Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants
Fascicule no 8 - Témoignages du 10 mai 2017
OTTAWA, le mercredi 10 mai 2017
Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui, à 12 h 2, pour son étude sur les questions relatives à la création d’un système professionnel, cohérent et défini à l’intention des anciens combattants qui quittent les Forces armées canadiennes.
La sénatrice Mobina S.B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, aujourd’hui, nous avons avec nous Adam Thompson, greffier du comité, ainsi que notre analyste de la Bibliothèque du Parlement, Havi Echenberg. Je demanderais aux sénateurs de se présenter, en commençant à ma droite, avec le vice-président.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.
La sénatrice Saint-Germain : Sénatrice Raymonde Saint-Germain, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Manning : Sénateur Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Lang : Sénateur Dan Lang, du Yukon.
La sénatrice Boniface : Sénatrice Gwen Boniface, de l’Ontario.
La présidente : Et je suis Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.
[Français]
Le Sous-comité sénatorial des anciens combattants a reçu le mandat d’étudier les questions relatives à la création d’un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants quand ils quittent les Forces armées canadiennes.
Nous sommes ravis d’accueillir comme témoins l’honorable Kent Hehr, ministre des Anciens Combattants, et le général à la retraite Walter Natynczyk, sous-ministre des Anciens Combattants.
[Traduction]
M. Hehr a été nommé ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale le 4 novembre 2015. Le mandat du ministre comprend plusieurs priorités, car il doit notamment travailler avec le ministre de la Défense nationale pour simplifier les processus, revoir la prestation des services et renforcer les partenariats entre Anciens Combattants Canada et la Défense nationale.
Le sous-ministre, M. Natynczyk, a été chef d’état-major de la Défense de juillet 2008 à octobre 2012, avant de devenir président de l’Agence spatiale canadienne pendant un an et ensuite sous-ministre d’Anciens Combattants Canada.
Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Pour vous mettre en contexte, j’aimerais préciser que nous avons entendu le général Vance, le chef d’état-major de la Défense, décrire le caractère professionnel de l’ensemble du processus par lequel une personne entre dans l’armée. Il souhaite que le départ de l’armée soit un processus tout aussi professionnel, afin que les gens qui ont tout donné pour notre pays soient servis le mieux possible.
Nous avons hâte de vous entendre et de collaborer avec vous. Monsieur le ministre, veuillez livrer votre exposé.
L’honorable Kent Hehr, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Merci beaucoup. C’est un honneur de prendre une fois de plus la parole devant votre comité pour tâcher de créer un système défini, professionnel et cohérent à l’intention des anciens combattants qui quittent les Forces armées canadiennes.
Chaque année, en moyenne, 9 000 membres des Forces armées canadiennes sont libérés de la Force régulière et de la Force de réserve. Chacun de ces 9 000 anciens combattants a une histoire unique et des besoins particuliers, et certains d’entre eux auront besoin d’aide pour faire la transition à la vie civile. En fait, 73 p. 100 de ces anciens combattants réussissent cette transition. Ils quittent les forces armées pour occuper des emplois ou poursuivre leur vie et tout se passe bien. Toutefois, cela signifie que 27 p. 100 d’entre eux éprouvent des difficultés lorsqu’ils quittent les FAC. Nous travaillons afin d’aider ces hommes et ces femmes à obtenir de meilleurs résultats.
C’est la raison pour laquelle je travaille en étroite collaboration avec le ministre de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes pour m’assurer que le processus de transition se déroule de la façon la plus harmonieuse possible. Les changements que nous avons apportés et les améliorations à venir nous aideront tous à atteindre cet objectif. En résumé, nous professionnalisons le processus de transition.
Lorsqu’il m’a nommé ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale, le premier ministre m’a donné le mandat de veiller à ce que les anciens combattants bénéficient du respect, du soutien, des soins, de la sécurité financière et des possibilités d’éducation qu’ils méritent après avoir servi le Canada.
Les Canadiens s’entendent tous pour dire que nous avons une dette de gratitude envers nos anciens combattants en raison de leur service et de leurs sacrifices, et qu’il incombe au gouvernement, en reconnaissance de leurs contributions désintéressées, de donner à nos anciens combattants les moyens de se remettre sur pied et de continuer à vivre leur vie. Nous nous sommes donc engagés à les aider à réussir leur transition à la vie civile, à rebâtir leur vie et à se joindre à la classe moyenne.
Dans le budget de 2016, la première étape de notre approche consistait à bonifier l’indemnité d’invalidité d’un maximum de 310 000 $ à un maximum de 360 000 $. De plus, l’allocation pour perte de revenu a été augmentée à 90 p. 100 de la solde avant la libération. Nous avons également rouvert neuf bureaux qui avaient été fermés par le gouvernement précédent — et nous avons même ouvert un nouveau bureau — et embauché près de 400 nouveaux employés de première ligne, y compris de nouveaux gestionnaires de cas.
Vous êtes sans doute au courant de toutes ces initiatives, car elles s’inscrivent dans le cadre des mesures historiques que nous avons annoncées dans le budget de 2016, lorsque nous nous sommes engagés à investir quelque 5,6 milliards de dollars pour offrir des avantages financiers supplémentaires à nos anciens combattants et à leur famille. Soyez assurés que les militaires qui sont incapables de travailler en raison d’une blessure ou d’une maladie bénéficieront maintenant d’une sécurité financière accrue à la suite de ces changements.
En fait, 67 000 anciens combattants ont reçu ou recevront une indemnité d’invalidité supplémentaire à la suite de ces changements. En effet, environ 425 millions de dollars en suppléments ont été versés depuis le 1er avril 2017, et mon ministère travaille sans relâche pour identifier les anciens combattants dont les renseignements bancaires sont périmés, afin de veiller à ce que le reste soit envoyé rapidement.
Le budget de 2017 s’appuie sur ces initiatives pour créer une approche plus globale et complète à l’égard du bien-être des anciens combattants en mettant l’accent sur la famille.
Lorsque je rencontre des anciens combattants, qu’ils aient servi pendant 1 an ou 10 ans, ils veulent en parler, parce qu’ils croient fermement qu’une personne qui a servi dans les forces armées est un militaire pour la vie. Nous savons à quel point les anciens combattants peuvent parfois avoir de la difficulté à composer avec la perte de la culture du milieu militaire. Nous voulons qu’ils continuent à faire partie de la famille et ils veulent savoir que nous sommes reconnaissants à l’égard de leur service. C’est la raison pour laquelle nous élargissons l’accès au Programme de soutien aux familles des militaires et que nous ouvrons les portes des 32 Centres de ressources pour les familles des militaires, ou CRFM, aux anciens combattants malades et blessés et à leur famille. Traditionnellement réservés aux militaires en service actif, les CRFM à l’échelle du Canada accueilleront dorénavant les anciens combattants libérés pour des raisons médicales et leur famille lorsqu’ils ont besoin de soutien.
Deuxièmement, nous améliorons et bonifions l’allocation pour relève d’un aidant familial en versant directement à l’aidant un paiement mensuel non imposable de 1 000 $. La limite de temps imposée aux conjoints et aux survivants pour présenter une demande de services de réadaptation et d’assistance professionnelle sera aussi éliminée, afin qu’ils puissent réintégrer le marché du travail. Cela signifie que les conjoints, les partenaires et les aidants qui viennent en aide jour après jour à nos anciens combattants malades ou blessés bénéficieront d’un meilleur soutien et d’une reconnaissance du gouvernement pour leurs contributions inestimables.
Troisièmement, nous investissons près de 14 millions de dollars sur quatre ans dans un nouveau Fonds pour le bien-être des anciens combattants et de leur famille qui servira à la recherche sur des enjeux et de nouvelles initiatives visant à améliorer le soutien aux anciens combattants et à leur famille.
Outre les mesures de soutien à l’intention des familles et des aidants, nous en faisons davantage pour les anciens combattants qui font la transition à la vie après le service militaire. Nous offrirons une prestation pour les études et la formation à l’intention des anciens combattants qui totalisera jusqu’à 40 000 $ pour payer les frais d’inscription et d’autres coûts lorsque les militaires comptent six années de service, et jusqu’à 80 000 $ dans le cas des militaires qui ont servi au moins 12 ans. Une partie de cette prestation, soit 5 000 $, pourra être utilisée aux fins de perfectionnement professionnel, par exemple afin d’obtenir un permis d’agent immobilier.
Le soutien à l’éducation et au perfectionnement professionnel permettra de s’assurer qu’un plus grand nombre de militaires libérés puissent trouver une nouvelle motivation et mettre à profit leurs compétences.
