ 70 000 colonies pour la pollinisation du canola, mais cela n'exclut pas le reste. Les apiculteurs obtiennent quand même une production de miel. Même chose pour les bleuets ou les canneberges. Les colonies qu'on loue pour la pollinisation reviennent et produisent quand même du miel — juste moins. Le revenu de location pour les apiculteurs fluctue entre 125 $ et 175 $ par colonie, selon la culture, canneberge ou canola.

Le sénateur Robichaud : Vous dites que les ruches louées ne produisent pas autant de miel?

M. Scarlett : C'est exact. Ces ruches ne sont pas vouées à la production de miel, mais à la pollinisation. Les canneberges et les bleuets, en particulier, ne sont pas de très bonnes cultures pour la production de miel.

Le sénateur Robichaud : Non?

M. Scarlett : Elles ne sont pas aussi nutritives que d'autres. À ce que je comprends, d'ailleurs, il faut presque apporter des suppléments d'alimentation aux colonies, pendant qu'elles effectuent la pollinisation.

Pour le canola, là encore, les ruches ne sont pas exploitées pour la production de miel, mais pour la pollinisation. Les niveaux de concentration visent à ce qu'autant de fleurs que possible soient pollinisées. La situation est différente de celle que l'on pourrait avoir quand des colonies sont installées à côté d'une exploitation commerciale de canola, mais reste loin d'atteindre ce type d'intensité.

Le sénateur Robichaud : Je suis un peu perdu, mais cela va peut-être finir par s'éclaircir.

M. Scarlett : Pour le canola, la faiblesse de la production de miel tient au niveau de concentration de la colonie, alors que pour les bleuets et les canneberges, elle tient à la faible valeur nutritive des fleurs.

Le sénateur Robichaud : Les producteurs de bleuets devraient donc avoir des fleurs autour de leurs exploitations pour que les abeilles aient une autre source d'alimentation?

M. Scarlett : Comme je l'ai dit, une bonne part des apiculteurs qui installent leurs colonies pour assurer la pollinisation leur apporte un supplément nutritif. Je doute que les producteurs de bleuets eux-mêmes se soucient beaucoup de planter des fleurs. Ce à quoi ils tiennent c'est à faire polliniser leur culture.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Scarlett, évidemment on craint toujours la transmission de maladies, parfois autant pour les humains que pour les animaux. Vous avez parlé que vous importiez des reines d'autres pays. Est-ce que vous craignez la transmission de maladies qui pourraient venir de l'extérieur?

[Traduction]

M. Scarlett : Certainement et c'est d'ailleurs une des questions sur laquelle se penche l'ACIA constamment. Elle fait des évaluations du risque. Il en va des abeilles comme du bétail ou des moutons. L'importation d'autres pays comporte un risque inhérent. Il ne faut pas le perdre de vue. Savoir si les apiculteurs sont prêts à accepter ce risque, par contre, est une autre question. Selon moi, on devrait laisser les apiculteurs déterminer si le risque est acceptable ou non.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Peut-être juste une question complémentaire. J'imagine que les abeilles arrivent aux frontières. Aux frontières, on sait qu'il y a des bureaux d'agriculture est-ce que ce sont eux qui vérifient la provenance? Est-ce qu'il y a des inspections qui sont faites aux frontières lorsque les abeilles arrivent?

[Traduction]

M. Scarlett : Oui, je pense que la plupart des reines sont inspectées. Quand nous avons eu une éclosion de petits coléoptères des ruches au Canada, à la suite de l'importation de reines, les inspections ont vraiment commencé à se multiplier et presque toutes les reines en ont fait l'objet. D'habitude, ce sont les apiculteurs de la province eux-mêmes qui effectuent l'inspection, mais cela se fait.

[Français]

Le sénateur Maltais : J'espère que vous ne trouvez pas l'interrogation trop lourde, mais soyez assuré que nous sommes très heureux de vous recevoir.

