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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 26 octobre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 11 h 31 (HE), avec vidéoconférence, pour effectuer une étude sur les relations étrangères et le commerce international en général.

Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario, et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

[Traduction]

Avant de commencer, j’invite les membres du comité à se présenter.

Le sénateur Housakos : Le sénateur Housakos, du Québec.

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec

Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Greene : Steve Greene, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique

Le président : Bienvenue, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent à la grandeur du pays.

Chers collègues, dans le cadre de notre ordre de renvoi général, nous nous réunissons aujourd’hui pour poursuivre la discussion que nous avons amorcée hier sur la situation en Afghanistan. Nous avons le plaisir d’accueillir par vidéoconférence pour notre premier panel, Arif Lalani, ancien ambassadeur du Canada en Afghanistan, en Jordanie, en Irak et aux Émirats arabes unis. En toute transparence, je précise que M. Lalani et moi-même avons travaillé ensemble à notre ambassade à Washington il y a quelques années. Nous accueillons aussi Lauryn Oates, directrice générale de l’organisme Canadian Women for Women in Afghanistan.

Merci d’avoir accepté notre invitation. Avant d’entendre votre déclaration et de passer aux questions, j’aimerais demander aux membres et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près de leur microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité et nos interprètes qui utilisent des écouteurs pour faire leur travail.

Nous sommes maintenant prêts pour vos remarques préliminaires. Ce sera suivi d’une période de questions des sénateurs.

Monsieur Lalani, vous avez la parole.

Arif Z. Lalani, ancien ambassadeur en Afghanistan, en Jordanie, en Irak et aux Émirats arabes unis, à titre personnel : Merci, monsieur le président. C’est un plaisir de vous revoir, sénateur Boehm, et tous les autres sénateurs que je connais.

Tout d’abord, je tiens à féliciter le comité de s’être saisi de la question de l’Afghanistan et de faire la lumière dans un dossier très difficile. Je vous remercie de m’offrir l’occasion de m’exprimer aujourd’hui.

Je serai bref. Je voudrais vous parler rapidement de ce qui a été réalisé, de ce qui a été perdu, des raisons de ces pertes et faire quelques recommandations au comité et au Canada.

Comme beaucoup d’entre vous le savent, j’ai été ambassadeur du Canada en Afghanistan il y a plus de 10 ans, à l’époque où Hamid Karzaï était président. Des dizaines de milliers de soldats de l’OTAN étaient déployés dans ce pays. Le nombre de victimes parmi les soldats et les civils était élevé. La corruption existait à l’époque et elle a certainement perduré, mais malgré les nombreuses injustices perpétuées par les gouvernements précédents, grâce à la présence, à la pression et au soutien de l’Occident, des progrès incroyables ont été réalisés au cours d’un engagement de 20 ans envers les Afghans et, je pense qu’il importe de le souligner, par les Afghans.

En 2020, près de 10 millions d’enfants afghans, dont 40 % de filles, étaient scolarisés, contre moins d’un million en 2001, et uniquement des garçons à l’époque. Le nombre de femmes poursuivant des études supérieures a été multiplié par près de 20 de 2001 à 2018. Avant la récente suspension, l’an dernier seulement, une femme sur trois en Afghanistan était inscrite à l’université en 2018. Plus largement, les femmes représentaient 25 % des parlementaires afghans. Quelque 150 000 femmes ont occupé une fonction publique en Afghanistan. En 2003, si je me souviens bien, il y avait plus de femmes élues au Parlement afghan qu’au Congrès américain.

Qu’est-ce qui a été perdu? En 2023, près de 80 % des filles et des jeunes femmes afghanes en âge de fréquenter l’école, soit 2,5 millions de personnes, ne sont pas scolarisées. En décembre 2022, l’enseignement universitaire pour les femmes a été suspendu jusqu’à nouvel ordre, touchant plus de 100 000 étudiantes fréquentant des établissements d’enseignement supérieur publics et privés. Les institutions financières ne fonctionnent généralement pas. Soixante-quinze pour cent de l’économie dépendait de l’aide, dont la majeure partie n’est plus envoyée. La majorité de l’aide internationale a été supprimée. Quarante pour cent de l’appel de 4 milliards de dollars lancé par les Nations unies sont restés sans réponse.

Si nous ne prenons pas maintenant des décisions difficiles, nous risquons de condamner une nouvelle génération de filles à être privées d’éducation et d’indépendance parce que nous ne parvenons pas à poursuivre notre aide aux Afghans.

Quelle est l’origine de cette situation? En 2020, un traité tout à fait incroyable a été négocié avec les talibans, une organisation terroriste, puis mis en œuvre sans que nous obtenions de leur part un engagement vérifiable à protéger les droits de la personne, surtout ceux des filles. Ce n’est pas comme si nous ne savions pas ce qui allait fort probablement se passer, étant donné le bilan des talibans de 1989 à 1999.

Dans une zone de conflit et lors de pourparlers de paix, je sais d’expérience que ce n’est jamais une bonne idée, même en théorie, de retirer ses troupes puis de négocier, et c’est exactement ce que l’Occident a fait. Nous avons retiré de 5 000 à 7 000 soldats américains et d’autres nationalités. Ce chiffre est important — de 5 000 à 7 000; ce n’était pas 20 000 ou 100 000. En moyenne, les pertes militaires au cours des quatre années précédant la conclusion de l’accord avec les talibans s’élevaient à environ 15 soldats. Bien sûr, chaque soldat perdu est de trop, mais le chiffre de 15 n’est pas celui que nous avions en 2012, en 2014, etc. Autrement dit, la paix tenait bon. Ces 15 soldats ne sont pas tous tombés au combat. Lors du retrait chaotique des troupes occidentales en août 2021, les États-Unis ont perdu 13 soldats. C’est essentiellement la moyenne qu’ils auraient perdue s’ils étaient restés.

En nous retirant et en honorant un traité conclu avec une organisation terroriste, nous avons abandonné une génération de filles qui avaient été éduquées et qui étaient sur le point de participer à la vie économique de l’Afghanistan.

Nous devons prendre conscience de la responsabilité des puissances occidentales. L’ancien ministre britannique du Développement, l’honorable Rory Stewart, l’a dit très crûment, et je le paraphrase : nous avons essentiellement perdu et nous devons nous faire à l’idée. Nous avons retiré nos troupes et nous devons à présent reconnaître la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Je dirais qu’à l’heure actuelle, nous nous trouvons sans stratégie. Essentiellement, les talibans semblent avoir pris en otage une société entière, et notre réaction a été de ne pas recourir à la force ni à la diplomatie. Nous sommes dans l’impasse et les Afghans souffrent. En fait, nous devons prendre une décision.

Nos alliés regardent vers l’avant. L’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Union européenne, le Japon — qui a toujours une ambassade à Kaboul — cherchent tous des moyens créatifs d’aider les Afghans et d’accepter le fait que, si nous n’allons pas nous battre, si nous n’allons pas armer ceux qui essaient de combattre les talibans, nous devons accepter le fait que les talibans existent en raison d’un traité que nous avons tous choisi d’honorer. D’un point de vue plus stratégique, nos rivaux, la Chine, la Russie et l’Iran y ont tous une ambassade. Des États pragmatiques, notamment les Émirats arabes unis, sont également présents sur le terrain, et nous n’y sommes pas.

Il y a aussi de l’espoir dans cette situation. D’après les personnes avec qui je m’entretiens sur le terrain, des femmes continuent à travailler, dans le secteur privé, dans les coulisses, mais elles travaillent. Les femmes continuent de s’éduquer grâce à l’apprentissage numérique et à d’autres moyens. Cependant, le peu de développement économique qui existe va régresser si nous ne commençons pas à aider le peuple afghan.

Je voudrais faire quelques recommandations dans l’espoir que nous puissions prendre des décisions difficiles.

Tout d’abord, je pense que le gouvernement doit élargir sa vision. Je comprends que nous vivons une période de conflit intense avec les guerres au Moyen-Orient, en Europe et ailleurs, mais nous devons honorer les milliards de dollars d’investissement que le Canada a réalisés au cours des 20 dernières années et les plus de 150 vies, militaires et civiles, qui ont été perdues. J’ajouterais les plus de 60 000 militaires et policiers afghans qui ont perdu la vie dans cette lutte. S’il vous plaît, affectons davantage de ressources et essayons d’en faire une priorité.

Avant de vous soumettre ma deuxième recommandation, je voudrais féliciter le Canada d’avoir réagi rapidement en ce qui concerne les réfugiés et d’avoir fixé une cible de 40 000. Je crois savoir que nous atteindrons probablement cette cible et j’espère que nous pourrons la dépasser. Je voudrais également féliciter le gouvernement d’avoir décidé de modifier la loi — je crois qu’il s’agit du projet de loi C-41 — afin de faciliter l’acheminement d’une aide économique vers l’Afghanistan. J’espère que cette mesure sera rapidement mise en œuvre lorsqu’elle sera mise à l’épreuve dans des projets d’aide qui, je crois, seront soumis à votre comité.

La deuxième recommandation est d’être présents sur le terrain. Il est impossible d’avoir une stratégie efficace, de commenter et d’évaluer efficacement sans nous rendre compte par nous-mêmes de la situation. Lorsque j’ai siégé au Conseil de sécurité des Nations unies la dernière fois que le Canada y avait un siège — c’était malheureusement il y a 20 ans — le ministre Axworthy, qui était alors ministre des Affaires étrangères, voulait que nous constations par nous-mêmes la situation en Irak parce que nous siégions au comité des sanctions. Nous ne soutenions pas le régime de Saddam Hussein. Nous ne voulions pas traiter avec lui, mais le ministre a envoyé une mission d’enquête. Nous sommes allés en Irak pour constater la situation par nous-mêmes afin d’orienter notre prise de décision et notre aide au développement. J’invite les responsables canadiens — j’invite votre comité, monsieur le président — à trouver le moyen de se rendre sur le terrain, même sporadiquement. Nous pouvons faire preuve de créativité à cet égard, et je suis heureux de discuter de la façon dont nous pourrions nous y prendre, mais nous devons constater par nous-mêmes. Nous ne pouvons pas rester sur la touche.

Le président : Je vous interromps. Je suis désolé, monsieur Lalani, mais êtes-vous proche de la fin de vos recommandations? Vous avez dépassé le temps imparti et je veux être sûr que nous aurons une bonne période de questions.

M. Lalani : Oui, je suis désolé. La troisième recommandation est d’augmenter l’aide humanitaire. La quatrième est de favoriser le développement économique, ce qui est différent de l’aide humanitaire. Cinquièmement, réunir davantage de parties prenantes au pays pour trouver de meilleures idées, et sixièmement, convoquer les bailleurs de fonds multilatéraux. Nous avons le poids nécessaire pour le faire et nous devrions chercher des moyens plus créatifs. Je vais m’arrêter là.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à Mme Oates.

Lauryn Oates, directrice générale, Canadian Women for Women in Afghanistan : Bonjour, chers sénateurs. Je vous remercie de m’avoir invitée à m’adresser à vous au sujet de la situation désastreuse qui s’aggrave en Afghanistan. Dans ce pays, la quasi-totalité de la population souffre d’insécurité alimentaire. Sur 43 millions de personnes, 15 millions dépendent de l’aide humanitaire pour se nourrir. Le chômage augmente de façon exponentielle. Un tremblement de terre a frappé la province occidentale de Herat le 11 octobre, suivi d’une réplique le 15 octobre. Ensemble, ces tremblements de terre ont fait environ 2 000 morts et 1 800 blessés. Le premier tremblement de terre a complètement ravagé plusieurs villages, rasant quelque 25 000 immeubles. Les survivants se sont retrouvés sans abri, alors que le froid s’intensifie.

