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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 20 - Témoignages du 18 mai 2017


OTTAWA, le jeudi 18 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 34, pour examiner la teneur des éléments des sections 3, 8, 18 et 20 de la partie 4 du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue, chers collègues, invités et membres du grand public qui regardent les procédures d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, soit, ici, dans la salle, soit sur le web. Je m'appelle David Tkachuk et je suis le président du comité.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude de la teneur du projet de loi C-44, la Loi no 1 portant exécution du budget de 2017, et plus particulièrement les sections 3, 8, 18 et 20 de la partie 4 du projet de loi.

Honorables sénateurs, sachez que notre comité doit présenter ses constatations au Sénat d'ici le mercredi 7 juin 2017.

Nous accueillons trois groupes de témoins aujourd'hui. Pour commencer, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Darren Hannah, vice-président, Finances, risques et politique prudentielle de l'Association des banquiers canadiens. Il est ici pour discuter de la section 3 sur la stabilité du secteur financier.

Darren Hannah, vice-président, Finances, risques et politique prudentielle, Association des banquiers canadiens : Je tiens à remercier le comité d'avoir invité l'Association des banquiers canadiens afin de discuter de la section 3 de la partie 4 du projet de loi C-44.

Mesdames et messieurs, comme vous vous en souviendrez, j'ai comparu ici dans le cadre de votre étude du projet de loi C-15 en mai 2016. Ce projet de loi a permis l'adoption du cadre législatif du régime de recapitalisation interne du Canada, que nous continuons d'appuyer.

Je m'appelle Darren Hannah. Je suis vice-président, Finances, risques et politique prudentielle de l'Association des banquiers canadiens. L'ABC représente 62 banques membres, soit des banques canadiennes ainsi que des filiales et des succursales de banques étrangères exerçant des activités au Canada et leurs 280 000 employés.

Des banques saines et solides aident les familles à acheter une maison, les individus à épargner pour la retraite, les petites entreprises à croître et l'économie à performer. Au Canada, plus de la moitié du crédit consenti aux entreprises est fourni par les banques. En effet, les chiffres de septembre 2016 montrent que le crédit accordé par les banques dépassait un billion de dollars, une hausse d'environ 4 p. 100 par rapport à l'année précédente et de 30 p. 100 comparativement aux chiffres de septembre 2011.

Les banques au Canada sont des prêteurs prudents, qui s'efforcent de rendre le crédit accessible aux individus et aux sociétés solvables. Cette approche est une des raisons clés expliquant comment les banques au Canada ont pu éviter les difficultés financières vécues par les banques dans d'autres pays. Maintenir ce principe fondamental de prudence dans l'octroi du crédit est important pour le système bancaire canadien et s'inscrit dans l'intérêt supérieur de tous les Canadiens.

Les amendements proposés par le projet de loi C-44 sont techniques et visent à raffermir davantage le régime de règlement des banques au Canada. Ces changements conduiront aux mesures suivantes : désigner officiellement la Société d'assurance-dépôts du Canada comme autorité de règlement pour ses institutions membres; exiger que les plus grandes banques au Canada élaborent et soumettent des plans de règlement; accorder au surintendant des institutions financières une plus grande souplesse pour établir et administrer les exigences obligeant les banques d'importance systémique nationale à maintenir une capacité minimale d'absorber les pertes à la suite d'un règlement.

Au cours de la crise financière, de grandes perturbations ont secoué le système financier mondial. Ailleurs, de nombreuses banques se sont retrouvées dans une situation de détresse financière, ce qui a conduit soit à leur perte soit à un recours aux deniers publics pour les sauver. Il en était autrement au Canada, où aucune banque n'a couru le risque de faire faillite et aucun repêchage de la part du gouvernement n'a été nécessaire. En effet, à la veille de la crise financière mondiale, les banques du Canada étaient bien capitalisées, bien gérées et bien réglementées. Elles le demeurent à ce jour.

Comme vous le savez, dans la foulée de la crise, d'importants changements ont été apportés aux normes bancaires internationales afin de réduire les risques au sein du secteur bancaire mondial et de contribuer ainsi à éviter une autre crise financière. Les nouvelles normes sont établies au niveau international, mais il revient à chaque autorité territoriale de les mettre en œuvre et de veiller à leur application.

La crise financière a prouvé l'importance pour les banques, et surtout les grandes banques mondiales, de prévoir un plan leur permettant de liquider leurs opérations avec le moins de perturbation possible pour le système financier dans son ensemble. Ce plan est appelé plan de règlement.

Il importe de signaler que, depuis quelques années, la Société d'assurance-dépôts du Canada joue le rôle non officiel d'organisme de règlement pour ses institutions membres, demandant aux plus grandes banques du Canada d'élaborer et de soumettre des plans de règlement. Nous n'avons donc aucune préoccupation à l'égard de la codification des pouvoirs de la Société d'assurance-dépôts du Canada au moyen du texte de loi pertinent.

Un élément clé du programme de réforme des finances mondiales est la recapitalisation interne des banques. L'idée initiale émane du Conseil de stabilité financière, organe établi en 2009 afin de surveiller le système financier mondial et de soumettre des recommandations.

En 2011, le Conseil de stabilité financière a publié un rapport intitulé Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial Institutions, où il présente les grandes lignes d'un régime de règlement pour les banques visant la protection des contribuables. Ce régime a été officiellement approuvé par le G20 en novembre 2011, lors d'une réforme plus large du secteur financier.

Par la suite, le gouvernement fédéral a commencé à explorer les possibilités de mettre en place un régime de recapitalisation interne pour les banques d'importance systémique nationale au Canada.

Le projet de loi C-15, adopté l'année dernière par le Parlement, a établi le cadre législatif de ce régime de recapitalisation interne. Nous collaborons étroitement avec le gouvernement à l'élaboration de règlements et de lignes directrices destinés à établir d'autres caractéristiques du régime de règlement des banques. Nous serons heureux de présenter notre point de vue sur le projet de règlement et de lignes directrices une fois qu'il aura été publié.

En somme, un régime de recapitalisation interne présente le cadre permettant la conversion de certaines dettes de créance à long terme en fonds propres, advenant la situation improbable où une banque épuiserait ses capitaux et serait en danger de faire faillite. Ce régime présente une stratégie permettant de rendre les actionnaires d'une telle banque et ses créanciers financièrement responsables des pertes, tout en protégeant les contribuables. En effet, au titre de ce régime, les dépôts ne font pas partie du règlement. Le régime de recapitalisation interne représente plutôt un niveau additionnel de protection pour les déposants en établissant la feuille de route pour qu'une banque soit recapitalisée et ne cesse pas ses activités.

En outre, les dépôts admissibles dans les banques au Canada sont déjà assurés par la Société d'assurance-dépôts du Canada à hauteur de 100 000 $ dans le cas improbable où une banque déclarerait faillite. Les clients des banques peuvent donc être rassurés : leurs dépôts demeurent en sécurité.

Le cadre de recapitalisation interne veille à ce que le Canada demeure conforme aux normes internationales approuvées par le G20. Par ailleurs, et même si le secteur bancaire canadien est solide et stable, ce cadre offre au gouvernement une autre possibilité de règlement bancaire. Nous appuyons ce cadre et serons heureux de poursuivre notre collaboration avec le gouvernement à mesure qu'il complète la réglementation en vue de mettre au point le régime de règlement des banques.

Merci encore de cette occasion de présenter notre point de vue. Je répondrai à présent à vos questions.

Le président : Merci.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Hannah. Je suis heureuse de vous revoir. Je suis bien sûr d'accord avec le projet de loi, mais je suis un peu préoccupée. Je vais vous expliquer.

Durant les « recours aux deniers publics pour sauver les banques », comme vous les avez appelés, aux États-Unis, les banques canadiennes possédant des succursales aux États-Unis ont reçu de l'argent des contribuables américains relativement à ces succursales en sol américain. Tout récemment, la nouvelle administration américaine a annoncé une réduction de la réglementation visant les banques.

Selon vous, cela produit-il un nouvel ensemble de conditions pour vos succursales et, par conséquent, vos maisons- maîtres au Canada? Selon vous, quel sera l'impact du projet de loi que nous étudions actuellement sur l'ensemble de vos activités?

Je sais que vous avez déjà mis en place volontairement la plupart des mesures prévues par ces dispositions, mais est- ce le cas de vos succursales en sol américain? J'aimerais comprendre où vous vous situez relativement au contexte nord- américain.

M. Hannah : Merci de la question. C'est une question à plusieurs volets.

Pour commencer, sachez que je ne vais pas essayer de spéculer sur l'avenir de la situation réglementaire aux États- Unis. La situation là-bas est en train de devenir un sport de spectateur en soi.

Je dois cependant dire que les États-Unis possèdent leur propre cadre réglementaire solide qui leur est propre et que les banques canadiennes présentes là-bas le respectent.

Cela dit, notre intérêt principal, ici, et la raison pour laquelle nous soutenons le projet de loi, c'est, au bout du compte, pour assurer la stabilité financière au Canada pour les Canadiens, et nous croyons que le projet de loi permet de le faire.

En tant qu'institutions internationales, les banques canadiennes respectent les cadres réglementaires en vigueur dans chacune des administrations où elles sont présentes. Elles reconnaissent ce fait et elles œuvrent dans ces marchés en connaissance de cause et elles agissent en conséquence. Cependant, elles demeurent des institutions financières canadiennes et elles en sont fières.

La sénatrice Ringuette : Eh bien, la réduction de la réglementation bancaire aux États-Unis n'est pas que pure spéculation : elle a été annoncée officiellement pas la Maison-Blanche.

Je comprends que vous voyez le projet de loi d'un aussi bon œil.

Le sénateur Wetston : Merci d'être là aujourd'hui.

Je veux aborder la question un peu différemment parce que ces régimes de règlement font l'objet de discussions depuis plusieurs années, comme vous l'avez dit, et ce, principalement grâce au soutien et aux travaux du Conseil de stabilité financière, des Accords de Bâle, d'une importante participation européenne et américaine, soit les importantes administrations qui ont été exposées davantage à la défaillance des banques mondiales que ne l'a été le Canada durant la crise financière. Je crois que c'est quelque chose que vous avez aussi mentionné.

Permettez-moi de vous poser une ou deux questions sur ces régimes de règlement. Par exemple, il y a beaucoup d'activités aux États-Unis, et les banques canadiennes sont très présentes là-bas. Nous ne savons pas encore quelle sera la portée de la réforme réglementaire Dodd-Frank. Nous voyons quelques signes, mais nous ne connaissons pas encore la portée de cette réforme. Je suis donc plus ou moins d'accord avec votre idée d'attendre pour voir ce qui se produira là-bas... Je vous mets un peu les mots dans la bouche.

La coopération transfrontalière est essentielle, parce que si des institutions sont défaillantes dans une autre administration, alors, l'administration qui abrite le siège social de la banque en question éprouvera des préoccupations quant à ce qu'elle peut faire et la façon dont elle sera touchée. Il y a beaucoup de coopération transfrontalière, et le CSF, bien sûr, a tenté d'essayer d'amorcer certains efforts de coopération.

Étant donné la situation canado-américaine, comment entrevoyez-vous la réaction de l'ABC en ce qui a trait à la coopération transfrontalière en cas de défaillance aux États-Unis qui a des répercussions, ici au Canada, et qui a un impact sur les banques canadiennes?

M. Hannah : Je crois que, là où vous voulez en venir, c'est à la notion des normes de fonds individuels sur lesquels les organismes de réglementation à l'échelle internationale travaillent depuis un certain temps et qui est tout à fait liée à ce que vous dites. De quelle façon peut-on gérer le risque de contagion transfrontalière? Ce qu'on a décidé de faire, c'est de demander aux institutions de cerner les fonds propres dans chacune de leurs filiales et succursales réglementées et ce qui se passerait en période difficile pour essayer de s'attaquer au problème, c'est-à-dire dans quelle mesure il serait possible ou non d'avoir accès à des capitaux étrangers. Si ce n'est pas possible, y a-t-il suffisamment de réserves au pays pour s'assurer de pouvoir, indépendamment, poursuivre ses activités? Assurément, c'est une question sur laquelle les organismes de réglementation se sont penchés et sur laquelle ils travaillent depuis un certain temps parce qu'ils ont soulevé exactement le même point que celui que vous avez soulevé.

Le sénateur Wetston : Ce que je veux souligner, c'est que cela exigera une importante confiance d'un gouvernement à l'égard d'un autre, d'un organisme de réglementation à l'égard d'un autre. Qu'il s'agisse de valeurs mobilières, des services bancaires ou d'assurance-dépôts — du fait de la SADC —, la question de la confiance sera vraiment centrale. Une administration devra se fier à une autre administration tandis qu'elle s'acquitte de ses fonctions de conformité et de vérification pour gérer le règlement, qui pourrait aussi faire intervenir des questions d'insolvabilité et de faillite. Est- ce que l'ABC a regardé la situation de ce point de vue et a travaillé en collaboration avec les banques sur ces genres d'enjeux? Parce qu'il est question ici de confiance entre gouvernements, pas seulement des banques et de leurs filiales.

M. Hannah : Nous travaillons en collaboration avec nos membres sur un large éventail d'enjeux associés à la réglementation découlant du travail, soit du BSIF, soit de tout autre organisme de réglementation avec lequel ils interagissent dans le contexte canadien.

Assurément, je peux vous dire que, depuis la crise financière, toute la question de l'importance et de la nécessité pour les organismes de réglementation de communiquer les uns avec les autres de part et d'autre des frontières et à l'interne — au sein des administrations, aussi — est devenue cruciale; c'est l'une des conclusions qui ont été tirées de tout ça. Est-ce que nous travaillons de pair avec nos membres sur ces questions? Assurément, dans la mesure où ces questions ou propositions réglementaires s'appliquent au contexte canadien.

La sénatrice Moncion : Merci d'être là.

Les changements prévus dans le projet de loi sont minimes et auront un impact minime sur les activités des banques. Je le comprends bien. Quel sera l'impact des IFRS sur vous?

M. Hannah : C'est difficile de parler de l'impact précis. Différents éléments entrent en ligne de compte, les IFRS 9. Il faut s'attendre à certains changements touchant les rapports financiers. Et à certaines répercussions potentielles sur la façon dont les rapports financiers sont présentés.

Au bout du compte, ce qui importe, c'est la solidité financière de l'institution. C'est une chose qui ne change pas. Les règles comptables changeront seulement la façon dont il faut prouver la solidité et la façon dont les résultats financiers sont présentés. Ce qui importe vraiment, au bout du compte, c'est une solide gestion et une solide prise de décisions au sein des institutions. Tout ça ne change pas, peu importe les méthodes choisies ou les méthodes qu'il faut utiliser pour présenter les rapports financiers, au bout du compte.

La sénatrice Moncion : En ce qui a trait aux provisions pour prêts, vous allez devoir y consacrer plus d'argent. Par conséquent, vous allez ajouter une autre couche de protection à la stabilité financière à un moment donné.

M. Hannah : Comme je l'ai dit, il y aura assurément une incidence sur les rapports financiers et sur la façon de rendre des comptes, mais, au bout du compte, les choses ne changeront pas du point de vue des institutions financières. Le jugement foncièrement prudent est, au final, ce qui fait la différence entre la réussite et l'échec. Ce n'est pas une question de reddition de comptes. La reddition de comptes a un impact, mais, essentiellement, ce qui fait la force des banques canadiennes, c'est une prise de décisions prudente, et là, rien ne change.

La sénatrice Moncion : Par conséquent, le contenu du projet de loi actuel n'est pas problématique pour les banques. En parler éternellement ne changera rien aux modifications proposées, et celles-ci n'auront pas une incidence majeure sur les banques.

M. Hannah : Ce qu'il y a, ici, reflète les mesures proposées dans le projet de loi, et, de notre point de vue, on n'a fait que fournir des certitudes et proposer une codification de ce que les banques font déjà en collaboration avec leur organisme de réglementation afin d'accroître la capacité d'absorption de pertes, de travailler de pair avec la SADC, de mettre au point des plans de règlement efficaces et robustes. Nous sommes tous favorables à ces mesures, et cela ne change pas.

Le sénateur Massicotte : Je veux revenir sur la question posée par le sénateur Wetston.

Durant notre passage à New York, il y a une semaine, l'enjeu suivant a été soulevé : lorsqu'on atteint un certain niveau d'actifs... Comme vous le savez, ils gèrent essentiellement les banques étrangères, mais c'est un service différent de la Réserve fédérale, et la gestion est différente selon la taille. Ils mettent beaucoup l'accent sur l'existence de la société mère de la filiale. En d'autres mots, ils tentent de restreindre le plus possible toute contamination d'un problème d'un pays à l'autre. De toute évidence, ils n'ont aucun droit juridictionnel sur les banques et les entreprises canadiennes.

Pouvez-vous m'expliquer de quelle façon tout cela fonctionne? Je me souviens que, en 2008, il y a eu un important cri d'alarme en raison du fait que certaines banques étaient insolvables dans certains pays, et solvables dans d'autres.

Pouvez-vous m'expliquer comment tout cela fonctionne? De quelle façon les Canadiens peuvent-ils être protégés de façon à ce que tout problème de contamination aux États-Unis n'apparaisse pas ici et n'ait pas à être assumé par les déposants canadiens et, ce qui est encore plus important, pour qu'on n'ait pas à assumer les débentures ou les dettes qui, potentiellement, pourraient être converties dans une société mère?

M. Hannah : Comme je l'ai mentionné, il y a quelques choses qui se produiront ici.

Premièrement, dans le cadre du processus de planification de règlement en tant que tel, on est censé prévoir quelles seront les répercussions et de quelle façon la banque pourra maintenir sa stabilité financière et sa solvabilité. Il faut réfléchir à la nature des répercussions dans les différentes administrations et à ce qu'il faudra faire si les filiales dans différentes administrations commencent à se retrouver en détresse financière. Tout cela fait partie du processus de réflexion que les banques doivent entreprendre.

