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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 30 novembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général.

Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je m’appelle Peter Boehm et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je demanderais à mes collègues de se présenter.

[Traduction]

La sénatrice R. Patterson : Bienvenue. Je suis Rebecca Patterson, sénatrice de l’Ontario.

Le sénateur Ravalia : Bonjour et bienvenue. Je suis le sénateur Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Peter Harder, de l’Ontario.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

Le sénateur Richards : Bonjour, Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci, sénateurs. Je souhaite la bienvenue à tous les Canadiens qui nous regardent aujourd’hui sur SenParlVu.

Chers collègues, dans le cadre de notre ordre de renvoi général, nous nous réunissons aujourd’hui pour discuter de la situation humanitaire au Soudan.

Je vous signale que le sénateur Woo, de la Colombie-Britannique, vient de se joindre à nous.

Pour notre premier groupe d’experts en la matière, nous sommes très heureux d’accueillir des représentants d’Affaires mondiales Canada. Il s’agit de Cheryl Urban, sous-ministre adjointe, Secteur de l’Afrique subsaharienne, de Caroline Delany, directrice générale, Bureau de l’Afrique australe et de l’est, de Julie Desloges, directrice adjointe, Assistance humanitaire internationale, et de Sébastien Beaulieu, directeur général et dirigeant principal de la sécurité, Sécurité et gestion des urgences.

Avant d’entendre la déclaration liminaire du groupe d’experts et de passer aux questions des membres du comité, je demanderais aux membres et aux témoins présents dans la salle de veiller à ne pas se pencher trop près de leur microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Vous éviterez ainsi de créer une réverbération qui pourrait nuire au personnel du comité ainsi qu’à nos interprètes qui doivent porter une oreillette pour faire le travail.

Nous sommes maintenant prêts à écouter votre déclaration liminaire. Les questions des sénateurs suivront. Madame Urban, vous avez la parole.

[Français]

Cheryl Urban, sous-ministre adjointe, Secteur de l’Afrique subsaharienne, Affaires mondiales Canada : Merci de l’invitation pour discuter de la situation au Soudan. La crise au Soudan a commencé le 15 avril 2023 par une confrontation militaire entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide, après plusieurs mois de négociations visant un retour à un régime civil. Le conflit devient de plus en plus complexe au fur et à mesure qu’il évolue, en raison des divers acteurs soudanais et régionaux qui cherchent à protéger leurs intérêts.

[Traduction]

Les efforts de médiation n’ont pas encore donné de résultats et, jusqu’à ces dernières semaines, les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide semblaient être dans une impasse. Les Forces de soutien rapide ont néanmoins fait des avancées significatives qui leur permettent d’ores et déjà de contrôler la majorité de Khartoum et du Darfour ainsi qu’une bonne partie du territoire qui s’étend vers l’est à travers le Kordofan.

Plus de 5,1 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays et plus de 1,4 million d’autres ont fui vers les pays voisins. Au Soudan, on s’attend à ce que 3,8 millions de personnes se retrouvent en situation de crise alimentaire dans les mois à venir. Aussi, soulignons que plus de 19 millions d’enfants ne sont pas scolarisés, une situation qui viendra aggraver les conséquences à long terme de ce conflit. Les rapports en provenance du Soudan font état de violations généralisées des droits de la personne commises par toutes les parties impliquées. On parle entre autres du bombardement de zones urbaines et de l’utilisation de la violence sexuelle et sexiste comme arme de guerre.

Le déclenchement soudain de la crise en avril en a surpris plus d’un, mettant à l’épreuve la capacité du Canada et de pays semblables à protéger le personnel et les citoyens dans le pays. En réponse, le Canada a mis en place un groupe de travail interministériel chargé de coordonner les efforts visant à assurer la sécurité du personnel de l’ambassade du Canada là-bas et d’organiser notre réponse consulaire. Six employés canadiens et personnes à charge ont été évacués le 22 avril 2023. En collaboration avec ses partenaires, le gouvernement du Canada a coordonné l’évacuation de 462 citoyens canadiens et résidents permanents et de plus de 200 membres de leur famille immédiate.

[Français]

À la réponse immédiate du Canada à la crise s’ajoute une collaboration avec nos partenaires dans plusieurs domaines d’action, afin de répondre aux besoins humanitaires et d’encourager les solutions à long terme. Je décrirai ces efforts en quatre parties.

Premièrement, en 2023, le Canada a octroyé plus de 165 millions de dollars en aide humanitaire au Soudan et aux pays voisins. Ce financement permet de fournir une aide alimentaire et nutritionnelle d’urgence, des services de santé et un accès à l’eau potable.

[Traduction]

Deuxièmement, le Canada s’est engagé dans cette crise jusque dans ses plus hautes sphères. Il y a notamment eu des appels téléphoniques du premier ministre Justin Trudeau et de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly à leurs homologues de la région, du Moyen-Orient et des organismes régionaux, dont l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement, ou IGAD. En avril, la ministre Joly s’est rendue au Kenya pour rencontrer des Canadiens qui avaient été évacués et pour discuter de la crise avec ses interlocuteurs basés au Soudan. En septembre, elle a organisé un événement sur le Soudan en collaboration avec la Cour pénale internationale afin de discuter des moyens d’assurer la reddition de comptes pour les violations du droit humanitaire international. En outre, lors de la réunion du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui s’est tenue en octobre, le Canada a soutenu une résolution visant la création d’une mission chargée d’enquêter sur les allégations de violations des droits de la personne et du droit humanitaire international.

Troisièmement, le Canada surveille l’espace de médiation afin d’y trouver d’éventuels points d’entrée. L’exercice est toutefois fort complexe. Un certain nombre de voies possibles continuent d’être sondées par les parties belligérantes, les pays de la région, les organismes régionaux et d’autres intervenants. Conscient de l’importance capitale de la présence de voix civiles, le Canada a entretemps bonifié le soutien qu’il apporte aux programmes existants avec les organismes de la société civile soudanaise afin d’appuyer la défense et la protection des défenseurs des droits de la personne et des droits des femmes qui œuvrent à l’édification de la paix.

[Français]

Quatrièmement, le Canada a appuyé ses partenaires de développement actuels à s’adapter au nouveau contexte sur le terrain. Nous ajustons la programmation actuelle en matière d’éducation, de sécurité alimentaire, de santé et de droits sexuels et reproductifs, afin de répondre aux nouveaux besoins et de migrer vers des environnements opérationnels plus favorables.

[Traduction]

Pourtant, nous sommes conscients que la situation au Soudan a peu de chances de s’améliorer à court terme. Une intensification de la violence est probable, car les deux parties en cause et un nombre grandissant d’intervenants se disputent le contrôle. Plus les combats durent, plus grands sont les risques de voir s’engager d’autres groupes armés et des acteurs régionaux ayant des intérêts dans l’issue des hostilités. À cause de cela, le conflit pourrait s’enraciner davantage et aggraver la crise humanitaire. L’évolution récente de l’espace de médiation est porteuse d’espoir, car elle pourrait permettre de clarifier l’orientation la plus prometteuse parmi les différentes possibilités de médiation existantes.

[Français]

En conclusion, le Canada continue de suivre la situation de près, d’identifier les points d’entrée pour les actions canadiennes et d’utiliser les outils à sa disposition pour atténuer les incidences du conflit et encourager une voie vers la paix et la stabilité à long terme. Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

Le président : Merci, madame Urban.

Chers collègues, pour nos séries de questions, comme d’habitude, vous ne disposez que de quatre minutes. Tant pour vos préambules que pour vos questions, nous vous demandons d’être aussi concis et précis que possible. S’il reste du temps, nous pourrons faire un deuxième tour de table.

Le sénateur Ravalia : Merci de votre présence.

Pouvez-vous nous décrire les conséquences de la décision des Nations unies de retirer sa mission intégrée pour l’assistance à la transition au Soudan, ou MINUATS?

Mme Urban : Le Canada a soutenu la mission des Nations unies et a été déçu par la demande d’y mettre fin. Bien que les motivations expliquant cette demande soient complexes et qu’elles vont au-delà du simple sentiment anticolonialiste, on constate que cela s’inscrit dans une tendance qui s’est manifestée. Les missions de maintien de la paix se trouvent actuellement dans une période de transition. Il est nécessaire de réfléchir à cette transition. Le Canada y participe, bien qu’il ne soit pas membre du Conseil de sécurité des Nations unies.

Je vais demander à ma collègue, Mme Delany, de prendre le relais.

Caroline Delany, directrice générale, Bureau de l’Afrique australe et de l’est, Affaires mondiales Canada : Le gouvernement du Soudan a demandé qu’on mette fin à la MINUATS. La réunion du Conseil de sécurité de l’ONU se tiendra le 3 décembre. On procédera alors au renouvellement annuel au Conseil de sécurité. Pour l’instant, la mission existe toujours, mais, bien sûr, les missions de paix, les missions spéciales comme celle-là, ne peuvent exister sans le consentement du pays visé. Pour ce qui est de l’avenir de la MINUATS, le 3 décembre est la date à surveiller.

Le sénateur Ravalia : Pour poursuivre, serait-il possible de tirer parti de certains de nos contacts au sein du Conseil de sécurité de l’ONU ou de l’Union africaine afin d’assurer la poursuite de cette mission?

Mme Urban : N’étant pas membre du Conseil de sécurité de l’ONU, notre capacité d’influencer la décision est limitée, mais nous travaillons de près avec notre mission permanente à New York. Nous discutons avec nos homologues et nous avons un nouvel observateur permanent auprès de l’Union africaine qui participe aux discussions. C’est quelque chose que nous pouvons soutenir avec nos partenaires, avec ceux qui partagent notre point de vue.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup de votre présence.

L’aide alimentaire et médicale peut-elle être acheminée dans un tel chaos? Pouvez-vous y remédier d’une manière ou d’une autre avec tant de combattants dans la région et avec la menace d’une guerre régionale plus étendue? Y a-t-il des livraisons quotidiennes de fournitures médicales et de nourriture à l’intention des centaines de milliers de personnes qui en ont besoin ?

Mme Urban : Le Canada fournit une aide humanitaire, et une aide humanitaire est prodiguée, mais cela n’est pas sans difficulté. On pense entre autres à l’obtention de visas pour les intervenants du secteur humanitaire, une partie de l’aide devant être acheminée via Port-Soudan. Des travaux sont en cours pour résoudre les problèmes qui nuisent à l’acheminement de l’aide humanitaire.

Ma collègue, Mme Desloges, peut vous donner des précisions à cet égard.

Julie Desloges, directrice adjointe, Assistance humanitaire internationale, Affaires mondiales Canada : Je vous remercie.

Oui, c’est très difficile. Nous avons beaucoup de problèmes à régler, et il ne s’agit pas seulement des combats en cours. Il y a aussi les obstacles bureaucratiques, comme nous l’avons mentionné, et les pénuries de carburant à l’échelle du pays. Cependant, nous voyons nos partenaires de l’aide humanitaire apporter un soutien dans tout le pays lorsque l’accès le permet, pas nécessairement sur une base quotidienne, mais de façon assez régulière. Nous travaillons avec des partenaires très expérimentés qui ont l’expérience voulue et des protocoles de sécurité pour travailler dans ces environnements difficiles.

Je peux confirmer qu’entre avril et octobre, nous et d’autres donateurs avons soutenu 154 partenaires de l’aide humanitaire, et que nous avons collectivement réussi à prêter assistance à 4,5 millions de personnes à l’échelle du pays avec de la nourriture, de l’aide médicale, de l’eau potable et d’autres mesures de soutien d’importance vitale.

