Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule n° 26 - Témoignages du 28 février 2017 (séance du matin)
OTTAWA, le mardi 28 février 2017
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les incidences financières et considérations régionales du vieillissement démographique au pays.
Le sénateur Larry W. Smith (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue et bon matin. Désolé du retard. Nous venons d'avoir une conférence de presse, et j'aimerais vous montrer l'excellent travail que notre comité a fait.
Les médias étaient présents en grand nombre ce matin pour entendre notre plan d'attaque, qui s'articule autour d'une planification plus judicieuse, de dépenses plus intelligentes et de réussites sur le plan des infrastructures.
[Français]
Il s'agit du premier volet et du premier rapport, intitulé Mieux planifier, mieux investir : Atteindre le succès en infrastructure.
[Traduction]
Nous étions très emballés de nous adresser aux médias, et nous avons reçu de bons commentaires. Nous effectuerons quelques entrevues plus tard, notamment avec Michael Hainsworth du Business News Network, et nous nous en réjouissons. J'aimerais remercier tous les membres du comité, car nous avons fait un travail d'équipe remarquable. Le sénateur Mockler et la sénatrice Cools se sont joints à nous aujourd'hui, et j'aimerais remercier nos transcripteurs.
[Français]
Vous avez fait un excellent travail.
[Traduction]
C'est un pas dans la direction que nous voulons prendre.
La sénatrice Stewart Olsen : Et un gros merci aux Services des communications.
Le président : Et un gros merci aux Services des communications car ils ont fait un travail exceptionnel pour nous préparer à la conférence de presse de ce matin. Nous en sommes emballés et la participation a été bonne.
Je suis Larry Smith, sénateur du Québec, et je préside le comité. Permettez-moi de présenter les autres membres.
[Français]
La sénatrice Moncion, du Nord de l'Ontario, ainsi que le sénateur Pratte, de Montréal.
[Traduction]
Bien entendu, du Nouveau-Brunswick, nous avons le sénateur Percy Mockler. La sénatrice Cools est notre vice- présidente. Le sénateur Neufeld vient de la magnifique région du Nord de la Colombie-Britannique. De la Saskatchewan — j'espère qu'ils trouveront un quart-arrière —, nous avons la sénatrice Raynell Andreychuk. De Terre- Neuve, du gros rocher, il y a la sénatrice Beth Marshall. La sénatrice Stewart Olsen est du Nouveau-Brunswick et, bien entendu, le sénateur Forest est du Québec.
[Français]
Notre mission est d'étudier les prévisions budgétaires du gouvernement fédéral et les finances publiques en général.
[Traduction]
Cependant, le comité a demandé et a reçu un mandat précis du Sénat pour étudier les incidences financières et considérations régionales du vieillissement démographique au pays. Ce matin, nous entamons une série d'audiences sur cette étude spéciale.
Nous accueillons, du Conference Board du Canada, Louis Thériault, vice-président, Politiques publiques.
[Français]
M. Thériault a étudié la question de l'effet du vieillissement de la population sur le système de santé et a publié plusieurs articles à ce sujet.
[Traduction]
Nous recevons également le Dr Dennis Furlong, qui a été ministre de la Santé de 1999 à 2001 et qui est un omnipraticien depuis longtemps. Il a publié l'ouvrage intitulé Medicare Myths : 50 Myths We've Endured About the Canadian Health Care System.
Le Dr Furlong est une personne que j'ai eu l'occasion de rencontrer à maintes reprises au fil des ans en ma qualité de président des Jeux du Canada. Le Dr Furlong s'intéresse et contribue aux Jeux du Canada depuis longtemps. Docteur, merci de cette contribution également.
[Français]
Enfin, nous recevons l'économiste et auteur, Richard Saillant. Longtemps associé à l'Université de Moncton, M. Saillant a notamment publié, l'automne dernier, un essai sur le vieillissement et la péréquation. Son livre, intitulé Deux pays : Le Canada à l'ère du Grand Déséquilibre démographique, expose le fossé qui risque de se creuser entre l'Est et l'Ouest du Canada si le déséquilibre démographique n'est pas pris au sérieux.
[Traduction]
Messieurs, bienvenue. Nous avons bien hâte d'entendre ce que vous avez à dire. Je vous demanderais de faire chacun votre tour une déclaration liminaire, puis nous passerons à la période des questions. Nous vous remercions d'être venus à si court préavis. Aimeriez-vous commencer, monsieur Thériault?
[Français]
Louis Thériault, vice-président, Politiques publiques, Le Conference Board du Canada : Merci au comité, merci, monsieur le président.
[Traduction]
C'est un grand honneur pour moi d'être ici. Le Conference Board, comme vous le savez peut-être, est le plus grand organisme de recherche au pays et une organisation indépendante, non partisane et sans but lucratif. Le travail que nous effectuons est dans l'intérêt commun.
Je suis responsable des politiques publiques. Les soins de santé sont un élément central du portefeuille des questions de politique publique auxquelles nous nous attaquons. Mes déclarations de ce matin reposent sur une étude détaillée, qui fait partie d'une série d'études sur le vieillissement réalisées dans le cadre de l'Alliance canadienne pour des soins de santé durables au Conference Board.
Les soins aux aînés, le financement, les ressources humaines et les infrastructures sont tous des thèmes récurrents. J'ai six conclusions que je vais aborder.
Comme nous le savons tous, la prestation de services de santé et de services sociaux efficaces, durables et de qualité supérieure est une priorité absolue pour les gouvernements canadiens et de nombreuses organisations, tant publiques que privées. La prestation de soutien aux soins continus constitue l'un des défis les plus urgents qu'ont à relever ces acteurs, alors qu'ils s'efforcent de trouver un juste équilibre entre les demandes de services de soins et les coûts qu'elles entraînent dans le contexte du vieillissement de la population. C'est un thème clé de l'Alliance canadienne pour des soins de santé durables du Conference Board, et par l'entremise d'une série d'études sur l'avenir des soins aux aînés au Canada, nous explorons les effets du vieillissement sur les soins de santé plus particulièrement.
Ce rapport est le deuxième d'une série. C'est un ouvrage exhaustif qui fait état des leçons clés relativement aux soins à offrir à une population vieillissante à l'aide de chiffres précis. Il y a d'importantes conséquences que nous aborderons dans un instant.
Le Canada est aux prises avec les conséquences de l'explosion démographique que représente la génération vieillissante des baby-boomers et se demande dans quelle mesure il devrait se préoccuper des incidences que cela aura sur les services de santé et les services sociaux. Selon les prévisions fondées sur le statu quo que nous avons effectuées quant à l'avenir des besoins en soins continus des aînés canadiens, le Canada devrait s'inquiéter de la situation actuelle si elle perdure, surtout s'il veut continuer d'offrir le même niveau de services en fonction des mêmes ententes de partage des coûts. Cela dit, diverses réformes sont mises à l'essai un peu partout au Canada dans le but de s'écarter du statu quo. C'est rassurant. En ce qui concerne la portée, c'est la bonne ligne de pensée, mais nous n'avons pas encore terminé.
Bon nombre des défis auxquels fait face le secteur des soins continus sont connus. Le rapport est unique. Il présente des conclusions quantitatives, rendues possibles grâce à une terminologie cohérente, ce que nous ne faisons pas forcément lorsque nous discutons des soins à domicile et des soins communautaires — chacun a ses propres définitions —, et grâce à une méthodologie cohérente. C'est autre chose; il n'y a pas de vraies bonnes données pour mesurer la situation. Les conclusions fournissent des informations essentielles aux intervenants, y compris les décideurs, les associations de professionnels de la santé, les établissements d'enseignement et le milieu des affaires, à mesure qu'ils continuent d'établir des politiques et d'en fixer les priorités et qu'ils élaborent, pour les décennies à venir, des plans concernant les investissements, la prestation des services et les infrastructures. Le soutien aux soins continus que nous explorons dans notre analyse comprend toutes les formes d'aide apportée aux aînés qui ne peuvent plus vivre de façon autonome, ainsi que l'aide fournie à ceux qui le peuvent.
Ces formes de soutien sont offertes dans différents lieux, dont des maisons privées. Les soins à domicile sont importants, mais les communautés de personnes retraitées sont également importantes. Les établissements de soins de longue durée qui adoptent une approche plus traditionnelle à ce que nous appelons le système de soins de santé sont également importants. Il y a d'autres installations dans les communautés qui doivent aussi être incluses.
Ce soutien englobe les services d'appui à la santé, les mesures d'aide personnelle et le soutien social, les aides au logement, les dons, le bénévolat et la prestation de soins. Nous oublions souvent les bénévoles qui participent à la prestation des services. Dans le scénario du statu quo, nos prévisions et nos analyses concernant le soutien aux soins continus destiné aux aînés canadiens mettent au jour plusieurs grandes répercussions, et principalement concernant les besoins en matière d'infrastructures. Où prenons-nous soin des aînés lorsqu'ils vieillissent? Il y a également des demandes de main-d'œuvre associées à la situation du vieillissement de la population. La croissance de la main-d'œuvre ralentit alors que la demande en main-d'œuvre dans ce secteur augmente. Il y a donc un écart, que nous mesurons précisément par province, type de profession et dépenses. Honnêtement, les dépenses font partie des discussions, bien entendu; c'est un sujet important, mais les discussions ne portent pas seulement sur les dépenses. C'est comment nous dépensons l'argent.
Avec la première incidence, la demande de soutien aux soins continus et les dépenses connexes monteront en flèche. D'ici 2026, on estime que plus de 2,4 millions de Canadiens de 65 ans et plus auront besoin de soutien aux soins continus rémunérés et non rémunérés. C'est 71 p. 100 de plus qu'en 2011, qui est la dernière année pour laquelle nous avons des données pertinentes. La prochaine décennie représentera un grand défi. Par après, la situation ne sera pas forcément plus facile, mais les réformes structurelles pour gérer les 10 prochaines années prépareront le terrain pour la suite. D'ici 2046, ce nombre atteindra 3,3 millions. Les dépenses totales consacrées au soutien aux soins continus passeront de 28 milliards de dollars en 2011 à 177 milliards de dollars d'ici 2046. Je répète que ce sera au cours des 10 prochaines années que nous enregistrerons le taux de croissance le plus élevé.
La deuxième répercussion est le fait que la hausse spectaculaire des dépenses prévues ne tient pas compte des besoins des aînés perçus comme étant non ou insuffisamment satisfaits et que ces besoins sont importants et devraient s'accentuer. Nous parlons souvent de ce que nous savons, mais il est beaucoup plus difficile de discuter de ce dont nous ignorons. D'après quelques sondages effectués et des renseignements recueillis dans le cadre de cette étude, nous avons une estimation du nombre d'aînés déclarant avoir des besoins non satisfaits. Il y a donc une lacune dans la prestation actuelle des soins, et ce chiffre pourrait passer de 200 000 à l'heure actuelle à près d'un demi-million.
La troisième répercussion est que la dépendance envers les aidants naturels non rémunérés et les bénévoles pour ce qui est du soutien aux soins continus augmentera considérablement. C'est quelque chose que nous tenons pour acquis. Dans le système à l'heure actuelle, nous comptons un grand nombre de bénévoles et d'aidants naturels non rémunérés. À mesure que la société vieillit, les pressions augmentent car ces gens sont eux-mêmes des aînés. C'est également au cœur de notre analyse.
Les Canadiens ont prodigué un certain niveau de soins continus non rémunérés à des aînés et, d'ici 2046, ils seront 11,6 millions de Canadiens à le faire, par rapport aux 5,3 millions à l'heure actuelle.
La quatrième conclusion est que pour relever le défi associé à la satisfaction des besoins en soins continus des aînés, il faut se concentrer sur l'efficacité et reprendre contact avec la réalité. Encore là, cela nous ramène à la façon dont nous dépensons l'argent. Forcés de composer avec des déficits hérités du passé et d'évoluer dans un contexte de croissance limitée, les différents ordres de gouvernement auront des décisions difficiles à prendre pour répondre à la nécessité d'accroître les dépenses consacrées au soutien aux soins continus. Afin de prendre des décisions plus éclairées, il faudra mieux comprendre et mieux gérer les facteurs de croissance. Ces décisions auront une incidence non seulement sur la prestation de soutien aux soins continus et les ententes de partage des coûts la régissant, que ce soit des ententes entre le secteur privé et le secteur public, entre des hôpitaux fédéraux et provinciaux, avec des établissements non institutionnels, et cetera, ces décisions auront une incidence également sur d'autres aspects des soins de santé comme les soins de courte durée, où nous dépensons l'argent dans le système. En ce moment, ces décisions sont principalement axées sur les hôpitaux et les soins de courte durée. Avec le vieillissement de la population, je vais devoir réévaluer cela.
Le président : Êtes-vous sur le point de conclure vos remarques? Nous voulons nous assurer de pouvoir vous poser des questions.
M. Thériault : Je vais conclure en disant que les infrastructures sont importantes, mais la demande de main-d'œuvre est quelque chose que nous avons du mal à comprendre. Les travaux que nous avons réalisés mettent vraiment les choses en perspective. La croissance de la demande de main-d'œuvre pour le secteur des soins continus devancera la croissance de la main-d'œuvre.
En résumé, vous avez tous entendu parler de la nouvelle norme de l'économie canadienne dont la croissance est de 1,82 p. 100 par rapport à 3,5 p. 100 avant 2007. C'est en grande partie attribuable à une croissance plus lente de la main-d'œuvre, ce qui représente la capacité de production dont nous parlons. Lorsque nous examinons la croissance de la main-d'œuvre à long terme, c'est d'environ 1 p. 100 par année. Cela influe en grande partie sur la croissance du PIB qui est d'environ 2 p. 100. La demande en main-d'œuvre pour assurer des soins de santé, d'après ce que nous avons vu aujourd'hui et d'après les besoins croissants d'une population vieillissante, devrait augmenter au rythme de 3,1 p. 100. Il y a un écart de 2 p. 100, année après année, que nous observons entre les besoins d'assurer des soins à domicile, des soins communautaires et des soins continus de façon générale et la demande projetée dans l'économie globale. À mon sens, c'est l'un des défis les plus pressants qu'il faut relever.
Merci.