Les règles sur les fonds propres sont conçues pour permettre de s'assurer que les différentes filiales des banques dans le contexte canadien sont suffisamment saines et solides de façon à ce qu'elles puissent survivre si elles sont laissées à elles-mêmes.

De plus, dans d'autres administrations, selon la taille et la portée de l'institution, celle-ci peut avoir à présenter des plans de règlement dans les autres pays aussi, si ses filiales là-bas sont suffisamment importantes d'un point de vue relatif, pour être considérées comme d'importance systémique dans les pays en question.

Au bout du compte, on en revient, comme le sénateur Wetston l'a dit, à la question de la communication. Les organismes de réglementation doivent communiquer les uns avec les autres en cas de situation préoccupante commune.

Le sénateur Massicotte : Si je ne me trompe pas, le plan de règlement pour les filiales mondiales consolidées... Dans notre cas, on le fait précisément pour les actifs et les passifs canadiens. Est-ce que je me trompe?

M. Hannah : En effet, oui. Il faudra assurément préparer un plan de règlement pour l'institution à l'échelle internationale, et il faut regarder les choses du point de vue de ce qui arrivera aux filiales en territoire canadien et de la façon de s'assurer que ces filiales canadiennes sont solides.

Le sénateur Massicotte : Je me souviens que, en 2008, certaines banques ont laissé leurs filiales étrangères dépérir ou devenir insolvables afin de protéger la banque locale. Par conséquent, il faut faire les deux pour s'assurer que chaque banque pourrait survivre indépendamment à une crise financière.

Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Vous avez dit que, essentiellement, durant la crise financière, les banques canadiennes n'ont pas été touchées par la tourmente.

Grâce à ces nouveaux changements, vous avez fait preuve de la diligence requise dans le secteur bancaire, ce qui est bien. Cependant, cette fois-ci, on propose que le ministre des Finances ait approuvé les règlements administratifs afin que quoi que ce soit entre en vigueur de votre côté. Est-ce que cela vous préoccupe?

M. Hannah : Il n'y a vraiment rien dans le projet de loi qui nous préoccupe à cet égard.

Les processus que le gouvernement estime nécessaires afin de confirmer que les organismes de réglementation ont les pouvoirs dont ils ont besoin sont, de notre point de vue, quasiment exogènes. C'est ce dont le gouvernement croit avoir besoin et ce dont les organismes de réglementation croient avoir besoin.

De notre point de vue, les banques travaillent en plus étroite collaboration avec leur organisme de réglementation afin de le convaincre qu'elles sont solides sur le plan prudentiel. Les banques travaillent en étroite collaboration avec le BSIF pour lui fournir une certaine certitude au sujet de la capitalisation des institutions. Il n'y a rien qui change, ici. Il n'y a rien dans le projet de loi que nous trouvons très préoccupant de ce point de vue.

Le sénateur Enverga : Mais le gouvernement n'aurait-il pas une mainmise sur vos règlements administratifs? Êtes- vous d'accord avec cela?

M. Hannah : De mon point de vue, il n'y a rien dans ces articles précis qui modifie vraiment la relation avec le BSIF en tant que tel. Le BSIF a beaucoup de pouvoir et de latitude concernant les activités des institutions financières actuelles. Assurément, nous voulons travailler en collaboration avec le BSIF pour nous assurer qu'il est convaincu que les banques sont bien gérées et qu'elles bénéficient d'une capitalisation suffisante et qu'elles s'appuient sur une solide gouvernance organisationnelle.

Le sénateur Massicotte : Puisque nous avons le privilège d'accueillir l'Association des banquiers canadiens, puis-je poser une question qui concerne d'autres parties du projet de loi à l'étude?

Le président : Je ne vois pas d'objection, tant que l'association accepte.

Le sénateur Massicotte : Notre étude porte en partie sur la Banque de l'infrastructure proposée. Je comprends, vu la nature du domaine, que vous ne voyez pas cette éventuelle banque comme un compétiteur. Ce ne sont pas des choses que vous feriez, parce que vous êtes principalement dans le domaine des créances. Est-ce que je me trompe?

M. Hannah : L'ABC n'a pas de position sur la Banque de l'infrastructure. Vous avez raison : ce n'est pas une banque dans la mesure où elle n'est pas constituée comme le serait une banque à charte. Elle ne sera pas là, à accepter des dépôts. En ce sens, l'étiquette « banque » est un peu un euphémisme. Les institutions peuvent choisir de faire affaire avec cette banque, mais c'est une décision commerciale. Du point de vue de l'ABC, nous n'avons pas de position à ce sujet parce que ce n'est pas vraiment un enjeu lié aux politiques bancaires.

Le sénateur Massicotte : Étant donné votre importante expérience acquise durant des années difficiles, et tout le reste, avez-vous des conseils à prodiguer sur la structure? Est-ce que la gouvernance est appropriée? Allons-nous dans la bonne direction? Est-ce que nous le regretterons dans 20 ans?

M. Hannah : Je ne suis pas la bonne personne pour répondre à cette question, monsieur le sénateur. Je suis sûr qu'il y a d'autres personnes plus qualifiées que moi pour répondre à ce genre de questions sur la conception organisationnelle.

Le sénateur Wetston : Vous rappelez-vous la crise du papier commercial adossé à des actifs au Canada?

M. Hannah : Oui.

Le sénateur Wetston : Si ces problèmes n'avaient pas été réglés, on parlait d'une crise d'une ampleur de quelque 30 milliards de dollars. Connaissiez-vous ce chiffre?

M. Hannah : Pas à brûle-pourpoint, mais je vous crois sur parole.

Le sénateur Wetston : De récents articles ont laissé entendre qu'il s'établissait à environ 30 milliards de dollars.

Ma question exige un petit préambule, monsieur le président.

C'est en fait la seule « crise financière » qui a été réglée par le secteur privé sans l'intervention gouvernementale. Le saviez-vous?

M. Hannah : Oui.

Le sénateur Wetston : Il y a cependant eu certaines mesures réglementaires, prises par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, dans ce dossier, et certaines banques ont aussi participé. Est-ce, encore là, quelque chose que vous saviez?

M. Hannah : Oui.

Le sénateur Wetston : Je pose la question parce que je ne me rappelle pas que la SADC ait participé de quelque façon que ce soit. Le savez-vous? Je ne suis pas sûr.

M. Hannah : Je n'ai pas participé personnellement, mais je ne me rappelle pas qu'on ait parlé de la SADC dans ce dossier.

Le sénateur Wetston : En ce qui a trait aux régimes de règlement proposés et de la trousse d'outils qui sera préparée, avez-vous une idée de ce qu'on pourrait trouver dans cette trousse?

Je sais qu'ils ont déjà de l'expérience en la matière et que, en fait, ce qui figure dans le projet de loi a été plus ou moins mis au point au cours des dernières années.

Parlez-moi un peu plus longuement de la trousse d'outils. J'aimerais que vous fassiez une supposition, ici. La crise du papier commercial adossé à des actifs n'a pas été réglée, et il y avait une crise bien réelle qu'il fallait gérer. Croyez- vous que la trousse d'outils aurait été suffisante pour régler ces problèmes?

M. Hannah : Il est difficile pour moi de répondre à une question précise au sujet de croyances. La SADC serait dans une bien meilleure situation que moi pour décrire sa trousse d'outils. De façon générale, plusieurs choses peuvent être faites. La SADC peut prendre le contrôle d'une institution. Elle peut exiger sa liquidation. Elle peut créer une banque relais, qui consiste en fait à séparer les bons actifs des mauvais actifs de l'institution, à lancer une nouvelle institution plus petite, mais solide sur le plan financier et à vendre les mauvais actifs de l'institution. Elle peut exiger la vente. De plus, bien sûr, elle peut aussi changer l'équipe de direction. Elle a donc un certain nombre d'options qui s'offrent à elle.

Le sénateur Wetston : Qui fait ça? La SADC ou le BSIF?

M. Hannah : L'autorité de règlement est la SADC.

Le sénateur Tannas : Il y a deux ou trois choses que je veux m'assurer de vraiment bien comprendre.

En ce qui concerne les dispositions de recapitalisation interne dont on parle, ici, les banques étrangères ne sont pas assujetties aux exigences de règlement par recapitalisation interne au Canada. Est-ce exact?

M. Hannah : Exact. L'exigence liée à la recapitalisation interne s'applique uniquement aux banques d'importance systémique nationale, c'est-à-dire les six plus grandes banques dont la liste a été établie par le BSIF.

Le sénateur Tannas : Êtes-vous au fait d'autres — simplement pour une meilleure protection — valeurs mobilières délivrées par des banques étrangères assorties d'une disposition de recapitalisation interne qui pourrait renflouer une succursale canadienne de leur institution?

M. Hannah : Pouvez-vous répéter? Je n'ai pas vraiment compris.

Le sénateur Tannas : Par exemple, est-ce que Citibank a des valeurs mobilières dans le marché qui permettrait la recapitalisation interne de Citibank Canada, par exemple?

M. Hannah : C'est une bonne question. Je ne connais pas la réponse.

Le sénateur Tannas : Pourriez-vous faire un suivi et nous le dire?

Nous avons tenu une discussion sur les banques étrangères et tout le reste, et j'ai l'impression que ce n'est pas pertinent parce que je ne crois pas que les banques étrangères possèdent des capitaux de recapitalisation interne qu'ils auraient prévus précisément pour le Canada. J'ai raison? Alors il n'y a aucune raison de nous en faire, sinon parce que nous exigeons que nos six grandes banques réservent une autre couche de capitaux alors que les autres banques auxquelles elles livrent concurrence n'ont pas à le faire.

L'autre question que je veux poser — et vous n'êtes peut-être pas la bonne personne à qui la poser — concerne les organismes de réglementation qui pourraient regarder ce qui se passe et dire : « Oh, attendez une minute, il y a maintenant une norme différente pour une filiale aux États-Unis ou à Hong Kong en ce qui concerne les exigences en matière de capitaux. » J'imagine que les organismes de réglementation doivent apporter des rajustements en coulisse pour s'assurer que tout le monde maintient le même niveau de fonds propres. Je veux le dire pour le compte rendu, parce que, selon moi, c'est la question que nous devrions nous poser.

Je ne vous la pose pas nécessairement à vous, monsieur Hannah. Nous y reviendrons peut-être en cours de route, après les interventions du sénateur Wetston et du sénateur Massicotte.

L'autre question que je voulais poser concerne les Normes internationales d'information financière, les IFRS, et la question de la sénatrice Moncion sur leur rôle. Si je vous ai bien compris, vous dites que les IFRS et la façon dont les institutions déclarent leurs résultats financiers n'ont aucun impact sur la façon dont les organismes de réglementation évaluent la solidité de leur capitalisation. Un bon exemple serait les actions privilégiées, qui, à une époque, faisaient partie des fonds propres des banques et qui sont maintenant comptabilisées, grâce aux IFRS, ailleurs. Les organismes de réglementation n'ont pas déchiré leur chemise en disant : « Oh, mon Dieu, vous avez perdu tous ces capitaux. » La valeur n'a pas changé. Ce qui a changé, c'est la façon de mesurer pour se conformer aux IFRS. Est-il selon vous juste de dire les choses ainsi?

M. Hannah : Ce que j'ai dit, pour être clair, c'est que, au bout du compte, ce qui détermine la force et la stabilité du secteur financier, c'est non pas la façon dont les données financières sont déclarées, mais la qualité sous-jacente des souscriptions, la qualité des décisions sur les prêts et la qualité du portefeuille.

Le sénateur Tannas : Et la qualité des capitaux propres, qui ne change pas.

M. Hannah : Et la qualité des capitaux propres, qui ne change pas.

Est-ce que les organismes de réglementation ont leur mot à dire quant à la façon dont les données financières sont déclarées? Ce doit assurément être le cas. Ils doivent se pencher sur cette question. Au bout du compte, cependant — c'est une question qu'il serait préférable de poser aux organismes de réglementation — de quelle façon peuvent-ils permettre des modifications des rapports financiers dans le cadre de leur processus décisionnel? C'est une question qu'il faudrait poser aux organismes de réglementation. Ils peuvent vous fournir une meilleure réponse que moi.

Le sénateur Tannas : Merci.

Le sénateur Massicotte : Je veux revenir sur votre réponse à la question. N'ai-je pas raison de dire que les besoins en capitaux sont, de façon générale, définis par des normes internationales et le comité qui est créé à l'échelle internationale pour appliquer, selon le risque systémique et ainsi de suite, ces normes, et que nous tentons de respecter ces normes et que, souvent, nous les dépassons pour être sûrs d'être considérés comme étant très sécuritaires?

M. Hannah : La réponse courte, c'est oui, mais, selon moi, le mot clé, ici, c'est « norme ».

Voici comment fonctionne le système réglementaire international : le Comité de Bâle et le CSF définissent les normes internationales, mais les décisions au sujet de la réglementation en tant que telle et la façon dont elle est appliquée se prennent à l'échelle nationale.

Le sénateur Massicotte : Cependant, en ce qui a trait à l'affirmation que nous nous retrouverons en position non concurrentielle si nos normes et pratiques sont beaucoup plus sévères que celles imposées aux banques américaines, par exemple, ne s'applique probablement pas, vu que nous tentons tous de suivre les mêmes règles internationales. Est-ce que je me trompe?

M. Hannah : Nous sommes toujours préoccupés par le besoin de nous assurer que les banques canadiennes sont compétitives. Nous tentons toujours de nous assurer que nous ne nous mettons pas nous-mêmes dans une position non concurrentielle.

Si tout le monde suit les mêmes règles à l'échelle internationale, il n'y aurait pas là de problème. Est-ce que tout le monde applique forcément les choses de la même façon? C'est une autre question. De mon point de vue, c'est une question distincte de celle de savoir s'il faut, oui ou non, donner ici aux organismes de réglementation une autorité et un pouvoir suffisants pour faire ce qu'ils estiment nécessaire de faire.

La sénatrice Ringuette : J'aimerais préciser quelque chose. Vous représentez 62 banques nationales. Six de ces banques sont considérées comme d'importance systémique...

M. Hannah : Je fais une précision : nous représentons 62 banques nationales et étrangères.

La sénatrice Ringuette : Exactement, mais le projet de loi indique que les six banques seront visées par les plans de surveillance liés à la recapitalisation interne mis en place par le BSIF.

Hier, la Société d'assurance-dépôts du Canada a dit qu'elle supervise 91 membres. Vous vous occupez donc de 56 banques nationales et étrangères. Puis, il y a toutes les autres institutions financières qui acceptent des dépôts et qui relèvent de la banque d'assurance-dépôts du Canada. J'aimerais savoir si vous avez quoi que ce soit à ajouter, ici, parce que j'avais l'impression que cette nouvelle proposition visant la banque d'assurance-dépôts du Canada n'exigeait pas des entités étrangères œuvrant au Canada qu'elles préparent un plan de recapitalisation interne.

J'ai peut-être mal compris, mais je veux confirmer que, au bout du compte, toutes les institutions financières se seront dotées d'un plan de recapitalisation interne. Six d'entre elles relèveront du BSIF, et les autres, de la banque d'assurance-dépôts.

M. Hannah : À titre de précision, toutes les banques à charte au Canada sont réglementées par le BSIF. Celles qui acceptent des dépôts sont de plus supervisées par la SADC, qui agit à titre d'organisme d'assurance-dépôts.

La sénatrice Ringuette : Exactement.

M. Hannah : Si n'importe laquelle de ces institutions est désignée comme d'importance systémique, elle devra, en plus, participer au régime de recapitalisation interne et elle doit présenter un plan de règlement à la SADC.

Cependant, toutes les institutions de dépôt au Canada, et toutes celles qui sont constituées sous le régime d'une loi fédérale sont réglementées par le BSIF. Quiconque accepte des dépôts et est constitué sous le régime d'une loi fédérale est assuré par l'intermédiaire de la SADC.

La sénatrice Ringuette : Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Hannah.

Je suis maintenant heureux d'accueillir les témoins suivants qui nous parleront de la section 18, sur la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada : Andrew Claerhout, directeur général principal, Infrastructures et ressources naturelles du Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, Mark Romoff, président et chef de la direction du Conseil canadien pour les partenariats public-privé, et Colleen Campbell, vice-présidente de BMO, Marchés des capitaux.

Monsieur Romoff, veuillez commencer.

Mark Romoff, président et chef de la direction, Conseil canadien pour les partenariats public-privé : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs, et merci au président et aux membres du comité de m'avoir invité à comparaître ce matin. Comme le président l'a mentionné, je suis président et chef de la direction du Conseil canadien pour les partenariats public-privé. Je suis heureux d'être ici pour vous parler du conseil.

Comme vous le savez peut-être, le conseil est une organisation sans but lucratif, non partisane et soutenue par ses membres qui compte de nombreux représentants dans tous les échelons gouvernementaux du Canada et au sein du secteur privé. Sa mission consiste à promouvoir des approches intelligentes, novatrices et modernes en matière de développement de l'infrastructure et de prestation des services grâce à des partenariats public-privé, les PPP, comme on les appelle souvent. Le conseil fait la promotion de politiques publiques fondées sur des données probantes à l'appui des PPP, de la sensibilisation des intervenants et de la collectivité sur les avantages économiques et sociaux des partenariats public-privé et la facilitation de l'adoption des pratiques exemplaires internationales.

Je tiens à souligner que le conseil n'est pas un groupe de lobbying. Nous travaillons plutôt en tant que partenaires avec les gouvernements pour leur permettre d'obtenir les meilleurs résultats possibles et la meilleure valeur possible pour les contribuables dans le cadre de leurs investissements respectifs en matière d'infrastructure.