Le sénateur Richards : Combien de points de livraison de nourriture se trouvent maintenant dans des zones de conflit? J’imagine qu’ils doivent être pris d’assaut par des forces qui veulent s’accaparer de l’aide médicale ou de la nourriture pour faire du troc.

Mme Desloges : Je n’ai pas les détails exacts. Nous pourrons revenir avec le nombre de points de distribution de l’aide alimentaire. Le PAM, le Programme alimentaire mondial, travaille dans tout le pays.

Le sénateur Richards : Pourtant, je crois savoir que c’est un problème récurrent.

Mme Desloges : Oui, c’en est un, mais les gens du PAM réussissent à fournir de l’aide aux personnes dans le besoin dans l’ensemble du pays. Cela se fait sur une base quotidienne, mais toujours en fonction des conditions de sécurité.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

Le président : Madame Desloges, j’aimerais ajouter une courte question complémentaire à la question du sénateur Richard. Vous avez parlé du Programme alimentaire mondial qui, me semble-t-il, est assez sollicité. Nous nous sommes entretenus avec son directeur exécutif adjoint la semaine dernière à propos de Gaza. Le PAM est-il à bout de souffle? L’aide fournie au Soudan connaît-elle des ratés?

Mme Desloges : Vous vous souviendrez peut-être que l’organisme a suspendu ses activités au début du mois d’avril à la suite du décès de trois membres de son personnel. Les choses ont repris plus tard, en mai. Depuis lors, l’organisme a intensifié ses activités. Ses ressources financières sont cependant très limitées dans le monde entier, y compris au Soudan. Cela a une incidence sur sa capacité à fournir de l’aide, mais il continue à y avoir une aide alimentaire pour les denrées de base ainsi que pour d’autres produits spécialisés.

Le président : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Gerba : Je vais aussi poursuivre sur l’assistance humanitaire. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires a affirmé que la situation était d’une ampleur catastrophique sans pareil. Il estime que la moitié de la population, soit 25 millions de personnes, a besoin d’aide humanitaire au Soudan en ce moment. Au début de l’année, les Nations unies ont lancé un plan révisé d’appel humanitaire pour le Soudan à hauteur de 2,56 milliards de dollars américains, qui n’a pour l’instant été financé qu’au tiers environ. La participation canadienne annoncée de 28,3 millions de dollars est-elle définitive, ou s’agit-il d’un premier engagement susceptible d’être bonifié éventuellement?

Mme Urban : Je vais céder la parole à Julie.

Mme Desloges : Comme Mme Urban l’a déjà dit, le Canada a fait une contribution de plus de 165 millions de dollars — on est tout près de 170 millions de dollars — au Soudan et aux pays voisins. Jusqu’à maintenant, en 2023, l’aide humanitaire est allouée sur une base annuelle et selon l’année civile. Nous en sommes donc à l’étape de la planification de la prochaine phase pour 2024. Pour le Soudan comme tel, avant la crise, on faisait déjà une contribution de 30,65 millions de dollars en aide humanitaire. À ce jour, on en est à 41,73 millions de dollars environ. On a donc substantiellement augmenté notre contribution pour répondre au plan.

La sénatrice Gerba : Je comprends. Merci.

J’ai une question de suivi. Vous avez indiqué qu’il y a une équipe qui continue de travailler là-bas. Vous avez rapatrié certaines personnes. Est-ce que le Canada a toujours une représentation permanente à l’heure actuelle au Soudan? Sinon, qui est responsable de suivre la situation au jour le jour?

[Traduction]

Mme Urban : Merci.

Malheureusement, nous avons dû retirer notre mission pour des raisons de sécurité. Nous nous attendions à ce que ce soit une mesure à court terme — qui aurait nécessité une fermeture temporaire de notre mission —, mais il semble que le conflit est en train de s’étendre. Nous évaluons continuellement la situation afin d’établir quand il sera possible de revenir en toute sécurité, mais dans l’immédiat, cela semble hors de question.

Nous avons un certain nombre de hauts commissaires et d’ambassadeurs dans la région, des gens qui surveillent la situation de près et qui se rapportent à notre bureau central. Il s’agit notamment de représentants très actifs en Égypte, à Addis et à Nairobi. Nous travaillons avec nos missions dans ces pays pour obtenir des informations. À notre bureau central, nous disposons également d’une équipe qui est chargée de suivre la situation au Soudan, d’en rendre compte et d’élaborer une politique en la matière. Nous continuons à surveiller la situation et à évaluer les ressources que nous pouvons mettre à disposition sur le terrain, sur une base continue, afin de voir où nous pourrions apporter des changements.

La sénatrice M. Deacon : Je pense qu’on a répondu à 97 % à la question que je m’apprête à poser. Je ne voudrais pas me répéter, mais je pense que c’est une question de perspective. Je veux m’assurer que vous avez la possibilité de la compléter. Notre journal, The Hill Times, a publié les propos d’un ancien ambassadeur voulant que le Canada, d’après ce que vous avez décrit, se soit effectivement largement retiré de la région :

La chose la plus importante que nous ayons perdue — celle‑là plus que toute autre —, c’est la présence d’un haut responsable pour le Soudan [...]

Vous avez commencé à parler d’autres ambassadeurs. Pour être certaine de boucler la boucle, j’aimerais savoir ce que nous faisons pour maintenir une présence dans la région. Comment communiquons-nous? J’ai l’impression que cette question des modes de communication et de ce que nous faisons pour maintenir une présence forte dans la région a été abordée.

Mme Urban : Je vais ajouter quelque chose. L’une des façons dont nous communiquons passe par la profondeur de l’engagement que nous avons auprès de l’Union africaine par l’intermédiaire de notre observateur permanent. Publiquement, nous faisons savoir que le Canada accroît son engagement politique sur ce continent, notamment sur le plan multilatéral, ce qui est nouveau.

Mme Delany : Il est vrai que nous avons fermé ou suspendu temporairement les opérations de l’ambassade à Khartoum, mais l’engagement de la région et du bureau central reste très fort. Si nous prenons l’exemple de l’observateur permanent que nous avons à l’Union africaine — et que Mme Urban vient d’évoquer —, c’est parce que l’Union africaine joue un rôle central dans la recherche d’une médiation susceptible de trouver une solution à ce conflit. La présence de cet observateur nous fournit un moyen bien concret de prendre part au dialogue avec l’Union africaine et ses membres sur la manière dont ils soutiennent le processus de médiation.

En outre, en Égypte, Le Caire s’intéresse de près à cet enjeu. La présence de notre ambassadeur sur place et le fait qu’il discute avec les Égyptiens de leurs intérêts, de leurs préoccupations et de ce qu’ils comptent faire en amont nous fournissent une ouverture très précieuse. Le Kenya est actuellement à la tête de l’Autorité intergouvernementale pour le développement et il est chargé de diriger la recherche d’une solution en matière de médiation et de négociation. Notre haut‑commissariat à Nairobi discute lui aussi très sérieusement avec les responsables kenyans à propos de la voie à suivre pour la suite des choses.

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup d’avoir complété ces propos.

Madame Urban, dans votre déclaration d’ouverture, vous avez cité deux chiffres. Vous avez dit qu’il y avait 5,1 millions de déplacés, et vous avez donné le nombre d’enfants qui ne vont pas à l’école. Est-ce que c’était 9 millions ou 90 millions? C’était un chiffre élevé.

Mme Urban : C’était 19 millions.

La sénatrice M. Deacon : Merci. C’est très préoccupant, comme c’est le cas dans d’autres pays du monde. Très préoccupant. Qu’est-ce que cela signifie pour des enfants qui ne sont pas scolarisés depuis si longtemps? On a l’impression d’une nouvelle génération perdue. Souhaitez-vous dire quelque chose à ce sujet?

Mme Urban : Je commencerai par dire à quel point nous sommes inquiets et à quel point nous prenons cette situation au sérieux. Nous fournissons différents types d’aide aux gens et aux citoyens du Soudan. Une partie de l’aide dont vous avez entendu parler est de nature humanitaire. Nous fournissons également une assistance liée à la paix et à la sécurité en soutenant les défenseurs des droits de la personne et les artisans de la paix. Nous veillons également à la prestation d’une partie de notre aide internationale à l’intention des citoyens, aide que nous avons adaptée à l’environnement actuel.

Pour la suite, je vais laisser la parole à Mme Delany.

Mme Delany : Sénateur, l’interruption de l’éducation a de graves et profondes répercussions sur les enfants et a des effets domino sur leur santé psychosociale et leur capacité de participer à l’économie et d’avoir des moyens de subsistance et ce genre de choses. On est de plus en plus conscient de la nécessité de veiller à la continuité des services d’éducation dans le cadre de conflits violents.

Pour ce qui est de la manière dont le Canada apporte de l’aide, nous avions déjà des programmes d’éducation au développement dans le pays, qui sont en train d’être adaptés pour réagir à la situation actuelle. Nous avons également annoncé une somme de 6 millions de dollars au titre du Compte de crise pour fournir des fonds supplémentaires au financement du développement, dont la moitié est destinée à l’éducation dans les situations d’urgence. Ces fonds serviront notamment à aider les gens à rattraper leur retard scolaire, à aménager des endroits sûrs pour que les enfants apprennent et à offrir le genre d’activités qui fonctionnent bien dans un contexte d’urgence pour essayer d’éviter une interruption de l’éducation à long terme.

Le président : Je vous remercie. Je vous informe que la sénatrice Greenwood, de la Colombie-Britannique, vient de se joindre à nous.

La sénatrice Coyle : Merci à tous nos témoins de comparaître et d’effectuer ce travail. Malheureusement, compte tenu des multiples crises qui sévissent dans le monde, nous sommes loin d’en entendre assez sur ce sujet. Il est donc très important que vous témoigniez aujourd’hui.

Je vais approfondir un peu la question. Comment pouvons‑nous savoir ce qui se passe sans notre mission là-bas? Vous avez parlé de nos missions dans la région. Vous avez parlé de l’Union africaine et de nos liens là-bas, qui sont très importants. Est‑ce que certains de nos alliés, à défaut d’un meilleur terme, ont encore des missions sur lesquelles nous pouvons compter? De plus, quelle est notre relation avec nos partenaires de la société civile, dont vous avez parlé en disant qu’ils nous tiennent régulièrement informés de la situation?

Mme Delany : C’est une excellente question. Le contexte est extrêmement difficile, puisque les combats se déroulent dans la capitale, à Khartoum. Aucun de nos alliés n’y a d’ambassade en ce moment. Tout le monde est un peu dans la même position, qui est la même que celle du Canada, cherchant à déterminer quelle devrait être leur présence régionale à l’avenir.

Il y a des activités dans des capitales comme Addis, par exemple, et Nairobi également, où de nombreuses organisations des Nations unies sont stationnées. Les discussions sur l’accès à l’aide humanitaire et au développement se déroulent à Nairobi, alors qu’une partie de l’engagement politique a lieu à Addis. Il y a là une réelle occasion.

Il y a aussi des appels réguliers de différents genres de groupes de coordination à l’œuvre dans divers pays, que ce soit ou non dans le domaine du développement ou pour les questions d’ordre humanitaire. Le Canada y participe.

Je peux également donner l’exemple d’une lettre que des pays préoccupés par l’accès à l’aide humanitaire ont envoyée récemment au gouvernement du Soudan. Le Canada en était signataire. Malgré l’absence d’une ambassade dans le pays, nous sommes toujours en mesure de faire part au gouvernement de nos préoccupations concernant certains des défis administratifs relatifs à l’accès à l’aide humanitaire.

