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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 28 novembre 2024

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, pour en faire rapport, les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique.

Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Peter M. Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Avant de commencer, j’inviterais maintenant les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Adler : Charles Adler, du Manitoba.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Woo : Yuan Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Harder : Peter Harder, de l’Ontario.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.

La sénatrice M. Deacon : Bienvenue. Marty Deacon, de l’Ontario.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.

Le président : Je tiens à ajouter que le sénateur Adler est parmi nous aujourd’hui. Merci de vous être présenté. Il n’est habituellement pas un membre du comité, mais il s’intéresse manifestement à notre travail.

Le sénateur Adler : Le Comité des affaires étrangères est le comité le plus intéressant des comités de la Colline du Parlement.

Le président : Merci beaucoup. C’est fantastique. Je suis certain que les gens ici présents sont tous d’accord avec vous.

Bienvenue à tous, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent sur ParlVU.

Chers collègues, aujourd’hui nous continuons notre étude sur les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique. Dans notre premier groupe, nous avons le grand plaisir d’accueillir, par vidéoconférence, à partir d’Addis-Abeba, M. Ben Marc Diendéré, observateur permanent du Canada auprès de l’Union africaine et de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique. Bienvenue au comité, monsieur l’ambassadeur, et merci d’avoir pris le temps d’être avec nous aujourd’hui. J’ai cru comprendre que vous pourriez avoir des difficultés techniques liées à l’infrastructure, y compris l’électricité et à d’autres choses, et nous composons avec cela. Nous sommes très heureux de vous recevoir.

Avant d’entendre votre déclaration préliminaire et de passer aux questions, j’aimerais demander à toutes les personnes présentes de bien vouloir mettre en sourdine les notifications sur leurs appareils.

Monsieur l’ambassadeur, vous pouvez faire votre déclaration préliminaire, et, comme à l’habitude, les sénateurs poseront ensuite des questions.

[Français]

Ben Marc Diendéré, observateur permanent du Canada auprès de l’Union africaine et de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, Affaires mondiales Canada : Merci, monsieur le président. Honorables sénatrices et sénateurs, bonsoir depuis Addis-Abeba. Tout d’abord, je tiens à vous remercier de cette invitation et de cette occasion d’offrir un témoignage en soutien à l’engagement du Canada en Afrique.

Depuis 2023, j’ai l’honneur de représenter le Canada auprès de l’Union africaine dans une toute nouvelle représentation permanente. Je suis épaulé dans mes fonctions par une équipe de professionnels dévoués qui sont, comme moi, animés par le désir de mobiliser le plein potentiel du partenariat entre le Canada et l’Afrique. Messieurs les sénateurs et mesdames les sénatrices, savez-vous que cela fait 15 ans cette année que nous sommes accrédités auprès de l’Union africaine?

[Traduction]

L’Union africaine, ou l’UA, une organisation multilatérale émérite, joue un rôle clé dans la promotion de la paix, de la sécurité, du commerce et du développement, et est un partenaire essentiel du Canada pour favoriser la collaboration sur le continent. Depuis le début, c’est pour nous un partenariat essentiel.

Le Canada s’engage à soutenir la vision de l’Union africaine, qui est d’offrir des solutions dirigées par l’Afrique aux problèmes de développement et de politique. L’Agenda 2063, la pierre angulaire de cette vision, est un cadre stratégique qui vise une croissance inclusive et durable débouchant sur un continent prospère et uni. Le cadre comprend plusieurs projets ambitieux, comme l’accord établissant la Zone de libre-échange continentale africaine, la ZLECA, qui, une fois mis en œuvre, créera la plus grande zone de libre-échange du monde quant au nombre de pays signataires.

Le Canada se réjouit de poursuivre sa collaboration habituelle avec la CUA, la Commission de l’Union africaine, pour garder son élan et continuer de faire progresser les priorités communes, y compris les institutions financières internationales et la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, alors que, prochainement, le Canada et l’Afrique du Sud présideront respectivement le G7 et le G20.

[Français]

Mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, comme vous le savez, cette année a été très chargée pour le Canada en matière de relations Canada-Afrique, mais permettez-moi de vous parler de quelques développements significatifs. Il y a seulement trois semaines, nous avons tenu notre dialogue de haut niveau avec l’Union africaine à Toronto.

Le premier ministre, Justin Trudeau, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, la ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement, Mary Ng et le ministre du Développement international, Ahmed Hussen, étaient tous présents. Ils ont accueilli le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, et sa délégation, soit le commissaire pour le développement et le commissaire pour les affaires humanitaires.

Qu’avons-nous annoncé? La ministre Joly a annoncé 54 millions de dollars pour de nombreux projets en Afrique, qui se concentreront sur la sécurité alimentaire, la sécurité, la bonne gouvernance et les relations diplomatiques. Nous avons aussi annoncé que nous aurons un envoyé spécial pour l’Afrique et un autre pour le Sahel, soit deux envoyés spéciaux qui renforceront notre engagement sur les plans national, régional et continental.

[Traduction]

Comme vous pouvez le voir, l’Afrique joue un rôle clé dans les politiques étrangères du Canada. Cela devient évident lorsque nous examinons les statistiques, qui sont impressionnantes. L’Afrique est le continent qui compte le plus de pays, à savoir 54, et elle héberge six communautés économiques émergentes. L’Afrique compte 1,4 milliard d’habitants, et 60 % de la population africaine a moins de 25 ans.

Selon la Banque africaine de développement, l’Afrique sera la deuxième région à la croissance la plus rapide, et elle comptera, en 2024, 11 des 20 pays ayant la croissance économique la plus forte au monde. D’ici 2050, 25 % de la population mondiale habitera en Afrique, et le continent pourrait devenir le moteur de la croissance mondiale de demain, en offrant, selon les estimations, 3 billions de dollars américains supplémentaires en dépenses de consommation. Notre prospérité et notre sécurité mutuelles sont inextricablement liées.

D’une part, l’Afrique possède l’écosystème le plus diversifié et des ressources abondantes. On trouve sur le continent 30 % des minéraux critiques, 60 % du potentiel d’énergie solaire et 25 % de la biodiversité mondiale, et une capacité de captage du carbone plus grande que celle de l’Amazonie.

Toutefois, en dépit de son énorme potentiel, les progrès de l’Afrique continuent d’être entravés par des défis complexes et multidimensionnels. Près du tiers des Africains vivent dans la pauvreté extrême. En 2024, 67 % des gens les plus pauvres vivaient en Afrique subsaharienne. Aujourd’hui, les deux tiers des gens les plus pauvres du monde vivent en Afrique subsaharienne, et, si nous prenons en compte tous les pays fragiles et en conflits, ce sont les trois quarts.

Le Canada, face à ces réalités, peut jouer un rôle clé, grâce à nos valeurs communes, pour favoriser des échanges commerciaux avantageux pour tout le monde et pour tirer profit de la capacité et du dynamisme de la population la plus jeune du monde. Le Canada et l’Afrique profitent d’un partenariat solide et durable depuis plus de cinquante ans. Nous nous engageons à renforcer notre collaboration et notre relation.

Parlons donc de cette relation et de la suite des choses. En Afrique, le Canada est représenté par 27 missions diplomatiques disséminées dans les cinq régions du continent. Cela comprend 22 ambassades et hauts-commissariats, 40 agents diplomatiques et ma mission d’observateur permanent auprès de l’Union africaine. Notre présence commerciale comprend 16 délégués commerciaux canadiens et 47 agents recrutés sur place.

Pour ce qui est de la diaspora, près de 1,4 million de personnes au Canada sont d’origine africaine. Les populations africaines et canadiennes entretiennent indéniablement des relations interpersonnelles, et nous travaillons de concert dans l’intérêt des communautés de nos deux entités. Le Canada sait qu’il est essentiel de renforcer notre engagement mutuel afin d’assurer notre sécurité et notre prospérité.

[Français]

Mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, au moment de bâtir cette relation d’intérêt commun et d’y répondre, Affaires mondiales Canada a mené des consultations pour développer des stratégies. Le ministère a rencontré plus de 600 parties prenantes et a réuni plus de 83 petites entreprises; nous avons consulté 39 pays africains, 80 personnes issues du milieu académique, 200 organisations de la société civile et 70 associations de la diaspora. J’ai moi-même eu l’occasion, lors du sommet de la Banque africaine de développement, de rencontrer une vingtaine de ministres des Finances de pays africains. La ministre Joly et la ministre Ng ont fait de belles annonces au moment de notre dialogue de haut niveau et nous nous attendons à ce que toutes ces réalisations confortent notre relation.

[Traduction]

Le Canada s’engage à soutenir des partenariats mutuellement profitables avec les institutions et les pays africains, et notre relation florissante avec l’Union africaine reflète cet engagement. Nous avons signé avec l’UA un protocole d’entente qui se concentre sur des éléments clés comme la paix et la sécurité, la lutte contre les changements climatiques, l’égalité des sexes et le développement durable. Nous avons annoncé un engagement financier considérable, à savoir 54 millions de dollars pour des initiatives de consolidation de la paix et 176 millions de dollars pour les projets de développement qui soutiennent l’autonomisation des jeunes et des femmes. Enfin, nous avons exprimé notre soutien pour l’intégration de l’Union africaine dans le G20 et pour la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies et des institutions financières internationales.

Je vais conclure sur un proverbe africain : Lorsque les racines sont solides, il n’y a aucune raison d’avoir peur du vent.

[Français]

Je vous remercie de m’avoir écouté.

Le président : Merci beaucoup, monsieur l’ambassadeur, pour vos commentaires. J’informe les membres du comité que la sénatrice Suze Youance, du Québec, est parmi nous. Bienvenue, sénatrice.

[Traduction]

Nous allons commencer la période de questions, et comme d’habitude, vous disposez chacun de quatre minutes; donc, s’il vous plaît, soyez concis, pour que nos honorables témoins puissent faire le plus d’interventions possible.

Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur Diendéré, d’être avec nous, ce matin. En 2022, les gouvernements de six pays du sud de l’Afrique — la Tanzanie, l’Afrique du Sud, le Mozambique, le Zimbabwe, la Namibie et l’Angola — se sont associés avec le Parti communiste chinois pour ouvrir l’École de leadership Mwalimu Julius Nyerere en Tanzanie. Les partis au pouvoir dans le sud de l’Afrique sont issus de mouvements de libération et gouvernent depuis l’indépendance. Selon certains observateurs, l’école est une tentative de Beijing d’exporter son modèle de gouvernance à l’étranger ainsi qu’une tentative des mouvements de libération de l’Afrique australe de consolider le pouvoir de leurs partis.

Selon vous, la Chine essaie-t-elle d’exporter son modèle à parti unique en Afrique? Le cas échéant, quelles mesures précises le Canada devrait-il prendre par les voies diplomatiques ou en s’appuyant sur ses partenariats internationaux, pour soutenir la résilience de la démocratie en Afrique et prévenir l’érosion du pluralisme politique sur le continent? Merci.