Le conseil est heureux de se prononcer aujourd'hui en faveur du projet de loi C-44, et plus particulièrement en faveur de la loi habilitante de la Banque de l'infrastructure du Canada.

Comme vous le savez probablement, le Canada fait face à un très grand déficit en matière d'infrastructure que certains évaluent à jusqu'à 1 billion de dollars. Ce déficit mine la productivité, la croissance économique et le bien-être social des Canadiens. Pour ces raisons, de nouveaux investissements en infrastructure sont absolument essentiels, parce que nous savons tous que ce type d'investissement favorise la création d'emplois, la productivité, la croissance économique, la prospérité et la compétitivité à l'échelle internationale.

Le conseil est heureux de constater que les gouvernements successifs ont reconnu cette réalité et ont consacré des ressources historiques afin de combler les lacunes en matière d'infrastructure au pays. À cet égard, l'investissement fédéral sans précédent et ambitieux de 186 milliards de dollars au cours des 12 prochaines années est digne de mention.

Cependant, le gouvernement ne peut pas et ne devrait pas avoir à tout faire seul. Les gouvernements ont des budgets limités et doivent affecter les fonds en fonction des différentes priorités contradictoires. Les dépenses des gouvernements à eux seules ne permettront pas de régler le problème lié à l'infrastructure. C'est la raison pour laquelle nous considérons la création de la Banque de l'infrastructure du Canada comme une initiative importante qui arrive à point nommé.

En même temps, le Canada a de la chance parce qu'il possède un secteur de l'infrastructure de classe mondiale et expérimenté qui investit massivement dans les actifs publics du pays. Il y a actuellement 258 projets de partenariat public-privé au pays, et les projets à l'étape de l'exploitation ou de la construction sont évalués aujourd'hui à plus de 122 milliards de dollars. Ce n'est pas un portefeuille insignifiant dans le contexte canadien. Ces projets permettent de construire un peu de tout, de nouveaux hôpitaux à des installations d'eau potable et d'eaux usées en passant par le transport en commun.

En faisant participer le secteur privé à la conception, à la construction, au financement, à l'entretien et, dans certains cas, à l'exploitation d'un actif à long terme en vertu d'un marché à prix fixe, le gouvernement fédéral est en mesure d'obtenir une infrastructure de haute qualité construite à temps et en respectant le budget tout en offrant une valeur exceptionnelle aux contribuables.

Le Canadian Centre for Economic Analysis a estimé de façon indépendante que les PPP ont permis aux Canadiens d'économiser jusqu'à 27 milliards de dollars au cours des 25 dernières années, depuis le début de tels partenariats. Ces projets sont réalisés 13 p. 100 plus rapidement que les projets réalisés de façon traditionnelle, ce qui a permis d'ajouter une valeur de 11 milliards de dollars au sein de l'économie canadienne. Faits plus importants encore, les PPP créent 115 000 emplois et génèrent 5 milliards de salaires supplémentaires, en moyenne, chaque année. Ces antécédents de réussite ont fait en sorte que l'approche canadienne en matière de PPP est reconnue à l'échelle mondiale comme étant la meilleure dans sa catégorie.

Il est important de souligner que les fruits de tous ces projets sont sous propriété et contrôle publics. Il ne s'agit en aucun cas d'une privatisation d'actifs gouvernementaux.

Nous savons que, d'un côté, les Canadiens se méfient de la privatisation, mais que, de l'autre, ils ont bien peu d'espoir de voir le gouvernement construire des infrastructures à temps ou sans important dépassement de coûts. C'est la raison pour laquelle nous avons constamment constaté que les PPP ralliaient le soutien de quelque 66 à 70 p. 100 des Canadiens, partout au pays, à la lumière d'un sondage récemment réalisé par Nanos Research.

Nous croyons que la Banque de l'infrastructure du Canada est la prochaine étape dans l'évolution des partenariats public-privé au Canada. Plus tôt cette semaine, j'ai eu le plaisir d'expliquer la situation au Comité des finances de la Chambre des communes.

Essentiellement, on peut résumer la situation comme ceci : Au Canada, la plupart des PPP sont réalisés en fonction de ce que j'appelle un modèle fondé sur la disponibilité. Cela signifie que, si le secteur privé livre un actif à temps et le maintien en bon état de fonctionnement, il sera payé au complet par le gouvernement. Même si c'est un modèle que l'on continuera d'utiliser souvent au Canada, particulièrement pour les infrastructures sociales, le gouvernement n'a pas vraiment optimisé totalement ses investissements dans le cadre de projets assortis d'un potentiel de génération de revenus. Si le gouvernement finance au complet les projets, il sera limité quant au nombre de projets qu'il peut réaliser.

D'un autre côté, les modèles de PPP fondés sur les revenus et les risques sont ceux dans le cadre desquels le gouvernement demande au secteur privé d'assumer les risques liés à la demande ou au volume associés aux projets. Dans le cadre des projets qui offrent des possibilités de revenu, le gouvernement peut en fait réduire la quantité d'argent qu'il doit dépenser pour réaliser le projet en tant que tel parce que le secteur privé récupérera une partie ou l'ensemble de ses investissements grâce à la source de revenus.

Pour dire les choses simplement, il y a un problème de fonds au Canada, pas un problème de financement. Il ne manque absolument pas de capitaux privés qui attendent d'être investis dans les infrastructures canadiennes. Nous croyons que, si on lui donne une structure appropriée, la Banque de l'infrastructure du Canada peut réduire les dépenses publiques générales en transférant le risque lié aux revenus tout en garantissant que les projets sont réalisés à temps et conformément au budget établi et que les actifs sont bien entretenus durant leur cycle de vie.

Lorsque je parle d'une structure appropriée, je veux dire que chaque projet qui est présenté à la Banque de l'infrastructure doit, de prime abord, être assorti d'une solide analyse de rentabilisation et que le processus d'approvisionnement subséquent doit être compétitif, efficient, transparent et équitable.

Il faut aussi reconnaître que ce ne sont pas tous les gouvernements qui ont la capacité ou l'expertise voulue pour réussir le processus d'approvisionnement lié à des projets importants et complexes générant des revenus qui sont du ressort de la banque. Dans ces cas, nous invitons le gouvernement à créer un fonds de préparation de projet, auquel auraient accès les provinces, les territoires, les municipalités et les collectivités autochtones qui ont moins d'expérience, afin qu'elles aient accès aux services de consultation et aux conseillers nécessaires pour réussir la commercialisation de leurs projets.

Les PPP ne sont pas une panacée, mais nous croyons fermement que, pour les projets de grande envergure et complexes, il y a une réelle occasion de tirer davantage profit des investissements fédéraux pour attirer plus de capitaux du secteur privé, transférer les risques et, au bout du compte, construire plus d'infrastructures essentielles au pays. C'est un point sur lequel je n'insisterai jamais assez : les banques ont la possibilité de construire plus d'infrastructures au Canada qu'on ne pourrait le faire autrement.

Maintenant que l'emplacement de la banque a été établi, les importantes prochaines étapes consistent à recruter un président expérimenté et de grande qualité et un conseil de direction et un PDG qui sont d'une égale qualité. Ensemble, c'est eux qui étofferont cette nouvelle institution. Le conseil est persuadé que, avec un leadership solide et compétent, la Banque de l'infrastructure du Canada sera bien positionnée pour aider le pays à continuer sur la voie du succès, raison pour laquelle le conseil est heureux de soutenir la loi devant le comité.

Andrew Claerhout, directeur général principal, Infrastructures et ressources naturelles, Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario : Merci de me recevoir. Je m'appelle Andrew Claerhout et je dirige la division responsable des investissements dans l'infrastructure du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, l'un des plus importants régimes de retraite du Canada, qui gère 175 milliards de dollars d'actif, dont 18 milliards de dollars sont dans le secteur de l'infrastructure.

Il convient aussi de souligner que nous avons été parmi les premiers à participer aux investissements dans l'infrastructure. Nous sommes présents dans ce domaine depuis plus de 15 ans et nous faisons des investissements dans le monde entier.

Depuis que l'idée d'une banque de l'infrastructure a été présentée pour la première fois par le gouvernement fédéral dans l'Énoncé économique de l'automne 2016, notre organisation a dit qu'elle appuyait grandement cette idée, mais son appui était assorti d'une mise en garde générale. Cette mise en garde générale, c'était que tout se joue dans les détails. Il faut réussir la mise en œuvre. Plus précisément, nous soutenons la création d'une institution qui inclut un important bassin de capitaux — et, à mon avis, 35 milliards de dollars est un montant important — qui permettra d'accélérer le développement des infrastructures essentielles en cernant les projets les plus prioritaires, qui améliorera l'attrait des projets ou, en d'autres mots, « rassemblera » des sources privées de capitaux et, enfin — et ce dernier point est très important — qui sera supervisé par un conseil et une équipe de gestion indépendants et de grande qualité.

Cependant, comme je l'ai mentionné plus tôt, si on veut atteindre ces objectifs, tout passe par la mise en œuvre. J'avance que cela exigera une capacité d'adaptation et de l'agilité.

Les besoins du Canada en matière d'infrastructure, comme Mark l'a mentionné tantôt, sont importants et grandissants, et malgré le fait qu'il y a des milliards de dollars d'investissement dans l'infrastructure, il reste trop peu de projets dans lesquels on peut investir. Cela tient au fait que les risques des nouvelles infrastructures sont trop importants, que les rendements sont trop faibles ou un peu des deux. Il y a une grande quantité de capitaux disponibles qui ont été réservés pour des investissements en infrastructure, y compris des dizaines de milliards de dollars, ici même, dans les poches des institutions canadiennes qui sont des chefs de file à l'échelle internationale en matière d'investissement dans l'infrastructure. Ce sont des noms que vous connaissez très bien, comme le régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario, Brookfield, le RPC, PSP, la Caisse et d'autres.

Pour que la banque puisse accroître le rendement dans le cadre des projets et attirer ou activer ces capitaux privés, elle doit investir dans ce qu'on appelle des capitaux provisoires, c'est-à-dire des capitaux qui seront assortis d'un taux de rendement plus bas que celui auquel des investisseurs comme le régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario et d'autres encore pourraient s'attendre. L'avantage de fournir ce qui, essentiellement, est une subvention, c'est que le gouvernement attirera ainsi des capitaux privés pour atteindre ses objectifs stratégiques.

Je ne saurais insister suffisamment sur le prochain point. Il est absolument essentiel que le conseil et l'équipe de gestion de la banque soient indépendants et très qualifiés : indépendants, parce que la banque doit être tenue responsable de ses décisions en matière d'investissement sans être exposée à une ingérence politique, et très qualifiés, parce qu'on parle ici de vastes sommes d'argent, de 35 milliards de dollars, et d'un domaine, l'investissement dans les infrastructures, qui exigent un haut niveau d'expertise. Nous devons donc nous assurer que le conseil et l'équipe de direction ont l'expertise et l'expérience nécessaires afin qu'ils puissent superviser la banque de façon appropriée.

Pardonnez-moi d'être aussi franc, mais nous croyons que la banque pourra seulement attirer le genre d'administrateur et de PDG de la qualité souhaitable si elle est indépendante du gouvernement, comme il se doit. Par conséquent, le bon modèle de gouvernance, qui tient compte du niveau approprié d'indépendance de toute intervention politique, est, selon moi, la considération la plus importante.

La banque est créée par le gouvernement fédéral et sera entièrement financée par celui-ci, alors nous comprenons que le gouvernement devra avoir son mot à dire sur la façon dont les capitaux sont investis. Cependant, nous suggérons au gouvernement de définir des objectifs stratégiques généraux. Deux exemples seraient le fait d'atténuer la congestion dans certaines grandes villes canadiennes, et celui de créer des routes commerciales internationales entre le Canada et des destinations à l'étranger, des partenaires commerciaux comme l'Asie. Cependant, une fois que ces objectifs ont été définis, la banque, son conseil et son équipe de direction devraient être en mesure de déterminer quels projets permettent le mieux d'atteindre ces objectifs.

En tout temps, la banque devrait aussi être responsable de la supervision des détails des projets, y compris les structures utilisées, le financement, la méthode d'approvisionnement, et ainsi de suite, créant ainsi une distinction et une séparation très claire entre les tâches du gouvernement relativement à la banque et les tâches de la banque en tant que telle, de son conseil et de son équipe de direction.

Par conséquent, nous encourageons ceux qui travaillent à la mise en œuvre de la banque de s'efforcer d'atteindre cet équilibre très délicat entre les impératifs politiques et d'affaires. On aidera ainsi à créer un cadre d'investissement prévisible.

C'est quelque chose qu'on a remarqué dans d'autres institutions au Canada. Ce que je m'apprête à dire va vous sembler égocentrique, mais on n'a qu'à regarder les meilleurs régimes de pension du Canada, comme notre organisation, comme le RPC, des entités où il y a une distinction claire entre le rôle du gouvernement ou le rôle de bailleur de fonds, et le rôle de direction. Ces institutions ont eu beaucoup de succès et, franchement, elles font l'envie des autres pays quant à la création d'institutions comme les régimes de pension. Par conséquent, j'encourage le gouvernement à regarder la façon dont il a structuré le RPC, par exemple, comme modèle de la façon dont il devrait aborder la question de la gouvernance de la Banque de l'infrastructure du Canada.

Je tiens à tous vous remercier de m'avoir invité. C'est un réel privilège d'être ici parmi vous. Bien sûr, une fois les déclarations terminées, je serai heureux de répondre à vos questions.

Colleen Campbell, vice-présidente, BMO Marchés des capitaux : Je suis heureuse d'être ici ce matin pour vous communiquer mon point de vue sur le financement des infrastructures au Canada et formuler des commentaires à l'intention du comité, lorsqu'ils sont utiles, sur la Banque de l'infrastructure du Canada proposée.

J'œuvre dans le domaine des services bancaires d'investissement et les marchés de capitaux d'emprunt depuis plus de 35 ans, et plus particulièrement dans le domaine du financement des infrastructures par émission d'obligations dans le marché canadien. Chez BMO, Marchés de capitaux, l'organe de BMO Groupe financier responsable des services bancaires d'investissement et services aux entreprises, j'ai commencé nos activités liées à l'infrastructure en 1997. Nous avons une solide expertise et avons eu beaucoup de succès dans ce domaine. Plus particulièrement nous sommes un intervenant important dans le marché des partenariats public-privé, aussi bien en tant que conseiller du gouvernement qu'en tant que conseiller et souscripteur/prêteur pour des consortiums soumissionnaires. Cela inclut le projet du SLR de Toronto dans le cadre duquel nous avons conseillé le gouvernement.

Je suis aussi fière d'être vice-présidente du conseil d'administration d'Infrastructure Ontario, une société d'État provinciale indépendante du gouvernement de l'Ontario. Notre rôle au sein d'Infrastructure Ontario consiste à gérer, construire et financer les biens publics de l'Ontario et à en accroître la valeur. Infrastructure Ontario utilise des méthodes de financement et d'approvisionnement de rechange pour aider à financer la construction des infrastructures à l'échelle de la province.

Je tiens à ajouter, et je vais ici dans le même sens que les commentaires précédents sur nos régimes de pension publics, qu'Infrastructure Ontario fait l'envie du monde en ce qui a trait à la façon dont l'organisation gère cette activité.

Tout au long de ma carrière dans ce domaine, j'ai observé les avantages importants découlant de la participation du secteur privé dans le domaine de l'infrastructure. Le temps que j'ai passé à Infrastructure Ontario, plus particulièrement, m'a permis de constater l'avantage permanent lié au fait de réunir l'expertise des secteurs public et privé afin de s'assurer qu'on lance et qu'on réalise les bons projets, et ce, à temps et en respectant les budgets.

La Banque de l'infrastructure du Canada représente une occasion de plus de réunir des intervenants pour élargir et améliorer le cadre de financement des infrastructures au Canada, ce qui sera bénéfique pour notre économie et pour tous les Canadiens. Mon objectif ce matin est de répondre à vos questions sur le rôle que les capitaux privés peuvent jouer dans le domaine de l'infrastructure et les possibilités pouvant découler de la création de cette nouvelle institution.

Monsieur le président, encore merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui. Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Pour commencer, j'ai deux ou trois questions.

Monsieur Romoff, vous avez dit au début que votre organisation croit à l'adoption de politiques publiques fondées sur des données probantes. KPMG a participé au processus consultatif réalisé par le gouvernement du Canada, mais il n'avait pas des choses très positives à dire au sujet de la Banque de l'infrastructure. Pouvez-vous m'aider à comprendre? À votre connaissance, quelles autres politiques fondées sur des données probantes ont mené à la création de la Banque de l'infrastructure?

M. Romoff : Honnêtement, monsieur le président, je n'ai rien à dire à ce sujet parce que je n'ai pas lu en fait, le rapport de KPMG, alors je n'en connais pas le contenu. Je sais que l'organisation a formulé certains commentaires que j'ai vus dans les médias, mais je n'en connais pas les détails.

Lorsque j'ai parlé de politiques « fondées sur des données probantes », je parlais de la recherche dont j'ai parlé tantôt, qui montre l'incidence économique liée au fait d'investir dans l'infrastructure et, plus particulièrement, l'avantage lié à l'utilisation du modèle des partenariats public-privé plutôt que du modèle d'approvisionnement traditionnel.