[Français]
Dr Dennis Furlong, ancien ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, à titre personnel : Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de me présenter devant votre comité ce matin. C'est vraiment un plaisir et un honneur pour moi, et je tenterai de faire de mon mieux.
[Traduction]
Merci encore une fois de me donner l'occasion d'être ici. J'ai décidé de vous présenter ma déclaration sous forme de puces plutôt que d'exposé, car le système de soins de santé et ses systèmes connexes sont très vastes, complexes, dispendieux et tout le reste — ils constituent un très grand défi en ce moment. Je vais essayer de vous expliquer ce que j'ai fait pendant la majeure partie de ma carrière dans une pratique médicale en milieu rural et de vous communiquer des messages fondamentaux et pertinents qui susciteront des questions par la suite.
J'ai rédigé le premier paragraphe pour vous dire qu'il y aura de grands défis financiers mondiaux pour tous les gouvernements jusqu'à ce que les baby-boomers traversent le système de la même façon qu'ils l'ont fait dans le système d'éducation. Nous avons mis sur pied toutes sortes de salles de classe temporaires, puis elles sont disparues. Maintenant, nous devons prendre soin d'eux pendant leurs vieux jours.
Vous pouvez réfléchir à vos questions pendant que je m'adresse à vous, et je vais essayer d'être succinct et bref.
Le tableau d'ensemble, l'image satellite des soins de santé au Canada, c'est que la Loi canadienne sur la santé doit être révisée. Elle date de 50 ans. Elle n'inclut pas l'assurance-médicaments. Elle couvre encore les cotisations à partir du premier dollar gagné, contrairement à la plupart des pays de l'OCDE qui ont des programmes de soins de santé publics où il y a une certaine contribution des patients. Nous n'avons pas ces programmes. C'est un problème.
Pour ce qui est des cinq principes de la Loi canadienne sur la santé, nous en avons encore deux qui sont fondamentaux. Si vous êtes un citoyen canadien, vous êtes couvert. Si vous êtes un citoyen canadien d'une province, vous êtes couvert dans une autre province. L'universalité et la transférabilité sont encore solidement ancrées dans la loi.
L'exhaustivité a été quelque peu compromise, mais elle est encore prévue dans la loi et est assez bonne.
Le financement par l'État a été martelé. Nous sommes maintenant dans un secteur de privatisation. La Cour suprême du Québec a rendu la décision Chaoulli. Nous allons en recevoir une autre très bientôt au Québec, et je pense que le financement par l'État a disparu.
Qu'en est-il de l'accessibilité? Nous pourrions tout aussi bien ne pas en discuter car ce n'est plus dans le système de santé canadien. Il y a lieu de se poser la question suivante : s'il faut attendre deux ans avant de pouvoir consulter un neurologue, un orthopédiste ou un autre spécialiste, avons-nous un système de soins de santé financé par l'État? Et c'est ce qui se passe partout au pays. J'ai prédit l'effondrement du système il y a de cela 10 ans dans mon livre, et c'est ce qui se passe en ce moment.
Il faut apporter des changements transformateurs. Nous devons revoir et moderniser cette loi. Nous devons nous assurer qu'elle reflète la prestation des services au pays.
Je ne peux poursuivre sans vous dire que les fournisseurs de soins au Canada — les médecins, le personnel infirmier, les partenaires et les cliniciens dans le secteur des professionnels paramédicaux — sont les meilleurs au monde. Ils sont imbattables. Les Américains accueillent tous les professionnels de la santé canadiens qu'ils peuvent accueillir car ils sont très bien formés. Nous pouvons donc offrir des soins de qualité au pays et nous pouvons le faire aussi bien que n'importe quel autre pays dans le monde. Le problème, c'est que le système est débordé.
En ce qui concerne les coûts, il y a aussi le fait que nous dépensons actuellement beaucoup d'argent. Les provinces consacrent plus ou moins 45 p. 100 de leurs budgets, ce qui compromet énormément tous les autres budgets et programmes. Nous le faisons en tant que collectivité. Je ne sais pas combien de personnes dans la salle pourraient le faire individuellement. Si nous ne pouvons pas le faire individuellement et consacrer la moitié de notre revenu aux soins de santé, je ne sais pas comment nous le faisons en tant que collectivité. C'est seulement une observation dont je voulais vous faire part.
Encore une fois, la qualité de nos soins dépend non pas de ceux qui les fournissent, mais bien de leur capacité à le faire. C'est un grave problème.
Le livre que j'ai distribué représente mes réflexions d'il y a 10 ans. Les chiffres sont périmés, mais les concepts sont aujourd'hui plus réels qu'ils ne l'étaient à l'époque. Vous y trouverez aussi un peu d'humour de Terre-Neuve, si jamais vous le lisez. L'ouvrage n'est pas très long. Il vous faudra environ quatre heures pour le lire, peut-être plus pour moi.
Parlons de la durabilité de notre système de soins de santé. Ces 10 dernières années, tous les premiers ministres du pays ont déclaré que le système n'était pas viable. Les ministres de la Santé et des Finances l'ont dit à l'unanimité. Même Sheila Fraser affirme qu'il n'est pas viable. Nous devons donc convenir que notre façon de faire n'est pas durable.
Tandis que nous nous approchons d'un fossé démographique en matière de soins de santé, nous devons être prêts. J'établis toujours l'analogie suivante : si vous sautez en parachute à partir d'un avion, il serait fort logique de l'ouvrir avant d'atteindre le sol, plutôt que d'attendre après. Nous sommes donc en train d'attendre, de reporter les délais et d'espérer que quelqu'un prendra les rênes et apportera des changements efficaces et transformateurs.
La viabilité de notre système dépend entièrement de son caractère abordable, qui dépend à son tour de l'utilisation qu'en fait la population. Il s'agit là d'un de nos problèmes fondamentaux, que je vais expliquer plus tard.
Ce ne sont pas tous les services du système de santé canadien qui sont nécessaires. En réalité, quelque 20 p. 100 d'entre eux sont inutiles. Ils ne font rien pour personne, sauf entraîner un coût.
En fait, la seule façon de contrôler l'utilisation consiste à favoriser la responsabilisation, un aspect qui n'est pourtant pas privilégié dans le système actuel — il n'y a aucune responsabilisation ni pour les fournisseurs ni pour les consommateurs. Il s'agit donc d'un chèque en blanc que les provinces canadiennes doivent payer chaque année. Depuis 25 ans, ce sont les dépenses qui fixent les budgets du système de soins de santé, plutôt que les budgets qui déterminent les dépenses. Nous avons désormais des déficits accumulés partout au pays, qui représentent empiriquement 60 p. 100 des excédents de dépenses en santé pour cette période. La dette de Terre-Neuve est de 15 milliards de dollars, alors que celle du Nouveau-Brunswick s'élève à 14 milliards de dollars. Je dirais qu'au moins 60 p. 100 de ces sommes sont attribuables à des excédents de dépenses pour le traitement des maladies.
Nous parlons d'un système de soins de santé du Canada, mais ce n'est vraiment pas ce qu'il fait. Il s'agit plutôt d'un système de traitement des maladies qui n'est pas uniforme au pays. C'est un regroupement de 13 compétences provinciales et territoriales qui s'exercent toutes différemment. Les volets financés sont tous différents, et chaque instance a un point de vue différent quant à ce qui est nécessaire dans le système canadien de soins de santé.
Nous devons donc comprendre que nous avons un système de traitement des maladies. Il n'améliore pas beaucoup le bien-être de notre société, à l'exception d'un ou deux éléments. De façon générale, quelque 7 ou 8 p. 100 du budget est consacré à la santé publique, à l'eau potable, à la salubrité alimentaire et à la vaccination. Ces éléments proviennent des systèmes provinciaux, et ils contribuent davantage au bien-être de la population que l'ensemble des médecins et des infirmières réunis.
Nous devons appliquer des principes d'assurance. Je vais essayer d'en parler tout à l'heure. Comme je l'ai dit, la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, ont une sorte de participation calculée au prorata.
Je suis en bonne compagnie. Ce livre a été coécrit par Fred Vettesse et Bill Morneau, que vous connaissez probablement. Les deux ont corédigé l'ouvrage deux ou trois années avant que M. Morneau ne se présente en politique. Il est aujourd'hui ministre fédéral des Finances. Je dis que je suis en bonne compagnie parce qu'il affirme dans son livre qu'il faut une responsabilisation participative au sein du système canadien de soins de santé. J'en parlerai un peu plus lorsque j'essaierai d'expliquer comment on peut y arriver au Canada, et pourquoi on devrait le faire.
Pour ce qui est des coûts et de la répartition des coûts liés au traitement des maladies, ceux-ci s'élèvent actuellement à 230 milliards de dollars par année au Canada. Ce sont les dépenses publiques et privées, qui se chiffrent à près de 12 p. 100 du PIB. Avant l'arrivée du régime d'assurance-maladie, ces dépenses représentaient 6 p. 100 du PIB. Elles correspondent à 45 p. 100 des budgets. La portion fédérale était de 50 p. 100 lorsque nous avons lancé ce système il y a 50 ans. Les provinces et les territoires pensaient qu'ils étaient au paradis. Ils pourraient désormais construire un hôpital ou embaucher un médecin en payant 50 cents pour chaque dollar. Aujourd'hui, la proportion est d'environ 80 p. 100 contre 20. Le fardeau se transfère très rapidement aux provinces. Certaines d'entre elles peuvent l'absorber, mais d'autres ne le peuvent pas.
En raison de la génération du baby-boom, le nouvel accord sur la santé prévoyait des augmentations restreintes, mais pas des diminutions. Compte tenu de cette surutilisation imminente, il se pourrait bien que la portion fédérale baisse pour atteindre 10 ou 12 p. 100. On peut donc se demander pourquoi nous avons une loi nationale sur la santé. Peut-être que tout devrait être provincial. Étant donné que la santé relève de la compétence des provinces, ce serait peut-être mieux ainsi.
En ce qui concerne le régime d'assurance-médicaments national, je vais essayer d'être énergique. Nous n'avons aucun régime d'assurance-médicaments au Canada. Nous avons plutôt un système lourd et coûteux de traitement des maladies. Les gens entrent dans le système avec une demande, une blessure ou autre chose, après quoi ils obtiennent un diagnostic et un service jusqu'au point où ils ont peut-être besoin d'une chirurgie, de médicaments, d'un pontage coronarien ou de quoi que ce soit d'autre. Au lieu que le processus suive son cours jusqu'au traitement, il peut s'arrêter ici, de sorte qu'il n'y a alors ni traitement ni assurance-médicaments. C'est un gros problème.
Environ 10 à 15 p. 100 des Canadiens ne remplissent pas leurs ordonnances, surtout les petits salariés. Ils finissent donc par se retrouver à nouveau dans le système. J'ai souvent eu ce genre de patient dans mon bureau. Ils viennent de subir un événement coronarien, puis ils se font prescrire 900 $ de médicaments par le centre cardiaque alors que leur revenu est de 1 700 $ par mois. Il y a quelque chose qui cloche.
Nous devons faire quelque chose au sujet de l'assurance-médicaments nationale, dont nous parlons depuis les années 1940. J'ai des idées à ce chapitre, et je pourrai vous en faire part tout à l'heure.
Pour ce qui est de la surcharge des urgences, c'est un enjeu avec lequel vous et moi devons composer. Tout le monde le fait. Pourquoi sommes-nous dans cette situation? Je vais vous donner des chiffres, et vous comprendrez tout de suite.
Au pays, environ 80 p. 100 des soins dispensés dans les salles d'urgence sont des soins primaires. C'est ce que révèlent de nombreuses études, dont la dernière a été menée par le Dr Ross en Nouvelle-Écosse. Elle montre que 80 p. 100 des visites à la salle d'urgence nécessitaient des soins primaires, alors que ces médecins sont formés pour un travail intense à faible volume dans une salle d'urgence. Or, les soins primaires représentent un travail à faible intensité, mais à volume élevé. Ces médecins sont donc incapables de le faire. Ils sont alors débordés par la charge de travail.
Ils demandent généralement beaucoup d'analyses. Ainsi, un problème de soins primaires qui coûterait 50 $ se retrouve dans une salle d'urgence, où la facture s'élèvera à 200 ou 300 $, peut-être plus. C'est donc ce qui se passe de Victoria à St. John's, et de Windsor à Inuvik.
Les soins primaires constituent aujourd'hui le principal problème des soins de santé au Canada. Ces soins ne sont offerts que pour 21 p. 100 des heures de la semaine. Si vous calculez en journée, c'est peut-être 30 ou 35 p. 100 de la semaine, mais jamais le samedi, le dimanche et la plupart des vendredis.
Nous avons un problème de taille relatif aux soins primaires puisque les gens disent qu'il manque de médecins de soins primaires. Eh bien, ce n'est pas vrai. Je l'avais d'ailleurs affirmé il y a 10 ans. Nous avons 80 000 médecins au Canada, dont 40 000 s'occupent des soins primaires. Si nous avons 40 000 médecins, la norme de l'Association médicale canadienne fait en sorte que chacun s'occupe de 1 000 à 1 500 patients. Oublions les 1 500, et revenons aux 1 000. Nous avons 40 000 médecins en soins primaires. Si chacun voyait 1 000 patients, cela totaliserait 40 millions de Canadiens. Or, nous sommes 36 ou 35 millions.
C'est ainsi que cette unité d'énergie s'applique aux gens. La procédure est mal suivie et doit être révisée.
Les soins primaires devraient être offerts 24 heures par jour et 7 jours par semaine, mais ce n'est pas le cas. Nous devons donc trouver un moyen de le faire, et c'est possible. Ce n'est pas sorcier.
Pour ce qui est du système hospitalier de base pour le traitement de blessures graves, j'avais dit il y a 10 ans dans mon livre qu'il existe un système de base de soins de santé au Canada. En effet, les patients qui ont des blessures ou des maladies graves sont triés par tout le monde, que ce soit le type à l'entrée de l'hôpital, les gens qui déplacent les civières, ou même les médecins, qui peuvent dire que si une personne est vraiment malade, elle devrait se retrouver à l'avant de la ligne et se faire soigner.