[Français]

M. Diendéré : Merci, monsieur le sénateur. Je disais justement que la relation avec l’Union africaine est pour nous l’une des relations les plus fondamentales. Cela nous permet d’observer comment les pays membres de l’Union africaine se comportent avec leurs différents partenaires. Est-ce que la relation de la Chine avec ces pays que vous avez cités est une relation privilégiée qui conduit à ce que vous appelez une école de pensée communiste et une école communiste? Je ne peux pas vous répondre à cet effet. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’y a pas d’unanimité au sein de l’Union africaine au sujet des différents partenariats avec différents pays, que ce soit la Chine, la Russie ou d’autres pays que l’on pourrait citer comme faisant partie de cette vague. Je n’ai pas de réponses à vous donner en matière de finesse pour répondre à votre question, mais je la trouve bien appropriée.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Ma deuxième question est la suivante : en marge du deuxième Dialogue de haut niveau Canada-CUA de novembre, la ministre Joly a annoncé que 54 millions de dollars canadiens seraient versés pour des initiatives phares en Afrique, y compris la nomination d’un envoyé spécial pour l’Afrique. Quels sont les mandats de ces envoyés spéciaux, et quelles mesures concrètes seront prises pour nous assurer qu’ils feront progresser les objectifs stratégiques du Canada, surtout à la lumière des préoccupations quant à l’efficacité et à la productivité de l’aide étrangère dans des environnements aussi complexes?

[Français]

M. Diendéré : Tout d’abord, l’annonce sur un envoyé spécial est une très bonne nouvelle. Nous sommes peut-être l’un des derniers pays du G7 à en avoir un.

Deuxièmement, le ministère pourrait répondre en plus grand détail sur le rôle et les responsabilités qui sont sous l’égide de l’envoyé spécial pour l’Afrique. Il y en a un autre pour le Sahel, mais ce que je peux vous dire à partir d’aujourd’hui, c’est qu’on en a bien besoin. On a besoin d’un envoyé spécial pour couvrir les questions régionales, les questions de partenariats avec les autres institutions des Nations unies ainsi que la diaspora canadienne. Je crois que nous sommes sur la bonne voie avec un envoyé spécial.

Le président : Merci, monsieur l’ambassadeur.

[Traduction]

J’aimerais souligner que le sénateur Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse, s’est joint à la séance.

Le sénateur Harder : Merci, monsieur l’ambassadeur, d’être présent. Votre nomination montre que le gouvernement du Canada reconnaît que nous devons également être représentés au sein des institutions panafricaines. J’aimerais en savoir un peu plus sur votre travail, c’est-à-dire votre travail à Addis-Abeba, à savoir de quelle manière vous coordonnez cela avec nos missions dans les États-nations? Deuxièmement, dans quelle mesure collaborez-vous avec les quatre commissions économiques régionales d’Afrique pour favoriser la cohérence et la compréhension du Canada?

Parlez-nous des mécanismes grâce auxquels vous effectuez votre travail et, dans la mesure où vous le pouvez à titre de fonctionnaire, dites-nous quelles ressources ou quels mandats devraient être améliorés pour vous permettre d’effectuer votre travail plus efficacement.

[Français]

M. Diendéré : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Je reconnais dans votre question le sous-ministre que vous avez été et la responsabilité qui a été la vôtre avant d’arriver ici.

L’Union africaine compte 54 pays. Il s’agit de 54 pays membres qui sont tous représentés à Addis-Abeba par une ambassade de chaque pays membre. Il s’agit de six zones régionales : l’Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), et le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA); tout le monde est représenté. L’Union européenne est représentée, il y a les sept pays du G7 et une représentation de l’OTAN qui se dessine. Quand un ambassadeur est nommé ici, il faut s’engager auprès de tout ce que la Commission de l’Union africaine entame avec ses partenaires et avec ses propres institutions.

Saviez-vous que l’Union africaine a seulement six organes, des chefs d’État jusqu’à la commission? Personnellement, j’interagis avec un seul organe, soit la Commission de l’Union africaine. Je ne parle pas aux chefs d’État ni aux autres instances au milieu, comme le comité technique. Pour la mécanique, c’est une structure bicéphale; je travaille avec la commission et les six commissaires. Ceux qui viennent du monde des affaires comme moi savent que c’est comme un président avec ses vice-présidents. J’interagis en fonction des intérêts du Canada en ce qui a trait à tous nos sujets d’intérêt, comme l’agriculture, l’éducation, la paix et la sécurité, et aussi par rapport à toute la relation avec les partenariats que l’Union africaine peut conclure.

Monsieur le sénateur, pour les relations bilatérales avec les autres ambassadeurs sur le territoire, il n’y a pas une activité que j’ai entreprise avec l’Union africaine dont on n’a pas informé nos autres ambassades. Notre relation bilatérale est extrêmement importante; je suis d’ailleurs très content qu’on ajoute le Bénin et la Zambie, qui sont de nouvelles ambassades potentielles pour nous. Cela monte à pratiquement 30 ambassades maintenant. C’est très bon pour la suite.

Pour ce qui est des communautés économiques régionales, il est d’autant plus important de savoir que notre relation est d’abord avec l’Union africaine. L’Union africaine doit transiger constamment avec ces communautés économiques régionales, qui sont, en fait, ses propres partenaires.

J’ai dressé un tableau récent de mes rencontres et je me suis rendu compte que j’avais assisté à 247 rendez-vous bilatéraux, entre mon arrivée et aujourd’hui. Je n’ai donc pas dormi. Tout cela pour vous dire qu’il faut apporter la voix canadienne, la voix de notre représentation ici et parler du sérieux qu’on accorde à cette relation qu’on a développée après 15 années d’accréditation. Le fait d’avoir un ambassadeur qui se consacre à ces questions est tout à fait acceptable et envisageable pour nous. Nous ne sommes que sept pays à avoir deux ambassadeurs là-bas, soit le Japon, la Suisse, le Canada, les États-Unis — il m’en manque deux, mais on pourra compléter la liste. Nous avons cette dualité qui nous permet d’avoir quelqu’un qui se consacre à l’Union africaine. Comme l’Union africaine devient importante, il est important également que nous soyons là.

Le président : Merci, monsieur l’ambassadeur. Il est évident que vous êtes très occupé. Vous êtes un ambassadeur très actif.

La sénatrice Gerba : Merci, monsieur l’ambassadeur Ben Marc Diendéré, du travail que vous faites pour notre pays et partout ailleurs, dont les fruits ont été annoncés à Toronto le 7 novembre. Merci beaucoup.

En tant que représentant permanent du Canada auprès de l’Union africaine, même si vous ne travaillez pas avec les chefs d’État, vous avez l’occasion de côtoyer étroitement leurs dirigeants ou leurs représentants, de même que les représentants des institutions des 54 pays africains, comme vous l’avez dit tout à l’heure.

Monsieur l’ambassadeur, pouvez-vous nous dire quelles sont les attentes formulées par les Africains que vous côtoyez auprès de l’Union africaine par rapport à l’engagement ou aux intérêts du Canada que vous représentez? Quelles sont leurs attentes en particulier, sur le plan de partenariats mutuellement bénéfiques? Pensez-vous que le travail que nous faisons ici va dans le sens des attentes des Africains que vous côtoyez?

M. Diendéré : Merci beaucoup, madame la sénatrice, et merci de vos gentils mots à mon endroit et à l’endroit de toute l’équipe avec laquelle je travaille ici.

Comme je l’ai dit dans mon mot d’introduction, Affaires mondiales Canada a quand même fait du bon travail de terrain pour connaître les attentes des gens à l’égard de notre prochaine stratégie sur l’Afrique. Ce que j’ai fait et ce pour quoi je continue de plaider, c’est de sortir un peu de notre imaginaire de l’Afrique. Ils ont un plan qui s’intitule Agenda 2063, qui compte sept piliers. Ces piliers comprennent 54 projets qui vont de l’infrastructure, à l’université, à la recherche et à tout ce dont ils ont besoin. Ces piliers touchent les domaines fondamentaux dont ils se préoccupent. Ces domaines sont notamment l’agriculture, l’éducation, la paix et la sécurité, mais aussi les questions liées à la santé globale.

L’Union africaine a un plan. Les partenaires comme le Canada et les autres pays commencent à regarder le fameux Agenda 2063, parce que l’Union africaine ne dérogera pas de cet agenda, qui a été préparé depuis longtemps; on en est à la deuxième décennie de sa mise en œuvre. Cet agenda inclut la zone de libre-échange continental. C’est un des projets phares, mais il y en a plusieurs autres. Pour le Canada, il s’agirait de s’arrimer à des projets d’intérêts à intérêts, selon nos moyens, parce que nous ne sommes pas un pays qui a les poches profondes, et de combler les attentes des populations africaines à notre égard. Que veulent-elles? Toute personne qui naît sur ce continent veut trois choses, notamment la sécurité et l’électricité pour pouvoir fonctionner. Je me trouve dans un pays où il est possible que l’électricité coupe au moment même où je vous parle. La troisième chose, c’est de manger au moins une fois par jour. Je ne parle pas d’immigration, mais des aspirations simples des gens.

Le continent avance. Certains pays vont très bien dans certains domaines. Oui, il y a encore des conflits ici et là.

Pour revenir rapidement à votre question, madame la sénatrice, il faut trouver une façon d’arrêter d’avoir une Afrique imaginaire. Il faut comprendre ce que les gens veulent et voir ce que le Canada peut apporter comme pays. Il faut voir comment produire de l’énergie solaire ou hydroélectrique — et on s’y connaît en la matière. Du point de vue de l’agriculture, on réussit à survivre malgré le fait qu’on se trouve à côté des États-Unis. Nous savons comment fonctionnent les chaînes agricoles. On a réussi à s’arrimer aux questions de santé des animaux et des individus. Nous avons de l’expertise à apporter. Je suis très emballé de ce qu’on réussira à faire avec la stratégie sur l’Afrique, car l’Agenda 2063 et ce que le Canada pourra apporter seront un mélange incroyable.

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Boniface : Merci beaucoup, monsieur l’ambassadeur, de vous joindre à nous et merci de votre enthousiasme envers votre travail. J’aimerais mettre l’accent sur la paix et la sécurité pour ce qui est de la relation avec le Canada. Vous avez dans votre dernière réponse, très clairement parlé des zones de conflits.

Comme vous le savez, sans sécurité, il est très difficile pour une nation de se développer. Que fait le Canada précisément pour combler les besoins de l’Union africaine dans les zones en conflits?

[Français]

M. Diendéré : Madame la sénatrice, je vous remercie beaucoup. Effectivement, je suis très enthousiaste devant la responsabilité de notre pays par rapport à ce qu’on peut apporter à l’Union africaine. Je vais vous donner des noms qui vont peut-être sonner des cloches. L’Institut Dallaire fait de l’excellent travail. L’initiative Elsie fait un bon travail pour la sécurité des femmes. Nous avons également des relations avec l’ambassadrice du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité et l’envoyé spécial pour la paix et la sécurité pour les femmes. Nous accompagnons le bureau de Mme Bineta Diop dans son travail.

Sur le terrain, des ambassadeurs bilatéraux accompagnent des projets du Fonds canadien d’initiatives locales, ou FCIL. Ce sont des projets qui accompagnent les femmes dans le développement entrepreneurial, mais le mandat est toujours lié à la paix et à la sécurité.

Nous soulignons en ce moment les 16 jours de lutte contre la violence envers les femmes et le Canada a une voix très forte à cet égard. Notre ambassadeur est très présent et ses programmes sont très engagés avec les équipes de paix et sécurité. Récemment, mon collègue se trouvait dans le Nord, en zone de conflit, pour la démobilisation. Tout ce travail se fait à un endroit où il n’y a aucune base militaire sur le continent, et c’est tant mieux. Nous sommes un pays qui n’a pas vraiment d’intelligence militaire sur le territoire. Ce que font le ministère et plusieurs de nos partenaires sur les plans de la paix et de la sécurité n’est pas négligeable. Comme vous le savez, en ce moment, il y a entre quatre et cinq millions de réfugiés au Soudan. C’est beaucoup de monde qui bouge en même temps.