Dans le peu de temps dont je dispose, mon message principal consiste à souligner que nous ne pouvons comprendre ces défis humanitaires en faisant abstraction des problèmes relatifs aux droits de la personne dans le pays, y compris son régime d’apartheid sexuel. Le tremblement de terre n’est qu’un exemple parmi d’autres. Plus de 90 % des personnes tuées étaient des femmes et des enfants. Bien entendu, les femmes sont confinées à la maison, n’ont pas le droit de travailler ou de poursuivre des études supérieures, et les filles de plus de 6 ans n’ont pas le droit de fréquenter l’école. La crise économique du pays a poussé de nombreux hommes à devenir des travailleurs migrants en Iran. De nombreux enfants ayant survécu aux tremblements de terre ont vu leur mère tuée alors que leur père se trouve à l’étranger.

De même, nous voyons les conséquences économiques du système de politiques discriminatoires des talibans qui font payer le prix fort aux filles. Même au bas de l’échelle, le prix d’une fiancée s’élève généralement à des milliers de dollars et peut constituer la plus grosse somme d’argent qu’une famille puisse gagner en une seule transaction, de sorte que plus la pauvreté augmente, plus les mariages d’enfants se multiplient. Selon les dernières données, en moyenne, une fille sur trois est mariée avant l’âge de 18 ans et, dans certaines provinces, la moitié des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans, 15 % avant l’âge de 15 ans.

Mariam Safi dirige un organisme de recherche afghan qui a récemment mené une étude sur le mariage d’enfants dans ce pays. Elle aurait déclaré :

Il y a un lien évident entre le retour des talibans en 2021 et l’augmentation du nombre de mariages d’enfants, surtout dans les centres urbains où, depuis une vingtaine d’années, il y a eu une évolution et les familles n’avaient plus le sentiment de devoir marier leurs filles le plus tôt possible, parce que les filles avaient la possibilité de travailler et d’étudier et qu’elles contribuaient aussi financièrement au ménage [...]

Elle ajoutait :

Les talibans les harcèlent et les parents ont peur qu’un taliban enlève leur fille pour en faire sa femme. Ils préfèrent donc les marier avant à n’importe qui [...]

La situation de l’éducation continue de se détériorer, plusieurs nouvelles restrictions ayant été annoncées au cours de l’été, y compris l’exigence que la responsabilité des activités éducatives soutenues par des ONG internationales soit transférée avant la fin de l’année et l’interruption de la scolarisation des filles au‑delà de la troisième année dans certaines régions.

Par ailleurs, je peux vous dire que, selon nos estimations, plus de 100 écoles virtuelles fonctionnent et qu’au moins autant d’écoles locales scolarisent encore les femmes et les jeunes filles. Ces efforts indépendants sont peut-être le meilleur espoir du pays pour l’éducation des femmes et des filles, et nous demandons un soutien pour aider cette communauté croissante de fournisseurs d’enseignement à former un système d’éducation indépendant en exil pour ceux qui ne peuvent pas compter sur l’État pour leur éducation.

Je voudrais également mentionner une autre préoccupation liée à l’éducation, à savoir la refonte du programme scolaire de base par les talibans. Ils n’ont pas caché leur intention de réécrire les manuels en fonction de leur idéologie, y compris, selon leurs propres dires, pour propager la violence et condamner la tolérance, le pluralisme et l’Occident. Les matières laïques comme les sciences seront vidées de leur substance. Outre les conséquences sur les résultats scolaires des garçons et des filles, le fait qu’un groupe terroriste islamiste militant mobilise explicitement les programmes scolaires pour tenter d’endoctriner plusieurs millions d’enfants et de jeunes afin qu’ils adhèrent à une idéologie violente et la mettent en pratique devrait préoccuper profondément ceux qui s’intéressent à la prévention de la violence terroriste.

La pauvreté, le chômage, l’absence de possibilités d’éducation, la suppression des droits et les menaces qui pèsent sur les filles au sein de la famille sont autant de raisons qui poussent les Afghans à tenter de quitter le pays. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime à 7,9 millions le nombre d’Afghans déplacés dans les pays voisins, un chiffre qui devrait continuer à augmenter. Ce chiffre n’inclut pas les Afghans déplacés au-delà de la région, y compris des centaines de milliers en Turquie. Très peu de ces personnes ont le statut de réfugié et beaucoup sont des migrants dits illégaux. Même la petite minorité des personnes qui ont la chance de pouvoir se rendre dans d’autres pays doivent passer par le Pakistan, ce qui implique des frais de visa considérables et une exposition à de nombreux niveaux de corruption, ce qui fait porter un fardeau financier énorme à des familles qui ont souvent déjà perdu leur emploi, leur maison et leurs biens.

Au début du mois, le gouvernement pakistanais a déclaré que 1,73 million d’Afghans sans papiers avaient jusqu’au 1er novembre pour quitter volontairement le pays, sous peine d’être expulsés et de se voir confisquer leurs biens et leurs avoirs. Le gouvernement a annoncé la création d’une ligne téléphonique de dénonciation des Afghans soupçonnés d’être sans papiers. Déjà, des femmes afghanes nous ont appris que le bail de leur logement avait été annulé par leur propriétaire pakistanais ou qu’elles avaient été expulsées dans un court préavis en raison de cette situation. De nombreux Afghans au Pakistan cherchant une solution durable dans un autre pays, ou dont les dossiers sont déjà en cours de traitement, y compris au Canada, risquent d’être expulsés vers l’Afghanistan où certains d’entre eux sont exposés à un risque extrême de détention, de torture, de violence sexuelle et de mort parce qu’ils ont travaillé pour le gouvernement précédent ou les forces armées, qu’ils ont collaboré avec l’OTAN ou qu’ils sont connus pour leur dissidence à l’égard du régime en place. Nous avons même entendu parler d’expulsions d’Afghans détenteurs de visas valides.

En tant que donateur d’aide étrangère au Pakistan, le Canada doit dénoncer cette violation flagrante des normes internationales en matière de protection des réfugiés.

Je conclurai en disant qu’il est bien établi que les tragédies qui touchent un grand nombre de personnes sont souvent moins susceptibles de susciter l’empathie parce que nous ne pouvons pas facilement voir l’histoire humaine qui se cache derrière les statistiques. Toutefois, je vous demande un instant d’essayer de la voir. Voyez la petite fille de 10 ans à qui l’on annonce qu’elle va se marier avec un homme de 50 ans, laissant derrière elle la maison de son enfance, ses frères et sœurs, sa mère, ses poupées, et pensez à tout ce qu’elle va endurer par la suite. Voyez la jeune fille de 16 ans qui pense au suicide parce qu’elle ne peut pas poursuivre ses études secondaires, qu’elle ne peut pas rêver de fréquenter l’université, de faire la carrière qu’elle avait espérée. Pensez à tous les parents qui souhaitent un meilleur avenir pour leurs enfants, mais qui sont littéralement piégés dans une situation de plus en plus dystopique et dangereuse parce que peu de portes leur sont ouvertes pour partir. Ce sont les histoires qui se cachent derrière les chiffres, et plus que notre empathie, elles nécessitent notre action concertée. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci infiniment, madame Oates. Chers collègues, je tiens à vous préciser que vous disposez, comme d’habitude, d’au plus quatre minutes chacun pour la première ronde, incluant les questions et les réponses. Je vous demande donc d’être précis et concis dans vos questions. Cette consigne vaut également pour nos témoins, en ce qui concerne leurs réponses.

Le sénateur Housakos : Merci, monsieur Lalani et madame Oates, de votre présence parmi nous. En 2015, le gouvernement actuel a proclamé que le monde avait besoin de plus de Canada et, malheureusement, huit ans plus tard, nous n’avons jamais vu un Canada aussi absent sur la scène mondiale.

Monsieur Lalani, ma question est la suivante : où la situation a-t-elle dérapé? Nous avons investi des milliards de dollars dans une opération avec toute la bonne volonté du monde, et lorsque la situation s’est corsée, on dirait que nous nous sommes empressés de jeter l’éponge. S’agit-il simplement du fait que nous sommes très tièdes lorsque nous nous engageons dans des opérations internationales? S’agit-il d’un problème des démocraties occidentales dans le sens où nous ne disposons pas d’un plan stratégique solide? Manquons-nous de détermination financière, politique ou militaire? Quels éléments ont échoué dans cette opération qui ont fait que nous n’avons pas obtenu les résultats escomptés?

M. Lalani : Merci, sénateur. Je pense que nous obtenions des résultats. Je pense que le défi actuel, pour être juste au moins envers le gouvernement canadien, c’est que, comme vous le savez, un accord a été conclu entre les États-Unis et les talibans, sans notre participation.

Je pense que le défi actuel consiste à prendre conscience de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il y a en Afghanistan un gouvernement que personne n’aime, qui cause des dommages incroyables à sa propre population, mais nous devons maintenant penser au peuple afghan plutôt qu’à notre propre sentiment d’indignation. Nous devons trouver un moyen de rendre l’aide au développement aux Afghans. Il est ironique de constater que, de l’avis général, la sécurité en Afghanistan est meilleure qu’avant, de sorte qu’il serait en réalité plus facile, d’une certaine manière, pour nos spécialistes du développement de se rendre sur place et d’y acheminer l’aide. Je pense que c’est le premier défi. Le deuxième, c’est que nous avons un problème de capacité à l’échelle mondiale en raison de la grande instabilité qui règne en ce moment.

Toutefois, comme vous l’avez dit, sénateur, je crois que l’Afghanistan est l’un des rares endroits au monde où, pour une raison ou pour une autre, nous avons investi des milliards de dollars, des soldats et du temps sur plusieurs générations. Il n’est pas très logique d’abandonner cet effort maintenant. Je pense que nous devons nous attaquer à ce problème avec plus d’urgence et de créativité.

Le sénateur Housakos : Si je comprends bien votre réponse, il y a un manque de cohésion de la part de nos alliés démocratiques lorsque nous participons à ces opérations, car je reconnais que nous essayons de jouer dans la cour des grands, mais en dernière analyse, des gouvernements au sud de nous et en Europe ont un plus grand poids. Devrions-nous réduire notre participation à ce type d’opérations ou faire une plus grande place à notre rôle de leadership dans ces opérations?

M. Lalani : Je pense que nous devons avoir une meilleure définition du succès et de la victoire, n’est-ce pas? Je pense que le problème des deux administrations américaines, l’administration Trump puis l’administration Biden est que, pour une quelconque raison, elles ont décidé après 20 ans que la « victoire » ne leur était pas acquise. En fait, c’était tout le contraire, car d’après les statistiques que je viens de citer, d’énormes progrès avaient été réalisés, avec cinq à sept mille soldats sur le terrain, avec une moyenne de 10 à 13 soldats qui mouraient chaque année, pas tous au combat. À bien des égards, nous dirions qu’il s’agit d’une opération réussie. Cinq à sept mille soldats maintenaient la paix, telle qu’elle était, les filles fréquentaient l’école et l’économie fonctionnait. Je pense que les pays se sont retirés pour d’autres raisons nationales et politiques, et c’est regrettable.

Nous devons maintenant réfléchir à la façon dont nous allons gérer une défaite auto-infligée, ce qui est le cas ici. Je pense que nous devons maintenant faire de la crise humanitaire un impératif.

