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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 30 mai 2022

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui par vidéoconférence, à 14 heures [HE], afin d’étudier la teneur des éléments des sections 2 et 3 de la partie 5 du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures; et, à huis clos, pour l’étude d’une ébauche de rapport.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord reconnaître que le Sénat du Canada se situe sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishnabé. Cependant, étant donné que la réunion se tient de façon hybride, les sénateurs se mettent à la tâche depuis les territoires traditionnels de nombreuses nations.

Je suis le sénateur Brian Francis, d’Epekwitk, aussi connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et j’ai l’honneur de présider le Comité des peuples autochtones.

Avant que nous n’amorcions notre réunion, j’aimerais présenter les membres qui participent aujourd’hui, à commencer par notre vice-président, le sénateur Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse. Nous accueillons également aujourd’hui le sénateur Arnot, de la Saskatchewan; la sénatrice Audette, du Québec; la sénatrice Coyle, de la Nouvelle-Écosse, la sénatrice Hartling, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick; la sénatrice Kim Pate, de l’Ontario et le sénateur Moncion.

J’aimerais rappeler aux sénateurs et aux témoins qui se joignent à nous à distance de garder leur microphone en sourdine en tout temps, à moins que je leur donne la parole. Si vous éprouvez des difficultés techniques, veuillez nous le faire savoir. J’aimerais aussi rappeler à tout le monde que l’écran Zoom ne doit pas être copié, enregistré ou photographié; cependant, les délibérations officielles peuvent être diffusées sur le site Web ParlVu.

J’aimerais prendre un moment pour reconnaître que juin est le Mois national de l’histoire autochtone, qui est l’occasion de souligner le devoir, la diversité et les contributions des peuples autochtones de l’Île de la Tortue, ainsi que notre résistance et notre résilience au fil des générations. Le fait que nous soyons toujours là après des siècles de génocide et que nous continuions de réclamer et de reconstruire ce qui nous a été enlevé mérite d’être célébré.

Je tiens aussi à souligner que cela fait un an que les Tk’emlúps te Secwépemc ont annoncé avoir retrouvé 215 tombes d’enfants non marquées près d’un ancien pensionnat. À ce jour, on a fait plus de 2 000 découvertes, et d’autres recherches sont en cours ou le seront bientôt. Chaque enfant qui a perdu la vie dans un pensionnat mérite de rentrer chez lui et d’être enterré convenablement. Les familles méritent de savoir ce qui s’est passé. Veuillez vous joindre à moi pour observer une minute de silence afin de rendre hommage à tous les enfants innocents qui sont morts dans les pensionnats ainsi qu’à la force et au courage des survivants, de leur famille et de leur communauté.

(Les personnes présentes observent une minute de silence.)

Wela’lioq merci.

Le Sénat du Canada et, en particulier, le Comité des peuples autochtones peuvent jouer un rôle essentiel dans le processus de traitement des injustices historiques et actuelles, ainsi que dans la contestation des tentatives de nier ou de minimiser l’ampleur et la gravité des dommages causés par les pensionnats et d’autres actions de l’État. Puisse le Créateur nous guider tous dans le voyage vers la vérité, la justice, la guérison et la réconciliation. Poursuivons maintenant avec notre réunion.

Aujourd’hui, nous reprenons ici notre étude sur la teneur du projet de loi C-19, la loi d’exécution du budget. Plus précisément, nous examinons les sections 2 et 3 de la partie 5, dont l’une modifie la Loi sur l’Accord définitif nisga’a et l’autre abroge la Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations.

J’aimerais présenter notre premier témoin pour aujourd’hui. Nous accueillons Taralee Beardy, directrice générale, de la Nation crie de Tataskweyak. Veuillez noter que Mme Beardy présentera une déclaration liminaire d’une durée maximale de cinq minutes. Au besoin, je lui ferai savoir lorsqu’il lui restera une minute.

Afin de gagner du temps, je demande à chacun d’être aussi succinct que possible. Chaque sénateur disposera d’environ cinq minutes pour poser une question et obtenir une réponse. Lorsque le temps alloué sera écoulé, j’interviendrai et passerai à la prochaine série de questions et de réponses. Les sénateurs présents dans la salle qui ont une question doivent lever la main. Ceux qui sont sur Zoom doivent utiliser la fonction de main levée. Vous serez alors ajoutés à la liste.

Madame Beardy, si vous n’êtes pas en mesure de fournir une réponse complète ou si vous souhaitez fournir des renseignements supplémentaires après la réunion, je vous invite à soumettre une réponse écrite à la greffière avant vendredi de cette semaine. Madame Beardy, je vous invite maintenant à présenter votre déclaration liminaire.