La sénatrice Coyle : J’aimerais approfondir un peu la question de la mission d’enquête dont j’ai entendu parler. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Je crois qu’elle porte sur les violations des droits internationaux de la personne. Quelqu’un pourrait-il nous en dire un peu plus à ce sujet?

Mme Urban : Oui. Le Conseil des droits de l’homme a adopté une résolution afin d’établir une mission d’enquête. Cette résolution a été adoptée en octobre. La mission a pour mandat de s’intéresser aux violations des droits de la personne et du droit international humanitaire.

Avez-vous des informations supplémentaires?

Mme Delany : Non, je n’en ai pas.

Mme Urban : Ce sont les informations que nous avons.

La sénatrice Coyle : En quoi consiste notre engagement?

Mme Urban : Nous sommes signataires de la résolution.

Mme Delany : Oui, nous avons appuyé la résolution.

Mme Urban : Oui.

Le président : D’accord. Je vous remercie.

La sénatrice R. Patterson : Je vais poursuivre brièvement sur le même sujet et parler de ce que nous faisons pour soutenir les acteurs humanitaires et de la destination des fonds canadiens. Ces fonds sont certainement destinés à l’alimentation et à l’eau potable, des éléments essentiels, et plus ou moins aux installations sanitaires. Ma question comporte deux parties. Nous examinons la violence sexuelle à titre d’outil de guerre et ses conséquences sur les personnes qui en sont victimes. En outre, nous ne croyons pas aux enfants soldats, et nous avons signé des résolutions à ce sujet. Savons-nous quelle part de l’argent que le Canada verse aux acteurs humanitaires servira à lutter concrètement contre la violence sexuelle et à soutenir la démobilisation des enfants soldats, même si je comprends que c’est un peu prématuré?

Mme Desloges : Je peux parler de la violence sexuelle et fondée sur le sexe.

La grande majorité de notre aide humanitaire est fournie avec souplesse à nos partenaires humanitaires. Ils sont donc en mesure de verser ces fonds en fonction des besoins et des domaines prioritaires. Nous faisons notamment une contribution substantielle au fonds de financement commun géré par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, dont la sénatrice Gerba a parlé tout à l’heure. Ce fonds affecte de l’argent à des sous-projets. Nous contribuons avec d’autres donateurs, et ces projets contribueront directement à lutter contre la violence sexuelle et fondée sur le sexe. Non, je ne peux pas donner le montant précis qui va à ces projets, mais je peux confirmer que nous contribuons également pour réagir à ces besoins. Par l’intermédiaire de nos partenaires canadiens, nous mettons en œuvre un projet qui soutient des groupes complets de services pour les réfugiés à risque et les survivants et survivantes de la violence sexuelle et fondée sur le sexe au Soudan.

Mme Delany : Au chapitre du développement, j’ajouterai que de la somme de 6 millions de dollars du Fonds de crise, 3 millions sont alloués à un projet du Fonds des Nations unies pour la population expressément pour faire du travail de prévention et s’occuper des cas de violence sexuelle et fondée sur le sexe dans le pays.

Nous avions également un projet en cours concernant la question des mutilations génitales féminines. Ce projet est en train d’adapter son approche pour passer de la défense des droits à un examen des besoins précis qui existent dans le cadre de ce conflit, en ce qui concerne notamment les violences sexuelles et fondées sur le sexe.

Le sénateur Harder : Merci de vous joindre à nous aujourd’hui.

J’aimerais donner suite aux références que vous avez faites à de possibles démarches de médiation en cours. Il me semble qu’il s’agit d’une crise où d’inhabituels acteurs aux vues similaires doivent intervenir ou être encouragés à être plus actifs. Pourriez-vous expliquer brièvement comment le Canada travaille avec ces soi-disant pays aux vues similaires afin d’avoir un effet positif dans le cadre des efforts de médiation? J’aimerais aussi avoir une petite idée des forces malveillantes en présence, qui sont probablement les suspects habituels, et savoir si certains des acteurs inhabituels déploient des efforts pour au moins tempérer leur malveillance. C’est assez codé pour que tout le monde comprenne ce que j’essaie de dire.

Mme Urban : Je commencerai à répondre, puis céderai la parole à ma collègue.

Oui, il ne manque pas d’acteurs dans le domaine de la médiation. Divers acteurs s’impliquent et agissent sur cinq ou six plans principaux en même temps. Les pourparlers qui ont débuté à Djeddah, menés par le Quad et principalement par le Royaume d’Arabie saoudite et les États-Unis, semblent avoir été interrompus pendant un certain temps et ont récemment repris. Des promesses ont également été faites récemment en Éthiopie lors de réunions auxquelles la société civile a pris part.

Pour sa part, le Canada intercède certainement auprès des pays aux vues similaires pour que des civils et la société civile puissent se faire entendre haut et fort dans le cadre de la médiation et des discussions. Il pourrait y avoir une autre réunion à Addis-Abeba pour faire suite à celle tenue récemment.

Mme Delany : Comme vous le soulignez, sénateur, il y a beaucoup d’intérêts dans la région, et certains sont plus bénins que d’autres. Plus la crise s’éternise, plus il est difficile pour les acteurs régionaux de ne pas s’impliquer pour essayer de réagir à leurs propres préoccupations. Des États aux vues similaires tentent d’entreprendre des pourparlers afin de réduire le recours à d’autres types d’interventions, mais rares sont les occasions d’avoir une influence sur la situation.

Mme Urban a effleuré la question, mais je soulignerai que du point de vue canadien, il est essentiel que les civils ouvrent la voie vers un gouvernement dirigé par des civils et une transition vers la démocratie. C’est dans les efforts pour soutenir ces civils dans leurs démarches pour trouver un règlement politique à ce problème que le Canada voit sa valeur ajoutée; ces démarches sont d’ailleurs au cœur des interventions de la ministre Joly dans la région. Le défi consiste à trouver la bonne manière de procéder. L’Union africaine est extrêmement impliquée dans la recherche d’une solution, tout comme l’Autorité intergouvernementale pour le développement, sous la houlette des Kényans. Notre rôle à ce stade-ci consiste à surveiller toutes les démarches, d’exprimer le soutien du Canada et de trouver l’occasion que pourrait avoir le Canada de fournir du soutien pour que cette transition se fasse.

Le sénateur Harder : Et les États malveillants?

Mme Delany : Je peux être explicite en ce qui concerne la Russie, bien sûr. Les intérêts de la Russie dans la région sont bien connus, notamment dans le cadre de la situation au Soudan. À cela s’ajoute la présence de Wagner, qui est également liée à la présence d’or dans le pays. Cela est extrêmement préoccupant et constitue un facteur de risque réel pour la poursuite du conflit lui-même. Quant aux autres États, il est un peu plus difficile d’en parler ici.

Le président : Je vous remercie. Dommage que nous n’ayons parlé des États malveillants que pendant 30 secondes, mais peut‑être pourrons-nous y revenir à un moment donné.

Le sénateur Woo : Je ne comprends pas très bien le code auquel le sénateur Harder a fait référence. J’allais voir si je pouvais vous presser d’en dire un peu plus, mais vous devez être à l’aise quand vous répondez.

J’aimerais obtenir une analyse des racines structurelles de ce conflit. Devrions-nous considérer qu’il s’agit de factions d’élite qui s’opposent au sein de l’armée? Existe-t-il des dimensions ethniques ou tribales auxquelles nous devrions réfléchir? Le sénateur Harder a parlé des interventions externes. Un acteur a été nommé. Il y en a peut-être d’autres dont vous pouvez parler. Nous n’arriverons à une solution que si nous comprenons les racines du problème. Je suis novice dans ce domaine, alors j’aimerais beaucoup étoffer mes connaissances.

Mme Urban : Je commencerai par dire que le conflit a des racines profondes et est très complexe. Toute description voulant qu’il s’agit de deux généraux qui se battent l’un contre l’autre est une simplification exagérée d’une longue histoire et d’un conflit dans lequel interviennent de multiples intérêts et un nombre croissant de belligérants de différents partis.

Mme Delany : C’est exactement la bonne question à poser pour établir les faits et tenter de comprendre le conflit qui fait rage actuellement. Historiquement, la capitale a été le siège des centres du pouvoir et de la richesse du Soudan, les régions étant largement négligées par l’ancien président Bashir. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont conduit à une révolution menée par des civils en 2019 et au renversement de l’ancien président Bashir. Mais c’est un pays aux fractures et aux défis importants, lesquels ont réellement été favorisés par son approche en matière de gouvernance qui a créé des divisions entre les groupes ethniques, laissant le pays dans un état assez fragile.

À la suite de la révolution et des tentatives de transition menée par les civils vers la démocratie, un coup d’État a été mené par les deux dirigeants des partis qui s’opposent actuellement dans ce conflit : la Force de soutien rapide, ou FSR, et les Forces armées soudanaises, ou FAS. C’est la mésentente entre les deux groupes qui a déclenché le plus récent retour à la violence. Ils ne s’entendent pas sur les prochaines étapes de la transition vers un gouvernement civil et débattent de la manière dont la FSR pourrait être intégrée aux forces officielles des FAS. Ils n’ont pas été en mesure de parvenir à un accord, ce qui a, bien entendu, déclenché un retour à la violence en avril.

Le risque, ce sont toutes les autres fractures qui existent dans le pays et la mesure dans laquelle les factions se rangeront d’un côté ou de l’autre ou commenceront à défendre leurs propres intérêts à l’avenir.

Le sénateur Woo : Les fractures se situent le long des lignes ethniques et ailleurs?

Mme Delany : Oui. Il y a des dimensions ethniques au conflit. Comme toujours, ce n’est pas une explication suffisante en raison des ressources, de la proximité géographique et des intérêts régionaux ou internationaux qui pourraient s’aligner avec différentes factions, mais il y a certainement des dimensions ethniques aux combats, comme les médias l’ont rapporté, en particulier au Darfour ces derniers mois.

Le sénateur Woo : Comment cela se passe-t-il avec la diaspora au Canada? De temps en temps, nous voyons des manifestations et des protestations. Pouvez-vous nous expliquer comment les choses se passent au pays en ce qui concerne la diaspora?

Mme Delany : Ce n’est pas un sujet sur lequel j’en sais beaucoup.

Le sénateur Woo : D’accord.

Le président : Ma question s’adresse à M. Beaulieu. Votre bureau, la préparation aux urgences consulaires et toutes les autres choses que vous faites sont considérablement mis à contribution ces jours-ci. Bien entendu, vous avez participé activement à l’évacuation des Canadiens du Soudan, comme vous l’avez fait depuis en Israël et à Gaza. Comment répondez-vous aux demandes consulaires des citoyens canadiens qui se trouvent peut-être encore au Soudan? Autrefois, nous avions des pouvoirs de protection ou pouvions compter sur un autre pays qui pouvait s’occuper de nos citoyens, comme nous le faisons pour d’autres pays dans certaines régions du monde. Avez-vous l’impression d’acquérir suffisamment d’expérience dans tout ce conflit pour examiner des procédures opérationnelles normalisées, même si chaque crise tend à être différente à certains égards? Avez-vous suffisamment de ressources pour le faire?

Sébastien Beaulieu, directeur général et dirigeant principal de la sécurité, Sécurité et gestion des urgences, Affaires mondiales Canada : Je vous remercie de la question.

Au cours de cette crise, les partenaires ont déployé des efforts considérables qui nous ont permis d’évacuer près de 500 citoyens canadiens et résidents permanents et environ 200 membres de leur famille immédiate.

Aujourd’hui, avec la suspension de nos opérations, il reste un certain nombre de Canadiens au Soudan. Il est très difficile de leur offrir de l’aide, mais s’il y a des cas précis, nos agents consulaires s’efforcent de les aider, que ce soit pour des documents de voyage ou d’autres renseignements que nous pouvons fournir à distance.