J’espère ne pas faire de tort à Rory Stuart, ancien secrétaire d’État britannique au développement international, en me référant encore à lui, mais il a été clair : nous avons perdu, faites-vous à l’idée. Nous devons maintenant composer avec cette situation.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Ravalia : Merci, monsieur l’ambassadeur Lalani et madame Oates. Ma question s’adresse à vous, monsieur l’ambassadeur. Tout d’abord, j’apprécie votre commentaire perspicace. Ma question comporte trois volets : au cours de votre mandat d’ambassadeur en Afghanistan, avez-vous eu des contacts directs avec les talibans? Dans l’affirmative, voyez-vous une possibilité de dialoguer avec des factions au sein des talibans qui sont potentiellement plus progressistes? Par exemple, nous avons récemment entendu parler d’un activiste afghan, Matiullah Wesa, qui a été libéré après sept mois de détention. Il militait activement pour l’éducation des femmes. Deuxièmement, maintenez-vous le contact ou le dialogue avec l’ancien président, Hamid Karzaï, ou avec d’autres partis d’opposition à propos de l’aide que nous pourrions leur apporter? Enfin, pensez-vous que si nous ouvrions une ambassade à Kaboul, nous compromettrions notre propre principe de ne pas dialoguer directement avec cette organisation terroriste et misogyne? Je vous remercie.

Le président : Vous disposez de trois minutes pour répondre à cette question.

M. Lalani : Merci, sénateur. Non, je n’ai pas dialogué avec les talibans pendant que j’étais là-bas, mais nous traitions avec le gouvernement afghan légitime.

Deuxièmement, en ce qui concerne les contacts avec l’ancien président Karzaï et d’autres personnes, je suis en contact avec eux depuis la fin de mon mandat là-bas et j’ai la possibilité de rester en contact avec eux, ainsi qu’avec l’ancien ministre des Affaires étrangères, le Dr Abdullah Abdullah, et d’autres ministres. Troisièmement, en ce qui concerne l’ouverture d’une ambassade, je pense qu’il est possible de procéder progressivement. Je pense que nous pouvons suivre l’exemple d’autres pays qui ont ouvert des bureaux ou qui sont sur le terrain, comme le Japon, l’UE et d’autres. Je pense que nous devons trouver un équilibre entre notre impératif humanitaire, et je dirais même notre obligation en la matière, et la manière dont nous traitons avec un gouvernement. Affaires mondiales Canada a souvent dit, à juste titre, que nous ne reconnaissons pas les gouvernements, mais les États. Je pense que dans ce précepte, nous avons un moyen de rester fidèles à nos principes, de ne pas reconnaître le gouvernement, de constater par nous-mêmes où va notre aide au développement, mais aussi de voir comment nous pouvons aider directement les Afghans, précisément parce que nous avons un problème avec ce gouvernement.

Je pense que c’est possible, qu’il faut de la volonté politique et que si d’autres peuvent être créatifs, il est certain que le Canada peut l’être aussi.

Le sénateur Ravalia : Dans vos communications avec l’ancien président Karzaï et le ministre Abdullah, avez-vous le sentiment qu’ils disposent d’un soutien de la base pour revenir dans l’arène politique afghane? Ou s’agit-il plutôt d’une zone interdite pour le moment?

M. Lalani : Monsieur le sénateur, je ne voulais pas manquer de clarté. J’ai eu des contacts avec l’ancien président Karzaï et d’autres dans le passé, mais pas au cours des deux dernières années. Cependant, je suis certainement en mesure d’en avoir. Je ne sais donc pas. Je ne peux pas me prononcer. Je ferais remarquer que le président Karzaï n’a jamais quitté le pays et je pense que cela lui confère probablement une certaine crédibilité dans les cercles politiques.

Le président : Merci.

La sénatrice Coyle : Merci à nos deux témoins. J’ai une question pour chacun d’entre vous, si le temps le permet. Tout d’abord, monsieur Lalani, je vous remercie pour votre service en Afghanistan. Je sais qu’il n’était pas facile d’y vivre, même à l’époque. J’aimerais approfondir ce dont mon collègue, le sénateur Ravalia, voulait parler. Je pense qu’il s’agissait de votre deuxième ou troisième recommandation, que le Canada devrait être sur le terrain et constater la situation par lui-même. Pourriez-vous nous décrire, non pas l’objectif final, mais peut-être les étapes de la présence du Canada sur le terrain, dans un premier temps, pour faire un constat de la situation, et ensuite l’évolution possible de notre présence? Pourriez-vous nous en dire plus sur ce que vous entrevoyez?

M. Lalani : Merci, madame la sénatrice. Je pense que cela peut se faire progressivement et discrètement pour commencer. Je peux envisager que nous dépêchions des agents de programmes de développement et d’aide humanitaire pour aller constater la situation réelle. C’est une bonne idée d’avoir des renseignements de première main. Je pense qu’il y a des moyens de le faire sans donner l’impression que nous reconnaissons un régime donné.

Tant d’autres choses peuvent découler de cette démarche, par rapport à l’évolution possible de notre présence, en fonction de ce que nos émissaires nous rapporteront. Nous pouvons certainement nous adresser aux pays qui ont des ambassades sur place pour voir comment ils composent avec cette situation, mais nous ne devrions pas laisser les talibans prendre leur population en otage parce que nous ne pouvons pas trouver un moyen d’aller sur le terrain et de fournir de l’aide.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup. Madame Oates, vous avez parlé du soutien nécessaire à ce réseau ou à cet effort clandestin, indépendant, d’éducation en exil. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails sur l’allure que cela prendrait et sur le type de soutien qui, selon vous, serait le plus utile?

Mme Oates : Oui, bien sûr. Il s’agit d’une communauté intéressante composée d’intervenants indépendants, qui comprend des organisations établies, mais aussi de petits groupes de bénévoles. Nous essayons de soutenir cette communauté émergente par l’entremise d’une autre alliance, l’Alliance pour l’éducation des femmes en Afghanistan, une initiative du HCR, de l’Université américaine d’Afghanistan, de l’Université d’État de l’Arizona et de notre organisation, Canadian Women for Women in Afghanistan.

Concrètement, nous avons besoin d’un soutien aux infrastructures pour ces groupes. Par exemple, un soutien très pragmatique qui serait utile est l’Internet satellitaire qui faciliterait des moyens de connectivité de rechange. La connectivité est actuellement assez bonne dans le pays, mais nous devons nous préparer à ce qu’elle devienne indisponible, afin de garantir que toutes les grandes initiatives d’apprentissage virtuel en cours puissent être maintenues.

Nous avons aussi besoin d’un soutien pour des normes de qualité des programmes d’études et l’agrément d’enseignants, et surtout pour la reconnaissance de diplômes. En majorité, cette centaine d’initiatives virtuelles ainsi que les initiatives sur place ne sont pas agréées et ne délivrent pas de diplômes, par exemple, à l’issue de la formation. C’est très important pour les femmes et les jeunes filles qui tentent de tirer profit de leur éducation pour gagner un revenu, sortir du pays, subvenir aux besoins de leur famille dans ces circonstances très difficiles.

C’est aussi une obligation qui nous incombe, d’une certaine manière, car le droit à l’éducation est violé, et lorsqu’un État membre des Nations unies ne respecte pas ce droit, il appartient aux autres États membres d’intervenir et de trouver d’autres moyens de le faire respecter. De plus, comme ces intervenants travaillent sur place, nous avons l’occasion de faire exactement cela.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Boniface : J’ai un commentaire à faire à Mme Oates. Je vous remercie pour ces renseignements. Je sais que vous trouvez encourageant que certaines écoles fonctionnent. Je dois dire que les chiffres m’ont vraiment déprimée en pensant à ceux qui en sont privés, et je vous remercie donc de nous en avoir fait part.

Ma question s’adresse à M. Lalani. À votre connaissance, comment conseillez-vous aux gouvernements de réinvestir en Afghanistan? En ce qui concerne la manière dont le retrait s’est déroulé, il y a eu beaucoup de pression, du moins pour les Américains, du fait que la date butoir était passée et qu’il était temps de sortir nos gens de là. Comment faire face à la fatigue qui découle d’engagements à long terme comme celui-ci, et comment repenser la situation pour l’avenir?

M. Lalani : Merci, madame la sénatrice. Comme je l’ai dit, il est ironique que nous ayons maintenant la possibilité de faire des investissements sans avoir d’engagement militaire, et que, d’une certaine manière, cela puisse faciliter l’acceptation au sein de notre population. Deuxièmement, d’après les personnes à qui j’ai parlé et qui travaillent dans le secteur privé — il en existe un en Afghanistan —, nous devons investir dans le développement économique et commercial, car l’aide humanitaire a ses limites. Si nous n’investissons pas dans l’économie, nous aurons encore plus de problèmes.

Troisièmement, ces personnes me font remarquer que les talibans découvrent aussi un Afghanistan différent de celui qu’ils connaissaient en 1989, car les Afghans sont plus connectés. Ils sont davantage connectés à l’économie mondiale. Ils ont géré des entreprises et ne sont donc pas aussi enclins à courber simplement l’échine devant les talibans. Ils ont besoin de ce lien avec nous et des investissements occidentaux.

Nous pouvons promouvoir des investissements commerciaux dans l’agriculture, les télécommunications, peu importe, et l’un des moyens d’y parvenir est de réunir les parties prenantes et de déterminer la façon de procéder. Quelles sont les options? C’est certainement possible, et je dirais qu’il est certain que nos concurrents stratégiques le font.

La sénatrice Boniface : Pouvez-vous nous donner un aperçu, surtout compte tenu de la présence d’un gouvernement que la plupart des gouvernements ne reconnaissent pas, du moins ceux du monde occidental, de la façon dont vous régleriez ou atténueriez les problèmes de corruption qui se produiront avec l’entrée et la sortie d’argent du pays?

M. Lalani : Il est impossible d’éviter la corruption. C’est regrettable. Lorsque j’étais sur place, il y avait de la corruption, et elle s’est probablement aggravée au fil des ans. Je suppose que vous devez appliquer un certain facteur d’actualisation sur ce que vous allez investir. Je ne cesse de le répéter, mais vos chances de lutter contre la corruption sont meilleures si vous êtes sur le terrain et vous constatez la situation par vous-même. Pour dire franchement, nous devons simplement trouver un moyen de faire des affaires.

J’ai toujours dit que la pauvreté est l’arme des talibans et des extrémistes. Cela leur convient de maintenir les gens dans la pauvreté, alors la prospérité doit être notre réponse, et cela signifie qu’il faut trouver des moyens d’investir.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice M. Deacon : Je remercie nos invités de leur présence. Je suis déchirée lorsqu’un enfant ne peut pas aller à l’école, où que ce soit dans le monde. Le sort des jeunes filles et des enfants en Afghanistan dépasse même notre imagination, et nous devons vous remercier de nous fournir des renseignements pertinents et à jour.

Il est encourageant de constater que les jeunes filles afghanes qui sont venues au Canada ne reculent devant rien. Je travaille actuellement sur les normes, l’accréditation, le perfectionnement et la diffusion de la traduction de programmes d’études, et je ne pense pas que je travaillerais aussi fort si ces filles au Canada ne nous poussaient pas à fournir de l’aide. Je tiens à le souligner publiquement et à vous remercier.

Aujourd’hui, j’aimerais revenir sur vos remarques préliminaires dans lesquelles vous avez formulé des recommandations et approfondi deux d’entre elles. Comme vous êtes sur le terrain, nous vous comprenons et nous vous entendons parfaitement, mais je voudrais d’abord confirmer avec vous les quatrième et cinquième recommandations. Je pense qu’il s’agissait de l’aide humanitaire et des parties prenantes, mais vous les avez énumérées rapidement et je me demandais si vous vouliez ajouter quelque chose à propos de ces deux objectifs. J’aurais ensuite une deuxième question.