Taralee Beardy, directrice générale, Tataskweyak Cree Nation : Bonjour à tous. Je m’appelle Taralee Beardy et je viens de la Nation crie de Tataskweyak à Split Lake, au Manitoba.

Ma collectivité se trouve dans le Nord du Manitoba. Nous sommes situés le long du fleuve Nelson, qui fait partie du bassin hydrographique de la baie d’Hudson, sur le chenal principal où se trouvent de nombreux barrages de Manitoba Hydro le long du fleuve Nelson. En amont, nous avons le barrage hydroélectrique de la centrale de Kelsey, dont la construction s’est terminée dans les années 1970. En aval, nous avons Long Spruce, Kettle et, depuis peu, le barrage de Keeyask qui est presque terminé.

Parce que nous nous trouvons sur le système de distribution d’eau principal, nos aînés, les pêcheurs de notre passé, ont remarqué des changements dans l’eau, nos réseaux d’aqueduc. Ils disent que cela remonte à aussi loin que les années 1950 et à Thompson, qui est situé le long de la rivière Burntwood. Ils ont commencé à remarquer les conséquences de l’extraction minière et de la construction d’une nouvelle ville à cet endroit. Il y a aussi les répercussions de la construction hydroélectrique, ainsi que la hausse des niveaux de l’eau qui ajoute des contaminants à l’eau, comme le mercure. En plus de cela, récemment... comme je l’ai dit, nous sommes situés dans un bassin hydrographique principal, et nous recevons toute la pollution des villes, des fermes, des mines et des différentes industries, qui se retrouve dans nos réseaux d’aqueduc en raison du ruissellement. Nous sommes en aval, juste avant la baie d’Hudson.

En 2017, notre chef et notre conseil ont décidé de décréter l’état d’urgence en raison de la présence de contaminants dans l’eau, parce que nos habitants tombaient malades. Beaucoup d’enfants avaient des problèmes de peau et d’estomac. Ils ont déclaré que nos enfants ne pouvaient plus se baigner dans nos eaux. Nous avons pris l’initiative d’embaucher nos propres chercheurs indépendants, qui ont prélevé des échantillons d’eau dans notre collectivité. Ils ont trouvé plus de toxines algales dans notre eau, non décelées auparavant par la province. C’est alors que notre chef et notre conseil ont intenté un recours collectif.

Notre eau n’est pas potable. Comment notre station de traitement d’eau peut-elle nettoyer l’eau avec autant de pollution? Nous sommes en train de chercher une autre source pour notre eau. Nous essayons de l’obtenir d’un autre lac, qui ne fait pas partie du drainage principal du fleuve Nelson. Nous essayons d’obtenir notre nouvelle source d’eau du lac Assean. Le drainage provient des lacs du Nord, et il ne devrait donc pas être aussi pollué que le canal principal du fleuve Nelson. Comme nous le savons, les villes déversent continuellement des eaux d’égout brutes dans les lacs et les rivières, donc nous savons que notre eau est polluée. Nous le savions depuis le début.

Nous devons trouver des fonds pour continuer de financer nos études. Nous devons penser à nos générations futures. Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour nos enfants et pour les générations futures. L’eau est la vie, et la vie est l’eau. Nous avons besoin d’eau pour survivre.

Je pense que c’est tout pour le moment. Je vous remercie d’avoir écouté.

Le président : Merci pour votre déclaration, madame Beardy. Nous allons commencer la séance de questions et de réponses. Je vais poser la première question avant de céder la parole à notre vice-président, le sénateur Christmas.

Madame Beardy, ma question est la suivante : pourquoi l’abrogation de la Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations faisait-elle partie de l’entente de règlement?

Mme Beardy : Puis-je vous revenir plus tard?

Le président : Oui, absolument. Vous pouvez fournir votre réponse par écrit, madame Beardy, avant vendredi, si vous le pouvez. Merci beaucoup.

Le sénateur Christmas : Merci beaucoup, madame Beardy, d’avoir comparu devant le comité. J’ai un certain nombre de questions.

Vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire que votre collectivité avait décidé d’embaucher ses propres chercheurs indépendants. Pouvez-vous nous dire comment vous avez trouvé les fonds nécessaires pour embaucher ces chercheurs? Quel travail les chercheurs ont-ils effectué qui était différent des études réalisées par la province?

Mme Beardy : Nous avons pris l’argent des profits de nos entreprises. Nous avons un poste d’essence et quelques commerces. Nous avons pu puiser dans une partie de ces profits pour embaucher un testeur indépendant. On m’a dit qu’ils ont fait une étude approfondie des différentes toxines dans l’eau et ont découvert plus de toxines algales non détectées auparavant. On m’a également dit qu’ils ont trouvé dans nos systèmes d’eau six toxines que l’on trouvait auparavant dans les pays sous-développés du tiers-monde, comme l’Afrique. Ils ont trouvé six toxines, comme les algues bleu-vert. Je ne suis pas au fait des termes, mais c’est comme cela que nous avons été en mesure de payer. Pour continuer les études, il nous faut plus de fonds. Nous avons vraiment besoin de ces fonds.

