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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 7 décembre 2023

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 11 h 28 (HE) pour examiner, pour en faire rapport, les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique.

Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour, je m’appelle Peter Boehm, je suis un sénateur de l’Ontario, et je suis président du comité des Affaires étrangères et du commerce international.

Avant de commencer, j’inviterais les membres du comité présents aujourd’hui à se présenter, en commençant par ma gauche.

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ravalia : Bonjour et bienvenue. Je suis Mohamed-Iqbal Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice M. Deacon : Bonjour. Je suis Marty Deacon, de l’Ontario.

La sénatrice Coyle : Je suis Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.

Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite à tous la bienvenue, ainsi qu’à tous les auditeurs dans l’ensemble du pays qui nous regardent peut-être en ce moment.

Chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui pour entreprendre une étude spéciale sur les intérêts et les engagements du Canada en Afrique. Comme vous le savez, le Sénat nous a confié ce mandat le 26 octobre 2023.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à mentionner qu’hier, comme vous l’avez noté, nous avons publié un travail de longue haleine qui nous tenait à cœur : le rapport sur le service extérieur du Canada et Affaires mondiales Canada.

Je vous remercie de votre participation à cette étude et je suggère, si vous le jugez opportun, que vous parliez du rapport lorsqu’il sera inscrit à l’ordre du jour au Sénat. Personnellement, je le ferai certainement. Je vous invite à en faire autant, si cela vous convient.

Pour en revenir à l’étude sur l’Afrique, que nous amorçons, nous avons le plaisir d’accueillir d’Affaires mondiales Canada — des personnes qui ne sont pas des étrangères pour nous puisqu’elles ont témoigné lors de la dernière séance ou que certains de leurs collègues l’ont fait. Je souhaite la bienvenue à Mme Cheryl Urban, sous-ministre adjointe, Secteur de l’Afrique subsaharienne; Susan Steffen, directrice générale, Direction générale panafricaine; Caroline Delany, directrice générale, Bureau de l’Afrique Australe et de l’Est; et Pasquale Salvaggio, directeur général par intérim, Afrique de l’Ouest et du Centre.

Soyez tous les bienvenus. Je vous remercie d’être de nouveau parmi nous. Commençons. Lors de la dernière séance, nous nous sommes beaucoup concentrés sur le Soudan. Aujourd’hui, nous envisageons la question d’un point de vue plus vaste.

Madame la sous-ministre adjointe, vous avez la parole.

Cheryl Urban, sous-ministre adjointe, Secteur de l’Afrique subsaharienne, Affaires mondiales Canada : Je vous remercie de m’avoir invitée à m’adresser à vous aujourd’hui.

L’étude du comité arrive à un moment opportun, alors que le ministère réfléchit de manière stratégique à la façon de promouvoir les intérêts du Canada dans le cadre de son engagement avec l’Afrique.

Je vous remercie du rapport que vous avez présenté hier.

[Français]

Nos intérêts en Afrique évoluent pour refléter le rôle de plus en plus stratégique du continent dans notre monde en mutation. La compétition mondiale pour les ressources et l’influence se joue en Afrique et a des répercussions mondiales.

[Traduction]

Au cours des trois prochaines décennies, une personne sur quatre vivra en Afrique. Ce continent connaîtra l’augmentation la plus rapide au monde de la population en âge de travailler, avec une augmentation nette prévue de 740 millions de personnes.

L’abondance des ressources africaines est essentielle à la transition vers une économie verte et à la santé de la planète. Le continent africain possède 30 % des minéraux essentiels, 60 % du potentiel d’énergie solaire, 25 % de la biodiversité mondiale et un potentiel de capture du carbone plus important que celui de l’Amazonie.

Or, ce potentiel est souvent entravé par des défis complexes et constants, notamment la détérioration de la démocratie et de nouveaux conflits, ainsi que les conflits qui perdurent.

Les menaces à la paix et la sécurité compromettent les possibilités offertes aux populations africaines de parvenir à un développement durable, menaçant ainsi l’avenir économique des jeunes.

La communauté mondiale étant de plus en plus polarisée, l’érosion de la coopération multilatérale et l’affaiblissement de la gouvernance mondiale constituent des préoccupations bien réelles. Les partenaires africains et les solutions africaines sont essentiels à la promotion de la démocratie et des droits de l’homme, à la création d’opportunités de croissance économique inclusive et à la lutte contre le surendettement, ainsi qu’à la lutte contre le changement climatique sur le continent.

[Français]

Nous restons avant tout des partenaires du développement durable en Afrique, mais aussi dans le monde entier, en nous appuyant sur une fière histoire d’assistance internationale et de liens étroits entre nos peuples.

Parallèlement, nous reconnaissons l’énorme potentiel de croissance du continent et nous nous engageons à élargir et à approfondir notre engagement économique, notamment en développant nos relations en matière de commerce et d’investissement.

[Traduction]

Tout comme nos alliés et partenaires les plus proches, nous avons intérêt à ce que l’Afrique soit stable, sécuritaire et prospère.

Au niveau mondial, nous partageons avec nos partenaires africains l’intérêt de mettre en place des institutions internationales fortes pour aider à résoudre des problèmes de fond, tels que l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci, ainsi que la lutte contre les insurrections violentes. La promotion des intérêts canadiens en Afrique comporte à la fois des opportunités et des défis.

Fondé sur plus de 60 ans de relations diplomatiques, économiques et de développement, l’engagement du Canada en Afrique s’appuie sur de solides liens entre les peuples, notamment sur la contribution de 1,3 million de Canadiens d’origine africaine.

Notre représentation diplomatique sur le continent consiste en 27 missions et 5 bureaux diplomatiques et commerciaux dans 27 pays, y compris une nouvelle mission spéciale et un observateur permanent auprès de l’Union africaine.

Le Canada fait figure de chef de file parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, en matière de changement pour l’égalité entre les sexes, grâce à sa politique d’aide internationale féministe, qui consacre à l’Afrique subsaharienne 50 % de l’aide bilatérale au développement international du Canada.

[Français]

L’Afrique a le potentiel de faire progresser le multilatéralisme pour le bien commun mondial et elle offre de nouvelles possibilités diplomatiques et commerciales dont le Canada peut tirer parti.

[Traduction]

Le Canada participe à divers groupes multilatéraux avec ses partenaires africains, notamment le G7, le G20, la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et d’autres forums des Nations unies.

Le Canada continue de resserrer ses liens avec l’Union africaine, notamment en respectant les engagements pris à l’issue du premier Dialogue de haut niveau entre le Canada et la Commission de l’Union africaine, qui s’est tenu en octobre 2022.