Vous avez parlé de pouvoirs de protection. Dans bien des situations, nous travaillons avec nos partenaires sur place ou ceux qui restent sur le terrain. Dans le cas présent, comme mes collègues l’ont souligné, la situation est très difficile.

Pour ce qui est de l’apprentissage et des ressources, toutes les crises sont différentes, mais dans chaque cas, nous avons des procédures opérationnelles normalisées. Nous nous évertuons à trouver des solutions précises pour assurer la sécurité des Canadiens, comme nous l’avons fait dans ce cas-ci et comme nous continuons de le faire dans les crises en cours.

Le président : Je vous remercie beaucoup.

La sénatrice R. Patterson : Madame Delany, cette question s’adresse probablement à vous. Il est très difficile de regarder vers l’avenir lorsque le conflit est en cours et se poursuit. J’ai été frappée par ce que vous avez dit au sujet des efforts visant à rétablir la démocratie, car nous savons que c’est quelque chose qui a déjà été tenté. Quelles mesures concrètes le Canada prendra-t-il pour contribuer à établir une démocratie qui fonctionne pour le Soudan plutôt que pour l’Occident?

Mme Delany : C’est une excellente question. C’est un peu difficile d’y répondre parce qu’à l’heure actuelle, nous cherchons surtout à déterminer comment appuyer la participation civile dans un règlement politique. Je dirais que ce qui est le plus important à comprendre pour l’avenir, c’est qu’un simple accord entre les deux belligérants n’assurera pas une paix durable. Il faut un règlement politique qui fonctionnera pour l’ensemble du pays. Comme nous l’avons vu, les intérêts divergents à l’intérieur du pays alimentent l’instabilité actuelle. Le rôle du Canada consiste en bonne partie à soutenir les voix civiles.

Je peux vous donner quelques exemples de la façon dont nous agissons actuellement. Dans le cadre des programmes existants, nous travaillons avec des défenseurs des droits de la personne dans le pays, y compris des militants des droits des femmes. Nous avons pu élargir et adapter ces programmes au début du conflit afin, par exemple, de réagir aux besoins de protection immédiats. Il peut s’agir d’un déplacement ou d’assurer la sécurité des gens. La sécurité numérique a joué un grand rôle à cet égard. Cela aide également les gens à participer aux dialogues politiques et à se coordonner pour pouvoir participer. La société civile est assez solide au Soudan. Il suffit donc au Canada de lui offrir un peu de soutien pour avoir une incidence considérable et lui permettre d’être prête à participer aux dialogues.

La sénatrice R. Patterson : Tout à l’heure, nous avons parlé du financement. Pensez-vous qu’il sera orienté dans cette direction générale, même en ce qui concerne l’établissement de liens entre des personnes? Nous savons que des moyens de communication numérique ont été utilisés ailleurs pour amener des civils et des groupes marginalisés à la table des négociations.

Mme Delany : Oui. Le Programme pour la stabilisation et les opérations de paix dispose d’un financement d’environ 2,6 millions de dollars cette année, en particulier pour soutenir les organisations de la société civile, les défenseurs des droits de la personne et les femmes qui œuvrent pour la paix, comme je l’ai indiqué, afin de renforcer leur capacité à assurer leur propre protection dans ce contexte et à participer aux processus politiques à venir.

La sénatrice R. Patterson : Je vous remercie de votre réponse.

[Français]

La sénatrice Gerba : Ma question s’adresse plutôt à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC); ils ne sont pas ici aujourd’hui, mais je souhaite quand même la poser.

Le Canada a mis en place un programme de visas pour les Ukrainiens qui permettait à quiconque possédant un passeport ukrainien d’obtenir un visa canadien de trois ans. Pour ce qui est de la situation en Afghanistan, le Canada a promis d’accueillir 40 000 réfugiés afghans. Est-ce que des mesures semblables pourraient être prises?

Je m’adresse à vous en espérant qu’il y ait un partenariat et une collaboration avec IRCC. Est-ce que des mesures semblables pourraient être mises en place pour aider les populations soudanaises, qui sont aujourd’hui majoritairement déplacées, comme vous l’avez dit, notamment les femmes et les filles, qui subissent un poids très lourd en raison de la situation actuelle?

Mme Urban : C’est dommage, car c’est vraiment le mandat d’IRCC. Je ne peux donc pas faire de commentaires à ce sujet.

La sénatrice Gerba : Je comprends; merci pour votre réponse. Je pense que je devrai la poser par écrit à IRCC.

On a parlé plus tôt des actions diplomatiques qui ont été tentées, notamment pour en arriver à un cessez-le-feu durable. Ces initiatives ont notamment été proposées par les États-Unis, l’Égypte, l’Arabie saoudite ou encore l’Autorité intergouvernementale pour le développement. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus en détail votre collaboration à cet effet avec l’Union africaine jusqu’à maintenant? Lorsque vous discutez avec l’Union africaine, abordez-vous la question du cessez-le-feu?

[Traduction]

Mme Delany : En ce qui concerne le dialogue que nous avons entamé sur le plan de la sensibilisation, il s’est traduit par des appels téléphoniques du premier ministre et de la ministre Joly dans la région — y compris, par exemple, en Égypte, en Éthiopie, à Djibouti et en Arabie saoudite au moment de l’événement, ainsi qu’auprès de l’Autorité intergouvernementale pour le développement et de l’Union africaine. Le Canada a soutenu la résolution du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui est à l’origine de la mission d’information. Nous avons également entrepris des activités de sensibilisation sur les médias sociaux, en particulier en réponse à un récent rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, ou HCDH, qui portait sur ses conclusions concernant les violations des droits de la personne au Darfour. En outre, en septembre, la ministre Joly a été l’hôtesse d’un événement intitulé « En marge de la 78e session de l’AGNU », en collaboration avec la Cour pénale internationale, afin de discuter de la situation au Soudan.

[Français]

Le président : Madame la sénatrice, pouvez-vous préciser ce que vous voulez recevoir par écrit?

La sénatrice Gerba : Oui. En fait, j’aimerais savoir par écrit si nous avons pris des mesures semblables à celles qui ont été prises pour l’Ukraine, l’Afghanistan et même la Syrie. Dans le cas de la Syrie, on a fait venir plus de 25 000 Syriens. Est-ce quelque chose qui est envisageable à cet effet avec IRCC? On vient de comprendre dans quel contexte se retrouvent les enfants, les filles et les femmes au Soudan. Il faudrait peut-être envisager de les faire venir ici.

[Traduction]

Le président : Si vous pouviez nous fournir cette information par écrit, du mieux que vous pouvez, par l’intermédiaire de la greffière du comité, ce serait formidable. Je vous remercie de votre intervention.

Le sénateur Richards : Je crois que cette question a reçu une réponse, ou du moins une réponse partielle. Je m’adresse à nouveau à Mme Delany. Il y a toujours eu une dépendance alimentaire au Soudan. C’est un grand pays, selon les normes africaines, et il est extrêmement pauvre. Qui contrôle le conflit de l’extérieur? Je crois que vous avez mentionné le groupe Wagner. Quelles forces extérieures parasitent cette guerre? Celles de la Russie, ou celles d’autres pays? Qui fournit aux généraux les armes et ce dont ils ont besoin pour avoir de l’influence dans le pays lui-même et pour avoir accès aux biens que le Soudan possède?

Mme Delany : Je vous remercie de vos questions, monsieur le sénateur. Il est un peu délicat de discuter des détails des différentes influences exercées et des intérêts des pays de la région et d’ailleurs. Je ne peux donc pas entrer dans les détails en ce moment.

En ce qui concerne l’origine de leurs ressources, le pays est riche en ressources naturelles. Par exemple, les forces armées soudanaises, ou SAF, contrôlent les revenus du pétrole — qui sont assez importants, étant donné que le pétrole est acheminé par des oléoducs depuis le Soudan du Sud —, et elles peuvent les utiliser pour financer leurs intérêts. De plus, les forces de soutien rapide, ou RSF, exercent un contrôle important sur les mines d’or du pays et collaborent avec le groupe Wagner pour pouvoir exporter ces ressources en vue de financer leurs efforts.

Le sénateur Richards : Le groupe Wagner est donc toujours présent au Soudan?

Mme Delany : Oui.

La sénatrice M. Deacon : Je vais utiliser mon temps pour formuler un commentaire plutôt qu’une question, parce que le sujet a été abordé. Le sénateur Boehm en a parlé. Je me dis que le personnel doit travailler à plein régime et en faire même davantage. Comme sénateurs, nous écoutons les témoignages pour tenter de comprendre les affaires mondiales touchant le Canada et les événements dans le monde. Nous écoutons les intervenants depuis assez longtemps pour nous demander s’il existe des solutions ou des modèles communs. Je pense à l’éducation des enfants et aux efforts déployés pour qu’ils continuent à apprendre dans des lieux sécuritaires. L’apprentissage virtuel est une option, mais encore faut-il une connectivité. Y a-t-il de l’énergie, des leçons tirées et des solutions communes, même pour les situations uniques? Alors que nous tentons de rapatrier des Canadiens, on nous demandera comment Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, gère le dossier du Soudan comparativement à ceux de l’Ukraine ou de la Syrie. Nous faisons notre travail et nous essayons d’intervenir de notre mieux, mais je m’inquiète de la viabilité des solutions et de la capacité des ressources humaines : je me demande à quel point vos équipes peuvent abattre du travail ici qui sera aussi utile à l’étranger. Je ne faisais qu’un commentaire général.

Mme Urban : Je répondrai d’abord que le ministère a tiré profit de la réflexion sur l’avenir de la diplomatie et sur la façon d’entretenir le désir de continuellement améliorer et transformer notre Service extérieur. Dans le cadre de cette réflexion, nous nous sommes dotés d’un plan de mise en œuvre de la transformation. Alors que nous réfléchissons à la façon dont nous pouvons faire croître notre ministère, nous nous penchons notamment sur l’état de préparation aux crises. Nous nous demandons comment notre organisation peut tirer davantage de leçons, mettre en commun des expériences et élaborer de nouvelles pratiques communes afin de faire de notre organisation une entité plus à même de réagir aux crises dans un contexte mondial où les crises interreliées se multiplient.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

La sénatrice Coyle : J’ai tant de questions. Vous avez abordé les grandes lignes de l’appui que le Canada donne aux pays où les Soudanais — les personnes déplacées — se rendent. Pouvez‑vous indiquer un peu plus en détail où la majeure partie de cet appui est offert et quelles sont les conditions dans ces pays? Que font le Canada et nos partenaires pour venir en aide aux pays accueillant les personnes déplacées?

Mme Desloges : Comme je l’ai mentionné, nous avons versé plus de 170 millions de dollars aux pays voisins. Je n’ai pas la somme totale; je fais faire des calculs rapides. Nous en sommes à 130 millions de dollars en aide humanitaire à l’extérieur du Soudan dans les pays voisins. Les besoins existaient déjà avant l’arrivée des Soudanais, ou des rapatriés dans le cas du Soudan du Sud et du Tchad. Nous avons aussi bonifié cette aide pour en fournir plus. Nous offrons une aide assez complète dans cette région.

Comme on l’a souvent entendu, l’aide humanitaire dans le monde entier souffre de sous-financement marqué, ce qui entraîne de grandes difficultés. En ce moment, la saison des pluies corse la situation. Les gens se rendent dans des régions très reculées, qui sont déjà mal desservies, ce qui exacerbe les besoins. Les partenaires humanitaires tentent de les reloger dans des zones plus sécuritaires, ce qui coûte très cher. Nous fournissons un financement souple, comme je l’ai mentionné tout à l’heure, pour permettre aux partenaires de le distribuer où les besoins sont ressentis, où l’argent sera dépensé le plus judicieusement et où ils pourront réagir avec souplesse.