Nous remanions aussi nos Services de transition de carrière, afin qu’un plus grand nombre de gens puissent en profiter, notamment les survivants, les conjoints et les partenaires, ainsi que les membres des Forces armées canadiennes qui pourraient ne pas souhaiter retourner à l’école. Ils auront accès à de l’aide à la recherche d’emploi et à de l’encadrement offert par des personnes qualifiées qui comprennent la culture militaire et qui travailleront de concert avec les anciens combattants et les employeurs pour assurer leur réussite.
Mesdames et messieurs les sénateurs, ces initiatives feront une véritable différence pour les anciens combattants et leur famille. Ils auront maintenant plus de possibilités de carrière après leur service militaire.
L’engagement précoce est un élément essentiel à la réussite de la transition de la vie militaire à la vie civile. Mes collègues des FAC vous ont sans doute parlé des Services de transition améliorés, une initiative conjointe d’Anciens Combattants Canada et des Forces armées canadiennes qui a pour but d’entrer en communication plus tôt avec les membres des FAC en voie de libération pour leur fournir l’aide dont ils ont besoin. Cette initiative a déjà été mise en œuvre dans les 24 Centres intégrés de soutien du personnel.
La santé mentale est un aspect primordial du soutien offert à nos anciens combattants. C’est une question qui fait régulièrement la une dans les médias et il s’agit de l’une de nos priorités. C’est la raison pour laquelle nous sommes déterminés à nous assurer que les anciens combattants, les membres de la GRC et leur famille obtiennent le soutien en santé mentale dont ils ont besoin. Et c’est pour cela que dans le budget de 2017, nous avons donné suite à notre engagement d’établir un Centre d’excellence sur l’ESPT et les états de santé mentale connexes.
Nous investissons 17,5 millions de dollars sur quatre ans dans ce centre, qui fournira des services de recherche, d’éducation et de liaison pour les anciens combattants et leur famille, en plus de contribuer à l’élaboration de nouvelles pratiques exemplaires.
Nous créons aussi un nouveau Fonds d’urgence pour les anciens combattants qui procurera un soutien immédiat aux anciens combattants et à leur famille en cas de contraintes urgentes ou inattendues.
De plus, nous nous engageons à finaliser en 2017 les détails d’une option de pension à vie mensuelle par l’intermédiaire de l’indemnité d’invalidité à l’intention des anciens combattants malades et blessés, de façon à leur procurer une sécurité financière accrue. Je suis convaincu que nous y parviendrons.
Le dernier sujet dont je veux vous parler aujourd’hui concerne notre Examen de la prestation des services. Nous avons annoncé récemment que l’examen est achevé, et je suis heureux de vous apprendre que nous avons maintenant un plan qui nous permettra d’offrir les services plus rapidement et avec plus de souplesse, et de mieux les adapter aux besoins des anciens combattants. Nous accordons ainsi une plus grande attention aux anciens combattants lorsqu’ils communiquent avec le ministère pour la première fois. Nous offrons une réponse plus personnalisée qui répond à tous les besoins de l’ancien combattant, et nous veillons à ce que les anciens combattants soient toujours bien accueillis lorsqu’ils communiquent avec nous.
Peu importe si les anciens combattants communiquent avec nous par téléphone, se déplacent à un bureau, vont en ligne ou envoient une demande par la poste, ils doivent toujours obtenir la même expérience positive en matière de service.
En résumé, nous avons compris et nous savons qu’il faut changer le système actuel pour créer un processus qui est facile d’accès, simple à utiliser et centré sur les anciens combattants. Une profonde transformation s’impose. Il ne s’agit plus d’apporter simplement une modification à une politique pour colmater une autre brèche dans le système. Le temps est venu de rebâtir.
Au bout du compte, notre mission consiste à améliorer le bien-être des anciens combattants et de leur famille. Pour ce faire, ils doivent avoir un but, une sécurité financière, un refuge, un soutien médical, un soutien familial et communautaire, et un sentiment d’identité. Nous sommes résolus à les aider à atteindre cet objectif.
Je sais que les employés d’Anciens Combattants Canada continuent à travailler sans relâche pour s’assurer que les anciens combattants canadiens obtiennent tous les avantages et les programmes auxquels ils ont droit, et qu’ils reçoivent ces services avec soin, compassion, et respect.
Dans l’allocution qu’il a prononcée devant votre comité le 12 avril, le chef d’état-major de la Défense, le général Jonathan Vance, a dit que la loyauté est une affaire de réciprocité. Je suis parfaitement d’accord avec lui. En d’autres mots, cela signifie qu’il faut offrir un soutien, des services et des programmes qui répondent aux besoins des anciens combattants, au moment et à l’endroit qui leur conviennent. Merci beaucoup.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de votre exposé. Avant d’entendre les questions de mes collègues, vous avez mentionné, dans votre exposé, l’Examen de la prestation des services. Puis-je vous demander de nous fournir davantage de détails sur cet examen? Nous en avons parlé au cours de nos réunions. Pourriez-vous nous parler du contenu de cet examen, des résultats obtenus, et des changements qu’on prévoit apporter à la suite de cet examen?
M. Hehr : Oui. L’Examen de la prestation des services a débuté à l’automne 2015, et nous l’avons terminé. Nous avons obtenu les résultats. En ce moment, nous mettons en œuvre un grand nombre des éléments initiaux, mais il faudra du temps pour analyser tous les résultats de l’examen et pour transformer l’ensemble de nos services pour qu’ils soient davantage centrés sur les anciens combattants.
En résumé, nous simplifions le programme d’indemnité d’invalidité. Nous améliorons les points d’accès à la prestation des services, que ce soit en personne, par appel téléphonique, par courrier ou en ligne. Nous introduisons un soutien encadré en élargissant notre projet pilote d’agents des services aux anciens combattants, qui a connu un franc succès, et nous améliorons les activités de liaison avec les anciens combattants.
Essentiellement, nous remplaçons un système d’approvisionnement sur demande, dans lequel les anciens combattants devaient nous demander des renseignements pour profiter des programmes dont ils avaient besoin, par un système d’approvisionnement automatique. Permettez-moi de vous donner un exemple. Un ancien combattant qui a besoin d’une marchette s’adressera à nos agents des services ou à notre système de soutien de première ligne, et ces agents se demanderont ensuite quels autres besoins de cet ancien combattant pourraient être comblés par Anciens Combattants Canada. Par exemple, cet ancien combattant a-t-il besoin d’apporter des modifications à un véhicule ou d’avoir accès à d’autres programmes ou à des services du PAAC? L’ancien combattant a demandé une marchette. Il faut donc lui fournir une marchette, et traiter la situation de façon holistique. Les anciens combattants profitent ainsi de toute une gamme d’avantages qui permettront de mieux les soutenir et de les aider à améliorer leur vie.
Un ancien combattant a déjà dit qu’il savait seulement ce qu’il savait. Donc, s’ils ne connaissent pas nos services ou nos programmes, comment pouvons-nous les aider à améliorer leur vie et leur situation? C’est la raison pour laquelle nous adoptons un système d’approvisionnement automatique.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre et monsieur le sous-ministre, de votre présence parmi nous.
À une des réunions précédentes du comité, on a mentionné certains retards dans l’évaluation des prestations accordées aux anciens combattants qui sont libérés pour des raisons médicales. Je suis sûr que vous déployez tous les efforts voulus pour que cette évaluation se fasse le plus tôt possible, afin que les gens puissent bénéficier rapidement de leurs prestations. Qu’est-ce qui vous empêche, dans certains cas, d’intervenir dès que la décision de libération est rendue?
[Traduction]
M. Hehr : Vous parlez essentiellement d’assurer une transition harmonieuse entre la libération des Forces armées canadiennes et l’établissement d’une carrière après le service militaire. En ce moment, cela se produit dans certains cas, mais pas dans tous les cas, et nous nous efforçons donc d’augmenter le nombre de cas de réussite. Par exemple, dans le cadre de l’initiative Fermer la brèche, nous avons déjà intégré, comme je l’ai mentionné dans mon exposé, le personnel d’Anciens Combattants Canada à nos CISP à l’échelle du pays pour mieux servir les militaires malades et blessés qui font la transition entre l’armée et la vie civile.
De plus, le personnel d’Anciens Combattants Canada informe toute personne qui quitte l’armée des programmes offerts par le ministère. En ce moment, nous avons atteint environ 80 p. 100 de cet objectif.