Ce système de triage fonctionnait il y a 10 ans, mais il est en train de s'effondrer rapidement. Une personne atteinte d'une maladie grave telle qu'un cancer, qui est diagnostiquée le 1er décembre à l'aide d'un tomodensitogramme de la poitrine, aura son premier rendez-vous en oncologie en février, alors que c'est pourtant une maladie qui peut tuer en six mois. C'est un problème majeur. Le système de base est en train de s'effondrer pour toutes sortes de raisons. Tout n'est pas attribuable à l'argent. L'abrogation a aussi un rôle à y jouer. Une partie du problème découle simplement de l'accablement. Certains professionnels disent que si le gouvernement veut tout faire, qu'il le fasse. C'est le genre de choses qui se produisent au sein du système.
Parmi les autres enjeux, mentionnons la migration des soins primaires vers les praticiens de soins secondaires, ce qui entraîne un coût énorme. Il y a énormément de choses dont les médecins de soins primaires devraient s'occuper, mais ils ne font pas. Ils se contentent plutôt d'aiguiller les patients. Encore une fois, un problème de 50 $ entraîne alors un coût de 250 $. Et c'est nous qui l'absorbons.
En ce qui concerne la prestation des soins de garde personnalisés non médicaux, c'est le genre d'enjeux relatif aux soins des personnes âgées auquel nous avons affaire. Il ne s'agit même pas d'un programme universel bénéficiant d'un financement public, où nous devons trouver un endroit pour loger les gens. Le programme de traitement des maladies est un programme universel financé qui vise à traiter les maladies de tous les Canadiens, mais quand il s'agit de décider où ils doivent habiter, qui doit s'occuper d'eux à cette adresse et ainsi de suite, il n'y a plus de programme universel financé par les deniers publics. Mais nous sommes égalitaires et leur offrons le meilleur, selon nos capacités. Comme je viens de le dire, ce fardeau nous frappera très fort. Je vais vous donner quelques chiffres.
J'ai presque fini. Lorsque ce sera fait, je pense que les questions seront très claires.
Nous devons commencer à réfléchir aux solutions à domicile et en milieu communautaire. Nous construisons encore des maisons d'hébergement partout. Il faut toutefois arrêter et changer notre façon de faire. Les Européens l'ont compris il y a deux décennies, mais pas nous.
En ce qui concerne les besoins en infrastructures, une question se pose. Tandis que la génération du baby-boom a besoin de tous ces soins, qui ne sont liés ni à la maladie ni à l'assurance-maladie, et qui ne relèvent pas du système, comment allons-nous payer la note? Devrions-nous opter pour un financement vertical, où nous en ferions payer le coût aux générations futures, ou pour un financement horizontal? Du côté de l'imposition de la succession, les baby- boomers pourraient très bien être la génération la plus riche de l'histoire et de l'avenir du Canada. Nous devons trouver un moyen, peut-être avec l'imposition de la succession, de redistribuer l'argent sur le plan horizontal, plutôt que d'opter pour un financement vertical qui aura des répercussions jusqu'à nos arrière-arrière-arrière-petits-enfants.
En ce qui a trait à la surcharge démographique, lorsque nous avons lancé le Régime de pensions du Canada, nous avions une dizaine de travailleurs pour un prestataire. Or, nous aurons bientôt trois travailleurs seulement pour un prestataire.
Je pense qu'il faut discuter du modèle que j'ai proposé dans mon livre. J'ai écrit l'ouvrage pour essayer d'inscrire cette idée à l'ordre du jour, mais elle n'a jamais été reprise. Le texte a été lu d'un bout à l'autre du pays, mais il aurait eu besoin d'un certain élan, ce qu'il n'a pas obtenu. Quant à la participation au prorata du patient, les 20 p. 100 d'utilisation inutile du système de soins de santé au Canada se chiffrent actuellement à quelque 45 milliards de dollars par année. Cette somme peut être rationalisée, mais pas à 9 heures un lundi matin. Si nous modifions la structure du système, nous pourrions y arriver en cinq ans en nous dotant d'un système adéquat fondé sur des données actuarielles. Deux conditions fondamentales doivent être respectées scrupuleusement et sans compromis : premièrement, il ne faut pas empêcher l'accès, ce qui est un aspect financier; et deuxièmement, il ne faut pas s'exposer à des coûts catastrophiques. Nous pouvons donc y arriver, comme je l'explique dans mon livre.
Nous avons notre régime d'assurance-maladie public depuis maintenant 50 ans, mais nous n'avons jamais essayé de résoudre un problème au moyen de la demande. Nous nous sommes toujours attardés à l'offre. Lorsque nous rencontrons un problème, nous écrivons un chèque pour verser plus d'argent, de ressources ou de quoi que ce soit d'autre. Nous en sommes maintenant au point où les provinces imposent des mesures d'austérité pour essayer de contrôler les coûts afin de conserver une certaine fluidité. L'imposition de mesures d'austérité limite la croissance alors que l'utilisation augmente. C'est très logique. Plus il y a des restrictions, plus les délais d'attente s'allongent. Nous avons des problèmes énormes.
Je peux vous donner d'autres chiffres, mais puisque mon temps est écoulé, je vais vous remercier infiniment.
Le président : Merci, docteur Furlong.
Monsieur Saillant, pouvez-vous vous limiter à cinq minutes? Nous avons plusieurs sénateurs qui aimeraient poser des questions, et nous aimerions avoir une certaine interaction. Allez-y.
Richard Saillant, économiste et auteur, à titre personnel : Je vais faire de mon mieux.
[Français]
Bonjour à tous. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui. Je tiens à vous féliciter d'avoir amorcé cette étude qui est d'une importance capitale pour l'avenir du pays. Bien sûr, le vieillissement démographique ne date pas d'hier. Il s'agit d'un vieil enjeu que la plupart des Canadiens et Canadiennes pensent bien connaître et qui a été amplement discuté dans les médias et les millieux de politique publique.
Aujourd'hui, je suis ici pour vous parler d'un aspect de la dynamique du vieillissement démographique dont on discute beaucoup moins à l'échelle nationale, soit le rythme hautement inégal auquel les différentes régions du pays vieillissent, un phénomène que j'appelle le « grand déséquilibre démographique ». Ce déséquilibre est tout aussi lourd de conséquences pour l'avenir de notre pays que le vieillissement de la population même. C'est l'identité même du pays qui est en cause si on ne réagit pas adéquatement à ce défi.
[Traduction]
Le président : Je dois vous demander de ralentir un peu la cadence puisque vous essoufflez nos traducteurs à l'arrière de la salle. Je vois de la fumée sortir de leurs oreilles.
M. Saillant : Vous m'avez dit de faire vite. Je vais continuer.
De nos jours, nous pouvons tous constater le grand déséquilibre démographique. À la fin du baby-boom, l'âge médian au Canada était de 25 ans, mais 50 ans plus tard, il s'élève à un peu plus de 40 ans. Même s'il s'agit d'une augmentation importante, elle camoufle d'énormes différences entre les régions et les provinces. En 1966, l'âge médian de l'Alberta était de 25 ans, alors qu'il atteint aujourd'hui environ 36 ans. En 1966, l'âge médian de Terre-Neuve — il y avait seulement Terre-Neuve à cette époque — était de 19 ans, ce qui est inférieur à l'âge légal pour boire dans la plupart des provinces. Aujourd'hui, l'âge médian de Terre-Neuve-et-Labrador atteint 45 ans. Il a donc augmenté deux fois plus vite dans cette province qu'en Alberta.
Évidemment, ce rythme de vieillissement très inégal correspond à une répartition tout aussi inégale des aînés entre les régions. Dans la région de l'Atlantique, près d'un habitant sur cinq est aujourd'hui un aîné, mais en Alberta, ce segment de la population représente moins d'une personne sur huit.
À l'avenir, l'écart entre les provinces jeunes et âgées ne fera que s'élargir. Aujourd'hui, l'âge médian d'un résidant des Prairies est huit ans inférieur à celui de son homologue du Canada atlantique. D'ici 2038, cet écart d'âge dépassera 10 années. Alors que l'âge médian du résidant des Prairies gagnera environ trois ans pour atteindre 40 ans, celui du Canada atlantique grimpera à 50 ans. Le Canada atlantique vieillira donc deux fois plus vite, ou presque.
En outre, d'ici 2038, un habitant des Prairies sur cinq sera une personne âgée et, dans le Canada atlantique, cette proportion atteindra près d'un habitant sur trois. Autrement dit, d'ici moins d'un quart de siècle, les Prairies auront plus ou moins la même proportion d'aînés que nous en avons actuellement dans le Canada atlantique, alors que notre proportion aura augmenté de deux tiers.
[Français]
Le vieillissement hautement inégal de la population canadienne signifie également une croissance économique qui diffère fortement d'une région à l'autre. Jusqu'au tournant de la présente décennie, le vieillissement de la population avait peu d'impact sur la croissance démographique. Tout le pays bénéficiait du dividende démographique découlant du fait que tous les baby-boomers étaient toujours en âge de travailler. Or, ce n'est plus le cas. On blâme souvent les contrecoups de la Grande Récession pour le fait que l'économie canadienne n'a pas repris son rythme de croisière d'avant la crise.
Ce qu'on oublie souvent, c'est que, depuis que les baby-boomers ont commencé à quitter le marché du travail, le potentiel de croissance économique du pays a beaucoup diminué. S'il était raisonnable de s'attendre à ce que l'économie canadienne croisse à un rythme annuel d'environ 2,5 à 3 p. 100 avant le tournant de la décennie, maintenant, on s'attend à un taux d'environ 1,5 à 1,7 p. 100. La croissance économique canadienne est amputée de près de 40 p. 100 depuis la Grande Récession, et cela ne reviendra pas avant 25 ans, à moins que la productivité se mette à exploser.
Sans surprise, si le ralentissement économique est principalement causé par la sortie progressive des baby-boomers de la population active, ce sont les provinces qui comptent la plus forte proportion de baby-boomers qui seront les plus durement affectés par le vieillissement. De 1978 à 2008, les Maritimes ajoutaient, chaque année, 10 000 travailleurs. Depuis 2010, les Maritimes perdent 3 000 travailleurs par année. Le marché du travail était jadis moteur de croissance économique dans la région. Aujourd'hui, les choses ont non seulement ralenti, mais le moteur économique fait marche arrière. Cela signifie que, au cours des 20 prochaines années, si les tendances se maintiennent, l'économie de la région de l'Atlantique ne croîtra pas.
Dans les Prairies, on peut s'attendre à ce que l'économie continue de croître à un rythme d'environ 2 p. 100 par année, soit à peu près le rythme de croissance des Maritimes avant que les baby-boomers ne prennent leur retraite. Dans 20 ans, l'économie des Prairies sera de 70 p. 100 plus grande qu'elle ne l'est maintenant, même si la proportion de personnes âgées ne sera pas nécessairement plus grande qu'elle l'est présentement dans la région de l'Atlantique. Ainsi, dans 20 ans, les Prairies auront une économie de 70 p. 100 plus forte et devront s'occuper d'une population de personnes âgées qui ne sera pas plus grande que celle de l'Atlantique présentement. Il y a donc deux pays qui se dessinent à l'échelle canadienne sur le plan démographique.
[Traduction]
Dans mon livre, j'examine les conséquences du vieillissement de la population sur le rendement économique régional. Ma conclusion est qu'au cours des deux prochaines décennies, l'écart se creusera entre les riches et les pauvres, entre les jeunes et les moins jeunes, et entre l'est et l'ouest du pays.
Il est évident qu'il peut se produire bien des choses au cours des deux prochaines décennies. Il se peut fort bien que les Prairies ne se portent pas aussi bien que récemment, et il se peut fort bien que nous nous en sortions un peu mieux dans le Canada atlantique. Mais si les Prairies ne se portent pas bien sur le plan économique, plus d'un siècle d'histoire laisse entendre que les travailleurs de cette région ne migreront pas vers le Canada atlantique. Ils iront plutôt en Ontario ou en Colombie-Britannique, à l'ouest de la rivière des Outaouais.
Ce grand déséquilibre démographique ne va pas disparaître de sitôt. Dans mon livre, je parle des inconnus connus, des inconnus inconnus et des connus connus de Rumsfeld. Pour moi, le grand déséquilibre démographique est un connu connu. Nous ne savons pas encore comment nous allons y répondre, et c'est là le grand inconnu connu du livre.
Je ne vais parler brièvement des incidences sur les soins de santé que pour conclure que dans plus ou moins 10 ans, dans le Canada atlantique, sans beaucoup plus d'aide d'Ottawa, les soins de santé tels que nous les connaissons maintenant auront disparu. Il y aura deux systèmes de soins de santé au Canada. À l'ouest de la rivière des Outaouais, on aura vraisemblablement été capable de maintenir la situation actuelle. À l'est, c'est-à-dire au Québec, la situation sera devenue désespérée dans 15 ou 20 ans. Il y a un point d'interrogation, car la région de Montréal peut attirer des immigrants et afficher ainsi une croissance un peu plus forte de la population active. Mais dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, c'est au Québec que la dette est la plus forte et où l'impôt est le plus élevé, si l'on exclut Porto Rico. De plus, les dépenses de programmes du Québec sont déjà 40 p. 100 plus élevées que celles de l'Ontario, par rapport au PIB. L'Ontario peut encore augmenter les impôts un peu, mais le Québec, pas tant. L'Alberta, quant à elle, n'a toujours pas de taxe de vente.
Voici ma conclusion. Au cours des années à venir, le grand déséquilibre démographique pourrait porter un coup fatal à l'expérience commune des citoyens fondée sur une politique sociale. Une chose au moins est sûre : à moins de changements majeurs dans la façon dont la richesse est répartie à l'échelle du Canada, les provinces les plus pauvres où le vieillissement est le plus rapide ne seront pas en mesure de maintenir leurs très précieux programmes sociaux à des niveaux correspondants à ceux des autres provinces. Sans aide supplémentaire, les provinces qui connaissent le vieillissement le plus rapide devront très vraisemblablement prendre des décisions incompatibles avec le principe selon lequel il n'y a pas de citoyens de seconde classe dans ce pays.