Mme Delany : Le Soudan du Sud, au sud, est un autre exemple. Des centaines de milliers de Sud-Soudanais résident au Soudan. Ils se retrouvent maintenant, fort malheureusement, à être des réfugiés qui traversent la frontière pour retourner au Soudan du Sud. C’est un énorme revers pour un pays qui connaît déjà sa propre crise humanitaire.

Les goulots d’étranglement le long de la frontière entraînent des défis particuliers pour l’hébergement et d’autres besoins. Nos partenaires onusiens s’occupant du volet humanitaire — je suis désolée, madame Desloges, je parle un peu à votre place, mais je connais assez bien ce contexte — veillent à faire passer rapidement ces personnes par les passages obligés, pour qu’ils retournent dans leurs villages ou là où ils désirent se rendre. Ce déplacement de personnes aggrave les difficultés dans la région.

La sénatrice Coyle : Ma collègue a mentionné les enfants soldats tout à l’heure. De plus, des jeunes filles sont victimes de violence sexuelle. Parfois, les deux problèmes vont de pair. Pouvez-vous nous éclairer sur la situation des jeunes filles et leurs rôles dans les cadres des enfants soldats?

Mme Urban : La Cour pénale internationale a lancé une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, et l’accent est mis sur les enfants et sur la violence sexuelle et fondée sur le sexe. Manifestement, si la cour a entamé une enquête, cela veut dire que les inquiétudes et les signes de preuves potentielles sont suffisamment importants.

Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter.

Mme Delany : Non, je n’ai rien à ajouter au sujet des enfants soldats.

Le président : Certains de mes collègues, ainsi que vous‑mêmes, dans vos réponses, avez abordé ce sujet, dans le contexte de la transformation de votre ministère que la ministre Joly a entamée ou dans le contexte de notre rapport, qui devrait — je l’espère — bientôt être publié. Le Canada pourrait‑il jouer un rôle s’apparentant à celui d’un médiateur, peut‑être même dans le cadre du deuxième volet? C’est le genre d’initiatives qui ne sont jamais publicisées. Vous ne diffusez pas de communiqués de presse à ce sujet. Il s’agirait de travailler avec les pays aux vues similaires et peut-être avec ceux dont les vues ne sont pas si semblables aux nôtres. Étant donné les difficultés géopolitiques de ce côté, ce pourrait être un rôle naturel pour le Canada alors qu’il se projette davantage en Afrique — notre comité commencera bientôt son étude sur l’Afrique. Nos relations de longue date avec le Commonwealth et les pays de la Francophonie sur le continent justifieraient aussi ce type de rôle. Avez-vous des réflexions sur la possibilité de développer des capacités de médiation sous l’égide d’Affaires mondiales Canada?

Mme Urban : C’est une possibilité qui vaut certainement la peine d’être explorée. Je dirai aussi au passage que le ministère est vraiment impatient de voir le travail de votre comité sénatorial sur la collaboration avec l’Afrique. Ce sera extrêmement utile. De notre côté, nous réfléchissons à la collaboration passée entre le Canada et l’Afrique et aux occasions que le continent africain représente pour le Canada.

Comme vous le savez peut-être, nous avons déjà entrepris des consultations sur la présence du Canada en Afrique subsaharienne. Une partie de ces efforts découlent de la lettre de mandat de la ministre Ng, qui énonce de renforcer la coopération économique et la diplomatie avec les pays africains. Nous avons lancé des consultations publiques à ce sujet.

De plus, le secrétaire parlementaire Oliphant a de nombreuses discussions avec des interlocuteurs, y compris des interlocuteurs africains, afin de déterminer comment le Canada peut accroître sa présence et diversifier le type de mobilisation que le Canada entretient avec les pays africains. Ce travail est important, et des réflexions initiales pourront débuter dans les prochains mois et semaines.

Le président : Au nom du comité, je remercie les représentants du ministère : Mme Urban, sous-ministre adjointe; Mme Delany, directrice générale; M. Beaulieu, directeur général; et Mme Desloges, directrice adjointe. Je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui et de nous avoir fourni un aperçu exhaustif de la situation complexe au Soudan. Merci.

Nous accueillons, dans notre prochain groupe de témoins, M. Awad Ibrahim, professeur titulaire et vice-provost de l’équité, de la diversité et de l’excellence en matière d’inclusion à l’Université d’Ottawa. Nous recevons également, par vidéoconférence depuis Washington, D.C., Mme Susan Stigant, qui est directrice du Programme Afrique du United States Institute of Peace. Bienvenue à vous deux, et merci de comparaître devant nous. Nous sommes prêts à entendre vos déclarations liminaires. Monsieur Ibrahim, nous allons commencer par vous.

Awad Ibrahim, professeur titulaire, vice-provost, Équité, diversité et excellence en matière d’inclusion, Université d’Ottawa, à titre personnel : Merci. Si vous me le permettez, j’aimerais lire un texte que j’ai rédigé. Comme peu de Soudanais ont l’occasion de prendre place à cette table, j’espère que vous me donnerez la parole pendant plus de cinq minutes.

Le président : Je pense que c’est possible.

M. Ibrahim : Bonjour, honorables sénateurs et distingués membres du public. J’aimerais d’abord reconnaître le territoire où nous nous trouvons. J’incline la tête, en signe de gratitude pour leur hospitalité, devant le peuple anishinaabe et tous les peuples autochtones de notre beau territoire. Malgré le colonialisme et le génocide, ils existent toujours.

[Français]

Je m’adresse à vous pas seulement à titre de professeur titulaire à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, titulaire de la bourse professorale Air Canada sur l’antiracisme et vice-provost, Équité, diversité et excellence en matière d’inclusion, toujours à l’Université d’Ottawa, mais aussi comme un Canadien qui est très fier d’être d’origine soudanaise.

[Traduction]

Honorables sénateurs, la pire décision qu’une nation peut prendre pour son avenir est de décider de s’autodétruire. Le mot qui importe dans cette phrase est « décider ». Dans le cas du Soudan, il est essentiel de revoir son histoire pour comprendre comment le pays a décidé de s’autodétruire.

Comme on le sait, un gouvernement des Frères musulmans a été au pouvoir pendant 30 ans, de 1989 à 2019, avant d’être renversé par un soulèvement populaire en décembre 2019. Certains chercheurs, dont moi-même, qualifieraient ce soulèvement de révolution. Entre le début de 2020 et octobre 2021, un gouvernement civil a été dirigé par le premier ministre Abdalla Hamdok. Malheureusement, un coup d’État est survenu en octobre 2021 et s’est poursuivi jusqu’au 15 avril 2023. Le 15 avril de cette année fut une journée tout à fait unique. Deux généraux — un représentant la soi-disant armée officielle, le général al-Burhan, et un représentant une milice que l’armée officielle a créée, le général Dagalo — étaient amis et ont monté le coup d’État ensemble. Ils ont décidé de déclencher une guerre d’où personne ne sort gagnant et où la plus grande perdante est la nation elle-même. La capitale, Khartoum, et le Darfour sont les zones les plus touchées. Vingt ans plus tard, le Darfour, fort malheureusement, est encore une fois témoin d’un génocide.

Honorables sénateurs, mon analyse indique que si la guerre n’est pas arrêtée par tous les moyens possibles pour laisser place à la paix, nous assisterons à la création d’un nouvel Afghanistan. Nous pourrions nous réveiller un jour pour constater que le Daech et les Frères musulmans se seront réunis : non seulement l’Afrique en pâtira, mais le Moyen-Orient et la région aussi. En raison de son énorme importance sur le plan géographique et des ressources, des acteurs régionaux — comme l’Égypte et les Émirats arabes unis — et internationaux — comme la Russie — prennent part à la guerre. Mes propos ne doivent pas être perçus comme de simples accusations, et j’espère ne pas sembler trop alarmiste.

Honorables sénateurs, le Canada pourrait et devrait jouer un rôle important. En effet, pourquoi le siège du Canada est-il vide aux négociations de Djedda? Comme le Canada fait partie du Groupe des cinq, je l’exhorte, en tant que Canadien d’origine soudanaise, à jouer un rôle important dans ces négociations. Je réclame au gouvernement de protéger les femmes et les enfants et de fournir de l’aide humanitaire dès maintenant.

Six millions des personnes les plus déplacées de la planète sont au Soudan, on dénombre 16 millions de personnes sur le bord de la famine au pays, et les pays voisins comptent 1,3 million de réfugiés. Je demande au Canada d’aider les Canadiens d’origine soudanaise à faire venir leurs proches ici en facilitant leur parrainage. Me permettez-vous de proposer que le gouvernement envisage un programme de parrainage ponctuel, semblable à ce qui a été fait pour la Syrie et l’Ukraine, afin de faire venir les membres des familles se trouvant au Tchad, au Soudan du Sud, en Éthiopie ou en Égypte? Bien entendu, il faut suivre les règles, mais un tel programme ponctuel de parrainage s’inscrirait tout à fait dans l’esprit canadien. Nous devons mettre à profit notre générosité en ce moment.

Réfléchissez attentivement à ce qui se passerait après la guerre. Créons une coalition internationale et un fonds pour reconstruire la nation chapeauté par le Canada, un peu comme ce que nous avons fait en Afghanistan. Ce fonds devrait servir aux infrastructures, mais réservons-en une partie pour faire entrer des experts soudanais de l’extérieur du pays, ou à tout le moins pour les aider à bâtir le pays après la guerre. Cela s’apparenterait aux Nations unies. J’ose espérer que les sénateurs sont au courant du programme de Transfert des connaissances par l’intermédiaire des expatriés nationaux, ou TOKTEN.

Honorables sénateurs, je conclurai en disant que nous, les humains, sommes condamnés à faire des choix, alors choisissons ce qui est bon et juste. Faisons vivre l’espoir et efforçons-nous autant que faire se peut d’apporter la paix au Soudan, un pays qui souffre et qui est oublié depuis trop longtemps. Meegwetch. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Ibrahim.

Nous allons maintenant entendre Susan Stigant, la directrice du Programme Afrique à l’United States Institute of Peace. Vous avez la parole, et nous pouvons vous accorder quelques minutes supplémentaires si vous avez besoin de plus de cinq minutes.

Susan Stigant, directrice, Programme Afrique, United States Institute of Peace : Bonjour, monsieur le président, monsieur le vice-président et honorables sénateurs. Je remercie le comité de porter son attention sur la guerre au Soudan et de m’avoir invitée à m’adresser à vous aujourd’hui.

Comme vous l’avez entendu, je suis la directrice du Programme Afrique à l’United States Institute of Peace, un institut fédéral indépendant mis sur pied par le Congrès américain pour empêcher, atténuer et résoudre les conflits violents dans le monde.

J’aimerais mentionner que j’ai commencé ma carrière au centre d’information parlementaire de l’Afrique du Sud dans le cadre du programme international de stages pour les jeunes qui était dirigé par ce qui s’appelait à l’époque le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Depuis, j’ai travaillé en Afrique et aux dossiers africains pendant plus de 20 ans, en me consacrant particulièrement à la médiation et à la promotion des transitions politiques inclusives.

