Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule no 40 - Témoignages du 9 mai 2018
OTTAWA, le mercredi 9 mai 2018
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 15 h 33, pour étudier la teneur des éléments des sections 2, 4, 5, 6, 7, 12, 16 et 19 de la partie 6 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.
Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour et bienvenue, chers collègues et membres du public qui suivent la séance d’aujourd’hui, sur place ou sur le Web.
Je m’appelle Doug Black. Je suis un sénateur de l’Alberta et je préside ce comité. Nous avons un petit nombre de sénateurs présents, car, comme vous le comprendrez, il y a beaucoup d’activité au Sénat cet après-midi. La bonne nouvelle, c’est que nous avons le quorum, alors nous allons commencer. Les sénateurs qui sont présents vont se présenter, à commencer par la sénatrice Wallin.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l’Ontario.
Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.
Le président : Bien entendu, nous avons la greffière du comité et nos analystes, qui font un travail formidable pour le comité.
Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de la teneur des éléments de diverses sections de la partie 6 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, aussi appelée Loi no 1 d’exécution du budget de 2018.
Honorables sénateurs, comme vous le savez, notre comité doit faire rapport de ses conclusions au Sénat au plus tard le 31 mai 2018.
Aujourd’hui, mesdames et messieurs, pendant la première partie de notre réunion qui se terminera, nous l’espérons, avant la sonnerie qui signalera le moment du vote différé prévu pour 17 h 30, nous entendrons des fonctionnaires des divers ministères responsables des dispositions suivantes du projet de loi, le tout sous la coordination du ministère des Finances Canada : la section 2, Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada; la section 4, Valeurs ou titres émis ou garantis par des gouvernements étrangers; la section 5, Compte du fonds des changes; la section 6, Billets de banque; la section 7, Compensation et règlement des paiements; et la section 16, Examen des lois régissant le secteur financier.
Je vous signale que nous entendrons d’autres fonctionnaires demain matin au sujet de la section 12, Centre de la sécurité des télécommunications, et de la section 19, Régime de pensions du Canada. Je vous prie donc de garder vos questions sur ces sections pour demain.
Notre séance d’aujourd’hui sera très occupée et informative, et j’espère qu’avec un peu d’organisation, elle sera aussi fluide que possible. Je vous rappelle que nous avons beaucoup de matière à couvrir et que vous devez par conséquent poser des questions précises.
Nous commençons par la section 2. Quand nous aurons terminé, nous inviterons les témoins responsables de la section suivante à venir à la table, dans l’ordre que j’ai donné.
Donc, pour la section 2, Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada, je suis ravi d’accueillir les gens de la Direction de la politique du secteur financier du ministère des Finances Canada, soit Yuki Bourdeau, conseillère principale, et Justin Brown, directeur, Stabilité financière, ainsi que John Rossi, qui est conseiller en politiques et recherches de la Société d’assurance-dépôts du Canada.
Je vous invite à prononcer vos déclarations liminaires, après quoi nous passerons aux questions.
Justin Brown, directeur, Stabilité financière, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Bonjour.
La section 2 de la partie 6 propose des modifications à la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada afin de moderniser et d’améliorer le cadre d’assurance-dépôts du Canada.
L’assurance-dépôts est un élément important du filet de sécurité financière. Elle contribue au maintien de la confiance du public envers le système financier en protégeant les épargnes des déposants dans l’éventualité peu probable de la faillite d’une institution de dépôt. Les modifications proposées moderniseraient la portée de la couverture d’assurance-dépôts de manière à mieux tenir compte des produits actuellement sur le marché. Par exemple, les chèques de voyage ne feraient plus partie des dépôts admissibles, étant donné qu’ils ne sont plus émis par les institutions membres. La limite de cinq ans qui s’applique aux CPG serait éliminée, étant donné que des produits de plus longue durée sont maintenant offerts, et la protection s’appliquerait maintenant aux dépôts en devises étrangères, très utilisés par les Canadiens. Ces modifications amélioreraient aussi les règles relatives aux dépôts en fiducie en précisant les exigences relatives à la tenue des dossiers, ce qui faciliterait les remboursements plus rapides en cas de faillite d’une banque.
Cette série de modifications vise à moderniser et à clarifier le cadre d’assurance-dépôts pour qu’il puisse continuer à atteindre ses objectifs de protéger les déposants, de favoriser la concurrence et de soutenir la stabilité financière.
Le président : Est-ce qu’il y a d’autres observations? Des questions?
Le sénateur Wetston : Ce n’est pas directement lié à la modification, mais cela pourrait être lié à votre travail, soit l’inflation et le montant maximum assuré par la SADC, qui est de 125 000 $.
M. Brown : C’est 100 000 $ par catégorie.
Le sénateur Wetston : Oui, mais ce devrait être 125 000 $ avec l’inflation. Pourquoi n’est-ce pas 125 000 $? Des idées là-dessus?
M. Brown : On s’est penché sur le montant maximal de l’assurance-dépôts dans le cadre de l’examen de l’assurance-dépôts. Quand nous avons examiné les données, nous avons constaté qu’un pourcentage estimatif de 98 p. 100 des dépôts personnels et 92 p. 100 des dépôts d’entreprises sont assurés, compte tenu du plafond actuel. Augmenter le plafond aurait pour effet d’avantager de façon disproportionnée les sociétés et les gros investisseurs individuels avertis. On a donc estimé que cela ne contribuerait pas nécessairement à l’atteinte des objectifs de l’examen de l’assurance-dépôts.
Le sénateur Wetston : Je ne sais pas du tout pourquoi cela me paraît sensé. S’ils n’ont pas de dépôts à ce niveau, c’est bon. Je comprends. Cela n’a pas d’effet négatif sur eux, parce que la protection couvre ce montant. Donc, si quelqu’un a 75 000 $ et perd ce montant, il sera couvert par l’assurance quand même. Je ne comprends donc pas pourquoi vous dites que ce groupe ne devrait pas pouvoir profiter d’un plus haut niveau de protection.
M. Brown : Je pourrais ajouter, comme contre-exemple, que la SADC pourrait assurer les dépôts sans imposer de plafond, mais après avoir examiné les pratiques exemplaires à l’échelle mondiale et mené notre propre analyse, nous avons conclu que trouver un juste montant de protection qui couvre la grande majorité des déposants particuliers tout en laissant les gros investisseurs avertis risquer des pertes a pour effet de réduire les risques moraux du système financier. Donc, si vous avez de forts montants d’argent investis dans une institution financière en particulier, vous êtes motivé à scruter les pratiques de cette institution financière afin de veiller à ce que ce soit de saines pratiques. Autrement, c’est le gouvernement qui assume à lui seul la totalité de cette responsabilité et la totalité des risques.
Le sénateur Wetston : Je note que les dépôts en devises étrangères ne sont pas assurés, d’après ce que je comprends.
M. Brown : Pas en ce moment, en effet.
Le sénateur Wetston : Est-ce que cela signifie qu’ils pourraient être assurés?
M. Brown : Selon les modifications proposées, les dépôts en devises étrangères deviendraient des dépôts admissibles, alors oui.
Le président : J’ai une question de suivi aux questions du sénateur Wetston. Depuis combien de temps le plafond de 100 000 $ est-il en place?
John Rossi, conseiller en politiques et recherches, Société d’assurance-dépôts du Canada : Il date de 2005, et c’est la dernière fois qu’on l’a révisé, pour le faire passer de 60 000 $ à 100 000 $.