Ce dialogue de haut niveau a été suivi d’un dialogue sur la politique commerciale en mai 2023. L’engagement a été pris d’organiser un dialogue sur la politique de développement dans un avenir proche.

[Français]

La Francophonie et le Commonwealth sont également des espaces importants où le Canada peut démontrer son soutien aux priorités de l’Afrique. Le Canada continuera à appuyer le renforcement de la voix de l’Afrique dans les forums multilatéraux, comme lorsqu’il a appuyé la récente adhésion de l’Union africaine au G20 et qu’il continue de soutenir sa demande de statut d’observateur auprès de l’Organisation mondiale du commerce.

[Traduction]

Dans cette optique, et compte tenu de ce que nous disent nos interlocuteurs canadiens et africains, le Canada doit élargir et renforcer son engagement sur le continent.

Le premier ministre a chargé la ministre Ng d’élaborer une stratégie de coopération économique entre le Canada et l’Afrique. L’objectif consiste à rééquilibrer l’engagement du Canada vis-à-vis de l’Afrique afin de mieux intégrer les possibilités de commerce et d’investissement dans les deux sens, et de s’engager dans une diplomatie économique plus vigoureuse.

Lors des consultations publiques, nous avons entendu que le Canada est trop frileux dans son engagement économique envers l’Afrique et que nous devrions prendre des mesures audacieuses pour favoriser davantage une croissance économique inclusive et pour exploiter l’immense potentiel du continent.

[Français]

La ministre des Affaires étrangères a chargé le secrétaire parlementaire aux Affaires étrangères d’approfondir et de renforcer l’engagement du Canada auprès des partenaires africains, de consolider nos partenariats stratégiques et de répondre à l’évolution des dynamiques géopolitiques.

[Traduction]

Le processus de transformation du ministère alimente également les efforts visant à garantir que notre engagement en Afrique est adapté à son objectif; la sûreté et la sécurité de notre personnel demeurant notre priorité absolue. Nous nous réjouissons à la perspective de travailler avec vous à la promotion des intérêts du Canada en Afrique au moyen d’un engagement collectif amélioré.

Merci.

Le président : Merci, Mme Urban, de vos remarques préliminaires.

Chers collègues, je rappelle aux membres et aux témoins présents dans la salle de s’abstenir de se pencher trop près de leur microphone ou de retirer leur oreillette lorsqu’ils le font. Cela permettra d’éviter tout retour sonore qui pourrait avoir un impact négatif sur le personnel du comité et les interprètes qui sont dans la salle et qui portent une oreillette.

Chers collègues, comme d’habitude, nous commencerons par des rondes de quatre minutes chacune, incluant les questions et les réponses. En outre, comme d’habitude, vous m’entendrez vous demander d’être concis dans votre préambule et dans vos questions, afin que nous puissions entendre le maximum de témoins pendant la réunion.

[Français]

La sénatrice Gerba : Bienvenue à nos témoins aujourd’hui. Je suis ravie de vous retrouver, madame Urban, ainsi que toute l’équipe.

Madame Urban, vous avez mentionné que depuis deux ans, les consultations sont menées par le secrétaire parlementaire Robert Oliphant afin de mettre sur pied un cadre sur les relations du Canada avec l’Afrique. Également, de son côté, la ministre du Commerce international a elle aussi, depuis quelques mois, commencé à se pencher sur une stratégie économique pour l’Afrique. Enfin, le ministre Ahmed Hussen ne ménage pas ses efforts pour déployer l’aide canadienne au développement sur le continent. Ces nombreuses initiatives sont très appréciées.

De quelle manière les différentes consultations sont-elles coordonnées? Avez-vous déjà quelques hypothèses d’ensemble sur un éventuel cadre ou une éventuelle stratégie en matière de politique étrangère du Canada en Afrique, à l’issue de ces consultations?

Mme Urban : Merci pour votre question.

[Traduction]

Oui, j’en ai. Dans la lettre de mandat de la ministre Ng, il était demandé au gouvernement d’élaborer une stratégie de coopération économique entre le Canada et l’Afrique, et des consultations ont été menées pour donner suite à cette demande. En outre, le secrétaire parlementaire M. Oliphant a demandé aux parties prenantes de lui faire part de leur point de vue sur l’engagement avec les pays africains. Nous avons recueilli des informations à partir de toutes les consultations menées par les différentes parties, et nous sommes en train de les rassembler, de les intégrer et d’élaborer des stratégies et des approches sur la base de ce que nous avons entendu.

Un plan global et pratique en matière de commerce et d’investissement, de coopération économique, d’aide internationale et de politique étrangère soutiendra nos efforts en Afrique et renforcera notre capacité à consolider nos partenariats, à partager notre expertise et à promouvoir l’engagement du secteur privé afin que nous puissions en partager les bénéfices.

L’étude du comité sera utile au ministère pour approfondir sa réflexion sur l’engagement en Afrique dans les années à venir. Entretemps, nous ne retarderons pas le déploiement des stratégies et des approches — à court terme — que nous pouvons élaborer à la lumière des consultations que nous avons menées à ce jour.

[Français]

La sénatrice Gerba : Effectivement, le continent est digne d’intérêt pour le Canada et je vois qu’Affaires mondiales Canada s’active sur ce point. Comment évaluez-vous la position du Canada, aujourd’hui, en Afrique?

[Traduction]

Mme Urban : Je dirais que le Canada a pris un certain nombre d’engagements dont nous pouvons être fiers. Nous avons un certain nombre de réalisations à notre actif, et nous avons participé à des activités en Afrique au cours des dernières années.

Voici quelques exemples : en février 2022, la ministre Ng a participé à une mission commerciale virtuelle en Afrique pour les entreprises féminines. Le ministre Hussen était récemment en Éthiopie pour le Sommet africain sur le climat. La secrétaire parlementaire Mme Vandenbeld a participé au deuxième sommet de Dakar sur la sécurité alimentaire. Je dirais que le Canada est très actif et très présent.

Comme je l’ai mentionné, le Canada compte 17 ambassades et 5 bureaux en Afrique. En outre, nous travaillons de manière multilatérale au sein des Nations unies. Maintenant que nous avons un observateur permanent auprès de l’Union africaine, nous travaillons de plus en plus avec cette organisation sur les questions africaines — et avec la Banque africaine de développement, et une partie de l’Organisation internationale de la Francophonie et du Commonwealth — afin de nous engager.

Je dirais qu’à ce jour, notre présence s’est accrue, mais nous reconnaissons — et c’est ce que nous avons entendu lors de nos consultations — qu’il y a des domaines où nous souhaitons l’accroître. Il s’agit notamment de la coopération économique et de la diplomatie économique. Une partie de notre réflexion — qui est en cours — porte sur la manière dont nous pouvons accroître notre présence dans ces secteurs afin de renforcer notre participation, en tenant compte de notre position actuelle sur la scène internationale.