Comme vous le savez, il y a de bons exemples ici, en ville, à Toronto et un peu partout au pays. Les projets réalisés de la façon traditionnelle ont tendance à être en retard et à dépasser considérablement le budget. De plus, contrairement aux partenariats public-privé, la plupart de ces autres projets n'incluent pas de plans réguliers à long terme concernant l'entretien de l'actif. En fait, c'est là une vulnérabilité, parce que la plupart des gouvernements ont tendance à mettre moins l'accent sur l'entretien et, particulièrement lorsqu'il y a des problèmes budgétaires, ils ont tendance à transférer les fonds destinés à l'entretien vers d'autres activités.

Nos données probantes sont fondées sur l'examen du rendement de ces projets au Canada et ce que nous avons constaté au cours des 25 dernières années depuis qu'on a adopté l'approche des PPP.

Le président : Je suis un très grand partisan des partenariats public-privé.

M. Romoff : Merci.

Le président : Lorsque vous avez parlé de la banque, vous avez parlé de projets assortis d'une bonne analyse de rentabilisation. Je vous suis, ici. Cependant, ensuite, M. Claerhout nous a dit que, franchement, ces projets précis exigent — et je n'ai pas réussi à faire dire aux représentants du ministère qu'il s'agissait d'une subvention, mais, pour votre part, vous l'avez dit directement — une subvention. S'il faut une subvention, alors, de toute évidence, le projet n'a pas une bonne analyse de rentabilisation.

Pourquoi suis-je confronté à ces deux points de vue? De quoi est-ce que vous parlez vraiment tous les deux?

M. Romoff : J'ai deux ou trois commentaires à formuler et je suis sûr qu'Andrew voudra répondre lui aussi. Nous ne nous entendons pas vraiment sur cet enjeu précis.

Peu importe si ces projets sont réalisés par l'intermédiaire de la banque, qu'on utilise l'approche des PPP ou la manière traditionnelle, sans analyse de rentabilisation convaincante pour justifier la réalisation d'un projet, il ne faut pas aller de l'avant parce que ce sera inévitablement un échec. Nous avons été chanceux au Canada — assurément du côté des PPP — de ne pas avoir connu de tels échecs. D'autres pays les ont eus. C'est une réalité que nous reconnaissons.

Ce qui est intéressant au sujet de la Banque de l'infrastructure du Canada, c'est l'espoir qu'elle permettra de réaliser des projets qui, normalement, ne l'auraient pas été. C'est vraiment, de façon générale, une question de risque. Ce peut être des projets plus risqués. Il est possible que les programmes du gouvernement — ce que la banque aura la capacité de faire — puissent permettre de réduire le risque d'un projet au point où il devient intéressant pour des capitaux privés.

On ne sait pas encore clairement quelles seront les diverses fonctions de la banque. C'est la raison pour laquelle il est important d'aller rapidement de l'avant afin de nommer un président, les membres du conseil et un PDG afin que ces personnes puissent prendre le concept et le concrétiser.

Le président : Monsieur Claerhout, tout le monde aimerait faire des affaires sans qu'il y ait de risque. Voulez-vous dire que les gouvernements vont libeller un chèque dès le départ, pour réduire le niveau d'investissement nécessaire ou qu'ils garantiront l'investissement?

M. Claerhout : Le processus peut prendre différentes formes.

Le président : Il est possible qu'ils garantissent l'investissement?

M. Claerhout : C'est possible. Il pourrait s'agir d'une garantie minimale en matière de circulation si on parle d'un actif dans le domaine des transports, par exemple. Ce pourrait être en participant au capital-actions en utilisant une clause de la déduction. Ce pourrait être en donnant une garantie d'emprunt afin que l'entreprise puisse obtenir un prêt à un taux d'intérêt plus bas. Il peut s'agir de nombreuses choses différentes.

L'une des choses qui sont ressorties très clairement de toutes les conversations que j'ai eues, c'est l'importance de maintenir une certaine souplesse en ce qui a trait aux formes de capitaux ou aux formes de financement temporaire qui sera fourni en fonction de la nature propre aux différents types d'accords qui seront envisagés.

La seule chose où ils ont été très clairs... L'expression que j'ai utilisée est « capitaux provisoires ». Là, ils ont été clairs. La raison pour laquelle on parle de « capitaux provisoires », c'est parce que ces fonds permettent le financement d'un projet grâce à des sources de capitaux privés dans le cadre de projets où cela n'aurait pas été possible, n'eussent été les capitaux provisoires. C'est la raison pour laquelle j'ai dit qu'il s'agissait d'une forme de subvention.

Le président : Ce l'est assurément.

M. Claerhout : C'est une forme de subvention parce qu'il s'agit d'un investissement ou d'un type quelconque d'outil qu'une banque peut fournir afin d'attirer des capitaux privés. On y arrive, soit parce qu'on augmente le rendement des capitaux privés, soit parce qu'on réduit les risques courus par les capitaux privés.

Vous vous demanderez peut-être, alors, pourquoi on procède ainsi. La raison pour laquelle il pourrait être très opportun pour le gouvernement de procéder ainsi, c'est que le gouvernement n'est pas là pour investir — du moins, c'est ce qu'il pense. Je crois que le rôle du gouvernement est de fournir des infrastructures essentielles à ses citoyens et de s'assurer que la société créée soutient la croissance et est durable.

On pourrait dire que le gouvernement a deux relevés des profits et des pertes, un qui mesure le rendement des capitaux investis par la banque, et l'autre, qui mesure le bien social qu'il a pu créer grâce à l'utilisation de ces capitaux. Selon moi, le gouvernement doit regarder ces deux résultats afin de décider dans le cadre de quels projets il veut fournir des capitaux provisoires parce que l'avantage social l'emporte haut la main sur les coûts économiques.

Le président : D'accord.

Le sénateur Black : Merci d'être là et de nous fournir des témoignages très importants sur un sujet qui l'est tout autant.

Ma première question concerne la capacité de promouvoir les besoins en matière d'infrastructure au Canada. Je commence par deux prémisses. Corrigez-moi si, selon vous, j'ai tort, ici.

Premièrement, la prospérité du Canada, selon moi, dépend de notre capacité de combler les déficits actuels en matière d'infrastructure, qu'on parle de ports, d'aéroports, de trains ou de lignes de transmission. Il y a un déficit qui aura un impact sur notre prospérité, si ce n'est pas déjà le cas. C'est la prémisse sur laquelle s'appuient tous mes travaux.

Ma deuxième prémisse — et c'est à ce sujet que j'aimerais entendre vos commentaires —, c'est que bon nombre de ces projets ne seront pas et ne peuvent pas être réalisés par le gouvernement à lui seul, parce que ce dernier n'a pas la capacité ni le bilan pour le faire. C'est peut-être aussi parce qu'il ne possède pas l'expertise nécessaire.

Monsieur Romoff, c'est quelque chose que je vous ai entendu dire très clairement, mais j'aimerais savoir ce que nos amis dans le secteur des finances pensent et si vous croyez comme moi que certains projets qui sont peut-être nécessaires au Canada ne peuvent pas être réalisés par le gouvernement canadien à lui seul. Êtes-vous d'accord ou non?

M. Claerhout : Cette question m'est destinée?

Le sénateur Black : J'aimerais savoir ce que vous et Mme Campbell en pensez.

Mme Campbell : Je regarde ce à quoi servent ces structures, qu'il s'agisse de partenariats public-privé ou de certaines des choses dont Andrew a parlé, et je tiens aussi compte de la gestion des risques. Si le gouvernement entreprend tous ces projets par lui-même, il assume 100 p. 100 des risques. Si on regarde quelques-unes des structures qui permettent d'atténuer certaines composantes du risque, en offrant un certain rendement au secteur privé afin qu'il assume ce risque — parce que le gouvernement s'appuie sur ce cadre plus général que vous venez de décrire —, on bénéficie d'un effet multiplicateur plus marqué relativement à ce qui est fait. Si on s'en tient uniquement aux retombées d'un projet, on dira que c'est un mauvais arrangement parce que le gouvernement abandonne les revenus et les cède au secteur privé, mais les systèmes de mesure sont très différents.

Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je crois que le fait de réunir ces deux groupes est une situation gagnant- gagnant. Le gouvernement ne peut pas agir seul. L'Ontario n'aurait pas pu construire 45 hôpitaux — je ne sais plus exactement combien il y en a — au cours des dernières années sans ce mécanisme de partage des risques. Nous procédons à des calculs d'optimisation des ressources chaque fois que nous réalisons ces exercices pour nous assurer que ce que nous obtiendrons en retour est supérieur aux coûts de financement plus élevés, qui constituent l'un des aspects.

C'est donc une question d'atténuation des risques, de capacité pour faire ces choses, et le fait est que le secteur privé a une bien meilleure expertise que le gouvernement dans bon nombre de ces domaines parce que cela s'inscrit dans ses activités fondamentales.

M. Claerhout : Pour ce qui est de l'affirmation sur la prospérité, je suis tout à fait d'accord. Il y a un lien étroit entre la prospérité, le revenu, la croissance économique et l'infrastructure. Il est essentiel que le gouvernement fasse bien les choses parce que la réussite de la BIC peut aider à accroître la prospérité et la croissance économique.

En fait, certaines études ont été réalisées sur le lien entre la prospérité et l'effet multiplicateur. Les dépenses en infrastructure stimulent immédiatement l'économie. C'est l'une des meilleures dépenses à faire si vous voulez stimuler l'économie. En guise de contexte, sachez que la meilleure chose à faire, c'est mettre en place des bons alimentaires. Les dépenses en infrastructure figurent tout en haut de la liste, mais pas autant que les bons alimentaires, en ce qui a trait à l'effet stimulant. Ces dépenses ont un impact immédiat et à long terme.

Par ailleurs, je suis d'accord avec l'affirmation que le gouvernement ne peut pas tout faire seul. C'est la raison pour laquelle la création de la banque est logique. Elle permettra d'activer ou d'obtenir des capitaux qui se cherchent un créneau dans le domaine de l'infrastructure, qui veulent être au Canada. Cependant, il n'y a pas actuellement assez de projets dans lesquels on peut investir au pays pour satisfaire ce désir.

Je veux préciser les différences entre les types de projets. Tout le monde comprend ce à quoi ressemble un projet d'infrastructure fondé sur un processus d'approvisionnement traditionnel. C'est un projet dans le cadre duquel le gouvernement prend les décisions et s'occupe de la conception, de la construction, de l'exploitation tout en payant les factures. La plupart des routes gratuites respectent cette description. Lorsque Mark parle des PPP traditionnels, cela fait intervenir de nombreux éléments du secteur privé. Le secteur privé soumissionne pour la conception et le prix fixe, les coûts de la livraison clé en main et l'entretien minimal du bien, mais, dans la plupart des cas, c'est encore le gouvernement qui paye. Il paye grâce à une commission de mise à disposition.

Le troisième domaine d'infrastructure, c'est celui où le bien appartient au privé et est financé par le privé. Le gouvernement n'a dans ce cas-là pas à payer, l'infrastructure se paye d'elle-même. Habituellement, il s'agit de types d'élément d'infrastructure assortis de composantes qui génèrent des revenus. On peut penser par exemple à un aéroport, à des aqueducs et des réseaux électriques. Les gens qui utilisent l'infrastructure payent pour elle.

Selon moi, ce que nous pouvons faire et ce que la Banque de l'infrastructure du Canada est conçue pour faire, ce n'est pas de livrer concurrence aux projets fondés sur un processus d'approvisionnement traditionnel ou aux joueurs du marché des PPP qui fonctionne bien au Canada. L'objectif, c'est plutôt de débloquer des projets de la troisième catégorie, c'est-à-dire les projets d'infrastructure pouvant être financés initialement avec l'aide de la Banque de l'infrastructure du Canada, mais où le financement à long terme de l'actif reviendra au privé, et je parle ici de choses comme des aéroports, des routes à péage et des biens où les gens qui utilisent l'infrastructure payent en vue de maintenir la durabilité à long terme. Si on fait bien les choses dans les trois cas, il y aura toujours des projets que le gouvernement doit payer en entier. Il y aura toujours un rôle pour les PPP. Si nous pouvons créer cette troisième catégorie d'infrastructure financièrement indépendante grâce à des revenus, je crois que ces trois catégories, ensemble, garantiront la prospérité et la croissance dont nous avons tellement besoin.

La sénatrice Ringuette : Merci à vous tous.

Monsieur Romoff, qui sont les membres du conseil?

M. Romoff : Le conseil est composé de gouvernements de partout au pays. Par conséquent, des représentants du gouvernement fédéral ou des ministères du gouvernement fédéral sont membres du conseil, tout comme les provinces, les organismes des provinces — et donc Infrastructure Ontario, par exemple, dont Colleen est membre du conseil d'administration et aussi membre du conseil — et des villes, comme les villes de Regina, d'Ottawa et de Toronto qui sont toutes membres du conseil. Voilà pour le secteur public. Puis, il y a aussi les intervenants mondiaux du domaine de l'infrastructure, les entreprises canadiennes et étrangères, et ce groupe est composé de développeurs, d'entreprises de construction, de sociétés d'architecture, d'avocats... Les avocats! Bon Dieu, où serions-nous sans eux? Vous êtes peut- être nombreux à être des avocats. On a aussi besoin de comptables. C'est une plateforme qui réunit des intervenants des secteurs privé et public de façon à ce qu'ils puissent travailler en collaboration afin de réaliser des projets d'infrastructure.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Claerhout, le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario investit environ 10 p. 100 de ses actifs dans le domaine de l'infrastructure. Vous avez semblé dire qu'une bonne partie de ces 18 milliards de dollars sont investis dans des infrastructures à l'étranger.

M. Claerhout : La très grande majorité des fonds.

La sénatrice Ringuette : Hier, Jack Mintz a dit que l'expérience à l'étranger en ce qui a trait à la réunion de fonds privé et public semble indiquer que ce n'est pas la meilleure façon d'aller de l'avant en matière d'infrastructure. Je crois qu'il a parlé de l'Australie, mais je ne sais pas si c'était dans ce contexte.

Quelle a été votre expérience dans le cadre de projets d'infrastructure ailleurs qu'au Canada? Est-ce que vous faites affaire avec des entités similaires à la Banque de l'infrastructure?

M. Claerhout : Merci de la question.

Comme je l'ai mentionné, la grande majorité de nos projets d'infrastructure sont réalisés à l'extérieur du Canada. Seulement environ 3,5 milliards de dollars sur les 18 milliards de dollars sont investis ici, au Canada. Nous sommes présents en Europe, en Australie et en Amérique latine, alors nous avons acquis une expérience dans de nombreux pays différents, tant des pays industrialisés que des pays en développement.

Le thème qui recoupe l'expérience que nous avons eue relativement aux aéroports européens, aux systèmes d'adduction d'eau chiliens, aux routes à péage mexicaines ou aux installations de dessalement de l'eau, en Australie, qui sont tous des exemples d'actifs que nous possédons aujourd'hui, c'est que nous sommes en mesure de réduire les coûts et d'améliorer le service par rapport à un modèle de gouvernement propriétaire et exploitant.

Les aéroports européens sont un bon exemple. La plupart d'entre eux appartenaient au gouvernement, dans le passé. Depuis plus de 30 ans, les Européens font appel à des capitaux privés. Certains des aéroports font encore l'objet d'une participation gouvernementale. Dans le cas de deux des aéroports situés dans une capitale que nous possédons, à Bruxelles et à Copenhague, nous sommes partenaires du gouvernement, mais il a été en mesure de susciter notre contribution afin que nous travaillions main dans la main avec les équipes de gestion dans le but d'exploiter ces aéroports d'une manière qui entraîne des coûts moins élevés, une plus grande satisfaction de la clientèle et une plus grande capacité concurrentielle, pour ne mentionner que quelques éléments.

Nos actifs au Chili sont probablement le meilleur exemple concret d'actifs pour lesquels nous avons eu une incidence remarquable sur les niveaux de service ainsi que sur le coût et la qualité du service. Nous possédons quatre systèmes d'adduction d'eau municipaux et monopolistiques différents dans ce pays. Non seulement nous fournissons l'eau potable, mais nous traitons aussi les eaux usées. Nous détenons ces systèmes depuis maintenant environ 15 ans. Durant nos années de participation, nous avons vu la qualité de l'eau potable augmenter de façon importante. Il y a beaucoup moins de maladies causées par l'eau, et les normes relatives à l'eau sont bien plus élevées. Nous avons vu le pourcentage d'eaux usées traitées avant d'être renvoyées dans les ruisseaux, les rivières, les fleuves et l'océan approcher les 100 p. 100, alors que, quand nous avons pris la situation en charge, ce taux était de 30 p. 100. En fait, nous avons réparé des systèmes d'adduction d'eau mal en point et qui fuyaient, causant d'importantes pertes d'eau dans des régions qui subissaient de la sécheresse. Nous avons également apporté des technologies et des capitaux permettant de nous assurer que l'eau qui appartenait aux Chiliens, l'eau potable et celle destinée aux cultures des gens, était accessible à cette fin.

Dans la majeure partie des cas, nous avons eu une énorme incidence positive en ce qui a trait à l'achat des actifs et à leur amélioration. Bien entendu, il y aura toujours un cas qu'une personne pourra étudier et au sujet duquel elle pourra dire que quelqu'un a perdu de l'argent, ou bien que l'investissement n'a pas donné exactement les résultats escomptés, mais il s'agit assurément de la minorité de notre portefeuille. La raison pour laquelle nous voulons voir la Banque de l'infrastructure du Canada réussir, c'est que nous voudrions effectuer davantage d'investissements dans les infrastructures. Il s'agit de l'un des domaines les plus fructueux de notre programme d'investissement. En tant que fier Canadien, je pense que, si nous pouvons construire plus d'infrastructures et injecter davantage de capitaux privés, que les profits sont le motif de ces investissements et que nous disposons de pratiques exemplaires internationales qui nous permettent d'améliorer ces actifs, cela profitera à tous les Canadiens, y compris à moi-même.