Comme le chef d’état-major de la Défense, M. Vance, l’a dit, notre intention est essentiellement de professionnaliser le processus encadrant le départ de l’armée. Par exemple, lorsqu’un militaire est malade ou blessé, il recevra un chèque de pension et sera inscrit dans les programmes d’Anciens Combattants Canada dont il a besoin. S’il a besoin d’un gestionnaire de cas, il l’obtiendra. S’il a besoin d’aide dans une clinique de traitement des blessures liées au stress opérationnel pour traiter des problèmes de santé mentale, les arrangements nécessaires seront pris. Nous ne laissons personne quitter l’armée avant que ces éléments soient en place, et nous nous efforçons de les mettre en place.
Nous avons eu des réunions productives au cours de l’année dernière avec le chef d’état-major de la Défense, ainsi qu’avec le ministre Sajjan. Je dirais que plusieurs éléments sont organisés et que tous les éléments devraient être prêts bientôt. C’était ce que vous vouliez savoir relativement à la libération des forces armées. Ai-je raison, sénateur?
Le sénateur Dagenais : Oui, vous avez raison. C’est une bonne réponse, monsieur le ministre. Merci.
Le sénateur Lang : Tout d’abord, j’aimerais prendre un moment pour remercier le ministère des Anciens Combattants de la visite qu’il a organisée dans le cadre de la commémoration de Vimy. J’ai eu l’occasion d’y assister pour représenter le Sénat en compagnie de la sénatrice Hubley et du sénateur Campbell. Je vous demanderais donc de remercier les intervenants du ministère au nom de ces sénateurs et en mon nom de leur excellent travail et de leur engagement tout au long de la visite.
Chers collègues, j’aimerais ajouter que cette visite à la crête de Vimy était mémorable, et que le Canada peut être fier. Tous les Canadiens, à un moment ou à un autre, s’ils en ont l’occasion, devraient visiter le site de Vimy et prendre le temps de réfléchir aux événements qui se sont produits là-bas au début du siècle dernier. Monsieur le ministre, j’aimerais vous transmettre mes remerciements.
M. Hehr : Sénateur, je vous remercie de reconnaître les efforts soutenus déployés par les fonctionnaires d’Anciens Combattants Canada, qui ont réellement fait du bon travail pour concrétiser cette mission en France, afin de rendre hommage non seulement à ceux qui ont participé à la bataille de Vimy, mais également pour reconnaître la contribution des 2,3 millions de Canadiens qui ont servi dans les Forces canadiennes depuis que nous sommes devenus une nation, il y a 150 ans.
Vous, moi et les membres de notre délégation avons pu participer à un voyage historique pour commémorer ce service et ces sacrifices, et tout cela a été possible grâce aux fonctionnaires qui ont travaillé sous la direction du général Natynczyk et à d’autres personnes qui ont travaillé sur ce projet, notamment le général Wayne et le brigadier-général Jorgensen, et tous les autres. Une équipe a travaillé 24 heures sur 24 pendant longtemps pour organiser cet événement, et je vous remercie de le reconnaître.
Le sénateur Lang : Comme je l’ai dit, madame la présidente, le Canada a fait du très bon travail, et ça devrait être reconnu.
Je tiens à revenir aux questions que notre présidente a soulevées dès le début sur le système de prestation.
Monsieur le ministre, je fais partie du comité depuis au moins quatre ans, sinon cinq, et il y est continuellement question du nombre de programmes offerts aux anciens combattants, de leur bonne coordination, de leur efficacité réelle, de mesures pour réduire ce nombre plutôt que l’augmenter.
À vous entendre, on a l’impression de voir des programmes s’ajouter à d’autres programmes. D’après moi, ce n’est pas nécessairement la voie à suivre. Peut-être avez-vous une opinion à ce sujet.
M. Hehr : Je m’empresse de vous éclairer. En disant que les services de transition seraient mieux axés sur les anciens combattants j’ai voulu laisser entendre que, dans les services de prestation de notre ministère, le personnel serait entièrement prêt à se mobiliser pour les anciens combattants et leurs familles, qu’il les ferait accéder aux programmes en vigueur dont ils ont besoin pour améliorer leur sort et que, dans de nombreux cas, notre examen de la prestation des services, que nous espérons efficace et dont la portée nous semble grande, permettra de mieux cibler les services, de les rendre plus souples et de mieux les axer vers notre clientèle.
De plus, nous fusionnons des programmes. Nous sommes au beau milieu du regroupement de nos prestations financières et de nos programmes. Par exemple, un de nos fonctionnaires peut répondre de plus de 700 façons à une demande de renseignements d’un ancien combattant ou de sa famille. Mon général, corrigez-moi si je me trompe. C’est-à-dire plus de 700 réponses possibles sur des programmes ou des idées pour améliorer sa situation.
Vous avez raison, c’est beaucoup trop. Nous devons fondamentalement pouvoir assurer la sécurité financière, le mieux-être de notre clientèle, nous assurer qu’elle a retrouvé sa nouvelle normalité et réagir en fonction des différentes périodes dans laquelle elle se trouve dans sa vie.
Le problème est que, nous avons nous aussi besoin de certaines options. Dans notre ministère, nous avons des gens dans la vingtaine et des centenaires. Âges différents, évolution différente, solutions différentes à leurs besoins complexes. Cependant, je comprends. Je suis d’accord avec vous. Nous y travaillons.
Le sénateur Lang : Heureux de l’entendre. Je sais que ce n’est pas une tâche facile : quand on regroupe des programmes, on s’attire des critiques, mais, pour arriver au but, il ne faut jamais perdre de vue l’objectif à long terme.
Revenons maintenant à la prestation même. Vous avez parlé d’un déambulateur. Je sais qu’il sera fourni par le programme médical de la province ou du territoire, et non par les Anciens Combattants. Il me semble que nous devons être très prudents pour que le ministère, en satisfaisant à ces demandes de services médicaux, n’essaie pas d’empiéter sur ces responsabilités.
Je préconiserais qu’on conclue un accord faisant de l’ancien combattant une priorité dans le programme d’assurance-maladie de la province ou du territoire, qu’on expose clairement dans ses grandes lignes ce à quoi il a droit, puis qu’on mette au point une entente contractuelle avec le programme de santé médicale de la province et du territoire.
Ainsi, quand il est question de ces centres, ça exclut les programmes de Grande Prairie, de Thompson ou de Dawson, pas assez importants. Toutefois, si nous avons une entente claire et sans équivoque avec les programmes de santé de chaque province et, s’il y a lieu, de certaines municipalités, peut-être pouvons-nous agir rapidement pour prendre soin de l’ancien combattant et régler son dossier.
M. Hehr : Très juste. Depuis 1968, c’est-à-dire depuis l’avènement du régime national de soins de santé, nous sommes passés à un système où les provinces répondent à la plupart des besoins essentiels des citoyens.
Le ministère des Anciens Combattants a des hôpitaux depuis longtemps. Il a été un modèle. Son premier hôpital, à Sainte-Anne, près de Montréal, date de 1917 et, bien sûr, il en a eu un réseau de neuf ou dix dans l’ensemble du pays pour les anciens combattants. Ce modèle en a amené beaucoup à se demander s’il n’y avait pas lieu d’étendre à l’ensemble des citoyens les soins de santés prodigués aux anciens combattants. Je pense que cela a été le germe du régime national de soins de santé.
Depuis, le ministère s’est retiré de la prestation de soins de santé, comme vous avez dit. Sainte-Anne a été le dernier établissement de soins de longue durée cédé à la province et, encore une fois, nous collaborons avec nos partenaires provinciaux à la prestation de ces soins à nos anciens combattants. Nous payons pour ces services. Nous ne fournissons pas les soins ni l’hébergement. Les listes d’attente commencent parfois à ce point. Nous avons un rôle, mais, vous avez raison, il est limité par ces contraintes.
Nous avons des rapports avec les provinces, et je laisserai au général Natynczyk le soin de préciser les rapports que nous entretenons en matière de services de santé mentale et certaines autres activités qui, peut-être, s’y rattachent.
Général (à la retraite) W. J. Natynczyk, sous-ministre, Anciens Combattants Canada : Comme le ministre l’a dit, l’administration fédérale, y compris les Anciens Combattants, ne fournit pas de services de soins de santé aux anciens combattants. Le premier payeur est toujours la province ou le territoire. Cependant, si un ancien combattant subit une blessure ou un handicap ou tombe malade, du fait du service, la province ne paie rien, c’est le vétéran qui en ferait les frais, puis, comme l’a dit le ministre, nous le remboursons. De plus, étant donné les problèmes de santé mentale qui existent dans la société canadienne, le ministère a, depuis 2002, formé des partenariats avec les provinces pour améliorer l’accès aux spécialistes de la santé mentale de tout le pays. Encore une fois, l’appui ne provient pas du ministère, mais des provinces, contre remboursement. Nous n’appuyons pas seulement les 11 cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel, mais aussi 4 000 professionnels de la santé mentale de tout le pays.