Le président : Merci beaucoup. Je signale que le sénateur Cardozo et la sénatrice Boniface de l’Ontario viennent de se joindre à la réunion.

La sénatrice Boniface : Je vous remercie de votre présence et de vos remarques liminaires. Notre mandat consiste à examiner les intérêts et les engagements du Canada en Afrique. Je voudrais aborder la question sous deux angles. Tout d’abord, d’un point de vue économique. Dans quelles régions ou domaines le Canada a-t-il le plus d’intérêt en termes de travail à réaliser là-bas dans le secteur privé et le secteur public? Je poserai d’abord cette question. Ensuite, j’en aurai une deuxième, cette fois, sur la sécurité.

Mme Urban : Je vais commencer et je passerai ensuite la parole à ma collègue. L’augmentation des échanges économiques avec les pays africains contribuera à la prospérité du Canada de plusieurs façons. Selon une statistique que j’ai lue récemment, 60 % du PIB du Canada est lié au commerce. Il y a certainement des avantages.

Nous savons que l’Afrique recèle 30 % des minéraux critiques du monde et que les minéraux critiques seront importants pour le Canada et pour les chaînes d’approvisionnement. C’est une question à laquelle nous devons réfléchir.

L’économie africaine connaît la croissance la plus rapide au monde, avec une croissance économique de 4,2 %.

Elle est également très prometteuse, car elle compte désormais la Zone de libre-échange continental africaine, qui offre de nombreuses possibilités. Bien que je reconnaisse qu’il existe certaines préoccupations — vous en avez soulevé concernant la sécurité, la démocratie et les droits de la personne —, il existe également des possibilités économiques et commerciales. Je passe maintenant la parole à ma collègue.

Susan Steffen, directrice générale, Direction générale panafricaine, Affaires mondiales Canada : Je vous remercie de la question. Lorsque nous réfléchissons à l’engagement économique en Afrique, nous devons nous rappeler que nous parlons de 54 pays. Votre question portait en partie sur les pays qui nous intéressent le plus.

Tout dépend de ce que vous voulez faire sur le plan économique sur le continent. Si vous vous intéressez à l’exploitation minière, vous aurez une présence dans une série de pays. Si vous vous intéressez au commerce automobile, qui connaît actuellement une forte croissance, vous aurez une présence ailleurs. J’aimerais pouvoir vous donner une réponse précise, mais je ne pense pas que ce soit possible, car la réponse dépend du type d’industrie qui vous intéresse.

Nous pouvons toutefois dire que, dans l’ensemble, non seulement l’économie de tout le continent connaît une croissance de 4,2 % cette année, mais cette croissance devrait aussi dépasser toutes les autres, sauf celle de l’Asie, au cours des trois prochaines années. Les possibilités sont nombreuses, mais il ne manque pas d’obstacles.

La sénatrice Boniface : Il ne manque également pas de concurrence.

Mme Steffen : Il ne manque également pas de concurrence.

La sénatrice Boniface : La deuxième question porte sur la sécurité et, comme vous le savez, il s’agit d’un sujet important. En ce qui concerne les missions de maintien de la paix, le Canada n’a pas eu, à mon avis, une forte présence en Afrique depuis plusieurs années.

Lorsque vous examinez des choses comme l’Alliance des États du Sahel, quelle est votre opinion concernant la sécurité? Est-ce que cela constitue un avantage ou un obstacle pour l’avenir?

Mme Urban : Je vais commencer et je passerai ensuite la parole à mon collègue, M. Salvaggio afin qu’il m’aide. Il y a actuellement 35 conflits actifs en Afrique et le continent a été le théâtre d’une série de coups d’État militaires. Il existe bel et bien des problèmes de sécurité.

Cependant, le Canada est présent dans le domaine du maintien de la paix. Il y a 83 militaires et policiers canadiens qui participent à des opérations multinationales de maintien de la paix en Afrique, notamment au Mali, dans la péninsule du Sinaï, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud. Ces deux derniers jours, notre secrétaire parlementaire a assisté à la Conférence ministérielle des Nations unies sur le maintien de la paix qui se tenait à Accra. Nous avons un programme de paix et de sécurité assez solide que nous mettons en œuvre sur le continent. Pour poursuivre sur cette lancée et pour parler spécifiquement de l’Alliance des États du Sahel, je passe la parole à M. Salvaggio.

Le président : Je suis désolé de vous interrompre, mais le temps accordé pour ce segment est écoulé. Avec l’indulgence de nos collègues, nous reviendrons à M. Salvaggio plus tard pour en savoir plus à ce sujet.

Le sénateur Ravalia : Je vous remercie une fois de plus d’être ici. L’initiative La Ceinture et la Route de la Chine et les engagements politiques, économiques et sécuritaires de la Russie ont eu d’importantes répercussions sur le paysage politique et économique africain. Comment décririez-vous le rôle que ces deux pays jouent sur le continent, surtout en ce qui concerne les minéraux critiques et les ressources? Étant donné qu’ils sont très bien ancrés, avons-nous un train de retard, si je puis dire?

Mme Urban : Je vais commencer par la Russie et je passerai ensuite à la Chine. La Russie a effectivement augmenté sa présence en Afrique, en tout cas depuis 2014. Elle a plus ou moins fait une percée dans le continent en se présentant comme un spécialiste de la lutte contre le terrorisme et des services de sécurité pour les régimes, ainsi qu’en étant une fournisseuse d’armes. Nous avons vu que M. Lavrov a effectué trois visites. Le sommet Russie-Afrique a été organisé pour les dirigeants, puis il y a eu la mission de paix africaine en Ukraine et en Russie. Il existe certainement des liens entre les pays africains et la Russie.

Comme vous l’avez indiqué, il existe un lien avec les minéraux critiques — cela a également permis d’appuyer des organisations militaires privées qui s’intéressent également aux minéraux critiques.

La Chine a l’initiative La Ceinture et la Route, une initiative de 10 ans qui a grandement stimulé les investissements dans les infrastructures et le financement. Cela n’a pas été accompli sans causer quelques problèmes. L’initiative a entraîné un niveau élevé d’endettement. Il y a eu des problèmes avec les normes de cette infrastructure — et les types d’investissements ont inclus les télécommunications et les minéraux stratégiques. Ce sont tous des enjeux importants pour le Canada.

Au Canada, le gouvernement travaille sur la stratégie sur les minéraux critiques et ce travail se poursuivra. Le moment est venu. Nous y travaillons. Cela fait partie de nos réflexions sur les stratégies et les approches d’engagement à adopter avec les pays africains.