Le président : Vous ne trouvez pas pertinent de le hausser maintenant? J’ai entendu ce que vous avez dit dans votre témoignage, mais cela me laisse perplexe.
M. Brown : Tout ce que je peux faire, c’est répéter ce que nous avons constaté lors de l’examen des données sur les dépôts actuels, et c’est que la vaste majorité des dépôts sont en ce moment assurés.
Je crois que dans le cas de la société ou du particulier moyen, le montant moyen assuré est de près de 12 000 $, soit le montant du dépôt. Donc, la plupart des Canadiens sont bien en deçà du plafond de 100 000 $.
La sénatrice Wallin : Les dépôts en devises étrangères ne sont donc pas assurés. Est-ce que les instruments financiers étrangers sont assurés?
M. Brown : L’assurance ne s’applique qu’aux dépôts. Donc, très généralement, nous parlons d’argent ou d’équivalents. En ce moment, les dépôts en devises étrangères ne sont pas considérés comme des dépôts admissibles. Selon les modifications proposées, les dépôts en devises étrangères seraient aussi assurés.
La sénatrice Wallin : Donnez-moi un exemple. J’ai un compte au Canada en argent américain qui n’était pas assuré, mais qui va maintenant l’être?
M. Brown : Exactement.
La sénatrice Wallin : Ma deuxième question porte sur les régimes enregistrés d’épargne-études. Qu’est-ce qui se passe à cet égard?
M. Brown : Mon collègue, John, a quelque chose à ajouter à propos de la question des devises étrangères.
M. Rossi : En ce moment, notre définition d’un dépôt ne s’applique qu’aux dépôts qui sont payables au Canada, ce qui fait que les montants en devises étrangères qu’une personne détiendrait dans une succursale américaine ne seraient pas assurés à l’intérieur de notre cadre, mais ils le seraient à l’intérieur du cadre américain.
Cependant, tout ce qui est détenu au Canada en devises étrangères serait assuré, si les modifications proposées sont adoptées.
La sénatrice Wallin : C’est ainsi que ce serait à moins d’un partenariat avec une banque américaine.
M. Rossi : Exactement.
La sénatrice Wallin : En ce qui concerne les régimes enregistrés d’épargnes-études, qu’est-ce que nous faisons?
Yuki Bourdeau, conseillère principale, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : C’est une modification de simplification. Il n’y a pas de changement à la protection. Ce que nous faisons, c’est que nous essayons de faciliter aux déposants la compréhension du cadre. En ce moment, la protection des produits enregistrés est un peu disparate. Les REER, FERR et comptes d’épargne libre d’impôt relèvent de leurs propres catégories distinctes s’accompagnant d’un plafond de 100 000 $. Les REEI et REEE relèvent en ce moment de la catégorie des fiducies ou de celle des comptes bancaires personnels conjoints. Nous ajoutons deux catégories pour les REEI et les REEE afin que ce soit facile à comprendre. C’est facile à expliquer; si c’est un produit enregistré, c’est protégé jusqu’à concurrence de 100 000 $.
Le sénateur Wetston : Je reviens à la question dont la sénatrice Wallin discutait avec vous. Vous allez couvrir les REEE et les REEI, mais pas les REER, les FERR ou les comptes d’épargne libre d’impôt? Ou est-ce le contraire, et vous allez les couvrir?
Mme Bourdeau : Ils sont couverts en ce moment. Ils ont en ce moment leur propre protection jusqu’à concurrence de 100 000 $.
Le sénateur Wetston : Vous les ajoutez. Merci.
J’ai une autre brève question. Si ces dispositions sont adoptées, est-ce que les primes annuelles des institutions financières seront augmentées, pour la protection accrue qui est proposée?
M. Brown : Le taux des primes est établi par la réglementation relative à la SADC. Il n’y aura aucun effet sur cela. C’est distinct de cela.
Cependant, les primes de la SADC se fondent sur le montant des dépôts assurés. L’ajout des comptes en devises étrangères, par exemple, a pour effet de faire augmenter le montant des dépôts qui sont assurés, ce qui fait augmenter les primes en conséquence.
Le président : Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de demandes de règlement, s’il y a lieu, en vertu de la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada?
M. Brown : Si je comprends bien votre question, je dirai que la SADC va payer si une de ses institutions membres fait faillite. Je crois que la dernière faillite d’une institution membre de la SADC remonte à 1996, donc il y a 22 ans.
Le président : Merci beaucoup.
M. Rossi : La SADC n’est pas une opération fondée sur les demandes de règlement. Les déposants n’ont pas besoin de présenter une demande à la SADC; le paiement se fait automatiquement. Nous calculons le montant automatiquement et l’envoyons au déposant.
Le président : Cette information est également utile.
La sénatrice Moncion : Dans les coopératives de crédit, vous savez que l’assurance est beaucoup plus élevée. C’est différent dans chaque province. Est-ce qu’il y a une raison à cela? Pouvez-vous m’expliquer la raison de cela? Pourquoi n’avez-vous jamais opté pour cela?
En guise d’exemple, en Ontario, tous les REER sont couverts, de sorte que la protection ne s’arrête pas à 100 000 $. Tout est couvert à 100 p. 100. Les comptes chèque sont couverts jusqu’à concurrence de 100 000 $, et les comptes conjoints le sont aussi jusqu’à concurrence de 100 000 $. Il y a donc beaucoup de subtilités concernant la protection. Pouvez-vous me dire pourquoi vous n’avez pas adopté cela?
M. Brown : Il y a, au Canada, des institutions financières qui sont réglementées par le gouvernement fédéral. Les provinces établissent des règles qui diffèrent d’une province à l’autre, concernant l’assurance des dépôts. Comme vous l’avez mentionné, certaines provinces ont une protection illimitée alors que d’autres ont une protection limitée, comme le gouvernement fédéral. Je ne pense pas que nous soyons en mesure de discuter des raisons pour lesquelles les provinces ont établi des limites différentes pour divers éléments.
Je précise que le plafond de 100 000 $ de la SADC s’applique à chaque catégorie individuelle, comme vous l’avez dit. Ce n’est pas par institution. C’est par catégorie, par institution. Par exemple, vous pourriez avoir 100 000 $ dans un compte conjoint, et 100 000 $ dans un REER, à la même institution financière, et chacun des comptes serait couvert jusqu’à concurrence de ce montant de 100 000 $.
La sénatrice Moncion : Ce n’est pas par personne?
M. Brown : C’est par catégorie et par institution financière. On a tendance à s’arrêter au plafond de 100 000 $. En réalité, les Canadiens ont la possibilité d’avoir plus de protection que si c’était par institution financière. Si l’on regarde les chiffres au fédéral, ils montrent que la grande majorité des Canadiens sont entièrement protégés. Tous leurs dépôts sont couverts selon le cadre actuel et le plafond de 100 000 $.
La sénatrice Moncion : Avez-vous de l’information sur l’importance du fonds qui s’est accumulé pour l’assurance-dépôts? Quel est le montant moyen que vous voulez avoir?
M. Rossi : Le fonds actuel est d’environ 4 milliards de dollars et il est provisionné directement par les primes que nous exigeons de nos institutions membres. Il est provisionné directement par nos membres.
Nous avons fixé une cible d’environ 100 points de base sur les dépôts assurés, et nous sommes à mi-chemin, pour l’atteinte de cet objectif, en ce moment.
La sénatrice Moncion : Vous en êtes à 50 points de base.