Le Canada a créé le filet de sécurité sociale et étendu la portée du système de paiements de transfert qui en assure le maintien en période de relative prospérité. Il est relativement facile de prospérer en période de prospérité, mais nous avons tendance à plutôt regarder dans notre propre cour arrière en périodes difficiles. Le vieillissement de la population va frapper plus durement les provinces les plus pauvres, mais les provinces les plus riches vont aussi en subir les conséquences. C'est donc au moment où les provinces les plus riches vont ressentir les effets des changements démographiques que les provinces les plus pauvres vont demander des transferts fédéraux plus élevés.
D'après moi, il ne faudra rien de moins qu'une refonte en profondeur du fédéralisme fiscal pour garantir au Canada une citoyenneté sociale unique, à l'ère de ce grand déséquilibre démographique. Je soutiens que la péréquation est le meilleur outil pour faire face aux conséquences de ce déséquilibre et pour tenir compte du vieillissement qui se fait à un rythme différent d'une région à l'autre.
Le Transfert canadien en matière de santé, ou TCS, qui a servi à financer la croissance, n'est pas le bon outil, à mon avis. J'ai fait une recherche sur le site web de Finances Canada, et de 2010 à 2016, les montants de TCS destinés à l'Alberta, province jeune, prospère, et connaissant un vieillissement moins rapide, ont augmenté de 12 p. 100 par année. Les montants destinés au Nouveau-Brunswick, province pauvre, à la population plus âgée qui vieillit plus rapidement, ont augmenté d'environ 4 p. 100.
L'actuelle formule par habitant sur laquelle le TCS se fonde ne réglera pas le grand déséquilibre démographique. En réalité, elle exacerbe le déséquilibre, car il y a un seul marché pour les fournisseurs de soins de santé au Canada, mis à part le Québec, et si vous versez plus d'argent dans un secteur, d'après Jeffrey Simpson, cela va stimuler la hausse des salaires à long terme.
Quand Paul Martin a proposé une augmentation du TCS d'environ 6 p. 100, devinez à quel rythme les salaires ont augmenté pendant cette période : la hausse a été d'environ 6 p. 100, ou un peu moins que cela.
Je termine sur ceci. À l'avenir, le gouvernement fédéral va aussi sentir les effets des changements démographiques, car il doit s'occuper de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti. Il ne pourra pas utiliser pour le fédéralisme fiscal une approche universelle qui aura le même effet partout. Le gouvernement doit plutôt se montrer beaucoup plus agile en ciblant les fonds de manière à garantir, comme résultat positif, la dignité humaine à l'échelle du pays. Je m'arrête là-dessus.
Le président : C'est semblable à certaines des recommandations conceptuelles que nous avons faites ce matin concernant l'infrastructure, ce qui est intéressant.
Je vous remercie beaucoup, et je vous remercie de la passion que vous manifestez tous les trois.
Nous avons une liste de sénateurs souhaitant poser des questions. Nous allons commencer par la sénatrice Marshall, de Terre-Neuve.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie beaucoup. J'aimerais entendre vos points de vue à tous les trois concernant les soins de santé privés, sujet que bien des gens ne veulent pas aborder.
Ce matin, nous avons parlé de la durabilité du système de soins de santé. Depuis des décennies, on nous dit que notre système de soins de santé actuel n'est pas durable. Nous savons que la population vieillit, du moins dans certaines parties du Canada. Il y a toujours des technologies, des traitements et des médicaments nouveaux et plus coûteux, mais nous n'avons toujours pas de programme d'assurance-médicaments. Certaines provinces connaissent de sérieux problèmes financiers, comme le Nouveau-Brunswick et ma province d'origine, Terre-Neuve-et-Labrador.
On nous a parlé d'autres problèmes, ce matin, comme la demande en main-d'œuvre pour les soins continus. On nous parle constamment de changement transformateur. Même au cours de la dernière série de négociations, la ministre Philpott a constamment parlé de changement transformateur, mais je n'ai pas l'impression que cela fait partie des ententes conclues avec les provinces qui ont suivi.
Il me semble que la plupart des gens répugnent à parler des soins de santé privés. J'aimerais connaître vos points de vue à ce sujet et savoir si vous considérez que cela fait partie de la solution aux problèmes que nous connaissons.
Le président : À qui votre question s'adresse-t-elle?
La sénatrice Marshall : Je pense que nous pouvons commencer par M. Thériault.
M. Thériault : L'aspect fondamental, le fameux troisième rail de la politique, explique pourquoi les réformes structurelles ne se sont pas matérialisées encore. En raison de ces tendances, je pense que cela va nous frapper de toute façon, alors nous allons devoir faire quelque chose. Nous avons en quelque sorte un tremplin pour le faire de la façon que nous jugeons convenable.
En ce qui concerne particulièrement le rôle du secteur privé, je dirais qu'il faut établir une distinction claire entre ceux qui fournissent les services et ceux qui les paient. Comme le disait le Dr Furlong, dans les pays de l'Europe de l'Ouest, ils obtiennent de meilleurs résultats moyennant moins d'argent. Vous n'avez qu'à regarder les dépenses globales par habitant. Le secteur privé est très engagé dans la prestation des services de soins de santé. En ce qui concerne les entreprises qui offrent des services de soins à domicile, en Suède — de tous les pays —, le secteur privé fait concurrence au secteur public pour la prestation de soins aux aînés et pour les installations institutionnelles de tous genres. Ce n'est qu'un exemple, mais il y en a toute une série — il y aurait de tels exemples pour l'assurance- médicaments, et il y a le rôle des assureurs.
Faire intervenir le secteur privé dans la fourniture de soins, compte tenu de la discipline opérationnelle qu'il peut y apporter, est un élément important de la solution, en effet.
En ce qui concerne ceux qui paient, et compte tenu du montant d'argent que nous avons déjà consacré au système de soins de santé, je dirais qu'il vaut mieux laisser cette question de côté pour le moment. Je pense qu'il y a assez d'argent dans le système. C'est de conception et de mesures incitatives qu'il faut parler.
Il y a des questions fondamentales concernant les nouvelles technologies — qu'il s'agisse d'appareils médicaux ou de médicaments — et la façon de miser sur cela pour réduire la demande à l'égard du système, plutôt que de créer plus d'espace pour d'autres gens dans le système, grâce à ces nouvelles technologies et ces dépenses accrues. Vous devez mettre en place les gains de productivité qui sont normalement associés à l'innovation dans toute industrie. Dans le domaine des soins de santé, probablement l'une des industries les plus novatrices, nous n'avons jamais vu les gains de productivité. Nous devons commencer à penser en fonction de ce qui fait fonctionner tout système économique et à appliquer cela au système de soins de santé.
Ce que j'espère, au bout du compte, c'est que nous continuions de payer plus, car en ce moment, nous avons l'illusion d'un système financé par le secteur public. Environ 70 p. 100 du financement est public, et 30 p. 100 est privé. Le pire, c'est que la portion payée par le privé l'est à 100 p. 100, et que la portion payée par le public l'est à 100 p. 100. Les hôpitaux sont à 100 p. 100 publics, mais presque tout le reste est privé. C'est le particulier ou l'assureur qui paie.
En gros, oui, nous revenons à des mesures incitatives fondamentales et au concept des modèles commerciaux s'appliquant aux soins de santé comme dans d'autres industries. C'est cette façon de penser que nous devons commencer à adopter.
Dr Furlong : On a banni cela il y a longtemps. Vous avez raison. Je peux faire des déclarations catégoriques à ce sujet et vous donner une référence catégorique.
Premièrement, un système privé parallèle n'est pas la même chose que la prestation de soins par le secteur privé à l'intérieur du système public. Tout le monde a cette perception. Il faut bien comprendre qu'un système privé parallèle ne va rien arranger dans le système public. Nous devons quand même réparer le système public, peu importe ce que nous faisons.
Il y a un prototype de cela en Australie, où ils ont fait la même chose. C'est un pays qui, comme le Canada, a autour de 20 ou 25 millions d'habitants — des anglophones, des peuples autochtones, un système public de soins de santé, et ainsi de suite. Ils se sont rendus au point où nous en sommes maintenant : de longues attentes, l'inaccessibilité et tout cela. Un groupe de personnes a décidé de mettre en place un système mettant en parallèle les secteurs public et privé. Diverses choses se sont produites à la suite de cela.
Premièrement, quand ils ont eu la latitude pour le faire — ils l'ont fait, et c'est là où nous en sommes maintenant avec les arrêts rendus par la Cour suprême du Canada —, ils ont créé un système privé parallèle qui a rapidement drainé beaucoup des ressources du système public parce qu'ils payaient davantage pour les ressources de haut niveau. Cela a affaibli le système public.
Deuxièmement, cela a fait rapidement grimper le coût de l'ensemble des soins des deux systèmes en Australie d'environ 1 p. 100 du PIB. Ils ont ouvert plus grand la porte, et c'est ce que nous essayons de faire dans notre propre système. Si vous gardez la porte fermée afin de laisser entrer moins de gens, les temps d'attente se prolongent.
Troisièmement, ils ont exercé des pressions sur le gouvernement pour qu'il appuie le système privé parallèle. C'est devenu la chose à faire, en politique. Ils se sont donc mis à financer le système privé, même s'ils avaient un système public. En cinq ans environ, le soutien versé par le gouvernement au secteur privé a fini par remplacer, sur le plan du budget, toutes les dépenses combinées de fabrication, d'agriculture et d'exploitation minière. Voulons-nous suivre cette voie?
Je vous rappelle que c'est un système privé. C'est de l'assurance. Ce sera pour les personnes qui sont bien, et non pour les personnes qui souffrent de maladies graves. Ce sera pour les riches et pour le Canada urbain ayant une forte population. Ce ne sera pas pour Jacquet River, au Nouveau-Brunswick, pour Outer Cove ou ailleurs.
Je vous rappelle aussi que ce sera pour les interventions à fort volume et à faible risque, comme le remplacement des hanches, des cornées ou des genoux, ou encore les cas de hernies. Il n'y aura pas de greffes du cœur, et on ne s'occupera pas de vous si vous avez des troubles coronariens graves. Ce sera du 9 à 5, 5 jours par semaine. Je peux vous assurer qu'ils ne vous verront pas le jour de Noël.
Un système privé parallèle s'accompagne donc d'inconvénients. Rien ne me dit que cela se produirait au Canada, mais vérifiez bien ce que nous obtenons. Cela ne va pas améliorer le système public. Même si nous avions de l'argent en masse, nous devrions quand même faire ce que j'ai suggéré dans le système public et nous débarrasser du gaspillage, qui représente environ 20 p. 100.
À une conférence de l'Association médicale canadienne qui se tenait l'année dernière, il y avait un médecin d'El Paso qui faisait de l'économie de la santé aux États-Unis. Je lui ai posé une question en public. Je lui ai dit que j'estime, après 40 ans dans le système, que de façon empirique, le gaspillage correspond à 20 p. 100 au Canada. Je lui ai demandé s'il avait une idée du pourcentage aux États-Unis. Il m'a dit qu'il le savait, et je lui ai demandé de nous dire ce qu'il en était. Il a dit que c'était 35 p. 100, mais pour des raisons différentes du Canada. Donc, 35 p. 100 sur un budget de 3 billions de dollars, c'est 1 billion de dollars qu'ils gaspillent dans les soins de santé aux États-Unis, parce que c'est un produit, plutôt qu'un service au public.
Nous donnons des soins de santé à nos citoyens. Ils les vendent. Les Américains les vendent aux Américains. C'est un concept différent. Certains médecins et fournisseurs de soins de santé canadiens ne peuvent pas travailler dans ce contexte parce qu'ils n'ont pas cette mentalité.
Je ne m'oppose pas à cela, mais cela ne va pas régler nos problèmes dans l'autre système.
M. Saillant : Parlons de l'inertie qui caractérise la réforme des soins de santé au Canada. Je pense que c'est parce qu'il s'agit d'une vache sacrée et qu'elle est un pilier de notre identité nationale.
En 2004, il y avait sur CBC une émission intitulée The Greatest Canadian. Nous aurions pu choisir sir John A. Macdonald, Wayne Gretzky, Maurice Richard, Larry Smith ou la personne que nous voulions. Nous avons choisi Tommy Douglas. Il est difficile de réformer quelque chose qui est un pilier de notre identité nationale.
Deux grandes décisions ont été prises en matière de soins de santé, il y a 50 ans, et elles sont toujours à la base de notre système actuel. Premièrement, tout service assuré est couvert dès les premiers dollars, et deuxièmement, les médecins sont des personnes exploitant de petites entreprises; ils ne sont pas des employés de l'État. Ces décisions ont façonné le système que nous avons aujourd'hui et ont diverses incidences sur les coûts. Nous n'avons pas réussi à discuter de quelque réforme que ce soit du système de soins de santé, malgré toutes les grandes études menées au fil du temps, des politiciens pressés d'abaisser les coûts aux universitaires qui veulent améliorer le système.
De toute évidence, certains pays qui se classent mieux que nous ont des systèmes de prestation de soins privés à payeur unique, mais je dirais que nous devrions examiner le contexte politique et culturel d'ensemble de ces pays avant de penser à mettre en place un système semblable, car c'est très risqué. En France, si on a l'habitude des médecins qui sont traités comme des employés et qui répondent à des appels le soir ou font des visites à domicile, ce n'est pas nécessairement une chose qui fonctionnerait au Canada.
Donc, si nous voulons nous pencher sur ces enjeux, je dirais qu'il faut une solution faite au Canada. Il faudra du temps, et il n'en reste pas beaucoup.
Dans une région comme la mienne — les Maritimes —, les pressions exercées sur le système vont favoriser l'innovation. Nous serons forcés d'expérimenter à moins qu'Ottawa nous fournisse beaucoup plus de fonds. Je n'ai aucune idée de la façon dont nous allons arriver à le faire et de ce que cela va signifier pour les résultats dans le domaine de la santé.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci à tous de votre présence. Ce sont des nouvelles très déprimantes.