Le président : Essayons de raccourcir les questions et de donner des réponses plus brèves, sans quoi nous n'allons pas y arriver.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'aurais une liste de questions suffisamment longue pour y passer la journée. Ce sujet est palpitant, mais il soulève une multitude de questions.

Vous avez dit que les activités de la banque devraient se caractériser par une plus grande prise de risques, quitte à générer moins de revenus. A-t-on vraiment besoin d'une banque de l'infrastructure pour réaliser cet objectif? Dans l'affirmative, pourquoi? Ne s'agit-il pas tout simplement d'une subvention? Je suis d'accord avec le secteur privé, mais vous avez mentionné des exemples d'efficacité survenus dans d'autres pays dont le succès est probablement lié à toute autre raison, comme l'obtention des contrats, la négociation des conventions collectives, et une multitude d'autres barrières que nous pouvons avoir ici et qui nous empêchent de réaliser ce niveau d'efficacité. Je ne crois pas que la Banque de l'infrastructure nous permettra d'atteindre la même performance que celle d'une usine de filtration au Chili, par exemple. Ce sera autre chose.

En quoi la Banque de l'infrastructure joue-t-elle, comme vous le souhaitez, le rôle d'une banque et non pas plutôt le rôle d'un gouvernement qui octroie des subventions? Ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de vous confier un montant d'argent X en se disant que le risque sera moins élevé, qu'il y a déjà du capital, et d'aller de l'avant ainsi?

[Traduction]

M. Claerhout : Je suis heureux d'intervenir. Je vais tenter de rester bref, cette fois-ci.

Il y a deux ou trois éléments, monsieur le sénateur. Si la banque n'était pas nécessaire, si on avait tous les ingrédients, aujourd'hui, pour que cette infrastructure soit construite, elle le serait. Des dizaines de milliards de dollars sont entre les mains d'institutions canadiennes qui souhaitent désespérément investir dans les infrastructures du Canada. Il doit y avoir une certaine force qui aide à activer ces capitaux et à rendre ces projets plus « propices à l'investissement ».

L'Australie a adopté une approche différente à cet égard, où le gouvernement construit des actifs et, après leur construction et l'atténuation des risques qui s'y rattachent, il les vend au secteur privé. Cette approche est en fait bien plus exigeante en capitaux parce qu'il faut investir tous les capitaux nécessaires pour construire l'actif. Elle signifie également que le gouvernement gère la construction de cet actif, et, habituellement, les gouvernements ne sont pas bons pour respecter les délais et les budgets. Je pense que ce qui est proposé au Canada est une solution supérieure à ce que font les Australiens depuis les 10 dernières années ou plus.

Enfin, pour ce qui est de ne pas créer une banque, mais de se contenter d'octroyer une somme d'argent, je pense qu'il serait possible d'abuser de ces subventions de façon très importante. Il faut disposer d'un certain mécanisme permettant de classer les projets par ordre de priorité et de désigner les projets qui sont dignes de la participation de la banque, car ils supposent l'injection d'un montant modeste tout en contribuant grandement à l'intérêt public, de sorte que le ratio est élevé entre l'intérêt public que présente l'actif et le coût qu'il engendrera dans le cadre de sa construction.

Il s'agirait là de mes commentaires. Colleen ou Mark, je ne sais pas si vous souhaitez ajouter quelque chose.

Mme Campbell : C'est un peu comme un plus un égale quatre, si on fait bien les choses, du point de vue du risque que le gouvernement assume, ou bien des mesures d'atténuation ou des capitaux, par rapport au bénéfice. Comme nous l'avons dit plus tôt, il s'agit non seulement des minces avantages que présente le projet, mais aussi du fait que le projet ne serait pas mis en œuvre. Le gouvernement a un petit rôle à jouer pour faire démarrer le projet et obtenir l'effet multiplicateur. Manifestement, les investisseurs doivent toucher un taux de rendement conforme au marché pour les capitaux qu'ils investissent, mais ils étudient le projet avec des œillères. Ces deux éléments ensemble jouent un rôle et, en outre, le risque lié à l'exécution est réduit par les acteurs du secteur privé.

[Français]

Le sénateur Carignan : Tous les exemples d'infrastructures dont vous parlez sont des éléments qui vont générer un revenu. Évidemment, il est question de générer des revenus pour attirer le secteur privé. N'est-ce pas là une façon détournée pour le gouvernement de prendre l'argent et de l'investir dans les infrastructures qui, de toute façon, relèvent de sa responsabilité, et d'imposer le principe de l'utilisateur-payeur sans être responsable de l'augmentation du tarif? N'est-ce pas là une façon pour le gouvernement de créer une distance avec la tarification et de se cacher derrière une banque pour augmenter les tarifs? Il ne prendrait peut-être pas la chance de le faire politiquement s'il y était lié directement.

[Traduction]

M. Romoff : C'est une bonne question. Je vais répondre à votre premier commentaire relativement à tous les projets fondés sur les recettes.

La réalité, c'est que, en ce qui concerne l'histoire des partenariats public-privé au Canada, des 258 projets que j'ai mentionnés, 255 ne sont pas fondés sur les recettes. Dans ces cas-là, le secteur privé fait son argent en injectant des capitaux propres dans le projet, puis en maintenant l'actif sur une période de 30, 35 ou 40 ans.

C'est un peu comme une hypothèque que vous et moi contracterions. Si nous décidions d'acheter une maison, nous conclurions un contrat hypothécaire sur les 25 ou 30 prochaines années. Toutefois, si votre toit fuit, l'avantage d'un partenariat public-privé, c'est que la personne qui a construit la maison doit venir réparer le toit et que cela ne nous coûtera rien, en tant que propriétaires. Voilà l'attrait de ce modèle. Il attribue le risque au secteur privé afin que l'on puisse s'assurer que les coûts habituels de certains de ces grands projets, les dépassements de coûts, sont absorbés par le secteur privé. Essentiellement, le gouvernement a une garantie. Non seulement cela, mais l'actif sera entretenu sur cette période. Le modèle comporte ces caractéristiques.

La différence en ce qui concerne la Banque de l'infrastructure du Canada, c'est que, en ce moment, la prémisse sous- jacente, c'est qu'elle se concentrera sur les projets générateurs de recettes. Dans le passé, les gouvernements ont eu beaucoup de difficulté à mettre ces projets sur le marché en raison du risque élevé ou de l'imprévisibilité qui s'y rattachent. Andrew a fait allusion à la capacité d'estimer les taux d'achalandage. Par exemple, si vous construisez une autoroute, tous ces facteurs entrent en jeu. Bien que ces projets deviennent très risqués, il n'y a rien de mal à ce que le gouvernement leur permette d'arriver sur le marché. De fait, on a besoin d'un stimulus comme celui-là.

C'est pas mal comme la logique qui sous-tend la création du Fonds PPP par le gouvernement précédent. Dans ce cas particulier, on fournissait une contribution aux municipalités, aux provinces ou aux collectivités autochtones qui allaient mettre sur le marché un projet à mener en partenariat public-privé assorti d'une solide analyse de rentabilisation, et on fournissait jusqu'à 25 p. 100 du coût en capital. Ce fonds a eu une énorme incidence pour ce qui est de stimuler un changement de culture au Canada : on a délaissé la réalisation traditionnelle de projets pour passer aux partenariats public-privé, lesquels ont en fait contribué en grande partie au succès dont je parlais. Ces éléments de l'équation doivent être expliqués et compris afin que l'on puisse prendre le genre de décisions auxquelles vous faites allusion.

Vous avez évoqué les syndicats. J'ai deux commentaires à formuler à ce sujet. Tout d'abord, les syndicats, qu'ils soient du secteur public ou privé... Leurs propres fonds de pension investissent lourdement dans les partenariats public- privé. D'une part, les syndicats du secteur public pourraient s'en plaindre, mais l'OMERS est un grand investisseur dans les partenariats public-privé. En même temps, l'Union internationale des journaliers — l'UIJAN — est un énorme investisseur dans les projets canadiens menés en partenariat public-privé. Si vous parlez avec Joe Mancinelli, il vous dira qu'il ne peut pas obtenir un rendement aussi important dans le cadre d'autres projets que celui qu'il obtient pour ses investissements dans des partenariats public-privé.

Ces éléments en font une occasion très attrayante. Bien franchement, en fin de compte, la clé — et l'aspect fructueux — consiste à s'assurer que les membres du syndicat effectuent la transition entre le fait d'avoir travaillé pour le gouvernement et celui de travailler maintenant pour le secteur privé, dans le cadre d'un projet. Dans la plupart des cas, toutes les dispositions qui avaient été négociées dans la convention collective sont respectées lorsque ces mêmes personnes passent au secteur privé. Il y a des façons de structurer la transition de manière à s'assurer qu'elle est réussie et qu'elle permet d'atteindre tous nos objectifs.

La sénatrice Moncion : J'étais au déjeuner-causerie que vous avez tenu cette semaine, et j'ai rencontré les membres de votre conseil d'administration. J'ai été impressionnée par la qualité des gens qui sont là. Plus tôt, vous avez mentionné que les personnes qui seront choisies pour siéger au conseil vont être la clé du succès de la Banque de l'infrastructure.

Le gouvernement du Canada envisage-t-il l'établissement de la Banque de l'infrastructure en adoptant une approche commerciale par rapport aux infrastructures plutôt que de la voir simplement comme un investisseur gouvernemental dans le cadre de certains de ces projets?

[Français]

M. Romoff : On l'espère.

[Traduction]

Pour être juste, je pense que le gouvernement est motivé par ce qu'Andrew a mentionné : premièrement, faire construire davantage d'infrastructures parce qu'il y a un déficit critique au pays; et, deuxièmement, il y a l'aspect social, l'aspect lié à la politique publique de cette approche.

Colleen a fait allusion au nombre d'hôpitaux en Ontario qui ont été construits au moyen du modèle de DMFA ou de partenariat public-privé. La plupart de ces hôpitaux n'auraient jamais été construits si le gouvernement n'avait pas eu recours à ce type d'entente de partenariat avec le secteur privé, et il s'est avéré qu'il s'agissait d'un moyen très efficace de le faire. En outre, l'avantage, c'est que, grâce au processus concurrentiel, on amène généralement trois consortiums à se livrer concurrence, ce qui fait baisser le coût du projet en question, au bout du compte, et qui, de fait, stimule davantage la pensée novatrice relativement à la conception et à l'utilisation du matériel, car les soumissionnaires veulent s'assurer qu'ils peuvent être concurrentiels dans leur processus d'appel d'offres et tout de même toucher un rendement, car le secteur privé cherche à toucher un rendement. Ainsi, je dirais que le gouvernement a ces deux objectifs à l'esprit lorsqu'il va de l'avant.

M. Claerhout : Pourrais-je ajouter quelque chose à cela? J'espère certainement qu'il adoptera une approche commerciale. Une partie de la raison pour laquelle j'ai insisté à ce point sur l'importance de disposer du bon conseil d'administration, de la bonne équipe de direction et du bon degré d'indépendance, c'est afin que le gouvernement puisse adopter cette approche.

Une des choses qui vont être difficiles, c'est de trouver comment mesurer le succès de cette banque. Ce ne sera pas facile. Je sais comment vous mesurez mon succès. Vous regardez le taux de rendement que je peux toucher sur une longue période, et vous l'utilisez pour juger si j'ai touché un rendement qui était adéquat par rapport au risque.

Dans le contexte de la Banque de l'infrastructure du Canada, il est difficile de mesurer le succès, car il ne s'agit pas simplement de la somme qu'elle a investie et qu'elle a récupérée. Il s'agit aussi de la qualité des projets qu'elle a contribué à créer, qui n'auraient pas été réalisés sans son argent.

Je pense que, pour quiconque dirigera le comité de rémunération du conseil d'administration de la Banque de l'infrastructure du Canada, ce sera un débat philosophique intéressant. Toutefois, ce que j'espère que la banque fera — et je répète un commentaire que j'ai formulé plus tôt —, c'est étudier certains ratios afin de pouvoir dire : « Combien d'argent du gouvernement a-t-il fallu pour qu'un projet soit réalisé, et quel a été l'avantage social du projet en question? » Examinons une certaine manière de quantifier cela afin que vous puissiez affirmer qu'un projet était très réussi et qu'un autre l'était moins.

La sénatrice Moncion : M. Romoff a mentionné plus tôt que nous avons un problème de fonds, pas un problème de financement. Pouvez-vous expliquer cette affirmation?

M. Romoff : Ce que j'entends par là, c'est — comme nous l'avons tous dit — qu'il y a une énorme quantité de capitaux privés qui circulent et qui sont là pour être investis dans des projets; ces capitaux financent ces projets. Les gouvernements ont un problème de fonds parce qu'ils n'ont pas assez d'argent pour continuer à construire ces projets, alors ils ont besoin de trouver d'autres façons de permettre à ces projets d'être mis en œuvre. C'est là que, si on envisage des partenariats avec le secteur privé, qu'il s'agisse d'un partenariat public-privé ou d'un autre moyen, la collaboration avec le secteur privé pourrait aider à compenser ou à réduire la pression financière qui pèse sur le gouvernement dès le départ; c'est vraiment le défi à relever.

Par ailleurs, n'oublions pas que, au bout du compte, lorsqu'il est question de PPP, l'acronyme ne signifie pas Pas de Paiements Prévus. Ces projets figurent toujours au bilan du gouvernement. Il y aura des créances à acquitter. C'est ainsi qu'on gère cette dette au cours des 30 à 35 ou 40 prochaines années, ce qui constitue une entente plus gérable.

Le sénateur Tannas : Je suis curieux de savoir quelles seraient vos réflexions sur le flux d'affaires. D'où proviennent ces affaires? Prévoyez-vous que le secteur privé poussera les propositions vers la banque, ou bien prévoyez-vous que la banque regardera les demandes provenant des municipalités, des provinces et des ministères et qu'elle dira : « Oh, regardez, peut-être que nous pouvons accepter celle-là »?

Serait-il juste d'affirmer que votre cauchemar se réaliserait si la Banque de l'infrastructure devenait le vaisseau amiral de toutes les dépenses dans les infrastructures, de sorte que tout devrait passer par la Banque de l'infrastructure, y compris un viaduc au-dessus d'une autoroute ou quoi que ce soit qu'une personne souhaite obtenir? S'agit-il là du danger dont vous parlez lorsque vous dites que cette institution doit être indépendante, disposer d'experts et avoir un mandat clair, pas faire partie d'un genre de tour de passe-passe politique, où nous déclarons : « Nous avons injecté tout cet argent dans la banque, alors, vous, madame la province ou madame la municipalité, devez vous adresser à la banque pour voir si elle peut financer votre viaduc »? Pouvez-vous formuler un commentaire à ce sujet?

M. Romoff : Tout d'abord, nous ne voudrions pas voir la banque entreprendre des projets qui pourraient être réalisés, et qui le sont maintenant, par la voie habituelle des partenariats public-privé ou par le moyen traditionnel. On veut s'assurer qu'en fait, la banque ne devient pas un véhicule à cette fin. Elle est vraiment conçue pour se concentrer sur les projets qui ne peuvent pas être facilement réalisés par le secteur privé.

Oui, ces projets proviendront des municipalités et des provinces. Je suis certain que tout le monde ici présent se rend compte du fait que ce sont les municipalités qui possèdent la majorité des infrastructures au Canada. Voilà d'où proviendront les projets, au départ.

La charte de la banque contient une disposition concernant les propositions non sollicitées, et cette disposition va encore devoir être précisée un peu quant à la façon dont ces propositions seront traitées et pour ce qui est de déterminer si elles vont aller de l'avant ou pas. C'est que, au Canada, même si la proposition n'est pas sollicitée, elle doit bénéficier du soutien du gouvernement dans son ensemble. Elle doit être appuyée par une municipalité, par une province ou par une collectivité autochtone, selon la nature du projet.

Voilà certains des enjeux qui, selon moi, seront la responsabilité du conseil d'administration et du PDG. C'est pourquoi, comme l'a affirmé Andrew, l'expérience à cette table est cruciale, car les membres du conseil prendront des décisions difficiles. Même si la somme de 35 milliards de dollars représente beaucoup d'argent, lorsqu'il est question de grands projets, on peut écouler cette somme assez rapidement.

Le sénateur Tannas : Je comprends, mais qui va recenser ces projets et structurer les marchés? Les projets vont-ils provenir du RREO, qui pourrait dire : « Oh, voici un projet », ou bien s'agira-t-il en fait d'un fonctionnaire, quelque part, qui dira : « Oh, concluons un marché à ce sujet »? Comment est-ce que tout va se dérouler?

M. Romoff : J'ai l'impression que ce sera du bas vers le haut. Les municipalités, les provinces, les collectivités autochtones, les gens à qui appartiennent les infrastructures présenteront ces projets.

Le sénateur Tannas : Ils s'adresseraient à Andrew, puis ils se rendraient à la banque.

M. Romoff : Ou l'inverse. Le RREO pourrait dire : « Voici une excellente occasion, Sarnia, et nous pouvons vous permettre d'obtenir ce à quoi vous songez. » Alors, il y a des moyens de faire cela.

Mme Campbell : L'un des avantages tient à la mise en place d'un centre névralgique, pas afin qu'on évince les investisseurs, mais bien des fois, les gens ne savent pas à qui s'adresser pour tenir la discussion avec les personnes possédant l'expérience nécessaire. Il s'agit de l'un des avantages.

Il est très utile que vous puissiez venir envisager les possibilités, et le projet pourrait provenir du secteur privé ou bien des provinces ou des municipalités. La coordination est importante.