M. Rossi : À un peu plus de 50 points de base en ce moment.
La sénatrice Moncion : Pouvez-vous nous dire pourquoi vous n’en êtes pas à 100 p. 100? Vous accumulez de l’argent depuis maintenant 22 ans, mais vous n’avez pas entièrement provisionné le fonds en 22 ans.
M. Rossi : Nous avons essayé de gérer le fonds de manière à ne pas imposer un fardeau indu à nos membres. Nous avons fixé un échéancier général pour la réalisation de notre objectif, et nous prévoyons qu’il sera atteint en 2025. Nous y travaillons.
M. Brown : J’ajouterais à ce que John a dit que les primes imposées aux institutions financières, en entier ou en partie, sont transférées aux déposants, aux consommateurs. Il y a donc un intérêt à accumuler cela graduellement, afin de ne pas imposer cela aux consommateurs sur une courte période.
La sénatrice Moncion : Je fais affaire avec une coopérative de crédit, alors je sais comment vous le faites. Combien exigez-vous pour un actif de 100 000 $?
M. Rossi : Nous avons une échelle à quatre points, et la vaste majorité relève du premier point, lequel se situait l’année passée à 6,5 points de base des dépôts assurés.
La sénatrice Moncion : Un taux de 6,5 est nettement inférieur au taux des coopératives de crédit.
M. Rossi : Cela augmente progressivement avec…
La sénatrice Moncion : Avec l’augmentation du risque. Merci.
Le sénateur Wetston : J’ai une question de suivi qui n’est pas directement liée à cela, car je reviens à mes 125 000 $, si vous me le permettez. Pardonnez-moi, mais vous êtes au courant des frais d’homologation et du lien entre les dépôts et le fait que les familles ont souvent des comptes conjoints, non seulement parce qu’ils se font confiance, mais aussi parce qu’ils veulent éviter les frais d’homologation. Si vous aviez cela et que vous sépariez les comptes, vous auriez deux comptes assurés jusqu’à concurrence de 100 000 $. À cause des frais d’homologation possibles, vous n’aurez que 100 000 $ aussi, pour un compte conjoint.
Avez-vous déjà pensé à la nécessité de tenir compte du fait que les familles, quand elles ont des comptes conjoints, sont touchées par les impôts d’un côté et n’ont pas un montant accru d’assurance de l’autre côté?
M. Brown : Je dirais simplement que l’assurance-dépôts est un facteur dont les Canadiens tiennent compte quand ils investissent leur argent.
Il y a diverses avenues, par exemple, simplement choisir entre faire un dépôt en argent comptant ou opter pour un autre type d’investissement, et c’est l’un des facteurs que les gens prennent en compte.
Si l’assurance-dépôts est très importante dans leur décision, il y a des façons d’obtenir une protection, en investissant de diverses manières dans une institution financière. Il faut cependant que d’autres facteurs fassent contrepoids, comme les frais liés aux services d’un courtier, par exemple, ou d’autres choses de ce genre.
Le sénateur Wetston : Je ne demandais pas des conseils en investissement, mais je vous remercie de toute façon.
Le président : Je remercie nos témoins. Cela nous a été très utile. J’invite les témoins responsables de la section 4 à se préparer à témoigner.
Nous allons maintenant traiter de la section 4, Valeurs ou titres émis ou garantis par des gouvernements étrangers, et de la section 5, Compte du fonds des changes, avec l’aide de M. Marion et de M. Gravelle, que je suis évidemment très heureux d’accueillir. Je suis ravi de voir M. Marion. Il a aidé notre comité lorsque nous étions à New York à la même époque l’année dernière. Je vous souhaite donc la bienvenue. Je suis heureux de vous revoir.
Pouvez-vous s’il vous plaît prononcer vos remarques liminaires sur les deux sections, si cela vous convient, après quoi nous passerons aux questions?
Toni Gravelle, directeur général, Département des Marchés financiers, Banque du Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
[Français]
Je suis directeur général du Département des Marchés financiers de la Banque du Canada.
[Traduction]
Je vous remercie de m’avoir invité à discuter avec vous des modifications législatives prévues dans le projet de loi C-74 touchant la Loi sur la Banque du Canada et la Loi sur la monnaie.
Aux termes de l’alinéa 18d) de la Loi sur la Banque du Canada, la banque a le pouvoir d’acheter et vendre des valeurs ou titres émis ou garantis par le gouvernement d’un pays de l’Union européenne. La Banque du Canada propose des modifications à la loi en prévision de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Grâce aux modifications proposées, la Banque du Canada pourrait continuer d’acheter et de vendre des titres émis ou garantis par le Royaume-Uni.
Nick Marion, directeur, Gestion des réserves, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Pour ce qui est des modifications proposées à la section 5, le Compte du fonds des changes représente la plus importante composante des réserves officielles de liquidités internationales du Canada. En 2011, le gouvernement a annoncé que le compte constituerait un des éléments du plan de liquidité prudentielle du gouvernement au cas où, par exemple, les marchés seraient gravement perturbés ou inaccessibles aux fins du financement national.
Les amendements de forme proposés à la section 5 de la partie 6 visent à clarifier cet objectif en énonçant que le Compte du fonds des changes peut fournir une source de liquidité au gouvernement du Canada. Les modifications précisent aussi que les fonds du compte peuvent être transférés au Trésor.
Le président : Merci beaucoup.
Les sénateurs ont-ils des questions?
La sénatrice Moncion : Combien d’argent y a-t-il actuellement dans le Compte du fonds des changes?
M. Marion : À la fin de l’exercice se terminant le 31 mars, il y avait environ 81 milliards de dollars dans le compte.
La sénatrice Moncion : Quelle portion de cet argent le gouvernement voudra-t-il utiliser? Je comprends que c’est pour les urgences. Combien d’argent doit-il garder dans le fonds, et avec combien peut-il travailler?
M. Marion : Je vous remercie de la question. Dans le Compte du fonds des changes, il y a essentiellement deux catégories d’actifs. Dans la première, le plus gros élément est la réserve de liquidités. Celle-ci comptait environ 73 milliards de dollars à la fin de l’exercice se terminant le 31 mars. Le reste se compose de droits de tirage spéciaux, ou DTS, une monnaie émise par le Fonds monétaire international, le FMI.
Maintenant, sur le plan de la liquidité prudentielle, tous les fonds seraient disponibles si le gouvernement en avait besoin en raison de l’inaccessibilité des marchés de financement nationaux. En réalité, seule une partie serait probablement nécessaire. Il faut également être créatif pour imaginer que les marchés de financement nationaux puissent être inutilisables et inaccessibles pendant une période prolongée.
Le sénateur Wetston : Pourquoi avez-vous besoin de cet amendement? Je pensais que vous auriez pu le faire de toute façon. Je ne pense évidemment pas aux questions de prêteur de dernier ressort, et pas nécessairement à la période suivant une crise financière, mais je ne suis pas absolument certain.
Ce qui me préoccupe — et je ne dis pas que ce sera le cas —, c’est que le mécanisme puisse être utilisé à mauvais escient. Dans un tel cas, l’absence de cet amendement empêcherait la situation de se produire, alors que sa présence pourrait permettre la chose. Je pense que vous savez où je veux en venir.
M. Marion : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je souhaite attirer votre attention sur deux points précis à ce chapitre. D’une part, la Loi sur la monnaie indique expressément que les fonds du Trésor peuvent être avancés — et j’utilise bien ce terme — au Compte du fonds des changes. Certains diraient que le mot « avancer » sous-entend que les fonds peuvent être remboursés, mais ce n’est pas indiqué expressément.
La Loi sur la monnaie contient déjà une disposition permettant que les revenus nets des activités d’investissement passent du Compte du fonds des changes au Trésor.