Le sénateur Ravalia : Merci. J’aimerais maintenant parler de la guerre en Ukraine et du fait qu’au fil du temps, nous avons constaté que les pays africains adoptent de plus en plus les valeurs russes et rejettent de plus en plus les valeurs occidentales. Cela a-t-il des conséquences sur notre rôle futur en Afrique?

Mme Urban : Nous constatons que la dynamique des puissances mondiales et le multilatéralisme donnent certainement lieu à beaucoup de dynamisme. Si l’on considère la situation dans son ensemble, notamment le développement des pays BRICS et l’inclusion de l’Union africaine dans le G20 comme membre à part entière, on remarque que les pays du Sud et les dirigeants africains font de plus en plus entendre leur voix.

En ce qui concerne la collaboration entre les pays africains et la Chine ou entre les pays africains et la Russie, nous avons vu que certains pays ne veulent pas prendre parti et veulent être des pays non alignés. Il y a parfois des politiques qui sont favorables aux États-Unis ou à la Chine et qui, au bout du compte, sont de nature pragmatique.

L’un de mes collègues souhaite-t-il ajouter quelque chose? Je vais en rester là.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie tous d’être ici aujourd’hui. Nous en sommes très heureux alors que nous amorçons la tentative d’améliorer et de cibler le travail; nous espérons voir une collaboration entre divers projets et sources, ce qui sera très important au début de notre examen.

J’aimerais juste revenir sur ce que le sénateur Ravalia a commencé à dire tout à l’heure. En juin dernier, le G7 a lancé le partenariat pour les infrastructures et les investissements mondiaux que beaucoup considèrent comme un rival de l’initiative La Ceinture et la Route de la Chine. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce partenariat, en particulier sur le rôle du Canada dans ce partenariat, et nous dire s’il est perçu comme une solution de rechange à l’initiative La Ceinture et la Route en Afrique?

Mme Urban : Je dirais qu’il s’agit d’une proposition de valeur. En effet, le Canada participe aux discussions du G7 sur le partenariat pour les infrastructures et les investissements mondiaux. Ces discussions sont axées sur les points que j’ai soulevés plus tôt à propos d’une infrastructure de qualité.

La proposition de valeur faite par les pays du G7 vise à assurer le développement durable en matière d’environnement, où les investissements dans les infrastructures des pays en développement peuvent être accompagnés de normes que nous jugeons acceptables et qui sont conformes à ce qui est bon pour la prospérité mondiale.

Par ailleurs, en ce qui concerne la contribution du Canada, on en trouve une grande partie dans son engagement en matière de financement de la lutte contre les changements climatiques, qui s’élève à 5,3 milliards de dollars. Une partie de ce financement de la lutte contre les changements climatiques est mise en œuvre en Afrique. Le Canada est de plus en plus actif dans le domaine des infrastructures et continuera à l’être dans le cadre du G7.

La sénatrice M. Deacon : Merci. Comme Mme Steffen l’a dit il y a quelques instants, l’un des domaines qui nous intéressent — nous avons examiné les pays et les priorités — est l’exploitation minière. Étant donné que nous commençons à envisager des synergies et un alignement, j’y pense. Le Canada, comme nous le savons, est une superpuissance dans le domaine de l’industrie minière. Par conséquent, un certain nombre de sociétés minières canadiennes sont très actives en Afrique; nous le savons très bien. Cependant, ces sociétés ne sont pas toujours les bienvenues dans les collectivités où elles mènent leurs activités et sont accusées de violations des droits de la personne, d’avoir recours au travail des enfants et parfois même d’homicide involontaire.

Le personnel d’Affaires mondiales Canada serait le premier point de contact pour toute personne souhaitant déposer une plainte ou intenter une action en justice contre l’industrie minière en Afrique. À quoi ressemblerait ce processus de votre point de vue?

Mme Urban : Oui, nous avons bel et bien 100 sociétés minières canadiennes en Afrique et nos actifs s’élèvent à 37,1 milliards de dollars. Il y a beaucoup d’activités qui ont lieu.

Le Canada dispose d’un certain nombre de moyens pour faire en sorte que les entreprises canadiennes se comportent de manière responsable lorsqu’elles mènent des activités à l’étranger. Nous avons l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, qui est l’ombudsman qui agit depuis le Canada, et il y a un processus en place pour déposer des plaintes. Le Canada est également membre d’un certain nombre de forums multipartites, qui nous permettent de collaborer avec d’autres pays, la société civile et des intervenants du secteur privé pour veiller à ce que les pratiques d’extraction de l’industrie soient responsables. Nous avons récemment publié un rapport, intitulé Conduite responsable des entreprises à l’étranger : Stratégie du Canada pour l’avenir.

Caroline Delany, directrice générale, Bureau de l’Afrique australe et de l’Est, Affaires mondiales Canada : Parmi les commentaires que nous entendons de la part des gouvernements de la région, nous recevons souvent une évaluation positive de la mesure dans laquelle les entreprises canadiennes souhaitent faire leur travail d’une manière qui soutient les collectivités et qui tente de réduire les impacts qu’elles ont. L’Association minière du Canada dispose d’un outil appelé Vers le développement minier durable. Il s’agit d’un dialogue qu’elle a entamé avec les associations minières du continent. Le Botswana est le premier signataire étranger de cet outil particulier et il offre aux entreprises canadiennes l’occasion de démontrer que le type d’approche qu’elles adoptent en matière d’exploitation minière sur le continent est une approche fondée sur la valeur ajoutée.

Le sénateur Woo : Je remercie les témoins. Cela fait au moins 50 ans que les pays africains ont été libérés du colonialisme, mais il semble que toutes les réflexions postcoloniales et le désir de redresser les torts coloniaux aient refait surface et prennent de l’ampleur. Je pense aux réparations pour l’esclavage, au retour des trésors culturels et à bien d’autres débats qui ont lieu aujourd’hui en Afrique et dans d’autres régimes postcoloniaux.

À quel point Affaires mondiales Canada prévoit-il tenir compte du facteur postcolonial dans son traitement de l’Afrique? Le Canada n’était pas une puissance coloniale, à l’exception de son propre colonialisme intérieur. Comment intériorisons-nous cette angoisse permanente et ce désir de voir les torts être redressés en Afrique? Comment cela s’inscrit-il dans nos réflexions sur l’Afrique?

Mme Urban : Je vais commencer, puis je céderai la parole à mes collègues.

En effet, une chose dont il faut tenir compte, c’est que, parfois, lorsqu’on évalue ce qui se passe, comme une série de coups d’État sur le continent africain, on adopte une façon simpliste de voir les choses, soit qu’il s’agit d’une réaction immédiate contre les puissances coloniales précédentes.