M. Claerhout : Pour répondre à votre question sur le flux d'affaires, plus il sera important, mieux ce sera. La banque aurait ensuite pour tâche de déterminer quel projet est le plus attrayant, lequel va profiter des capitaux de la banque et présenter un excellent avantage pour la société; il ne faudrait pas que ce soit seulement les municipalités ou les provinces. Ce pourrait être le gouvernement fédéral. Ce pourrait être des entreprises de construction ou des particuliers. Je pense que, plus nous obtiendrons un flux d'affaires important, plus la banque sera susceptible de choisir les meilleurs projets.

Le sénateur Massicotte : J'ai deux questions à poser.

Je crois fermement à la notion d'utilisateur-payeur. Elle répartit les capitaux de façon plus efficiente; c'est un très bon moyen. Je crois aussi fermement aux partenariats public-privé.

Je vais présenter l'argument en jouant un peu l'avocat du diable. Les obligations du gouvernement du Canada se vendent actuellement à environ 2,2 p. 100. Le gouvernement canadien jouit d'une immense marge de manœuvre, d'un espace immense dans son bilan afin d'assumer plus de dettes, s'il le souhaite, surtout lorsqu'il s'agit d'une infrastructure payée par les utilisateurs; par conséquent, il y a un actif correspondant au passif.

La semaine dernière, nous étions à New York. J'ai parlé à l'un des investisseurs dans les infrastructures du monde, et il est en train de créer un nouveau fonds. Il dit aux investisseurs qu'il offrira un rendement de 10 à 12 p. 100. Je conviens du fait qu'il s'agit de tout un effet multiplicateur, mais, quoi qu'il en soit, l'important c'est ce que ça dénote. Quelqu'un peut formuler l'argument selon lequel 10 p. 100, peut-être 7 p. 100, comparativement à 2,2? C'est une différence d'environ 5 p. 100. Il s'agit d'une augmentation de 300 p. 100 des frais de service de la dette pour l'utilisateur.

Si le gouvernement était plus logique, plus scientifique dans la gestion de ces actifs et qu'il embauchait les bonnes personnes, peut-être qu'on pourrait formuler l'argument selon lequel il pourra construire cette chose de façon aussi efficiente qu'une entreprise privée. Je suis certain que vous allez faire valoir que oui, mais regardez l'historique des énormes dépassements de coûts. Je ferais valoir qu'une grande partie des dépassements de coûts n'en étaient pas vraiment; on avait simplement donné les mauvais chiffres au public. Le gouvernement s'était facilité la tâche en donnant un chiffre peu élevé de ce qu'allait coûter le projet. Ce sont des marchés à prix fixe ou des contrats avec participation.

Alors, expliquez-moi pourquoi, malgré tout cela, nous devrions tout de même payer 7 p. 100 des coûts liés aux fonds plutôt que 2,2 p. 100.

M. Claerhout : Vous devez regarder cela du point de vue du coût total de la propriété. Vous avez déjà répondu à certaines de vos propres questions. Le gouvernement n'est pas très bon pour réaliser le projet ni pour gérer ou entretenir l'actif. Vous obtenez peut-être la mauvaise réponse si vous ne faites que regarder le coût en capital. Vous devez vous demander : « Quel est le coût lié à la prestation du service sur une longue période? » au lieu de : « Combien en coûte-t-il pour recueillir les capitaux? »

L'autre aspect que je soulignerais, c'est qu'il n'est pas question de sortir le gouvernement du secteur de réalisation des infrastructures. Le gouvernement jouera encore un rôle très important pour ce qui est de créer l'infrastructure. Il s'agirait d'une infrastructure à laquelle aucun revenu n'est associé et qui doit être créée par des moyens habituels ou à l'aide d'un partenariat public-privé. Le gouvernement paiera tout de même pour une grande part de l'infrastructure et tirera parti du taux de 2,2 p. 100 qu'il peut obtenir grâce à sa cote de crédit.

Toutefois, même si le gouvernement peut grandement stimuler des investissements externes, c'est limité; ce n'est pas sans limites. Afin de lui permettre de construire encore plus d'infrastructures qu'il ne pourrait autrement en construire sans le secteur privé, il y aura cette troisième catégorie, s'il s'agit d'une infrastructure générant des recettes que le secteur privé est disposé à construire, à entretenir et à faire croître et à l'égard duquel il est prêt à investir davantage. J'encouragerais le gouvernement à faire cela, puis à utiliser ses fonds, ses ressources et ses gens pour s'assurer que l'infrastructure traditionnelle et celle qui est réalisée en partenariat public-privé sont financées puis consignées dans son bilan.

Le président : Essayons de ne pas nous attarder.

Le sénateur Massicotte : Je veux poser ma deuxième question avant que le président m'interrompe.

Le président : Ne vous éternisez pas.

Le sénateur Massicotte : Elle porte sur ce que nous avons entendu dire, hier, dans un témoignage. Si vous regardez la banque, le gouvernement a affirmé très clairement qu'il avait l'intention de réduire au minimum la somme d'argent qu'il investira pour amorcer la mise en œuvre des projets. En raison de notre tradition canadienne, lorsque nous utilisons des méthodes où c'est l'utilisateur qui paie, nous n'avons toujours pas le courage de facturer au consommateur sa pleine utilisation. Cela fait partie du problème. Cette situation ne va pas changer demain parce que certains Canadiens sont encore sceptiques à l'égard de toute cette question.

L'intention du gouvernement est d'investir le moins possible : « Quelle est la somme de la subvention que je dois accorder pour faire démarrer ce projet? » Voilà l'état d'esprit. Si c'est le cas, et appelez cela comme vous voulez, c'est le financement d'un besoin de faire fonctionner le projet pour les intervenants qui vont y investir à parts égales. Toutefois, ils n'investiront probablement pas à parts égales avec vous. Ils vont tenter de réduire le capital au minimum. Ils vont faire leur possible pour amorcer la mise en œuvre d'un projet, mais ils ne seront pas là à long terme. Ils vont faciliter et encourager la conclusion du marché.

Vous êtes préoccupé au sujet de l'indépendance du conseil d'administration et de la participation du gouvernement. Effectivement, il va participer à l'avant-plan. Il ne sera pas votre investisseur ou partenaire à parts égales. Ce sera les capitaux privés.

On peut alléguer que, une fois que la banque — qui, en réalité, est une équipe de structuration des affaires — obtient la conclusion de ce marché, il faut établir un partenariat public-privé. Aller de l'avant avec ce partenariat. Tout ce qu'elle va faire, c'est fournir les capitaux nécessaires pour que l'affaire soit conclue.

M. Claerhout : Je ne crois pas qu'on peut affirmer que le gouvernement n'agira pas, à long terme, en tant que partenaire de projet. Je l'encouragerais...

Le sénateur Massicotte : Il sera présent dans certaines structures, mais pas pari passu à parts égales.

M. Claerhout : Prenons la clause de déduction, d'abord. Disons qu'on ne sait pas quel sera l'achalandage pour les cinq premières années sur une autoroute payante. La Banque de l'infrastructure va donc investir des capitaux, assortis d'une clause de déduction. Elle sera plus touchée par un achalandage peu élevé que le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, le RREO, ou un autre investisseur du secteur privé, qui seront nos partenaires pari passu si le projet réussit, une fois qu'il n'y a plus de risque de perte initial.

J'ai mentionné, dans tous les conseils que j'ai fournis à ce sujet, que je veux un partenariat avec le gouvernement. Je veux qu'il y ait un partenariat avec le gouvernement, parce que si le projet est une très grande réussite et que les investisseurs réussissent mieux que prévu, je veux que ce soit aussi vrai pour le gouvernement. Je ne veux pas qu'on se retrouve dans une situation où le gouvernement — la banque — va devoir dire, avec le recul : « Oh, on a trop investi, et pas au bon endroit. On dirait bien que ce n'était pas nécessaire d'accorder une subvention ou une garantie d'emprunt pour ce projet. » La banque aurait l'air d'avoir pris une décision sans réfléchir si cela arrivait. Je veux que la banque prenne des décisions très éclairées, afin d'assurer son avenir à long terme. Je veux que la banque soit perçue comme une organisation au rôle légitime.

Le RREO investit aux côtés du gouvernement non pas pour ce projet seulement, mais bien pour les 10 prochains projets. Vous comprendrez que nous voulons à tout prix que le gouvernement nous épaule et réussisse avec nous.

Le sénateur Massicotte : Je comprends vos raisons, mais si l'objectif est de réduire au minimum le montant des capitaux, alors la façon la plus rapide d'y arriver est simplement d'accorder une subvention pour lancer le projet.

Le sénateur Wetston : Ma question s'adresse probablement davantage à M. Claerhout et à Mme Campbell. D'après ce que vous en savez, combien de projets qui vous ont été proposés avez-vous refusé de financer parce que le rendement ajusté au risque n'était pas acceptable, et combien de ces projets accepteriez-vous aujourd'hui avec ce modèle, s'il était mis en œuvre?

M. Claerhout : Vous posez une question très difficile; tant qu'une banque n'a pas été établie avec son équipe de direction pour décider de ce qui peut se faire et de ce qui ne se fera pas; je ne peux que spéculer. Si nous avons conclu des ententes dans le passé, c'était parce qu'elles respectaient nos critères. Il arrive souvent que nous décidions qu'un projet qui nous est proposé ne nous convient pas. De façon générale, on nous propose bien plus de projets que nous n'en acceptons. C'est simplement de cette façon que fonctionnent les accords commerciaux.

Le sénateur Wetston : Je pense que vous arrivez là où je veux en venir.

M. Claerhout : C'est difficile à dire comme ça, sans contexte. Jusqu'à ce qu'une banque soit établie et que ses objectifs stratégiques soient définis par le gouvernement... Jusqu'à ce que nous puissions effectivement tirer parti — c'est dommage que le sénateur ne soit pas ici — du flux d'affaires que le sénateur a mentionnées dans sa question, je ne puis que spéculer, pour être parfaitement honnête.

Mme Campbell : Ce que vous voulez savoir, c'est si l'établissement va vraiment avoir quelque chose à faire, vu le nombre de projets existants?

Le sénateur Wetston : Eh bien, essentiellement, je veux parler du rendement ajusté au risque. Si le rendement ajusté au risque est tout ce qui importe, alors vous devez refuser un bon nombre de projets qu'on vous propose. J'imagine qu'on vous en propose souvent. Donc, si tout repose vraiment sur le rendement ajusté au risque, j'essaie de me faire une idée de l'étendue des possibilités. Je ne dis pas que c'est une mauvaise idée, mais j'essaie de la comprendre.

Mme Campbell : J'ai peur que le terme « rendement ajusté au risque » soit un peu l'arbre qui cache la forêt. Je crois qu'on devrait aussi parler de « faisabilité ». Prenez le trafic routier, c'est un bon exemple. Lorsqu'on construit une nouvelle route, il faut consulter un expert-conseil en transport. Au début, c'est impossible d'obtenir une cote d'évaluation d'investissements, puisqu'il n'y a pas d'antécédents. L'expert-conseil en transport va vous dire : « Sans données probantes, il n'y a rien à faire. »

Voilà donc où le gouvernement peut intervenir. Comme vous l'avez dit, le gouvernement pourrait prendre en charge le risque associé au projet routier, ce que le secteur privé ne peut pas faire, afin de le soutenir : « Nous allons prendre en charge le risque pour le lancement afin que le projet puisse être financé et lancé. »

On n'aurait jamais vu un projet faisable avec un risque aussi grand, parce que les gens auraient su que ce ne serait pas réalisable.

Le sénateur Wetston : J'ai une autre question à propos de la conception institutionnelle. Monsieur Claerhout, vous avez parlé d'indépendance. C'est un sujet qu'on aborde beaucoup au Sénat aussi, maintenant que j'y pense. Nous approchons du but, pas vrai?

Sérieusement, vos investissements en Ontario ou au Canada — je suis un sénateur de l'Ontario — ne sont pas très importants par rapport à ceux faits à d'autres endroits. Permettez-moi d'être franc. J'aimerais savoir : est-ce principalement parce qu'il y a trop d'ingérence politique dans les projets d'infrastructure? La question s'adresse peut- être aussi à Mme Campbell. Est-ce une préoccupation? Est-ce un point important, est-ce pour cela que vous soutenez si ardemment le modèle d'indépendance — le modèle de gouvernance —, qui, selon vous, serait crucial dans la réussite de la banque?

M. Claerhout : Le risque d'ingérence politique est omniprésent. Ce n'est pas un problème particulier en Ontario. Si j'ai soulevé ce point, c'est pour veiller à ce que les rôles et les responsabilités du gouvernement et de la banque soient bien définis; il faut que chacun connaisse les règles.

Pour répondre à votre question sur la faiblesse de nos investissements en Ontario...

Le sénateur Wetston : Et dans l'ensemble du Canada. Je ne cible pas l'Ontario en particulier.

M. Claerhout : Pour être honnête, il n'y a plus beaucoup d'occasions d'investissement. En Ontario, par exemple, nous avons investi dans les projets liés à l'énergie renouvelable. Il y a peu d'autres formes d'actifs suffisamment importants qui auraient été susceptibles d'avoir les caractéristiques que nous recherchons.

Nous ne voulons pas de PPP. Mark a mentionné la construction d'hôpitaux, mais ces projets étaient trop petits pour nos capitaux. Nous avons un montant minimal pour les investissements; nous voulons nous assurer d'obtenir un bon rendement pour l'effort consenti ainsi qu'un bon rendement du capital.

Prenez la plupart des actifs dans lesquels on pourrait investir... Il y a la 407, une autoroute payante en Ontario.

Le sénateur Wetston : Nous en avons presque eu une autre.

M. Claerhout : Il y a aussi Hydro One. C'est un sujet que j'ai déjà abordé avec le ministre Chiarelli et beaucoup d'autres personnes en Ontario; je pense que nous avons raté une belle occasion lorsqu'Hydro One a été introduite en bourse parce que les régimes de pension canadiens auraient eu un très grand intérêt à ce qu'Hydro One demeure une entreprise privée avec un propriétaire dévoué plutôt que simplement un actionnaire parmi d'autres.

Dans ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné le fait qu'il y a un fossé entre le capital dont on peut disposer et le nombre de projets dans lesquels nous avons investi, et par « nous », j'entends tous les régimes de pension canadiens ainsi que les investisseurs étrangers. Il n'y a tout simplement pas assez de projets dans lesquels on peut investir, c'est tout. Si la Banque de l'infrastructure du Canada peut aider à créer davantage de projets où investir, alors ce serait formidable.

Mme Campbell : Le modèle d'Infrastructure Ontario prévoit que le rôle prioritaire du conseil d'administration est de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'ingérence politique. La clé de notre réussite tient au fait que le secteur privé peut être assuré que le processus de demande de prix, par exemple, va bien se dérouler.

J'ai parlé un certain nombre de fois avec nos voisins du Sud, et ils demandent toujours : « Pourquoi ne parvenons- nous pas à obtenir des résultats? » C'est surtout à cause de l'ingérence politique.

La sénatrice Wallin : Ma première question s'adresse à M. Claerhout, mais si d'autres veulent répondre, vous le pouvez. J'aimerais qu'on remonte au début, en ce qui concerne la structure organisationnelle.

Le Cabinet — donc, essentiellement, le premier ministre — se chargera de nommer le PDG et le conseil d'administration. Conformément à certaines règles qui ont été établies, diverses personnes ne peuvent pas être nommées au conseil : les fonctionnaires fédéraux, un sénateur ou un failli.

Vous avez mentionné la très grande importance du personnel. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point; nous avons besoin de gens qualifiés et autonomes qui vont rendre des comptes.

Avez-vous des recommandations à faire relativement à ce qui est compris dans le projet de loi? Comment la loi devrait-elle être libellée pour que vous soyez convaincu que le secteur privé allait être consulté en ce qui concerne la nomination à ces postes clés?

M. Claerhout : Selon moi, la version actuelle de la loi ne fournit pas beaucoup de détails. J'aimerais bien qu'on aborde l'idée de greffer un comité de gouvernance au conseil. Ce comité pourrait être constitué de membres qui répondent à certains critères outre le fait d'avoir plus de 18 ans, de ne pas être en faillite et d'être résident canadien, ce genre d'exigences minimales. Il faut plutôt s'attacher aux antécédents professionnels, au niveau de professionnalisme et au niveau d'expérience des membres du conseil. Il devrait y avoir davantage de détails par rapport à la forme que cela devrait prendre.

Vous n'avez pas posé la question, mais en ce qui concerne la nomination des membres du conseil et de l'équipe de direction, je ne pense pas que c'est une chose inhabituelle pour le gouvernement de nommer les membres du conseil, au bout du compte. C'est le gouvernement qui fournit les capitaux et qui crée l'institution. Je préférerais quand même que le gouvernement ne puisse pas renvoyer les membres du conseil, sans motif valable, un peu de la façon dont cela se passe au RPC, par exemple. Ce ne sera pas facile de recruter les meilleurs administrateurs s'ils croient que le gouvernement au pouvoir va changer. On voit ce genre de choses se produire dans les sociétés d'État : dès qu'il y a un nouveau gouvernement au pouvoir, ces organisations changent du tout au tout. Nous voulons que cette organisation soit très différente d'une société d'État. Nous voulons qu'elle soit plus indépendante.

La sénatrice Wallin : Donc, vous recommandez que cela soit reflété dans le texte de loi.

M. Claerhout : Effectivement.

La sénatrice Wallin : Quelqu'un d'autre veut-il répondre?

M. Romoff : À propos de la sélection des candidats que vous avez mentionnée, vous savez que le gouvernement a nommé un agent de recrutement pour assumer cette tâche. Il mène de vastes consultations, et nous avons déjà travaillé activement avec lui afin de sélectionner des candidats qui pourraient être présidents du conseil, membres du conseil ou PDG.