Il y avait donc déjà des mécanismes de transfert bilatéral. Nous supposons alors que c’est possible. Cependant, en tant que bons gestionnaires, nous voulons nous assurer que ce soit clarifié, ce pour quoi c’est considéré comme un amendement de forme.
Le sénateur Wetston : Et vous voulez faire la modification de façon à éviter tout transfert de fonds à des fins qui ne sont peut-être pas entièrement liées à la question que vous tentez de régler. Comment l’amendement empêche-t-il une telle situation de se produire?
M. Marion : Les fonds du Compte du fonds des changes étaient réputés admissibles au plan de liquidité prudentielle du gouvernement en 2011. C’était bien inscrit dans le budget de 2011, un fait qui a été réitéré depuis dans tous les budgets subséquents, ainsi que dans le rapport annuel sur la gestion des réserves officielles internationales. Il y a donc assurément un engagement qui a été pris par le passé, et une reconnaissance que les fonds seraient disponibles à cette fin. Un engagement a donc été pris.
J’aimerais également ajouter que la gestion du fonds se fait au moyen d’un cadre d’appariement des actifs et des passifs. Ainsi, pour chaque actif dans une monnaie étrangère donnée, il existe un passif correspondant. Dans une perspective de gestion du risque, ce mécanisme neutralise les risques découlant de la fluctuation des devises ainsi que des taux d’intérêt, notamment parce que nous faisons correspondre la durée.
Si ces actifs étaient retirés du Compte du fonds des changes pour être versés au Trésor, il y aurait un déséquilibre qui entraînerait d’autres risques. Il est toujours préférable, de mon point de vue du moins, que le gouvernement trouve des fonds à des fins nationales auprès de sources de financement nationales.
Le sénateur Wetston : J’aimerais parler de l’amendement précédent, je suppose. Au sujet des avoirs et du retrait du Royaume-Uni dans le cadre du Brexit, monsieur Gravelle, qu’adviendrait-il de la détention de titres du gouvernement sans le changement proposé?
M. Gravelle : À l’heure actuelle, la banque ne possède aucun titre en devise autre que le dollar canadien. Nous détenons donc uniquement des titres en dollars canadiens, qui sont principalement des obligations du gouvernement du Canada et des bons du Trésor. C’est une mesure de précaution.
Si nous devions à l’avenir détenir ou acheter d’autres types de titres, en particulier si le gouvernement pourrait avoir besoin de dollars canadiens dans le cadre du plan de liquidité prudentielle, nous pourrions faire une mise en pension des titres dans le Compte du fonds des changes lui-même, puis recevoir des titres du Royaume-Uni, par exemple, en échange de dollars canadiens. Nous sommes en quelque sorte préparés à n’importe quelle éventualité. Voilà qui nous permettrait de prêter plus efficacement de l’argent au gouvernement advenant ce genre d’événement très systémique, mais nous ne détenons aucun titre semblable à l’heure actuelle.
M. Marion : Les actifs du Compte du fonds des changes sont détenus au nom du ministre des Finances, et la Banque du Canada les gère à titre d’agent financier du gouvernement.
Le sénateur Wetston : Avons-nous actuellement des titres canadiens garantis par le Royaume-Uni?
M. Gravelle : Vous voulez dire des titres en dollars canadiens?
Le sénateur Wetston : Oui.
M. Gravelle : Nous n’en possédons pas. Il y en a peut-être sur le marché, mais ils ne sont pas détenus par la banque.
M. Marion : Parlez-vous des obligations feuille d’érable?
Le sénateur Wetston : Non, pas vraiment puisque je ne vois pas les choses de cette façon, mais vous pouvez nous en parler. Je ne pensais pas à ces obligations, mais je suis ravi que vous ayez posé la question.
M. Marion : Nous détenons des titres du Royaume-Uni qui sont garantis par le gouvernement, et nous en avons dans notre portefeuille.
Le sénateur Wetston : Je pensais à la situation inverse, mais c’est correct. Quelle est la liste des pays auxquels la Banque du Canada peut acheter et vendre des titres?
M. Gravelle : Il y a pour l’instant les États-Unis, le Japon et l’Union européenne, de même que le Canada.
Le sénateur Wetston : Vous songez à d’autres pays, n’est-ce pas?
M. Gravelle : Non, pas du tout.
Le sénateur Wetston : Pourquoi?
M. Gravelle : Nous trouvons que c’est une offre de titres plus que généreuse. Nos bilans peuvent être honorés. Toute croissance de notre bilan attribuable à la hausse de notre passif peut amplement être couverte par des titres en dollars canadiens. En fait, les titres du gouvernement canadien sont suffisants puisqu’il y a 560 milliards de dollars en suspens, et que nous n’aurions besoin que d’environ 80 milliards de dollars à l’heure actuelle pour couvrir notre bilan d’avoirs, sur le plan des actifs.
La sénatrice Wallin : Voilà qui semble être assez simple. Ce sont en quelque sorte des amendements proposés par mesure de précaution. À titre informatif, quelle sorte de crise pourrait bien déclencher ce processus? Nick, vous avez dit, je crois, qu’il faudrait que les marchés de financement nationaux ne soient pas accessibles; c’est ce qui arriverait. Qu’est-ce que cela signifie? Chaque banque s’effondrerait?
M. Gravelle : Un exemple qui n’est pas trop loin et qui est probablement à l’origine du plan de liquidité prudentielle est le 11 septembre.
La sénatrice Wallin : Je vois. Est-ce en raison de l’interruption technique?
M. Gravelle : Il y a des banques de compensation et des institutions d’une importance systémique qui s’occupent de la compensation en coulisse des marchés qui ont été fermés à New York, ce qui a provoqué une fermeture mondiale de divers marchés financiers. C’était un jour ou deux seulement, donc à court terme, mais c’est un des événements auxquels nous avons songé.
La sénatrice Wallin : Heureusement, les ordinateurs ont fonctionné aux Bermudes.
M. Gravelle : Exactement. C’est le genre d’événement auquel nous pensons. Un autre exemple serait un incident cybernétique.
Le président : Merci beaucoup, messieurs. Je vous remercie infiniment de votre présentation. C’était fort utile. Nous allons maintenant passer à la section 6, qui porte sur les billets de banque.
Je suis heureux d’accueillir Marie-Josée Lambert, directrice, Société d’État et monnaie, à la Direction de la politique du secteur financier du ministère des Finances Canada, de même que Richard Wall, directeur général du Département de la monnaie à la Banque du Canada.
Veuillez prononcer votre exposé, après quoi nous passerons aux questions.
[Français]
Marie-Josée Lambert, directrice, Société d’État et monnaie, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Je vous remercie, monsieur le président.
Les Canadiens ont besoin de billets de banque sécuritaires dont ils peuvent se servir en toute confiance et avec fierté.
[Traduction]
Le gouvernement propose d’entamer le processus de retrait du cours légal de certaines dénominations que la Banque du Canada ne met plus en circulation, c’est-à-dire les coupures de 1 000 $, de 500 $, de 25 $, de 2 $ et de 1 $. Le retrait du cours légal de billets de banque plus anciens, comme ceux dotés de caractéristiques de sécurité moins sophistiquées et de dénominations que la Banque du Canada ne met plus en circulation, contribuerait à réduire l’incidence de transactions illicites et accroîtrait la sécurité des billets de banque en circulation au Canada. M. Wall vous fournira plus de renseignements.
