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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule no 18 - Témoignages du 27 novembre 2017


OTTAWA, le lundi 27 novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd’hui, à 17 heures, en séance publique et à huis clos, afin de poursuivre son étude sur l’application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi, et afin d’examiner, pour en faire rapport, la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur René Cormier (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, je m’appelle René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, et j’ai le plaisir de présider la réunion de ce soir. Avant de donner la parole à notre témoin, j’invite les membres du comité à bien vouloir se présenter, en commençant par notre vice-présidente.

La sénatrice Poirier : Bonsoir, madame la ministre. Je m’appelle Rose-May Poirier et je viens du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Maltais : Bonsoir, madame la ministre. Je suis le sénateur Maltais, de Québec.

Le sénateur Mockler : Madame la ministre, je suis PercyMockler, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Gagné : Bienvenue. Raymonde Gagné, du Manitoba.

La sénatrice Moncion : Bonsoir. Lucie Moncion, de l’Ontario.

La sénatrice Tardif : Bonsoir, madame la ministre. Je suis Claudette Tardif, de l’Alberta.

Le sénateur McIntyre : Bonsoir, madame la ministre. Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci, chers collègues. Le comité poursuit son étude sur l’application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant au sein des institutions assujetties à la loi.

Ce soir, nous avons le plaisir d’accueillir l’honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien. Elle est accompagnée de M. Hubert Lussier, sous-ministre adjoint, Citoyenneté, patrimoine et régions, et de M. Jean-Pierre Gauthier, directeur général, Direction générale des langues officielles, Citoyenneté, patrimoine et régions.

Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau et, au nom de mes collègues, je vous remercie d’avoir accepté de participer à notre réunion. La parole est à vous.

L’honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien, Patrimoine canadien : Je vous remercie, monsieur le président, de m’accueillir de nouveau devant ce comité. Je suis accompagnée, comme vous l’avez si bien dit, de M. Hubert Lussier, sous-ministre adjoint, Citoyenneté, patrimoine et régions, et de M. Jean-Pierre Gauthier, directeur général, Direction générale des langues officielles, Citoyenneté, patrimoine et régions.

Je veux tout d’abord saluer les membres du comité et reconnaître le travail remarquable que la présidente sortante, la sénatrice Tardif, a réalisé au fil des années dans le cadre de ce comité. Je la remercie chaleureusement de défendre avec tant de cœur les droits linguistiques des Canadiens, particulièrement les jeunes, en Alberta et partout au pays.

J’aimerais également féliciter le nouveau président. Je suis ravi qu’il assume un rôle de leadership au sein de ce comité afin d’étudier les sujets qui sont importants pour les Canadiens. D’ailleurs, je vous remercie du travail que vous faites déjà, tous ensemble, y compris l’étude que vous avez complétée au printemps sur l’éducation en français en Colombie-Britannique ainsi que votre étude actuelle sur la révision de la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

Nous sommes déjà au terme d’une année de célébrations. Canada 150 a mis en lumière tout ce qui distingue notre société: notre diversité, nos valeurs démocratiques, la réconciliation avec les peuples autochtones, nos langues officielles — qui font partie intégrante de notre identité —, et bien sûr, l’apport des francophones et anglophones de toutes les régions du pays.

Le gouvernement prend au sérieux la promotion des langues officielles et l’appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Nous agissons concrètement, comme en témoignent les rapports que j’ai déposés cette année. C’est d’ailleurs pour parler de ces rapports que je suis ici aujourd’hui.

Le premier est le Rapport annuel sur les langues officielles 2015-2018. Il présente ce qu’a fait Patrimoine canadien dans le cadre des programmes d’appui aux langues officielles. Comme vous le savez, à Patrimoine canadien, nous gérons deux grands programmes d’appui aux langues officielles. L’un nous permet d’encourager le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il nous aide, entre autres, à appuyer l’offre de services des provinces et territoires dans la langue de la minorité dans des secteurs comme l’éducation, la justice, la culture et la santé. L’autre se concentre sur la mise en valeur du français et de l’anglais dans la société canadienne. Ce rapport inclut les efforts de 72 institutions fédérales pour appuyer le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et promouvoir les deux langues dans la société canadienne. Il fait aussi le bilan de la troisième année de mise en œuvre de la Feuille de route pour les langues officielles du Canada, qui prend fin le 31 mars 2018. Au dépôt du rapport, 96 p. 100 des dépenses prévues en 2015-2018 avaient été décaissées.

[Français]

Le prochain rapport annuel sur les langues officielles, celui de 2018-2017, est en préparation. Tout le travail accompli durant les consultations de 2018 y sera inclus. Ce travail et ces consultations ont été cruciaux pour moi. Il s’agissait du premier pas vers la concrétisation d’un engagement contenu dans ma lettre de mandat, c’est-à-dire l’élaboration d’un nouveau plan d’action en matière de langues officielles.

En juin, j’ai rendu public le rapport sur les consultations pancanadiennes sur les langues officielles. Il explique le contexte de notre projet, l’ampleur de ces consultations historiques et les méthodes que nous avons utilisées afin d’entendre le point de vue des Canadiens. Vous y trouverez bon nombre de renseignements sur les 22 tables rondes organisées partout au pays, le questionnaire en ligne qui nous a permis de recueillir plus de 6 500 réponses — trois fois plus qu’en 2012 — et la centaine de mémoires soumis par les Canadiens.

Nous avons eu de nombreux échanges, par exemple sur la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, le taux de bilinguisme de la population en général, l’effet de l’immigration sur la vitalité des communautés minoritaires francophones, les besoins des communautés en matière de petite enfance, les nombreux besoins en matière d’infrastructures communautaires et les services de première ligne souvent offerts par les provinces et les territoires.

[Traduction]

Je sais que les attentes des Canadiens sont grandes pour le prochain plan d’action, et je sais que nous devons trouver une approche adaptée aux résultats des consultations et à la situation actuelle.

Je reviendrai dans quelques instants au plan d’action, mais je veux prendre quelques minutes pour parler des plus récentes données de Statistique Canada sur les langues officielles.

Les données rendues publiques en août ont montré que nos deux langues officielles se portent relativement bien, et qu’elles sont un puissant outil de convergence et d’inclusion dans une société de plus en plus diversifiée. Toutefois, on peut faire mieux. Il faut poursuivre notre action.

Les données ont d’ailleurs fait ressortir l’importance, pour le gouvernement, de continuer à promouvoir les langues officielles et les communautés vivant en situation minoritaire.