Pour le déambulateur fourni par la province ou le territoire, notre contribution est nulle. Toutefois, si l’ancien combattant en faisait les frais, et, dans chaque province, les arrangements diffèrent quelque peu, alors le ministère viendrait à la rescousse.
Le sénateur Lang : Êtes-vous en train de dire que vous avez signé des ententes contractuelles avec chacune des provinces et chacun des territoires et que l’ancien combattant se voit accorder la priorité des services? Sinon, ne devrions-nous pas en conclure, pour avoir l’assurance qu’il est le premier dans la file d’attente?
Gén. Natynczyk : Je dis que, pour la santé mentale, le ministère des Anciens Combattants a conclu des ententes contractuelles avec 10 établissements où les provinces et les autorités municipales fournissent des soins aux anciens combattants ainsi qu’aux anciens agents de la GRC. Pour les services, par exemple déambulateurs, produits pharmaceutiques et d’autres besoins en matière de soins de santé, pour soigner une lésion ou un handicap découlant du service, nous remboursons ces frais à l’ancien combattant.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Bonjour, messieurs, et merci de votre présentation qui comporte des engagements très précis. On constate qu’il y aura des investissements additionnels et que vous avez le souci d’intégrer les services et de les rendre plus cohérents.
Ma préoccupation porte non pas sur la saine utilisation des fonds, mais sur la culture de service. Nous avons entendu ici des groupes d’anciens combattants, mais aussi deux ombudsmans de la Défense nationale et des Anciens Combattants qui nous ont parlé d’une approche qui ressemble parfois à celle d’une compagnie d’assurance qui cherche à minimiser ses investissements et à gérer ses risques. Je ne veux pas noircir la situation. Je pense que la majorité des prestations sont rendues dans le cadre d’une véritable culture de service. Envisagez-vous des mesures pour favoriser une culture de service de sorte que les anciens combattants ne soient pas perçus comme voulant abuser des programmes, mais plutôt comme des personnes qui ont servi leur pays et qu’on veut aider dans une période de transition difficile?
[Traduction]
M. Hehr : Excellente question. Dès le premier jour, nous avons commencé à examiner la situation et nous nous sommes dit que nous voulions que l’ancien combattant soit mieux en mesure d’obtenir les services à l’endroit et au moment où il en a besoin. Nous lui accordons le bénéfice du doute. Nous ne faisons pas comme les compagnies d’assurances. C’est notre ligne de conduite si on peut raisonnablement relier la maladie ou la blessure au service, même si le lien peut être quelque peu ténu. Vous comprenez. Peut-on les relier d’une certaine manière au service militaire? Nous essayons d’y répondre de cette manière complète.
Vous pouvez constater les résultats de ce changement survenu depuis notre élection. Depuis, nous avons connu, au ministère, une augmentation de 18 p. 100 du nombre de demandes. Ce changement explique en grande partie l’accroissement des demandes reconnues par le ministère, dont beaucoup avaient été refusées par le passé.
Il faut se réjouir que plus de demandeurs reçoivent l’aide nécessaire grâce à ce changement de mentalité que nous avons instauré de haut en bas de l’échelle.
Je ne peux rien dire de la situation antérieure, mais je peux vous renseigner sur ce que nous faisons maintenant. Nous voulons agir de même sur notre prestation de services.
[Français]
Gén. Natynczyk : Comme vous l’avez mentionné, sénatrice, le défi, c’est toujours le changement de culture. Avec l’approbation du ministre, nous avons changé la culture du ministère, c’est-à-dire en prenant en charge les services offerts à nos anciens combattants avec compassion et respect.
[Traduction]
Au ministère, le ministre a donné le feu vert à une stratégie de soins, de compassion et de respect, qui concrétisera l’injonction de la Loi sur les pensions, c’est-à-dire donner aux anciens combattants le bénéfice du doute. C’est vrai dans tout le ministère. Notre mission est de fournir des soins. Faute de pouvoir trancher, nous privilégions la compassion, en témoignant toujours du respect au vétéran et à sa famille.
Pour l’exécution d’une décision, le dossier médical ne décrit pas toujours exactement les vicissitudes du service de l’ancien combattant. Beaucoup de fantassins, de conducteurs de chars, de marins, d’aviateurs ou d’aviatrices malades ne consultent pas le médecin. Ils prennent peut-être un comprimé de Tylenol et retournent au travail. Le dossier risque d’être incomplet. Cependant, le fait même qu’il est fantassin, artilleur, technicien de la recherche et du sauvetage ou technicien médical compte, tout comme ses missions au Rwanda, en Somalie, au Kosovo ou en Bosnie. Nous sommes en mesure d’élargir le modèle des éléments de preuve par l’examen des dossiers de la personne.
Il s’ensuit, comme le ministre l’a dit, que le nombre d’autorisations accordées pour les handicaps a augmenté. Par exemple, le dossier d’un fantassin, d’un parachutiste qui a fait des centaines de sauts, peut ne signaler aucune blessure aux chevilles, aux genoux ou aux hanches. Si, ensuite, la personne éprouve des problèmes dans toutes ses articulations, le modèle prescrit l’acceptation de sa demande.
M. Hehr : Nous rationalisons aussi le processus de traitement des dossiers des prestations d’invalidité. Il est très important de souligner que, depuis notre élection, nous avons embauché plus de personnel. Ils sont 400 employés de première ligne à travailler dans tout le système, en passant par les agents chargés de la gestion des cas et les agents affectés à la prestation des services et ainsi de suite, ce qui nous permet d’aider l’ancien combattant et sa famille. Nous simplifions aussi l’arborescence de la prise de beaucoup de décisions. Par exemple, nous simplifions le traitement des demandes en matière de santé mentale. L’ancien combattant éprouve-t-il des problèmes de santé mentale? Voilà! Il obtiendra l’aide nécessaire. Nous verrons bien plus tard quelle en était la cause.
Par exemple, nous rationalisons de même le processus concernant les lésions musculo-squelettiques. Nous améliorons le traitement de l’immense majorité de ces demandes. Elles sont bien fondées et elles ont des causes profondes. Les anciens combattants ont besoin d’aide; aidons-les.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : J’ai une deuxième question qui concerne vos objectifs de délocalisation. En réaction à la fermeture de neuf bureaux au cours des dernières années, vous affirmez que vous allez rouvrir des bureaux. Seront-ils rouverts aux mêmes endroits? En termes d’investissement, y aura-t-il la possibilité d’adopter d’autres approches, de type « outreach », c’est-à-dire, afin d’aller vers les anciens combattants? Ces immeubles entraîneront beaucoup de dépenses. Quelle est votre vision par rapport à la réouverture des bureaux?
[Traduction]
M. Hehr : Nous sommes fiers de la réouverture de ces neuf bureaux à l’endroit même où ils ont été fermés, et je crois que cela s’est concrétisé maintenant pour huit d’entre eux. Il faut en rouvrir deux autres.
Voyons les choses en face. Il y aura une cohorte sans cesse changeante d’anciens combattants qui se déplacent dans le pays. Nous en avons localisé une à Surrey, en Colombie-Britannique, où il s’en trouve un grand bassin, ce qui nous a amené à y ouvrir un bureau.
Encore autre chose : pour la première fois nous cherchons des prises de contact dans le Nord. Ce n’est pas à partir d’un emplacement physique, mais par une équipe d’accès à distance affectée à cette vaste région, où de nombreux anciens combattants choisissent de prendre leur retraite, parce qu’ils ont servi là-bas. Nous sommes en mesure de leur fournir l’aide dont ils ont besoin pour cette raison.
Nous croyons que le choix de ces bureaux s’insère dans notre examen de la prestation des services. Peu importe le moyen choisi pour nous contacter, que ce soit en personne, par courrier, ordinateur, signal de fumée, nous pourrons les aider et améliorer leur sort. Cela fait partie de notre rôle.
La sénatrice Saint-Germain : Si j’ai bien compris, la réouverture des bureaux fait partie de la stratégie de prise de contact.
M. Hehr : Bien sûr. D’après notre analyse, ces services sont nécessaires, et nous continuerons de trouver des anciens combattants et de nous établir à côté d’eux.
La sénatrice Boniface : Merci monsieur le ministre et merci, général, d’être ici. Nous apprécions certainement vos efforts.