Richard Wall, directeur général, Département de la monnaie, Banque du Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à parler des modifications proposées à la Loi sur la Banque du Canada et à la Loi sur la monnaie. Ces changements permettront au gouvernement de retirer le cours légal des billets de banque canadiens et à la Banque du Canada de mieux gérer la qualité des billets en circulation.
Les billets émis par la Banque du Canada, de même que les pièces de monnaie frappées par la Monnaie royale canadienne, ont cours légal. Autrement dit, c’est la monnaie approuvée au pays pour le remboursement des dettes. Le retrait du cours légal signifie que certains billets ne pourront plus être utilisés pour le remboursement de dettes.
[Français]
En gros, il sera plus difficile de faire des achats au moyen de billets n’ayant pas cours légal : les commerçants les refuseront, car ils ne pourront pas s’en servir pour payer leurs dettes. Toutefois, ces billets ne perdront pas leur valeur pour autant. La Banque du Canada continuera de les honorer.
[Traduction]
La Banque du Canada appuie ce changement parce que le pouvoir de supprimer le cours légal lui permettra de veiller à ce que seuls les billets les plus sûrs circulent. Les billets plus récents sont dotés de meilleurs éléments de sécurité qui les rendent difficiles à contrefaire, et ils sont généralement en meilleur état. Les billets de banque actuels sont plus efficaces, et nous en profitons tous. À ce jour, tous les billets émis par la Banque du Canada depuis 1935 continuent d’avoir cours légal, même si certains vieux billets sont dépourvus d’éléments de sécurité ou possèdent des éléments qui peuvent être facilement imités. Le retrait de la circulation des vieux billets aidera à accroître la confiance du public à l’égard des billets et à assurer l’efficacité des systèmes qui les traitent.
Comme il est indiqué dans le budget de 2018, si le Parlement lui accorde ce pouvoir, le gouvernement prévoit enlever le cours légal des billets de 1, 2, 25, 500 et 1 000 $. Pour ce faire, des modifications doivent être apportées à la Loi sur la Banque du Canada, qui régit le pouvoir d’émettre des billets, et à la Loi sur la monnaie, qui donne des précisions sur les billets.
[Français]
De nombreuses banques centrales ont le pouvoir de supprimer le cours légal de leurs vieux billets. À la banque d’Angleterre, notamment, le retrait de cours légal fait souvent partie de la stratégie d’émission : lorsqu’un nouveau billet est mis en circulation, l’ancienne série et la nouvelle série circulent en parallèle pendant une période prédéterminée. Ensuite, il faut s’adresser à la banque centrale pour se faire rembourser les vieux billets. La Banque d’Angleterre, par exemple, a émis un nouveau billet de 10 livres en septembre 2017, et en novembre, elle a annoncé que l’ancienne coupure cesserait d’avoir cours légal quatre mois plus tard.
Au Canada, cependant, les billets visés par la suppression du cours légal ne sont plus en circulation. Il s’agit des coupures de 25 $ et de 500 $, qui datent de la première émission de billets par la Banque du Canada en 1935, des billets de 1 $ et de 2 $, qui ont cessé d’être émis en 1989 et en 1996 respectivement, et de celui de 1 000 $, qui n’est plus émis depuis 2000. Cette décision ne devrait pas avoir de conséquences importantes pour la plupart des Canadiens. Ces coupures ne sont plus produites depuis des dizaines d’années et sont rarement utilisées pour effectuer des transactions.
[Traduction]
Si ce pouvoir est octroyé au gouvernement, la banque donnera à la population des renseignements clairs sur la façon de se faire rembourser les billets en question. Dans un premier temps, les billets pourront être encaissés dans les institutions financières, comme c’est le cas aujourd’hui. Ensuite, il faudra les envoyer à la Banque du Canada pour obtenir un remboursement.
C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le président : Je remarque que la lumière de la sonnerie clignote. Qu’est-ce que cela veut dire?
La sénatrice Ringuette : C’est le timbre d’une heure.
Le président : Très bien. Poursuivons.
Le sénateur Tannas : Vous avez dit que la Banque d’Angleterre a ce pouvoir depuis un certain temps. Il m’est d’ailleurs arrivé que ma grand-mère me donne beaucoup d’argent, puis que j’essaie de le dépenser alors que les billets avaient été rappelés. Je ne pouvais pas les échanger dans une banque de l’Angleterre. J’ai dû me rendre à la Banque d’Angleterre pour ce faire, ce qui a nécessité une course en taxi à Londres. Nous n’aurons pas ce genre de problèmes ici, n’est-ce pas? Vous pourrez toujours remettre votre billet de 1 000 $ à votre Banque Royale locale, et celle-ci l’acceptera? Est-ce le plan?
M. Wall : Il y aura une période au cours de laquelle les billets pourront être échangés dans les institutions financières, mais comme c’est le cas aujourd’hui, si vous avez un billet de 1 000 $ qui remonte à 1 935 — et il y en a —, les banques auront du mal à l’authentifier et à savoir si c’est un véritable billet. Il y a donc un processus en place permettant à une banque de recueillir un billet, puis de l’envoyer à la Banque du Canada; ce processus est déjà en place. La banque n’attribue pas le crédit tout de suite parce qu’elle ne peut pas faire confiance au billet.
Le sénateur Tannas : C’est très bien, mais une vieille dame de Wetaskiwin ne devra pas conduire jusqu’à Ottawa pour encaisser son argent.
M. Wall : Non, il y aura plusieurs façons de procéder, comme c’est le cas aujourd’hui.
Les Canadiens ont plusieurs façons de correspondre avec la Banque du Canada.
La sénatrice Wallin : Je ne suis pas trop inquiète parce que j’ai des billets de 1 $. Je n’ai aucune coupure de 1 000 $ qui traînent.
À ce propos — c’est sans rapport et très simple —, comment décidez-vous que le polar, qui alourdit incroyablement mon porte-monnaie, est préférable au joli billet que nous avions? Qui décide?
M. Wall : Il s’agit ultimement d’une discussion entre le ministre des Finances, la Monnaie royale canadienne et la Banque du Canada.
La sénatrice Wallin : Quelqu’un en fait la proposition et dit qu’il est temps de faire le changement.
M. Wall : La dernière fois que cette discussion a eu lieu, c’était en 1992 ou en 1994.
La sénatrice Wallin : C’est quand le billet de 2 $ a disparu?
M. Wall : Oui.
La sénatrice Ringuette : Je n’ai pas de billets de 1 000 $ non plus, mais je me réjouis que les Canadiens qui possèdent de vieux billets puissent se présenter à leur succursale locale pour effectuer la transaction. Je suppose que l’établissement local exigera toutefois une commission pour le travail. Qui la paiera?
M. Wall : Ce service est généralement offert dès qu’on devient client de la banque. Je m’attends à ce que ce soit de moins en moins fréquent au fil du temps. S’il arrive que des frais soient exigés d’une institution financière — et je ne dis pas que ce sera le cas —, il existe d’autres mécanismes permettant aux gens de correspondre directement avec la Banque du Canada pour obtenir un remboursement.
La sénatrice Ringuette : D’accord, cela me semble équitable. Merci.
Le sénateur Wetston : De quelle somme parlons-nous ici?
M. Wall : Si on prend les billets de 1, 2 et 1 000 $, cela fera une somme d’environ 1 milliard de dollars, alors que 83 milliards de dollars sont en circulation.
Il ne s’imprime plus de billets de 1 000 $ depuis 2000. Il en existait approximativement 3,3 millions à l’époque. Il en reste encore 700 000 en circulation. Quant aux billets de 1 $, je pense qu’il y en a 250 millions encore en circulation. On compte environ 104 millions de billets de 2 $ encore en circulation.