M. Lalani : Merci, madame la sénatrice. Je crois que j’ai dit que l’un des objectifs était de favoriser le développement économique, et nous venons d’en parler.

J’ai parlé de réunir les parties prenantes au pays, et je veux dire par là que nous aurions intérêt à ce que le gouvernement réunisse les parties prenantes comme nous le faisons ailleurs — des gens comme Mme Oates et d’autres — qui sont sur le terrain — Care, la Fondation Aga Khan, la Croix-Rouge, notamment — pour déterminer comment fournir une aide plus directe aux Afghans. Il s’agit peut-être en grande partie d’une question de capacité, mais je pense que nous devons trouver un moyen d’y parvenir.

De même, nous pourrions jouer un rôle un peu plus actif en organisant des réunions de bailleurs de fonds multilatéraux à la Banque mondiale et ailleurs.

Je dois être très honnête à ce sujet. Mes anciens collègues n’aimeront peut-être pas l’entendre, mais nous avons tendance à faire de la « Canadexplication » auprès de beaucoup de pays. Nous parlons beaucoup et il y a beaucoup de beaux discours et de grands principes, mais pas beaucoup de résultats pour l’instant.

Nous devons trouver un moyen de traiter avec les intervenants multilatéraux tout en étant prêts à en faire plus.

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup.

Je voudrais revenir sur un point qui a été soulevé hier. Je ne sais pas si vous avez entendu nos témoins, mais ils ont mentionné que plus on s’éloigne de Kandahar, plus la domination des talibans semble inégale. S’agit-il d’un symptôme d’un manque de ressources ou d’une situation qui va empirer avec le temps, ou les talibans ont-ils une emprise ténue sur le pays qui n’existait peut-être pas lorsqu’ils étaient au pouvoir dans les années 1990?

Le président : En 30 secondes, s’il vous plaît.

M. Lalani : J’ai entendu certains de ces témoignages hier. Je pense que les témoins faisaient référence au fait que de nombreux interlocuteurs qui parlent aux représentants du gouvernement ne sont pas de Kandahar, ils sont à Doha, ou ailleurs, et n’ont pas beaucoup d’influence et de pouvoir. Il faut vraiment se rendre à Kandahar et parler aux personnes qui exercent cette influence.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Woo : Je remercie nos témoins. J’aimerais que vous répondiez tous les deux à ce que je vais qualifier de thème dans vos exposés, à savoir un retour sans réengagement. Autrement dit, un retour en Afghanistan, nuancé et subtil, pour réaliser certains objectifs précis, surtout humanitaires, mais en nous bouchant le nez lorsqu’il s’agit de traiter avec les talibans.

Est-ce vraiment possible? Au moment où nous essaierons d’intervenir, devons-nous reconnaître que la subtilité nécessaire comprendra une certaine mesure de réengagement limité, si je peux m’exprimer ainsi? La base sur laquelle repose une grande partie de l’argument en faveur de ce que vous faites, surtout en matière d’éducation des filles, est une sorte d’intervention humanitaire, comparable à ce que nous avions l’habitude d’appeler la responsabilité de protéger — non pas dans le cas d’activités génocidaires, mais de violations flagrantes des droits des femmes. J’entends dire que nous devons passer par-dessus la tête du régime actuel pour fournir des normes d’enseignement et du matériel pédagogique universellement reconnus, même si le régime actuel a explicitement déclaré que ce n’est pas ce qu’il veut pour son peuple.

Là encore, il s’agit d’un raisonnement fondé sur la responsabilité de protéger. Je m’interroge sur le droit international applicable. Je m’interroge sur le risque de répercussions pour ceux qui dispensent ce type de programmes, et pour les apprenants qui sont, bien sûr, dans le pays et susceptibles de se voir infliger des mesures punitives.

En résumé, la question est la suivante : comment pouvons-nous le faire sans nous réengager de quelque manière que ce soit avec les talibans?

Mme Oates : Pour être claire, je préconise de contourner le régime. En majorité, les Afghans ne le voient pas comme un régime légitime, étant donné la manière dont il a pris le pouvoir. Je tire également une leçon historique du fait que j’ai déjà vu ce scénario. Notre organisation célèbre cette année son 25e anniversaire. Elle a été fondée sous le premier régime taliban. Nous les avons vus arriver au pouvoir, nous les avons vus tomber et je pense que nous devons nous tourner vers l’avenir.

Selon moi, la situation est provisoire. Il se peut qu’elle perdure, mais elle n’est pas permanente. Nous devons maintenir et préserver un système éducatif et des progrès en matière d’éducation afin de ne pas avoir à repartir de zéro lorsque nous nous retrouverons dans le même type de situation qu’à la fin de l’année 2001. La situation est inhabituelle, mais pas totalement sans précédent. Nous pouvons nous inspirer de certains modèles.

Au Canada, nous avons des systèmes d’éducation publics, des systèmes indépendants et des systèmes internationaux comme le baccalauréat international. Puis, il y a des situations comme celle du Tibet, où il y a des écoles tibétaines pour les ressortissants tibétains du monde entier à l’extérieur du Tibet. Je pense que nous pouvons examiner des modèles pour déterminer comment procéder, mais il ne s’agit pas du tout de faire comme si de rien n’était. Nous devons faire preuve de créativité et d’innovation et être capables de faire les choses un peu différemment dans une situation où nous devons être extrêmement prudents pour ce qui est de collaborer avec le régime au pouvoir en ce moment.

Des choses sont possibles. Nous le faisons. C’est tout à fait possible et nous devons rester engagés auprès du peuple afghan.

[Français]

La sénatrice Gerba : Merci à nos invités d’être ici présents. Je note que nous avons beaucoup de recommandations de la part de l’ambassadeur Lalani. Merci beaucoup.

Je m’interroge sur le contrôle effectif des talibans sur le territoire et les mouvements d’opposition aux talibans. Notamment, Ahmad Massoud, dirigeant en exil du Front de résistance nationale d’Afghanistan et fils de l’ancien commandant Ahmad Shah Massoud, a expliqué que son mouvement était passé de 1 200 à 4 000 hommes et qu’il entamait une guérilla urbaine. Quel est votre point de vue sur la position de Massoud?

M. Lalani : Merci sénatrice. Si vous le permettez, je vais parler en anglais.

[Traduction]

Pour l’instant, il semble que nous n’ayons pas de politique. Nous ne voulons pas soutenir la résistance de M. Massoud; nous ne semblons pas non plus vouloir nous engager directement dans le pays en matière de développement et d’aide humanitaire. D’une certaine manière, je pense que nous devrions être prêts à faire les deux. Il faut soutenir ceux qui veulent s’opposer au régime. Franchement, c’est un levier pour faire plus à l’intérieur du pays en matière de développement et d’aide économique. L’immobilisme n’est pas vraiment une stratégie. Nous devons prendre des décisions difficiles.

Deuxièmement, je ne pense pas que nous devions avoir peur de parler aux membres de la résistance. À l’ouest, il y a peut-être une certaine réticence à dialoguer avec eux. Ils sont à l’extérieur du pays. Nous pouvons être en contact avec eux. Le gouvernement l’est peut-être, mais je pense que nous ne devrions pas avoir peur d’au moins leur parler.

[Français]

La sénatrice Gerba : Merci beaucoup pour la réponse. Ma prochaine question s’adresse à Mme Oates. Vous nous avez tracé le portrait des filles afghanes et des femmes en Afghanistan. Malheureusement, tous les progrès qui ont été réalisés ont disparu. De quelle manière le Canada pourrait-il aider les femmes afghanes?

Mme Oates : Merci beaucoup pour la question.

[Traduction]

Il est important de reconnaître que les progrès ne sont pas tous perdus. C’est ce que j’ai ressenti dans les premiers jours qui ont suivi août 2021 et un de mes amis qui travaillait sur le terrain m’a fait remarquer : « Que penses-tu que toutes les femmes qui ont suivi des cours d’alphabétisation et qui sont allées à l’école vont faire? Elles vont enseigner dans leur salon. Elles vont enseigner à leurs filles et à leurs voisines, comme elles le faisaient sous le premier régime taliban. » Je connais de nombreuses femmes qui ont perdu leurs droits à l’époque, dans les années 1990, et qui ont poursuivi leurs études, parfois de manière clandestine ou après la chute des talibans, et qui ont veillé à ce que leurs filles soient éduquées. Comme l’ambassadeur Lalani l’a souligné, le pays compte un nombre important de personnes instruites. La situation est différente de celle qui prévalait lorsque les talibans ont pris le pouvoir la première fois. Ils sont vraiment à la peine. En fin de compte, je pense qu’ils ne parviendront pas à éteindre le désir des gens de s’instruire.

En ce qui concerne ce que nous pouvons faire...

Le président : Je crains de devoir vous interrompre, car nous avons dépassé les quatre minutes. Je suis désolé, madame Oates.

Le sénateur MacDonald : Je remercie ces deux témoins. Je comprends certainement vos sentiments au sujet de la situation en Afghanistan. Je suis extrêmement déçu du cours des événements en Afghanistan.

Je me souviens qu’il y a une dizaine d’années, j’ai assisté à une cérémonie du jour du Souvenir et des gens m’ont demandé de parler de l’Afghanistan. J’ai dit que nous ne pouvions pas juger l’Afghanistan aujourd’hui, nous devons le juger comme nous jugeons la Corée du Sud aujourd’hui, 50 ans plus tard. Quelle grande démocratie la Corée du Sud est devenue parce que nous étions prêts à la défendre là-bas, et pourtant, nous voici, un peu plus de 20 ans après notre intervention, et les talibans sont de retour, avec un contrôle presque total, en apparence.

Dans quelle mesure vos ambitions en matière d’éducation et d’investissement sont-elles réalistes tant que les talibans ont le contrôle? La seule solution n’est-elle pas une résistance armée à l’intérieur du pays pour les éliminer?

Le président : Cela ressemble à une question pour M. Lalani.

M. Lalani : Nous devons nous concentrer sur le résultat. Nous semblons avoir très peur d’investir parce que les talibans pourraient faire X ou Y ou peut-être pas. D’après mon expérience, nous devons simplement essayer. Nous pouvons nous rendre sur place, élaborer des programmes de développement très clairs et précis et en suivre les résultats. Nous devrions être beaucoup plus motivés par les résultats.

Il y a des investissements à faire dans le développement économique et d’autres dans l’aide humanitaire et l’éducation. Quelle est la solution de rechange? Je pense que la solution de rechange est de rester sur la touche et de prétendre que nous allons en faire plus.

Je dirais que si nous ne pouvons pas faire plus, ce que je comprends, alors nous ne prétendons pas que nous le ferons.

Le sénateur MacDonald : Vous avez parlé d’investissement. Faites-vous référence à l’investissement financé par le gouvernement ou à l’investissement du secteur privé? De quels investissements parlez-vous?

M. Lalani : Sénateur, je pense qu’il s’agit des deux. Souvent, le secteur privé veut investir. Il exigera certaines garanties financières et d’autres natures, mais nous avons des institutions pour cela en fait d’assurance et de crédit au développement des exportations, etc.

Il s’agit aussi de partenariats. Il y a des possibilités de partenariat avec le secteur privé d’autres pays qui investissent déjà sur place, donc je pense qu’il s’agit d’une combinaison des deux.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie.

Le président : Avant de passer au deuxième tour, et il sera bref, j’aimerais poser une question à l’ambassadeur Lalani.

Vous vous souvenez peut-être — je m’en souviens certainement — qu’il y a 20 ans, lorsque nous travaillions ensemble à Washington dans notre ambassade, nous avions très à cœur, en tant qu’ambassade, de rencontrer le représentant spécial du président Bush pour l’Afghanistan, l’ambassadeur Kalilzad, qui est devenu par la suite ambassadeur en Afghanistan. Vous et moi avons rencontré le ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah à l’ambassade d’Afghanistan. Nous avons rencontré le président Karzaï. Nous avons fait beaucoup de choses de ce genre.