Beaucoup de nos gens ont la bactérie H. pylori. C’est l’appellation courte. Beaucoup de nos gens ne sont pas diagnostiqués non plus, parce que notre clinique ne prend pas les gens pour les tester. Il faut qu’ils soient vraiment malades pour qu’on les teste. Il y a des gens qui se plaignent constamment de problèmes d’estomac, et cela a été lié à H. pylori.

Est-ce que j’ai répondu à votre question?

Le sénateur Christmas : Oui, madame Beardy.

J’ai quelques questions complémentaires, si vous le permettez. Vous avez commencé à nous parler de la maladie et des symptômes dont souffre votre population. A-t-on remarqué ces symptômes depuis un certain temps? Au fil du temps, les symptômes se sont-ils aggravés ou améliorés?

Mme Beardy : Je pense que les symptômes se sont aggravés pour certaines personnes. En fait, nous perdons beaucoup de personnes à un jeune âge. L’espérance de vie est beaucoup plus faible. Beaucoup de gens ont le cancer et souffrent de diabète. Beaucoup de nos enfants ont des problèmes de peau, comme des éruptions et des plaies. Nous faisons de notre mieux. Nous prenons soin de nos enfants, mais il y a toujours des problèmes de peau, même chez les adultes, mais ils sont plus fréquents chez les jeunes enfants.

Le sénateur Christmas : Madame Beardy, vous avez aussi parlé des barrages hydroélectriques qui ont été construits en amont et en aval. Selon vous, quelle incidence ces barrages ont-ils eue sur la qualité de votre eau?

Mme Beardy : Il y a beaucoup de sédiments dans l’eau, et lorsque le niveau de l’eau est élevé, il y a beaucoup d’inondations sur les terres et d’érosion des sols. Beaucoup de contaminants, comme le mercure, pénètrent dans les réseaux hydrographiques.

Je me souviens quand j’étais une jeune enfant à l’école primaire. Des personnes venaient à notre école et nous coupaient un cheveu pour vérifier la quantité de mercure présente dans notre organisme. Cela ne s’est pas produit au cours des dernières années, mais on le faisait autrefois à cause des niveaux de mercure dans l’eau. Maintenant, nous ne pouvons pas manger le poisson du lac Split. Nous récoltons du poisson dans des lacs qui se trouvent plus au nord. Comme vous le savez, le poisson est une de nos principales sources de nourriture dans nos premières années.

Le sénateur Christmas : Merci, madame Beardy.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup, madame Beardy, d’être ici aujourd’hui.

Je voulais renchérir un peu sur ce que le sénateur Christmas disait. Lorsque beaucoup d’entre nous entendent parler des problèmes d’eau, nous nous disons : « Comment est-ce possible? » Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le stress, les défis et les craintes que vivent les gens? Vous avez commencé à parler de la santé et de l’alimentation, mais, sur le plan émotionnel et au quotidien, comment les gens font-ils face au fait de savoir que leur eau n’est pas propre et bonne?

Mme Beardy : Les gens savaient que l’eau n’était pas bonne. On pouvait sentir l’eau, aussi, quand on ouvrait les robinets. Parfois, ils mettent des quantités extrêmes de chlore pour essayer de la nettoyer, mais on peut toujours le sentir, et l’eau a mauvais goût. Les gens éprouvent des difficultés parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter de l’eau. Si vous achetez une caisse de 24 bouteilles d’eau au magasin du Nord, à une époque, ça coûtait 10 ou 20 $. Les gens d’ici ne peuvent pas se le permettre, parce que la plupart d’entre eux bénéficient de l’aide sociale. Quand le magasin du Nord n’a plus d’eau, nous devons nous rendre dans la ville voisine, c’est-à-dire Thompson. C’est aussi une dépense supplémentaire pour trouver une façon de se rendre à Thompson pour y acheter de l’eau. Mais beaucoup de gens l’ont fait.

Il est difficile de garder nos enfants hors de l’eau. Quand j’étais jeune, nous nagions dans l’eau. Mais à mesure que nous avons vieilli, les eaux sont devenues très troubles. Il y a beaucoup de sédiments dedans, alors cela ressemble à de l’eau boueuse. Mais cette eau boueuse est acheminée vers notre station de traitement d’eau. Dans quelle mesure notre station de traitement d’eau parvient-elle à filtrer l’eau et à éliminer tous ces contaminants? Il y a des médicaments et toutes sortes de produits chimiques dans l’eau. Comment la station de traitement d’eau peut-elle nettoyer toute cette eau?