Ce que je comprends, c'est que nos gouvernements doivent avoir le courage de leurs convictions, sans quoi c'est la paralysie pour toutes ces questions. Je ne sais pas si cela viendra des politiciens. Je pense qu'il faut que cela vienne de la base, qui demande de meilleurs soins de santé. Tout le monde a un peu peur de dire aux politiciens : « C'est vraiment pourri que je doive attendre deux ou trois ans pour un remplacement de la hanche. » Où je vis, des médecins disent aux gens : « Si vos deux os ne sont pas en contact direct, vous ne serez pas opéré. » Pendant les trois années qui s'écoulent avant que les deux os soient en contact direct, ils souffrent énormément. Les autres articulations se détériorent. Nous ne faisons qu'accumuler les problèmes.
Je me demande comment vous pensez que nous pouvons régler cela. Je ne vois aucun gouvernement... Nous venons de voir l'exemple de la ministre de la Santé qui essayait de modifier les montants d'argent réservés aux soins pour les aînés, et des provinces qui résistaient en disant : « Non. Nous prenons les décisions. » Alors je ne sais pas vraiment comment nous pouvons faire quoi que ce soit.
Dr Furlong : Vous avez dit quelque chose qui me fait dresser les cheveux sur la tête — pas parce que vous l'avez dit, mais parce que c'est un problème.
Tant qu'acquérir et garder le pouvoir politique sera plus important que la sagesse financière, nous allons nous trouver dans cette situation. Ce que nous cherchons à faire, c'est dire aux gouvernements : « Bon sens, nous en sommes maintenant au point où nous avons besoin de sagesse financière. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir du gaspillage à hauteur de 45 milliards de dollars dans notre système de soins de santé. Nous n'avons pas les moyens des 30 000 lits sur 100 000 qui, au Canada, sont occupés par des personnes au coût de 1 000 $ par jour, ce qui se monte à environ 10 milliards de dollars par année à l'échelle du pays, alors que ces gens ont un logement, un lit, une cuisine, une toilette et tout ce qu'il leur faut. La seule raison pour laquelle ils ne sont pas chez eux, c'est parce qu'il n'y a personne là pour prendre soin d'eux.
Nous construisons des centres d'hébergement et de soins de longue durée pour 250 000 $ par lit. Nous avons donc un demi-million de dollars d'un couple typique de vieux pour trouver une chambre à deux lits, puis 10 000 $ par mois pour prendre soin de ces deux personnes quand elles peuvent être à la maison. Nous agissons sans réfléchir. C'est machinal.
Malheureusement, la façon dont nous sommes organisés me fait douter, à moins que nous ne prenions en main ce que vous avez dit. Parfois, je pense qu'il est très évident que les gouvernements devront prendre des décisions difficiles.
M. Thériault : Il y a une vraiment bonne raison pour laquelle nous ne l'avons jamais fait. Le rail conducteur de la politique l'explique en partie, mais je pense que tout ce que nous faisons c'est de jeter notre argent par la fenêtre. Nous pourrions injecter plus d'argent dans le système. C'est ce que font les sociétés riches. C'est l'une des valeurs fondamentales de l'être humain. La santé est considérée comme une priorité jusqu'à ce qu'on ait la notion réelle d'avoir raté des occasions, quand on commence à encombrer d'autres services comme ceux de l'éducation, les infrastructures et toutes les grandes questions auxquelles le Canada doit maintenant répondre. Nous sommes dans ce contexte où nous devons prendre des décisions difficiles.
J'y vois vraiment une occasion à saisir. Je pense que nous commençons à réfléchir sérieusement à toutes ces questions d'une façon très féconde.
Depuis cinq ans, nous dirigeons l'Alliance canadienne pour des soins de santé durables. Elle est différente de ce qu'elle était il y a cinq ans. Le gain de maturité, les faits et la rhétorique sont compris depuis un bon bout de temps. En fait, parlez de prévention pour la santé de la population; nous en avons parlé dans le rapport Lalonde de 1973, mais nous commençons maintenant à dire que le mieux-être et que la santé et la prévention dans la population doivent être au centre de nos discussions sur les soins de santé.
Tout ça pour dire que je crois que nous sommes sur la bonne voie. Je suis un optimiste. Un économiste doit être optimiste. Je suis aussi économiste et je travaille en prévision dans tous les domaines de l'économie et en prévision macroéconomique. Il faut donc être optimiste. Il existe des solutions. Le Dr Furlong en a proposé un certain nombre, M. Saillant aussi.
Nous avons posé des diagnostics et parlé de l'ampleur de certains des défis. Pour le décideur, l'un des principaux problèmes est de considérer tout ce qu'on lui amène sur le même pied : tout problème exige une réponse immédiate, et tous sont également importants. Dans la réalité, ça ne se passe pas comme ça. On peut commencer par les petits problèmes.
J'ai parlé de circulation rapide des renseignements dans le système de santé. Ça devrait être la priorité des priorités. En ce qui concerne les dossiers médicaux électroniques, si on veut accélérer la circulation de l'information dans ce système, il faut faire appel à d'autres professionnels que les médecins qui donnent des soins primaires, comme leurs fameuses équipes de soins primaires. En fait, après l'accord sur la santé de 2004, nous avons eu cette pleine initiative, pendant trois ans, sur les soins de santé primaires et la dynamisation des équipes, pas seulement des médecins. Comment s'y prendre? Comment donner les bons incitatifs pour que ça fonctionne?
La circulation, dans le système, de l'information sur le patient est essentielle. On parle depuis une éternité des dossiers médicaux électroniques. C'est une nécessité et, à vrai dire, c'est l'un de mes sujets de déception, parce que nous n'y sommes pas encore. La question n'est pas encore réglée. Mais, comme je viens de le dire, je pense que les diagnostics ont été clairs, ce qui nous met en posture de piloter des solutions.
M. Saillant : À ce sujet, si vous voulez connaître l'avenir de certaines régions du Canada, il suffit de tourner les yeux vers les provinces dont la population vieillit le plus rapidement, parce que, dans notre région, le futur c'est aujourd'hui même. Ce futur annonce que le Nouveau-Brunswick, par exemple, a enregistré son dixième déficit consécutif depuis 2007. Sa dette a doublé. Si nous englobons d'autres gouvernements, c'est presque le triple de ce que c'était.
C'est ainsi que s'installe ce que, faute de mieux, j'appellerai une « gérontocratie », parce que les vieux votent plus et sont plus nombreux. Jusqu'ici, dès qu'on semble vouloir toucher aux droits des personnes âgées de recevoir des services, on déclenche un tollé, et le gouvernement retraite presque aussitôt.
Jusqu'ici, donc, l'avenir ne semble pas brillant. Peut-être que lorsque nous serons en véritable crise, Ottawa répondra-t-elle et les provinces commenceront-elles à réagir. Mais, encore une fois, les soins de santé sont le service le plus important quand on en a besoin, et les gouvernements exercent un monopole de fait sur la plus grande partie de ces services. Ils doivent donc fournir des soins de qualité, sans tarder et sans compter. Pour nous, dans notre région du moins, c'est l'échec, et j'ai le pressentiment que dès que nous aurons atteint un seuil de tolérance, il sera impossible de dire ce qui se passera ensuite, à moins de recevoir beaucoup plus d'aide d'Ottawa, comme je l'ai dit.
Dr Furlong : Pour apprendre à économiser, nous devons apprendre comment nous dépensons notre argent et nous devons être déterminés à régler cette question.
Injecter plus d'argent ans le système, c'est ce que nous faisons depuis 30 ans, plus d'argent, encore plus d'argent, toujours plus d'argent. Nous avons doublé les coûts ces 12 dernières années, en les faisant passer de 110 à 230 milliards de dollars, mais le mieux-être des Canadiens est dans une pire situation qu'il y a 10 ans, situation alors pire que 10 ans avant. Le mieux-être ne provient donc pas du système de santé. C'est évident. Nous ne pouvons plus le considérer comme un système de santé; il faut commencer à le considérer comme un système de maladie, ce qu'il est effectivement.
Pour vous donner une idée du sort qui nous attend, je dois vous citer encore quelques chiffres.
Le président : Allez-y, s'il vous plaît.
Dr Furlong : Au Canada, le coût par habitant est un peu moins de 6 000 $. Aux États-Unis, il est de 8 000 $. Nous sommes à environ 12 p. 100 du PIB. Les Américains s'approchent de 18,5 p. 100, donc de un dollar sur cinq, ce qui est énorme.
Jusqu'à un an un bébé coûte 7 500 $. Mes chiffres ne sont pas aussi précis que ceux de mon voisin, mais ils ne diffèrent pas tellement. Dans la première année, ils sont peut-être de 7 500 $. Ils comprennent l'immunisation, les soins aux bébés bien portants et les contrôles pour s'assurer que tout va bien et qu'on les lance dans la vie sans les maux qu'on trouve bien plus tard.
Mais de 1 an à 65 ans, les coûts sont d'environ 3 500 $ par année. C'est beaucoup moins que la moyenne de 6 000 $.
Voici qui parachèvera la démonstration de ce que nous réserve le groupe des personnes âgées. Jusqu'à 65 ans, les coûts se maintiennent autour de 3 000 $ par année, mais, ensuite, ils commencent à s'envoler. De 65 à 69 ans, ils sont d'environ 10 000 ou 11 000 $. Ensuite, jusqu'à 80 ans, ils sont d'environ 14 000. Après 80 ans jusque dans les 90 ans, ils sont près de 30 000 $ par année par personne.
Actuellement, je crois que nous sommes environ 13 p. 100 de la population. D'ici les 20 prochaines années, dans certaines provinces ils seront près de 30 p. 100. Cette explosion des coûts dans ce groupe d'âge permet de prévoir ce qui s'en vient et nous devons nous y préparer. C'est comme un parachute. Il faut s'y préparer. Ce n'est pas le cas actuellement, et personne n'en parle.
J'ai présidé des réunions de ministres de la Santé du Canada, mais je ne suis pas certain que quelqu'un sait vraiment quoi faire. Mais j'ai laissé entendre que ce que nous devons faire est de cesser de vouloir répondre aux souhaits en matière de soins de santé et de revenir aux besoins. Il faut aussi, dans cet espace, une obligation de reddition de comptes. Nous devons réduire l'utilisation, sinon nous ne pourrons pas réduire les coûts.
Mais de toute évidence, avec ces chiffres, cela ne peut pas fonctionner. Nous en arriverons inévitablement au point où nous le financerons, mais avec beaucoup de difficulté, comme c'est le cas en ce moment. Et la situation ne fera qu'empirer. Si le vieillissement de la population progressait à un rythme moins rapide, nous aurions une petite chance, mais ce n'est pas le cas. Ce phénomène prend la forme d'un bâton de hockey sur un graphique. C'est ce à quoi les provinces moins bien nanties devront bientôt faire face. Les provinces pauvres sont les plus touchées par le vieillissement de la population et aussi les moins aptes à composer avec la situation.
Nous devons être vigilants.
Un journal francophone du Nouveau-Brunswick m'a déjà demandé pourquoi nous ne changeons tout simplement pas le système. Fidèle à moi-même, je lui ai répondu : « Parce que je ne crois pas que quelqu'un sait quoi faire. » Il m'a dit : « Pourriez-vous répéter s'il vous plaît? » J'ai répété ma réponse, comme nous le faisons tous. Nous refaisons toujours la même chose — n'est-ce pas là la définition de la folie? Nous nous sommes contentés d'injecter toujours plus d'argent dans le système, mais je peux vous assurer que la santé de la population ne se résume pas à l'absence de maladie. Il y a d'autres éléments qui se trouvent ailleurs.
Nous devons y réfléchir et élaborer un plan. Je vais utiliser une analogie pour illustrer mes propos. C'est comme entrer dans un magasin lorsqu'on ne sait pas ce que l'on veut; il y a de bonnes chances qu'on ne le trouve pas. C'est là où nous en sommes avec le système de santé canadien.
Aussi gros, coûteux et complexe qu'il puisse être, personne n'a vraiment la réponse. On pourrait réunir 10 ou 15 personnes dans la même pièce, avoir 10 réponses différentes, comme Archie Bunker, et elles pourraient toutes être pertinentes. Nous devons prendre une décision et aller de l'avant. À l'heure actuelle, une décision, quelle qu'elle soit, vaut mieux que rien du tout.
M. Saillant : Ce n'est que la pointe de l'iceberg. Les premiers baby-boomers auront 71 ans cette année. Pour les gens âgés de 70 à 74 ans, d'après les chiffres que j'ai, cela coûte au gouvernement 8 000 $ par habitant. Dans la catégorie des 85 à 89 ans, on parle d'environ 25 000 $.
Pour ceux qui affirment que le vieillissement de la population est en train de mener les systèmes de santé à la faillite, ce n'est pas encore le cas. Il y a aussi d'autres dépenses qui ne sont pas liées au vieillissement. Cependant, d'ici 15 ans, la moitié des baby-boomers seront âgés de plus de 75 ans. C'est à ce moment-là que le vieillissement va commencer à avoir une réelle incidence. Certaines régions ne seront pas en mesure de gérer cet impact — chose certaine, dans 10 ans, elles ne pourront pas maintenir les services de santé actuels sans qu'on leur vienne en aide.
Mais surtout, il ne s'agit pas du seul inducteur de coût. Les maladies chroniques constituent une grande part des dépenses en matière de santé. De plus, la situation est encore plus difficile dans les régions plus défavorisées, où les habitants sont plus susceptibles de souffrir de maladies chroniques. Lorsqu'on met tout ça ensemble, on constate que certaines régions peinent déjà à maintenir le cap. Dans 10 ans, ce ne sera tout simplement pas possible.
Et ce ne sont que des chiffres.
Évidemment, nous devrons nous attaquer à ces questions. C'est la dernière année de vie qui coûte le plus cher en soins, paraît-il. On peut aborder ce problème de diverses façons. Lorsque le Dr Furlong parle de la santé de la population, il faut également tenir compte des maladies chroniques et de leur traitement. Ensuite, il faut être novateur en ce qui concerne la prestation des soins en milieu hospitalier par opposition aux soins en clinique externe.
Cela fait partie de la solution. Toutefois, à ce stade-ci, chaque fois qu'un politicien fait une promesse électorale, la plupart du temps, le seul objectif est d'accroître le nombre de médecins.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci de votre présence parmi nous. J'aimerais d'abord faire un bref commentaire : tout le défi de la démographie que vous illustrez avec beaucoup de pertinence est probablement l'un des principaux défis auxquels notre société est confrontée. Ce défi ne concerne pas la relève de la main-d'œuvre uniquement dans le secteur des soins de santé, mais bien dans l'ensemble de nos secteurs d'activité.