À mon avis, la question est très complexe. Quand nous tentons de la comprendre, nous tentons d’examiner les aspects complexes et tous les éléments de la situation.

En ce qui concerne le fait que le Canada n’a pas d’histoire coloniale en Afrique, cela peut également être considéré comme un avantage pour nous quand nous tissons des liens et cherchons des débouchés.

Enfin, nous sommes aussi très sensibles à la question de l’aide internationale et nous adoptons des stratégies, comme celle que l’on appelle la localisation, où nous dialoguons avec des citoyens ordinaires afin de ne pas adopter ce qui serait considéré comme une forme d’approche coloniale à l’égard de l’aide internationale.

Mme Steffen : Je vous remercie de votre question. C’est une question à laquelle nous sommes régulièrement confrontés, à savoir que nous devons, d’abord, ne pas faire de mal. C’est également un élément important de la question.

L’élément auquel nous pensons très sérieusement, c’est le mantra de l’Union africaine : « Des solutions africaines aux problèmes africains. » Nous cherchons des façons de soutenir ceux qui proposent des solutions que nous pouvons appuyer et de les aider à régler leurs problèmes parce que, ainsi, la prochaine fois qu’un problème surviendra, ils seront capables de le régler eux-mêmes plutôt qu’en ayant recours à une intervention externe.

Le sénateur Woo : Si nous adhérons au mantra « Des solutions africaines aux problèmes africains », et si nous acceptons le fait que de nombreux pays africains traitent de façon pragmatique avec des puissances avec lesquelles nous sommes moins à l’aise, sommes-nous également prêts à faire preuve de pragmatisme en collaborant avec des régimes comme la Chine et l’Inde et en acceptant leurs aspirations en Afrique au bénéfice des Africains? De plus, je crois comprendre que nous avons une politique étrangère pragmatique.

Mme Urban : Si vous examinez la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, je crois que vous constaterez qu’elle illustre la façon dont la politique étrangère du Canada peut vraiment tenir compte de la complexité des relations et avoir une approche pragmatique.

Je conclurai en disant que, dans le nouvel ordre mondial, alors que nous passons à un monde multipolaire, le Canada devra examiner ses alliances de façon multilatérale et déterminer les meilleures avec lesquelles collaborer. Comme je l’ai dit, si vous examinez le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud au sein du G20, ils représentent une part énorme de la population mondiale.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie sincèrement de participer au lancement de notre étude. Il s’agit de renseignements généraux utiles pour nous, soit de savoir quel est votre processus et où il s’inscrit dans nos travaux.

Plusieurs choses que vous avez mentionnées ont piqué ma curiosité. J’aime que nous adoptions une approche qui mise sur nos forces, tant les forces africaines que canadiennes. Vous avez notamment parlé de l’importance d’entretenir des liens interpersonnels forts et indiqué qu’il s’agit d’un élément essentiel dans tout ce que nous faisons. C’est l’un de nos véritables atouts.

Vous avez parlé de la diaspora africaine au Canada. Nous disposons aussi d’un réseau incroyable de diplômés des universités canadiennes. Nous avons de nombreux partenariats de longue date avec le Centre de recherches pour le développement international, ou CRDI, et les nombreux chefs de file incroyables qui sont issus de ces partenariats ou qui ont fait partie de ces derniers. Comment envisagez-vous de tirer concrètement parti de ces partenariats?

Mme Urban : Je vais commencer, puis je céderai la parole à ma collègue. J’ai indiqué que nous avions entrepris des consultations, et, l’une des choses que nous avons entendues, c’est que la diaspora peut jouer un rôle plus important en aidant le Canada à atteindre ses objectifs de politique étrangère, et elle le souhaite. Je pense que c’est une belle occasion pour nous.

La sénatrice Coyle : Au-delà de la diaspora au Canada, nous disposons également d’un réseau bien étoffé en Afrique.

Mme Steffen : Je veux parler de ce réseau en général, puis sous l’angle de l’expérience que j’ai vécue lors de ma dernière affectation en Tanzanie.

Vous avez parlé des diplômés universitaires, des programmes du CRDI et de notre programme de développement. Il existe un réseau extraordinaire d’Africains qui ont étudié au Canada ou qui ont un lien avec le Canada et ressentent une grande affinité avec nos valeurs; ce réseau s’étend jusqu’aux plus hautes sphères de nombreux gouvernements. La seule existence de ce réseau est extrêmement utile quand nous menons des activités de politique étrangère. Nous pouvons tisser plus facilement des liens avec ces gens que nous le pouvons avec des gens qui ne connaissent rien de nous.

De manière pragmatique, la plupart de nos missions disposent d’un réseau d’éducation. Nous tentons de trouver les diplômés et les anciens étudiants et élèves de diverses universités et écoles canadiennes. Nous les réunissons régulièrement afin de les rencontrer et de lancer des idées pour voir ce qu’ils pensent que nous devrions faire et pour découvrir la réalité de terrain sur la façon dont le Canada est perçu dans ces régions. Nous utilisons ce réseau très activement.

Mme Delany : Je vais donner quelques exemples qui concernent les universités en particulier, car il y a une forte mobilisation des universités sur le continent africain. Par exemple, du point de vue des systèmes internationaux, l’Université de la Saskatchewan donne de la formation en santé au Mozambique depuis un certain temps. L’Université de la Colombie-Britannique et d’autres établissements collaborent avec le Kenya pour soutenir des établissements kényans dans le but de renforcer leur capacité de prestation de services d’éducation postsecondaire dans ces contextes. C’est un bon exemple d’intérêt commun entre le Canada et le Kenya, qui demande ce genre d’investissements et de débouchés commerciaux au Canada afin de soutenir ses établissements.

Un autre très bon exemple est l’accord de coproduction audiovisuelle que nous avons conclu avec l’Afrique du Sud en 1997, qui, depuis lors, a donné lieu à 24 coproductions entre le Canada et l’Afrique du Sud. Il s’agit également d’une très belle occasion pour l’industrie du divertissement.

Le sénateur Cardozo : J’ai quelques questions à vous poser. Je tiens à m’assurer que vous êtes au courant d’un document que j’ai demandé à Sibongiseni Dlamini-Mntambo, ancienne haute-commissaire de l’Afrique du Sud au Canada, de rédiger plus tôt cette année. Si vous ne l’êtes pas, je serai heureux de vous le transmettre. Lorsqu’elle était ici, la haute-commissaire a certainement adopté une approche panafricaine et elle a appris à très bien connaître le Canada. Ses réflexions au sujet de ce que nous pouvons faire pour renforcer les relations entre l’Afrique et le Canada seront très bonnes, et je crois aussi qu’elle témoignera devant le comité.