Et c’est quelque chose qui stresse les gens. Nous devons mettre des panneaux dans toute la ville, sur toutes les plages, disant : « Ne vous baignez pas dans l’eau à cause de l’E. coli. » Notre eau fluctue à cause des barrages et des inondations en amont, mais l’eau finit par arriver ici. Une année, il a été confirmé qu’il y avait beaucoup d’E. coli dans l’eau. C’était dû aux inondations dans le Sud et à toutes les eaux usées. Nous avons donc mis des panneaux d’avertissement. Nous avons vraiment dû empêcher nos enfants de se baigner dans l’eau. Puis, nous avons dû trouver des fonds dans d’autres programmes, comme l’hydroélectricité, et transporter nos enfants en autobus jusqu’à un autre lac. C’est un trajet d’une heure en autobus, et les parents s’inquiètent de la sécurité de leurs enfants sur cette route.

Quant aux enfants qui vont se baigner, ils adorent nager. Ils adorent les activités aquatiques. Différents types de stress entrent en jeu, même lorsqu’on donne le bain aux enfants. Je vois des gens qui se plaignent de devoir donner un bain à leurs enfants, parce qu’ils ont encore des éruptions cutanées et des visages à vif, surtout les bébés. C’est très stressant.

Même le personnel du poste de soins infirmiers ne veut pas boire l’eau du robinet. Les infirmières, les médecins et tous les cliniciens qui viennent ont de l’eau embouteillée. Ils en ont toujours, eux. Ce n’est qu’en 2017 que notre chef et notre conseil sont intervenus et ont décidé que notre population aussi avait besoin d’eau potable. Ils ont réussi à faire entrer de l’eau embouteillée. Cela fait maintenant plus d’un an que nous recevons de l’eau embouteillée.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup. Je suis vraiment désolée d’entendre que votre population subit tout ce stress. Cela semble si inutile dans notre pays. Nous allons essayer de faire de notre mieux pour voir ce que nous pouvons faire. Merci d’être ici.

Mme Beardy : Merci d’avoir écouté.

Le président : J’ai une autre question pour vous, madame Beardy. Comment pensez-vous que l’entente de règlement aidera les personnes et la collectivité à surmonter le préjudice créé par le manque d’accès à l’eau potable pendant un si grand nombre d’années?

Mme Beardy : D’abord, si nous parvenons à un règlement, j’espère que nous pourrons obtenir une autre source d’eau potable pour notre collectivité, et j’espère que cela nous permettra d’obtenir une ligne d’eau pour le reste de notre collectivité. Notre collectivité a une infrastructure vieillissante pour les conduites d’eau du côté le plus ancien de la ville. Nous avons constamment des bris de tuyaux. Cela contribue également à la saleté de l’eau dans les canalisations. Une autre partie de la ville n’a même pas l’eau courante. Nous devons compter sur un camion-citerne et un camion pour le transport des eaux usées pour l’acheminer. Si nous obtenions un règlement équitable, nous pourrions probablement raccorder le reste de la ville à une conduite d’eau et à une conduite d’égout, ce que nous n’avons pas. Même cela est difficile. Il arrive que les camions-citernes et les camions qui acheminent les eaux usées soient en panne et que nous n’ayons même pas d’eau dans les maisons. C’est un tout autre problème.

Le président : Merci.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, madame Beardy, de votre témoignage.

Si j’ai bien compris, vous avez parlé des problèmes de santé liés à l’eau potable. Vous avez parlé de problèmes de santé liés à la baignade dans l’eau, aux enfants, et cetera et aux effets sur leur peau. Vous avez parlé de la limite des possibilités de loisirs pour les enfants et d’autres membres de la collectivité parce que l’eau n’est pas sûre pour la baignade. Vous avez aussi parlé de votre approvisionnement alimentaire, du poisson et du fait que, avec l’eau contaminée, vous ne pouvez pas non plus faire confiance à l’approvisionnement en poissons pour l’alimentation des gens. Est-ce que je comprends bien ce que vous dites? Est-ce que quelque chose m’a échappé?

Mme Beardy : Oui, cela semble exact.

La sénatrice Coyle : Merci. Nous pensions que nous allions simplement parler d’eau potable — et l’eau potable est vraiment importante — mais c’est un problème plus vaste et plus complet que vous décrivez ici.

Vous avez mentionné les barrages hydroélectriques comme étant un facteur. Vous avez également mentionné les inondations comme étant un facteur et les contaminants provenant d’autres sources industrielles et urbaines. Vous avez aussi parlé de certaines solutions à la situation, en ce qui concerne autant la construction de l’infrastructure, c’est-à-dire en utilisant les fonds de l’indemnisation pour construire une nouvelle infrastructure... et je crois que vous avez également mentionné le transfert de votre source vers un autre lac.