Au-delà d'une réalité démographique se trouve une réalité sociogénérationnelle. Par exemple, lorsque je partais de Bonaventure pour me rendre à Moncton, il s'agissait là de toute une expédition. Toutefois, pour mon fils, on parle maintenant de déplacements à travers la planète, pour aller à Londres, en Inde, en Chine et un peu partout. Au-delà du choix de leur milieu de travail, les jeunes auront aussi le choix de leur milieu de vie. Cela aura pour effet d'accentuer le phénomène dans des collectivités qui sont un peu moins attirantes, et ce, dans tous nos secteurs d'activité. C'était là mon bref commentaire.
L'élément pour lequel j'aimerais avoir une réponse du Dr Furlong a trait aux médicaments, car cet élément compte pour une portion importante des coûts.
On me racontait qu'on a trouvé, à un certain moment, qu'un médicament qui servait à traiter le cancer du côlon — si je me rappelle bien — avait un impact très positif et important sur la dégénérescence oculaire. On s'est donc mis à utiliser les restants de ce traitement qui produisait des effets et qui ne coûtait rien.
Lorsque la compagnie s'en est rendu compte, elle a pris le même médicament et l'a transformé quelque peu. Il coûte maintenant de 1 500 $ à 1 800 $ par traitement. Toute la problématique liée aux médicaments et aux coûts du système a un impact majeur.
Est-ce qu'on peut, en ce qui a trait à ce secteur bien particulier, prendre des mesures qui permettraient une gestion des fonds publics plus efficace?
Dr Furlong : Absolument.
[Traduction]
Au sujet des médicaments au Canada, sachez que le Québec fait figure de pionnier au pays grâce à son régime public d'assurance-médicaments.
On m'avait mis au défi, il y a cinq ou six ans, de mettre en place un programme semblable pour le Nouveau- Brunswick. C'est ce que j'ai fait. Je me suis inspiré du modèle du Québec. Peu de temps après, l'Association médicale canadienne a dit qu'il s'agissait d'un prototype pour un régime national d'assurance-médicaments, tout comme l'Institut C.D. Howe.
Selon une étude parue hier à Vancouver, dont vous avez peut-être pris connaissance, les prix des médicaments d'ordonnance au Canada seraient parmi les plus élevés. Il semblerait aussi que les Néo-Zélandais paient leurs médicaments 85 p. 100 moins cher que nous.
Croyez-vous que nous devrions nous y rendre pour voir ce qu'ils font? Il faut savoir que l'industrie pharmaceutique est privée et à but lucratif. Ils voudront maximiser leurs profits. C'est ce qu'ils font. Partout au pays, lorsque de nouveaux médicaments arrivent sur le marché, on va insister auprès d'un gouvernement, en période préélectorale, pour qu'il couvre un médicament et l'inscrive au formulaire. Ensuite, on s'attaquera au prochain gouvernement et on le sollicitera pendant six mois, puis on fera appel à des militants qui diront : « Si le Nouveau-Brunswick le fait, alors pourquoi pas la Nouvelle-Écosse. »
Nous sommes à la merci de la recherche pharmaceutique, et non pas des pharmacies comme telles. Nous devons y remédier, et la meilleure façon d'y arriver, c'est en regroupant tous les achats et en négociant l'approvisionnement d'un médicament pour 35 millions de personnes ou, dans le cas du Québec, de 7 millions de personnes, et nous ne le faisons pas.
Nous avons assez donné. Les médicaments sont très onéreux, et si l'industrie voit une possibilité de les rendre encore plus coûteux, elle n'hésitera pas à le faire.
[Français]
M. Saillant : J'aimerais faire un commentaire sur ce que vous avez dit au sujet de votre fils qui se déplace beaucoup. Voilà le défi : si on se retrouve dans une situation où les jeunes sont surimposés, qu'ils n'ont pas accès aux programmes sociaux — que ce soit l'éducation, l'aide à l'enfance ou d'autres services —, et qu'ils voient que les salaires sont plus élevés ailleurs, ils feront comme bien d'autres, ils se déplaceront. Et là s'amorce la possibilité d'un cercle vicieux.
J'ai écrit un livre au Nouveau-Brunswick intitulé Au bord du gouffre? Agir dès maintenant pour éviter la faillite du Nouveau-Brunswick. Il y a un gouffre et, après un certain temps, on ne pourra pas revenir en arrière. Je provoque souvent les gens au Nouveau-Brunswick en disant qu'Ottawa s'intéresse moins à nous que nous ne nous intéressons à nous-mêmes. Lorsqu'on parle de Bay Street ou de Wall Street, oubliez ça. Fondamentalement, il risque d'y avoir un conflit intergénérationnel. En connaissant l'importance des soins de santé au pays, nous aurons le choix entre investir dans les soins de santé ou réduire le rapport élève/éducateur. Or, nous choisirons les soins de santé.
À la longue, il pourrait se produire une situation où certaines parties du pays deviendront beaucoup moins dynamiques économiquement et on se retrouvera avec une perte globale. Je m'explique. Statistique Canada prévoyait qu'il y aurait 756 000 personnes au Nouveau-Brunswick en 2016. À partir du recensement, on a découvert que c'était plutôt 747 000. Donc, 10 000 personnes de moins en cinq ans. Pourquoi? Parce qu'il y a une bonne partie de cette dynamique qui commence à se produire. Les impôts augmentent, les revenus n'augmentent pas, les emplois de qualité sont de plus en plus rares et, si ça continue, le phénomène va s'accélérer jusqu'à atteindre un point de non-retour. Il n'est pas incohérent de penser que le Canada peut laisser le Nouveau-Brunswick baisser en population tout en assurant la dignité humaine. L'idée selon laquelle le Nouveau-Brunswick peut perdre de la vitalité tout en vivant à l'intérieur d'une fédération plus dynamique et plus riche est absolument normale. On le vit depuis la Confédération. Notre population a triplé depuis la Confédération et celle du Canada a décuplé. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité qu'on se retrouve avec une bulle démographique à gérer, où l'État est responsable des citoyens du berceau jusqu'à la tombe.
M. Thériault : Je suis d'accord avec les propos de M. Saillant. Le rapport que vous avez en main, L'avenir des soins aux aînés : des prévisions fondées sur le statu quo, met en perspective les chiffres. Ce que je voudrais dire, c'est que nous sommes à l'étape du diagnostic. Le diagnostic est clair. En termes de pistes de solution, il y en a une que j'aimerais proposer, sous le thème de la façon dont nous pouvons extraire de l'innovation les gains d'efficacité pour nous permettre, avec chaque dollar investi, d'aller beaucoup plus loin, qu'il s'agisse de réduire la demande pour les soins ou de transformer la façon d'offrir les soins.
La dynamique que M. Saillant décrit pour les provinces de l'Atlantique et le Nouveau-Brunswick, en particulier, n'est pas très différente de la dynamique des services qu'on doit offrir dans les communautés éloignées. Or, la technologie dans ce domaine-là est prometteuse. Encore là, il y a une condition nécessaire : il faut que l'information sur les patients puisse circuler entre les différents fournisseurs de service. Donc, ça commence avec le fameux « dossier médical électronique ». C'est là qu'il y a un lien avec votre question, soit l'aspect technologique et l'accès aux appareils médicaux ou aux médicaments. C'est ce dont on discute lorsqu'on parle d'un plan accessible pour tous les Canadiens.
Ce qu'on oublie quand on parle de cet enjeu, c'est que l'industrie pharmaceutique est un fournisseur de solutions. Historiquement, c'est un pilier de l'économie de Montréal au chapitre de la recherche et développement et en ce qui a trait à la contribution aux gains de productivité et à la richesse collective. On a perdu cet aspect pour toutes sortes de raisons, et je pense qu'il faut se pencher sur cette question lorsqu'on examine les technologies auxquelles les Canadiens ont accès par rapport à certains pays d'Europe, entre autres.
Je pense par exemple aux médicaments biologiques pour l'arthrite rhumatoïde. Notre taux de traitement ici est équivalent à celui du Portugal, soit à 6 ou 7 p. 100, alors que la France est à 20 p. 100, même si le montant investi dans le système n'est pas très différent. Mon point, c'est que, si nous ne faisons pas attention à toute la question pharmacologique, qu'il s'agisse des appareils médicaux ou des médicaments, si nous oublions toute la question de l'innovation, de la médecine personnalisée, de la façon dont le décodage du génome nous permet de mieux cibler nos interventions, ça nous coûtera cher. Si nous n'avons pas de modèle d'affaires qui nous permettrait justement d'avoir accès à ces technologies de pointe, fondamentalement, c'est là où nous nous tirons dans le pied.
Le président : Y a-t-il des questions supplémentaires?
Le sénateur Forest : Vous avez raison. Quand on regarde le projet de libre-échange avec l'Europe, il apporte des opportunités et des menaces en ce qui concerne les échanges, et on devra s'y pencher sérieusement. Cela comporte des menaces quant à l'augmentation du prix de certains produits, comme les médicaments. Nous devrons être sensibilisés à cette réalité, avec tout le respect que je dois au parrain du projet de loi C-30.
[Traduction]
La sénatrice Andreychuk : J'ai plusieurs questions, alors je vais essayer de m'en tenir à quelques-unes.
Durant l'un de vos discours, quelqu'un a dit que vous dressiez un portrait plutôt sombre, mais je perçois la réalité telle que vous l'avez décrite. Évidemment, il y a plus d'une question à se poser et plus d'une réponse possible au sein du système de santé. Sur le plan de l'administration, nous avons un système complexe dans lequel il faut d'abord consulter un médecin généraliste pour pouvoir rencontrer un spécialiste. Il y a donc toujours de l'attente, et une simple procédure peut prendre jusqu'à un an, sans parler des coûts administratifs qui s'y rattachent.
Ce que je veux dire, c'est que nous connaissons tous les problèmes. Vous les avez exposés encore une fois, et pourtant, nous avons un gouvernement qui a négocié avec les provinces ce que je considère comme étant une solution provisoire et qui a retiré la question de la table des négociations. Le Nouveau-Brunswick a conclu un accord sans se soucier des autres. Je pense qu'on avait là l'occasion de s'attaquer à la crise médicale et au problème du vieillissement de la population, et on n'a rien fait.
Nous comprenons que c'est de la politique, mais j'imagine que vous êtes de ceux qui réfléchissent à cette question. Comment peut-on y arriver alors?
Dr Furlong : De façon catégorique, ayant travaillé dans le domaine pendant 40 ans à tous les échelons, je peux vous dire qu'il y a une autre analogie. Si vous voulez en savoir davantage sur la rivière, demandez aux alligators; pas aux zèbres. Je suis un alligator. Je nage dans la rivière depuis 40 ans, alors j'ai vu ce qui s'est passé et ce qui a été accompli. Je peux vous dire où on s'en va et comment le gouvernement a surmonté les difficultés auxquelles il a été confronté — toujours avec un chèque — et comment ma profession a réagi.
Je ne suis pas très populaire au sein de l'Association médicale canadienne ni des autres associations médicales, parce que je dis les choses telles qu'elles sont, et ce n'est pas ce qu'on veut entendre. Cependant, nous avons un système de soins de santé au Canada qui est dysfonctionnel et qui s'en va à la dérive. Lorsqu'on doit attendre deux ans pour obtenir des soins, on s'interroge sur la pertinence d'avoir un système de santé publique. On a beau avoir un système en place, il est complètement dysfonctionnel. Nous avons des chirurgiens orthopédiques, cardiaques et généraux, mais ils n'ont nulle part où travailler au Canada; il n'y a pas d'emploi pour eux.
M. Thériault a parlé des médicaments biologiques pour traiter les maladies auto-immunes. Le traitement de ces maladies accapare une part grandissante du coût des soins de santé. Ce sont les rhumatologues qui s'occupent de ces cas et qui peuvent prescrire des médicaments biologiques, et il y en a un pour chaque tranche de 100 000 Canadiens.
Qu'est-ce qui ne va pas avec nos universités? Pourquoi est-ce qu'on produit ce dont on n'a pas besoin et qu'on ne produit pas ce dont on a besoin?
En 2000, j'ai réuni tous les présidents des écoles de médecine et les ministres de la Santé du Canada dans une même pièce et je leur ai dit : « Vous produisez les ressources; vous les utilisez. Pouvez-vous vous parler une fois pour toutes afin que nous puissions élaborer un plan de ressources humaines pour le Canada? » À ma connaissance, c'est la seule fois où ils se sont rencontrés.
Cela étant dit, le système est dysfonctionnel. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a suffisamment d'argent dans le système actuellement pour faire tout ce qu'on veut plus efficacement, en incluant un régime d'assurance-médicaments. Les 45 milliards de dollars qu'on pourrait épargner si on s'attaquait à ce qui est inutile seraient suffisants pour deux régimes d'assurance-médicaments. Un régime d'assurance-médicaments au Canada, avec tous ses dédales, si je puis m'exprimer ainsi, coûtera environ 20 milliards de dollars. Nous pouvons en obtenir 45 milliards.
Si je me rendais dans une entreprise aujourd'hui et que je disais : « Monsieur, je sais comment vous pouvez réduire vos coûts de 20 p. 100 sans que cela nuise à quoi que ce soit », croyez-vous qu'il va m'écouter? J'imagine que oui, mais je ne me rends même pas au premier but avec les politiciens.
J'ai discuté avec quelques ministres fédéraux : nous devons réagir; nous devons intégrer les principes de l'assurance.
Ironiquement, l'OHIP, c'est-à-dire l'Assurance-santé de l'Ontario, n'est pas un régime d'assurance. C'est plutôt un programme social dans lequel on peut retirer une prime qu'on appelle la « prime McGuinty ». Les primes ont une incidence sur l'utilisation. Elles rapportent plus d'argent, mais elles augmentent l'utilisation. Les gens vont dire : « Je donne mes 600 $, alors je vais les utiliser. Peu importe ce que c'est. »
L'Alberta avait amorcé le processus; elle a fait marche arrière. Le Québec fait de même. Il est en train de renoncer aux primes.