[Français]

Regardons ce qui se passe vraiment dans nos communautés. Le nombre absolu de francophones qui vivent en situation minoritaire a augmenté et les communautés francophones sont notamment en croissance dans les trois territoires. Cela signifie qu’il y a de plus en plus de Canadiens qui ont le français comme langue maternelle et qui vivent en situation minoritaire, des Canadiens qui contribuent chaque jour à l’essor, à la diversité et à l’excellence de notre pays. Toutefois, le poids relatif des francophones est en baisse. Il est passé de 4 p. 100 en 2011 à 3,8p. 100 en 2018. Dans un tel contexte, le soutien du gouvernement est crucial.

[Traduction]

Et qu’en est-il de la dualité linguistique? Comme vous le savez, il n’y a jamais eu autant de Canadiens bilingues au pays: 6,2 millions de personnes. Mais la situation varie beaucoup d’une région à l’autre.

Les francophones sont très bilingues, à 89 p. 100 hors Québec, et à 41,5 p. 100 au Québec. Les anglophones au Québec sont aussi très bilingues, à 66 p. 100. Mais le bilinguisme chez les anglophones hors Québec ne s’élève qu’à 6,6 p. 100.

Il y a, ici, un grand potentiel de progrès. Les cours en immersion sont de plus en plus populaires, partout au pays, et les Canadiens nous ont dit à plusieurs reprises combien ils sont attachés à leurs langues officielles. Le gouvernement a pris connaissance de ces données et entend assumer ses responsabilités en matière de langues officielles.

[Français]

L’actuelle feuille de route prend fin le 31 mars prochain. Nous serons prêts à prendre la relève à l’aide d’un nouveau plan d’action.

J’aimerais profiter de cette tribune pour faire une remarque importante. Les investissements versés dans le cadre de la Feuille de route de 2013-2018 sont permanents, c’est-à-dire que les initiatives présentées dans la feuille de route vont se poursuivre au-delà du31 mars 2018. Le nouveau plan d’action qui sera en place le 1er avril 2018 viendra s’ajouter aux investissements des 15 dernières années. J’ai très hâte d’en faire l’annonce dès que le plan sera prêt. Je peux toutefois vous dire que nous travaillons très fort pour répondre aux attentes des Canadiens.

Je vous remercie de votre attention, et je suis prête à répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre. Je vais inviter mes collègues à poser leurs questions. Nous allons commencer par la vice-présidente, la sénatrice Poirier, suivie de la sénatrice Gagné.

La sénatrice Poirier : Bienvenue parmi nous, madame la ministre. J’ai quelques questions à vous poser. Pendant que Radio-Canada reçoit quelque 650 millions de dollars et que Netflix reçoit un congé d’impôt, les radios communautaires, quant à elles, sont sur le qui-vive. Dans l’édition de Francopresse de vendredi dernier, on pouvait lire qu’un total de neuf radios communautaires sur 25 sont en péril. Les radios communautaires sont essentielles à la survie et au rayonnement de nos communautés linguistiques en situation minoritaire. Leur financement dépend de votre plan d’action et, en date d’aujourd’hui, il n’y a aucune indication qu’elles recevront du financement. Pourquoi attendez-vous à la dernière minute pour annoncer les détails du plan d’action, en risquant, du même coup, la survie des radios communautaires?

Mme Joly : Il va de soi que, avant l’arrivée de notre gouvernement et au cours des 10 années du mandat du gouvernement précédent, les communautés linguistiques en situation minoritaire ont beaucoup souffert. Il va de soi aussi qu’on a entendu cela dans les consultations publiques, et on constate encore de l’anxiété de la part des différentes communautés. Ce que nous voulons faire, c’est répondre aux différents enjeux et, notamment, en ce qui concerne les radios communautaires, j’ai clairement entendu l’importance du rôle qu’elles jouent afin de maintenir un sentiment de sécurité linguistique et identitaire au sein des communautés. Il est important que les gens puissent entendre leur accent et se reconnaître dans l’information qui leur est transmise. Dans ce contexte, les radios jouent un rôle important. Donc, nous aborderons cette question dans le cadre du plan d’action.

La sénatrice Poirier : Quand les intéressés en seront-ils informés?

Mme Joly : Comme je vous l’ai dit, le plan d’action sera en place pour le 1er avril 2018. À l’heure actuelle, nous menons beaucoup de consultations avec les différents groupes pour nous assurer de bien répondre à leurs besoins. Comme je l’ai également mentionné, toute la base des derniers plans d’action sera en place, du plan d’action de M. Dion aux feuilles de route qui l’ont suivi, et le nouveau plan d’action s’ajoutera à ce qui est en place.

La sénatrice Poirier : J’ai une deuxième question : dans l’annexe 1, vous présentez un tableau de dépenses. En fin de compte, 228 millions de dollars sont indiqués comme dépenses prévues pour 2015-2018. Cependant, les dépenses réelles pour l’année sont de 220 millions de dollars, soit une différence de 8 millions de dollars. Cela vient augmenter le manque à dépenser de 2013-2014 à 2015-2018 à environ 34 millions de dollars. Ce sont des sommes importantes pour nos communautés linguistiques en situation minoritaire, compte tenu de l’engagement du gouvernement canadien. Pourquoi ces 8 millions de dollars n’ont-ils pas été investis tel que promis? Lorsque les fonds promis ne sont pas dépensés, qu’en advient-il?

Mme Joly : Je vais laisser Jean-Pierre Gauthier, directeur général, répondre directement à votre question.

Jean-Pierre Gauthier, directeur général, Direction générale des langues officielles, Citoyenneté, patrimoine et régions, Patrimoine canadien : En fait, il y a toujours des écarts pratiques dans les montants déboursés, pour deux raisons principales. La première pourrait être liée à des questions comptables : parfois, on inscrit des dépenses selon l’état d’avancement des projets, donc cela peut varier un peu d’une année à l’autre. Il est vrai qu’il y a également parfois des projets qui ne fonctionnent pas ou des projets dont on pensait qu’ils fonctionneraient et pour lesquels on avait engagé des fonds, puis, quand ces projets ne fonctionnent plus, il est souvent trop tard au cours de l’exercice financier pour redistribuer ces fonds.

Il y a quelques ministères qui ont aussi de la difficulté à aligner tous leurs financements. C’est marginal sur l’ensemble du financement que nous avons, car nous avons déboursé 96p. 100 des fonds. Lorsqu’il y a des enjeux qui se présentent avec les ministères, nous travaillons avec eux pour tenter de voir ce que nous pouvons faire pour aider à débloquer les fonds. Un bel exemple, c’est Emploi et Développement social Canada, qui a déplacé son financement à la fin d’un cycle de cinq ans au lieu de le faire comme c’était prévu au départ, année après année. Il va se rattraper et même dépasser le montant total prévu. Donc, dans les rapports, et dans ce cas-là par exemple, cela donne l’impression que le ministère a moins dépensé, mais, à la fin du cycle, il va aller au-delà. C’est un exemple.