J’ai deux questions : la directrice générale responsable de l’Afrique australe et de l’Est et le directeur général responsable de l’Afrique de l’Ouest et du Centre peuvent-ils nous en dire davantage au sujet des problèmes économiques avec lesquels ils doivent composer dans les pays de ces régions? L’autre question — que je vais vous poser maintenant au cas où je ne pourrais pas poser de question complémentaire — porte sur la diversité du personnel de l’unité d’Affaires mondiales Canada responsable de l’Afrique. Pour donner en quelque sorte suite aux questions précédentes, êtes-vous capables de recruter des gens d’origine africaine qui comprennent bien le continent?

Mme Delany : En Afrique australe et de l’Est, la situation est très variable. Il y a des occasions importantes dans plusieurs parties de la région, comme la Zambie et le Botswana. Nous avons beaucoup d’investissements miniers dans certains de ces pays. On y trouve aussi beaucoup de débouchés et un climat commercial de plus en plus stable, dans lequel les entreprises canadiennes peuvent mener leurs activités. Ensuite, il y a d’autres pays où le climat commercial est un peu plus difficile. Une discussion très importante à avoir avec les gouvernements et le secteur privé de ces pays porte sur la façon de soutenir un environnement propice pour permettre aux entreprises de mener leurs activités, y compris les entreprises canadiennes. Bien sûr, les enjeux qui touchent la paix et la sécurité dans la Corne de l’Afrique rendent la situation de plus en plus difficile pour la conjoncture économique.

Toute la région, voire tout le continent, croule sous un endettement important, ce qui constitue une question importante sur la scène multilatérale. Certains pays collaborent activement avec leurs créanciers pour trouver des solutions qui fonctionneront pour eux, surtout au moyen du cadre commun établi par le G20, que l’Éthiopie et la Zambie utilisent pour tenter de trouver une solution à leur endettement.

Il y a aussi beaucoup de débouchés dans les nouvelles technologies. Les technologies de l’information et des communications, ou TIC, est un secteur en pleine expansion. Les Zambiens s’intéressent aux approches entrepreneuriales liées aux TIC et à l’énergie propre. Le Malawi est un exemple d’investissement canadien dans l’énergie solaire sur le continent africain.

Pasquale Salvaggio, directeur général par intérim, Afrique de l’Ouest et du Centre, Affaires mondiales Canada : Je vous remercie de votre question. La région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre est très vaste et variée. D’un pays à l’autre, les problèmes sont différents. Le climat commercial est très complexe dans certains pays du Sahel où il y a eu un recul démocratique accompagné de coups d’État. De toute évidence, cela accroît la complexité de faire des affaires. Les entreprises canadiennes menant des activités au Sahel doivent composer avec une réglementation complexe et un contexte de sécurité qui complique la situation.

Ce n’est pas la même chose partout. Il y a des histoires de réussite dans certains pays. Par exemple, la situation est positive, et les choses vont bien en Côte d’Ivoire et au Bénin. Il y a des exemples de pays dynamiques où il est possible de mener des activités beaucoup plus facilement que dans d’autres pays du Sahel, comme je l’ai mentionné.

Les coups d’État sont un véritable problème dans ma région. Il y en a eu quelques-uns au cours des dernières années, ce qui a eu une incidence sur le climat commercial, compte tenu de l’incertitude que cela engendre pour les intérêts commerciaux.

Le président : Merci beaucoup. En ce qui concerne la dernière partie de votre question, monsieur le sénateur, je sais que vous n’êtes pas un membre régulier du comité, mais les statistiques sur la diversité figurent dans le rapport que nous avons publié hier. Je vous invite à le consulter.

Le sénateur Cardozo : Je tenais également à en savoir davantage au sujet de l’unité responsable de l’Afrique.

Le président : Nous pourrons bien sûr y revenir. Je tiens à donner à M. Salvaggio l’occasion de répondre à la deuxième question posée tout à l’heure par la sénatrice Boniface.

[Français]

M. Salvaggio : Effectivement, le Sahel est l’une des régions les plus pauvres, instables et conflictuelles d’Afrique. Il fait face à d’importants défis en matière de sécurité, de développement et d’aide humanitaire. La région a connu une instabilité politique croissante, marquée par une série de coups d’État et de transitions non démocratiques.

De plus, il y a des campagnes de désinformation qui contribuent à polariser la société civile et à accentuer les tensions entre les gouvernements et leurs citoyens. Les conflits, l’insécurité, le manque de moyens de subsistance ainsi que l’absence de l’État et la méfiance à l’égard de celui-ci favorisent les efforts de recrutement des groupes terroristes et entravent l’accès des populations aux services de base.

La menace terroriste qui vient du Sahel s’est aussi étendue vers les pays côtiers; on parle du Bénin, du Togo, du Ghana et de la Côte d’Ivoire, et cela met en péril la stabilité de ces pays. La crise au Sahel engendre des déplacements importants de populations dans les pays concernés, ainsi que dans les pays côtiers.

En août 2023, on comptabilisait au Mali, au Niger et au Burkina Faso près de 3 millions de personnes déplacées, dont plus que 320 000 réfugiés. Les pays côtiers ont aussi vu l’arrivée un nombre accru de réfugiés.

Lors de sa visite au Tchad en mai 2023, le ministre Sajjan a annoncé le financement d’un nouveau programme de développement régional au Canada pour le Sahel. Le programme vise à soutenir les populations du Sahel et de la région en mettant l’accent sur l’égalité des genres, la dignité humaine, la croissance économique, la paix et la sécurité, ainsi que la résilience, bien sûr, face aux changements climatiques.

Le Canada continue de travailler en collaboration avec des leaderships régionaux, par exemple l’Union africaine, ainsi qu’avec des partenaires tels que les pays aux vues similaires, des organisations multilatérales et des initiatives internationales. Sur le plan multilatéral, il y a bien sûr la Francophonie et le Commonwealth. En ce qui a trait aux initiatives, on parle de la Coalition pour le Sahel et bien sûr l’Alliance Sahel.

Le président : Merci, monsieur Salvaggio.

Avant d’entamer une deuxième ronde de questions, j’aimerais poser deux petites questions à Mme Urban.

[Traduction]

Traditionnellement, le Canada a joué un rôle très actif au sein du Commonwealth et de l’Organisation internationale de la Francophonie : nous sommes le deuxième plus important bailleur de fonds de ces organismes, après le Royaume-Uni et la France, respectivement. J’aimerais savoir si ces organismes sont en déclin en Afrique, étant donné qu’on semble favoriser l’Union africaine. C’est la première question.