Nous ne pouvons pas encore dire quel sera le résultat, mais à l'étape préliminaire, tous les candidats sont pris en considération. Comme vous le savez, mis à part ce que fait l'agent de recrutement par rapport à la gestion du processus, il incombe à ces candidats de présenter une demande et de suivre le processus gouvernemental — les processus du gouverneur en conseil — comme on le ferait pour n'importe quel autre conseil d'une société d'État.

Au début du processus, nous essayons de cerner un bassin de candidats potentiels, nous avons été très proactifs dans nos efforts, et nous avons même regardé ailleurs qu'au Canada.

La sénatrice Wallin : Merci.

Le président : Les membres devraient-ils venir de régions différentes?

M. Romoff : Je le crois. Il y a certaines choses qui sont importantes pour nous, en tant que conseil. Cela vaut pour n'importe quel autre. Nous voulons que les membres viennent de régions différentes. Nous sommes une organisation nationale, et cette banque sera une entité nationale. Nous axons surtout nos efforts sur la parité entre les sexes. C'est un aspect très important.

C'est un peu plus difficile dans le secteur de l'infrastructure, à cause de son passé distinct. Malgré tout, nous savons qu'il y a un certain nombre de personnes très compétentes, et certains des sénateurs ici présents qui étaient avec nous il y a deux ou trois jours les ont probablement rencontrées. Nous déployons de grands efforts pour traiter ce genre de questions. Parallèlement, il ne faut pas nuire à nos capacités, mais avec ce genre de critères, c'est possible de constituer un conseil vraiment impressionnant.

Le président : Bien sûr. Je suis d'accord.

M. Claerhout : Je suis d'accord avec Mark là-dessus. C'est une création du gouvernement fédéral, et à ce titre, elle devrait refléter la diversité de la fédération, mais je ne crois pas qu'il devrait y avoir « un représentant par province ». Je crois que ce serait contre-productif. Malgré tout, il faut éviter que 70 p. 100 des membres du conseil d'administration viennent de l'Ontario.

On doit accorder une certaine importance à la parité des sexes, à la province d'origine, aux compétences et aux antécédents professionnels si on veut que le travail du conseil d'administration, dans l'ensemble, représente la population canadienne de façon très générale et élargie.

La sénatrice Marshall : J'aimerais continuer à discuter de ce conseil. Je pose ma question à M. Claerhout en particulier, même si je tiens aussi à connaître l'avis des deux autres témoins.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que le conseil devrait être indépendant du gouvernement, comme il se doit, et que cette indépendance permettrait de prévenir l'ingérence politique. À vos yeux, c'est la chose la plus importante ici.

Actuellement, le texte de loi prévoit que les membres du conseil d'administration sont nommés par le gouvernement, à l'instar des présidents. Le gouvernement pourra aussi mettre fin à leurs fonctions, et il devra aussi approuver le PDG. Donc, d'après ce qu'il y a dans le texte de loi — parce que c'est ce que nous sommes censés étudier — croyez-vous que ce sera possible, à l'intérieur de ce cadre, pour l'organisation d'être suffisamment indépendante du gouvernement, ou allons-nous devoir modifier le projet de loi?

M. Claerhout : Si vous me demandez ce que j'aimerais voir, j'ai déjà mentionné la façon dont le RPC est structuré. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que le gouvernement devrait être responsable de nommer les membres du conseil, puisqu'il s'agit d'une création du gouvernement, financée entièrement avec l'argent du gouvernement. Cependant, je trouve que ce serait préférable si le gouvernement n'était pas habilité à « mettre fin aux fonctions de tout administrateur ». Je préférerais que les membres siègent jusqu'à la fin de leur mandat, sauf s'il y a une bonne raison ou qu'il y a des problèmes. Voilà donc ce que je préférerais.

Sommes-nous prêts à accepter une loi où le gouvernement peut mettre fin aux fonctions d'un membre du conseil avant la fin de son mandat? Bien sûr. Le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario est structuré de façon à ce que le conseil d'administration puisse mettre fin aux fonctions des administrateurs avant la fin de leur mandat, et ce, sans motif. Donc, c'est quelque chose qui peut fonctionner. Mais si vous me demandez ce que je préfère, je préférerais l'autre option.

En ce qui concerne le fait que le gouvernement puisse mettre fin aux fonctions du PDG, je préférerais aussi que ce soit une décision émanant du conseil d'administration. Vous nommez le conseil, et c'est le conseil qui embauche, renvoie, indemnise et surveille le PDG; ce sont les bases d'une saine gouvernance. Si le gouvernement est habilité à faire plus, on risque de voir, par exemple, une nouvelle administration qui prend le pouvoir mettre fin aux fonctions du PDG, pour des motifs politiques, sans égard pour son rendement. Je voudrais que ce soit le conseil d'administration qui nomme et congédie le PDG, par exemple.

La sénatrice Marshall : Vous seriez donc prêt à accepter ce qu'il y a dans le texte de loi. Disons que le projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, les choses pourraient fonctionner, selon vous. Vous n'allez pas dire : « Non, ça ne nous intéresse pas. » Allez-vous pouvoir travailler dans ce cadre?

M. Claerhout : Ce n'est pas ce que je préférerais, mais cela pourrait fonctionner, pourvu qu'il y ait des mises en garde appropriées et que l'on comprenne bien ce qui se passe.

Une chose que vous n'avez pas mentionnée, et c'est probablement ce qui me préoccupe le plus dans ce projet de loi, c'est le fait que chaque investissement devra être approuvé par le Cabinet. C'est probablement ce qui me laisse perplexe. Pour le RREO, Aecon ou EllisDon, une entreprise de construction, c'est important de savoir avec qui on négocie. Est-ce qu'on négocie avec la banque, ou avec le Cabinet?

Les interventions politiques peuvent devenir très gênantes si les gens se mettent à penser que c'est le Cabinet qui prend les décisions et non l'équipe de direction. Ce sera fort difficile d'embaucher un bon PDG si cette personne sent que les gens pourront saper son autorité de décideur en allant directement voir le Cabinet. On devrait fournir davantage de détails en ce qui concerne nos objectifs à ce chapitre, parce que c'est une très mauvaise chose, selon moi, si la décision finale revient au Cabinet. On pourrait probablement accepter un cadre où le Cabinet doit donner son approbation à la première étape; disons que la Banque de l'infrastructure du Canada trouve un projet qui, selon elle, pourrait rapporter beaucoup et dans lequel on devrait investir, le Cabinet pourrait donner son approbation au début du processus, avant le début des négociations.

La sénatrice Marshall : Il y a un dernier sujet que j'aimerais aborder avant que je ne me tourne vers les deux autres témoins, à savoir à qui le conseil doit rendre des comptes. Selon le texte de loi, la banque n'est pas mandataire de Sa Majesté; on ne veut donc probablement pas en faire une société d'État. Dans ce cas, à qui le conseil rend-il des comptes? Doit-il rendre des comptes au ministre ou à quelqu'un d'autre? J'aimerais connaître votre avis à tous à ce sujet.

Peut-être pourrions-nous commencer avec M. Claerhout avant de passer aux autres témoins.

M. Claerhout : Je crois que le conseil devrait rendre des comptes, évidemment, à la personne qui a nommé ses membres. Voilà ma réponse.

La sénatrice Marshall : Vous voulez dire le ministre.

Monsieur Romoff?

M. Romoff : J'ai deux ou trois commentaires à faire. Je vais devoir m'en remettre beaucoup à Colleen à ce sujet, parce que, comme nous l'avons déjà mentionné, l'approche d'Infrastructure Ontario a connu une grande réussite. À l'échelle mondiale, c'est le modèle idéal.

Dans le contexte relatif à la banque, il faut faire la distinction entre la personne qui sélectionne les projets et la personne qui conclut les ententes. Dans le cas de l'Ontario — et Colleen pourra me corriger si je me trompe —, ce sont les ministères axiaux, dans le cadre de leur processus budgétaire, qui sélectionnent les projets potentiels dans lesquels le gouvernement veut investir. C'est ensuite qu'Infrastructure Ontario entre en scène. Le ministère lui confie l'approvisionnement, prend du recul, et nous n'interférons pas dans ce processus.

Si ce dont il est question ici suit un principe similaire, je ne vois aucun problème à ce que les projets soient d'abord sélectionnés par le gouvernement fédéral. Après cela, le gouvernement pourra dire : « Voici ce qui me semble être les meilleurs projets, c'est maintenant à la banque de jouer. » Ensuite, elle se retire, et vous avez un processus qui, selon moi, est très efficace où les deux parties participent. Je vais laisser Colleen entrer dans les détails, et vous m'excuserez si j'ai dit quelque chose de faux.

Au bout du compte — comme tout le reste en ce bas monde — tout va se jouer sur les relations interpersonnelles. Nous allons avoir besoin d'un président, d'un conseil et d'un PDG qui comprennent le gouvernement — ce qui n'est pas une mince affaire en soi — et qui seront en mesure de forger les relations nécessaires au bon fonctionnement de ce petit écosystème, parce que la banque ne pourra pas fonctionner indépendamment — nonobstant ce qui est prévu dans le projet de loi, sans interagir avec certains hauts fonctionnaires du gouvernement en cours de route. Les interactions de ce genre seront cruciales.

La sénatrice Marshall : Le gouvernement aime le pouvoir et ne le cède pas facilement.

Madame Campbell?

Mme Campbell : Vous avez raison. Comme Andrew l'a dit, une fois qu'on atteint l'étape du processus où intervient le secteur privé, on doit être sûr que le processus est fiable, qu'il n'y aura pas d'ingérence politique. C'est le gouvernement qui décide quels projets méritent d'être soutenus.

Le sénateur Woo : Je vous remercie de me donner l'occasion de poser une question, parce que je sais que je ne suis pas membre du comité. Je vous remercie aussi d'avoir mentionné le rapport de KPMG. Puisque je siège au comité des finances, j'en ai reçu une copie deux jours à l'avance. Je vous recommande tous fortement de le lire.

J'ai une petite recommandation à faire au comité, si vous me le permettez. KPMG a publié un autre rapport — accessible au public — qui traite spécialement de la banque, et je crois que le comité pourrait s'en servir à ses fins. Il a été publié en février 2017.

J'aimerais revenir au sujet de la sélection des projets, parce que je crois que c'est un point très important. Cela concerne aussi la gouvernance, la question d'ingérence politique et tout le reste. Ma première question est de portée générale, et je vais en avoir une autre plus précise à poser ensuite à M. Claerhout.

Je comprends le fait que l'ingérence politique est un problème très réel qui comprend des dangers très importants, mais j'aimerais que vous nous parliez aussi du risque d'appropriation par le secteur privé. C'est quelque chose qui doit préoccuper le gouvernement, surtout dans les cas où les échelons inférieurs — avec ce genre d'approche ascendante, je parle des administrations municipales, des nations autochtones et même des gouvernements provinciaux — n'ont tout simplement pas les connaissances ni la capacité requises pour créer des projets suffisamment attirants pour le secteur privé.

D'instinct, bien sûr, on se tourne vers les conseillers. On va voir Colleen, peut-être, ou d'autres personnes, des gens qui seront peut-être des preneurs fermes ou des participants aux projets. C'est aussi quelque chose qui me préoccupe.

Pouvez-vous nous parler de l'équilibre qu'il faut atteindre, d'un côté, entre l'ingérence politique — un problème non résolu dont nous sommes tous conscients —, et d'un autre côté, l'appropriation des projets par le secteur privé au détriment de l'intérêt public?

M. Romoff : J'ai deux ou trois commentaires à faire.

En ce qui concerne les partenariats public-privé, je crois que cela se fait aussi avec l'approvisionnement traditionnel. Vous ne pouvez pas à la fois conseiller le gouvernement et les soumissionnaires. Il y a une véritable muraille de Chine entre les deux... Excusez-moi.

Le sénateur Woo : En Chine, la muraille est tombée, en passant.

Le président : C'est quand même une grande muraille.

M. Romoff : Tout repose là-dessus ici, et vous devez veiller à ce que les choses progressent dans ce sens. C'est une évidence absolue.

Je crois aussi que le gouvernement dispose de 186 milliards de dollars pour les investissements en infrastructure, un montant tout à fait indépendant de la banque. Le gouvernement fédéral ne va pas se charger d'octroyer la majeure partie de ce financement. Il est actuellement en train de négocier des accords avec les provinces et les municipalités à cet effet. Au bout du compte, les fonds seront transférés sous la responsabilité de ces autres parties, conformément aux accords, et ce sont elles qui vont devoir décider quels projets financer.

Nous avons un avertissement permanent pour ces collectivités : si c'est votre première partie, ou si vous n'êtes pas très expérimenté, consultez un grand nombre d'experts-conseils. C'est pour cette raison que j'encourage le gouvernement fédéral à créer un fonds pour les municipalités qui n'ont même pas l'argent nécessaire pour retenir les services d'experts-conseils, parce que ces services peuvent être onéreux.

Pour terminer, j'espère que la banque va s'intéresser aux projets qui — à défaut d'un meilleur terme — seront propices à l'édification de la nation. Si nous décidons de poursuivre une stratégie nationale en matière de services à large bande... Ce serait un projet dépassant tout ce qu'on a vu jusqu'ici dans le sud-ouest de l'Ontario ou dans les Territoires du Nord-Ouest. Comme je l'ai dit dans le cadre d'autres tribunes, à une certaine époque, le Canada se plaçait au premier rang mondial en matière de services à large bande. Ce n'est plus le cas maintenant, malgré notre besoin démesuré de connecter nos collectivités et d'augmenter notre capacité de gigaréseaux. Ainsi, nous pourrons continuer d'être un joueur sur la scène mondiale et d'attirer des talents de l'étranger.

J'espère de tout cœur qu'il n'y aura pas de conflit entre la nécessité de sélectionner des projets locaux et le désir d'investir dans des projets d'envergure. Il y a des discussions concernant des systèmes de transmission transprovinciaux. Les idées pullulent dès qu'on commence à réfléchir globalement. Prenez une stratégie nationale en matière d'eaux usées : toutes les municipalités ont une infrastructure hydraulique qui fuit ou qui fait défaut. Si nous réfléchissons globalement au problème, la banque pourrait venir y jouer un rôle constructif et intéressant. Voilà ce que j'avais à dire.

Le sénateur Woo : J'ai particulièrement aimé votre proposition de mettre en place un centre pour la préparation de projets. C'est peut-être quelque chose que le comité devrait étudier. Ce serait un complément très utile pour la Banque de l'infrastructure en général.

Quelqu'un veut ajouter autre chose?

M. Claerhout : Il semble peut-être que je me répète; eh bien, c'est le cas. Je crois que c'est la raison pour laquelle qu'il est essentiel que la banque ait une équipe de direction très forte. J'aime bien utiliser l'expression : « Un imbécile et son argent sont toujours accueillis à bras ouverts. »

Le sénateur Woo : C'est exact.

M. Claerhout : Chaque fois que nous créons un fonds et disons que nous avons 35 milliards de dollars ici, une poignée de gens arrivent et avancent des idées qui ne sont pas dans l'intérêt d'une municipalité, d'une province ou de la fédération du Canada. Elles sont dans leur propre intérêt. Vous devez avoir une équipe qui a de l'expérience, qui a côtoyé les loups et qui peut reconnaître ce type de situation et s'assurer que vous utilisez l'argent judicieusement au profit des villes, des provinces et de la nation.

Le sénateur Woo : C'est exact.

Mme Campbell : L'autre chose liée à cela, qui est absolument essentielle, c'est la collaboration entre les entreprises. Une des préoccupations toujours présentes est que les gens demeurent dans leurs structures verticales, ce qui entraîne des chevauchements avec ce que fait une municipalité, une province ou le gouvernement fédéral. Il importe que cette collaboration favorisée par les relations soit en place, et qu'il y ait beaucoup de communications.

Le sénateur Woo : Ce sont des réponses très utiles.

La question suivante s'adresse à M. Claerhout. Dans votre témoignage, vous avez parlé de la création de paramètres liés aux projets admissibles et avez souligné le commerce et le transport, essentiellement. Je ne suis pas certain de la logique qui sous-tend tout cela dans le sens où les projets iront de l'avant de toute façon s'il y a un flux de rentrées ajusté en fonction des risques acceptable pour les partenaires participants du secteur privé. Je peux penser à des projets à l'extérieur des secteurs du commerce et du transport qui peuvent générer ce type de flux de rentrées, ce qui les rend attrayants. Pourquoi avez-vous mentionné un ensemble de paramètres aussi restreint?

M. Claerhout : Je ne veux pas être mal compris, alors je vous remercie de la question, monsieur. J'en ai parlé simplement à titre d'exemple. Si vous définissez un objectif stratégique du gouvernement, alors le gouvernement peut dire : « Nous voulons plus de corridors commerciaux étrangers ou moins de congestion dans les huit principales villes du Canada. » La banque peut ensuite affirmer : « Nous allons encourager les soumissions qui contribuent à résoudre ce problème, et nous allons diriger le capital afin d'aider à atteindre ces objectifs stratégiques. »

En fait, il s'agissait davantage d'expliquer la différence au chapitre de la gouvernance : le gouvernement fédéral nomme les membres du conseil d'administration et fournit le capital. C'est lui qui devrait également déterminer les objectifs stratégiques qu'il tente d'atteindre avec ce capital de manière à ce que la banque puisse interpréter ces objectifs et donner la priorité aux projets que le gouvernement préférerait voir réalisés, probablement parce qu'ils ont une très grande valeur pour les Canadiens.

Le sénateur Woo : C'est très utile.

Le président : Merci beaucoup à vous trois.

Nous avons encore un témoin. Je suis maintenant heureux de présenter Blair Patacairk, président, Comité des relations gouvernementales, Alliance des villes Canada en tête, qui nous parlera de la section 20, la « Loi sur Investir au Canada » proposée.