Les primes ne fonctionnent pas; pas plus que le ticket modérateur. Il y a seulement trois principes fondamentaux dans le domaine de l'assurance : les primes; les frais à payer entre le fournisseur et le consommateur, qu'on appelle le ticket modérateur ou la coparticipation. Cela ne fonctionne pas. Nous avons essayé, parce que nous ne voulions pas intégrer tout un cadre au système dans le but de percevoir de l'argent. Si une mère arrive dans le corridor avec son enfant de cinq ans en pleine crise d'épilepsie, vous n'allez pas lui dire : « Où est votre 5 $? »
Selon moi, la seule chose qui fonctionne, ce sont les franchises. Après avoir longuement examiné la question, je sais que cela peut fonctionner, mais nous devons faire le travail actuariel. Il y a des gens qui doivent assumer leurs responsabilités et rendre des comptes, afin que quelqu'un, dans le système dans lequel je travaille depuis 40 ans, puisse considérer les coûts dès le départ. Personne ne le fait à l'heure actuelle.
M. Thériault : J'ai parlé plus tôt des mesures incitatives. Les incitatifs sont importants dans n'importe quel modèle d'entreprise, que ce soit dans la prestation des soins de santé ou ailleurs.
Actuellement, c'est la rémunération à l'acte qui domine largement la manière de rémunérer les médecins. Ce n'est pas logique, étant donné qu'on peut offrir différents types de soins. Je serais curieux de connaître l'avis du Dr Furlong à ce sujet.
Il y a différents niveaux de complexité dans la prestation des services. Je pense que nous pouvons commencer par la façon dont nous payons pour obtenir les résultats recherchés. Le diagnostic complexe est une chose, et la rémunération à l'acte serait logique dans ce cas. Les soins banalisés, même pour les chirurgies cardiaques, dans une certaine mesure, sont chose courante pour certains; les arthroplasties de la hanche; certaines chirurgies oculaires. Les progrès technologiques qui ont été réalisés au fil des années ont entraîné une hausse des coûts, et nous n'avons pas changé la manière dont les cardiologues ou les chirurgiens sont rémunérés pour ces procédures.
Comme dans bon nombre de secteurs, pourquoi ne pas payer pour les résultats? Les résultats sont clairs. Les données empiriques révèlent que cela pourrait être efficace. Nous pourrions payer pour les résultats. Ce serait un bon point de départ. Il y a ensuite la gestion des maladies chroniques : comment peut-on gérer des gens qui seront atteints d'une maladie pour le reste de leurs jours? Encore une fois, ce ne serait pas logique de les faire payer pour leurs services.
Il faut commencer à discuter de la façon dont on pourrait redéfinir les incitatifs pour les fournisseurs de soins.
Dans ce contexte, naviguer dans le système de soins de santé obligerait les fournisseurs de services à communiquer entre eux. Cette approche minimiserait le fardeau qui pèse sur eux et, au bout du compte, maximiserait leur investissement de temps et d'argent. En redéfinissant les incitatifs, les médecins feraient partie de la solution, mais il y a aussi tous les autres fournisseurs. Dans les équipes de soins primaires, le médecin est souvent le chef d'équipe. Il ne devrait pas nécessairement en être ainsi. Nous avons publié plusieurs rapports à ce sujet.
Je dirais que c'est un bon point de départ, c'est-à-dire redéfinir les incitatifs sur la façon d'offrir les soins et classer les types de service dans différentes catégories. Ce n'est pas logique d'offrir la même rémunération et les mêmes incitatifs pour tous les fournisseurs et tous les types de soins.
M. Saillant : Votre question est très pertinente, parce que vous avez parlé du TCS et qu'il est maintenant question du rôle du gouvernement fédéral dans les soins de santé.
Nous devons prendre un peu de recul pour comprendre ce qu'est le TCS. À mon avis, le TCS et le TCPS sont largement anachroniques. Ils remontent à l'époque du « fédéralisme de collaboration », lorsqu'Ottawa essayait de légiférer dans des domaines de compétence provinciale grâce à son pouvoir de dépenser. On dit souvent qu'Ottawa payait 50 p. 100 du coût des soins de santé. En réalité, c'est en 1977 que cette proportion a atteint un sommet, et c'était 43 p. 100, car certains types de dépenses n'étaient pas admissibles en vertu des programmes de l'époque.
Comme je l'ai dit dans mon livre, en 1977, en pleine période d'inflation galopante, le gouvernement fédéral a récolté ce qu'il avait semé. Ottawa a fait ce à quoi on s'attendait, c'est-à-dire battre en retraite, parce qu'il n'en avait pas les moyens. C'était également une source d'inefficacité, car lorsque les provinces obtenaient 50 cents pour un dollar, elles n'avaient aucune raison d'abaisser leurs dépenses.
À mesure que nous mettons en place les transferts inconditionnels, Ottawa fournit de plus en plus d'argent, de l'argent fongible, et exige très peu de reddition de comptes. Si on prend le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, il n'y a qu'une seule condition qui s'y rattache : vous ne pouvez pas acheter de billets d'autocar pour la Colombie-Britannique à des assistés sociaux de l'Alberta, comme Ralph Klein l'a fait. C'est la seule condition. Autrement, vous pouvez dépenser l'argent comme bon vous semble.
Pour ce qui est des soins de santé, il y a la Loi canadienne sur la santé, qui renferme divers paramètres, mais à l'avenir, les provinces plus riches seront en mesure de respecter la Loi comme elles l'entendent; les provinces plus pauvres ne le pourront pas. La solution ne sera pas de recourir à la manière forte en les obligeant à se conformer à la Loi. La solution sera de réformer le fédéralisme fiscal, de sorte que nous ayons les ressources adéquates dans le système pour financer les soins de santé au Canada.
Qu'est-ce qui est adéquat? La question est maintenant de savoir ce que vous pouvez faire, à titre de gouvernement fédéral, pour imposer des conditions en sachant qu'Ottawa ne peut plus s'inviter aussi facilement à la table? Lorsqu'elle a fait marche arrière, dans les années 1990, en plein déficit, certaines provinces, et pas seulement le Québec, n'étaient plus favorables à l'idée qu'Ottawa impose de nouvelles conditions alors qu'elle n'arrivait même pas à financer les programmes de façon adéquate. On va se retrouver devant un gros problème ici.
J'estime que le niveau de financement actuel du Transfert canadien en matière de santé est suffisant, car le problème ne réside pas, comme Louis l'indiquait, dans un manque de fonds au sein du système. Il ne suffit pas d'injecter toujours davantage d'argent pour que les transformations voulues puissent se produire.
Nous devrons un jour examiner d'autres avenues que celle des transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux, et nous poser des questions au sujet de la péréquation. Celle-ci permet d'aplanir le déséquilibre financier horizontal entre les provinces, plutôt que de s'attacher à leurs liens verticaux avec Ottawa. Comme je le disais tout à l'heure, il n'est pas possible dans ce contexte pour le fédéral d'imposer ses vues. Il doit faire montre de souplesse. C'est ce que permet la péréquation.
La formule de péréquation devrait être modifiée pour tenir compte du fait que les dépenses publiques varient désormais en fonction de l'âge. C'est une formule qui a jusqu'à maintenant toujours donné de bons résultats. Il y a deux choses à savoir concernant la péréquation. Je sais que c'est un sujet qui peut devenir rapidement très complexe, mais je parle ici d'un concept plutôt simple.
Conformément à la Constitution canadienne, le Parlement et le gouvernement du Canada doivent s'assurer que les provinces disposent des ressources suffisantes pour offrir des services raisonnablement comparables à des niveaux d'imposition raisonnablement comparables.
Au départ, le libellé établissant la formule ne parlait pas de « ressources suffisantes », mais bien de « ressources comparables ». Cette formule convenait parfaitement jusqu'à tout récemment, car le profil d'âge de la population n'influait pas encore sur les habitudes de dépense. Le principe de péréquation établi dans la Constitution demeure valable du point de vue de l'application des politiques publiques si l'on souhaite le maintien d'un État providence unique au Canada. Nos politiques actuelles ne s'appuient toutefois pas sur ce principe. Elles visent plutôt à faire en sorte que tous reçoivent la même somme d'argent, alors que les besoins varient grandement.
Nous ne savons pas si ce sera encore le cas dans quelques années, mais Terre-Neuve bénéficie toujours de la péréquation. Si Terre-Neuve y demeure admissible, elle devrait recevoir moins qu'une autre province qu'il l'est actuellement de manière à tenir compte des disparités quant au rythme du vieillissement et de l'exploitation des ressources. C'est ce qui est prévu en principe, mais nous agissons comme si de rien n'était. Je conclus mon livre en indiquant que nous devrions respecter la Constitution, mais que nous ne le faisons pas actuellement.
La sénatrice Andreychuk : Nous avons parlé du système de santé, mais le vieillissement nous amène aussi à nous interroger sur les moyens à prendre pour que cette existence prolongée conserve tout son sens. Il n'est pas question de changer les règles des FERR dans le cadre des REER, et il y a bien des mesures que nous pourrions prendre pour faire en sorte que les aînés demeurent plus productifs. De plus, en ramenant de 67 à 65 ans l'âge de la retraite, nous ne faisons rien de concret pour régler les problèmes de capacité de financement qui se posent dans le cadre de certaines de nos politiques fiscales.
Comment pouvons-nous tenir compte en même temps des considérations liées à la santé? On a l'impression que tout se passe en vase clos. Il est question de financement sur certaines tribunes et de santé sur d'autres. Vous essayez de nous faire comprendre que le vieillissement est un enjeu qui devrait tous nous concerner. Je dis cela parce que les jeunes avec lesquels je parle d'assurance-maladie tiennent beaucoup à ce régime accessible à tous et veulent notamment éviter la privatisation. C'est seulement lorsqu'une personne doit composer avec les différents constituants du système qu'elle peut commencer à se rendre compte que l'aide offerte n'est pas la meilleure qui soit et qu'il y a de nombreux problèmes à régler.
Vous intéressez-vous aux politiques fiscales et monétaires parallèlement à votre examen des questions de santé?
C'était une longue question. J'espère que vous pourrez y répondre brièvement.
M. Thériault : C'est l'essence même de notre travail au Conference Board du Canada. Tout cela découle de nos analyses macroéconomiques et de nos prévisions à long terme. Vous avez cerné un problème clé qui risque de contribuer à la diminution de notre potentiel de croissance économique, et c'est celui de la main-d'œuvre.
Il existe certaines solutions. L'immigration en fait partie. D'un point de vue macroéconomique, ce n'est pas l'immigration en tant que telle qui importe surtout, mais plutôt la façon dont nous pouvons optimiser les compétences que possèdent les Néo-Canadiens. Cela nous ramène à la question de l'adaptation de la main-d'œuvre. Tant pour les nouveaux arrivés au pays que pour les Canadiens qui souhaitent entreprendre une nouvelle carrière, il faut trouver les moyens de remodeler le bagage de compétences de ceux qui tiennent à demeurer au sein de la population active même s'ils avancent en âge. Dans une perspective plus générale où s'inscrivent l'élection aux États-Unis, le Brexit et Marine Le Pen en France, il y a toute une génération de citoyens qui ont été laissés pour compte et qui demeurent dans l'expectative des décisions politiques à venir. On est en train de perdre de vue les promesses de la mondialisation, notamment quant à une plus grande ouverture de nos frontières et à l'accroissement de la richesse grâce à l'intensification des échanges commerciaux.
Il est très difficile pour certains de faire la transition, et nous devons voir comment nous pouvons les aider. Nous devons faire montre d'une plus grande ouverture; cela ne fait aucun doute. Reste à voir comment nous pouvons gérer les coûts de transition qui s'y rattachent inévitablement.
Si on veut revenir à une perspective macroéconomique pour examiner certains des enjeux que nous considérons dans ce contexte, il faut dire que la création d'une économie à faibles émissions de carbone n'est pas chose facile pour tout le monde. Il n'existe pas de solutions évidentes.
Nous devons moduler nos ambitions macroéconomiques et macrosociales de manière à toujours pouvoir compter sur le soutien social et politique nécessaire. Ainsi, il convient de prévoir des solutions avant de procéder à un changement d'importance de telle sorte que les gens les plus touchés ne soient pas laissés à eux-mêmes. Nous devons tenir compte de tous ces aspects pour pouvoir procéder à des transformations structurelles encore plus fondamentales, qu'elles touchent les soins de santé, l'intégration des immigrants ou les mesures à prendre pour atténuer le contrecoup actuel de 20 années de mondialisation.
Dr Furlong : C'est une excellente question, car il nous faut déterminer en quoi la part de 50 p. 100 de notre budget que nous consacrons à ces questions influe sur tout le reste. Par exemple, les gens ne comprennent pas vraiment à quel point l'absence d'un régime d'assurance-médicaments peut faire obstacle à la transition des bénéficiaires des services sociaux vers le marché du travail. Il y a des gens qui doivent renoncer à travailler parce qu'ils ont besoin de médicaments d'ordonnance. Cet obstacle serait en grande partie éliminé si nous avions un programme national d'assurance-médicaments pour les petits salariés et les bénéficiaires des services sociaux. C'est le cas au Québec, mais pas vraiment dans le reste du pays. J'avais mis de l'avant un programme semblable pour le Nouveau-Brunswick, mais c'était malheureusement six mois avant une élection, et cette initiative n'a pas eu de suite.
Nous avons au Canada tous ces merveilleux programmes qui sont offerts dans un objectif de justice sociale horizontale. Nous sommes sans doute les meilleurs au monde à ce chapitre, et tous les Canadiens peuvent bénéficier de ces programmes sociaux formidables, mais cela commence à se faire au péril de la justice sociale verticale ou intergénérationnelle. Je peux vous donner l'exemple de Terre-Neuve dont la dette est d'environ 15 milliards de dollars. Si la province devait équilibrer son budget demain matin, il lui en coûterait quelque 1,5 milliard de dollars cette année, alors que la facture serait peut-être de 500 millions de dollars pour le Nouveau-Brunswick. Si l'on devait maintenir un budget équilibré en trouvant chaque année 100 millions de dollars à appliquer à la dette, sans tenir compte des intérêts, il faudrait 150 ans à Terre-Neuve pour rembourser ce qu'elle doit, et 140 ans au Nouveau-Brunswick. Si l'on ajoute les intérêts, ce serait une question de deux siècles.