La sénatrice Poirier : Donc, si je comprends bien, les 8 millions de dollars seront utilisés.

M. Gauthier : C’est décidé au cas par cas. Dans certains cas, l’argent sera utilisé ou reflété de façon comptable dans l’année suivante. Dans d’autres cas, ce sont des projets qui sont tombés à l’eau et pour lesquels on n’a pas pu redistribuer les fonds. Dans certains cas, les ministères peuvent se reprendre au cours des années suivantes. C’est un mélange de plusieurs scénarios.

La sénatrice Poirier : Donc, ces 34 millions de dollars accumulés restent dans les coffres du gouvernement. Est-ce bien ce que vous me dites?

Mme Joly : Non. Essentiellement, en fait, l’objectif est de dépenser 100 p. 100 de l’argent qui a été budgété. Je vous dirais même que, lorsqu’il y a des « fonds de tiroir », comme on dit, en fin d’année, ils sont toujours — du moins, en très grande majorité — versés à des projets liés aux langues officielles, principalement en faveur des infrastructures dans les communautés linguistiques en situation minoritaire. Par exemple, on sait que, en fin d’année, on peut ajouter du financement à un projet donné ou financer un projet dans une autre province, selon les demandes des communautés linguistiques en situation minoritaire.

La sénatrice Poirier : Donc, l’enveloppe est toujours destinée aux projets en matière de langues officielles.

Mme Joly : Oui, c’est cela.

La sénatrice Poirier : Merci.

La sénatrice Gagné : Merci, madame la ministre, de votre présence ici ce soir. Je vous remercie aussi de l’engagement dont vous avez fait preuve au cours des dernières années; nous vous en sommes reconnaissants.

À la page 27 du rapport, on mentionne des investissements à Maillardville; l’école des Pionniers a reçu près de 370 000 $ pour ses infrastructures communautaires. Je veux revenir sur la question de la Colombie-Britannique. Compte tenu de notre rapport intitulé Horizon 2018 dans lequel nous avons recommandé une intervention auprès de la Société immobilière du Canada en ce qui a trait à la construction de nouvelles écoles, je me suis posé la question à savoir où on en était rendu avec le projet d’investissement en infrastructure pour l’école Rose-des-vents. Dans sa réponse à notre dernier rapport sur l’éducation en français en Colombie-Britannique, le gouvernement a dit appuyer les revendications de la commission scolaire francophone. Je me demandais si on était en mesure de nous faire part du progrès des démarches dans ce dossier.

De plus, le gouvernement compte-t-il étudier la recommandation de notre comité qui vise l’adoption d’un règlement qui obligerait les institutions fédérales à tenir compte des besoins des écoles des communautés de langue officielle en situation minoritaire lors de la vente et de la cession des biens mobiliers et immobiliers?

Mme Joly : C’est une très bonne question. Il va de soi que la question de l’accès à l’éducation en français pour les jeunes de la communauté linguistique francophone en Colombie-Britannique nous préoccupe. J’espère sincèrement que le gouvernement provincial décidera d’aller de l’avant en élaborant une première politique visant à appuyer les services en français et l’éducation en français de façon générale, car il s’agit de la dernière province qui n’a toujours pas joué un rôle de leadership dans le cadre de cette question, alors que l’Alberta l’a fait récemment.

J’ai pris connaissance de votre rapport. J’en ai parlé également avec différents collègues. Nous sommes ouverts à l’idée d’étudier différentes solutions, notamment le rôle que la Société immobilière du Canada pourrait jouer potentiellement. C’est un dossier qui relève davantage de ma collègue, Carla Qualtrough, ministre responsable de l’Approvisionnement, mais aussi, en tant que ministre et députée de la Colombie-Britannique, je sais que c’est un dossier qui lui tient à cœur.

Je me suis d’ailleurs engagée à en parler avec mon homologue de la Colombie-Britannique, Adrian Dix, afin de trouver des solutions. Je sais que la communauté qui déploie des efforts en faveur de l’école Rose-des-vents travaille très fort depuis des années, et je serais heureuse de trouver des façons de l’appuyer dans ses démarches.

La sénatrice Gagné : En ce qui a trait à l’accès à des terrains, êtes-vous en mesure de nous dire où nous en sommes?

Mme Joly : Le mandat de la Société immobilière du Canada est une question qui relève davantage de ma collègue, car la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement chapeaute cette agence indépendante. Cela dit, je peux vous dire que nous avons investi 80 millions de dollars sur une période de 10 ans en faveur des infrastructures communautaires et qu’il y a donc davantage d’argent pour appuyer différents projets de façon générale, au-delà des terrains qui relèvent du gouvernement fédéral.

Tout récemment, il y a deux semaines, nous avons investi des sommes pour la création d’une nouvelle école et nous avons octroyé une somme de 7,5 millions de dollars à une école au Yukon. Cela faisait des années que la communauté franco-yukonnaise réclamait cette école. C’est de cette façon que nous exerçons notre leadership. Il reste toutefois que les questions relatives à la Société immobilière du Canada relèvent davantage de ma collègue.

La sénatrice Gagné : Merci. Je poserai une autre question lors de la deuxième ronde de questions.

Le sénateur Maltais : Madame la ministre, j’aimerais vous poser deux courtes questions.

Croyez-vous que la langue anglaise soit en danger au Québec?

Mme Joly : Voulez-vous également poser votre deuxième question?

Le sénateur Maltais : Je vais d’abord attendre votre réponse.

Mme Joly : La réalité des communautés linguistiques anglophones en situation minoritaire, particulièrement dans les régions rurales du Québec, est préoccupante. J’ai eu l’occasion de rencontrer différents membres de la communauté, particulièrement en Gaspésie et aux îles de la Madeleine. Il va de soi que l’on peut faire mieux pour les soutenir; le Québec compte sa première ministre des Affaires anglophones, et j’aurai l’occasion de lui parler sous peu pour entendre davantage la perspective du gouvernement québécois sur cette question.

Le sénateur Maltais : Merci.

Vous devez vous en douter, ma deuxième question concerne Netflix, un service que le gouvernement du Québec a décidé de taxer, à partir du 1er janvier prochain, après avoir fait quelques petites modifications législatives à sa loi fiscale.