Voyons un peu la santé mentale. L’un des enjeux soulevés par l’un des groupes de défense venus témoigner était l’accessibilité des services de santé mentale, particulièrement dans les collectivités de tout notre pays.
Je viens d’une assez petite ville. Je sais donc à quel point les services de santé mentale y sont limités. Vous y ajoutez les besoins particuliers que les anciens combattants auraient en santé mentale.
Je pense que, dans notre pays, le problème d’accès est général pour tous. Ajoutez-le aux besoins très particuliers des anciens combattants et à l’une de leurs principales demandes : pouvoir consulter des psychologues qui comprennent les conditions vécues en zones de guerre.
Je me demande si vous avez travaillé à l’accessibilité locale. Ensuite, prévoyez-vous une évaluation du genre de formation à donner aux psychologues pour fournir les services spécialisés?
M. Hehr : Excellente question. Actuellement, nous prodiguons un appui en santé mentale aux anciens combattants et à leurs familles du fait de leur rôle particulier dans les Forces armées canadiennes et des souffrances qu’ils ont endurées pour cette raison.
Nous collaborons avec 4 000 professionnels de la santé mentale de tout le pays qui accordent à nos anciens combattants ces formes d’appui. Nous disposons d’un réseau opérationnel de 11 cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel. Elles sont principalement consacrées au traitement des troubles de santé mentale apparus par suite du service militaire. Elles sont réparties sur l’ensemble du territoire. En fait, nous venons d’en ouvrir une à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, pour aider aux anciens combattants de cette collectivité. Nous en sommes donc très fiers. Nous fournissons des services dans cette région.
Nous avons aussi un numéro spécial SOS santé mentale qui offre un service permanent et, pour être juste, quand un ancien combattant appelle pour parler de problèmes de santé mentale, il devient pour nous une priorité. Comme l’a dit le général, notre partenariat avec les provinces dans les questions de santé mentale est très fort, et interconnecté. Nous avons accès à ces 10 endroits où nos anciens combattants peuvent recevoir de l’aide.
En général, l’ensemble me paraît bien fonctionner. Aucun système n’est parfait. Nous devons continuer à être agiles, à faire des recommandations et à trouver des solutions meilleures. Nous disposons de deux moyens à cette fin. L’un d’eux est que, conformément au budget de 2017, nous donnons suite à l’ouverture d’un centre d’excellence en santé mentale et pour le syndrome de stress post-traumatique. Nous lui donnons aussi des moyens : 17,5 millions de dollars au cours des quatre années à venir, à investir dans la recherche de pointe pour étudier le problème et élaborer des pratiques exemplaires que nous pourrons appliquer en première ligne pour mieux appuyer nos anciens combattants et leurs familles. Nous en sommes très fiers.
Le deuxième moyen, que nous annoncerons sous peu, est notre stratégie de prévention du suicide auquel nous travaillons avec le ministre Sajjan. Voyons les choses en face. Un suicide, c’est un de trop, et nous sommes tenus de faire de notre mieux pour en reconnaître les signes précurseurs, collaborer avec les anciens combattants aux prises avec un problème et obtenir pour eux l’aide dont ils ont besoin.
Nous ne nous reposons pas sur nos lauriers; nous voulons nous attaquer à ce problème d’une manière ferme, réfléchie et fondée sur des données probantes en vue d’obtenir de meilleurs résultats.
Gén. Natynczyk : Si je peux ajouter quelque chose aux observations du ministre, sachez que ce qui est le plus difficile, c’est d’amener la personne qui souffre d’un problème de santé mentale à consulter au départ puis à admettre qu’elle a un problème. L’entrée se fait souvent par la porte arrière. C’est donc la plus grande difficulté.
Pour revenir au changement de culture, prenons par exemple un ancien combattant qui a servi dans les forces armées et qui a reçu un diagnostic de trouble de santé mentale. D’après nos statistiques, plus de 90 p. 100 des demandes sont approuvées dans le cadre du processus d’évaluation de l’admissibilité. Cependant, les gens doivent s’adresser à nous directement. C’est seulement de cette façon que nous pourrons leur donner accès aux traitements. Plus vite nous rencontrerons ces gens, plus vite nous pourrons les aider à s’en sortir.
Quant aux demandes qui sont refusées, soit les gens n’ont pas servi dans les Forces armées canadiennes, soit ils n’ont pas reçu de diagnostic. Nous sommes près du 100 p. 100 lorsqu’une personne déclare avoir un problème et qu’un diagnostic peut l’étayer.
Pour répondre à votre question, nos gestionnaires de cas dans tous les bureaux additionnels et tous les bureaux partout au pays, de même que les agents des services aux vétérans savent qu’ils peuvent compter sur les professionnels de la santé qui sont autorisés à dispenser des services à nos anciens combattants. Encore une fois, nous avons un médecin-chef et un psychiatre pour veiller à ce que les professionnels de la santé, les psychiatres, les psychologues et les infirmiers spécialisés en santé mentale aient le niveau de certification requis et soient en mesure d’offrir les soins adéquats. Parfois, le premier partenariat ne donne pas les résultats escomptés, mais en travaillant avec les anciens combattants, nous nous assurons qu’ils ont accès aux professionnels de la santé dont ils ont besoin.
De plus, dans les collectivités éloignées, nous avons recours à la télémédecine. Par exemple, un praticien de l’hôpital Deer Lodge, à Winnipeg, peut communiquer directement avec une personne qui se trouve à Thompson ou Churchill, au Manitoba, ou n’importe où ailleurs.
Nous tirons profit de la technologie pour que l’ancien combattant reçoive les meilleurs soins possible.
M. Hehr : Si je puis me permettre, grâce à l’embauche de 400 nouvelles recrues, nous voulons atteindre un ratio de 25 anciens combattants pour un gestionnaire de cas. C’est très important. Lorsque je suis entré en fonction, le ratio était beaucoup plus élevé; on parlait de 35, 40 ou même 45 anciens combattants pour un gestionnaire de cas, et ce ratio repose sur les pratiques exemplaires d’autres bureaux des anciens combattants et d’autres services sociaux. Cela constitue un élément très important des nouvelles embauches.
La sénatrice Boniface : Merci. Si j’ai soulevé la question, c’est seulement parce qu’un des groupes de défense l’avait portée à notre attention. On se demandait si les professionnels qui dispensaient les services aux anciens combattants avaient l’expertise nécessaire, alors je vous remercie de votre réponse.
Dans une vie antérieure, lorsque j’étais policière, les appels liés aux problèmes de santé mentale ont toujours représenté une part importante de notre travail, et je crois que cette part est encore plus importante aujourd’hui. Je me demandais si vous collaboriez avec les corps policiers qui répondent à ce type d’appels pouvant provenir d’anciens combattants.
M. Hehr : Si j’ai bien compris votre question, sachez que nous collaborons avec la GRC. Nous savons qu’ils travaillent en première ligne. Ce sont eux qui traitent avec les gens qui ont eu une mauvaise journée, qui sont aux prises avec des situations difficiles et qui voient des atrocités au quotidien.
Je viens tout juste de participer à une séance au cours de laquelle on a appris que les agents de première ligne étaient témoins de 600 à 1 000 situations qui pourraient amener le citoyen ordinaire à réfléchir et à développer de graves problèmes de santé mentale.
Dans le cadre d’un protocole d’entente, nous collaborons avec la GRC pour être en mesure de suivre ce processus et d’appuyer nos agents. Il nous a fallu plus de 60 ans pour mettre en œuvre certains programmes et avantages à l’intention des membres actifs de la GRC. Nous offrons des indemnités d’invalidité liées au service, des avantages médicaux pour des affections ouvrant droit à pension et un accès au réseau de cliniques pour traumatismes liés au stress opérationnel d’ACC et du MDN.
Par conséquent, les agents de la GRC qui viennent chercher de l’aide auprès d’Anciens Combattants Canada ne seront pas refusés. Ils ont également à leur disposition des services de counseling et de gestion de la transition.
La GRC établit l’orientation et détermine les programmes et les services qui sont offerts à ses membres actuels et ses anciens membres, et finance les avantages et les services que fournit Anciens Combattants Canada à ses vétérans.
La sénatrice Boniface : Monsieur le ministre, si vous me permettez, je parlais plutôt de l’intervention des policiers. Lorsqu’il s’agit d’anciens combattants en situation de crise, est-ce que vous collaborez avec les services de police, de manière à ce que les agents puissent offrir l’aide qui s’impose?