Le sénateur Wetston : Nous jonglons avec ces gros chiffres comme s’il s’agissait de broutilles, mais 1 milliard de dollars, c’est une somme substantielle. Que faites-vous quand vous recevez les billets?
M. Wall : Depuis le début de leur retrait de la circulation, nous accordons un crédit au déposant et nous les détruisons.
Le sénateur Wetston : Je suis toujours un peu soupçonneux à cet égard. C’est probablement une question d’expérience, mais ce n’est rien de personnel. Le retrait de ces billets offre-t-il des occasions de blanchiment d’argent si le crime organisé utilise ces billets pour faciliter des transactions à votre insu? Cela pourrait constituer un moyen utile pour réussir à blanchir de l’argent.
M. Wall : Voilà une bonne question, et je vous remercie de l’avoir soulevée. Le retrait du statut de monnaie légale ne le permettrait probablement pas. Par contre, il serait toujours possible de le faire grâce au remboursement des billets retirés de la circulation. Nous nous sommes intéressés à nos activités entourant les billets abîmés, dans le cadre desquelles nous retirons habituellement les billets en échange d’un crédit au porteur. Ce processus est encadré de mesures de validation très rigoureuses pour que les procédures ne permettent pas le blanchiment d’argent ou d’autres activités illicites.
Le sénateur Wetston : Je me doute que vous prenez les précautions nécessaires. C’est une chose que de tenter de trouver un moyen de gérer la question du blanchiment d’argent dans ce dossier, mais c’est une tout autre affaire que de régler la question de la contrefaçon. De la somme de 1 milliard de dollars, quelle part serait constituée de faux billets?
M. Wall : Ce serait probablement très peu. Les billets de 1 et de 2 $ n’ont jamais été beaucoup contrefaits.
Quant aux billets de 1 000 $, compte tenu de leur valeur, ils tendent à être soigneusement inspectés par quiconque les reçoit; il n’y a donc pas beaucoup de contrefaçon de façon générale. Je m’attends à ce qu’il y ait une quantité minime de faux billets, mais nous inspectons quand même chaque billet que nous recevons dans le cadre des processus de la Banque du Canada pour nous assurer de n’accorder des crédits que pour les billets authentiques.
Le sénateur Wetston : C’est ma dernière question, je le promets. Recourez-vous à des moyens automatisés pour inspecter des billets ou confiez-vous cette tâche à — croyez-le ou non — des êtres humains?
M. Wall : La plupart des quelque 450 millions de billets que nous recevons annuellement sont inspectés dans le cadre d’un processus automatisé. Pour certains billets, comme les très vieux billets de la série de 1935, nous ne disposons malheureusement pas de machines qui peuvent les analyser; ils font donc l’objet d’un processus manuel.
Le sénateur Wetston : C’est une bonne chose. Je ne veux pas que des robots ou des machines régissent complètement nos vies.
La sénatrice Unger : La Colombie-Britannique a été le théâtre d’une affaire juridique bien connue qui a opposé une famille du nom de Samaroo à l’Agence du revenu du Canada. Les Samaroo, qui possédaient des économies de plusieurs milliers de dollars en argent comptant, craignaient que la banque n’accepte plus des vieux billets de 50 et de 100 $; ils ont donc transféré leur pécule de leur coffre à leur compte de banque. Cette transaction a attiré l’attention de l’ARC, qui a accusé les Samaroo d’évasion fiscale et les a traînés devant les tribunaux. Le processus, entamé en 2006, est toujours devant les tribunaux.
C’est tragique, car cette affaire découle d’un malentendu, puisque la famille croyait que les billets n’auraient plus de valeur. Que faut-il faire pour s’assurer que les Canadiens comprennent que même si les billets ne sont plus des monnaies légales, ils ne perdront pas leur valeur et pourront être échangés à la Banque du Canada?
M. Wall : Je vous remercie de cette question, qui est excellente. Nous entendons renforcer notre message public à ce sujet pour que les gens comprennent que les billets conserveront toujours leur valeur et seront toujours honorés par la Banque du Canada, peu importe le jour et l’année. En outre, nous informerons la population au sujet du processus à suivre pour échanger les billets.
La sénatrice Moncion : C’était ma question. Quel genre de publicité diffuserez-vous sur le retrait de ces billets? Bien des gens n’aiment pas garder leur argent à la maison ou le confier à une institution financière; ils le déposeraient donc dans un coffret de sécurité.
M. Wall : Nous envisageons de lancer une campagne publique à ce sujet et ferons appel à nos bureaux régionaux pour diffuser le message au plus grand nombre de gens possible.
La sénatrice Moncion : Merci.
Le président : Je vous remercie beaucoup tous les deux. Quel excellent échange.
Je demanderais maintenant aux témoins qui traiteront de la section 7, laquelle porte sur le règlement de paiements, de s’avancer.
Je suis heureux de souhaiter de nouveau la bienvenue à Yuki Bourdeau, conseillère principale à la Direction de la politique du secteur financier du ministère des Finances Canada, à M. Justin Brown, directeur, Stabilité financière, Direction de la politique du secteur financier, du ministère des Finances Canada; et à Nikil Chande, directeur, Département de la Stabilité financière, à la Banque du Canada.
Je vous demanderais de faire vos exposés, après quoi nous vous poserons des questions.
M. Brown : La section 7 de la partie 6 propose de modifier la Loi sur la compensation et le règlement des paiements afin de mettre en œuvre un cadre de résolution au sujet des infrastructures de marché financier, ou IMF, pour que l’outil approprié soit en place advenant la défaillance, peu probable, d’une infrastructure de marché financier systémiquement importante.
Les IMF sont des centres de transactions financières qui facilitent le règlement, la compensation et l’octroi de paiements. Certaines IMF sont désignées et supervisées par la Banque du Canada si cette dernière considère qu’elles posent des risques systémiques ou des problèmes au chapitre des paiements. Il importe que les IMF désignées poursuivent leurs activités même en période de stress. Les modifications proposées permettraient d’instaurer un cadre de résolution afin d’appuyer l’élaboration de plans de résolution viables et crédibles à l’intention des IMF désignées, et de fournir une assise juridique permettant aux autorités fédérales d’intervenir si une IMF est incapable de se rétablir après un stress.
Les modifications proposées contribueraient à préserver la stabilité financière, à maintenir les services essentiels des IMF et à réduire le risque de pertes auxquelles la population est exposée pendant une crise financière. Merci.
Le président : Avez-vous autre chose à ajouter, monsieur Chande? Merci beaucoup.
La sénatrice Moncion : Je crois comprendre que la Banque du Canada interviendrait si une institution financière éprouvait des problèmes de liquidité ou si vous détectiez des problèmes au chapitre des prêts ou autre chose.
M. Brown : Pour que tout soit bien clair, il existe divers types d’institutions financières. Le Bureau du surintendant des institutions financières possède un grand nombre de pouvoirs similaires relativement aux banques en ce qui a trait aux activités quotidiennes. La banque possède des pouvoirs de surveillance comparables à l’égard des IMF en vertu de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Nous parlons ici de la question de la résolution.
Si une IMF défaille… En ce qui concerne les banques, une boîte à outils semblable a été confiée à la Société d’assurance-dépôts du Canada ces dernières années. Dans le projet de loi, le gouvernement propose de doter la Banque du Canada d’une boîte à outils similaire pour les IMF.