Le gouvernement fédéral va-t-il renoncer à la TPS perçue ou va-t-il la collecter? Dans le cas où il y renonce, il n’y a pas de problème. Toutefois, dans le cas où il la collecte, selon les ententes fédéro-provinciales, les provinces perçoivent la TPS. Supposons qu’il accepte que le Québec lui fasse parvenir la taxe perçue, pouvez-vous vous engager à ce que cette taxe soit réinvestie dans le domaine culturel et des langues au Québec, ailleurs que dans les grandes villes? Des villes comme Montréal et Québec sont bien structurées, mais d’autres villes au Québec pourraient mettre à profit ces sommes.

Mme Joly : J’ai présenté une politique culturelle et non pas une politique fiscale. En ce qui a trait à toute question concernant la taxation ou la fiscalité, je vous invite à contacter mon collègue, le ministre des Finances, M. Morneau, qui est responsable de la fiscalité au pays.

Par ailleurs, en ce qui a trait au financement de la culture, nous y avons investi des sommes de l’ordre de 2,2 milliards de dollars depuis notre arrivée en poste. Il s’agit là du réinvestissement le plus important des 30 dernières années. Nous avons octroyé des sommes de l’ordre de 675 millions de dollars à Radio-Canada, justement pour soutenir les régions partout au pays, parce que les compressions budgétaires avaient eu un impact direct sur les salles de nouvelles en région.

Nous avons également doublé le budget du Conseil des arts du Canada et investi 550 millions de dollars pour soutenir les artistes à travers le pays. Lorsqu’on augmente le budget du Conseil des arts du Canada, on donne directement de l’argent aux artistes et, peu importe où ils habitent, ils peuvent exercer leur art. Nous avons aussi versé des enveloppes à Téléfilm Canada et à l’ONF. Il va de soi que nous songeons à réinvestir de façon importante en faveur du contenu francophone.

Dans le cadre de la nouvelle politique culturelle que j’ai annoncée, nous avons fait en sorte de stabiliser le financement du Fonds des médias du Canada, soit le fonds qui soutient toute la production télévisuelle au pays. C’est normalement une entente entre le gouvernement fédéral et les câblodistributeurs privés, mais ces derniers, étant donné le phénomène de transition des abonnés vers Internet, génèrent moins de revenus pour le Fonds des médias du Canada. Compte tenu du fait que l’avenir de la télévision était en jeu, car il y avait moins d’argent dans le Fonds des médias, le gouvernement fédéral a répondu « présent! » et a réinvesti à hauteur de la perte afin de la combler. Il s’agit là de millions de dollars de plus par année. La production financée se retrouve bien sûr dans les grands centres, mais aussi partout au Canada. Il existe aussi des critères pour le Fonds des médias afin qu’il serve à soutenir les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Le sénateur Maltais : Vous êtes de Montréal, madame la ministre.

Mme Joly : Et j’en suis très fière.

Le sénateur Maltais : Je vous le concède; je suis de la ville de Québec, et j’en suis très fier aussi.

Il y a une ville importante à côté de Montréal, soit la ville de Laval. Croyez-vous que la ville de Laval obtient les justes sommes relativement à la péréquation dans le domaine de la culture?

Mme Joly : Je ne peux pas me prononcer en ce qui a trait à différentes villes au Québec. Je connais bien Laval, parce que j’y ai passé mon enfance. Je sais qu’il s’y trouve une communauté culturelle forte; par exemple, l’Orchestre symphonique de Laval, dont j’ai déjà siégé au conseil d’administration, recevra potentiellement plus d’argent s’il postule au Conseil des arts du Canada, parce que, tout à coup, le Conseil des arts du Canada a plus d’argent. C’est la même chose pour les artistes visuels du quartier Sainte-Rose de Laval.

Essentiellement, dans le cadre de notre politique culturelle, nous avons voulu financer davantage les artistes eux-mêmes directement, plutôt que de financer davantage les intermédiaires. Je pense que nos nouveaux investissements permettront le développement de centres de production partout au pays.

Le sénateur Maltais : Merci. Je prie afin que le ministre des Finances renonce à sa taxe.

La sénatrice Tardif : Merci, madame la ministre, de votre présence parmi nous ce soir. Je vous remercie également de vos belles paroles à mon égard. C’est très apprécié.

Madame la ministre, j’aimerais vous poser quelques questions au sujet de la réponse du gouvernement à notre rapport Horizon 2018 : Vers un appui renforcé à l’apprentissage du français en Colombie-Britannique. À la lecture de votre réponse, j’étais heureuse de constater que vous vous êtes engagée à tenir compte des recommandations du Comité sénatorial permanent des langues officielles dans les recommandations qui seront inscrites au plan d’action sur les langues officielles et dans le cadre du prochain protocole d’entente en éducation. Toutefois, dans votre réponse, il ne semble pas y avoir de mesures concrètes et spécifiques. Vous nous dites d’attendre le prochain plan d’action qui répondra à tous nos souhaits, à toutes nos attentes et à tous nos besoins. J’espère que le prochain plan d’action répondra à toutes ces attentes, car les attentes sont très élevées.

Il y a trois recommandations que nous avons faites pour lesquelles vous n’avez pris aucun engagement, et elles concernent les domaines suivants : celui de la collaboration intergouvernementale en éducation; celui de la collaboration avec le secteur communautaire et celui de la collaboration intergouvernementale en matière de services.

Par exemple, en ce qui a trait à la recommandation no 15, nous avions demandé un appui aux infrastructures scolaires et au transport scolaire dans les écoles francophones. De votre côté, vous n’en avez pas parlé. De plus, dans le cadre du prochain plan d’action, votre ministère a dit qu’il veillerait à ce que soit bonifiée l’enveloppe destinée à la collaboration avec le secteur communautaire,notamment à l’égard de l’appui aux espaces communautaires en français, comme il avait été suggéré dans notre rapport à la recommandation no 18.

Pouvez-vous nous parler de mesures plus concrètes qui permettraient de répondre aux préoccupations du comité?

Mme Joly : En ce qui a trait aux infrastructures communautaires, dans le cadre du budget de 2017, 80 millions de dollars ont été investis sur une période de 10 ans pour les espaces communautaires dans nos communautés de langue officielle en situation minoritaire.

En réponse à la question de madame la sénatrice Poirier, lorsqu’il reste de l’argent au budget du ministère, on l’utilise en fin d’année pour financer davantage d’infrastructures communautaires liées aux langues officielles. Cela ne concerne pas seulement l’argent destiné aux langues officielles, mais également tout l’argent accordé par le ministère du Patrimoine canadien.