Gén. Natynczyk : Nous travaillons avec la police. En fait, nous avons produit une vidéo de concert avec l’académie de perfectionnement des policiers. Nous avons créé une trousse de formation qui s’adresse aux policiers de partout au pays sur la façon d’intervenir auprès des anciens combattants, qu’ils soient sans-abri ou en situation de crise. Nous avons collaboré avec un collège communautaire de Charlottetown. C’était il y a environ un an et demi. Les services de police peuvent donc y recourir pour enseigner à leurs agents, partout au pays, comment intervenir auprès des anciens combattants en situation de crise, ceux qui vivent dans la rue et ceux qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale. Ils sont ainsi mieux informés des ressources offertes par ACC et mieux en mesure de les orienter.
M. Hehr : J’avais mal compris la question. Je suis désolé.
Le sénateur Manning : Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
Pour revenir à votre déclaration, monsieur le ministre, corrigez-moi si je me trompe, mais vous avez dit que chaque année, 9 000 membres sont libérés des Forces armées canadiennes.
M. Hehr : En moyenne.
Le sénateur Manning : Vous avez dit que 73 p. 100 de ces vétérans réussissent leur transition, alors que 27 p. 100 d’entre eux éprouvent des difficultés. Pourriez-vous nous fournir une ventilation selon le sexe? De plus, quels sont les principaux problèmes auxquels sont confrontés ces anciens combattants?
M. Hehr : Je ne suis pas sûr que nous ayons des chiffres là-dessus. Lorsque j’aurai terminé ma réponse, je vais laisser le général contrevérifier cette information.
Lorsqu’ils quittent les Forces armées canadiennes, les anciens combattants peuvent éprouver toutes sortes de problèmes. Autrement dit, lorsqu’ils enlèvent leur uniforme pour la dernière fois, c’est un moment très difficile. Ils avaient un sentiment d’appartenance, une grande camaraderie et un but dans la vie. Par conséquent, lorsqu’ils quittent les forces, surtout s’ils sont blessés ou malades, c’est un grand traumatisme. Ils voulaient servir leur pays, et leur carrière a été écourtée pour une raison ou une autre. Il est souvent difficile de faire face à cette nouvelle réalité.
C’est ce que nous essayons de faire — leur trouver une place afin qu’ils se sentent de nouveau utiles. Au bout du compte, ils ont besoin d’une raison d’être. Ils pourraient notamment suivre un cours ou obtenir un nouvel emploi, par l’intermédiaire des Services de transition de carrière qui, soit dit en passant, font du bon travail. Ils pourraient également recevoir du soutien en matière de santé mentale, ne serait-ce que pour pouvoir sortir à nouveau de la maison après avoir souffert d’un problème de santé mentale lié à leur service militaire. Il y a donc toutes sortes de moyens possibles.
Comme je l’ai dit dans ma déclaration, la situation de chaque ancien combattant est unique et différente, et ce chiffre de 27 p. 100 est beaucoup trop élevé, surtout lorsqu’on sait qu’à leur entrée dans les forces armées, leur capacité physique et mentale était à 100 p. 100. Ils participent à des missions à l’étranger et servent notre pays. Ils acquièrent des compétences uniques et sont capables de faire partie d’une équipe, de recevoir des ordres et d’y donner suite, ce qui constitue des compétences importantes.
En fait, une grande partie des efforts que nous avons déployés jusqu’ici visait à améliorer la situation, et j’aimerais m’attarder sur la façon dont nous nous y prenons.
À l’heure actuelle, dans le budget de 2017, nous avons prévu une allocation pour études destinée aux anciens combattants qui peut atteindre 40 000 $ en frais de scolarité et autres coûts pour les anciens combattants qui comptent au moins six années de service et jusqu’à 80 000 $ pour ceux qui en comptent au moins 12. Une somme pouvant atteindre 5 000 $ peut servir à payer des cours de perfectionnement professionnel, comme l’obtention d’un permis d’agent immobilier. Une personne pourrait aussi vouloir se consacrer à la massothérapie ou au toilettage de chiens, peu importe. Les Services de transition de carrière aident les anciens combattants à obtenir un emploi. Lorsqu’on décroche un nouvel emploi, on retrouve une vie normale, et on devient comme tout le monde. On peut même se plaindre de son patron.
Je considère que les mesures prises dans le cadre du budget de 2017 vont vraiment changer la donne pour les anciens combattants. Nous voulons offrir aux gens des options qui les aideront à bâtir leur avenir. Évidemment, la situation ne changera pas du jour au lendemain, mais j’ai hâte de voir où nous en serons dans 10 ans.
Je ne voudrais pas paraître pessimiste, mais si nous pouvions ramener le taux à 20 p. 100 au cours des 10 prochaines années, ce serait déjà un grand pas. Nous croyons être en mesure de réussir.
Gén. Natynczyk : Monsieur le sénateur, je tiens à préciser que les pourcentages se rapportant à la transition des anciens combattants sont tirés d’une étude que nous réalisons tous les trois ans, qui s’intitule Études sur la vie après le service. Ces chiffres sont assez constants : 73 à 75 p. 100 des anciens combattants réussissent bien leur transition alors que 27 ou 25 p. 100 éprouvent des difficultés.
En ce qui concerne ces derniers, c’est exactement comme le ministre l’a dit. Souvent, ils n’ont plus vraiment de raison d’être, que ce soit un emploi, une carrière ou une activité dont ils sont complètement satisfaits. Il y a une corrélation directe.
Les personnes les plus à risque — et nous pouvons vous transmettre les Études sur la vie après le service — sont souvent les subalternes. Ce sont des soldats, des caporaux, des caporaux-chefs et des sergents. Ils quittent le service volontairement ou pour différentes raisons. Il leur manque 20 ans de service pour être admissibles à leur pension de retraite. De plus, lorsqu’ils travaillent au sein de l’infanterie, de l’arme blindée ou de l’artillerie, leurs compétences ne peuvent pas vraiment servir au sein de la société civile. C’est la même chose pour les maîtres d’équipage dans la marine.
Je n’ai pas la ventilation pour ce qui est du nombre d’hommes et de femmes, mais nous pourrions certainement vous obtenir cette information.
M. Hehr : Concernant la ventilation selon le sexe, nous avons quelques données. Évidemment, il y a plus d’hommes que de femmes dans l’armée, à l’heure actuelle, bien que nous nous soyons fixés l’objectif d’avoir des effectifs composés à 25 p. 100 de femmes dans les FAC. Cependant, si vous prenez la proportion des femmes qui ont servi dans l’armée et qui se retrouvent dans des refuges pour sans-abri, je crois savoir qu’elles sont beaucoup plus nombreuses que les hommes.
On a procédé à une analyse sexospécifique dans certains cas, et nous devons continuer de nous pencher là-dessus au sein de notre ministère pour déterminer comment mieux servir nos hommes et nos femmes.
Le sénateur Manning : Très brièvement, étant donné la moyenne de 27 p. 100 — et je suis conscient que ce sont des moyennes ici —, on parle d’un peu plus de 2 400 personnes.
Je conviens qu’il y a certains anciens combattants qui vont eux-mêmes aller chercher de l’aide. Cependant, en ce qui concerne les sans-abri — et j’ai moi-même rencontré plusieurs d’entre eux dans la rue —, je me demandais quels sont les efforts qui sont déployés pour interagir avec eux.
Je sais que nous sommes tous préoccupés par la situation. Quels sont les mécanismes en place pour tendre la main à ces gens?
M. Hehr : L’itinérance chez les anciens combattants est inacceptable au Canada. À vrai dire, j’appartiens à l’école de pensée qui croit profondément qu’aucun Canadien ne devrait être sans domicile. Il faudra donc adopter une approche pangouvernementale.
Évidemment, il y a notre stratégie nationale en matière de logement, dans laquelle le gouvernement s’engage à investir plus de 11,2 milliards de dollars sur 10 ans dans les initiatives de logement. Les anciens combattants ont été désignés comme un groupe prioritaire pour ce programme, car nous savons qu’un grand nombre d’entre eux en arrachent, et le nombre de sans-abri est beaucoup plus élevé que nous le voudrions.
Sachez que nous nous sommes penchés là-dessus au sein de notre ministère. Le Secrétariat des programmes prioritaires pour les vétérans essaie justement de trouver des solutions à l’itinérance. Au bout du compte, on a beau dire que cela relève de la compétence provinciale, et un peu de la compétence fédérale, chaque année, lorsqu’on publie l’étude sur les vétérans sans-abri, vers qui on se tourne pour remédier au problème? Le ministre des Anciens Combattants. Nous nous en sommes rendu compte lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, et j’en ai discuté avec le général. Nous travaillons à ce dossier, de concert avec le secrétariat, afin d’assurer à ces gens de meilleurs services, un meilleur soutien et une meilleure transition en fonction de l’approche Logement d’abord. Avons-nous réglé la situation? Non. Toutefois, nous y travaillons, et nous y avons affecté des gens très compétents.