Madame la sénatrice, je vais vous parler de l’une des plus grandes lectures que j’ai faites lorsque je suis arrivé dans cette mission. J’ai réalisé que ce continent de 54 pays comprend 16 pays enclavés. Chaque jour où un pays se lève, il y a quatre ou cinq voisins autour de lui et de fortes chances que deux ou trois d’entre eux soient hostiles.

Quand vous et moi nous réveillons au Canada, nous avons d’un côté l’Arctique, l’océan Pacifique et l’océan Atlantique des deux autres côtés, et notre voisin du Sud, c’est les États-Unis. Pour nous, la sécurité n’est même pas une question. On se réveille en tant que Canadiens et on n’a pas peur pour notre vie ni pour quoi que ce soit. Dans un continent où les pays sont enclavés et n’ont pas accès à la mer, alors qu’il faut de l’eau, dès qu’un conflit éclate dans un pays voisin, il déborde sur l’autre pays d’à côté. Nous sommes constamment dans un jeu de balancier.

J’ai maintenant beaucoup d’empathie pour les chefs d’État. Je ne parle pas des dictateurs. Je ne suis pas en faveur des dictateurs, mais j’ai de l’empathie pour les chefs d’État qui se lèvent chaque jour et voient leurs frontières bouger comme des sables mouvants.

Que fait-on en ce qui a trait à la paix et la sécurité? Beaucoup de choses. J’étais très heureux de recommander au Canada d’accueillir le commissaire Bankole Adeoye, que vous avez certainement rencontré et qui est venu présenter les activités de paix et de sécurité. Que souhaite-t-il ces temps-ci?

Il s’agit d’avoir des ressources militaires et des gens pour les accompagner pour les questions de médiation et de justice transitionnelle, et aussi des gens pour les amener à pacifier certains endroits où il y a des conflits historiques, mais le Canada est en première ligne à cet effet et il faut en être vraiment fier.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup de vous joindre à nous et merci pour vos données et votre passion pour votre travail. Il sera intéressant, au fil du temps et compte tenu de toutes les réunions en personne que vous avez, de voir quels seront vos indicateurs de réussite et quelles seront les répercussions. J’ai beaucoup trop de questions, mais je vais commencer par en poser une. Dans les 20 à 25 dernières années, dans le cadre de mon travail, j’ai appris à respecter les pays de la Francophonie et du Commonwealth; je vais les appeler blocs ou groupes pour le moment.

Je pense à ces deux groupes en particulier, et je me demande si nous pouvons tirer profit de nos relations avec les pays de la Francophonie et du Commonwealth. Pouvons-nous discuter avec des blocs unis, fondés sur une expérience commune? Y a-t-il des choses que nous pouvons exploiter davantage?

[Français]

M. Diendéré : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Vous ne savez pas à quel point je me réjouis de votre question. Mes patrons vous diront que j’accorde une attention particulière aux communautés linguistiques sur le continent. J’ajouterais à votre communauté linguistique la lusophonie, les pays d’origine lusophone, qui parlent portugais. Sur le continent africain, nous avons la Francophonie, le Commonwealth, la lusophonie et les pays d’expression arabe; tout cela se côtoie.

Le Canada arrive avec deux chapeaux, soit la Francophonie et le Commonwealth, ce qui nous donne un avantage incroyable quand on parle à nos partenaires africains. Lorsque je parle à la lusophonie aujourd’hui, les pays comme l’Angola, le Mozambique et les autres, ils voient le Canada dans leur soupe eux aussi. Ils savent que nous sommes un pays qui a un attachement particulier aux blocs régionaux et que nous savons comment fonctionner avec ces communautés linguistiques.

Que peut-on faire pour améliorer les choses? Si je tiens compte seulement de la Francophonie, soit une trentaine de pays, madame la sénatrice, on peut conclure que, pour n’importe quelle décision des Nations unies, il y aurait 30 voix qui nous rassembleraient et qui seraient là. De plus, le pouvoir de ce continent se développe au fil du temps, parce qu’il y a des pays qui n’étaient pas francophones, qui le deviennent maintenant et qui entrent dans la Francophonie. Le Canada a donc un avantage concurrentiel en matière de francophonie. Il l’a aussi sur le plan du Commonwealth ou des régions historiques et autres, notamment bien sûr parce que la langue anglaise est l’une de nos langues officielles.

L’autre aspect qui est un peu négligé, à mon avis, c’est la lusophonie. Derrière la lusophonie, il y a le Portugal et le Brésil, qui sont les nouveaux grands frères du continent africain. Je vous assure que Luiz Inacio Lula da Silva marche sur l’eau sur le continent africain. On comprend qu’il y a une autre voix, celle de l’hémisphère Sud, qui vient par les pays du BRICS, le G20 et les autres. Nous, au Canada, ne pouvons pas rester insensibles à la montée de la lusophonie dans tout cela. Les deux premiers sont quelque peu acquis pour nous, mais on doit travailler très fort pour renforcer les milieux universitaires dans les deux langues, les milieux d’affaires dans les deux langues, les milieux de recherche dans les deux langues et même pousser davantage, dirais-je, à trouver... Nous sommes peut-être les seuls qui peuvent travailler dans les deux langues en même temps; la Grande-Bretagne et la France ne peuvent pas le faire.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup d’être parmi nous, monsieur l’ambassadeur. Cela a été très productif.

Vous avez parlé d’autres pays et d’autres groupes de pays qui ont des missions dans l’Union africaine. L’une des choses que nous étudions est la capacité du Canada, et j’aimerais savoir comment, pour ce qui est de votre bureau et de notre capacité actuelle, elle se compare à la capacité de nos homologues d’autres pays. C’est ma première question.

[Français]

M. Diendéré : Merci, madame la sénatrice. Les questions de capacité reviennent toujours sur la table, mais je continue de penser que nous sommes petits, mais puissants. Je continue de penser qu’on utilise aussi nos ressources de diverses façons. Je ne considère pas que je fais partie d’une petite équipe; oui, même si nous sommes une équipe de cinq personnes ici, il y a l’équipe d’Affaires mondiales Canada au siège social qui nous aide. Je m’appuie sur mon équipe et sur celle de mon collègue Joshua Tabah, qui est l’ambassadeur de l’Éthiopie, de Djibouti et bientôt du Soudan.

Je suis donc appuyé d’un réseau d’entités. Il se peut que cela découle du fait que je viens du monde des affaires; je sais qu’il faut prendre de petites ressources et les adapter aux masses, mais il faut bien le faire. Par contre, on ne peut pas dire non aux ressources. Pour la relation grandissante avec l’Union africaine, pour les projets qu’on a tenu à développer, y compris sur les plans de la surveillance et de la reddition de comptes, et pour les mesures ce qu’on est en train de prendre, on aura besoin de ressources, c’est évident. Toutefois, j’imagine que la question des ressources est toujours une question de capacité à payer.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Je suis très contente que vous ayez parlé des besoins des Africains et du fait que nous devons les écouter et réagir en conséquence. Vous avez parlé de la sécurité et des choses de base comme une électricité fiable, de la nourriture sur la table, et cetera. Selon vous, de quelle manière ces choses s’harmonisent-elles avec ce que nous faisons actuellement, et que devrons-nous changer pour mieux nous aligner afin de mieux répondre aux besoins?

[Français]

M. Diendéré : Je vous remercie de la question. Cela me fait sourire, car depuis que je suis entré en fonction, je vois maintenant tout ce qu’on faisait comme pays en matière de développement. On avait une vraie lorgnette de développement. Du côté humanitaire, on était très bon, on est sur le terrain, tout le monde nous connaissait et on nous connaît encore là-dessus. On est très bon en développement. Ce qu’on n’a pas fait avec le temps, c’est de savoir que tout cela devait se transformer en aide, soit aider les gens à apprendre à pêcher leurs poissons par eux-mêmes. Je réalise que notre ministère — même le gouvernement canadien et beaucoup de pays... Le Canada n’est pas le premier pays ni le dernier; plusieurs pays se rendent maintenant compte qu’il faut revoir notre approche envers les pays et notre façon d’aider les autres. Les Africains ne veulent pas qu’on les aide. Je vous l’ai dit : si vous parlez de la question de l’aide dans la rue, vous allez vous faire lapider. Les gens ne veulent pas d’aide, ils veulent le renforcement des capacités. Il y a même des technologies où cela fonctionne.

Au moment où je vous parle, madame la sénatrice, Starlink est un fournisseur d’Internet par satellite pour 16 pays sur le continent. Ces seize pays n’en avaient pas; tout d’un coup, ils se retrouvent avec Internet par satellite. Il y a des choses qui se passent et il nous faut faire nos calculs. On en a les moyens. On a les instruments financiers pour le faire : on a FinDev, l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) et la Banque africaine de développement, qui a des projets en actionnariat. On accompagne les Nations unies dans plusieurs projets bilatéraux et on apporte notre investissement à travers les Nations unies pour certains projets. Effectivement, on peut faire beaucoup et on doit recentrer nos efforts et faire avancer nos principes; on devrait alors réussir.

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

Je tiens à rappeler aux sénateurs visiteurs qu’ils ont eux aussi le droit de poser des questions s’ils le souhaitent.

Le sénateur Woo : Merci, monsieur l’ambassadeur, d’avoir décrit avec éloquence et de manière claire et convaincante ce que le Canada peut faire en Afrique pour l’Afrique.

J’aimerais vous poser une question sur la nomination imminente de l’envoyé spécial en Afrique. Selon vous, de quelle manière cette personne pourrait contribuer à renforcer notre engagement avec les pays et le continent, dans son ensemble, différemment de ce que vous et d’autres représentants en Afrique faites?

[Français]

M. Diendéré : Merci, monsieur le sénateur, pour la question ainsi que pour vos commentaires à mon endroit. Vous savez, on a l’impression d’avoir inventé la roue. On ne l’a pas inventée. Nous sommes les derniers, parmi les grands pays comme le nôtre, à ne pas avoir d’envoyé spécial en Afrique. L’envoyé spécial, c’est la personne qui peut entrer partout où personne ne peut entrer. C’est la personne qui peut gérer nos communautés régionales et faire le pont entre les différends, parce que, au sein de la structure telle qu’on la gère à Affaires mondiales Canada, l’ambassadeur qui est sur un territoire est responsable de l’institution qui se trouve sur son territoire.

Autrement dit, l’ambassadeur au Nigeria s’occupe de la CEDEAO, car son siège social s’y trouve. L’ambassadeur à Pretoria s’occupe de la SADC, car elle se trouve là. L’ambassadeur en Éthiopie gère Djibouti et l’IGAD, car l’IGAD se trouve là. Il nous manque malgré tout une espèce de fer de lance pour l’ensemble.

Maintenant, les gens veulent aussi une position et un narratif clairs. Que pense le Canada de tel sujet, par exemple, de la réforme des institutions? Quelle est la position du Canada sur les fonds pour les réparations? Il faut que quelqu’un puisse donner la position du Canada sans que cela semble téléguidé. Au fond, on sait ce qu’on veut et ce qu’on peut apporter.

L’envoyé spécial assurera une meilleure coordination. Il apportera une voix plus claire et nous représentera partout où il pourra le faire. Quand les gens voudront connaître la position du Canada, après un deuxième dialogue de haut niveau, il faudra pouvoir la donner.

De plus, à domicile, donc au Canada, les diasporas nous attendent. Elles veulent qu’on fasse quelque chose. Elles cherchent quelqu’un à qui s’adresser. Elles ne veulent pas constamment s’adresser à la machine du gouvernement, comme c’est le cas en ce moment. Elles veulent un interlocuteur clair. Avec la diaspora, on devra penser à une stratégie commune et miser sur l’intérêt commun avec l’Afrique.