Dans le contexte du nouveau plan d’action sur les langues officielles, nous sommes en négociation pour élaborer un nouveau protocole d’entente en éducation qui tiendra compte des priorités des communautés linguistiques en situation minoritaire. Nous avons conclu une entente stratégique historique avec la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et la Commission nationale des parents francophones. Nous nous sommes engagés à présenter leurs points de vue, leurs préoccupations et leurs demandes aux provinces dans le contexte de notre négociation. Nous avons tenu compte des faits et gestes de ce qu’ils proposaient et nous nous sommes assurés de consulter les conseils scolaires et d’entendre leurs préoccupations quant à l’amélioration des mécanismes de reddition de comptes. Des négociations sont en cours avec les provinces, qui ont commencé plus tôt cette année. Nous sommes aussi en train de finaliser le plan d’action sur les langues officielles.

La sénatrice Tardif : Je conviens, madame la ministre, que 80 millions de dollars, c’est beaucoup, mais c’est tout de même assez modeste sur une période de 10 ans pour l’ensemble du Canada. Y a-t-il une date butoir pour la signature de ces ententes?

Mme Joly : Le financement pour le plan d’action sur les langues officielles sera prévu dans le budget de 2018, et nous devons nous assurer d’avoir terminé nos négociations au 31 mars 2019.

La sénatrice Tardif : Est-ce que le plan d’action ira au-delà de la somme de 80 millions de dollars?

Mme Joly : Madame la sénatrice, nous devons attendre l’arrivée du plan d’action.

Le sénateur McIntyre : Rebonjour, madame la ministre.

Je comprends que votre ministère gère les ententes fédérales, provinciales et territoriales, dans deux secteurs qui sont l’éducation et les services dans la langue de la minorité.

Mme Joly : Oui.

Le sénateur McIntyre : Ma question porte sur les ententes intergouvernementales, et tout particulièrement sur la reddition de comptes. Comme vous le savez, depuis plusieurs années, une amélioration des pratiques de reddition de comptes est réclamée par les communautés de langue officielle en situation minoritaire en ce qui a trait aux ententes en éducation.

D’ailleurs, notre comité sénatorial a dénoncé cette situation dans plusieurs des rapports qu’il a présentés par le passé. Cette situation a également été dénoncée par le commissaire aux langues officielles. Enfin, je me rappelle que, le 24 octobre 2018, devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles, votre ministère s’était engagé à travailler avec les provinces et les territoires pour assurer une meilleure reddition de comptes dans le cadre des futures ententes intergouvernementales.

Cela dit, je note également que, dans la réponse gouvernementale fournie au comité sénatorial le 9 novembre dernier, votre ministère ne prend pas d’engagements additionnels à l’égard de l’amélioration des pratiques de reddition de comptes dans le domaine de l’éducation. Le 20 novembre, les francophones de Terre-Neuve sont montés aux barricades. Ils ont déploré, dans un article publié par Radio-Canada, que la grande partie des sommes transférées à leur province soient destinées aux écoles de la majorité et que les écoles francophones aient été peu consultées.

J’aimerais une explication de cette situation.

Mme Joly : Merci, monsieur le sénateur. Dans le contexte de nos consultations, on a souvent entendu cette préoccupation. C’est une préoccupation qui s’est également reflétée dans les demandes de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones. Cela fait partie de ce qu’on demande aux provinces et aux territoires dans le contexte des négociations, c’est-à-dire une meilleure reddition de comptes quant à l’argent provenant du gouvernement fédéral, de Patrimoine canadien, et qui,essentiellement, participe au financement du système d’éducation pour les communautés linguistiques en situation minoritaire.

Le sénateur McIntyre : L’année 2015 marquait le 10e anniversaire des modifications apportées à la partie VII de la loi. Avez-vous fait une analyse des progrès accomplis? Je pense que votre rapport est plutôt silencieux à ce chapitre. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Mme Joly : Je vais commencer à répondre à la question et, ensuite, je laisserai mon collègue Hubert Lussier la compléter. Cela fait 10 ans qu’il y a eu des modifications à la Loi sur les langues officielles. Nous allons souligner sous peu le 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Il va de soi que notre gouvernement veut marquer cet anniversaire, parce qu’il croit que cette loi fait partie intégrante de notre contrat social et qu’elle a permis de faire de grandes avancées pour nos communautés linguistiques partout au pays.

Je sais également que vous étudiez en ce moment la question de la modernisation de la loi. J’ai très hâte d’en savoir davantage au sujet de votre étude. Bien entendu, on sait que, comme gouvernement, on peut toujours faire mieux, et je serai heureuse de vous entendre sur cette question et d’étudier toutes les options et les scénarios possibles pour améliorer la question des langues officielles au pays.

Hubert Lussier, sous-ministre adjoint, Citoyenneté, patrimoine et régions, Patrimoine canadien : J’aimerais compléter la réponse sur la coordination et la reddition de comptes de la part des institutions fédérales soumises à la loi en vertu de la partie VII. Notre rapport est peut-être très modeste, mais nous avons fait des progrès, ne serait-ce que d’un point de vue quantitatif et facile à chiffrer, dans la mesure où, jadis, on exigeait des rapports d’une trentaine d’institutions fédérales.

Désormais, on a multiplié par trois le nombre d’institutions fédérales qui font rapport à notre ministère chaque année. Je dois dire que c’est mon sous-ministre qui signe, au nom de Mme Joly, les rapports ou les commentaires sur la façon dont les ministères font une reddition de comptes. Nous sommes devenus de plus en plus pointus dans le type de critiques ou de suggestions positives que nous leur faisons.

Le sénateur McIntyre : Pour revenir à la modernisation de la loi, si j’ai bien compris, vous êtes d’accord avec le fait que la partie VII doive être revue.

Mme Joly : Oui, que ce soit la partie VII ou de façon générale, il y a toujours lieu de faire une révision à des fins d’amélioration. Je prendrai plaisir à lire votre rapport.

La sénatrice Moncion : Merci de votre présence parmi nous. J’ai quelques questions sur les consultations que nous avons tenues avec de jeunes Canadiens. L’une des choses que les jeunes nous ont dites, c’est que la Loi sur les langues officielles actuelle manque de mordant, car elle ne contient pas de sanctions. J’aimerais vous entendre au sujet des sanctions liées à la Loi sur les langues officielles.

Mme Joly : J’ai entendu plusieurs commissaires aux langues officielles affirmer que davantage de pouvoirs pourraient leur être accordés. Je sais que dans le contexte de nos consultations, plusieurs membres des communautés ont réclamé une révision de la partie VII.