Vous pouvez faire votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons à la période de questions.

Blair Patacairk, président, Comité des relations gouvernementales, Alliance des villes Canada en tête : Merci, monsieur le président. Je ne crois pas que j'aurai autant d'entrain qu'au cours de notre dernière conversation — je ne crois pas que je le veuille —, mais j'essaierai de m'en tenir à moins de cinq minutes.

C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui pour soutenir la section 20 du projet de loi C-44, la « Loi sur Investir au Canada ». Je suis président du Comité des relations gouvernementales de l'Alliance des villes Canada en tête, l'AVCE; et directeur général, Investissement et commerce pour Investir Ottawa.

J'ai trois points à aborder aujourd'hui : le soutien de l'AVCE et de ses membres pour le centre d'investissement qui sera établi par le projet de loi C-44; les avantages de la relation qui serait nouée entre nos membres et le centre; et, finalement, l'activité déjà en cours pour que l'on puisse s'assurer que les possibilités économiques présentées par l'établissement du centre sont concrétisées rapidement et efficacement.

D'abord, une petite observation sur l'AVCE.

Sept des plus grandes villes du Canada se sont regroupées en 2007 afin d'explorer les défis communs au moment d'attirer des investissements directs étrangers au Canada. La collaboration entre les villes comprend maintenant une activité conjointe avec le bureau d'Investir au Canada d'Affaires étrangères. À mesure que les activités se sont accrues, le groupe s'est constitué en organisation sans but lucratif en 2012. Aujourd'hui, l'AVCE regroupe 13 des plus grandes municipalités du Canada qui abritent des organismes de promotion, de Halifax à Vancouver. Ensemble, les zones d'influence économique des membres englobent en tout ou en partie 14 des régions métropolitaines de recensement représentant presque 60 p. 100 de la population canadienne, 65 p. 100 du PIB du Canada en 2016 et 83,4 p. 100 du PIB du Canada entre 2011 et 2016.

La mission d'Alliance des villes Canada en tête est de contribuer à une économie nationale durable et concurrentielle à l'échelle mondiale fondée sur la force collective des écosystèmes de chaque région membre.

Les membres de l'AVCE sont, par conséquent, ravis de l'annonce figurant dans l'Énoncé économique de l'automne de 2016, soit que le gouvernement a l'intention de créer le centre « Investir au Canada ». Les membres de l'AVCE estiment que la création du centre est un engagement important du gouvernement du Canada envers l'importance du portefeuille d'investissements directs étrangers comme producteur de richesse, créateur d'emplois dans tous les groupes de population et stimulant essentiel à la stratégie en matière d'innovation du Canada. La « Loi sur Investir au Canada » du projet de loi C-44 traduit cette réalité.

Les membres de l'AVCE accueillent favorablement la possibilité de contribuer à la réussite globale du centre, mais également les efforts déployés à l'échelon municipal pour attirer des investisseurs au Canada. Nous ne minimisons pas la complexité de ce défi; plutôt, nous l'envisageons comme un tremplin important au chapitre de l'innovation et de la force économique de notre pays.

Nous sommes d'accord avec l'affirmation suivante faite dans l'Énoncé économique de l'automne :

Partout dans le monde, les entreprises de premier plan cherchent des endroits stables où investir et développer leurs activités. Les pays astucieux se mobilisent afin de tirer parti des possibilités et des emplois qui vont de pair avec l'investissement mondial. Le Canada ne peut pas se permettre d'être à la traîne.

Nous avons hâte que le centre devienne un « guichet unique » pour l'investisseur qui envisage d'investir au Canada. Nous espérons que le centre deviendra le point d'accès unique des municipalités qui veulent joindre le gouvernement canadien concernant la façon d'attirer des investissements. Par conséquent, nous désirons que le centre ait la capacité de fournir de l'aide et des conseils et de se faire le champion des questions suivantes : la définition des responsabilités entre le centre et la direction de l'investissement et de l'innovation d'Affaires mondiales Canada; les politiques et les procédures en matière d'immigration; les programmes incitatifs fédéraux; les stratégies de développement économique fédérales; les politiques concernant la promotion des investissements; l'élaboration et le marketing de l'image de marque Canada; la génération de pistes et le service à la clientèle; la collecte de données et l'élaboration pertinente à la promotion des investissements; et une source unique de financement fédéral pour les organismes de promotion des investissements.

De même, les municipalités s'assureront que chaque sphère désignée a un contact au sein du centre pour ce qui est des questions liées à l'attraction des investissements au sein de leur administration. En outre, si des agents du centre étaient placés dans différents endroits au Canada, nous recommandons que ces agents soient installés dans les bureaux d'un de nos membres respectifs.

Enfin, nous sommes favorables au rôle du centre dans la coordination des missions d'Équipe Canada en appui aux accords d'investissement et de commerce afin d'aider à régler les problèmes bilatéraux et multilatéraux et d'étudier d'autres possibilités.

Nous espérons que les relations opérationnelles seront fondées sur les divers principes : d'abord, la collaboration. Le centre peut s'attendre à ce que les membres d'Alliance des villes Canada en tête communiquent leurs stratégies, leur modèle opérationnel, leurs mesures, leurs propositions de valeur, leurs documents de marketing, et cetera. Cela permettra au centre de connaître les possibilités et les priorités des membres de l'AVCE, ainsi que leurs approches et leurs tactiques.

Une compréhension opérationnelle de la communication de pistes actives d'investisseurs potentiels au centre devra faire l'objet de discussions et être élaborée. L'objectif doit être de s'assurer que les approches des investisseurs potentiels sont coordonnées afin d'éviter la possibilité de confusion et de conflit.

Les membres de l'AVCE s'attendraient à un degré similaire de transparence de la part du centre concernant ses stratégies, son modèle opérationnel, ses mesures, ses propositions de valeur, ses documents de marketing, ses structures, et cetera.

Ensuite, nous avons la complémentarité. L'AVCE et ses membres reconnaissent que le gouvernement du Canada sera doté de capacités qui dépasseront de loin les nôtres. De même, les municipalités apporteront à toute transaction proposée des renseignements et des données concernant les actifs régionaux, les caractéristiques, les propositions de valeur et les stratégies pour les communiquer aux membres.

Cette approche complémentaire est essentielle afin que l'on puisse s'assurer que les investisseurs potentiels reçoivent des renseignements exacts, pertinents et opportuns relativement à leurs questions.

Finalement, il y a l'uniformité. Dans la mesure du possible, la relation entre le centre et les API municipales doit être reflétée dans une certaine forme de protocole, d'entente ou dans un autre accord au moyen duquel chaque partie peut s'attendre à une relation uniforme indépendamment des circonstances. Cela signifierait que le centre et l'AVCE tiendraient des discussions régulières et structurées sur le statut de la relation et chercheraient des améliorations lorsque c'est possible.

Les membres de l'AVCE travaillent déjà à la réussite du centre. Chaque membre a déjà accès à un service de guide- expert en ce qui concerne les investissements directs étrangers nouveaux et existants. On a établi une étroite relation de travail avec le centre et l'équipe de mise en œuvre. Tous les membres ont participé aux stratégies de sensibilisation élaborées par KPMG et menées par le Bureau du Conseil privé afin d'attirer des investissements directs étrangers au Canada. Tous les membres ont été invités à être des partenaires de référence pour la nouvelle chaîne de services établie par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada en préparation de son lancement en juin 2017. Le président d'AVCE a participé à une table ronde de consultation au niveau du sous-ministre sur l'élaboration du centre. Les membres travaillent avec le Service des délégués commerciaux afin de s'assurer que les 15 nouveaux agents d'investissement qui doivent être embauchés cette année dans le cadre du programme du centre connaissent pleinement les services, les capacités et les propositions de valeur présentés par chacun de nos membres.

En résumé, l'AVCE appuie entièrement le projet de loi C-44 et le centre « Investir au Canada », est résolument engagé envers les avantages économiques que le Canada peut obtenir en offrant un guichet unique pour les investissements directs étrangers et travaille activement avec l'équipe de mise en œuvre du centre et ses partenaires fédéraux afin de s'assurer que le Canada profite au maximum de l'avantage économique qu'offrent aujourd'hui les possibilités accessibles à l'échelle internationale.

La sénatrice Wallin : Merci d'être ici aujourd'hui.

Hier, nous parlions de la question à des responsables du gouvernement et nous avons encore un peu de difficulté à cerner la question. Un très grand nombre d'employés du gouvernement sont actuellement des délégués commerciaux, des ambassadeurs de programmes et des consuls généraux; des gens qui travaillent pour l'innovation au Canada. La liste est longue, et vous avez parlé de quelques-uns d'entre eux.

Qu'est-ce qui ne vous est pas offert? Et pourquoi pensez-vous que cela est important?

Ensuite, il semble que vous présumiez qu'il y aurait, d'une manière ou d'une autre, beaucoup de personnes qui seront jumelées dans chaque ville du Canada. Je viens d'une région rurale; nous devrons en discuter. Est-ce que c'est ce que vous voyez? Est-ce que c'est ce qu'on vous a amené à croire?

M. Patacairk : Laissez-moi commencer par les deux dernières questions.

Investir à Ottawa est le principal organisme de développement économique ici à Ottawa. Les 12 autres villes possèdent une organisation similaire qui s'occupe d'investissements directs étrangers.

Lorsque nous avons établi l'AVCE, c'était vraiment pour que plusieurs villes du Canada parlent d'une seule voix. Nous avons une personne d'AMC avec nous qui serait cette voix et qui irait à Affaires mondiales Canada, à « Investir au Canada », et cetera. Nous traitons déjà avec le Service des délégués commerciaux. Je vais en parler dans un moment.

Avec le nouveau centre, nous croyons comprendre qu'il y aura d'autres personnes qui y participeront. Actuellement, vous n'avez pas de simple citoyen qui peut être un champion à l'échelon municipal et davantage. Nous estimons simplement que nous avons eu une bonne relation de travail avec la personne intégrée à notre équipe qui s'occupe de l'ensemble du Canada. Les membres se sont réunis à de nombreuses reprises et ont dit : « Si nous voulons faire les choses correctement, nous devrions probablement avoir quelqu'un qui se trouve dans différentes villes afin que nous puissions parler aux dirigeants. » C'est juste ce que nous pensons. Nous ne savons pas si cela se produira assurément.

Est-ce que c'est ce qu'on nous a fait croire? Nous savons qu'on intégrera un certain nombre de personnes. On ne nous a pas encore dit où elles travailleront. Ce n'est que notre vision du monde parce qu'une personne ne suffit pas.

Je vais faire un retour en arrière avant de répondre à l'autre question concernant le nombre de personnes qui font ce travail.

Je suis dans le domaine des investissements directs étrangers depuis plus de 20 ans. La concurrence est féroce. Nos voisins du Sud sont, bien franchement, beaucoup plus dynamiques que nous le sommes à l'échelle internationale pour faire des investissements directs étrangers dans le commerce. Nous avons fait un travail admirable grâce au Service des délégués commerciaux et à « Investir au Canada », qui ont fait passer notre message, mais nous ne sommes en quelque sorte qu'une goutte d'eau dans l'océan en comparaison de notre voisin du Sud.

Le Service des délégués commerciaux est une excellente ressource pour nous relativement aux choses qui se passent à l'échelle nationale. Les gens du service sont très occupés la plupart du temps avec des ministres, des maires et des sénateurs — et la liste de hauts fonctionnaires continue —, et il leur est difficile de ne faire qu'un travail. Actuellement, avec la concurrence féroce dans le domaine des investissements directs étrangers, il nous revient de déployer des efforts à cet égard — comme le centre — afin d'améliorer la situation et de mettre les choses en branle. Je ne dis pas que les gens du service ne font pas un bon travail; ils sont simplement trop occupés à faire plein d'autres choses.

Une partie de ce que nous faisons au Canada est de s'assurer que la diplomatie aide avec nos investissements directs étrangers.

Nous savons à l'heure actuelle que notre nouveau premier ministre est une personne qui favorise la création d'entreprises, Dieu merci. Il fait de son mieux pour essayer d'attirer les Amazon et les Google de ce monde; la liste est longue. Alors que nous essayons de déterminer les prochaines étapes, les villes ont décidé, pendant la mise en place du centre, d'assurer la liaison afin d'appuyer le premier ministre, le BCP ou quiconque doit faire ce travail.

Nous avons besoin d'une manière coordonnée de nous afficher en fonction du nombre de personnes que nous avons afin de trouver des possibilités intéressantes et d'en profiter parce que nous arriverons toujours deuxièmes si nous n'avons pas assez de personnes qui coordonnent les messages, et ainsi de suite, comme nous en avons parlé au cours de notre exposé.

La sénatrice Wallin : Cela m'amène à ma prochaine question. Hier, une partie de la discussion portait sur qui seraient ces personnes et quel serait leur niveau d'expertise. Nous avions besoin de la crédibilité du secteur privé pour que ces personnes aient un endroit où elles peuvent discuter. Si vous êtes dans un consulat ou une ambassade, on ne vous considère pas comme une personne sérieuse sur le plan des affaires.

On voit aussi ces gens comme des champions locaux. Ceux à Ottawa disent : « Venez à Ottawa. » Ensuite, une autre personne qui se trouve à Saskatoon dira : « Venez à Saskatoon. » Ils vivent à cet endroit et tentent de convaincre les gens. Quel est le type d'expertise qui fait en sorte qu'ils vont voir Google ou Amazon, partout, et disent : « Venez ici »? Qu'est-ce qui les attire, à l'exception du fait qu'ils sont là pour être le champion de la ville X?

M. Patacairk : Je vais répondre en deux volets.

Il y a d'abord l'embauche de la personne; de qui il devrait s'agir. Loin de moi l'idée de dire au gouvernement comment embaucher les gens, mais j'ai eu une entreprise primée par Fortune 500 et deux entreprises en démarrage. Je viens du gouvernement et du secteur privé, j'ai fait beaucoup de choses et je ne cherche pas d'emploi. Vous avez besoin de quelqu'un qui comprend ces aspects, particulièrement dans l'optique de l'industrie.

Voici la façon dont cela fonctionne avec les investissements directs étrangers. Si je vais voir Amazon... Choisissons cette société parce que le premier ministre a aidé à sceller l'accord à cet égard; je l'en remercie beaucoup parce qu'elle est venue à Ottawa. Elle est déjà ici, mais essentiellement elle est venue à Ottawa. Pour que nous puissions obtenir cet IDE, il a fallu suivre un processus de deux ans au terme duquel le premier ministre a conclu l'accord. Des gens d'affaires ont été nécessaires pour comprendre le fonctionnement de l'écosystème d'Amazon et la façon de se retrouver dans son labyrinthe. Ce n'est pas notre labyrinthe ni nos affaires gouvernementales. De quelle façon concurrencez-vous avec la famille d'Amazon afin de conclure cette entente au profit d'Ottawa?

La plupart des gens pensent que les choses se font de pays à pays, ce qui est vrai; la concurrence est féroce. Mais il s'agit vraiment d'une décision d'affaires interne. Ce doit être logique pour les gens d'affaires parce qu'ils peuvent être en mesure de miser sur l'Occident. Ils ont la capacité de miser ailleurs en raison des pressions politiques des États-Unis. Ils sont en mesure de dire qu'ils veulent aller en Chine ou ailleurs. Si une personne a de l'expérience en affaires et a déjà évolué dans ces domaines, elle sait comment positionner l'accord.

Je ne dis pas que les gens du Service des délégués commerciaux ne le font pas, mais ils ont une inclination quelque peu différente.

Est-ce que cela répond à votre question?

La sénatrice Wallin : Eh bien, en partie. J'imagine que je veux en venir au fait que la personne qui sera un champion pour Ottawa et qui sait comment traiter avec Amazon peut ne pas être la personne qui sera le champion pour Wadena ou Saskatoon, en Saskatchewan, dans le domaine de l'agriculture.

M. Patacairk : C'était le deuxième volet de ma réponse, je suis désolé.

Depuis l'arrivée de l'AVCE, on a établi un lien entre le centre et l'organisme grâce à la relation de travail. Ce qui se produit, c'est que vous avez un champion à l'échelon municipal qui comprend ce qui se passe... Pas seulement à Vancouver, mais à Vancouver proprement dit, l'ensemble de la région; non pas seulement Ottawa, mais aussi Almonte, Arnprior et de tels endroits. Cette aire de recrutement ne comprend pas seulement la ville. C'était l'autre chose sur laquelle le centre a insisté : nous devons adopter une optique beaucoup plus vaste. La chose sur laquelle nous mettons l'accent, c'est que nous devons tenir compte non seulement des intérêts égoïstes de notre ville, mais également de ceux des localités autour de nous.

L'agriculture de précision est un excellent exemple. Vous ne penseriez pas qu'Ottawa pratique de l'agriculture de précision. Une grande partie vient de Calgary et de Guelph, par exemple. Nous savons déjà cela parce que nous examinons une multitude de choses. Mais la technologie habilitante pour les TIC vient d'Ottawa. Alors maintenant, grâce à cette chaîne, nous pouvons relier les points et aller de l'avant.

Pourquoi est-ce important pour l'investissement direct étranger? Parce que quand nous en faisons la promotion et que nous regroupons nos outils et notre marketing, ces éléments font partie de la proposition de valeur.

Le centre a besoin de l'AVCE autant que nous avons besoin de l'organisme pour uniformiser notre approche. Nous voulons être en mesure d'aider dans l'ensemble de l'aire de recrutement, non pas seulement la ville, mais également la région, et d'intégrer tout cela à la proposition de valeur.

Est-ce que cela répond à la question?

La sénatrice Wallin : Presque.

Le président : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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