Je crois que c’est une très bonne idée. Comme je l’ai dit, nous ne sommes pas les premiers. Nous sommes un peu en retard, mais nous devons le faire avec une vraie coordination. Notamment, l’observateur permanent auprès de l’Union africaine va gérer beaucoup de choses de ce côté-ci. Cela me permet de vous dire que toute la Commission de l’Union africaine changera l’an prochain. Quelqu’un devra faire du recrutement pour la nouvelle commission qui entrera en fonction, car elle sera là pour au moins huit ans.

[Traduction]

Le sénateur Woo : On dirait que l’envoyé spécial doit servir à la fois de colle et de lubrifiant, et je crois que c’est tout à fait justifié

Je voulais également demander si d’autres pays avaient des envoyés spéciaux, mais vous avez dit que non seulement ils ont des envoyés spéciaux, mais que nous sommes presque le dernier pays voire le dernier, à faire ce genre de nomination.

Avez-vous des exemples d’envoyés spéciaux qui font leur travail de manière particulièrement créative et efficace? Vous n’avez pas besoin de nommer les pays, mais pouvons-nous tirer des leçons en tant que dernier ou presque dernier pays?

[Français]

Le président : En 30 secondes, s’il vous plaît, monsieur l’ambassadeur.

M. Diendéré : Je vous remercie de la question. Oui, il y a des leçons à apprendre de ce que les autres ont fait, par exemple, lors du conflit en Somalie et au Soudan. Le travail des envoyés spéciaux est très important, car ce sont eux qui tiennent les ficelles des discussions entre les différents pays. Le Sahel est un autre endroit où les envoyés spéciaux travaillent à tenir des discussions, parce que l’Union africaine en a un peu trop sur les bras.

Le président : Merci.

[Traduction]

Voilà ce qui conclut la fin du premier tour, mais j’aimerais poser une question. Monsieur l’ambassadeur, elle ne vous surprendra aucunement. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que le Canada accueillera et présidera le G7, dans le cadre d’un processus qui commencera en janvier et qui se conclura par un sommet. Comme vous le savez, le Canada a l’habitude de soutenir diverses initiatives africaines, et nous n’avons pas dérogé à cette habitude.

Vous avez également dit que l’Afrique du Sud présidera le G20. Cela représente une occasion unique de coordination d’éléments autres que l’approche traditionnelle adoptée pour l’aide au développement. Avez-vous quelque chose de plus à dire là-dessus?

[Français]

M. Diendéré : Monsieur le président, je reconnais vos anciennes fonctions à titre de sous-ministre et en matière d’aide internationale.

La responsabilité ne sera pas la mienne pour ce qui est du rôle du Canada dans le G7. Je crois que cette décision doit venir de plus haut, à savoir si on doit inviter l’Union africaine et l’Afrique du Sud. Une fois que cette décision sera prise, il faudra se demander ce que l’on souhaite contribuer en tant que président du G7. Je crois que le ministère se penche sur la question, mais il reviendra au Canada de décider, une fois que l’Union africaine aura été invitée à se joindre à la réunion du G7. L’Italie et d’autres pays l’ont fait. Je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas. C’est ce que je souhaite, car, comme vous l’avez mentionné, cela s’aligne très bien avec les objectifs par rapport à l’Afrique du Sud.

J’ajouterais que la COP30 se tiendra à Belém, au Brésil. Les sujets comme la résilience climatique, l’éducation et les questions de paix et de sécurité nous intéressent. On serait un peu à côté de nos chaussures si l’Afrique n’était pas invitée. C’est ce que je souhaiterais, mais la décision ne m’appartient pas.

Le président : Merci beaucoup de votre réponse très diplomatique.

La sénatrice Gerba : Le sénateur Woo et le président ont posé les questions que j’avais en tête. Monsieur l’ambassadeur Diendéré, vous avez évoqué l’implication du Canada dans plusieurs secteurs. Notre rapport sortira certainement après la publication de la stratégie du Canada pour l’Afrique, ce qui sera quand même avant le G7 — ce à quoi le président a fait allusion. Compte tenu de votre expertise en matière de communications, de relations publiques et d’affaires, si vous aviez une recommandation spécifique à faire pour ce rapport que nous préparons, qui visera à long terme les intérêts du Canada et ses engagements envers l’Afrique, quelle serait-elle?

M. Diendéré : Je vous remercie, madame la sénatrice, de me ramener à mon bagage en communications. Le contexte est tout, dans un rapport comme celui que vous publierez. Dans mes discussions, j’ai entendu dire que cela aurait lieu aux alentours du printemps. En effet, au printemps, la Commission de l’Union africaine aura changé de président et six commissaires seront arrivés. Entre aujourd’hui et le printemps, au moins cinq élections se tiendront en Afrique. Les choses bougent donc très rapidement. En janvier, comme je vous l’ai dit, l’Union africaine entrera en discussion pour son sommet qui aura lieu en février. En janvier, le nouveau président des États-Unis entrera en fonction. Les rendez-vous prévus pour la Banque mondiale, le FMI et les autres seront rendus ailleurs. Votre rapport devra tenir compte de bien des choses. Mon seul souhait est que votre rapport reste pertinent au moment de sa publication.

Le rapport de la Chambre des communes est sorti le 7 novembre et il contenait quelques recommandations. Au moment où votre rapport sera publié, la stratégie sur l’Afrique sera certainement connue. Je ne lance rien de nouveau ici, parce qu’on travaille justement à la produire.

Pour rester pertinentes, à ce stade-ci, il faudrait que les recommandations soient, comme je le dirais en anglais, policy driving. Il faudrait que les politiques ne soient pas déphasées par rapport au moment où le rapport sortira. Six mois, c’est long dans une vie et dans la vie d’un pays et d’un continent. Depuis que je suis arrivé ici, la guerre à Gaza a éclaté, on parle du conflit entre Israël et le Hamas et de la situation au Liban et le Soudan s’est désagrégé. J’ai vu beaucoup de choses.

Si vous me demandez mon avis en ce qui concerne les communications, il faut qu’il y ait de la constance dans les recommandations. Arrêtons de voir les choses à court terme. Allons un peu plus loin que le temps que se donne l’Union africaine et la commission pour ces choses. On parle de cinq ou dix ans. C’est ainsi qu’on réussira à faire avancer les choses.

Sénatrice Gerba, en tant que femme d’affaires, vous êtes passée par là. Il faut semer une graine — c’est une sagesse toute paysanne —, la regarder pousser et l’encourager à pousser. On doit entrer dans cette dynamique. La Chine n’est pas arrivée où elle en est aujourd’hui avec l’Afrique tout d’un coup. Son succès représente 25 ans de travail, et cela inclut les autres pays.

Quand votre rapport sortira, il faut qu’il tienne compte du contexte dans lequel il sortira; il faudra de la constance — je le répète — et la notion du temps, ainsi que des éléments à moyen et à long terme, car le court terme, on peut s’en accommoder. Voilà mon conseil.

Le président : Merci, monsieur l’ambassadeur. Le temps est écoulé pour cette question.

[Traduction]

La sénatrice Boniface : Merci beaucoup, monsieur l’ambassadeur. Je vais revenir à la sécurité.

Je suis curieuse; est-ce que le Canada a offert directement du financement ou du soutien aux pays sortant d’un conflit? Je pense à l’Afrique de l’Ouest. Comme vous le savez, pendant de nombreuses années, des forces étrangères faisaient passer de la drogue par l’Afrique de l’Ouest jusqu’à l’Union européenne. Je sais que l’Union européenne a soutenu des projets et a mis sur pied des agences de police et utilisé d’autres méthodes.

Est-ce que le Canada fait de même, et, si ce n’est pas le cas, quels sont les pays qui devraient diriger ces efforts visant à créer un environnement économique défavorable à l’économie clandestine?

[Français]

M. Diendéré : Pour les questions de paix et de sécurité, on pourrait avoir des réponses plus précises. Le ministère pourrait fournir des réponses plus précises, mais à mon avis, surtout dans la zone de l’Ouest dont vous venez de parler, c’est une zone d’immenses tensions. Je ne sais pas comment vous l’expliquer. Entre les trois amigos, comme je les appelle, soit le Burkina Faso, le Mali et le Niger, qui sont tenus de se retirer de la CEDEAO, tout le monde essaie de tenir le chaudron en même temps. Bien entendu, le Canada est resté sur le terrain quand même. On est encore là à travailler avec ces institutions, malgré tout ce qui se passe au point de vue politique et économique. Oui, on fait du travail de médiation; oui, on fait du travail après les conflits. Dans leur cas, ce ne sont même pas des conflits entre pays, mais des conflits internes avec les mouvements terroristes qui se développent à la vitesse grand V. C’est un peu triste.

Notre pays ne peut pas tout faire; le Canada ne pourra pas tout faire pour la paix et la sécurité. Ce que le Canada peut faire, par contre, il le fera très bien. Nous travaillons pour la justice transitionnelle, le désarmement et la justice pour les femmes. Quand la violence arrive dans les pays, les premières victimes sont les femmes et les enfants. On pense toujours que ce sont les militaires qui meurent sur les champs de bataille, mais il y a celles et ceux qui sont à la maison, qui sont tout à coup devenus veufs, veuves ou orphelins, ou qui sont handicapés parce qu’une bombe leur est tombée dessus et qu’ils n’ont rien vu venir.

Le ministère pourrait vous donner plus d’information sur certaines choses précises en matière de paix et de sécurité. Ce que je peux vous dire, c’est que nous n’avons pas à rougir de notre intervention en matière de paix et de sécurité sur le continent africain en ce moment.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Merci. Je vais poursuivre sur la lancée de ma dernière question, après avoir passé du temps la semaine dernière à la Chambre de Commerce Canada-Afrique, qui a des partenariats d’affaires féroces... le message que nous avons entendu hier, c’est que nous sommes deux ou trois décennies en retard, et que le Canada doit accélérer la cadence. Cela survient dans le sillage de tous ces événements alors que nous essayons de mieux comprendre, comme vous l’avez dit, le plus grand continent comptant le plus grand nombre de pays.

Je m’intéresse à la dynamique de pouvoir et au leadership en Afrique. Dans l’UE, il y a des pays clés comme l’Allemagne et la France qui ont énormément d’influence. L’UA n’est pas l’UE, mais je ne peux m’empêcher de me demander s’il y a des rassemblements de nations au sein de l’UA qui ont pris les devants pour consolider les liens et qui pourraient être perçus comme des leaders dans le continent, surtout pour ce qui est de la paix, de la sécurité et du développement économique.

Est-ce que le Canada fait plus souvent affaire avec des pays précis de l’UA, et est-ce qu’il y a des pays négligés?

[Français]

M. Diendéré : En matière d’influence, les Canadiens ont une longueur d’avance. Je pense qu’on ne le dit pas assez. Nous avons une longueur d’avance en matière d’influence, parce que nous n’avons colonisé personne. Ici, les questions de colonisation et de décolonisation sont devenues centrales.

Pour toutes les questions de paix et de sécurité, l’Union européenne est peut-être le plus grand donateur de fonds, mais l’ambassadeur et les quelques pays membres de l’Union européenne travaillent beaucoup avec le Canada pour faire avancer les initiatives relativement à l’Union africaine. J’ai assisté à deux ou trois rencontres avec l’équipe de M. Bankole sur la paix et la sécurité il y a à peine 48 heures. On est en train de revoir les mécanismes de résolution de conflits et d’élections. Oui, l’Union européenne donne beaucoup de l’argent, je suis d’accord avec vous. Il y a des choses à apprendre de leur implication, mais on n’a pas à rougir de quoi que ce soit, parce que l’Union européenne vient avec son propre bagage d’anciens pays qui ont eu une influence sur le continent et qui sont très critiqués aujourd’hui sur le plan du leadership.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Monsieur l’ambassadeur, dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de la diaspora africaine au Canada. J’aimerais explorer le sujet davantage, parce que les diasporas sont souvent identifiées en fonction de leur pays, et non pas de leur continent, et, pourtant, vous l’avez fait.