L’une des premières choses qu’on a voulu faire a été notamment d’inclure à la partie VII une référence au Programme de contestation judiciaire. On visait ainsi à s’assurer que, s’il y avait violation de la partie VII, les communautés linguistiques pourraient avoir accès à du financement pour contester ces violations devant les tribunaux. C’était aussi une façon pour nous de renforcer la partie VII et de lui donner plus de mordant.

Notre gouvernement n’est pas du tout fermé à la possibilité d’envisager comment il pourrait faire mieux en matière de langues officielles. C’est pourquoi votre étude m’intéresse beaucoup, et elle est réclamée depuis longtemps par les communautés linguistiques.

La sénatrice Moncion : On sait que le fardeau de la preuve repose toujours sur la personne qui porte l’accusation et non sur l’accusé. Nous comprenons qu’il y a aussi du travail à faire de ce côté.

Ma deuxième question vient encore une fois de nos jeunes. Elle concerne le défi associé à la créativité. Dans plusieurs cas, les associations de jeunes reçoivent le même financement depuis des années. Aucun facteur de croissance n’a été appliqué aux sommes qu’ils reçoivent. Comme vous le savez, les jeunes débordent de créativité. Ils mettent toutes sortes de projets de l’avant et essaient toutes sortes de choses. Que les projets fonctionnent ou non, ces jeunes essaient de faire des choses. L’un des freins dont ils nous ont parlé est le fait que le financement demeure le même depuis des années.

Comment comptez-vous aborder ce genre de question? Plusieurs organismes ont soulevé de telles préoccupations. Que ce soit dans le domaine de l’éducation, de la petite enfance, des garderies ou qu’il s’agisse des jeunes et de leurs projets, cette question revient et est un thème récurrent.

Mme Joly : J’ai souvent entendu, dans le cadre des consultations, le fait qu’il fallait absolument réviser notre appui aux différents organismes qui œuvrent, entre autres, dans les domaines de la justice, de l’immigration, de la santé et de la petite enfance au sein de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire. C’est une question que j’aurai l’occasion d’aborder dans le contexte du plan d’action.

La sénatrice Moncion : Je vais vous offrir un autre petit commentaire pour alimenter votre grande réflexion, sans en minimiser l’importance.

Les jeunes nous ont également mentionné que, lorsqu’ils effectuent des collectes de fonds, ils sont pénalisés quant aux sommes qu’ils reçoivent. Ils ne peuvent donc pas faire de collectes de fonds. De mon point de vue, en tant que personne d’affaires, je me dis que s’ils trouvent une façon de se financer et que des fonds leur sont octroyés par des programmes, il faudrait peut-être trouver une combinaison gagnante avec eux pour encourager aussi le côté entrepreneurial qui accompagne la créativité et la croissance des initiatives en matière de bilinguisme de la part de ces jeunes un peu partout au Canada.

Mme Joly : Vous soulevez un bon point, et je l’entends souvent en ce qui a trait au financement des arts et de la culture. Lorsque certaines organisations plus aptes à emprunter une approche philanthropique collectent des fonds, ils reçoivent parfois moins de financement.

Je propose d’étudier davantage la question. Je vous dirais que, en ce moment, ma principale priorité est plutôt de répondre aux besoins liés au financement des organismes qui n’a pas été augmenté depuis maintenant 12 ans. Je crois que c’est la priorité que le gouvernement fédéral voudra aborder dans le contexte de son plan.

Le sénateur Mockler : J’aimerais revenir à la question soulevée par le sénateur Maltais au sujet de Netflix. J’aimerais aussi vous poser une question sur la nomination d’un ou d’une commissaire aux langues officielles.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi on constate certaines anomalies lorsqu’il est question de Netflix? Ce géant du divertissement en ligne veut investir 500 millions de dollars en contenu canadien sans garantie qu’une partie de cet argent soit consacrée à la création de nouveau contenu en français et sans qu’un seuil minimal soit imposé quant au contenu francophone. Pouvez-vous nous expliquer ce fait? Je sais que la question vous a été posée à l’émission Tout le monde en parle.

Mme Joly : À l’heure actuelle, rien dans notre réglementation ne permet d’aborder la contribution des géants du secteur numérique à notre culture. Notre loi date de 1991, bien avant l’avènement d’Internet. L’une des choses que l’on a annoncées dans le contexte de la nouvelle politique culturelle intitulée « Un Canada créatif », c’est une réforme de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications. On a également demandé au CRTC de se pencher sur les différentes options et de nous formuler des recommandations sur les façons de soutenir la création, la production et la distribution de contenu canadien dans nos deux langues officielles en cette ère numérique. On a demandé au CRTC de procéder à cette étude en vertu de l’article 15 de la Loi sur la radiodiffusion. Le CRTC travaille en ce moment à cette étude et doit déposer un rapport, je l’espère, avant le mois de juin 2018.

Quant à l’entente, il s’agit d’un investissement de Netflix, qui, pour la première fois, a décidé de créer une compagnie de production canadienne. En effet, ce sera la première fois que Netflix lance une compagnie de production à l’extérieur des États-Unis. Étant donné qu’elle a décidé d’ouvrir cette boîte de production au Canada, le mécanisme en vertu de la Loi sur Investissement Canada a été déclenché. C’est pourquoi nous avons insisté pour que des critères clairs de contribution au système de contenu canadien soient mis en place. Aucune négociation n’a été tenue sur l’exemption de taxes. Cela ne fait absolument pas partie des critères. Il n’y a eu aucune négociation sur le fait qu’il n’y aurait pas de législation potentielle sur les plateformes numériques étrangères. Il s’agit d’un investissement de 100 millions de dollars par année nets sur cinq ans.

La compagnie de production n’a pas accès à quelque autre forme de crédit d’impôt, car il s’agit d’une compagnie qui, somme toute, est toujours détenue par des intérêts étrangers. Dans le contexte de ces 500 millions de dollars, il s’agit de production originale canadienne en français et en anglais.

Il y a également 25 millions de dollars qui ont été prévus dans cette entente pour développer le contenu en français. Cette disposition concerne non seulement le Québec, mais aussi les communautés linguistiques en situation minoritaire et les communautés francophones.

Finalement, on s’est assuré de travailler sur la découvrabilité des contenus, tant en français qu’en anglais. Essentiellement, dans les algorithmes de la plateforme, dorénavant, lorsqu’il s’agira de contenu canadien, ce sera indiqué clairement au sein de la plateforme.