J'aurais une question qui me chicotte, et je ne sais pas si vous allez pouvoir me répondre. On parle de concentration d'au-delà de 80 p. 100 de production de miel dans le centre du Canada, dans les trois provinces. Je crois que l'Ontario, le Québec et les Maritimes produisent également du miel. J'ai remarqué dans certaines recherches, certains rapports, qu'il y a deux endroits au Canada où ils sont peu affectés. Pourtant, ce sont deux antipodes, l'île Victoria et Terre- Neuve.

Est-ce que l'air salant est bon pour ses majestés, les reines, et est-ce qu'il y a une raison qui explique ça? Parce que ce sont des endroits où il y a très peu de pesticides. À l'île Victoria je sais qu'ils emploient très peu de pesticides, et à Terre- Neuve, le pesticide gèle en tombant, donc il n'est pas dangereux.

Est-ce qu'on peut vraiment être sûrs? Vous représentez les producteurs, peut-être que vous êtes un apiculteur vous- même, je ne sais pas, mais moi j'ai tendance à croire que le problème avec nos abeilles provient des insecticides qui sont lâchés à la grandeur non seulement du Canada, mais une partie de l'Europe et des États-Unis. Qu'est-ce que vous répondriez à ça?

[Traduction]

M. Scarlett : Sauf le respect que je vous dois, je ne suis pas convaincu que les pesticides soient le principal souci des apiculteurs canadiens. Vous avez parlé de l'île de Vancouver et de Terre-Neuve. Or, Terre-Neuve n'est pas membre du Conseil canadien du miel. Peut-être n'y a-t-il pas assez de colonies pour que l'adhésion en vaille la peine. Quant à l'île de Vancouver, on y a connu des problèmes de survie hiémale cette année : les pertes durant l'hiver ont été relativement significatives.

Tout ce que je peux dire est que, selon l'endroit où l'on se trouve, il peut y avoir différentes causes aux problèmes que vivent les colonies. Cela peut être lié à la monoculture, aux pesticides, aux pathogènes ou aux ravageurs, mais chaque exploitation est différente. J'espère que le comité s'attachera à toute la gamme des problèmes, sans être obnubilé par la question des pesticides. Oui c'est une question extrêmement importante, qui a beaucoup nui à bon nombre d'apiculteurs au Québec et en Ontario et qu'il convient de régler. Mais il y a des questions plus larges et tout aussi importantes sur lesquelles j'espère que votre comité se penchera.

[Français]

Le sénateur Maltais : Prenons l'exemple de Victoria, en Colombie-Britannique. Les abeilles de Victoria sont quand même les plus chanceuses au Canada : elles ont le plus extraordinaire des jardins, Butchart Garden, où il y a les plus belles fleurs au Canada. Elles devraient donc être en santé et produire du bon miel. Mais là n'est pas la question.

Le sénateur Dagenais a posé une question rapide : l'inspection des reines, lorsqu'elles arrivent au Canada. Comment les douaniers inspectent-ils la reine pour voir si elle est en santé ou pas? Comment procèdent-ils pour inspecter sa majesté qui arrive à la frontière? Avec un scanner?

[Traduction]

M. Scarlett : Une partie de l'inspection est visuelle. C'est indubitablement la méthode la plus commune, mais l'ACIA a établi des limites, des régions au sein desquelles on peut produire ces reines, et ce en fonction de certains paramètres. L'ACIA inspecte donc ces producteurs, ces exploitations exportatrices. C'est un autre volet de l'approche. On ne peut pas sortir la reine de sa cage, la mettre sous un microscope, l'examiner en détail et la replacer. Ce n'est pas faisable.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ma question peut vous sembler futile, mais je suis convaincu que personne autour de la table n'a déjà inspecté une reine.