Est-ce que le Canada pourrait nouer des liens avec la diaspora elle-même, dans le cadre des efforts panafricains, ou est-ce que c’est simplement une vision romancée de la chose, et que nous devons nous concentrer sur l’État-nation de la diaspora?

[Français]

M. Diendéré : Merci, sénateur. Vous avez découvert quelque chose : je suis un romantique de nature. La diaspora, telle qu’elle est appelée par l’Union africaine, est considérée comme la sixième région. On la considère comme un élément fondamental de l’Agenda 2063. La diaspora est vue par l’Union africaine comme l’amélioration des conditions de la vie citoyenne des gens. Il y a aussi la diaspora étrangère, celle qui est à l’extérieur sur le plan économique et qui apporte des choses.

Ils ont un super plan. Le groupe CIDO, soit la Direction des citoyens et de la diaspora, qui est la partie de l’Union africaine qui se penche sur les questions de diaspora, accompagne les pays qui veulent travailler avec leur diaspora. Au Rwanda, aujourd’hui, il y a quelqu’un au ministère qui est responsable de la diaspora, qu’elle soit économique ou non. Il y a quelqu’un qui est désormais responsable des investissements ou des choses qu’ils peuvent amener de l’extérieur. Dans le cas du Canada, il y a 1,4 million de personnes afrodescendantes de deuxième ou de première génération qui se considèrent comme telles. C’est beaucoup de monde. C’est presque trois villes du Québec mises ensemble.

Comme on le dit toujours, la diaspora canadienne est très éduquée. Elle a des diplômes et a envie d’apporter quelque chose au continent. Ce sera à nous de trouver le bon mécanisme pour favoriser tout cela. Il y a beaucoup d’associations, je le reconnais. Il y a plusieurs personnes engagées dans la discussion, mais on n’a pas encore pris de décision globale pour déterminer comment utiliser notre diaspora. Je reçois ici en janvier un groupe d’une dizaine d’Afrodescendants, le Black Wealth Club, qui viennent rencontrer des gens d’affaires, des jeunes comme eux, pour faire du mentorat, voir qui ils peuvent aider et même voir s’ils peuvent faire des affaires ici. Ce n’est pas le premier groupe; j’ai eu aussi des femmes d’affaires afrodescendantes qui sont venues rencontrer des gens. Cela se passe. Il faut utiliser notre diaspora de la bonne façon. Je suis confiant que nous allons trouver un mécanisme à la canadienne pour ce faire. Les Américains ont trouvé quelque chose dans leur programme AGOA avec leur diaspora. Ils ont fait la même chose avec les milieux parlementaires américains. Le Canada va trouver sa façon de faire, comme nous savons si bien le faire. Nous sommes des créatifs.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Le sénateur Woo a proposé d’examiner la diaspora canadienne. Peut-être que nous pouvons apprendre de l’UA.

Le président : Merci beaucoup. Nous arrivons vers la fin de la séance.

Au nom du comité, je tiens à remercier l’ambassadeur Diendéré de nous avoir fait profiter de son savoir et de son enthousiasme contagieux.

Cette séance a bien entendu été enregistrée. Je sais que des fonctionnaires regardent la séance, et tout ce que je peux dire, monsieur l’ambassadeur, est que vous avez donné une classe de maître sur la manière dont doit se comporter un témoin gouvernemental. Félicitations. Continuez votre excellent travail à Addis-Abeba. Nous sommes tous très heureux qu’il n’y ait pas eu de panne de courant et que la séance ait pu se dérouler sans accroc, parce que nous avions l’impression que vous étiez dans la salle avec nous. Merci beaucoup et bonne chance dans vos projets.

M. Diendéré : Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, pour notre deuxième groupe, nous avons le plaisir d’accueillir M. Christopher Fomunyoh, directeur régional Afrique et conseiller spécial du président du National Democratic Institute à Washington, DC, et Mme Barbra Chimhandamba, conseillère en politiques publiques de la Banque canadienne de grains. Je vous souhaite tous deux la bienvenue au comité, et je vous remercie d’avoir pris le temps d’être parmi nous aujourd’hui. Nous allons entendre votre déclaration préliminaire, qui sera suivie d’une période de questions.

Christopher Fomunyoh, directeur régional Afrique et conseiller spécial du président, National Democratic Institute : Je tiens à remercier le président, le vice-président et les honorables membres du comité sénatorial de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui pour participer à vos discussions sur les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique. J’ai soumis, pour le compte rendu, un mémoire écrit, donc je vais faire cela rapidement.

Ma déclaration se divise en trois parties. La première est pourquoi l’Afrique est importante. La population africaine compte 1,5 milliard de personnes, et c’est la population la plus jeune du monde et celle qui connaît la croissance la plus rapide. Selon les Nations unies, d’ici 2050, dans seulement 20 ans, la population sera de 2,5 milliards de personnes, ce qui représente 28 % de la population mondiale.

L’Afrique est également riche en ressources naturelles, puisqu’elle détient 65 % des terres arables et 30 % des réserves de minerais mondiales, y compris de forts pourcentages de chrome, de platine et d’or. Toutefois, l’Afrique est touchée de façon disproportionnée par les changements climatiques, et ses températures montent plus rapidement que la moyenne mondiale. Des sécheresses, une insécurité alimentaire et même parfois des conflits intercommunautaires violents sont le résultat de la désertification et des précipitations de plus en plus imprévisibles.

L’Afrique est importante parce qu’elle adhère à la démocratie. Dans un contexte mondial où la démocratie a été minée de manière considérable, l’Afrique continue de soutenir la démocratie. Des recherches et des enquêtes menées par l’éminent réseau Afrobaromètre révèlent que les deux tiers des Africains préfèrent la démocratie à toute autre forme de gouvernance, et la grande majorité rejette l’autocratie, le monopartisme et la dictature militaire. Toutefois, les enquêtes reflètent également l’insatisfaction croissante des citoyens envers le travail des élites politiques au chapitre de la démocratie.

Deuxièmement, quels sont les trois principaux défis auxquels est exposé le continent? Le premier est l’insécurité. Nombre de pays africains sont encore victimes de conflits armés et de violence attisés par une polarisation interne excessive ou la présence ou l’influence d’États externes et d’acteurs non étatiques, comme les extrémistes djihadistes au Sahel et le groupe terroriste Alchabaab dans la Corne de l’Afrique. Aujourd’hui, le conflit armé au Soudan, qui en est déjà à sa deuxième année, est à l’origine du plus grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur d’un pays, à savoir 11 millions de personnes, dont 3 millions sont des réfugiés, et, selon les estimations, le conflit a causé 61 000 décès.

Le deuxième défi est l’influence de l’illibéralisme. Aujourd’hui, rappel inquiétant de la fin de la guerre froide, l’Afrique fait face à l’intervention très agressive de puissances non démocratiques, comme la Russie, la Chine et d’autres pays du Moyen-Orient, qui disent faussement que la démocratie est un concept occidental qui n’est pas adapté aux besoins de développement du continent ni à sa culture et à son mode de vie traditionnels. Malheureusement, ces acteurs externes s’associent à des juntes militaires émergentes et à une poignée d’intellectuels africains qui essaient de manipuler l’opinion du public en faveur d’une Afrique isolée du reste du monde à l’exception de la Russie et de la Chine.

Le troisième défi est la fragilité de la démocratie des institutions. Même si les Africains soutiennent encore fortement la démocratie, la proportion de citoyens qui considèrent leur pays comme étant démocratique a diminué entre 2011 et 2023. Selon le réseau Afrobaromètre, la détérioration des conditions politiques et économiques, la mauvaise qualité des élections, le non-respect de l’État de droit et la corruption perçue expliquent la diminution.

Je vais conclure en parlant des occasions et des recommandations qui s’offrent au Canada. Le Canada détient de précieux actifs en matière de politique étrangère, d’économie et de culture, que nous devrions exploiter afin de soutenir davantage la gouvernance démocratique, qui est une composante transversale pour le développement de l’Afrique. Le Canada n’a pas le même bagage historique que de nombreux autres pays occidentaux.

De plus, le Canada dispose d’une riche expertise et d’une grande expérience dans tous les secteurs dont nous avons discuté aujourd’hui, et ne doit pas hésiter à établir des partenariats concrets et durables avec des citoyens africains, des gouvernements progressistes et d’autres institutions et acteurs porteurs de changement sur le continent.

J’ai quelques autres recommandations de politique précises, et je vais simplement conclure mes observations en disant que les pays puissants et influents comme le Canada doivent mettre les bouchées doubles pour s’assurer qu’une grande bande de l’Afrique, qui comprend la Mauritanie, en bordure de l’océan Atlantique, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad, le Soudan, l’Éthiopie et la Somalie, en bordure de l’océan Indien, ne tombe pas en ruine et ne bascule pas dans le chaos et l’apatridie, ce qui éliminerait ou minerait des contributions positives de l’Afrique au développement, à la paix et à la prospérité mondiales.

Je vous remercie de m’avoir écouté et j’attends vos questions avec impatience.

Le président : Merci beaucoup. Madame Chimhandamba, allez-y, s’il vous plaît.

Barbra Chimhandamba, conseillère en politiques publiques, Banque canadienne de grains : Merci de me donner l’occasion de discuter du sujet très important des intérêts et de l’engagement du Canada en Afrique.

La Banque canadienne de grains est un réseau qui rassemble 15 organismes confessionnels canadiens d’aide et de développement, et distribue de la nourriture aux personnes qui font face à des crises humanitaires et aide les fermiers à adapter leurs pratiques agricoles aux changements climatiques afin de favoriser une sécurité alimentaire durable pour l’avenir.

Prenons par exemple Selina, une mère célibataire de trois enfants, âgée de 26 ans, qui vit à Turkana, au Kenya. Sa famille avait l’habitude de passer des journées sans manger, mais Selina a suivi une formation sur l’agriculture offerte par un partenaire de la Banque canadienne de grains, et financée par Affaires mondiales Canada, ce qui lui a permis de planter un jardin pour nourrir sa famille et de se joindre à un groupe de fermiers qui cultivent et vendent des produits agricoles de grande valeur au marché local. Elle a investi dans un programme de prêt et d’épargne, dans son village, ce qui lui a permis d’économiser assez d’argent pour acheter une motocyclette et lancer une entreprise de taxi. Elle est également retournée à l’école pour devenir une agente de vulgarisation agricole axée sur le bétail et est devenue une leader dans sa communauté.

Cette histoire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres qui illustre l’importance d’investir dans la sécurité alimentaire pour créer des emplois et des gagne-pain durables, en Afrique. Ce genre d’investissements stimule la croissance économique et l’entrepreneuriat, et renforce la résilience à faire face à l’incertitude.

La Banque canadienne de grains sait que 158 millions de personnes en Afrique subsaharienne souffrent de faim extrême et que 30 millions de personnes souffraient de malnutrition sévère en 2023.

Des témoins ont déjà dit devant le comité que l’Afrique était de plus en plus reconnue comme une région offrant des débouchés et des occasions de croissance. Le moment est venu pour le Canada de participer à l’essor de l’Afrique. Dans l’esprit d’Ubuntu, l’Afrique et le Canada peuvent prendre leur essor ensemble.