C’est donc la première fois qu’un investissement est versé par cette compagnie directement en faveur du contenu culturel. Peu importe les formes de taxation qui auraient pu être appliquées, on s’est assuré d’aller chercher 500 millions de dollars pour le financement de notre production interne, ce qui n’aurait pas été nécessairement le cas s’il y avait eu taxation appliquée au financement, de façon générale, des services soutenus par l’État canadien.

Pour ce qui est du commissaire aux langues officielles, comme je l’ai annoncé l’été dernier, notre processus ouvert, transparent et basé sur le mérite s’est poursuivi pour trouver le ou la nouvelle commissaire aux langues officielles. L’été dernier, nous avons envoyé des lettres aux chefs des trois groupes sénatoriaux pour connaître leur point de vue. Nous avons écrit aussi aux leaders des partis de l’opposition de la Chambre des communes et aux présidents des comités, que ce soit le Comité des langues officielles de la Chambre des communes ou du Sénat, afin d’obtenir leur point de vue sur le type de candidat recherché.

J’ai eu l’occasion, la semaine dernière, de parler à mes critiques en matière de langues officielles, et le premier ministre a eu l’occasion également d’envoyer des lettres aux leaders des deux partis de l’opposition. On devrait donc être en mesure de nommer un commissaire aux langues officielles qui a toutes les qualifications requises, et la nomination pourrait être annoncée au cours des prochains jours.

Le président : Nous allons passer au deuxième tour de questions.

La sénatrice Poirier : Il y a environ trois semaines, votre collègue, Scott Brison, est venu à son tour présenter son rapport annuel. Lorsqu’on compare les deux rapports annuels au récent rapport de la commissaire aux langues officielles par intérim, on voit que le portrait est différent, et l’information qu’on reçoit est différente.

D’un côté, vous dites que le français et le bilinguisme se portent bien, mais de l’autre, les plaintes reçues par le commissariat augmentent toujours depuis les cinq dernières années. Les renseignements se contredisent.

Selon vous, ne serait-il pas possible de donner davantage de pouvoirs au commissaire aux langues officielles afin que les plaintes reçues soient étudiées plus en profondeur par les institutions fédérales?

Mme Joly : Le commissaire aux langues officielles joue un rôle fondamental. Je sais que votre comité se penche en ce moment sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. C’est avec plaisir que je lirai ses recommandations.

Si vous abordez la question des pouvoirs du commissaire aux langues officielles dans le contexte de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, c’est avec plaisir que je lirai vos recommandations et que je les étudierai. Je pense que le moment est venu de mener une étude approfondie.

La sénatrice Poirier : Vous avez mentionné, dans votre rapport annuel, que 44 607 immigrants économiques se sont inscrits à un cours de langue. Cependant, il manque de l’information quant à ces chiffres. Parmi les cours suivis par ces 44 607 immigrants, quels cours ont été suivis en français et lesquels ont été suivis en anglais? Dans quelles provinces ces cours ont-ils été suivis? Faites-vous un suivi auprès des gens inscrits à ces différents cours afin d’en mesurer l’efficacité?

Si vous n’avez pas ces détails en main, vous serait-il possible de les fournir au comité plus tard? Nous vous en serions très reconnaissants.

Mme Joly : C’est avec plaisir que je demanderai à l’équipe de vous revenir avec une réponse plus précise sur cette question.

La sénatrice Gagné : J’aimerais me référer, à la page 44 du rapport annuel de 2015-2018, au paragraphe intitulé « Les institutions fédérales coopèrent étroitement ». Vous mentionnez, dans votre rapport, que Patrimoine canadien a élaboré un outil important, le Guide pour l’élaboration des clauses de langues officielles dans les accords de contribution à Patrimoine canadien, et que cet instrument novateur permet d’assurer une meilleure prise en compte du français et de l’anglais dans l’administration des programmes de paiements de transfert.

Je trouve important de voir le contenu des ententes dans les rapports pour la reddition de comptes. Dans un tel contexte, je me demandais si ce guide visait l’élaboration des accords de contribution de toutes les institutions fédérales ou seulement celles de Patrimoine canadien.

M. Gauthier : C’est un guide qui a été préparé par Patrimoine canadien pour aider ses agents de programme. Cela dit, nous avons partagé ce guide avec les autres institutions fédérales, notamment par l’intermédiaire du Réseau des champions de langues officielles, pour l’offrir en exemple. Il a aussi été préparé en collaboration avec Justice Canada. C’est donc un guide qui a un peu de rayonnement et qui influencera probablement plusieurs autres institutions fédérales qui s’en serviront comme guide de pratiques exemplaires afin de l’adapter à leur institution respective.

La sénatrice Gagné : Cependant, selon l’article 42 de la Loi sur les langues officielles, Patrimoine canadien a tout de même un rôle à jouer lorsqu’il s’agit de susciter et d’encourager la coordination de la mise en œuvre des mesures par les institutions fédérales et leur engagement en vertu de la partie VII.

Prenons comme exemple le programme national pour la petite enfance. Est-ce qu’on s’est assuré d’inclure à cette entente une disposition linguistique? Et quel a été votre rôle, en tant que ministre, dans le cadre de cette négociation?

Mme Joly : Il va de soi que, comme gouvernement, nous avons une approche horizontale quant à la question des langues officielles. Je m’assure, avec mon collègue, Scott Brison, et la ministre de la Justice, de l’application de la loi. Mais de façon générale, tous les ministères ont un rôle à jouer pour soutenir la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

C’est mon collègue Jean-Yves Duclos qui est chef de file dans ce dossier. En tant que ministre du Développement social, il a élaboré notre première stratégie en matière de petite enfance au fédéral, et s’est assuré d’avoir une approche qui soutient les communautés en ce qui concerne la petite enfance.

M. Duclos serait donc la personne qui pourrait vous donner une réponse plus spécifique au sujet des différentes ententes. Je sais qu’il y a eu, notamment en Ontario, des percées qui satisfont la communauté. Je sais également que les négociations sont en cours. Il va donc de soi qu’au niveau politique, le travail s’est fait pour soutenir l’approche de M. Duclos.

En ce qui concerne le travail fait par Patrimoine canadien, je vais être franche avec vous, il y a encore beaucoup de travail à faire au sein de la fonction publique pour sensibiliser tous les ministères à l’importance des langues officielles. C’est un travail constant, et on peut toujours faire mieux. De façon générale, on a étudié le rapport produit par le Groupe de travail Mendelsohn-Borbey afin de bien comprendre ce qui se passe au sein de la fonction publique. Ce n’est pas seulement entre les fonctionnaires eux-mêmes, mais de façon générale, c’est la sensibilisation à la réalité des communautés linguistiques qui doit être améliorée. Dans le contexte du Plan d’action sur les langues officielles, on présentera un plan de gouvernance qui sera associé à ce plan d’action.