De plus, dans le dernier budget, nous avons établi un Fonds d’urgence pour les vétérans. Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est la première fois que nous avons cette capacité de fournir une aide immédiate aux vétérans. Prenons par exemple un ancien combattant qui est sur le point d’être évincé de son appartement et qui a besoin de financement à court terme. Nous avons maintenant le pouvoir et l’argent disponible au sein de notre ministère pour venir en aide à ce vétéran qui fait face à une situation unique. Il me semble que le ministère aurait dû bénéficier de ce pouvoir depuis longtemps, n’est-ce pas? Toutefois, ce n’était pas le cas. Il fallait s’adresser à des organismes de bienfaisance et à d’autres fonds non publics pour aider dans pareils cas. Nous avons maintenant cette souplesse.
Nous reconnaissons maintenant que nous devons en faire davantage pour prévenir l’itinérance, notamment en offrant de meilleurs services dans le cadre de la stratégie nationale en matière de logement.
Général, avez-vous quelque chose à ajouter?
Gén. Natynczyk : J’aimerais dire quelques mots, si je peux me permettre, monsieur le ministre. Notre approche consiste à trouver, informer et aider les anciens combattants en crise. Pour ce faire, nous travaillons en partenariat avec la Légion royale canadienne et les services de transition d’urgence pour les vétérans, ou VETS Canada. Le ministère finance VETS Canada, qui compte des groupes partout au pays qui travaillent sur le terrain et qui cherchent les anciens combattants sans-abri.
Dans certains cas, les anciens combattants ne veulent pas qu’on les trouve. C’est là toute la difficulté. J’ai moi-même sillonné les rues d’Ottawa. Certains d’entre eux ne veulent pas qu’on les trouve. Nous collaborons avec les gens de la Légion royale canadienne et nos gestionnaires de cas, et nous savons que les anciens combattants sortent par la porte arrière. Nous parcourons les rues avec des policiers qui sont des vétérans et qui connaissent les anciens combattants.
Cependant, lorsque l’ancien combattant accepte notre aide, grâce au fonds d’urgence dont le ministre vient de parler, nous pouvons le placer dans un refuge et traiter son dossier. Comme on l’a mentionné tout à l’heure, nous avons apporté des modifications à la façon dont nous évaluons les problèmes de santé mentale, et le taux d’acceptation est plus élevé. Les anciens combattants ont donc un meilleur accès au traitement dont ils ont besoin. Nous pouvons ensuite les aiguiller vers des services de réadaptation professionnelle; et maintenant, grâce aux nouvelles initiatives, nous pouvons leur trouver un emploi ou les envoyer à l’école.
Le sénateur Manning : Merci.
La présidente : Nous avons entendu au sein du comité qu’il y a un important problème de reddition de comptes au sein du processus de transition. Je crois savoir — et corrigez-moi si je me trompe — qu’il y a actuellement au moins 15 organisations différentes qui s’occupent du processus de transition des membres, chacune ayant son propre cadre de responsabilisation, son mandat et son processus. L’ombudsman des vétérans et l’ombudsman des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale conviennent qu’il y a beaucoup trop de points de contact de différentes organisations et que cela sème souvent la confusion chez les anciens combattants.
Avez-vous des plans d’avenir qui pourrait comprendre un guichet unique?
M. Hehr : Je pense que c’est dans cette direction que nous avançons quand nous nous employons à mettre sur pied une transition complète et sans heurt, afin que, dès le premier jour, les gens qui quittent les Forces armées canadiennes reçoivent leur chèque de pension, aient accès à tous les services dont ils ont besoin et disposent de tout ce qu’il leur faut pour réussir dans leur collectivité. Et si ces soldats sont malades ou blessés, il faut que tous les services qu’ils ont besoin d’obtenir auprès d’Anciens Combattants Canada soient organisés dès le début et qu’ils aient accès à un soutien en matière de gestion de cas et de santé mentale, s’il y a lieu.
Le général Vance a déclaré publiquement qu’il ne libérerait pas les membres des forces armées tant qu’ils auraient besoin d’un abri contre les intempéries de la vie et que ces prestations ne seraient pas prêtes.
Je crois que vous faites allusion aux nombreuses organisations avec lesquelles Anciens Combattants Canada fait équipe. Pour être honnête, il faut qu’elles rament toutes dans la même direction. Qu’il s’agisse de Wounded Warriors, de la Compagnie Canada ou du programme Opération Entrepreneur du prince de Galles, ces organisations assurent la prestation de services différents et uniques, et elles aident les anciens combattants dans différents domaines. Elles rendent toutes des services légèrement différents. Par conséquent, nous devons nous assurer que les services que nous offrons s’harmonisent avec les leurs.
Par ailleurs, dans le cadre de nos Services de transition de carrière, nous allons permettre à des organismes externes de s’organiser afin de tirer parti des 2 000 $ de financement que nous leur offrons afin qu’entre autres, elles aident les gens à trouver des emplois, à apprendre un métier ou à décrocher le premier poste dont ils ont besoin en travaillant avec un accompagnateur en gestion de carrière. Nous avons besoin du soutien de tous ces organismes. Ce que j’ai découvert en ma qualité de ministre des Anciens Combattants, c’est que nous ne pouvons pas faire tout cela par nous-mêmes; nous avons, en fait, besoin de leur aide.
Le sénateur Lang : Je tiens à faire un suivi, et le temps n’est plus notre allié en ce moment. J’ai demandé précédemment si nous avions négocié des accords officiels avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour tous les aspects qui relèvent de ces gouvernements, que ce soit au chapitre de l’éducation, de la santé ou de tout autre secteur dans lequel Anciens Combattants Canada assume les frais des services que ces gouvernements fournissent dans le cadre d’un contrat.
Autrement dit, je vous pose la question suivante : avez-vous conclu une entente selon laquelle un vétéran peut communiquer avec les employés du ministère de l’Éducation du Yukon et leur dire : « Je souhaite suivre un programme d’études », et ils lui répondront qu’il est le premier sur la liste parce qu’il est un ancien combattant et qu’en conséquence, il n’aura pas à attendre deux ans »?
M. Hehr : Sénateur, je crois comprendre qu’en ce moment, nous avons négocié des accords en matière de soins de longue durée avec certaines provinces et certains établissements. De plus, je crois comprendre que nous avons mis en place quelques systèmes de soutien en ce qui concerne les soins de santé mentale prodigués dans nos cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel et la façon dont ils le sont. À ma connaissance — et il se pourrait que je sois dans l’erreur —, nous n’avons pas conclu des ententes en matière d’éducation avec les provinces ou leurs équivalents. Nous fournissons du financement. De toute évidence, les provinces sont responsables de l’éducation fournie dans les universités et les collèges, et un programme de demandes existe à cet égard. Ai-je raison?
Le sénateur Lang : Je ne vais pas insister là-dessus — ou peut-être vais-je le faire. J’aimerais que vous entrepreniez de demander au ministère des Anciens Combattants d’étudier ce dossier particulier afin de déterminer si les provinces et les territoires pourraient s’entendre pour accorder la priorité à un vétéran qui présente une demande d’admission à l’un de leurs programmes, au lieu de procéder au petit bonheur en s’adressant à un établissement à la fois. Seriez-vous disposé à entreprendre ce projet?
M. Hehr : Nous pouvons étudier ce projet.
Le sénateur Lang : Merci. C’est tout ce que je demande.
M. Hehr : Je prends toujours très au sérieux ce que les sénateurs disent. Par conséquent, je le ferai bien sûr.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je suis conscient que vous faites des efforts pour améliorer la situation, car tout n’est pas parfait. Il y aura toujours des contestations ou de l’insatisfaction. Avez-vous établi un mode de traitement des plaintes qui soit rapide et efficace, pour que les anciens combattants reçoivent une réponse ou une décision dans un délai raisonnable?
[Traduction]
M. Hehr : Il y a deux choses dont je suis fier. Notre ministère s’apprête à mener une enquête auprès des clients du ministère des Anciens Combattants et, ainsi, nous commencerons à obtenir des commentaires sous cette forme. Nous n’avons pas fait cela depuis longtemps, et nous pensons qu’il importe d’obtenir un véritable échantillon de nos services. Notre enquête nationale a pour but de recueillir des renseignements supplémentaires sur la mesure dans laquelle nos prestations et nos services répondent aux besoins des anciens combattants et des personnes que sert maintenant Anciens Combattants Canada. Nous croyons qu’il s’agit là d’une étape importante en vue d’être en mesure d’obtenir plus d’information de ce genre.