Mme Beardy : Exact.

La sénatrice Coyle : Pourriez-vous nous dire si vous avez réalisé des études de faisabilité et évalué les coûts de ces deux aspects, c’est-à-dire la construction de l’infrastructure à partir de la nouvelle source d’eau potable que vous aimeriez voir arriver dans la collectivité, puis la réparation et le prolongement de l’infrastructure existante? Avez-vous une idée de ce que cela coûterait et savez-vous si ce financement serait une source appropriée pour cela?

Mme Beardy : Je pense que nous avons commencé le processus de l’étude de faisabilité pour une nouvelle source, un nouvel emplacement. Nous avons en fait demandé à quelqu’un de visiter notre collectivité et de vérifier le lac. Nous avons une nouvelle société de gestion de projet qui nous aide à ce sujet, et elle a tracé la voie que pourraient emprunter les canalisations vers la nouvelle source. En ce moment, je pense que ça fait partie de l’étude de faisabilité.

Je sais que des fonds supplémentaires s’en viennent. On nous a récemment dit que nous étions censés présenter toute partie du déficit d’infrastructure à Services aux Autochtones Canada. On nous a dit que nous pouvions commencer à soumettre des budgets pour aider à la mise à niveau de nos conduites d’eau et d’égout dans la partie la plus ancienne de la ville et peut-être à leur installation dans la partie la plus récente de la ville. Espérons que cela nous aidera à faire face aux coûts, car je ne peux pas imaginer que l’eau des réserves soit suffisante.

La sénatrice Coyle : Pourriez-vous nous dire si vous avez une idée de l’échéancier que vous envisagez pour la mise en service de cette nouvelle source d’eau potable dans votre collectivité et la mise en place de l’infrastructure dans la collectivité afin d’acheminer cette eau à tous les ménages qui en ont besoin?

Mme Beardy : Nous pensons que l’échéancier pour la nouvelle source d’eau sera de deux ans au maximum. En ce qui concerne l’infrastructure, nous espérons simplement que le financement pour la mise à niveau de la nouvelle partie de la ville sera approuvé.

Grâce à une partie de notre financement, nous n’avons pu qu’améliorer notre conduite d’égout. Ensuite, seules quelques maisons ont été raccordées au réseau d’égouts, mais pas à l’aqueduc... je dirais environ 10 maisons dans la nouvelle partie de la ville. Mais il y a deux autres quartiers qui n’ont pas du tout de ligne d’aqueduc. Il y a juste des réservoirs d’eau et d’égouts.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup de vous joindre à nous.

Je partage les sentiments de mes collègues, à savoir qu’il est extrêmement déconcertant qu’un pays comme le Canada, avec les ressources dont il dispose, ait ces problèmes d’ébullition de l’eau, d’eau potable et d’accès à l’eau. Je me souviens d’un commentaire fait par Cindy Blackstock à l’automne dernier, lorsqu’elle et moi présentions un exposé ensemble, à savoir que ce sont des décisions stratégiques qui sont prises par le gouvernement, et ce sont des décisions stratégiques qui pourraient être changées par le gouvernement. Espérons que ce règlement nous aidera à progresser dans cette voie, car, comme elle l’a dit, si nous pouvons avoir de l’eau potable et l’Internet dans la station spatiale, nous pouvons sûrement en avoir dans toutes les collectivités des Premières Nations de notre pays.

J’aimerais savoir si vous avez plus de détails, non pas que je pense que ce soit votre responsabilité, je veux être claire, ni celle d’aucune autre collectivité, de définir ce à quoi le plan doit ressembler, mais je serais très intéressée de savoir à quoi ressembleraient les conditions d’une entente de règlement réussie et proactive pour votre collectivité et du point de vue de votre gouvernance.

Mme Beardy : C’est difficile à dire, mais idéalement, nous voulons simplement de l’eau potable pour nos enfants et pour nos enfants qui ne sont pas encore là avec nous, nos enfants à naître. Nous voulons simplement avoir de l’eau potable, une eau potable sûre, pour nos générations futures, et nous pensons qu’il est très important de se battre pour cela en ce moment. J’ai des petits-enfants, et je pense à leur avenir. J’espère simplement que nous serons traités et indemnisés équitablement. Il semble que nous soyons toujours perdants, que nous n’obtenions que très peu de choses. Nos enfants méritent mieux que cela, surtout en ce qui concerne la vérité et la réconciliation et nos droits inhérents issus de traités. Je voudrais simplement de l’eau potable et sûre pour les membres de notre collectivité. Je n’ai même pas de chiffres à donner à ce sujet. Il est important que, étant au Canada, nous ayons de l’eau potable qui soit sûre pour nous tous.