Le sénateur Rivard : Merci, monsieur le président. En février de cette année, il y a un candidat à la maîtrise à l'Université Laval, M. Olivier Samson Robert, dont l'étude démontrait que, lorsque des ruchers sont situés à cinq kilomètres d'un endroit où il y a eu des semences traitées avec des néonicotinoïdes, les risques de contamination sont à peu près nuls.

Est-ce qu'on pourrait, à ce moment-là, comme première mesure de précaution, suggérer que les ruchers soient à au moins cinq kilomètres, parce qu'il est prouvé que les abeilles butinent très rarement au-delà d'un rayon de cinq kilomètres. Donc comme première mesure, indiquer aux producteurs de s'éloigner d'un champ qui a été traité. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

M. Scarlett : C'est une mesure qu'on pourrait envisager, mais qui risque d'être difficile à appliquer dans la pratique, vu le fait que, par exemple, dans le sud l'Ontario, la quantité de maïs et de soja cultivée limiterait la possibilité pour un apiculteur d'avoir une exploitation. Il y va sans doute de même dans certaines zones du sud du Québec, où on cultive du maïs. Il faudrait alors que les apiculteurs se retirent entièrement de ces zones. Et ce n'est certainement pas la solution que recherchent les apiculteurs. Ce qu'ils voudraient, c'est une approche coopérative permettant d'atténuer les risques, afin que tant l'apiculteur que l'agriculteur puissent avoir une exploitation viable.

[Français]

Le sénateur Rivard : En supposant que ce n'est pas applicable, comme vous le dites, est-ce que vous croyez cette statistique que des abeilles butinent rarement, qu'elles ne dépassent pas cinq kilomètres en moyenne, est-ce que c'est vrai? Est-ce que ce sont des informations que vous détenez?

[Traduction]

M. Scarlett : Je crois que c'est vrai. On m'a dit que les abeilles parcouraient approximativement de deux à deux kilomètres et demi en toute direction, lors de leurs vols pour amasser du pollen.

La sénatrice Tardif : Vous avez indiqué à plusieurs reprises dans votre exposé ce matin, la nécessité de faire d'autres recherches. Selon vous, quels sont les domaines essentiels? Quels sont les domaines où nous avons besoin de recherches, à ce stade précis?

M. Scarlett : À ce stade précis, il faudrait, selon moi, s'attacher à l'effet combiné des pesticides, des virus, des pathogènes et des ravageurs. En effet, il y a eu de la recherche sur les néonicotinoïdes, mais rien sur les effets combinés des néonicotinoïdes, des fongicides ou de fortes concentrations d'acariens varroa ou de noséma. Il s'agirait de savoir quels sont les effets cumulatifs de tout cela et, dans ces effets cumulatifs, quels sont les seuils déclencheurs. Selon moi, c'est dans ces domaines que l'on manque de données probantes et, de ce fait, tout un chacun en arrive à décider de son propre chef que cela tient à ceci ou cela, sans nécessairement de base scientifique ou vérifiable.

La sénatrice Tardif : Il s'agit donc d'un effet cumulatif entre tous les facteurs qui entrent en jeu et que vous venez d'évoquer?

M. Scarlett : Effectivement. Quel effet devient dominant et nuit-il à la santé du pollinisateur, l'abeille?

La sénatrice Tardif : Je vous remercie.

Le sénateur Robichaud : Mettons que je veuille devenir apiculteur et souhaite importer des abeilles. Est-ce que je dois m'inscrire quelque part, faire partie d'une association, avant de lancer mon exploitation et d'importer des abeilles?

M. Scarlett : Ça dépend de l'endroit où vous vous trouvez. Comme je l'ai dit, chaque province a sa propre loi sur les abeilles. Dans certaines provinces, les apiculteurs doivent s'enregistrer. Dans d'autres, l'inscription est volontaire. Il y a aussi des provinces où il y a des commissions et où il faut 50 ruches avant de devoir s'inscrire. Cela diffère selon la province.