Faut-il sonner l'alarme en indiquant que nous devons redresser la barre? Mon voisin pourrait sans doute vous fournir des chiffres plus précis que les miens, mais la réalité demeure. Nous avons laissé s'accumuler une dette qui va lier les mains des générations futures.
Nous pouvons toujours justifier la construction d'un pont qui va servir pendant 200 ans, mais il ne saurait être justifiable de faire mesurer aujourd'hui notre pression artérielle en refilant la facture à nos arrières-arrières-petits- enfants.
M. Saillant : J'aurais quelques observations qui ne plairont pas à tout le monde relativement aux points soulevés par le Dr Furlong au sujet de l'équité intergénérationnelle. Nous payons moins d'impôt qu'auparavant au Canada. Notre fardeau fiscal fédéral est de 20 p. 100 inférieur à ce qu'il était au tournant du siècle. Je ne suis pas en train de vous dire que tel ou tel niveau est optimal; je précise simplement que nos impôts sont inférieurs à ce qu'ils étaient en pourcentage de notre PIB.
À un moment donné, une fois que nous aurons mis à contribution toutes les innovations nécessaires et trouvé toutes les solutions pour offrir des soins de santé à un coût inférieur, il faudra bien que nous augmentions nos impôts. Les impôts sont nettement plus élevés dans certaines régions du pays alors que d'autres se retrouvent sur un terrain que je considère extrêmement glissant.
Par ailleurs, et je parle ici de la situation dans ma région, il y a aussi un changement de culture qui doit intervenir. Nous acceptons avec plaisir l'argent qui nous vient de l'extraction des sables bitumineux, du gaz de schiste et du pétrole des Prairies et de la Colombie-Britannique, mais nous refusons la fracturation sur nos propres terres. C'est une attitude un peu pernicieuse, car nous demandons sans cesse encore plus d'argent. Pour être plus cohérents d'un point de vue moral, il faudrait soit que nous exigions une modification de la formule de péréquation afin que ces revenus ne soient pas pris en compte, soit que nous commencions à envisager des moyens de mener des activités semblables chez nous en toute sécurité.
Nous avons décrété un moratoire à ce sujet au Nouveau-Brunswick. C'est un autre élément qui est selon moi lié au vieillissement. Plus une population est jeune, plus elle a besoin de travailler et plus elle est favorable au développement des ressources naturelles. Lorsqu'on avance en âge, les sources de revenus perdent de leur importance. Je crois donc que le vieillissement transforme notre société de façon fondamentale.
Par ailleurs, il faut considérer d'autres options pour stimuler la croissance, et cela comprend l'immigration. L'immigration est l'un des moyens à notre disposition pour bonifier le potentiel économique de notre pays. Elle risque toutefois d'aggraver un déséquilibre démographique déjà important, car les nouveaux arrivants s'installent généralement dans les secteurs où il y a déjà des immigrants et où l'économie est davantage florissante. Il est très difficile pour notre province de retenir ses immigrants. Nous n'y parvenons pas, et ils doivent déraciner leur famille une fois de plus, ce qui ne manque pas d'être tragique à chaque occasion.
L'immigration est vraiment un enjeu primordial. Nous connaissons un ralentissement parce que les Canadiens sont moins nombreux à intégrer le marché du travail. Pour accélérer le processus, nous pouvons notamment accueillir un plus grand nombre d'immigrants.
Enfin, nous devons examiner la façon dont les fonds publics sont dépensés, non seulement pour les soins de santé, mais aussi dans d'autres secteurs comme l'éducation. Depuis une quinzaine d'années, il y a beaucoup moins d'élèves dans les écoles publiques canadiennes, mais le nombre d'enseignants est à la hausse, et non à la baisse. Il y a un phénomène de dépeuplement qui touche le nord du Nouveau-Brunswick, mais le nombre d'écoles et d'enseignants n'a pas été réduit en conséquence. L'exode rural n'est pas un phénomène facile à gérer. Quoi qu'il en soit, il nous faudra un jour revoir nos investissements publics en fonction des nouvelles réalités démographiques.
Les réactions viennent toujours avec un peu de retard. Jusqu'en 2008, toutes les provinces se tiraient mieux d'affaire du point de vue démographique grâce à la présence des baby-boomers sur le marché du travail.
Bien que l'évolution démographique soit un phénomène progressif, ses conséquences sur la croissance économique se sont fait ressentir subitement. Depuis 2008, le potentiel de productivité du Canada a été amputé en un tournemain de 35 à 40 p. 100. Nous avons tendance à considérer la démographie dans une perspective linéaire, et nous avons raison de le faire, mais sur le plan économique, nous savons à quoi nous en tenir depuis 10 ans déjà.
Le président : Merci. Il nous reste sept minutes, et il y a deux sénateurs qui souhaitent intervenir. Je vous demanderais d'être bien attentifs à leurs questions pour pouvoir y répondre aussi rapidement que possible.
Le sénateur Neufeld : Vous nous avez transmis aujourd'hui beaucoup d'informations fort intéressantes.
Comme j'ai pu le constater en Colombie-Britannique, si les gens ne savent pas qu'un système ne fonctionne plus, on risque de porter un coup fatal à sa carrière politique en s'acharnant à vouloir y apporter des correctifs. On m'a toujours dit que les médecins bénéficiaient de la confiance de la population. Je crois que c'est à eux qu'il incombe d'abord et avant tout de parler aux gens des problèmes de notre système de santé — et ce, pas seulement sur une tribune comme la nôtre qui ne rejoint qu'un faible auditoire à la grandeur du pays — en leur expliquant que le système court à sa perte si rien n'est fait pour régler certains problèmes, bien qu'il n'existe pas de formule magique. Si vous vous retrouvez comme bénéficiaire en attente du remplacement d'une hanche ou d'un autre traitement, vous vous rendez vite compte que les choses ne tournent pas rond, mais c'est une problématique qui échappe à la population en général. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
J'ai aussi une question pour le Dr Furlong. Je crois que vous avez parlé d'un transfert en matière de santé qui serait horizontal, plutôt que vertical. J'aimerais que vous m'aidiez à mieux comprendre. Comme bien d'autres septuagénaires, j'essaie de mettre un peu d'argent de côté pour pouvoir me payer les soins dont je pourrais avoir besoin en dehors du système. Lorsque j'entends quelqu'un dire que cela pourrait devenir impossible dans le cadre d'un système entièrement horizontal, cela me fait dresser les cheveux sur la tête. J'aimerais donc que vous nous en disiez plus long à ce sujet.
Monsieur Saillant, vous n'avez jamais parlé de la situation de la Colombie-Britannique lorsqu'il était question de la hausse du nombre de personnes âgées. Je ne sais pas si vous incluiez la Colombie-Britannique en parlant des « provinces des Prairies », mais je peux vous dire que nous ne sommes pas une province des Prairies. Notre gouvernement provincial vient tout juste de déposer son cinquième budget équilibré, ce qui montre bien qu'il est capable de faire les choix difficiles qui s'imposent malgré la multiplication des enjeux. Je suis heureux que vous ayez souligné le fait qu'il n'y a pas de fracturation au Nouveau-Brunswick et que la province devrait peut-être songer à diversifier son économie, plutôt que de continuer à s'interroger sur la façon dont elle va dépenser les sommes obtenues par ailleurs.
C'était donc mes trois questions.
Le sénateur Mockler : Énergie Est.
M. Saillant : Le cas de la Colombie-Britannique est un peu particulier. Son profil démographique ressemble à ceux de l'Ontario et du Québec. Elle connaîtra une croissance plus rapide que le Québec au cours des années à venir en raison de son modèle démographique qui mise davantage sur l'immigration que sur les taux de fertilité.
Quant à la situation récente, la Colombie-Britannique est la seule province à avoir résisté à la tendance à l'augmentation du nombre d'enseignants dans le système. Ainsi, d'après le Conference Board du Canada, cette vénérable institution, si la Colombie-Britannique était un pays, je crois qu'elle se classerait troisième ou quatrième derrière la Finlande et le Japon pour ce qui est des résultats en matière d'éducation. C'est pourtant la province qui a le ratio élèves-enseignants le plus élevé au pays. C'est la seule qui a réussi à gérer ce dossier efficacement au cours des 10 à 15 dernières années.
À une époque où certains font valoir que la solution réside dans un accroissement des dépenses, la Colombie- Britannique a montré la voie à suivre en prenant dans certains domaines des décisions difficiles qui n'ont pas mené à une détérioration des résultats, c'est le moins que l'on puisse dire. Dans le cas de l'éducation, le rapport laisse même entendre que les résultats y sont bien meilleurs qu'ailleurs au pays. Une corrélation n'est pas nécessairement une relation de cause à effet, mais il est tout de même important d'en prendre bonne note.
Dr Furlong : Dans le contexte de mes propos concernant les 150 ans qu'il faudrait pour rembourser les dettes provinciales à leur niveau actuel — 54 p. 100 du PIB au Québec; 45 p. 100 pour nous —, il faut trouver des sources de fonds pour la prise en charge de tous ces baby-boomers, sans parler du système médical et des soins de santé.
Allons-nous emprunter cet argent sur le marché et refiler la facture aux trois, quatre ou cinq générations qui nous suivent? Je ne crois pas que c'est ce que voudrait faire n'importe quel parent ou grand-parent si on lui posait la question. Il serait peut-être bon que notre société envisage l'instauration d'un impôt sur la succession à l'égard des richesses valant plusieurs billions de dollars que les baby-boomers vont transférer à la prochaine génération. Il m'apparaît logique qu'ils paient pour les soins dont ils vont avoir besoin. Je n'ai pas de chiffres à vous donner. Je ne suis pas actuaire et je ne sais pas où on prendra cet argent.
Comme je vous l'indiquais, le coût de l'hébergement dans un centre de soins de longue durée dépasse nettement celui des soins de santé à dispenser qui est de 6 000 $ par année par personne. Si l'on considère qu'il en coûte 5 000 $ par mois pour garder quelqu'un dans un centre de soins, on peut se faire une petite idée de la catastrophe qui nous attend.
Lorsque Roy Romanow s'est penché sur la question, il a parlé de l'assurance-médicaments et des soins aux aînés. Il n'a toutefois jamais dit qui allait payer pour tout cela. La situation est plus inquiétante que jamais alors que les provinces accumulent des dettes qui vont se répercuter sur les quatre, cinq ou six générations qui nous suivent.
Le sénateur Neufeld : Croyez-vous que ce serait au tour des médecins de se lever pour prendre la parole dans le dossier des soins de santé? On accuse toujours les politiciens de travailler dans leur propre intérêt.
Dr Furlong : C'est ce que j'ai indiqué précédemment et j'ai écrit dans mon livre que la situation de l'Association médicale du Canada me préoccupe. Je crois que ce sont les médecins qui devraient agir comme « défenseurs de la foi » relativement au système public de santé au Canada, car c'est celui qui nous coûte le plus cher, davantage que les pensions. Les médecins canadiens restent toutefois muets; ils ne se portent pas à la défense de notre système public de santé.
Je peux vous dire très franchement que si nous devions nous réveiller demain matin dans un pays où il n'y aurait pas de système public de santé, environ 30 p. 100 de nos médecins se retrouveraient sans travail et sans le sou en trois mois à peine.
Le président : Nous devons poursuivre, messieurs. Une dernière question.
Le sénateur Mockler : J'aimerais souligner la présence dans l'assistance de la coprésidente du Conseil sur le vieillissement, qui a rendu public un rapport intitulé Se tenir ensemble; une stratégie sur le vieillissement pour le Nouveau-Brunswick.
[Français]
J'aimerais donc souligner la présence de la Dre Suzanne Dupuis-Blanchard, qui se trouve parmi nous.
[Traduction]
Elle fait également partie du comité consultatif national pour les soins de santé. Merci.
Docteur Furlong, vous avez indiqué que les soins à domicile et les services communautaires devraient être la voie à suivre en matière de santé dans un contexte de vieillissement de la population. Est-ce que nos deux autres témoins sont du même avis?
[Français]
M. Thériault : C'était principalement mon propos, et il s'agit de savoir comment le définir. C'est la question centrale. Souvent, cet aspect se retrouve sous le couvert des soins de santé qui sont offerts, que ce soit par les hôpitaux ou les établissements de soins de longue durée, mais à ce moment-là, on parle d'autre chose. On parle de soins de santé à la maison ou de résidences pour les personnes âgées où sont offerts différents niveaux de service. On commence à étendre le réseau des soins de santé, et il faut le définir et le structurer. C'est le propos de notre rapport.
M. Saillant : J'abonde dans le même sens. Ce dont vous parlez, monsieur le sénateur, c'est essentiellement de changements technologiques. La technologie, on doit l'entendre au sens très large. C'est la façon dont on s'organise, ce sont les moyens qu'on utilise pour fournir des services. Cela peut comprendre la sortie de l'hôpital pour se rendre dans d'autres milieux, mais de façon générale, le défi du système de soins de santé, ce sera l'accélération des changements technologiques dans toutes les sphères du système dans les années à venir.
[Traduction]
Dr Furlong : Je dirais en guise de conclusion que nous vivons dans le meilleur pays au monde, cela ne fait aucun doute. C'est notamment grâce à la redistribution de notre richesse que nous pouvons vivre en paix. Nous sommes d'ailleurs parmi les meilleurs au monde à ce chapitre. Nous devons poursuivre dans le même sens au moment où c'est au tour des baby-boomers de passer par cette étape de la vie.
Je vous ai parlé de ces classes modulaires que l'on a dû ajouter aux écoles canadiennes à une certaine époque, mais elles ont toutes disparu. Nous ne devons pas perdre de vue cette dette que nous risquons de léguer aux six, sept ou huit générations qui nous suivent. Nous devons agir sans tarder en nous montrant proactifs et novateurs.
Le président : Ce fut une séance très intéressante, et nous vous remercions tous pour votre participation.
(La séance est levée.)