Il semble que certains autres pays, notamment l’administration américaine, s’intéressaient beaucoup à ce que nous avions à offrir, qu’il s’agisse de la manière de tirer parti d’une réunion ou d’une assemblée de la Loya Jirga — autant de termes nouveaux pour nous à l’époque.

Bien sûr, avec la position des Forces armées canadiennes et des bureaux de développement en Afghanistan...

Ma question joint donc celle de la sénatrice Gerba : le Canada a-t-il perdu l’étincelle créatrice qui lui permet de trouver de nouvelles solutions? Vous avez fait quelques propositions. Avez-vous l’impression qu’il y a une ouverture pour regarder un peu plus vers l’extérieur et travailler avec nos alliés pour trouver des idées créatives?

M. Lalani : Merci, sénateur.

Je me souviens très bien de cette période. Ce dont je me souviens — et je pense que nous pouvons le dire tous les deux maintenant —, c’est que nous nous aventurions peut-être de notre propre chef pour établir des contacts là-bas. Je pense que mes collègues du ministère ont encore cette tendance, mais je pense que nous devons laisser nos diplomates prendre plus de risques.

En fait, les Américains appréciaient les renseignements dont nous disposions à l’époque, car contrairement à eux, nous avions maintenu certaines opérations en Afghanistan sur le front humanitaire, ce qu’ils n’avaient pas fait. Je le répète, il est utile d’être sur le terrain.

Le Canada a un rôle à jouer en convoquant d’autres pays et d’autres parties prenantes pour réfléchir à ce que nous pouvons faire de manière créative. Je pense que c’est un rôle qui reste pertinent pour le Canada.

Le président : Merci beaucoup.

Il nous reste environ trois ou quatre minutes, et nous avons cinq sénateurs. C’est un défi pour n’importe quel président d’essayer de concilier tout cela, mais si un sénateur veut se retirer — les sénateurs Woo et Ravalia. Très bien. Cela nous ramène à trois sénateurs. Je vais vous donner un moment pour poser votre question — qui sera très concise, je l’espère — et je verrai s’il nous reste du temps pour permettre à nos deux témoins de répondre.

Le sénateur Housakos : Je vais essayer d’être inhabituellement bref.

Le pays est confronté à des défis économiques. Les ressources sont exploitées au maximum. Même s’il y a une volonté d’offrir une aide humanitaire et d’aider toutes ces causes merveilleuses, les Canadiens sont aussi fatigués de voir qu’une grande partie de notre argent sert à soutenir, directement et indirectement, des dictatures, des tyrans et des pays voyous dont les valeurs ne sont pas forcément toujours compatibles avec les nôtres.

Il me semble qu’il s’agit là d’un cas classique où nous essayons d’obtenir ce que nous n’avons pas pu obtenir. Comme vous et le secrétaire d’État britannique l’avez dit dans vos déclarations, nous avons perdu. Tournons la page, acceptons la situation et allons de l’avant.

La sénatrice Coyle : Monsieur Lalani, pourriez-vous citer des exemples où le Canada s’est engagé avec d’autres États pendant des périodes difficiles dont nous pourrions tirer des leçons et les citer comme précédents? Madame Oates, est-ce que cela faciliterait votre travail si le Canada était sur le terrain à Kaboul ?

La sénatrice Gerba : J’aimerais simplement que Mme Oates termine sa réponse, car j’aimerais savoir si nous pouvons adapter notre politique étrangère internationale à l’Afghanistan.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons vous donner une minute chacun, en commençant par Mme Oates.

Mme Oates : Je vous remercie de m’en offrir l’occasion.

Le Canada pourrait faire preuve d’un leadership très important sur la scène mondiale en discutant de la façon d’affirmer plus énergiquement nos valeurs et de les mettre en pratique en préconisant la codification de l’apartheid sexuel comme un crime contre l’humanité en droit international. Cette initiative bénéficie actuellement d’un élan très important. D’autres États membres des Nations unies la soutiennent. Je vous invite à envisager de faire témoigner Karima Bennoune, l’universitaire la plus éminente à l’heure actuelle qui a présenté les arguments en faveur de cette mesure. Je vous prie d’envisager cette possibilité. Ce serait une excellente façon de défendre notre politique internationale féministe.

Pour compléter ma réponse sur les mesures concrètes possibles, je pense que nous pourrions nous inspirer de l’exemple intéressant du soutien de l’Allemagne aux bourses d’études dans la région, et non en Allemagne. C’est beaucoup plus rentable. L’Allemagne a payé pour que 5 000 femmes afghanes fréquentent l’université au Bangladesh. Ce serait un précédent intéressant à envisager — les bourses, le soutien aux possibilités de télétravail et l’aide aux femmes et aux hommes afghans sur la manière d’accéder à ce paysage croissant de possibilités de télétravail lorsqu’ils ne peuvent pas trouver d’emploi dans le pays.

Enfin, si nous nous intéressons à l’égalité des sexes en matière d’éducation, il est important de soutenir également l’éducation des garçons et des hommes. J’ai fait part de mes préoccupations concernant le programme d’études. Je serais ravie de soumettre des renseignements complémentaires détaillant exactement les changements prévus et leurs implications. Une éducation moderne, laïque et de qualité, qui encourage la pensée critique, est une forme de résistance. Ce n’est pas se livrer à une résistance armée, mais c’est tarir la source de cette idéologie de violence terroriste djihadiste vraiment dangereuse qui peut être soit propagée par un système d’éducation, soit stoppée par un système d’éducation. C’est une mesure que nous pouvons prendre pour résister et saper le régime.

Le président : Merci beaucoup. Si vous souhaitez nous soumettre des écrits, veuillez les faire parvenir à notre greffière. Je suis sûr que nous en prendrons connaissance avec grand intérêt.

Monsieur Lalani, vous avez le dernier mot.

M. Lalani : Je comprends tout à fait ce sentiment. Nous avons fait des investissements et l’argent ne tombe pas du ciel. Il faut toujours viser un rendement optimal de nos investissements. Une des façons d’y parvenir serait peut-être d’encourager les investissements du secteur privé pour appuyer cela.

Nous pourrions aussi admettre que nous avons perdu et passer à autre chose. Toutefois, si nous adoptons cette position, il faudra arrêter les égoportraits et les mots-clics, arrêter de prétendre que nous allons faire davantage et que nous soutenons les Afghans. Ce n’est pas la réalité. Tournons la page et laissons-les s’associer à d’autres pays qui seront prêts à investir.

Je tiens à rappeler que le cycle des alliances et des abandons que nous perpétuons depuis les années 1950 en Afghanistan a fait en sorte que les coûts et que le nombre de victimes augmentent chaque fois que nous y retournons. Nous nous entêtons à investir et à vouloir évaluer les résultats… Cela dit, je ne prétends pas qu’il faille ouvrir la porte complètement.

Votre question concernant des exemples de ce qui s’est fait ailleurs est excellente. Je vous inviterais à regarder ce qui s’est fait sous le régime de Saddam Hussein, qui faisait l’objet de sanctions. Nous avons trouvé des moyens de livrer de l’aide humanitaire et de collaborer avec le secteur de l’énergie. Je ne sais pas si nous pouvons nous inspirer de ce qui se fait au Myanmar.

L’élargissement du projet de loi C-41 est un progrès. Nous devrions faire des analyses pour déterminer s’il serait possible d’élargir les exemptions. Autrement dit, des sanctions ont été imposées à des régimes dans le passé et il y avait des exemptions. Les exemptions pourraient-elles être élargies en fonction des résultats de nos investissements? C’est peut-être ce qu’il y a de mieux à faire.

Le président : Merci beaucoup. Au nom du comité, je remercie les témoins d’avoir participé à notre réunion. Nous avons eu droit à des débats de grande qualité et nous vous en sommes reconnaissants. Nous allons maintenant accueillir le second groupe de témoins. Encore une fois, merci à vous tous.

M. Lalani : Je vous en prie.

Le président : Chers collègues, nous sommes ravis d’accueillir Mme Nipa Banerjee. Mme Banerjee est agrégée supérieure de recherche à l’École de développement international et mondialisation de l’Université d’Ottawa. Nous recevons aussi M. Usama Khan, chef de la direction de l’organisme Islamic Relief Canada, ainsi que M. Nader Nadery, agrégé supérieur de recherche au Wilson Center, qui nous joint par vidéoconférence. Bienvenue à vous trois. Nous allons écouter vos brèves déclarations liminaires avant de passer aux périodes de questions.

Madame Banerjee, vous serez la première. Nous vous écoutons.

Nipa Banerjee, agrégée supérieure de recherche, École de développement international et mondialisation, Université d’Ottawa, à titre personnel : J’ai noté les points que je souhaite aborder parce que c’est plus facile pour moi étant donné la vastitude de ce sujet. Je ne sais pas vraiment comment présenter une déclaration liminaire et je n’ai aucune idée des questions que vous allez me poser. Je vais donc vous lire mes observations.

Je vais tout d’abord dire quelques mots sur les conséquences de l’effondrement de la République d’Afghanistan, de la chute de Kaboul et de l’impérative nécessité pour la communauté internationale d’entamer rapidement des pourparlers avec les talibans.

Il y a un peu plus de deux ans, le monde a assisté à l’effondrement de l’État afghan et de son économie. La pauvreté était déjà endémique avant la prise de contrôle par les talibans. L’économie était fragile et beaucoup trop dépendante de l’aide étrangère pour soutenir le développement et le budget de fonctionnement du pays. Plus de deux ans après la chute de Kaboul, l’économie du pays s’est enfoncée dans une spirale vertigineuse d’appauvrissement et de destitution.

La prise de pouvoir par les talibans en 2021 a entraîné des sanctions des États-Unis. Après le gel des réserves de devises de la banque centrale de l’Afghanistan, les banques ont fermé et les opérations financières ont cessé. La plupart des donateurs bilatéraux et les instances financières internationales, soit la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, ont suspendu l’aide à l’Afghanistan.

Ce que j’entends durant mes discussions fréquentes avec des Afghans qui résident encore en Afghanistan, c’est qu’ils se sentent plus en sécurité et qu’il y a moins de violence puisque les combats ont cessé et que la petite criminalité est contrôlée. Dans l’ensemble, la situation s’est améliorée sur le plan de l’ordre public. Je vous rappelle que je vous rapporte ce que me disent les gens que je connais en Afghanistan.

N’empêche, l’insécurité alimentaire atteint des sommets, et la crise touche encore plus durement les femmes et les enfants. Les derniers rapports sur la situation en Afghanistan font état d’une recrudescence de l’insécurité qui serait attribuable aux activités violentes de l’État islamique dans la province du Khorassan. Pour avoir un aperçu des derniers développements, je vous invite à consulter le rapport de la Banque mondiale d’octobre 2023.

Privé de l’aide internationale essentielle, l’émirat d’Afghanistan a échoué à alléger le fardeau économique ou à venir en aide à la population afghane, et donc à la convaincre de sa légitimité. Par conséquent, l’actuel gouvernement de facto, l’émirat islamique, tente désespérément d’obtenir la reconnaissance de la communauté internationale et d’avoir accès à l’aide étrangère et aux comptes bancaires.

Les puissances occidentales ont laissé passer l’occasion d’ouvrir le dialogue avec les talibans lors de la conférence de Bonn en 2002. Une réconciliation avec les talibans déchus, brisés et affaiblis à ce moment aurait eu pour conséquence qu’il y aurait eu moins d’insurrections et de conflits par la suite.