La sénatrice Moncion : Ces deux entités s’intéresseraient à l’IMF qui est en difficulté.
M. Brown : Ce seraient des entités distinctes. Il y a les banques, soumises à la surveillance régulière du Bureau du surintendant des institutions financières, et si elles défaillent ou sont sur le point de le faire, la Société d’assurance-dépôts du Canada pourrait intervenir. Il est question ici des IMF, et dans leur cas, deux grands systèmes de paiement et deux principales autorités responsables existent au Canada. Il s’agit d’institutions différentes. Les banques tendent à participer aux IMF, mais ce ne sont pas les mêmes institutions. En ce qui concerne les IMF, la Banque du Canada serait l’autorité responsable du règlement.
Sachez en outre que sur le plan de la coordination, il existe des comités fédéraux pour assurer la coordination entre les divers organismes de réglementation du secteur financier. La coordination entre le Banque du Canada et les organismes de réglementation provinciaux est un facteur important.
La sénatrice Moncion : Merci.
Le sénateur Wetston : Dans mon ancien rôle dans le secteur de la réglementation des valeurs mobilières, on accordait beaucoup de temps à cette question, tentant de déterminer quels seraient les régimes appropriés au Canada, et je pense qu’on tentait de savoir si on suivait ou non les normes internationales, les principes pour les infrastructures de marché financier, ainsi que les normes établies à cet égard par l’Organisation internationale des commissions de valeurs, le Conseil de stabilité financière et d’autres organismes. Pourriez-vous indiquer au comité si ces normes ont été élaborées à la lumière de ces balises et si elles sont comparables ou non aux normes internationales établies après la crise financière?
M. Brown : Je dirais qu’actuellement, en vertu de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, la Banque du Canada applique les pratiques exemplaires s’appuyant sur les principes des infrastructures de marché financier, ainsi que les normes du Comité sur les paiements et les infrastructures de marché et de l’Organisation internationale des commissions de valeurs. La loi qu’applique la Banque du Canada comprend déjà une boîte à outils. En ce qui concerne le cadre de résolution relatif aux IMF, si une IMF défaille, nous étudions les principaux attributs proposés par le Conseil de stabilité financière. Ce dernier constitue l’organe international clé qui étudie et établit les normes et les pratiques exemplaires depuis la crise financière. Nous nous sommes penchés sur les normes proposées par cet organe pour déterminer comment elles s’appliqueraient de manière optimale dans le contexte canadien, et le présent projet de loi est le fruit de ces démarches.
Nikil Chande, directeur, Département de la Stabilité financière, Banque du Canada : Tout comme nous supervisons conjointement la situation avec les organismes de réglementation provinciaux, comme la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, nous élaborons des normes expressément pour la résolution relative aux infrastructures de marché financier par l’entremise du Conseil de stabilité financière. Nous l’avons fait avec l’aide des organismes de réglementation provinciaux. La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a participé aux travaux du Conseil de stabilité financière avec la Banque du Canada afin de contribuer à établir collectivement des principes internationaux qui orienteraient les régimes de résolution élaborés pour les infrastructures de marché financier. Le régime que nous proposons au Canada cadre bien avec ces principes internationaux.
Le sénateur Wetston : Pour que tout soit clair, il y a des autorités fédérales et provinciales. Comme vous le savez, il existe de nombreux organismes de réglementation, mais la Canadian Depository for Securities est surveillée conjointement par l’Autorité des marchés financiers au Québec, la Commission des valeurs mobilières en Ontario et la Banque du Canada en raison des secteurs de compétences. Dans le cadre de ces activités, vous pourriez déceler une institution financière en difficulté nécessitant l’application d’un régime de résolution, mais étant assujettie à la réglementation provinciale, et non fédérale. Dans le domaine de réglementation fédéral, j’ai en tête les compagnies d’assurance, les banques et d’autres institutions, alors que dans le domaine de réglementation provincial, je pense aussi aux compagnies d’assurance, mais pas aux banques ou aux institutions financières.
Vous n’êtes pas sans savoir que les grandes banques sont intégrées. D’une part, elles offrent des services financiers, et de l’autre, elles proposent des services bancaires; elles sont toutefois réglementées par des entités fédérales et provinciales. Dans ce contexte, comment réagiriez-vous à une telle situation?
M. Brown : Il s’agit là d’une question importante, dont nous avons discuté avec les organismes de réglementation provinciaux au cours des derniers mois. La Banque du Canada entretient des relations avec les organismes de réglementation provinciaux pertinents, et nous considérons que cela fonctionne très bien.
Sachez que la Banque du Canada est actuellement responsable de la surveillance des quatre IMF désignées qui seraient visées par les modifications proposées. La Banque du Canada examine la question en tenant compte de l’ensemble du système dans une optique de stabilité financière, alors que les deux principales contreparties — dont les autorités provinciales, que vous avez évoquées — étudient la question du point de vue des pratiques du secteur financier. Cette double responsabilité existe déjà dans le cadre actuel.
La Banque du Canada a déjà conclu un protocole d’entente avec les autorités provinciales afin de favoriser l’échange de renseignements et de déterminer la manière dont la consultation et la coordination fonctionneront.
Si et quand les modifications proposées sont adoptées, la Banque du Canada a l’intention de conclure un protocole d’entente à propos de la résolution; elle a d’ailleurs discuté de la question avec les autorités provinciales au cours des derniers mois.
Le sénateur Wetston : Je présume que ces échanges ont lieu au cours des réunions que tiennent les dirigeants des organismes?
M. Brown : En partie; un groupe de travail distinct a également été mis sur pied.
La sénatrice Wallin : Ma question concerne le contexte. Propose-t-on ces mesures parce que c’est la période du budget ou est-ce que quelque chose en particulier est à l’origine de cette initiative? Pourquoi agir maintenant?
M. Brown : Je dirais que ce serait pour combler un manque important dans notre cadre de stabilité financière.
Au cours des dernières années, le gouvernement a proposé des modifications pour conférer des pouvoirs aux organismes de réglementation du secteur financier dans le domaine bancaire. Nous ne possédons pas de pouvoir de résolution concernant les infrastructures de marché financier. On propose ces modifications en espérant ne jamais avoir à les utiliser, mais si jamais il survient une crise financière ou un incident pouvant potentiellement provoquer la défaillance d’une infrastructure de marché financier, il serait important de disposer de ces pouvoirs pour maintenir la stabilité financière.
M. Chande : Je voulais ajouter que les mesures que prend le Canada cadrent bien avec les engagements internationaux. Le G20 s’est, en effet, engagé à mettre en place un régime de résolution pour les institutions financières systémiquement importantes. Ces modifications concrétisent en partie cet engagement international.
D’autres pays font la même chose. La Banque d’Angleterre, les États-Unis, l’Australie et l’Union européenne instaurent tous les régimes comme celui-ci en ce qui concerne les infrastructures de marché financier.
La sénatrice Wallin : En cas de défaillance d’une de ces maisons de règlement ou peu importe le nom qu’on leur donnera, ce ne sera toujours pas une faillite et personne ne recouvrera son argent, n’est-ce pas?
M. Brown : Ces maisons de règlement fournissant des services essentiels au secteur financier, leur défaillance aurait des répercussions dont les effets se feraient sentir dans l’ensemble du secteur financier, voire de l’économie. L’objectif consiste ici à doter la Banque du Canada de pouvoirs lui permettant d’intervenir pour maintenir ces services essentiels, résoudre les problèmes sous-jacents, préserver la confiance du secteur financier et la stabilité financière et, au bout du compte, se sortir de la situation une fois que les choses sont claires.