En mai dernier, Mme Ann Fritz-Gerald, de la Balsillie School of International Affairs a dit devant le comité : « À propos de l’Afrique, nous devrions penser aux partenariats de confiance... » Je suis parfaitement d’accord. La relation du Canada avec l’Afrique doit être fondée sur la confiance et le respect mutuels, même lorsque les opinions et les intérêts diffèrent. La nouvelle stratégie de partenariat de l’Union africaine, reconnaissant que les approches antérieures de coopération ont souvent été menées par les donateurs et faussées en leur faveur, veut adapter les partenariats aux besoins de l’Afrique, et également à l’avantage comparatif des partenaires.

Le Canada reconnaît la centralité de l’Union africaine dans son engagement avec le continent, tel qu’il l’a démontré en mettant sur pied une mission d’observation à l’UA, dont nous venons tout juste d’entendre l’ambassadeur. Je suis également d’accord avec les autres témoins qui ont dit que l’Agenda 2063 de l’UA devrait orienter l’engagement du Canada envers l’Afrique.

J’ai trois recommandations :

Le Canada est réputé pour sa bonne gouvernance. Faire la promotion d’une bonne gouvernance est l’une de nos priorités en matière d’aide au développement international, et elle devrait encore l’être. L’atteinte de l’égalité des sexes, la consolidation de la paix et le renforcement de la société civile contribuent à l’existence de populations engagées et habilitées, capables de gérer leurs différences internes et de travailler de concert en vue du progrès social. La bonne gouvernance crée un environnement propice aux échanges commerciaux et aux investissements et favorise la stabilité et la paix.

Deuxièmement, le Canada s’est engagé à diversifier ses relations commerciales, et l’Afrique offre de nombreuses possibilités inexploitées. L’Union africaine souhaite elle aussi établir des partenariats internationaux diversifiés et mutuellement avantageux. L’expansion du commerce avec le continent non seulement soutiendra le développement économique de l’Afrique, mais aidera aussi le Canada à réaliser son objectif de diversification des échanges commerciaux. La mission commerciale en Afrique, récemment annoncée à Toronto par la ministre Ng est déjà un bon début.

Enfin, il doit y avoir un plan de développement et d’aide humanitaire complet et stratégique. Lorsque nous traitons de la politique étrangère, nous devons tenir compte des 3D et du C : diplomatie, défense, développement et commerce. Le développement est un élément critique de cette matrice et doit être considéré comme étant aussi important que les trois autres. Nous ne pouvons pas ignorer les besoins humanitaires et de développement croissants du continent africain, compte tenu du nombre considérable de personnes en Afrique subsaharienne et au Sahel qui souffrent d’insécurité alimentaire aiguë. En l’absence de sécurité alimentaire et de développement, les deux autres D et le C sont à risque.

Le Canada, par l’entremise d’un dialogue fermé avec l’UA, devrait soutenir les initiatives et les priorités de l’UA, afin de trouver des solutions africaines à des problèmes africains.

Je vous remercie de m’avoir écoutée. J’ai bien hâte d’entamer la discussion.

Le président : Merci beaucoup. Mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, vous avez quatre minutes, comme d’habitude, pour poser vos questions. S’il vous plaît, soyez concis.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Fomunyoh, ma première question est pour vous. Selon le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, depuis 20 ans, saper la démocratie est un des objectifs stratégiques de la politique africaine de la Russie. De plus, la Russie serait intervenue pour miner la démocratie en Afrique par la désinformation, dans 22 pays, l’ingérence électorale, dans 18 pays, et le soutien à des revendications extra-constitutionnelles, dans 15 pays.

Que pensez-vous de la réaction de la communauté internationale face à ces menaces? Que pouvons-nous faire de plus pour contrer la menace russe? Croyez-vous que les stratégies actuelles sont suffisantes, ou devrions-nous adopter d’autres approches pour protéger la démocratie et la gouvernance de l’Afrique?

M. Fomunyoh : Merci beaucoup, monsieur le sénateur, de la question. Je suis d’accord avec l’étude et le rapport du Centre d’études stratégiques de l’Afrique. D’ailleurs, je suis un membre auxiliaire du corps professoral du centre depuis des années.

Depuis de nombreuses décennies, surtout les deux ou trois dernières décennies, alors que le continent africain était en pleine transition vers une démocratie très positive, beaucoup de ceux parmi nous qui travaillaient dans le domaine et beaucoup de partenaires internationaux qui s’étaient engagés à soutenir le mouvement démocratique africain ont commencé à se reposer sur leurs lauriers. Nous supposions que la démocratie s’était bien enracinée et que tout le monde était satisfait de la situation.

Aujourd’hui, les pays non démocratiques, la Russie en tête, déploient des efforts délibérés, concertés et très agressifs pour faire reculer les gains réalisés au cours des deux ou trois dernières décennies. Par exemple, ils parrainent des mercenaires qui menacent la sécurité et qui instaurent l’insécurité dans ces pays. Également, les pays non démocratiques racontent des faussetés et diffusent de la désinformation et de la mésinformation afin de miner les institutions démocratiques.

Je crois que les stratégies actuelles ne sont pas suffisantes. Elles sont probablement dépassées par le temps et les événements. La Russie et d’autres forces non démocratiques exploitent la vague de désaffection des jeunes, par exemple, par rapport aux gouvernements. C’est pourquoi, dans les deux ou trois premières heures d’un coup d’État militaire, les jeunes se réjouissent, parce qu’ils ne s’identifient plus à l’élite politique. Nous devons mettre les bouchées doubles et augmenter et intensifier plus ouvertement le soutien que nous offrons, parce que nous ne pouvons plus être timides quand il s’agit de soutenir les gouvernements démocratiques. Je vous remercie.

Le sénateur MacDonald : Quelle est la première étape, si l’on veut mettre fin à la désinformation russe? Y a-t-il des besoins technologiques, dans l’ensemble de l’Afrique, qui devraient être comblés?

M. Fomunyoh : Je crois qu’il y a des besoins technologiques, mais il y a déjà dans un grand nombre de pays, des organisations citoyennes, par exemple, des organisations médiatiques, qui ont reconnu le problème et demandé à ce que leur capacité soit augmentée, développée et renforcée et que leurs réseaux soient consolidés afin de pouvoir reconnaître les mensonges et de remettre les pendules à l’heure.

L’Institut national démocratique, le NDI, a mis à l’essai un programme en Côte d’Ivoire; nous sommes allés dans des universités et avons organisé un concours en demandant aux étudiants de concevoir des applications leur permettant d’identifier les fausses nouvelles. C’était un projet très stimulant, et l’une des équipes locales qui ont gagné le concours de son université a conçu une application qui est devenue populaire en Côte d’Ivoire. Avec cette application, les gens pouvaient identifier eux-mêmes les fausses nouvelles, et cela a réduit la quantité de désinformation qui circulait dans le pays.

Le président : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Gerba : Merci à nos témoins d’être ici aujourd’hui.

L’état de la gouvernance globale est très inégal sur le continent. Vous l’avez évoqué. Cela reflète sûrement sa nature très diversifiée. Selon vous, quelle approche Canada devrait-il prendre pour promouvoir plus efficacement ces normes de bonne gouvernance auprès des pays africains, sans pour autant tomber dans une posture paternaliste?

M. Fomunyoh : Merci, madame la sénatrice, pour votre question qui est très pertinente. C’est le débat du jour. On sent le renouvellement d’un esprit panafricaniste qui, dans certains domaines, est bien vu, mais qui est interprété dans d’autres comme le rejet de tout ce qui n’est pas africain. On devrait être sensible à ce sentiment pour être efficace dans les partenariats que l’on pourra développer dans les différents pays africains.

Comme je l’ai dit dans mon mot d’introduction, le Canada a l’avantage de ne pas porter de bagage colonial, par exemple, parce qu’il n’a jamais eu de colonie en Afrique. Il n’y a pas de blocage culturel dans les interactions entre le Canada et différents acteurs sur le continent. Je pense que l’approche utile serait d’identifier des partenaires qui se battent déjà pour les mêmes principes : des associations de femmes, des associations de juristes, des membres de la société civile. On voit les jeunes qui s’intéressent à la politique, mais qui manquent d’encadrement. Si on peut identifier ces groupes de partenaires, je pense qu’en travaillant avec eux, on pourra avoir de très bons résultats, surtout en les soutenant subtilement, sans être devant eux en tant que donneur de leçons.

La sénatrice Gerba : Merci.

[Traduction]

Mme Chimhandamba : Merci, madame la sénatrice, de cette question très importante. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, le Canada doit entretenir une relation respectueuse avec le continent africain; une fois cette relation établie, le Canada sera bien placé pour aider l’Afrique sur les problèmes de gouvernance. Par exemple, mon organisme travaille avec des partenaires locaux. La Banque canadienne de grains et ses membres travaillent avec des partenaires locaux qui connaissent les besoins sur le terrain et comprennent les enjeux. Nous sommes conscients que, lorsque nous intervenons, nous ne savons pas tout; nous prêtons une oreille attentive pour comprendre les besoins de nos partenaires locaux.

Le Canada ne doit pas donner des leçons de morale à l’Afrique, et il y a certainement un moyen d’accomplir le travail sans donner des leçons. Je crois que les organismes de la société civile locaux peuvent aider des organismes, comme le mien, à comprendre le contexte local et à exercer une influence sans être paternalistes ou condescendants.

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup d’être parmi nous aujourd’hui. J’aimerais poursuivre dans la même veine. Nous avons entendu dire dans nos séances et dans le cadre de conversations formelles et informelles, que notre relation avec l’Afrique, comme vous venez de le dire, doit être moins condescendante et plus respectueuse, et que nous nuisons à notre cause lorsque nous essayons de donner des leçons de morale ou de lier notre aide à des enjeux sociaux. J’ai deux questions pour chacun d’entre vous.

Premièrement, vous parlez d’organismes qui collaborent directement avec les gens sur le terrain. Vous êtes, à vrai dire, leur porte-parole, ici, à cette table. Aimeriez-vous ajouter quelque chose pour nous donner une meilleure idée de ce que les gens sur le terrain vous disent afin que nous puissions améliorer et respecter cette relation?

Mme Chimhandamba : Merci de la question, madame la sénatrice. Nos partenaires sur le terrain savent que, oui, nous sommes vus comme des bienfaiteurs, des donateurs, parce que nous soutenons leurs projets en Afrique. Mais, au même moment, lorsque nous intervenons, nous n’intervenons pas en tant que sauveurs; nous collaborons avec nos partenaires. Par exemple, nous venons de lancer un nouveau programme appelé Nature+ dans quatre pays, l’Éthiopie, le Kenya, le Mozambique et le Zimbabwe, qui vise à restaurer l’environnement et le territoire, qui se sont dégradés au fil des années. Le programme vise également à améliorer le rendement des récoltes grâce à l’agriculture de conservation, qui fonctionne bien lorsque les gens utilisent des solutions fondées sur la nature.

Nous écoutons le savoir local. Nous comprenons que les gens avec qui nous travaillons ont du pouvoir. Certaines personnes n’ont pas les ressources financières que nous avons, mais elles détiennent de vastes connaissances. Notre rôle, dans le partenariat, n’est pas de nous imposer ou de leur imposer nos idées. Nous les écoutons, mais nous leur faisons profiter également de notre expertise.

La sénatrice M. Deacon : Merci, j’apprécie votre réponse.

Nous devons aussi trouver le moyen de faire le travail tout en défendant la justice sociale. Je pense aux très dures lois ciblant les droits des personnes LGBTQ+ adoptées dans des pays comme le Mali et le Ghana. Comment pouvons-nous à la fois ne pas imposer de conditions et continuer de défendre ces droits dans d’autres pays?