Ce n’est pas ce qui s’est passé. Après avoir été évincés à Bonn en 2002, les talibans ont utilisé les 19 années qui ont suivi pour renforcer leur mouvement et reprendre le contrôle sur le territoire afghan. C’est maintenant mission accomplie.

Si nous renonçons une fois de plus à ouvrir un dialogue, nous allons isoler les talibans, mais nous allons surtout isoler la population innocente de l’Afghanistan. Et s’ils sont isolés, les talibans risquent de revenir très rapidement au règne de terreur qui a marqué le milieu des années 1990.

Les puissances occidentales doivent engager des pourparlers diplomatiques avec les talibans et faire jouer les leviers de la diplomatie pour les amener à coopérer aux efforts visant à améliorer les conditions de base dans le pays, y compris les droits des femmes.

Parler aux talibans ne veut pas dire reconnaître ou légitimer d’emblée le gouvernement de facto, mais plutôt consulter les leaders en poste pour trouver des moyens de favoriser un accès rapide et direct de la population à de l’aide humanitaire, à des vivres, à de l’eau potable, à des vêtements et à des abris. C’est aussi essentiel pour prévenir les atteintes aux droits fondamentaux, et surtout ceux des femmes.

Dans ses déclarations, ses annonces et ses discussions avec les puissances mondiales, le gouvernement de facto de l’émirat a tenté de les convaincre de sa volonté de respecter les droits légitimes de la population. Il reste au gouvernement taliban à joindre le geste à la parole, en particulier pour ce qui concerne les droits liés à l’égalité entre les sexes.

Pour les donateurs occidentaux, la quête de légitimité des talibans continue d’offrir une possibilité de négocier pour obtenir leur soutien à la distribution rapide et efficace d’aide humanitaire et à la mise en place à moyen et à long terme de réformes en matière de gouvernance, notamment pour ce qui concerne les droits des femmes.

J’aimerais faire comprendre à certaines militantes pour les droits des femmes qui s’opposent à tout dialogue avec les talibans que la dure réalité, c’est que l’Afghanistan a un urgent besoin d’aide humanitaire et économique, mais aussi de soutien pour faire avancer les droits des femmes et favoriser le développement à plus long terme.

Dans une approche équilibrée, l’aide humanitaire et économique ira de pair avec la lutte pour les droits des femmes. Une stratégie qui concilie ces besoins donnera des résultats durables. Et la première étape sera la consultation des talibans. Merci.

Le président : Merci à vous.

Usama Khan, chef de la direction, Islamic Relief Canada : Merci, distingués sénateurs, de nous avoir convoqués aujourd’hui pour parler de cet important sujet. Je vais commencer par me présenter. Je m’appelle Usama Khan, et je suis chef de la direction d’Islamic Relief Canada, un organisme de bienfaisance international basé au Canada. L’an dernier, nous avons recueilli les dons de 93 000 particuliers à l’échelle du pays.

Nous avons amassé 83 millions de dollars l’an dernier. À peu près 95 % de notre financement provenait de particuliers de partout au Canada, et nous avons touché des subventions fédérales de 35 millions de dollars environ, dont une subvention récente destinée à l’Afghanistan.

Nous faisons aussi partie de la Coalition humanitaire du Canada. Islamic Relief a joué un rôle important dans la campagne #AideAfghanistan, dans le cadre de laquelle des gens ont fait de la sensibilisation dans les médias et auprès des élus. Ces efforts ont mené au projet de loi C-41. Je vais parler de certaines difficultés liées à la mise en application du projet de loi C-41 dans quelques instants.

En août, j’ai eu la chance de me rendre à notre bureau extérieur en Afghanistan. J’y suis resté trois jours. Je serai heureux de vous faire part des réflexions que m’a inspirées cette visite. J’aimerais maintenant reprendre à mon compte certaines observations de Mme Banerjee.

Il est essentiel pour nous de pouvoir continuer d’intervenir en Afghanistan, et il existe diverses possibilités de le faire. Nous sommes très conscients des défis. Nous savons que le pays est aux prises avec une crise humanitaire qui a été exacerbée par le récent séisme, et que les conditions déjà très difficiles pour les femmes et les filles afghanes se sont détériorées.

Des possibilités s’offrent à nous. La première dont je veux parler a trait à l’accès à l’aide humanitaire. Islamic Relief mène des projets dans diverses zones de conflit dans le monde. Notre organisme n’est pas le seul à vouloir faire ce travail. Les intervenants du secteur que j’ai rencontrés à Kaboul m’ont affirmé que l’accès était relativement facile dans toutes les régions du pays. Là encore, c’est rarement le cas dans les points chauds du globe. Il faut en profiter.

J’aimerais aussi parler de la situation pour ce qui est de l’ordre public et de la sécurité. L’an dernier, je n’ai pas pu me rendre en Afghanistan en raison des risques pour la sécurité de nos équipes. Toutefois, comme je l’ai mentionné, j’ai rencontré de nombreux expatriés, des ressortissants de pays occidentaux qui peuvent actuellement faire du travail humanitaire en Afghanistan. Sur les plans de l’ordre public et de la sécurité, la situation est relativement stable. Cette stabilité facilite l’accès des organismes non gouvernementaux, les ONG, du monde entier et la poursuite de nos activités en Afghanistan.

Il existe deux grandes sources de difficulté et de frustration pour les milieux humanitaires. La première est l’interdiction d’éducation imposée aux filles. Quand nous visitons les orphelinats auxquels nous venons en aide en Afghanistan, les garçons comme les filles nous parlent de leurs rêves et de la difficulté de les réaliser à cause de l’interdiction d’éducation. C’est difficile à entendre, et c’est probablement ce qui préoccupe au premier chef l’ensemble de la communauté internationale.

La deuxième source de frustration est l’interdiction pour les travailleuses des ONG de se rendre dans leurs bureaux. Quand j’ai visité notre bureau central à Kaboul, j’y ai rencontré des femmes qui travaillent pour nous. C’est important de souligner que dans le contexte afghan, il est impossible pour les ONG d’entrer en contact avec les femmes et les filles, qui ont le plus besoin d’aide et de soutien, sans le concours de leur personnel féminin. Après en avoir discuté avec notre équipe sur place, je sais que les provinces n’appliquent pas les règles du gouvernement fédéral tout à fait de la même façon. Certaines provinces sont un peu moins strictes, une autre réalité qui complique énormément le travail des organismes humanitaires.

Je vais conclure ma déclaration liminaire en formulant mes demandes au comité, au gouvernement et à l’ensemble des gouvernements occidentaux.

Tout d’abord, il faut continuer d’investir dans les citoyens et la population civile en Afghanistan. Il faut favoriser une prospérité et un essor économique durables, faire en sorte que la population ait foi en l’avenir. Autrement, des Canadiens auront perdu leur vie en vain en Afghanistan.

De plus, pour assurer la paix et la sécurité en Afghanistan et dans le monde entier en luttant contre l’attrait des mouvements extrémistes, il est primordial d’investir dans le développement socioéconomique du pays.

Par ailleurs, le secteur a pointé certaines difficultés liées à la mise en application du projet de loi C-41 et un manque de clarté, il a demandé des éclaircissements législatifs concernant certaines questions soulevées, mais rien n’a bougé de ce côté.

Enfin, le Canada doit poursuivre ses efforts pour renforcer son rôle de leader mondial et fédérer ses alliés. Lors de mon passage à Kaboul, des collègues du secteur humanitaire m’ont dit qu’il ne faut pas confondre le dialogue et l’approbation. Le Canada doit montrer la voie à ses alliés pour que ces efforts soient déployés et que nous ne perdions pas la chance d’apporter notre contribution en Afghanistan.

Merci beaucoup.

Le président : C’est nous qui vous remercions. Nous passons maintenant à M. Nadery. Vous avez la parole.

Nader Nadery, agrégé supérieur de recherche, The Wilson Center, à titre personnel : Merci, monsieur le président, distingués sénateurs.

Je suis Afghan et c’est à ce titre que je vous remercie du soutien dont vous avez fait preuve à l’égard de l’Afghanistan depuis des années. Je tiens également à vous remercier, vous, vos collègues et l’ensemble des Canadiens, pour votre accueil généreux de milliers d’Afghans en danger depuis deux ans.

J’ai aussi été commissaire aux droits de la personne et je tiens également à féliciter le Canada pour ses efforts dans ce domaine. Je vous suis reconnaissant et je vous remercie pour votre soutien à la cause des droits de la personne.

Les témoins du groupe précédent et ceux du présent groupe, y compris l’ancien ambassadeur Lalani, ont parlé de ce que nous avons perdu. Permettez-moi à mon tour d’ajouter quelques éléments à la liste de ce que nous avons perdu depuis deux ans.

Premièrement, nous avons perdu notre jeune et fragile démocratie. Elle n’était pas parfaite, tant s’en faut, mais elle aurait pu servir d’exemple à d’autres régions instables. Cette démocratie n’est plus. Ce qui a suivi a été un exemple à ne pas suivre pour d’autres pays de la région concernant la représentation et le rôle de la population…

Deuxièmement, et c’est une perte qui revêt un caractère très précieux même si on en entend souvent parler d’une manière différente, a été celle de 70 000 Afghans décédés depuis les deux dernières décennies. Parmi eux se trouvaient 60 000 membres des forces de sécurité qui ont sacrifié leur vie pour la constitution et cette République islamique. D’aucuns prétendent que les Afghans ne se sont pas battus pour protéger leur constitution ou leur pays, ou font des comparaisons avec l’Ukraine. Ils oublient ces 60 000 hommes et femmes en uniforme. De tels propos témoignent d’un manque de respect envers leur héroïsme, et ils donnent aussi à penser que nous avons oublié le récit de leur héroïsme.

Troisièmement, nous avons perdu une génération entière d’Afghans qui ont grandi avec des valeurs libérales après 2001, qui s’apprêtaient à devenir des leaders et à lutter contre le radicalisme dans cette région où il est si bien ancré.

Je sais pertinemment, à titre d’ancien président de la fonction publique en Afghanistan, qu’il y a eu une perte de 30 % au moins des effectifs en raison du départ de fonctionnaires compétentes, qui fournissaient des services dans des contextes extrêmement difficiles et au bénéfice de leurs concitoyennes qui en avaient besoin. Ces femmes qui représentaient 30 % des 400 000 fonctionnaires du pays sont perdues.

En tant qu’ancien commissaire aux droits de la personne, je peux affirmer également qu’une grande partie des droits et libertés a régressé ou a été perdue. L’Afghanistan a aussi perdu deux décennies d’efforts pour bâtir un secteur civil extrêmement dynamique et en plein essor. Ce secteur est aujourd’hui en déclin.

Après leur prise du pouvoir le 15 août 2001, les talibans ont instauré 86 nouvelles règles qui ont profondément bouleversé tous les aspects de la société, mais surtout la place des Afghanes au sein de la société. Comme d’autres témoins l’ont évoqué, les restrictions touchent leur éducation, mais aussi leur accès aux soins de santé, à l’emploi et à des perspectives économiques, de même que leur présence dans les médias. Leur accès à la justice a également été fortement restreint.

Un mécanisme d’application comme celui du ministère du vice et de la vertu, la nature systématique des politiques et des pratiques, tout cela a pour objectif d’éradiquer les femmes de la vie en société, de restreindre leur participation à la vie publique. Fondamentalement, l’objectif est de les contrôler. Comme le disent à juste titre les militantes pour les droits des Afghanes, les femmes subissent de l’apartheid sexuel. Les crimes d’apartheid tels qu’ils sont décrits en droit international sont très manifestes et très présents dans les politiques des talibans. Les Afghanes ont donc raison de parler d’apartheid sexuel et de crime contre l’humanité.