La sénatrice Wallin : Je vois peut-être les choses de manière naïve, mais la non-viabilité ne constitue pas une faillite, et aucun créancier n’a de recours. Que faites-vous quand vous intervenez?
M. Brown : Nous employons un langage technique pour veiller à ce que la défaillance potentielle d’une IMF ne permette pas d’invoquer certaines dispositions des diverses lois sur la faillite. Quant à ce que la banque ferait quand elle intervient, cela dépend de la situation. Les pouvoirs et les outils proposés s’apparentent à ceux conférés à la Société d’assurance-dépôts du Canada en ce qui concerne les banques, si vous les connaissez. À un haut niveau, toutefois, la Banque du Canada collaborera avec les provinces pour élaborer des plans de résolution. Les autorités auront le pouvoir de prendre le contrôle d’une IMF en vertu d’une ordonnance d’envoi en possession ou de mise sous séquestre, ou d’une mesure semblable.
M. Chande : C’est un objectif pour éviter les faillites traditionnelles de ces établissements essentiels au système financier. L’intervention de la Banque du Canada viserait à pouvoir absolument s’assurer de leur maintien, d’éviter une fermeture qui, sinon, serait l’aboutissement d’un parcours traditionnel vers la faillite, une des éventualités de l’état de cessation de paiement. Nous voulons l’éviter.
La sénatrice Wallin : Nous ne voulons pas les dépouiller de tout.
M. Chande : C’est juste.
La sénatrice Ringuette : J’ai trouvé quelque chose de très intéressant dans le régime que vous créez. Permettez-moi de lire le passage suivant, dans l’espoir que vous pourrez m’éclairer :
Le […] paragraphe 11.07(1) prévoit que, malgré le paragraphe 8(3), la déclaration…
— la déclaration de la Banque du Canada —
… a pour effet de suspendre les éléments suivants pour les fins établies aux alinéas a) à f).
On lit ensuite :
Les droits de résilier ou de modifier, en raison uniquement de la déclaration de non-viabilité, tout contrat conclu avec la chambre de compensation…
— en raison de la déclaration —
… ou l’intermédiaire ou l’exercice, en raison uniquement de cette déclaration de non-viabilité, de toute clause de déchéance du terme figurant dans un tel contrat;
Puis :
b) les actions ou autre procédure civile devant un organisme judiciaire ou quasi judiciaire et la procédure arbitrale contre la chambre ou à l’égard de son actif, à l’exception toutefois de celles intentées par la banque ou le procureur général du Canada en vertu de la Loi sur les liquidations et les restructurations…
C’est très restrictif pour la clientèle de cette chambre de compensation. Elle fait affaire avec une certaine chambre de compensation. La Banque du Canada émet une directive qui l’oblige, la clientèle, à ne rien modifier dans ses relations avec cette chambre. De plus, elle cesse d’avoir accès à un processus civil et judiciaire.
D’après moi, ce pouvoir et ces contraintes imposées à la clientèle de la chambre de compensation, c’est un peu raide.
M. Chande : C’est une excellente question, légitime en plus. Gardons à l’esprit que si nous sommes dans une situation où la Banque du Canada a déclaré la mise en résolution, ça signifie que l’entité visée est sur le point de faire faillite ou de ne plus pouvoir fournir les services essentiels au système financier, éventualité que nous voulons écarter. Ces entités sont très réglementées pour précisément l’éviter.
Si jamais nous nous retrouvons dans cette situation désespérée, la Banque du Canada ordonnera la mise en résolution de l’entité et, là vous avez raison, ces restrictions sont en place pour la période de mise en résolution de l’entité. Elles sont donc temporaires. C’est pour s’assurer, maintenant que la banque centrale intervient pour exploiter l’entité, que nous pouvons continuer à bien la faire fonctionner.
Beaucoup de services fournis aux infrastructures des marchés financiers par des tiers sont des services essentiels, faute de quoi toute activité doit cesser. Dans une telle situation de crise, pendant notre intervention temporaire visant le maintien de ces services essentiels, nous ne pouvons pas non plus, en même temps que cette urgence, affronter des membres qui refusent le service et des fournisseurs de services non disposés à continuer de les fournir.
La sénatrice Ringuette : Comme vous l’avez dit, monsieur Brown, il existe deux chambres de compensation, ayant chacune sa spécialité. Si l’une a du plomb dans l’aile, pourquoi ne pas autoriser ses clients à fusionner avec l’autre qui va bien?
M. Chande : Ici, l’une ne peut pas remplacer l’autre. Il y a deux chambres centrales de compensation, deux intermédiaires au Canada, mais leurs marchés sont nettement différents. L’une s’occupe des produits dérivés à la Bourse de Montréal; l’autre, des opérations sur les titres de capital à la Bourse de Toronto, et des opérations sur titres à revenu fixe.
C’est en partie la raison de leur si grande importance dans le système, la raison pour laquelle leur travail ne peut pas cesser. Elles fournissent des services essentiels. Il n’y a pas de solution de remplacement facilement accessible. Le fonctionnement des marchés financiers et, en fin de compte, de notre système financier dépend de ces services. Nous n’avons vraiment pas le choix. Nous ne pouvons pas nous retrouver dans une situation où l’une d’elles serait en panne.
La sénatrice Ringuette : Ce serait pour les produits dérivés. Qu’en est-il des autres?
M. Chande : Pour les produits dérivés, il n’y a qu’un seul intermédiaire au Canada. S’il cesse ses opérations, le marché des produits dérivés à la Bourse de Montréal s’arrête. Si l’intermédiaire central qui sert de chambre de compensation aux opérations sur les titres de capital à la Bourse de Toronto s’arrête, c’est le marché de la Bourse de Toronto qui est perturbé. Il n’y a vraiment pas de solution de rechange en vue.
La sénatrice Ringuette : Si vous permettez, le projet de loi n’en parle peut-être pas, mais la question s’impose : Si nous avions une seule entité nationale de réglementation des valeurs mobilières, est-ce que nous serions dans la même situation?
M. Chande : Je pense que oui. La structure des marchés du secteur de la compensation est en grande partie déterminée par les forces du marché. La centralisation de l’activité permettrait beaucoup d’économies d’échelle — toutes les liquidités pour les mêmes produits au même endroit.
Je ne crois pas que ce soit vraiment la structure de notre cadre réglementaire qui détermine leur configuration au Canada.
La sénatrice Ringuette : Merci.
Le président : Merci beaucoup. Vous avez posé une bonne série de questions, chère collègue.
Merci. Nous l’apprécions. Nous verrons ce qu’en pensent mes collègues. Visiblement, nous perdons des joueurs. Le vote a lieu à 17 h 9. On me dit que l’exposé sur la section 16 prendra une dizaine de minutes. Ça s’annonce serré. Voulez-vous revenir après ou un autre jour?
La sénatrice Ringuette : Nous devrions revenir après. Si les témoins veulent…
Le président : Messieurs Wetston et Tannas, aujourd’hui ou demain? Qu’en pensez-vous?
Le sénateur Tannas : Il y a aussi un vote à 17 h 30. Nous ne serons pas de retour avant 17 h 45. Nous devrions donc remettre la suite à demain.
Le président : Est-ce que nous pouvons le faire un autre jour?
Je suis désolé de ne pas pouvoir poursuivre, mais c’est peut-être la bonne décision. Un certain nombre d’entre nous ont aussi des séances après 18 heures.
Merci beaucoup à tous.
(La séance est levée.)