La sénatrice Pate : Absolument.

S’il y a des documents que vous ou quelqu’un de votre collectivité voudriez transmettre, vous pouvez les envoyer à la greffière. Ce serait formidable simplement pour renforcer ce témoignage, pas du tout pour diminuer ce que vous avez dit, mais s’il y avait autre chose qui serait utile, que vous ayez soumis au gouvernement ou des engagements que le gouvernement a pris, ce serait très utile. Merci, et merci de votre travail sur ce sujet.

Mme Beardy : Merci de votre écoute.

Le sénateur Christmas : Madame Beardy, dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que, il y a cinq ans, en 2017, votre chef et votre conseil ont déclaré l’état d’urgence. Je suis curieux : pourriez-vous dire dans vos propres mots ce qui a amené votre chef et votre conseil à déclarer l’état d’urgence? Qu’est-ce qui a amené votre collectivité à prendre cette décision?

Mme Beardy : Notre eau avait une odeur fétide, et nos gens tombaient malades. Ça ne date pas d’hier. Les gens tombent malades depuis un certain temps. Nous savons que c’est lié à notre eau, parce que nous avons tous besoin d’eau, n’est-ce pas? Nous avons besoin d’eau pour tout ce que nous faisons dans notre vie quotidienne. Nous savons que notre station de traitement d’eau n’est pas en mesure de nettoyer l’eau suffisamment. Il y a tellement de toxines dans l’eau. Comment pourrait-elle filtrer toutes les toxines présentes dans l’eau?

Une autre chose que l’un des conseillers nous a dite, c’est que nos animaux mangent et boivent de l’eau, et ils ont trouvé des orignaux morts dans l’eau. Il n’y avait aucune explication à cela. Ils étaient rejetés sur le rivage. Les orignaux savent nager; ce sont de bons nageurs. Pourquoi étaient-ils rejetés sur le rivage? Peut-être que, avec le temps, ils tombent malades eux aussi, car c’est leur principale source d’eau. C’est dans notre canal du fleuve Nelson qu’ils trouvaient ces orignaux. Un des conseillers de la région est aussi pêcheur. Il nous a fait part de ses expériences, lui aussi, de ce qu’il a remarqué en tant que pêcheur. Même les poissons avaient des cloques sur eux.

D’après ce que je sais, c’est juste que notre eau est sale. Elle a une odeur. Les gens tombent malades, ont des éruptions cutanées, des choses comme cela. Tout cela s’est accumulé jusqu’à ce qu’on dise : « Ça suffit. »

Le sénateur Christmas : Je trouve également très intéressant que vous vous soyez associés à deux Premières Nations de l’Ontario pour lancer un recours collectif contre le gouvernement. Qu’est-ce qui a amené votre conseil à prendre cette décision? Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas réglé le problème avant que vous lanciez un recours collectif?

Mme Beardy : Je devrai vous revenir sur ce point.

Le sénateur Christmas : D’accord.

L’entente de règlement a maintenant été approuvée par le tribunal, et le gouvernement du Canada demande maintenant au Parlement de légiférer sur l’entente de règlement. Comment l’entente de règlement profitera-t-elle à votre collectivité?

Mme Beardy : Nous avons deux autres secteurs de la ville. La partie la plus récente de la ville n’a pas de conduites d’eau et d’égout. On m’a dit qu’il y a un tronçon qui relie la partie la plus ancienne de la ville à une autre partie de la ville. Nous n’avons aucun financement pour raccorder le reste de la ville. Cela ne fera partie d’aucun financement. Peut-être devrons-nous utiliser une partie de nos fonds pour installer cette conduite d’eau.

Nous avons récemment amélioré notre ligne d’égout, et ils l’ont déplacée à un autre endroit. Certaines maisons ont été raccordées, mais pas toutes, et elles ne sont pas non plus raccordées à une conduite d’aqueduc. Nous espérons que, dans l’avenir, le reste de nos maisons pourront être raccordées à l’eau et aux égouts. Peut-être que cela nous aidera à couvrir ces coûts, ainsi que le financement du déficit d’infrastructure, en comblant ce déficit. Tout ce qui n’est pas couvert par ces fonds n’est même pas garanti. Nous devons en faire la demande. Mais c’est un long processus. Nous voulons simplement de l’eau pour notre collectivité.

Nous avons besoin d’un autre lieu de loisirs pour que nos enfants puissent aller nager, car nous n’en avons pas dans la collectivité. Notre rêve est d’avoir une piscine ici, à Split Lake, mais est-ce possible? J’adorerais avoir une piscine à Split Lake. Nous pourrions peut-être avoir une piscine pour nos enfants. Il y a beaucoup de choses que nous n’avons pas et que nous aimerions avoir. C’est une des choses qui reviennent toujours. Nous aimerions avoir une piscine en ville pour nos enfants.