L’atteinte aux droits de la personne prend aussi la forme d’exécutions extrajudiciaires d’anciens membres des forces de sécurité et de leaders communautaires influents, ou d’attaques ciblées contre des militants et d’anciens membres de l’administration gouvernementale. Les Nations unies et d’autres organismes ont documenté des centaines d’attaques ciblées et d’exécutions judiciaires. Ces pratiques sont systématiques et clairement perpétrées de manière organisée, et constituent par conséquent des crimes contre l’humanité.

La liberté de presse est restreinte et les droits politiques. Les activités des partis politiques sont complètement interdites. Tout à l’heure, l’honorable sénateur a posé une question au sujet de l’ancien président Karzaï et du Dr Abdullah. Personne n’a le droit de participer à des activités politiques, et eux pas plus que les autres. Les talibans ont annoncé officiellement que ces activités sont interdites.

En 2020 et 2021, j’ai participé aux pourparlers de paix avec les talibans. Ce processus a duré une année, mais malheureusement, notre équipe a échoué.

Comme vous le savez, l’accord signé entre les États-Unis et les talibans visait essentiellement un retrait. Conjugué aux échecs des leaders politiques afghans et à leur manque de vision, l’accord de Doha conclu entre les États-Unis et les talibans a largement contribué à l’effondrement final et à ce qui s’est ensuivi.

Actuellement, nous mettons nos espoirs dans les Afghans, les leaders communautaires et les militants de la société civile qui se battent au quotidien. Chaque fois que je vois des filles manifester dans les rues, je me sens fier d’être un Afghan, mais je me sens en même temps très honteux. Je suis fier de leur courage, de leur dévouement et de leur résilience, mais je suis honteux parce que nous ne sommes pas à leurs côtés dans les rues, moi et tous les autres dans ma situation.

Ceux qui dirigent les écoles, les personnes comme Wesa, qui vient d’être libéré après 215 jours d’emprisonnement, sont d’excellents exemples de personnes que nous pouvons soutenir.

Le président : Je suis désolé, monsieur Nadery, mais je dois vous interrompre. Vous avez dépassé le temps alloué. Je suis certain qu’il vous restait des choses à dire, et vous pourrez le faire durant les périodes de questions.

M. Nadery : Merci.

Le président : Merci à vous. Chers collègues, nous allons maintenir la règle des quatre minutes. Je vous invite à poser des questions succinctes. Le même conseil vaut pour les témoins. Faites de votre mieux pour donner des réponses succinctes.

La sénatrice Coyle : Merci à l’ensemble des témoins. Ma première question s’adresse à Mme Banerjee.

Je crois que vous avez écrit au sujet des pourparlers avec les talibans. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce que le Canada pourrait faire en ce sens, en sachant que discuter avec les talibans ne peut pas dire que nous les cautionnons? Vous avez affirmé qu’en 2002, à Bonn, la communauté internationale avait commis une erreur en évinçant les talibans des négociations. Selon vous, comment le Canada pourrait-il engager la discussion avec les talibans? À quoi cela pourrait-il ressembler exactement?

Mme Banerjee : Notre envoyé spécial, David Sproule, qui a été ambassadeur et pour qui j’ai également travaillé, se trouve actuellement à Doha pour participer aux discussions qui s’y déroulent actuellement entre la communauté internationale et les talibans.

Les services d’un envoyé spécial peuvent s’avérer très utiles dans ce genre de situation, mais le Canada devrait en premier lieu recommencer à fournir de l’aide humanitaire afin d’améliorer sans délai la situation humanitaire. Les besoins d’aide humanitaire sont urgents. Le Canada doit rapidement fournir le soutien nécessaire à l’acheminement de cette aide humanitaire.

Par ailleurs, le Canada devrait lancer une discussion avec la communauté internationale concernant les stratégies de soutien, et en particulier pour ce qui a trait aux problèmes que vivent les femmes en Afghanistan. Si nous avons du temps, je pourrais vous donner quelques idées quant aux stratégies possibles pour atténuer les effets de la répression subie par les femmes. Nous pourrons en discuter.

Ce n’est pas ce que je dis. Le Canada a une politique en matière de féminisme qui pourrait être appliquée à l’Afghanistan. Je ne dis pas que c’est l’unique voie à suivre, mais je crois que des stratégies d’aide aux femmes pourraient être mises à l’essai, avec la collaboration d’autres organismes internationaux et puissances mondiales.

Je ne crois pas que le Canada peut faire cavalier seul. Il doit coopérer avec les organismes internationaux et d’autres puissances, d’autres communautés.

La sénatrice Coyle : Merci.

Mme Banerjee : Je n’ai pas donné d’exemples précis pour le Canada.

La sénatrice M. Deacon : Merci d’être des nôtres. C’est très important et nous sommes ravis de vous voir en personne.

J’ai deux questions, dont une qui porte sur le leadership. À votre avis, considérant que vous avez passé du temps en Afghanistan, existe-t-il des différences manifestes, qui doivent être prises en compte, entre le gouvernement taliban destitué il y a 20 ans et celui qui est au pouvoir actuellement? Est-ce que le fait d’avoir survécu a enhardi les talibans? Est-ce qu’ils veulent que leur administration soit reconnue comme étant légitime et crédible comparativement à des groupes comme Daech?

Mme Banerjee : Est-ce que la question s’adresse à moi?

La sénatrice M. Deacon : À vous deux, mais vous pouvez répondre en premier.

M. Khan : Je peux commencer.

Pour nous, du point de vue d’un organisme humanitaire, je peux vous donner mon opinion personnelle. Je n’ai pas eu de contact direct avec les autorités de facto ou les talibans lors de ma visite, et je ne peux donc pas vous donner un témoignage de première main. Toutefois, selon ce que j’ai entendu durant mon séjour, les gens ont l’impression que les talibans semblent disposés à discuter. Comme de raison, ils ne veulent pas être mis dans l’embarras. J’ai entendu dire que ce qui les préoccupe avant tout, c’est ce qui se passe en Afghanistan. Ils ne semblent pas vraiment vouloir interférer avec ce qui se passe ailleurs. Ils ont aussi tiré des leçons de leur premier règne. C’est ce que j’ai entendu.

Sur la question de l’accès des organismes humanitaires, comme je l’ai dit, et je ne parle pas seulement d’Islamic Relief Canada, mais de tous les organismes confessionnels et laïques. L’accès est relativement facile et tous les organismes humanitaires peuvent faire leur travail. Tout cela est de bon augure.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Banerjee : Je pense que les talibans ont changé. Vous me demandez si j’ai vu des différences entre les talibans de l’ancien régime et ceux qui sont en place, si j’ai bien compris.

Ils semblent avoir changé. Certains talibans sont restés foncièrement les mêmes, mais certains leaders ont changé leur façon de voir et sont ouverts à l’idée d’avoir des pourparlers avec les puissances mondiales parce qu’ils veulent être reconnus.

Là encore, je ne pense pas que les puissances mondiales vont accepter d’emblée de leur accorder cette reconnaissance. Ce n’est pas ce qui pose problème actuellement, mais elles pourraient être amenées à comprendre — et je crois que c’est déjà commencé.

La légitimité est très importante à leurs yeux, et ils veulent que le peuple afghan leur reconnaisse cette légitimité. Les choses se sont améliorées du côté de l’ordre public, comme M. Khan l’a évoqué, et la population voit donc les talibans d’un meilleur œil.

J’ai discuté avec des gens en Afghanistan qui m’ont affirmé que la situation a beaucoup changé. Jusqu’en 2019, j’allais en Afghanistan au moins deux fois par année, mais ce sont des Afghans qui m’ont recommandé de ne plus m’y rendre à cause des enjeux de sécurité et du fait que je voyage seule. J’y suis donc allée pour la dernière fois en 2019, même si des amis m’ont dit que je pourrais m’y rendre à nouveau.

Récemment, — et je crois que c’est important de le souligner — monsieur Khan, les choses se sont améliorées du côté de l’ordre public, mais j’ai vu dans un rapport que l’Organisation des Nations unies a demandé à son personnel de restreindre leurs visites parce que la situation devient — le problème ne vient plus des talibans, mais de l’État islamique dans la province du Khorassan.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons passer à une autre question.

Le sénateur Ravalia : Merci aux trois témoins. Ma question s’adresse à M. Khan.

J’aimerais que vous me donniez un peu plus de contexte et d’information concernant votre visite à votre bureau en Afghanistan. Avez-vous eu l’occasion de collaborer avec d’autres organismes d’aide de pays partenaires qui interviennent en Afghanistan? Vous avez mentionné que vous n’avez pas eu de contacts directs avec des talibans, mais avez-vous senti leur influence directe sur la façon dont votre aide est acheminée? Dans quelle mesure la corruption représente-t-elle un problème pour vos activités d’aide dans cette partie du monde?

M. Khan : Merci de cette question. Concernant la première partie, ma réponse ne s’applique pas seulement à l’Afghanistan, mais à toutes les régions où de l’aide humanitaire est donnée. Malgré les apparences, les organismes d’aide ne sont pas en concurrence. L’esprit de collaboration est très fort entre les organismes d’aide parce que nous savons qu’un organisme ne pourra jamais à lui seul régler tous les défis et tous les problèmes. Pour ce qui concerne l’Afghanistan, un réseau très solide d’organismes d’aide nous permet d’apprendre les uns des autres, de partager nos observations et d’offrir des services complémentaires dans les diverses régions.

Même si ma visite a duré 72 heures, j’en ai passé 3 ou 4 à établir des contacts avec d’autres organismes. Certains étaient canadiens, soit au moins 8 sur 10. Nous avons partagé un repas et nous avons eu une discussion très franche. L’esprit de collaboration est très fort. C’est vraiment beau à voir.

Pour ce qui est de votre deuxième question, quel que soit le contexte, il faut obtenir l’autorisation de facto des autorités locales. Encore une fois, ce n’est pas particulier à Islamic Relief Canada, et je pense parler pour l’ensemble du secteur. Des contrôles stricts sont en place pour lutter contre les détournements et s’assurer que l’aide est dépensée seulement comme les donateurs le souhaitent, et il y a aussi des politiques anticorruption fermes et des vérifications rigoureuses. Surtout en tant qu’organisme caritatif canadien, je crois que, si l’on compare à tous les autres pays occidentaux — je suis comptable agréé de formation et je faisais l’audit d’organismes caritatifs chez KPMG avant de rejoindre Islamic Relief Canada —, les exigences du Canada en ce qui concerne les organismes caritatifs sont draconiennes et il est donc primordial de les respecter.

Cela veut dire que nos équipes locales devront obtenir des approbations et des autorisations, mais, à mon avis, l’indépendance est, de façon, générale, intacte pour ce qui est de la destination de l’aide et du choix des bénéficiaires.

Le sénateur Ravalia : Je reviens rapidement sur un point. Étant donné le grand nombre de réfugiés afghans à la frontière avec le Pakistan et du côté pakistanais qui sont, en quelque sorte, renvoyés de force en Afghanistan, avez-vous eu l’occasion de travailler en particulier avec ce groupe et de l’aider dans la situation de vulnérabilité qui est la sienne?

Peut-être pouvez-vous répondre à cette question, madame Banerjee?

Mme Banerjee : J’ai eu du mal à suivre ce que vous disiez. Pouvez-vous parler un peu plus fort, s’il vous plaît?