M. Fomunyoh : Merci, madame la sénatrice. Nous sommes aux prises avec un dilemme difficile, parce que les gens qui voient leurs droits bafoués nous demandent également de l’aide. Je crois que la clé, c’est de travailler avec des organisations locales, parce que, dans de nombreux pays, que ce soit le Ghana ou l’Ouganda, où la peine de mort est en vigueur, les gens sont déjà très organisés et ils ont seulement besoin de soutien pour permettre à leurs réseaux de continuer de défendre leurs droits. C’est un équilibre délicat, mais je crois que le Canada est capable de le réaliser.

J’aimerais également souligner au comité que, je travaille dans ce domaine depuis 25 ou 30 ans; j’ai vu le Canada devenir un peu plus avant-gardiste, et il fait déjà ce que nous lui demandons de faire davantage.

Par exemple, le NDI, en collaboration avec Affaires mondiales Canada, a lancé un programme pour lutter contre la désinformation dans quatre pays de l’Afrique de l’Ouest à quelques jours d’une élection nationale. Nous savons que les élections génèrent beaucoup d’émotions, et les pouvoirs et les forces non démocratiques essaient toujours, à l’approche des élections, d’infiltrer le processus et de diluer les discours sur la démocratie et les pratiques démocratiques.

Affaires mondiales Canada s’est associé avec le NDI. Ensuite, nous avons mobilisé un réseau d’organismes locaux du Niger, de la Sierra Leone, du Libéria et de la Gambie, et nous avons travaillé avec des groupes locaux, chez eux, pour mettre sur pied des comités de vérification des faits en temps réel pour les incidents polarisants dans les discours politiques, afin de vérifier en temps réel et de faire rapport au public...

Le président : Merci, monsieur Fomunyoh. Désolé de vous interrompre, mais nous avons dépassé la limite de temps.

La sénatrice Coyle : J’ai une question pour chacun de vous, et avec un peu de chance, vous pourrez y répondre.

Monsieur Fomunyoh, la première question s’adresse à vous. Je sais que le NDI travaille en Haïti et c’est un travail extrêmement important. Vous avez tous deux parlé de travailler avec la société civile et avec le gouvernement à l’échelon national, ainsi que de l’importance d’une bonne gouvernance.

Je me pose des questions sur l’échelon infranational — que ce soit les échelons provinciaux, étatiques ou municipaux — et je me demandais si le soutien à l’échelon infranational renforce la capacité démocratique et si celle-ci peut alors être importée à l’échelon national. Cela m’intéresse.

M. Fomunyoh : Merci beaucoup, madame la sénatrice. C’est une excellente question, et j’ai un exemple que vous connaissez tous, la situation au Sénégal. Aujourd’hui, le Sénégal est présenté comme un chef de file de la démocratie en Afrique de l’Ouest. À l’Assemblée nationale, donc à l’échelon national, 45 % des membres du Parlement sont des femmes, ce qui est un excellent pourcentage, assez élevé, mais nous devons nous rappeler que ce n’était pas possible il y a 20 ans.

En 2002, le NDI a collaboré avec le Sénégal pour recenser les femmes qui souhaitaient se présenter aux élections locales — en tant que conseillères municipales, mairesses et mairesses adjointes. Plus de 8 000 Sénégalaises ont suivi notre formation pour se présenter aux élections locales de leurs municipalités, parce que les gens les connaissaient et les appréciaient. Plus de 4 000 de ces femmes ont été élues à l’échelon local.

Maintenant, 20 ans plus tard, ces femmes, après avoir acquis de l’expérience, se présentent aux élections à l’échelon national, les remportent et gouvernent à l’échelon national. Des investissements de ce genre à l’échelon local sont généralement profitables s’ils sont soutenus de manière continue.

Merci.

La sénatrice Coyle : Merci. Je crois que c’est important. Nous oublions souvent de parler de l’échelon infranational.

Madame Chimhandamba, merci d’être parmi nous. Vous avez parlé de l’importance d’une bonne gouvernance, du commerce, de la paix, et cetera, et je crois que la dernière chose que vous avez dite était que, sans une aide humanitaire et un soutien au développement solides, ces autres choses sont à risque. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette relation?

Mme Chimhandamba : Merci, madame la sénatrice.

Oui. Les dialogues de haut niveau entre l’Afrique et le Canada sont fondés sur la diplomatie. La défense, encore une fois, est essentielle, mais en même temps, sans développement, parce que le développement traite les problèmes à l’échelon local... Nous travaillons avec les gens, au chapitre du développement, pour nous assurer de cibler de ce que nous appelons dans le secteur le « petit p », à savoir la paix dans les maisons.

Certains de nos projets, hormis les projets visant la sécurité alimentaire, cherchent également à traiter les conflits dans les ménages et les communautés qui sont causés par le manque de ressources. Par exemple, le programme Nature+ traite certains conflits qui ont été déclenchés en raison, par exemple, du manque d’eau. À Ottawa, nous avons récemment reçu une délégation du Zimbabwe, qui a dit que le manque d’eau avait créé des conflits dans la communauté, parce que l’assèchement des ruisseaux amène les villages à se battre pour le peu de ressources disponibles.

Nous nous assurons que les personnes que nous aidons ont suffisamment de ressources, et notre programme vise l’environnement. Le développement international permet d’habiliter la population, de servir les personnes démunies et de bâtir des communautés autosuffisantes, et, lorsque les personnes sont bien nourries et ont une sécurité alimentaire, cela réduit la probabilité de conflit.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Boniface : Merci beaucoup d’être ici, et merci de l’information. Ma première question était l’excellente question que la sénatrice Coyle a posée sur le développement du gouvernement à l’échelon local.

Je vais passer à la deuxième question. Madame Chimhandamba, lorsque vous avez parlé de l’aide humanitaire, vous avez entre autres mentionné la défense. Est-ce que vous pourriez nous en dire plus, parce que j’aimerais savoir de quelle manière cela s’intègre à l’aide humanitaire?

Mme Chimhandamba : Merci de la question.

La défense est un autre bras de la politique étrangère. Nous disons que, si nous n’accordons pas autant d’importance au développement qu’à la défense, à la diplomatie et au commerce, nous ne rendons pas justice aux collectivités que nous servons.

Nous devrions aussi avoir un plan bien ciblé pour assurer l’aide humanitaire, surtout dans les régions où des conflits ont éclaté. Je pense à des régions comme le Soudan, qui vit actuellement la pire crise humanitaire du monde.

Donc, il est nécessaire de concevoir des programmes humanitaires dans ces cas précis, pour régler une crise humanitaire, mais il faut aussi aller plus loin. Nous avons ce que nous appelons le programme d’aide humanitaire, de redressement rapide et de développement, qui traite non seulement du facteur humanitaire, mais va plus loin et traite des besoins de développement à long terme de la collectivité pour faire en sorte que, une fois que la crise est terminée, la collectivité est en mesure de continuer d’être autonome.

La sénatrice Boniface : J’aimerais parler d’autre chose. La question s’adresse à vous deux parce que j’aimerais revenir sur les répercussions des changements climatiques et la façon dont ils touchent les niveaux d’eau locaux, par exemple. Pouvez-vous me parler du travail que vous faites et de ce que vous voyez en ce qui concerne les changements climatiques et de leurs répercussions sur la stabilité dans les régions?

Mme Chimhandamba : Les changements climatiques sont l’une des principales causes de l’insécurité alimentaire. Dans les endroits où nous travaillons — encore une fois, je parle de notre tout nouveau programme, le programme Nature+ —, une des causes de conflit dans ces régions, ce sont les changements climatiques. Dans le cas du Zimbabwe, mon pays d’origine, la région que nous servons, Chimanimani, a été touchée par le cyclone Idai en 2019, et le paysage a été ravagé. Par conséquent, même les terres arabes sont devenues un problème. Nous remettons les terres en état afin qu’elles redeviennent des terres arabes, et nous nous assurons que les ressources existantes dans la région sont partagées et qu’une collectivité vulnérable peut devenir une collectivité autonome.

Le changement climatique est l’une des causes de...

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Harder : Merci à nos invités. J’aimerais parler un peu plus des partenariats de confiance dont vous avez parlé. Je n’ai aucun doute que la Banque canadienne de grains et le NDI sont eux-mêmes des partenaires de confiance. Comment trouvez-vous les partenaires de confiance avec lesquels vous allez travailler, et est-ce que votre capacité, ou celle de vos partenaires de confiance, limite le travail que vous pouvez accomplir?

Autrement dit, si nous en avions la capacité, pourrions-nous augmenter les résultats de la Banque canadienne de grains et même son efficacité, ou est-ce que son travail est limité par nos capacités ou la capacité de trouver des partenaires de confiance dans le domaine dans lequel vous travaillez? Je pose la même question pour le NDI.

Je présume que certains gouvernements ne vous percevraient pas nécessairement comme un partenaire de confiance, donc votre définition de « partenaire de confiance » s’applique uniquement aux organisations avec qui vous travaillez et qui pensent « comme vous ». J’aimerais que chacun de vous me parle des caractéristiques et des capacités de vos partenaires de confiance.

Mme Chimhandamba : Merci de la question, sénateur Harder. Nous ne manquons pas de partenaires de confiance au pays, et ce dont nous avons besoin en tant qu’organisation, c’est de davantage de financement, et ce, non pas seulement pour l’organisation, mais pour tout le secteur. Le financement que nous demandons, ce n’est pas seulement pour nous, mais pour tout le secteur du développement international, parce que c’est un secteur qui en fait énormément. Nous croyons que, pour bien faire le Canada doit investir dans le développement international. C’était ma dernière recommandation : nous avons besoin d’un plan stratégique pour nous assurer d’avoir de l’aide continue au chapitre du développement international.

En tant qu’organisation, la Banque canadienne de grains s’appuie sur le financement qu’elle a reçu depuis sa création, et elle en est reconnaissante. Elle a reçu du financement du gouvernement du Canada, et aussi du grand public canadien qui s’est montré très généreux. Nous avons 200 projets de culture agricole partout au pays, et nous obtenons du financement grâce à eux et aux personnes généreuses qui croient au travail que nous faisons. Mais on en a toujours besoin de plus.

Je ne dirais pas qu’il n’y a pas que nos partenaires sur le continent qui n’ont pas la capacité nécessaire. Nos membres sont très bons pour trouver des partenaires locaux, capables de mener à bien les projets qu’ils ont eux-mêmes cernés dans les faits. Nous ne trouvons pas les projets nous-mêmes. Ce sont nos partenaires dans les régions où nous travaillons qui cernent les domaines, les lacunes dans leurs collectivités et leurs sociétés et les besoins, et nous concluons alors un partenariat avec eux.

M. Fomunyoh : Merci beaucoup, sénateur. Je peux seulement dire que l’on ne peut pas tenir la confiance pour acquis. Les organisations et les partenaires doivent gagner la confiance des gens. Quand ils voient la transparence avec laquelle nous menons nos activités, notre ouverture sur ce que nous faisons dans un pays précis et les partenaires avec lesquels nous travaillons, et quand ils voient les résultats et les conséquences positives de notre travail dans leur pays, le partenariat devient très naturel.

Cela dépend aussi beaucoup des relations qui se construisent avec le temps. Bien entendu, les gens regardent, surveillent ce que vous faites et prennent des notes, et, quand ils réalisent par eux-mêmes que vos services apportent des bienfaits à leur pays, que vous aidez à promouvoir et à consolider la paix, que vous aidez à créer des occasions de rencontre entre les parties — il y a des pays où les partis de l’opposition ne parlent pas au parti au pouvoir, et inversement —, donc, quand une organisation comme le NDI est en mesure de parler à tout le monde et parvient à regrouper tous les gens au même endroit, ils réalisent qu’ils ont plus de choses en commun que de choses qui les séparent. Les gens accordent de l’importance à cela.