Honorables sénateurs, je me trouvais à Khartoum deux semaines avant le début de la guerre, et j’avais consacré beaucoup de temps, avec mon équipe, à appuyer la transition depuis la révolution de 2019 ainsi que les notables pendant les décennies précédentes. À ce moment, nous avons constaté une intensification palpable des tensions. Les négociations et les décisions entourant la structure du régime de sécurité, en particulier, écorchaient le cœur des intérêts, des inquiétudes, des craintes et des aspirations des deux dirigeants : les généraux al‑Burhan et Hemedti. À ce stade, aucune solution proposée ne permettait de réellement remédier à la situation ou de sortir de l’impasse.

Cela dit, rares sont ceux qui anticipaient qu’une confrontation se transformerait en guerre prolongée. À certains égards, je m’inquiète que la réaction internationale n’ait pas encore égalé la profondeur, la portée et les retranchements de la guerre qui sévit. Quelqu’un m’a dit récemment que si la guerre dure huit mois, elle pourrait tout aussi bien durer huit ans.

Des témoins antérieurs ont décrit les horribles conséquences humaines de la guerre : les 6,5 millions de personnes déplacées de force; les 19 millions d’enfants qui ne peuvent aller à l’école; la violence sexuelle et fondée sur le sexe documentée; les 25 millions de personnes qui attendent de l’aide humanitaire et qui en dépendent; et les milliers de morts, ce qui n’est qu’une estimation, car rien n’a été fait à ce jour pour en connaître le nombre réel ou établir un mécanisme rigoureux pour déterminer la surmortalité. Nombreux sont ceux qui ont perdu la vie dans des tirs croisés et des combats. Nombreux sont ceux qui sont morts de faim ou à cause du manque d’accès à des médicaments pour obtenir des services médicaux de base. Nombreux sont ceux qui sont morts dans ce qui est de plus en plus documenté comme des attaques ciblant des civils.

Je souligne que la conseillère spéciale du secrétaire général des Nations unies pour la prévention du génocide a indiqué, dans sa dernière déclaration, que les attaques survenues au Darfour, si elles sont confirmées, pourraient constituer des actes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.

Plusieurs d’entre vous ont soulevé des questions et des doutes par rapport aux négociations en cours. Ces négociations, menées conjointement par les États-Unis et le Royaume d’Arabie saoudite à Djedda, ont donné lieu à des engagements à l’égard d’obligations que les deux parties avaient déjà contractées en vertu du droit international humanitaire et du droit international en matière de droits de la personne. Néanmoins, ces promesses ne se sont pas traduites par des actions concrètes, et il n’a pas été possible d’en arriver à une cessation durable des hostilités.

Selon la plupart des évaluations, les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide obéissent toujours à une logique de guerre et demeurent toutes deux convaincues qu’elles peuvent obtenir des gains, soit par le contrôle de territoires, soit en faisant basculer l’équilibre des forces par des moyens militaires. Par ailleurs, tout indique que les deux belligérants disposent des ressources nécessaires pour continuer à se battre, et que les pressions diplomatiques internationales n’ont pas été suffisamment efficaces.

Permettez-moi de vous livrer quelques réflexions générales sur les nouvelles priorités.

D’abord, dans un contexte où nous constatons malheureusement que ce conflit et les souffrances humaines qui en résultent risquent de perdurer, il est urgent d’intensifier les interventions humanitaires. Le forum humanitaire mis en place dans le cadre des négociations de Djedda est une plate-forme qui nous permet d’exercer une pression diplomatique cohérente sur les belligérants. L’objectif est de les inciter à respecter leurs obligations en matière de droit international. Toutefois, je suis d’avis que ce forum gagnerait en efficacité s’il intégrait une représentation civile, et je pense notamment aux travailleuses humanitaires soudanaises de première ligne.

Je suis étonnée qu’en 2023, nous devions encore faire valoir que les femmes et les personnes les plus exposées à la violence doivent être invitées à la table des négociations. Hier soir, j’ai participé à un événement au cours duquel on m’a rappelé que la participation des femmes augmente de 20 % la probabilité d’instaurer un accord de paix durable, et de 35 % la probabilité qu’un tel accord dure plus de 15 ans. Pourtant, il n’y a toujours pas de femmes présentes lors des négociations qui se tiennent à Djedda.

Ensuite, l’intensification de l’intervention humanitaire ne peut se faire uniquement à l’extérieur du Soudan. Nous devons intensifier les négociations de première à l’intérieur des frontières du pays afin de faciliter l’acheminement en toute sécurité de l’aide humanitaire d’urgence. Nous devons également créer un corridor humanitaire pour permettre aux civils soudanais de fuir les zones de guerre.

Enfin, sur le plan humanitaire, l’acheminement de l’aide nécessite la mise en place de mécanismes de financement créatifs pour appuyer les organismes locaux. Ce sont les civils soudanais qui restent en première ligne pour apporter de l’aide humanitaire grâce à ce que l’on appelle les salles d’intervention d’urgence. Ces lieux regroupent des médecins, des sages-femmes et d’autres intervenants chargés de la distribution de médicaments et d’autres denrées. C’est sur ces organismes locaux que reposent la légitimité, la crédibilité et le cœur de la nation soudanaise. Il est essentiel d’apporter un soutien spécifique à ces organismes, et de mettre en place des organismes dirigés par des femmes, lesquels pourront offrir des services aux personnes ayant subi des violences physiques, psychologiques et sexuelles liées au conflit.

D’une manière générale, il faut activer des mécanismes de protection et de prévention au sein des zones les plus touchées par le conflit, et où il existe un risque de violence massive. Je pense par exemple à la ville d’al-Fashir, au Darfour occidental. Des signaux d’alerte clairs indiquent que la situation pourrait s’aggraver, malgré les efforts déployés par les chefs traditionnels et religieux. Un soutien externe est nécessaire. Nous devons faire comprendre aux belligérants que le monde entier les surveille, et qu’il y aura des conséquences s’ils ne respectent par leurs obligations.

Le président : Madame Stigant, je vais devoir vous interrompre, car vous avez dépassé de plusieurs minutes le temps dont vous disposiez. Vous pourrez bien entendu revenir sur les autres points que vous vouliez aborder lors de la série de questions et réponses.

Chers collègues, vous disposerez comme d’habitude de quatre minutes chacun. S’il reste du temps, nous pourrons entamer une deuxième série de questions et réponses.

La sénatrice R. Patterson : Je vous remercie pour vos déclarations d’ouverture respectives. J’en ai tiré un fil conducteur, à savoir l’importance de désamorcer la crise afin de progresser vers une paix durable, quelle qu’en soit la forme.

Je me demande si vous pourriez tous les deux m’en dire davantage sur les piliers 3 et 4, car cela m’intéresse beaucoup. Monsieur Ibrahim, vous avez dit qu’il faut intensifier notre soutien au Soudan. Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour le Canada, au-delà des enjeux sur le plan financier? Madame Stigant, j’aimerais également connaître votre opinion sur le sujet. Je vous remercie.

M. Ibrahim : Comme je l’ai souligné dans mon témoignage, je pense que nous devons avant tout mettre de l’avant la présence du Canada sur la scène diplomatique internationale. Même si beaucoup de travail est fait en coulisses, et vous l’avez constaté en écoutant les présentations des représentants d’Affaires mondiales Canada, les Soudanais se sentent laissés de côté. À l’échelle mondiale, plusieurs peuples se sentent également ignorés. Le Canada doit jouer un rôle diplomatique et humanitaire prépondérant, et doit s’exprimer clairement en faveur de la paix, car sinon, rien ne se produira. Nous pouvons envoyer des milliards de dollars en aide humanitaire, mais en l’absence d’une paix durable, tous ces fonds risquent de disparaître dans un puits sans fond. Selon moi, le Canada doit se doter d’une vision claire, assumer un rôle de leadership, être plus visible que jamais.

J’espère que les membres du comité vont réfléchir sérieusement à ce genre d’enjeux. Ensuite, comme vient de le rappeler ma collègue, Mme Stigant, nous devons permettre à la population civile de prendre part aux processus de négociation. Depuis que ce conflit a éclaté, les civils ont effectué un travail colossal qui n’a pas toujours été reconnu à sa juste valeur. Nous devons leur accorder la place qui leur revient à la table de négociation, et comprendre ce qu’ils entrevoient pour la période qui suivra la fin éventuelle du conflit.

Mme Stigant : Pour vous dresser un portrait rapide de la situation diplomatique, nous devons mener des efforts sur cinq ou six fronts différents. Le secrétaire général de l’ONU a récemment nommé M. Lamamra, ancien ministre des Affaires étrangères de l’Algérie, comme envoyé personnel au Soudan. Cette nomination nous offre l’occasion de promouvoir une approche plus cohérente sur le plan de la médiation internationale. Néanmoins, nous ne devons pas supposer que M. Lamamra, malgré son incroyable expérience au sein du gouvernement algérien et de l’Union africaine, puisse accomplir tout le travail seul. Le Canada peut jouer un rôle au sein des Nations unies, et tirer parti des partenariats étroits qu’il a noués avec plusieurs partenaires dans la région, notamment l’Autorité intergouvernementale pour le développement, l’Égypte, le Tchad, et les pays ayant manifesté clairement leur volonté de mettre fin à ce conflit.

La sénatrice R. Patterson : Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Merci à nos deux témoins d’aujourd’hui.

Ma première question s’adresse à vous, monsieur Ibrahim. Vous avez parlé des intérêts étrangers s’étant manifestés par rapport au conflit soudanais. Vous avez mentionné l’Égypte, et je crois qu’il a également été question de la Russie et des Émirats arabes unis. Votre statut vous permet une plus grande liberté d’expression que celle dont jouissent les témoins de notre groupe précédent. Pourriez-vous aller un peu plus loin dans vos réflexions, vos préoccupations, et vos solutions potentielles?

M. Ibrahim : D’accord. Je dois toutefois faire attention à ce que je dis. À mes yeux, la présence de l’Égypte et de la Russie dans ce conflit est très claire. Lorsque la guerre a éclaté le 15 avril, le fait qu’une armée égyptienne était présente à l’intérieur des frontières du Soudan parle de lui-même.

C’est avec les autres acteurs présents dans la région, et notamment les Émirats arabes unis, que les choses se compliquent. Je n’ai toujours pas compris quel était l’intérêt pour ce pays de soutenir les Forces de soutien rapide, ou FSR. Quand je parle de soutien, ce n’est pas au sens symbolique et conventionnel du terme. En effet, nous savons pertinemment que les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont été les principaux bailleurs de fonds des FSR au cours de la guerre au Yémen. Faut-il s’en étonner et se demander de manière légitime s’ils ont mis fin à leur soutien financier? Je n’ai aucune preuve que tel est le cas, et je pense qu’à l’heure actuelle, personne ne possède une preuve irréfutable. Toutefois, grâce à un raisonnement déductif, comme dirait Socrate, nous pouvons supposer que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes continuent de financer les FSR. Je vais m’arrêter ici pour l’instant.

La sénatrice Coyle : Vous avez dit que le Canada doit se doter d’une vision claire, assumer un rôle de premier plan, et soutenir le travail des civils au Soudan. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là? De quelle manière le Canada pourrait-il assumer un rôle de premier plan?

M. Ibrahim : Pourquoi le Canada n’est-il pas représenté à Djedda? Voilà une question que j’espérais vous voir poser aux représentants du ministère des Affaires mondiales. Pourquoi ne sommes-nous pas présents là où se tiennent les sommets diplomatiques? Le Canada a toujours été un pays pacifiste, et je ne dis pas cela dans le sens cliché du terme. Nous chérissons la paix, et nous avons toujours œuvré à son maintien. Le simple fait que nous nous sommes réunis ici aujourd’hui pour parler de paix en témoigne. Il me paraît évident que les Canadiens éprouvent un désir réel de continuer à promouvoir la paix sur la scène internationale. Malheureusement, en ce qui concerne le conflit au Soudan, le Canada n’est pas fidèle à sa réputation historique de pays pacifiste, et n’utilise pas les ressources et les leviers considérables dont il dispose pour jouer un rôle de premier plan dans les négociations en cours.