Ensuite, nous savons que l’Afrique compte 54 pays. Nous savons que nous avons 17 missions et certains bureaux sur ce continent. Nous savons également que votre ministère fait l’objet de compressions budgétaires. Il y a très longtemps, quand je travaillais au sein de votre ministère, nous envisagions de partager des locaux avec des pays partenaires, habituellement des pays européens, dans certaines missions africaines. Ces pays envisageaient la même chose.

Je voudrais savoir si c’est encore d’actualité. Est-ce une idée que vous pourriez mettre en pratique?

Voilà mes deux questions. Ensuite, nous passerons à la deuxième série de questions.

Mme Urban : Je vous remercie de vos questions.

Nous demeurons membres du Commonwealth et de l’Organisation internationale de la Francophonie et nous sommes toujours déterminés à collaborer avec eux. Nous sommes le deuxième bailleur de fonds du Commonwealth et nous siégeons au Groupe d’action ministériel du Commonwealth, qui est composé de neuf ministres des Affaires étrangères, qui collaborent pour s’attaquer à diverses questions. Ils se sont réunis récemment et ils traitent de questions qui portent sur l’Afrique. Le groupe d’action vise à discuter de différentes valeurs et violations, et ce travail se poursuit.

Le Canada, en tant que membre du Commonwealth, discute actuellement avec d’autres membres en vue de réformer l’organisation.

Je pense que l’Organisation internationale de la Francophonie demeurera pertinente. Elle compte 88 États membres. C’est une très grande organisation, et elle est importante pour le Canada parce qu’elle nous permet de collaborer avec des partenaires aux vues similaires pour promouvoir des valeurs communes et réagir à tout type de violation. Elle est également importante pour la préservation de la langue française et de la culture francophone.

Le Canada demeurera un membre engagé de ces organisations.

Dans ces organisations, 59 % du soutien pour la Francophonie sont destinés à l’Afrique.

Notre empreinte, comme on l’appelle, soit nos missions et notre présence en Afrique, et la façon dont nous mettrons en œuvre notre programme de transformation feront partie de nos discussions découlant du document de travail « L’avenir de la diplomatie : Transformer Affaires mondiales Canada ». Un certain nombre d’options s’offrent à nous lorsque nous examinons notre présence mondiale.

Même dans un contexte de compressions budgétaires et de recentrage des dépenses publiques, nous devons nous poser la question suivante : existe-t-il des moyens d’utiliser intelligemment nos ressources et d’être efficaces et efficients?

Le président : Merci beaucoup. Nous allons passer à la deuxième série de questions. Nous devons agir intelligemment, ce qui signifie que chacun disposera de trois minutes.

[Français]

La sénatrice Gerba : Je vais revenir un peu à la stratégie, parce que j’aimerais savoir s’il y a des dates ou des échéances pour celle-ci.

Également, j’ai une question au sujet de l’écoute des Africains. Vous avez parlé des minéraux critiques, des secteurs où le Canada veut intervenir en Afrique, mais avez-vous écouté les Africains pour savoir ce qu’ils veulent aujourd’hui?

Comme vous le savez, l’Union africaine a sa vision sous le thème « l’Afrique que nous voulons » et la Banque africaine de développement a aussi son thème : « Les High 5 ». Avez-vous écouté, lors des consultations, ce que les Africains attendent du Canada? C’est ma deuxième question.

J’aimerais vous poser rapidement une troisième question. Les États-Unis, en 2022, ont organisé la deuxième édition du U.S.‑Africa Leaders Summit. C’est lors de ce genre de sommet, comme ceux que les grands pays du G7 organisent, qu’ils discutent avec les Africains des orientations possibles de leur coopération. Est-ce que le Canada envisage, dans le cadre de sa stratégie actuelle qui est en préparation, ce genre de sommet?

Merci.

[Traduction]

Le président : Madame Urban, vous n’avez qu’une minute et demie pour répondre à la série de questions très détaillées de la sénatrice Gerba. Pourriez-vous nous envoyer votre réponse par écrit? Veuillez l’envoyer à Chantal Cardinal, la greffière, qui est assise à ma gauche. Cela nous permettrait de maximiser notre temps.

[Français]

Êtes-vous d’accord, sénatrice Gerba?

La sénatrice Gerba : Oui.

Le président : D’accord, parfait.

[Traduction]

La sénatrice Boniface : Je vous remercie encore une fois. Je vais revenir sur les questions de sécurité, car je pense qu’elles sont essentielles pour pouvoir favoriser les éléments économiques.

Dans votre unité, comment harmonisez-vous les questions de sécurité et les questions de droits de la personne, alors que nous observons un recul important des droits de la personne, en particulier ceux de la communauté LGBTQ+, pour ensuite vous attaquer aux questions économiques? Quelles limites fixez-vous?

Mme Urban : Je commencerai par une déclaration générale, puis je céderai la parole à mes collègues pour qu’ils vous donnent des précisions.

Cette question est d’une importance capitale pour notre ministère. Nous continuons à nous efforcer, notamment par le biais de notre programme de transformation, d’en faire davantage dans ce qu’on appelle les « domaines interreliés », où il y a des besoins en matière de sécurité, d’aide humanitaire et de développement. Il s’agit également de savoir comment, en tant que ministère, nous pouvons améliorer notre travail dans toutes nos filières — la politique étrangère, le commerce international et le développement — et comment nous examinons aussi le lien entre le commerce international et le développement. C’est une priorité pour nous.

Mme Delany : Je vais parler de la communauté LGBTQ+ parce que, selon moi, c’est une question vraiment pertinente.

Vous nous avez demandé quelles limites nous avons fixées. Quand il est question de la communauté LGBTQ+, le point de départ est de « ne pas faire de mal » et de comprendre ce que cette dernière attend de la communauté internationale en matière d’intervention. Cela nécessite une variété d’approches en fonction du contexte du pays et des décisions qui peuvent être prises par les gouvernements à ce moment-là.

Nos missions développent vraiment de solides réseaux avec les communautés LGBTQ+ et elles trouvent des façons modestes — soit par le biais du Fonds canadien d’initiatives locales ou des fonds de développement — de fournir des fonds pour les soutenir dans les contextes les plus difficiles, comme des fonds de protection, des formations sur la promotion des intérêts et ce genre de choses. La décision de savoir dans quelle mesure nous sommes tournés vers l’avenir et transparents est motivée par le débat sur le principe de « ne pas faire de mal » et par ce que les communautés trouveraient le plus utile de la part du gouvernement du Canada.

La sénatrice M. Deacon : Je promets que je serai très rapide.