Le sénateur Ravalia : Certainement. Je pensais aux réfugiés afghans qui ont trouvé asile au Pakistan et qui sont à présent rapatriés de force en Afghanistan. S’agit-il d’un groupe particulièrement vulnérable par rapport aux talibans, mais aussi sur le plan de l’aide humanitaire de base?

Mme Banerjee : Je suis d’accord. Ils sont, en effet, particulièrement vulnérables. Vous savez, il y a une population déplacée en Afghanistan et ce groupe particulier dont vous parlez est très vulnérable.

Le sénateur Ravalia : Est-ce que des organisations s’occupent aussi de ces groupes? Monsieur Khan, est-ce que les organismes de secours parviennent à travailler dans ce secteur?

M. Khan : Il s’agit manifestement d’une situation récente. Au cours des deux derniers mois, le gouvernement pakistanais a fait savoir que les réfugiés afghans devaient retourner dans leur pays. Encore une fois, comme en Afghanistan, le climat pour ce qui est d’obtenir des autorisations pour travailler au Pakistan n’est pas bon non plus. Non seulement il faut obtenir un certificat de non‑objection pour travailler comme organisme caritatif dans le pays, mais cela dépend du projet et de la région avec laquelle on travaille — à la fois du gouvernement et des services de renseignement.

Notre organisme n’y a pas encore travaillé avec la population de réfugiés, mais c’est un aspect que nous étudions activement.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Gerba : Je vais poser ma question en français.

[Français]

Vous avez tous les deux mentionné que l’Afghanistan vit vraiment une crise humanitaire très importante et qu’une aide internationale était nécessaire. Vous avez aussi souligné le manque de contacts avec les talibans à cet effet. Parmi les initiatives internationales qui sont actuellement actives au pays, est-ce qu’il y en a dont le Canada peut s’inspirer pour mieux aider les Afghans, et en particulier les femmes et les filles?

[Traduction]

Mme Banerjee : Je tiens notamment à mentionner qu’il est difficile actuellement d’obtenir de l’information, que certaines informations sont contradictoires et qu’il y a de la mésinformation et de la désinformation, ce qui ne facilite pas les choses.

Cependant, à ma connaissance, les ONG — et M. Khan l’a également mentionné— font du bon travail, et elles sont les seules à pouvoir réaliser les projets de développement parce que les donateurs ne veulent pas financer directement les talibans, qui forment le gouvernement de facto.

Je tiens aussi à parler de John Sopko — je ne sais pas si vous avez entendu parler de lui —, qui est le commissaire indépendant nommé par les États-Unis. Depuis 2008, il surveille les activités — principalement américaines — en Afghanistan, et il a déclaré avoir constaté — dans le cadre de ses fonctions d’audit — que, dans certains cas, les fonds finissent dans les poches des talibans. Il faut être prudent, et le Canada en particulier est très préoccupé à ce sujet. Et vous savez, les ONG font attention que cela ne se produise pas.

Le président : Monsieur Nadery, je ne voudrais pas que vous pensiez un instant que je vous ai oublié. J’ai donc une question pour vous qui vous trouvez au Wilson Center à Washington.

Vous êtes, je le rappelle, ancien commissaire et négociateur. Voyez-vous un changement dans les conversations que vous avez avec le gouvernement américain? Le gouvernement américain est, évidemment, distrait sur la scène internationale et occupé par deux situations de guerre, en Ukraine et à Gaza. Est-ce qu’il surveille l’évolution de la situation en Afghanistan? Des missions se rendent-elles sur place, êtes-vous au courant d’activités qui donneraient à penser que les États-Unis veulent jouer un plus grand rôle?

M. Nadery : Je vous remercie, monsieur le président. À cette question précise, je répondrai que Thomas West, le représentant spécial du département d’État des États-Unis pour l’Afghanistan, se rend régulièrement dans la région et à différents endroits, mais il n’y a pas de présence directe sur le terrain, et il n’y a aucune orientation politique ou délibération interne à cet effet. Le chargé d’affaires américain est basé à Doha, d’où il travaille. Cependant, à l’heure actuelle, l’accent est surtout mis sur l’aide humanitaire, et l’Agence américaine pour le développement international y consacre une part notable de l’aide humanitaire qu’elle apporte dans le monde. Des réunions ont lieu à Doha, auxquelles l’envoyé spécial des États-Unis assiste, mais elles ne sont pas très régulières. Au cours des derniers mois, il n’y en a pas eu aussi régulièrement ou souvent que l’an dernier. Cette année, leur nombre est très limité.

Si vous le permettez, monsieur le président, je soulignerai deux autres points évoqués dans des questions précédentes. À propos de l’ordre public, il ne fait aucun doute qu’il y a moins de violence. Il n’y a pas d’attentats à la bombe contre des écoles, dans les rues ou dans des centres. L’État islamique au Khorasan, ou Daesh, continue de commettre des attentats, mais pas aussi souvent qu’avant la prise de pouvoir des talibans. Il y en a moins parce que ce sont maintenant les talibans qui gouvernent.

Ensuite, la sécurité et l’ordre public sont très différents pour les Afghans qui vivent dans le pays de ce qu’ils sont pour quelqu’un qui y passe 75 heures ou pour un visiteur étranger sur place pour peu de temps. Il continue d’y avoir des arrestations illégales. Il faut se montrer prudent, car les talibans ont adopté la même méthode que des pays voisins et le Hamas, qui consiste à arrêter des gens sous prétexte qu’ils auraient commis un acte illégal, sans porter d’accusations claires, et à négocier ensuite une rançon. Les otages qu’ils ont remis — je les qualifie d’otages — au Royaume-Uni étaient des citoyens britanniques, et il a fallu négocier et publier une déclaration, autrement dit, se livrer à des tractations. J’invite donc à la prudence quand on parle du degré d’ordre public et des nouvelles méthodes adoptées par les talibans.

En ce qui concerne l’aide humanitaire, j’encourage le Canada à apporter une aide humanitaire. Si c’est par l’intermédiaire des Nations unies, j’insiste sur le fait qu’un mécanisme de contrôle indépendant doit être créé parce que certains programmes exécutés par les Nations unies n’atteignent pas à leur principal objectif et que les talibans en retirent des avantages non voulus. À certains endroits, les talibans se mêlent même des nominations. Je parle avec des gens de différentes régions du pays, et on me dit qu’à Jalalabad, le gouverneur taliban local oblige les organismes de soutien communautaire et les ONG à embaucher certaines personnes, et les annonces publiques de recrutement sont annulées. Ce sont donc des aspects qui nécessitent une surveillance indépendante, ce qui peut se faire par différentes méthodes.

Je suis cependant favorable à un engagement collectif avec les talibans, pas pour les reconnaître, mais pour maintenir le consensus informel qui est de ne pas les reconnaître. C’est le seul moyen de pression que l’on ait sur eux actuellement. L’essentiel est de négocier collectivement au sujet d’un accès technique à la livraison de l’aide, de le découpler de l’aspect politique, mais de garder les aspects politiques aux échelons supérieurs, à la capitale, pour soulever la question des droits des femmes, la question des droits sexospécifiques et des droits de la personne, et aussi celle d’un gouvernement représentatif. Les deux doivent être séparés.

Le président : Je vous remercie. Je vais user de ma prérogative en tant que président pour revenir sur une autre question. Vous êtes d’origine afghane, et nous assistons depuis quelques décennies à un exode massif d’Afghans vers différents pays qui les accueillent, dont le Canada, les États-Unis et des pays européens.

Y a-t-il une coordination entre les communautés de la diaspora pour faire face à des développements ultérieurs? Y a-t-il, notamment pour ce qui est des rapports avec les gouvernements dans les pays d’accueil, des liens entre des organisations qui peuvent, en fait, exercer des pressions?

M. Nadery : Je vous remercie. La diaspora afghane a augmenté, surtout ces deux dernières années. Il existe à présent un mouvement qui vise à élaborer une sorte de programme commun. Au cours des deux dernières années, il y a eu beaucoup de douleur et de colère par rapport à ce qui est arrivé. Les événements ont vraiment touché beaucoup de gens, et nombre d’entre nous en émergent actuellement. La douleur persistera longtemps, mais accompagnée du type de colère dont nous avons besoin pour nous tourner vers l’avenir.

Il y a donc deux initiatives en cours. La première est que la diaspora afghane s’organise, par exemple aux États-Unis, dans différents groupes sociaux et militants qui se mobilisent. Les groupes de femmes afghanes sont beaucoup plus vastes et ont créé un groupe international. C’est pourquoi je me suis également joint à l’appel pour vous demander, monsieur le sénateur, ainsi qu’à vos éminents collègues, de vous associer à leur demande de reconnaissance de la définition de l’apartheid sexuel, afin d’en faire connaître les aspects épouvantables pour que l’engagement citoyen international à ce sujet puisse prendre beaucoup d’ampleur. Il y a un processus aux Nations unies, et je me joins également à elles pour vous demander de le reconnaître. Le mouvement des femmes est très vigoureux. Le reste se met en place. Il existe des coalitions politiques dans différents pays régionaux, mais aussi aux États-Unis, dans le Nord et en Europe.

Il se passe beaucoup de choses dans le pays aussi. Par exemple, l’espace de participation citoyenne a diminué, mais des groupes s’occupant de questions culturelles se rapprochent. Ils ont été créés dans différentes provinces, et certains d’entre nous s’investissent directement. Selon moi, ces groupes méritent un soutien, notamment moral. Leur action est très locale et axée sur le pays. Ils militent pour des changements ascendants non violents. En fait, ils travaillent à plus long terme.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Je remercie M. Nadery. Son explication était très utile.

Monsieur Khan, je voulais vous poser cette question plus tôt. En tant que membre de la coalition humanitaire, vous n’avez pas ménagé vos efforts pour nous convaincre d’adopter le projet de loi C-41. Vous avez mentionné au début de vos observations que vous aviez encore des choses à dire. Que souhaitez-vous ajouter à propos du projet de loi C-41?

M. Khan : Comme vous le savez, il était très important que la question soit réglée parce que, après la crise, quand les talibans ont pris le pouvoir, pendant longtemps, certains des plus grands organismes d’aide au Canada avaient des fonds pour l’Afghanistan, mais par crainte de poursuites, ils ne pouvaient pas les envoyer sur place. Je pense que le fait que le secteur se soit mobilisé, de même que les Canadiens d’un bout à l’autre du pays, a permis de faire adopter ce projet de loi.

L’application du projet de loi C-41 et l’interprétation de son contenu, ainsi que le processus du régime d’autorisation ne sont pas réglés dans tous les détails. C’est au point que certains organismes d’aide m’ont dit que c’est encore le statu quo. Autrement dit, ils ne peuvent pas apporter d’aide parce qu’on ne sait pas vraiment ce qui est autorisé ou pas, la différence entre humanitaire et développement n’est pas clairement définie, selon le service auquel on s’adresse, et la question du caractère confidentiel des renseignements communiqués n’est pas clarifiée non plus.

Nous demandons qu’il soit précisé sans tarder comment les organismes d’aide peuvent travailler sur place sans crainte de poursuites et sans enfreindre les règles.

La sénatrice Coyle : Est-ce que le secteur participe à la formulation des définitions?

M. Khan : Oui, mais cela ne va pas assez vite.

La sénatrice Coyle : Il faut donc agir « sans tarder ». J’ai compris.

Le président : Je vous remercie. Au nom du comité, je remercie Nipa Banerjee, Usama Khan et Nader Nadery de leur présence aujourd’hui. Vos commentaires étaient très complets et détaillés, et ils nous permettent de mieux comprendre la situation actuelle en Afghanistan et notre tâche pour l’avenir. Le comité reviendra sur ce dossier par la suite, mais je tiens à vous remercier de vos contributions aujourd’hui.

(La séance est levée.)

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