La sénatrice Eaton : Monsieur Scarlett, je ne sais pas si vous êtes le mieux placé pour répondre cette question, mais y a-t-il des apiculteurs migratoires qui ont une exploitation commerciale?

M. Scarlett : Oui, c'est sûr. Il y a des apiculteurs de l'Ontario qui transportent leurs colonies au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse pour polliniser les cultures de bleuets. Nous avons en Alberta des apiculteurs dont les colonies passent l'hiver dans le sud de la Colombie-Britannique et y pollinisent les cultures. C'est loin d'être aussi fréquent qu'aux États-Unis pour la culture des amandes, mais plus cela va, plus c'est usuel au Canada.

La sénatrice Eaton : Est-ce susceptible d'entraîner la propagation des maladies?

M. Scarlett : C'est une possibilité, et une préoccupation pour les Américains, préoccupations que les apiculteurs canadiens vont devoir partager. Il va falloir suivre de plus en plus près le transfert interprovincial et interrégional d'abeilles. C'est une évolution tellement récente dans le secteur qu'on ne s'y est pas beaucoup attaché. Mais c'est primordial pour la biosécurité des abeilles.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Scarlett, je sais qu'au Québec, il y a un programme d'assurance stabilisation de revenus pour les apiculteurs enregistrés. Pouvez-vous me dire si cela existe dans toutes les autres provinces?

[Traduction]

M. Scarlett : Il existe dans certaines provinces des programmes couvrant la survie hiémale et dans d'autres provinces, des programmes couvrant la production de miel, mais rien d'universel qui s'appliquerait dans toutes les provinces.

Le sénateur Maltais : Merci.

Le président : Monsieur Scarlett, je vous remercie sincèrement de la contribution que vous avez apportée au nom du Conseil canadien du miel. Vu que vous êtes notre premier témoin, je tiens à préciser que l'ordre de renvoi au comité nous donne le mandat d'aider à fournir à toutes les parties prenantes les données scientifiques voulues pour permettre aux agriculteurs et à l'industrie agroalimentaire d'aller de l'avant.

J'imagine que vous allez continuer à suivre ce qui se passe dans notre comité. N'hésitez surtout pas à intervenir en appelant le greffier et en fournissant des données, si vous le souhaitez.

L'un de vos graphiques indique que, en 2012 et 2013, les pertes hivernales, enregistrées d'abord en Alberta, se sont propagées à la Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick, à l'Ontario, au Québec et même au Manitoba et ont décimé de 24 à 47 p. 100 de nos colonies. Pourriez-vous nous fournir un graphique similaire pour les années 2009-2010 ou avez- vous ces renseignements avec vous ce matin?

M. Scarlett : Je peux fournir ce graphique et je peux vous donner une estimation approximative du pourcentage des pertes hivernales à l'échelle du Canada, dans un autre graphique.

Le président : Pourriez-vous vous engager à le faire officiellement?

M. Scarlett : Entendu.

Le président : Pourriez-vous suggérer au comité des témoins ou des visites, au Canada ou en Amérique du Nord, d'une infrastructure en matière de données scientifiques susceptibles de nous permettre d'approfondir nos connaissances?

M. Scarlett : Pourrais-je y réfléchir?

Le président : Bien sûr.

M. Scarlett : J'ai très envie de suggérer au comité de visiter une opération apicole, afin de mieux saisir les tenants et les aboutissants d'une exploitation de ce type, la biosécurité et la sécurité alimentaire. Ce serait déjà une suggestion. J'aimerais vous revenir avec d'autres suggestions, après avoir consulté notre conseil d'administration, peut-être.

Le président : Nous vous en remercions. J'aurais un dernier commentaire, en tant que président : les ministères de l'Agriculture des provinces nous demandaient d'effectuer l'étude et sont heureux de voir le Sénat se pencher sur la situation particulière des abeilles.

Merci encore à M. Scarlett, qui représentait le Conseil canadien du miel.

Chers collègues, je déclare maintenant la séance levée.

(La séance est levée.)


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