Le chef et le conseil n’ont encore rien dit sur la façon dont ils vont utiliser les fonds. Pour l’instant, nous avons besoin d’eau potable dans notre collectivité pour nos habitants.

Le sénateur Christmas : Nous croyons savoir qu’une partie de ce programme d’indemnisation indemnisera des particuliers. Vous attendez-vous à ce que des personnes de votre collectivité soient également indemnisées?

Mme Beardy : Je pense que oui, parce que beaucoup de nos gens souffrent. Ils sont malades. Ils ont des problèmes de peau. Ils ont eu des problèmes d’estomac et ont reçu plus d’une fois un diagnostic de H. pylori. Notre système de soins de santé n’est pas très bon dans les réserves des Premières Nations, alors beaucoup de nos gens se font refuser l’accès au poste de soins infirmiers, et les infirmières pensent qu’ils simulent leurs maladies, et elles ne prennent pas la peine de les tester. Elles ne leur font pas passer de tests pour voir ce qui ne va pas, alors beaucoup de gens rentrent chez eux en se sentant toujours aussi mal et en se plaignant d’être malades, mais on ne trouve rien d’anormal chez eux. Il y a beaucoup de gens dans cette situation. C’est aussi le cas de beaucoup de jeunes. Il y a beaucoup de gens dans la vingtaine et la trentaine qui ont déjà des problèmes d’estomac, et au poste de soins infirmiers, on dit qu’on ne trouve rien qui ne va pas chez eux.

Le sénateur Christmas : Merci, madame Beardy, de vos commentaires. Je vous souhaite, à vous et à votre communauté, tout le meilleur et j’espère que vous obtiendrez l’infrastructure dont vous avez besoin pour votre collectivité, et que cette entente de règlement sera un tournant pour vous et votre collectivité. Merci beaucoup.

La sénatrice Coyle : Merci encore, madame Beardy, de nous avoir mis au courant. Vous brossez un tableau décevant, comme l’ont dit mes collègues. Cela se passe réellement dans votre collectivité et touche vos personnes âgées, vos jeunes et vos enfants de manière très grave.

J’ai quelques questions, dont l’une fait suite à la question posée par le sénateur Christmas. S’il doit y avoir une indemnisation individuelle par le truchement de ce règlement, j’imagine qu’il y aurait deux choses à faire. Premièrement, il faudrait que la collectivité dispose de données fiables sur la santé afin que les gens puissent dire : « Voici comment j’ai été touché. » Deuxièmement, une fois que le système d’eau potable sera mis en place, il faudrait surveiller les changements dans la santé des personnes et de la communauté. Ma première question porte sur ce point. Vous avez recensé certains problèmes avec l’infrastructure de soins de santé existante et ses limites. Pourriez-vous nous dire ce dont votre collectivité aurait besoin pour que l’on puisse brosser un tableau précis de l’état de santé des gens tel qu’il se présente aujourd’hui?

Mme Beardy : Comme je l’ai dit, beaucoup de bébés ont des problèmes de peau, comme l’eczéma, et certains cas sont très graves. Les adultes ont la bactérie Helicobacter pylori, le H. pylori, comme ils l’appellent. Beaucoup de gens ne sont pas diagnostiqués. Ils ne savent pas pourquoi ils sont malades. Je vois toujours des gens dire : « Je suis malade. Je ne sais pas ce qui ne va pas, et les infirmières n’arrivent pas à trouver ce qui ne va pas chez moi. »

La réalité, c’est que l’eau embouteillée que nous avons s’épuise aussi, et les gens utilisent de l’eau du robinet pour cuisiner. Ils font bouillir l’eau dans l’espoir de pouvoir l’utiliser en toute sécurité. Il arrive que l’eau en bouteille soit épuisée, alors je suis sûre que, lorsqu’ils n’ont pas d’autre choix que d’utiliser l’eau du robinet, ils le font. Les gens tombent toujours malades à cause de cela.

J’ai remarqué que beaucoup de nos gens meurent jeunes. Mes parents n’avaient que 60 ans lorsqu’ils sont morts tous les deux. C’est assez jeune. Je remarque que beaucoup de gens tombent malades et meurent jeunes. Il est très rare de voir une personne vivre jusqu’à 80 ou 90 ans maintenant. Mes parents sont nés en 1948 et en 1950, et ils sont morts en 2017 et en 2018. Ils n’étaient pas très vieux tous les deux. Les personnes de ce groupe d’âge ne vivent plus jusqu’à 80 ou 90 ans. Nous perdons beaucoup de nos habitants à un âge plus jeune. Ils tombent malades. Ils meurent tôt à cause du cancer, du diabète ou de tout autre problème de santé.