En ce qui concerne le processus décisionnel, si un ancien combattant demande une prestation qui ne lui est pas accordée ou s’il n’approuve pas la décision prise, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) qui est sans lien de dépendance fournit un système satisfaisant doté de deux paliers d’appel. Nous paierons les honoraires d’un avocat qui organisera votre demande d’appel aux deux paliers, passera en revue les preuves médicales et les reliera à votre service militaire. C’est une façon raisonnable de procéder. Chaque audience donne lieu à un nouveau processus d’appel. Vous pouvez présenter de nouvelles preuves dans le cadre des processus à chacun de ces paliers d’appel. En ajoutant à cela notre démarche qui consiste à accorder le bénéfice du doute aux vétérans, j’ai bon espoir que les vétérans obtiendront les prestations auxquelles ils ont droit. J’espère que nous disposons d’un système raisonnable qui reconnaît également la nécessité d’attribuer au service les maladies et les blessures.
La présidente : En ce qui concerne le problème des gens qui sont invités à partir en raison de blessures ou d’invalidités permanentes, tous les groupes d’experts que nous avons accueillis ont parlé des évaluations médicales effectuées par le ministère. Ce que je trouve déroutant, monsieur le ministre, c’est que les Forces armées canadiennes disposent d’un dossier concernant la personne qui, j’imagine, découle d’une évaluation menée par les forces. Puis quand la personne quitte les forces, votre ministère recommence le travail à zéro.
Je suis perplexe. Pourquoi ne pouvez-vous pas utiliser l’évaluation menée par les Forces armées canadiennes? Pourquoi devez-vous tout réévaluer? Je ne comprends toujours pas pourquoi cela est nécessaire.
M. Hehr : Madame, je conviens entièrement avec vous que nous devrions faire mieux à cet égard. En fait, nous le faisons. Étant donné que les dossiers médicaux des Forces armées canadiennes ont été récemment numérisés, nous pouvons aisément partager les renseignements requis pour déterminer l’admissibilité au soutien offert par ACC. Grâce à cela, nous avons eu recours au modèle décisionnel simplifié pour traiter 56 p. 100 des demandes, et nous avons réduit de 54 p. 100 le délai moyen de transfert des dossiers médicaux de service des FAC à ACC, en le faisant passer de 35 à 19 jours. Je pense que c’est important.
Nous avons également simplifié le processus pour les affections les plus courantes, dont la perte auditive, les TSPT et les troubles musculosquelettiques.
Le général Vance a mentionné que, lorsqu’un diagnostic est rendu dans les forces, nous devons assurer un suivi et reconnaître que ce sera toujours attribuable au service dans les années à venir. Je comprends que nous faisons preuve de bonne foi en faisant la transition vers ce système et en nous abstenant de faire marche arrière complètement. Je vais demander au général de combler les lacunes.
Gén. Natynczyk : Sénateur, les anciens combattants qui s’adressent à nous le font au cours de différentes périodes de leur vie. Par exemple, 25 p. 100 de l’ensemble de notre clientèle font appel à nous alors qu’ils portent encore l’uniforme des Forces armées canadiennes. Ce sont des gens qui ont subi des blessures pendant leur instruction de base, pendant qu’ils suivaient une formation ou apprenaient une profession au Collège militaire royal du Canada, ou pendant leur service au sein de l’armée, de la marine ou de la Force aérienne. Si leurs blessures sont permanentes, ils peuvent présenter immédiatement une demande de prestations, même s’ils leur restent 30 années de service à faire. Ils peuvent présenter une demande, devenir des clients d’Anciens Combattants et recevoir une indemnité d’invalidité. Ne perdez pas de vue qu’ils reçoivent alors un salaire et des soins médicaux complets en tant que membres des Forces armées canadiennes. Lorsqu’ils partent, rien ne change en ce sens qu’ils sont toujours des clients des Forces armées canadiennes.
En ce qui concerne le reste de nos clients, 25 p. 100 d’entre eux s’adressent à nous dans les deux années qui suivent leur libération. Nous comprenons que les problèmes de santé mentale et l’usure musculosquelettique peuvent avoir une période de latence. Nous savons où se trouvent les dossiers. Nous tirons au clair la question de l’admissibilité et nous obtenons le diagnostic. Cinquante pour cent de nos clients font appel à nous dans les 2 à 50 années qui suivent. Il y a des vétérans de la Seconde Guerre mondiale qui nous visitent pour la première fois. Dans ces cas-là, nous franchissons toutes les étapes de la confirmation de l’admissibilité, en examinant leurs anciens dossiers médicaux et de service et en tentant de juger du mérite de leurs demandes.
Comme le ministre l’a indiqué, nous travaillons étroitement avec les responsables des Forces armées canadiennes pendant qu’ils numérisent les dossiers médicaux, qu’ils s’occupent des problèmes de protection de la vie privée et de protection des renseignements sur des tiers afin de pouvoir transmettre tous les dossiers médicaux des Forces armées canadiennes. Ainsi, nous pourrons juger du mérite des demandes présentées par les gens avant qu’ils aient cessé de porter l’uniforme. Des efforts sont déployés en ce sens. Nous nous occupons également des autres cohortes qui nous consultent plus tard au cours de leur carrière. J’espère que ces renseignements vous sont utiles.
La présidente : Ils sont très utiles. On nous a expliqué cela à de nombreuses reprises. Parfois, le développement des maladies peut prendre des années, et elles peuvent se développer en raison des activités que les membres ont exercées en servant leur pays.
L’une des observations que nous avons entendues encore et encore, c’est que le transfert des dossiers des Forces armées canadiennes à Anciens Combattants Canada exige un certain temps, mais vous l’avez expliqué clairement. Nous pourrions peut-être procéder de la même façon que nous le faisons pour les pensions, c’est-à-dire que, si vous êtes blessé, vous n’êtes pas libéré tant que tout n’a pas été mis en place.
M. Hehr : Nous croyons être en train d’accélérer cette transition. Bien entendu, il faut cerner les préoccupations en matière de protection de la vie privée, en particulier lorsque le dossier de la personne contient des renseignements sur des tiers et des éléments de cette nature. Par contre, nous nous employons à trouver des solutions pour accélérer davantage le processus de transition. En fait, le choix du moment pour procéder à ces améliorations est crucial. Le général et moi avons eu une excellente conversation à ce sujet hier à mon bureau. Nous y travaillons donc, madame la sénatrice.
La présidente : Je sais que vous devez partir puisque vous avez une réunion du Cabinet. Toutefois, je manquerais à mon devoir si je ne vous posais pas la question suivante : au cours de la dernière année, nous avons observé d’horribles situations liées aux TSPT et à des vétérans qui n’obtenaient pas les services dont ils avaient besoin en temps voulu, entre autres choses. J’aimerais que l’un de vous m’assure que les anciens combattants obtiennent les services dont ils ont besoin. Un horrible incident est survenu il n’y a pas très longtemps, et je me demande comment vous gérez cette situation maintenant.
M. Hehr : Aucun système n’est parfait.
La présidente : Tout à fait.
M. Hehr : Une partie de la solution consiste à déstigmatiser l’approche de notre société à l’écart de la santé mentale. Je crois qu’une fois qu’un ancien combattant a communiqué avec notre ministère et a accès à nos services, il se trouve en fait dans une bonne posture. Malgré cela, nous savons qu’il est toujours possible de faire mieux. C’est la raison pour laquelle nous mettons sur pied notre centre pour la santé mentale, notre centre d’excellence. C’est également la raison pour laquelle nous travaillons à l’élaboration de notre stratégie de prévention du suicide. Même si je suis dans l’impossibilité de formuler des observations à propos de cas particuliers, je peux vous affirmer que, souvent, nous travaillons extrêmement bien avec les anciens combattants, les membres de leur famille et les membres des collectivités. Nous savons que nous devons continuer d’avancer dans cette direction afin d’offrir des services encore meilleurs dans les années à venir.
La présidente : Monsieur le ministre, général, nous vous sommes vraiment reconnaissants des témoignages que vous avez apportés aujourd’hui. Je suis certaine que ce ne sera pas la dernière fois que vous comparaîtrez devant nous, car nous avons l’intention de mener des études plus approfondies sur ces enjeux. Nous vous remercions tous les deux d’avoir pris le temps de venir ici et de nous avoir donné des réponses très complètes. Nous nous réjouissons de travailler avec vous dans les mois et les années à venir.
M. Hehr : Cela a été un vrai plaisir. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)