La sénatrice Gagné : Il s’agit donc de créer des réflexes, parce que lorsqu’on pense à la partie VII, les mesures positives, la petite enfance, le développement et l’épanouissement des communautés, il me semble que tout est relié.

Mme Joly : C’est exactement cela, et il y a un besoin de développer davantage les réflexes. Cependant, il ne faut pas toujours s’adresser à Patrimoine canadien, parce que nous avons déjà des réflexes en matière de langues officielles.

La sénatrice Gagné : Il faut donc amener vos collègues à avoir ces mêmes réflexes.

Mme Joly : C’est la meilleure façon, parce que si nous n’avons qu’une approche en silos, à ce moment-là, il nous est impossible de soutenir l’essence même de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Si mes collègues au sein de la fonction publique ne sont pas interpellés, ils n’auront pas toujours les réflexes de créer une approche musclée en matière de langues officielles.

La sénatrice Gagné : Techniquement, l’article 42 vous confère beaucoup de responsabilités, en tant que ministre du Patrimoine canadien.

Mme Joly : Exactement, mais c’est pour susciter et encourager. Je suscite et j’encourage tous les jours, mais c’est plus que cela. Voilà pourquoi je suis heureuse de constater que vous invitez d’autres ministres à la table, à l’occasion, afin qu’ils répondent à vos questions.

La sénatrice Gagné : On pourrait peut-être, à ce moment-là, moderniser l’article 42.

Mme Joly : Je lirai votre rapport avec grand plaisir.

La sénatrice Tardif : J’avais une autre question, mais comme la porte est ouverte, je poursuivrai donc avec la question de la modernisation de la loi.

Madame la ministre, vous avez indiqué avoir fait plusieurs consultations en ce qui concerne le prochain plan d’action. Vous avez publié un rapport sur les consultations pancanadiennes sur les langues officielles. Vous avez sûrement entendu dire qu’il y avait beaucoup de lacunes dans la loi, que celle-ci devait être modifiée afin qu’on puisse remédier à ces lacunes et qu’elle devait être modernisée pour refléter les changements sociodémographiques au sein de la société canadienne.

Pouvez-vous nous expliquer, madame la ministre, pourquoi vous n’avez pas indiqué votre engagement à moderniser la Loi sur les langues officielles?

Mme Joly : Comme je vous l’ai dit, une partie du travail est fait par le comité sénatorial, et j’ai hâte de lire votre rapport. Je travaille en ce moment à livrer le plan d’action sur les langues officielles. Donc, une chose à la fois. Cependant, je sais que le plan d’action peut répondre à une réalité, mais en fonction des outils qui sont en place. J’aurai plaisir à poursuivre cette discussion sur l’importance de la loi. Il y aura un nouveau commissaire aux langues officielles et un nouveau plan d’action, ainsi, nous serons bien outillés pour améliorer la défense et la promotion des droits linguistiques.

Vous savez, de façon générale, j’ai constaté un intérêt à moderniser la loi, mais même les différentes organisations en matière de langues officielles me disent vouloir être prêtes si nous décidons de le faire. Nous devons travailler sur ce qui nous intéresserait dans le contexte d’une potentielle modernisation. L’ancien gouvernement a changé la façon de financer les groupes, notamment en matière de justice, ou encore, le financement a été axé davantage sur les projets et moins sur le soutien à l’activisme des droits linguistiques. Nous voulons arriver avec un nouveau plan d’action, travailler sur les questions de financement, développer des leviers d’activisme et travailler avec les communautés pour savoir si nous devons avoir ou non une nouvelle approche en matière de langues officielles.

La sénatrice Tardif : Je peux vous assurer que les témoignages que nous avons entendus de la part de plusieurs secteurs, de plusieurs groupes et associations et de plusieurs communautés d’un bout à l’autre du pays nous indiquent qu’il est essentiel d’apporter des changements à la Loi sur les langues officielles pour toutes les raisons qui ont été soulevées aujourd’hui, et nous pourrions en énumérer d’autres.

J’aimerais aborder une des recommandations que nous avons formulées dans notre rapport qui touchait la question d’une entente spéciale avec le ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique dans le prochain protocole d’entente en éducation, laquelle permettrait de répondre aux besoins en infrastructures des écoles d’expression française de la Colombie-Britannique. Pouvez-vous envisager une telle entente dans le renouvellement du protocole d’entente avec la Colombie-Britannique?

Mme Joly : L’arrivée du nouveau gouvernement en Colombie-Britannique est une bonne nouvelle pour la communauté francophone, car, dans sa plateforme électorale, celui-ci proposait l’élaboration d’une politique sur les services en français. Ce sera avec plaisir que je suivrai le dossier à ce chapitre. De plus, j’ai entamé des discussions avec ma collègue, Carla Qualtrough, pour savoir comment nous pouvons soutenir davantage le projet, particulièrement celui de l’école Rose-des-vents. Dans le contexte des négociations, il va de soi que je regarde ce qui se passe en Colombie-Britannique en particulier, car je sais qu’il y a des demandes de la communauté francophone depuis longtemps. Le rôle du gouvernement fédéral a toujours été de soutenir les communautés, surtout celles où les relations sont parfois plus difficiles avec certains gouvernements provinciaux.

La sénatrice Tardif : Vous savez qu’il y a eu un précédent en 1997 où Patrimoine canadien avait conclu une entente spéciale avec le ministère de la Colombie-Britannique pour lui permettre de répondre aux critères de l’article 23.

Mme Joly : Oui, je suis très au courant.

La sénatrice Tardif : Je crois que le gouvernement fédéral est encore appelé à jouer un rôle de leadership très fort dans ce dossier.

Le président : Honorables sénateurs, nous allons devoir nous arrêter. Je crois que madame la ministre a d’autres engagements. Je tiens à remercier la ministre Joly.

Mme Joly : Je vous remercie tous.

Le président : Je veux vous remercier de votre présence et de votre engagement, et vous dire qu’il n’y a pas de doutes quant à votre engagement. Cependant, les Canadiens et les Canadiennes que nous avons consultés souhaitent que le gouvernement du Canada et votre ministère soient les mieux outillés possible pour faire ce travail. Donc, une modernisation de la Loi sur les langues officielles devient de plus en plus incontournable. Encore une fois, je vous remercie de votre présence, ainsi que MM. Gauthier et Lussier.

Nous allons poursuivre la séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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