La question est de savoir pourquoi le Canada ne mise pas sur l’incroyable apport potentiel des citoyens canadiens d’origine soudanaise. Cette population représente une mine d’or à mes yeux. Voilà pourquoi j’aimerais qu’une fois le conflit au Soudan derrière nous, le gouvernement fédéral réfléchisse à la création d’une entité spéciale au sein du ministère des Affaires mondiales. Cette entité, que ce soit un comité ou un groupe de réflexion, aurait pour objectif de soutenir les Canadiens d’origine soudanaise et de les amener à participer au processus de consolidation nationale du Soudan. Cette entité devra se doter d’un mandat clair, d’un programme concret, d’un budget adéquat, et d’un réseau de soutien auprès de différentes parties prenantes. À cet effet, je propose de nous inspirer du programme TOKTEN mise en place par l’ONU.

Le président : Pardonnez-moi de vous interrompre, mais nous n’avons plus de temps pour ce segment.

Le sénateur Ravalia : Ma question s’adresse à nos deux témoins, que je remercie d’ailleurs d’être ici.

Je suis conscient de la complexité de la situation actuelle au Soudan. Vous avez abordé les nombreuses dimensions de ce conflit : la réalité géographique, les ressources, ainsi que l’influence des Frères musulmans, du groupe État islamique et des autres acteurs régionaux. Selon vous, dans quelle mesure l’ethnicité est-elle un facteur dans les persécutions et des massacres dont nous sommes témoins aujourd’hui, notamment en ce qui concerne les personnes membres de l’ethnie masalit?

Mme Stigant : Merci, sénatrice.

Les rapports en provenance du Darfour parlent de personnes ayant été tuées en raison de leur appartenance à un groupe ethnique, et qu’il y a eu des déplacements forcés de populations, les Masalit en particulier. À bien des égards, je considère que le conflit au Soudan regroupe plusieurs guerres distinctes. Dans plusieurs cas, les tensions remontent à 20 ans, voire avant, et l’on constate que bien des revendications n’ont toujours pas été résolues. La plupart des belligérants tentent de s’emparer de Khartoum, la capitale et le siège du gouvernement, mais d’autres combats périphériques font également rage ailleurs au Soudan, sans que les motivations soient toujours évidentes.

Par ailleurs, nous n’avons toujours pas une idée précise des objectifs du général Burhan et du général Hemedti, deux protagonistes majeurs dans ce conflit. Certains experts pensent que le général Hemedti souhaite former un gouvernement au Darfour, et séparer cette région du reste du pays. Néanmoins, je note que ce n’est pas ce qui semble se produire actuellement sur le terrain. D’autres observateurs s’interrogent sur la capacité du général Hemedti à gouverner le pays dans son intégralité. Je pense que nous devons d’abord éclaircir les motivations des principaux belligérants, ce qui nous permettra de dégager des solutions et de réfléchir à de potentiels compromis.

M. Ibrahim : Merci pour cette question. J’ai l’impression que plusieurs d’entre vous seront surpris par ma réponse.

En réponse à votre question sur les enjeux ethniques, j’aimerais aborder la notion de « colorisme ». Permettez-moi de m’expliquer. Le Soudan est en proie à des tensions à la fois tribales et ethniques. Nous ne devons pas non plus négliger la question de la race, même si je sais que ce terme peut en faire sourciller plusieurs. En effet, le Soudan connaît une crise d’identité non résolue depuis l’arrivée des peuples arabes il y a environ deux siècles. Depuis ce temps, les Arabes et les peuples autochtones se disputent le territoire. Le colorisme est une forme de discrimination envers les personnes qui, comme moi, ont une teinte de peau foncée, mais qui ne sont pas noires. Il s’agit donc d’une sorte de de racisme envers les personnes métissées.

Cette notion de colorisme risque d’en surprendre plus d’un ici, mais c’est ainsi que se conçoit l’ethnicité au Soudan. Dans un article que j’ai écrit, je parle même d’une sorte de groupe ethnique créé de manière artificielle. Comme l’a très bien expliqué Mme Stigant, les combats pour la prise de Khartoum sont avant tout de nature politique. Pour simplifier les choses, c’est une question de pouvoir et de testostérone. Toutefois, la situation au Darfour est beaucoup plus complexe, car on y observe des tensions de nature purement ethnique, et différentes manifestations de racisme, dont le colorisme.

Le président : Je vous remercie. Vous avez dépassé votre temps de parole, mais je vous ai laissé continuer un peu, car nous conviendrons tous que cette discussion est passionnante.

Le sénateur Woo : J’aimerais laisser à M. Ibrahim l’occasion d’approfondir certaines de ses réflexions à propos des Canadiens d’origine soudanaise. À quel moment sont-ils arrivés au Canada? Où vivent-ils? De quels genres de milieux proviennent-ils en général? Que pensent-ils du conflit au Soudan?

M. Ibrahim : Je vous remercie de la question. J’ai écrit deux ouvrages sur le sujet, soit dit en passant.

Pour bien comprendre votre question, il est nécessaire que nous fassions la distinction entre les deux termes ou catégories. Il y a, d’une part, l’immigration et, d’autre part, ce que nous appelons les migrants ou les gens qui se rendent à l’extérieur du pays pour trouver du travail, surtout dans les pays du Golfe. Normalement, ils vont là pour travailler et ils savent qu’ils rentreront chez eux.

Vers 1990, le gouvernement des Frères musulmans est arrivé au pouvoir et, en l’espace d’un mois, il a licencié 300 000 fonctionnaires. Du jour au lendemain, la plupart d’entre nous — moi y compris, d’ailleurs; j’étais professeur adjoint à l’Université de Khartoum — ont perdu leur emploi, surtout ceux qui se trouvaient soit dans l’opposition, soit à gauche. Nous n’avions pas le choix, et moi non plus. Je suis arrivé au Canada à titre de réfugié. Soit on risque la mort ou quelque chose d’autre en restant là-bas, soit on doit fuir le pays, d’où l’exode massif. Pour la première fois, nous apprenions ce qu’était le sort des réfugiés et ce qu’était l’immigration à la suite d’un déracinement, sachant parfaitement que nous ne retournerions plus dans notre pays d’origine. Il faut alors chercher à obtenir un nouveau passeport et tout le reste. C’est un phénomène totalement différent pour nous, Soudanais. Le Canada en a accueilli un certain nombre depuis cette époque, surtout en 1990.

Aujourd’hui, nous voyons arriver un grand nombre de Soudanais. Malheureusement, nous ne disposons pas de statistiques précises à leur sujet, mais nous savons que leur nombre a considérablement augmenté — une hausse de plusieurs milliers — en très peu de temps. Ils vivent principalement dans les grandes villes. Ils sont très instruits. Comme beaucoup de gens qui viennent au Canada, ils découvrent l’expérience canadienne et se retrouvent tout d’un coup chauffeurs de taxi, alors qu’ils étaient médecins, ingénieurs, et cetera, et ils restent pris là-dedans. Heureusement, le Canada prend conscience de l’importance de ces gens et crée des occasions pour eux.

Le président : Je crois que nous devons nous arrêter là sur ce sujet très intéressant.

La sénatrice M. Deacon : Ces renseignements et ces récits sont intéressants et très importants. Je vous en remercie. J’essayais de faire le lien. J’ai lu Black Immigrants in North America. Je savais que vous aviez écrit beaucoup de livres et j’essayais de savoir duquel il s’agissait. Je vous remercie donc de ces informations détaillées.

Ma question porte sur la situation actuelle. Il est clair que le conflit est éclipsé par celui de Gaza. À Gaza, l’accent a été mis sur les risques d’une guerre régionale plus large. Je m’interroge sur ce conflit, compte tenu de la géographie du Soudan, un pays immense qui est situé dans une région que nous qualifierions d’instable et qui partage une frontière avec la Libye, laquelle est divisée entre deux gouvernements, ainsi qu’avec d’autres pays. Alors que le monde entier a les yeux fixés sur Gaza, cette autre crise dure maintenant depuis huit mois. Le conflit au Soudan pourrait-il, selon vous, déclencher un conflit régional plus vaste?

M. Ibrahim : La question s’adresse-t-elle à nous deux, à moi et à Mme Stigant?

La sénatrice M. Deacon : Oui.

M. Ibrahim : Tout à fait. Je vous remercie beaucoup de poser cette question.

J’aimerais, sénatrice, que vous preniez mes remarques avec le plus grand sérieux. J’espère ne pas être trop alarmiste en disant que si nous ne parvenons pas à la paix assez rapidement, nous risquons de nous réveiller un jour et d’assister à la création d’un nouvel Afghanistan. Je ne veux vraiment pas être alarmiste, comme l’a souligné Mme Stigant, ma collègue de Washington, D.C. Les deux généraux ne souhaitent pas la paix. Ils n’ont aucun intérêt à ce que règne la paix. Nous nous retrouvons devant une situation où ces deux hommes... c’est totalement illogique. Ce sont deux hommes qui n’ont qu’une soif de pouvoir. Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre.

Si cette situation perdure... Enfin, j’espère que ce ne sera pas le cas, surtout après l’accord signé récemment à Djouba entre les milices — appelons-les ainsi, mais je n’ai pas de terme technique pour les désigner. L’accord de paix de Djouba a réuni un certain nombre de gens qui combattaient le gouvernement, en particulier au Darfour. Je parle ici du Darfour. Il y a environ une semaine, ils ont décidé de se rallier à l’armée officielle. C’est un signal très dangereux. Cela signifie que le gouvernement fait désormais alliance avec les milices de certains groupes. Ces groupes s’opposent aux Forces de soutien rapide. Cela crée une situation dont nous ne connaissons pas vraiment l’issue, si ce n’est qu’elle sera sanglante et de longue durée. Je veux que nous ne perdions pas de vue cette éventualité, aussi grave soit-elle d’après ma description.

Ma collègue de Washington D.C. pourra peut-être en dire un peu plus.

Le président : Je n’en doute pas, mais ce ne sera pas possible dans ce segment. Le temps est écoulé, mais je suis sûr que nous y reviendrons.

[Français]

La sénatrice Gerba : Merci à nos deux témoins. Professeur Ibrahim, je commencerai par vous dire que nous sommes vraiment ravis d’avoir enfin un membre de la diaspora soudanaise ici. Vous êtes venu nous dresser un portrait de la situation, qui est très préoccupante; ce que vous dites résonne, d’autant plus que vous parlez de l’Afghanistan et que nous risquons de nous retrouver avec la même situation qu’en Afghanistan. Je dirais aussi que nous risquons de nous trouver devant la même situation qu’en Libye.

Vous dites que la communauté internationale ne fait pas grand-chose et que le Canada devrait en faire un peu plus. Mon collègue a parlé de la diaspora et des Soudanais qui sont au pays. Ma question a deux volets. Cette diaspora que vous représentez est-elle assez unie? Quel rôle pourrait-elle jouer dans le contexte actuel? Le Canada pourrait-il s’appuyer sur cette diaspora pour essayer de régler le problème?

M. Ibrahim : Ma réponse sera peut-être une grande surprise pour vous. Je dirais, grosso modo, que la majorité est contre la guerre. Étrangement, il y a quand même quelques membres qui appuient l’armée. Je trouve cette logique très bizarre, mais il arrive que ce soit le cas.