La clé, c’est de tisser ces relations, de gagner la confiance des gens, puis de chercher des éléments complémentaires. Si vous pouvez favoriser des synergies entre la capacité qui existe déjà dans la région et l’expertise qu’offrent des organisations comme le NDI, vous pouvez créer un bon partenariat qui améliore le travail qui peut être fait dans un pays. Nous avons fait cela. Qu’il s’agisse de superviser les élections ou d’organiser un apprentissage par les pairs entre législateurs, ce sont des choses qui ont une incidence sur les pays dans lesquels nous travaillons.

Le sénateur Woo : Ma question s’adresse à M. Fomunyoh. Vous avez mentionné, comme d’autres personnes, que la démocratie recule, en Afrique. En fait, la démocratie là-bas subit des graves revers. Comment les pays occidentaux, surtout le Canada, et dans votre cas, les États-Unis, peuvent-ils travailler avec des pays qui ne sont pas considérés démocratiques ou pas suffisamment démocratiques? Outre les aider à améliorer la démocratie, que devrions-nous faire pour les aider sur le plan du matériel, du soutien humanitaire, de la construction d’infrastructures et d’écoles et de tous les aspects économiques essentiels que semblent vouloir les Africains?

M. Fomunyoh : Merci beaucoup, sénateur. J’admets que, sur le plan politique, nous faisons face à un dilemme au moment de faire affaire avec ces gouvernements qui ne sont pas ouverts à une gouvernance démocratique, parce que nous devons toujours nous rappeler que ces pays sont une minorité parmi les 54 pays qui forment le continent africain. Que faites-vous avec ces régimes? Si cela donne l’impression que l’on entérine leurs processus, on pourrait être perçu comme un pays qui encourage les autres à emprunter la même voie. Il faut vraiment garder cela à l’esprit.

Je recommanderais de trouver des partenaires locaux qui ont des vues similaires et qui respectent les mêmes principes. La beauté de ce que je viens de dire, c’est que, selon certains sondages, il y a, même dans les pays de la ceinture des Coups d’État, des gens qui croient en la reddition des comptes, la transparence, l’inclusion et des possibilités pour les femmes et les jeunes. Même dans les pays où des lois draconiennes visent la communauté LGBT, il y a des gens qui croient aux causes progressistes, et ce sont les partenaires que nous recherchons parce que cela renforce les principes et les valeurs qui nous sont chers et auxquels les gens nous associent.

Je ne pense pas qu’un quelconque pays occidental envisagerait la possibilité de battre la Russie à son propre jeu. Vous ne la battrez pas sur son propre terrain. Il est important de rester dans notre voie et d’améliorer la collectivité qui croit aux valeurs qui nous sont chères. La beauté de cela, c’est que l’Afrique d’aujourd’hui n’est pas l’Afrique des années 1980, a l’époque où certains d’entre nous ont commencé à travailler là-bas, et il y a des gens là-bas qui se battent encore pour la cause, et ces gens méritent notre appui. Merci.

Le sénateur Woo : Cela a bien du sens. Est-ce que cela s’appliquerait aussi à la participation militaire, à l’établissement de bases militaires, et ainsi de suite? Diriez-vous que les puissances occidentales — le Canada n’est pas l’une de ces puissances — ne devraient pas conclure des partenariats militaires ou ne devraient pas participer à l’établissement de bases dans les pays africains qui ont une historique démocratique douteuse?

M. Fomunyoh : Merci, sénateur. Le Niger est un pays que j’ai à cœur parce que, à un certain moment, nous pensions tous que le Niger était une démocratie émergente. C’était un pays très prometteur. Les dirigeants étaient engagés, puis le coup d’État est survenu.

Je dirais deux choses très rapidement à cet égard, monsieur le président. Tout d’abord, ce que Mme Chimhandamba a dit, que le développement est à l’ordre du jour, est important, parce que ce que nous voyons maintenant dans la région du Sahel, c’est que l’on met trop d’accent sur la défense, la coopération militaire et les approches cinétiques pour lutter contre l’extrémisme violent, et le développement a été laissé de côté. Donc, même s’il y a eu des progrès quant à l’approche militaire cinétique, les collectivités se sentaient dissociées de l’État, surtout dans les espaces non gouvernés, qui ont maintenant tous été envahis par les extrémistes. Nous devons faire attention à cela.

La question des bases militaires est très délicate. Je ne suis pas un expert militaire, mais le concept d’avoir des bases dans d’autres pays est dépassé, parce qu’il y a assez de capacité dans le secteur militaire pour montrer que l’on est puissant sans nécessairement avoir des effectifs sur le terrain dans un pays, ce qui pourrait irriter les citoyens. Heureusement, le Canada n’est jamais tombé dans ce piège. S’il vous plaît, n’envisagez jamais de faire cela, parce que je pense que continuer de discuter de développement et de démocratie, même quand on a des liens avec des régimes qui ne sont pas constitutionnels, pourrait les aider à revenir sur la voie de la transition, ce que tout le monde espère, et qu’ils reviendront à un régime civil où il y aura davantage de redditions des comptes pour les ressources qu’ils obtiennent de partenaires. Merci.

[Français]

La sénatrice Youance : Ma question sera courte, parce que nous avons abordé le volet militaire avec la question du sénateur Woo. Je voudrais abonder dans le même sens que Mme Chimhandamba au sujet de la recommandation que le Canada devrait faire pour qu’il y ait une parité entre les dépenses humanitaires et militaires.

Ma question concernera les dépenses humanitaires. À quel niveau pensez-vous que le Canada pourrait être le plus efficace? On peut regarder certaines dimensions, comme le Canada en matière de population par opposition à l’Afrique. Est-ce qu’il y a des régions où le Canada devrait concentrer ses efforts pour être plus efficace? La deuxième partie de ma question portera sur la diaspora africaine. On a plus parlé d’une diaspora africaine que de pays en particulier. Dans quelle mesure cette diaspora constitue-t-elle une force incontournable que le Canada devrait consulter dans le choix des interventions humanitaires qu’il devrait faire?

[Traduction]

Mme Chimhandamba : Merci, sénatrice, de la question. En ce qui concerne la première partie, quand vous avez demandé sur quelles régions le Canada devrait se concentrer pour être le plus efficace, je dirais que le Canada devrait s’engager avec l’Union africaine, parce que je ne crois pas que le Canada a la capacité de s’engager avec les 54 pays du continent. L’Union africaine est une institution dont le Canada peut se servir pour avoir une influence sur le continent, parce que tous les pays du continent sont représentés au sein de l’Union africaine, et c’est une institution qui a pris de plus en plus d’importance et qui est de plus en plus puissante, qui parle au nom de tous les pays, que ce soit devant les Nations unies ou devant n’importe quelle autre organisation régionale.

Je ne dirais pas que « c’est dans ce pays-ci que le Canada devrait aller, c’est là où il pourrait être le plus efficace ». Je dirais que l’Union africaine est l’organisme dont le Canada pourrait se servir pour être le plus efficace et atteindre le continent.

Ensuite, en ce qui concerne la diaspora africaine, elle est très importante, et, comme l’a mentionné l’ambassadeur Diendéré, l’Union africaine la considère comme étant la sixième région. Le Canada comprend un grand nombre de gens d’origine africaine. Certaines statistiques indiquent qu’il s’agit de 1,4 million de Canadiens, et c’est une ressource que le Canada n’exploite pas, et il pourrait s’en servir. Ces gens comprennent le contexte sur le continent. Ils ont encore des liens forts avec le continent. Nous tous ici avons de la famille là-bas, moi y compris. J’ai de la famille au Zimbabwe. C’est une ressource très importante dont pourrait se servir le Canada pour atteindre le continent.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Adler : Plus tôt, vous avez dit que 70 % des gens en Afrique préféraient la démocratie à n’importe quelle autre forme de gouvernement. Nous sommes tous préoccupés — non pas seulement les pays démocratiques comme le Canada, mais partout dans le monde, sur tous les continents — par la perte de confiance des gens envers la démocratie. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi certaines personnes en Afrique ont de moins en moins confiance en la démocratie?

M. Fomunyoh : Merci beaucoup, sénateur. C’est une excellente question qui me rappelle ce que l’ancienne présidente de notre conseil d’administration, Madeleine Albright, disait : « Les gens veulent voter, mais ils veulent aussi manger... »

Dans de nombreux pays, après avoir été élus dans le cadre d’un processus électoral et politique, les gens au pouvoir n’ont jamais mis en œuvre les services qu’ils avaient promis, ou dans certains cas, malheureusement, ont même travaillé pour démanteler les institutions qui leur ont permis d’accéder au pouvoir. Cela explique pourquoi, par exemple, sur le continent africain, il y a un problème de constitutionnalité et de respect de la durée du mandat présidentiel, et un certain nombre de présidents élus ont commencé à modifier la constitution de leur pays pour rester au pouvoir.

C’est aussi un gouvernement qui clame la souveraineté, mais qui n’est pas capable de garantir la sécurité de ses citoyens sur tout son territoire ou qui n’offre pas les services publics qui établiraient ce contrat social entre les citoyens et le gouvernement central. Voilà le genre d’actions qui entraînent une perte de confiance envers la gouvernance démocratique et donnent l’impression qu’il pourrait y avoir d’autres solutions. Mais c’est une chose contre laquelle nous devons continuer de lutter.

[Français]

La sénatrice Gerba : Vous avez raison de dire que « ventre affamé n’a point d’oreilles ». J’aurais une brève question pour Mme Chimhandamba.

Nous avons entendu ici que la démographie en Afrique est importante, parce qu’un être humain sur quatre sera Africain en 2050; cet être humain sur quatre devra être nourri. Compte tenu de son expertise dans le domaine agroalimentaire, qu’est-ce que le Canada pourrait faire plus particulièrement pour contribuer à ce besoin de nourrir les Africains à travers eux-mêmes, c’est-à-dire sur le continent africain, avec des produits produits localement, compte tenu également des terres arables, qui sont abondantes en Afrique?

[Traduction]

Mme Chimhandamba : Merci. La Banque canadienne de grains aide actuellement les Africains à se nourrir par eux-mêmes. Nous n’envoyons pas de nourriture en Afrique. Nous travaillons avec nos partenaires; nous fournissons des ressources à nos partenaires. Nous n’envoyons pas de céréales en Afrique. Nous avons commencé ainsi en 1983, mais, au fil des ans, nous avons commencé à nous procurer des aliments dans la région, dans les pays, quand c’est possible.

Nous travaillons pour aider les agriculteurs à appliquer des pratiques d’agriculture durable, l’agriculture de conservation, qui donne de meilleurs résultats que, disons, les pratiques traditionnelles qui ne s’appliquent plus dans certains contextes.

Le président : Excusez-moi, mais le temps est écoulé.

Je voulais seulement formuler un commentaire à la toute fin. Mes collègues sont si volubiles quand ils posent leurs questions que je n’ai pas eu la chance de poser la mienne. Je voulais dire que, dans ma carrière passée, j’ai travaillé très étroitement avec vos deux organisations. Nous admirons ce que vous faites. Nous admirons le fait que le Canada a tissé des partenariats très efficaces.

Monsieur Fomunyoh, merci beaucoup de vous être déplacé de Washington pour comparaître devant nous, et continuez votre bon travail.

Madame Chimhandamba, merci beaucoup. La Banque canadienne de grains est très active, et est un partenaire essentiel du gouvernement du Canada, parmi tous ceux que je connais.

Merci. Vos commentaires ont enrichi notre étude.

(La séance est levée.)

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