Dans le cadre d’une étude que nous menons avec 54 pays, et compte tenu de l’agitation, de la complexité et du caractère unique de la situation, et du fait que nous tentons d’apprendre et d’examiner beaucoup de choses, je cherche la meilleure façon de savoir ce que chaque ministère fait actuellement. Quand je me suis entretenue avec la ministre Ng mardi dernier, nous en avons parlé. Puis, 20 minutes plus tard, quand nous avons discuté avec le ministre Hussen, nous en avons également parlé. En tant que membre du comité, je cherche simplement à obtenir des informations de base sur les domaines dans lesquels le Canada est déjà présent et réalise des progrès. Il se peut que j’en aie besoin plus que d’autres. Je ne sais pas. Je travaille principalement avec les pays du Commonwealth. Je vous serais reconnaissante de toute l’aide que vous pouvez nous apporter à cet égard aujourd’hui.

Mme Urban : Comme je l’ai mentionné, je dirai d’abord que, alors que nous examinons les approches et les stratégies que nous pouvons mettre en œuvre à l’avenir, nous envisageons certainement de le faire de façon holistique dans la réalisation du mandat de nos ministres parce que nous reconnaissons l’importance d’agir ainsi.

En ce qui concerne les informations sur ce que nous faisons déjà, il existe un certain nombre de sources que vous pouvez consulter pour les obtenir, notamment le Rapport sur les résultats ministériels et d’autres rapports d’Affaires mondiales Canada. Si vous souhaitez que nous vous fournissions des informations par écrit, nous sommes en mesure de le faire.

Le président : Nous allons accepter votre offre de nous envoyer des documents par écrit. Notre étude sera longue, alors autant obtenir ces informations dès le début.

La sénatrice M. Deacon : Je ne m’attendais pas à obtenir une réponse aujourd’hui. J’ai simplement fait une observation comme cela.

Le président : Votre observation a été transformée en question, sénatrice, donc il y a une réponse.

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissante.

Le président : Je vais demander aux sénateurs Ravalia et Coyle de poser leurs questions dans l’ordre, puis nous tenterons de permettre au sénateur Cardozo de poser une brève question.

Le sénateur Ravalia : Ma question est également brève. Compte tenu des événements au Sahel et en Afrique de l’Ouest, et des migrations de masse que nous observons vers des pays comme la Libye, la Tunisie et le Maroc, dans quelle mesure surveillons-nous ces situations en vue d’intervenir un jour de façon plus importante dans cette région?

La sénatrice Coyle : Étant donné l’importance croissante de la société civile sur le continent africain, particulièrement en ce qui concerne la démocratie, la paix, la sécurité, l’autonomisation des femmes, les droits de la communauté LGBTQ+ et ainsi de suite, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure le rôle que jouera la société civile dans la nouvelle stratégie du Canada pour l’Afrique sera important ou différent?

Le sénateur Cardozo : Il n’est pas nécessaire de répondre à ma question aujourd’hui. Je suis intéressé par ces documents, et vous pourrez recommuniquer avec nous plus tard, au besoin. Je ne cherche pas de chiffres exacts, mais, compte tenu de la diaspora afro-canadienne de plus en plus nombreuse au Canada, soit les citoyens d’origine africaine, dans quelle mesure travaillent-ils pour Affaires mondiales Canada, en particulier en ce qui concerne le travail entourant la stratégie pour l’Afrique?

En outre, comment consultons-nous les entreprises ainsi que les organisations commerciales et communautaires afro-canadiennes? Tout à l’heure, nous avons indiqué qu’il fallait parler aux Canadiens qui sont allés et qui ont travaillé là-bas, mais je parle aussi des gens qui sont originaires du continent africain, qui sont maintenant ici et qui font partie du Canada.

Merci.

Mme Urban : Je commencerai par faire quelques brèves déclarations, puis je céderai la parole à mes collègues.

En ce qui concerne les migrations, pour sa présidence du G7, l’Italie fera de l’Afrique l’une de ses priorités, et les migrations seront au cœur de certaines des discussions entre les membres du G7 au cours de l’année à venir. C’est un sujet que nous suivons de près et dont nous discuterons avec des partenaires aux vues similaires dans le cadre de notre initiative sur le G7 et d’autres domaines.

En ce qui concerne la société civile, je vais céder la parole à ma collègue Mme Steffen. Toutefois, pour répondre au sénateur Cardozo, nous avons des employés d’origine africaine. Nous prenons la diversité et l’inclusion très au sérieux. Nous avons un plan d’action et un champion. C’est une grande priorité pour nous. En outre, nous avons des centaines d’employés africains recrutés sur place en Afrique qui nous donnent des conseils pour nous aider à façonner nos politiques et nos programmes.

Mme Steffen : En ce qui concerne la participation de la société civile et la façon dont elle s’inscrit dans une nouvelle approche, la nuance que nous devons comprendre s’ajoute au programme de localisation et à la capacité croissante des différents organismes sur le continent africain à occuper une place plus importante que par le passé.

Dans le cadre de deux phases du Programme Voix et leadership des femmes de notre ministère, nous avons aidé des centaines d’organismes locaux de défense des droits des femmes à renforcer leur capacité à mener les activités qui sont au cœur de ce qu’ils veulent faire. Ce programme a donné d’excellents résultats, sur lesquels nous pouvons nous appuyer.

M. Salvaggio : La migration humanitaire est bien entendu un sujet important. Nous y travaillons avec des collègues, en particulier des collègues européens aux vues similaires qui accordent une attention particulière à cette question, mais nous collaborons également avec des collègues en ce qui concerne l’intervention humanitaire. Il y a un certain nombre de pays dans la région qui subissent des répercussions humanitaires importantes, et notre ministère collabore avec des partenaires pour intervenir auprès des populations vulnérables. Il s’agit effectivement d’un sujet important.

Merci.

Le président : Merci beaucoup. Je pense que notre étude sur l’Afrique a très bien commencé. En tant que comité, nous sommes conscients de la complexité de la tâche, étant donné qu’il y a 35 conflits militaires actifs en Afrique. Il y a d’énormes problèmes humanitaires et un nombre sans précédent de personnes déplacées. Bien sûr, il y a aussi les préoccupations actuelles concernant les changements climatiques, les pandémies, la santé et ainsi de suite. Le rôle du Canada se situe quelque part là-dedans.

Je tiens à remercier Cheryl Urban, Susan Steffen, Caroline Delany et Pasquale Salvaggio de s’être joints à nous aujourd’hui. Je dois vous dire que ce ne sera pas la dernière fois. Nous poursuivrons notre étude et nous avons hâte de vous revoir.

(La séance est levée.)

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