Pour vous répondre directement, je crois qu’on peut vraiment appuyer la communauté locale, la diaspora. Je dirais que la grande majorité est contre la guerre. Ils font tout pour la paix. Il vaudrait la peine, madame la sénatrice, de penser à tenir une réunion pour les entendre directement. Je sais que vous avez beaucoup de travail à faire, mais je me demande s’il vaudrait la peine de demander à quelques membres de la communauté de venir parler avec vous. Si on pense aux suites de la guerre, ce pourrait être une possibilité — même ici, et je l’espère fortement — qu’on en arrive à la paix. Si c’est le cas et que vous suivez ma suggestion de créer un programme pour que les gens d’ici, les membres de la diaspora, puissent se rendre au Soudan — même si c’est pour une courte période — pour aider le pays, pourquoi pas? À ce moment-là, je suggère de tenir une rencontre à ce sujet.

La sénatrice Gerba : Très bien.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Ma question s’adresse à Susan Stigant. J’aimerais que vous expliquiez un peu plus en détail, si vous le voulez bien, les voies de médiation possibles. Nous avons discuté quelque peu, dans ce groupe et dans le groupe précédent, des possibilités qui sont actuellement peut-être mal comprises. Pourriez-vous nous donner votre avis sur la voie la plus probable ou, disons, la plus possible? Pourriez-vous nous parler des acteurs, à la fois ceux qui sont nécessaires pour encourager la médiation et ceux qui ont le plus à perdre si la médiation réussit?

Mme Stigant : Je vous remercie, sénateur.

Dans le cas présent, comme il existe cinq ou six initiatives différentes, nous assistons à ce que nous appelons, dans le domaine du processus de paix, la recherche du forum le plus favorable. Beaucoup de gens critiquent l’existence d’un si grand nombre de forums différents, mais à mon avis, ce qui importe le plus, c’est qu’il y a beaucoup de pays dont les intérêts sont en jeu. Si les pays voisins se sont réunis, c’est parce qu’ils craignent pour leurs frontières. Ils s’inquiètent de l’avenir du Soudan. Si la communauté économique régionale, c’est-à-dire l’Autorité intergouvernementale pour le développement, s’est réunie, c’est parce qu’elle a également toute une série d’intérêts et de préoccupations. Si les États-Unis et l’Arabie saoudite se sont réunis, c’est aussi pour des raisons graves. À ce stade-ci, nous avons besoin d’une architecture qui relie ces intérêts et qui les met à profit.

Tout d’abord, il faut définir clairement le problème du Soudan. Chacun de ces forums pose actuellement un diagnostic différent, d’où la grande divergence entre la voie à suivre et ce qui serait un dénouement acceptable. Comme je l’ai dit, la nomination de l’ambassadeur Lamamra, ancien ministre des Affaires étrangères de l’Algérie, est l’occasion de mettre en place une sorte de groupe d’experts de haut niveau. C’est ce que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a également demandé. Voilà qui permettrait de jeter un pont entre les différents pays et entités qui se sont montrés clairement intéressés.

Il convient ensuite de délimiter les rôles et les responsabilités. Ainsi, l’un d’entre eux pourrait se concentrer sur le soutien diplomatique nécessaire pour garantir l’accès humanitaire, un deuxième sur l’arrêt des hostilités et probablement un troisième sur l’engagement civil et les autres efforts à plus long terme. Plus important encore, il doit y avoir des points de connexion, car pour faire taire les armes, il faudra conclure des ententes qui nécessiteront une planification à long terme.

Si je peux me permettre de faire un lien avec la question sur la région, je pense que le risque que le conflit au Soudan déborde ailleurs est sérieux, mais le risque d’instabilité et de turbulence est encore plus grand dans la Corne de l’Afrique et l’Afrique de l’Est de manière plus générale, ce qui pourrait s’étendre de l’autre côté de la mer Rouge et créer une situation très semblable à celle qui sévit à Gaza. L’Éthiopie est en proie à de profondes turbulences. Les choses s’enveniment entre l’Éthiopie et l’Érythrée. Le Soudan doit être considéré comme l’endroit où chacun de ces pays fait avancer ses intérêts, et cela se passe non seulement au Soudan, mais aussi dans la Corne de l’Afrique et jusqu’au Sahel.

Le sénateur Harder : Je vous remercie.

Le sénateur Richards : Je vous remercie d’être des nôtres.

Ma question s’adresse à la témoin qui se joint à nous depuis Washington. On y a déjà répondu quelque peu. J’allais poser une question sur la médiation. Il faut dire que les États-Unis ont toujours été appelés à intervenir d’une manière ou d’une autre dans ce genre d’affaires, soit militairement, soit diplomatiquement. Quelle est la position des États-Unis au sujet du Soudan? Nos voisins du Sud devront sans doute, à certains égards, jouer un rôle de premier plan, n’est-ce pas, pour qu’il y ait la paix?

Mme Stigant : Je vous remercie, sénateur.

Je ne parle en aucun cas au nom du gouvernement des États‑Unis, mais je pense que les États-Unis prennent au sérieux l’influence qu’ils exercent sur les parties. Les États-Unis savent que les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide souhaitent entretenir des relations avec eux. Ils savent également que certains de leurs alliés et partenaires les plus proches en Afrique du Nord et dans le Golfe ont un rôle crucial à jouer dans cette guerre. La question — et l’enjeu difficile auquel nous sommes tous confrontés —, c’est de savoir quelle influence les États-Unis sont prêts à exercer sur ces partenaires à un moment où de très grandes questions géopolitiques sont en jeu.

Je pense qu’à l’heure actuelle, cette question est abordée par les responsables politiques africains, mais pas nécessairement par la Maison Blanche. Nombreux sont ceux qui ont plaidé en faveur de la nomination d’un envoyé spécial qui rendrait compte directement au président des États-Unis afin de susciter l’attention voulue et d’exercer les pressions nécessaires pour réaliser des progrès en vue de mettre un terme à la violence et de s’engager sur la voie de la paix.

Le président : J’ai moi aussi une question pour Mme Stigant. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné les salles d’intervention d’urgence, et j’ai trouvé cette notion très intéressante, car il s’agit d’interventions locales pour assurer l’acheminement de l’aide au développement international.

Dans une vie antérieure, avant de siéger ici, je m’occupais de questions de développement international et, plus particulièrement, de l’élaboration de la Politique d’aide internationale féministe, que le Canada suit toujours. Il me semble que la mise en œuvre d’une politique d’aide internationale féministe à l’échelle locale devrait aller de soi, mais elle est très difficile à réaliser parce que l’on s’adresse généralement à des partenaires traditionnels et qu’il existe des méthodes établies pour faire les choses. La distribution des fonds devient très difficile au niveau local, à tel point qu’au bout du compte, lorsqu’on n’arrive pas à les distribuer, on se contente de les verser aux organisations multilatérales — non pas qu’elles fassent du mauvais travail. Elles sont là pour cela. Toutefois, il devient beaucoup plus difficile de cibler l’aide. Avez-vous des observations à faire à ce sujet, compte tenu de vos recherches et de vos observations sur le terrain?

Mme Stigant : Je vous remercie, sénateur.

Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne les défis qui existent. Je peux peut-être vous dire que les gens ont poussé les États-Unis à activer leur politique et leur approche en matière d’intervention locale dans le cas du Soudan et ils ont encouragé le Congrès américain à signaler à l’Agence américaine pour le développement international qu’il y aurait une tolérance pour un certain risque quant à la façon dont les fonds seront dépensés si on décide de les transmettre à des organisations locales. Cela peut signifier que vous n’aurez pas de proposition complète, que vous n’obtiendrez pas de vérification ou que vous recevrez une note explicative sur WhatsApp. Cependant, comme nous pouvons le constater, cela n’empêche clairement pas l’efficacité des interventions humanitaires. Les grandes organisations multilatérales sont paralysées par les procédures administratives mises en place par le gouvernement. Elles n’ont tout simplement pas les mécanismes ou la mémoire musculaire nécessaires pour soutenir ces organisations locales.

Le président : Merci beaucoup. C’est exactement ce que je voulais entendre.

Il y a une seule intervenante pour le deuxième tour, et c’est vous, sénatrice Coyle. Je vais vous accorder trois minutes. Qu’en pensez-vous?

La sénatrice Coyle : Ce ne sera pas trop compliqué puisque vous venez de poser la question que j’avais en tête. Je vais tout de même prendre une minute.

Susan Stigant, je vous remercie d’être des nôtres. Vous avez parlé de l’importance de la présence des femmes aux tables de négociations. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Bien franchement, que faudra-t-il faire, selon vous, pour que les femmes puissent contribuer aux efforts de médiation concernant cette situation?

Mme Stigant : Je vous remercie, sénatrice.

Permettez-moi de parler brièvement de deux ou trois tables rondes. Les discussions à Djeddah ont été très limitées, très fermées et très exclusives. Les facilitateurs, soit les États-Unis et l’Arabie saoudite, ont déclaré qu’ils avaient un mandat très limité, à savoir l’accès humanitaire, et que les discussions devaient donc se tenir uniquement entre les parties. Je pense que les facilitateurs doivent être pris en compte dans cette évaluation. Nous savons que c’est sur le terrain qu’il faut traiter la question de l’accès humanitaire et que toute initiative diplomatique aux échelons supérieurs doit bénéficier de l’avis des personnes les plus touchées.

Je sais qu’il existe au moins un cas où des femmes soudanaises se sont organisées et ont communiqué avec les parties pour exprimer leurs priorités. Elles ont été bien accueillies. Les femmes ont parlé de certains de leurs besoins essentiels et de certaines des garanties qu’elles espéraient voir dans tout accord futur. Selon moi, cela indique qu’il pourrait y avoir une ouverture si quelqu’un en faisait une priorité.

Les facilitateurs sont tellement occupés à amener les gens à la table des négociations et à maintenir les pourparlers qu’ils peuvent, à mon avis, facilement perdre de vue le reste. On ne peut vraiment avoir qu’une ou deux priorités à la fois. Ainsi, si le Canada ou une autre entité, en collaboration avec le Canada, pouvait vraiment envisager de se faire le champion de cette cause, ce serait important.

Sur le plan civil, dans les réunions qui ont eu lieu à Addis et les autres qui sont prévues, on s’était engagé à avoir au moins 30 % de femmes. Les organisations de femmes ont déclaré que c’était insuffisant et qu’elles voulaient au moins 40 %. Il s’agit là d’une conversation utile, et je pense que les partenaires diplomatiques peuvent unir leurs efforts et défendre les messages que les femmes soudanaises véhiculent déjà.

Le président : Merci beaucoup. Au nom du comité, je tiens à remercier Awad Ibrahim et Susan Stigant de s’être joints à nous aujourd’hui. Vos observations et vos réponses à nos questions étaient excellentes. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion. Comme il s’agit d’une crise qui semble se prolonger, j’ai bien l’impression que nous aurons peut-être à réexaminer le sujet et à vous inviter de nouveau.

Chers collègues, avant de lever la séance, je tiens à vous informer qu’il n’y aura pas de réunion mercredi prochain. Notre rapport sur le service extérieur sera présenté mardi ou mercredi prochain. Nous arriverons peut-être même à discuter de ma motion au Sénat à un moment donné. Il nous faudra un peu de temps pour nous pencher là-dessus. Dès que le jour du dépôt sera fixé, nous en informerons les membres du comité et le personnel. Pour ce qui est de jeudi prochain, la greffière communiquera avec nous dès que la présence des témoins sera confirmée, mais j’espère que nous pourrons commencer notre étude sur l’engagement du Canada en Afrique jeudi prochain.

(La séance est levée.)

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