L’eau est tout, n’est-ce pas? L’eau, c’est la vie, et nous en dépendons, donc nous devons boire notre eau.

La sénatrice Coyle : C’est vrai.

Mme Beardy : Nous n’avons commencé à nous procurer de l’eau embouteillée qu’il y a un an et demi, peut-être deux ans. Avant cela, nous buvions toujours l’eau du robinet, sauf certaines personnes qui ont fait l’effort d’acheter leur propre eau en bouteille. C’est nouveau aussi. Les gens n’ont pas toujours acheté de l’eau embouteillée. C’est très récent.

La sénatrice Coyle : J’ai une question complémentaire pour vous, et ce n’est pas à propos de cela, mais je peux imaginer les déchets que génère tout ce plastique. Les bouteilles d’eau en plastique doivent aussi être un problème auquel votre collectivité doit faire face. Cela aggrave les problèmes dont vous avez parlé, mais ma question ne porte pas sur ce sujet.

Vous avez ici une collectivité que vous voulez rendre sûre, saine et attrayante pour les professionnels que vous voulez attirer afin qu’ils travaillent dans votre collectivité et que les gens de la collectivité y restent et construisent une communauté, comme vous le dites, pour les générations futures. Je suis curieuse de savoir si cette question d’un environnement malsain causé par l’insalubrité de l’eau potable et d’autres sources d’eau est quelque chose qui pousse les gens à ne pas vouloir venir dans votre collectivité ou à vouloir la quitter, parce qu’ils pourraient penser : « Pourquoi est-ce que je resterais dans cette collectivité si mes proches tombent malades? » ou ce genre de choses. Y a-t-il un lien entre les membres de la collectivité qui veulent partir ou les personnes d’autres collectivités qui ne veulent pas venir pour occuper les emplois qui pourraient exister à cause de ce problème? J’essaie simplement de comprendre toutes les ramifications de ce problème.

Mme Beardy : Pour les infirmières qui viennent, je suis sûre qu’elles savent qu’il y a des bouteilles d’eau à leur disposition. Nous avons du mal à attirer des enseignants dans notre collectivité. Nous avons du mal à obtenir des enseignants pour pourvoir les postes vacants pour tous nos postes d’enseignement. C’est un combat permanent. Cela pourrait être l’eau, mais je ne peux pas dire que ce soit la seule raison, car je ne sais pas pourquoi les gens ne veulent pas venir travailler ici. Je n’ai jamais pensé que les gens ne venaient pas ici à cause de l’eau, mais c’est possible.

La sénatrice Coyle : Est-ce que certains membres de la collectivité veulent partir à cause de cela?

Mme Beardy : Oui, certains d’entre eux ont déménagé. J’ai remarqué que des gens déménageaient pour des raisons de santé, et c’est aussi difficile pour eux de vivre là-bas. Ils ont du mal à vivre en ville, dans un nouvel environnement. Certains vivent à Winnipeg, et d’autres, à Thompson. Ils disent toujours : « Nous avons du mal à vivre ici. Nous devons nous rendre du point A au point B. » Ils ont du mal à vivre dans un nouvel environnement. D’autres personnes doivent déménager, notamment celles qui souffrent d’insuffisance rénale et qui doivent partir pour recevoir un traitement de dialyse. Il y a toutes sortes d’autres raisons de santé pour lesquelles les gens partent.

Même beaucoup de nos enfants sont malades. Je ne veux pas le dire, mais j’ai travaillé dans un environnement scolaire en tant qu’éducatrice avant de passer au bureau de la bande pour aider. Beaucoup de nos enfants sont autistes. Je ne sais pas pourquoi. Aucune étude n’a été faite. Dans notre programme d’éducation, nous avons un grand nombre d’enfants qui reçoivent des fonds dans le cadre d’un programme d’éducation spécialisée. À un moment donné, je sais que nous avions 150 enfants. J’ai un petit-enfant qui est autiste. C’est presque comme si une famille sur deux à Split Lake avait un enfant autiste dans sa famille. L’incidence est très élevée et très effrayante. Je me disais que c’était bizarre. Ce n’est pas fréquent, mais dans notre collectivité, il y a des familles qui ont plusieurs enfants autistes. Je ne sais pas pourquoi, et je ne peux pas dire pourquoi parce que je ne le sais pas. Personne n’a étudié le pourquoi. Mais nous pouvons deviner.

[Français]

La sénatrice Audette : Merci beaucoup, madame Beardy. Je pense que le mot « merci » n’a pas sa force pour votre présentation. Il faut se rappeler qu’encore une fois, au Canada, nous sommes comparables à des endroits ou à des pays en développement qui vivent des situations semblables. Vous permettez, dans cette tristesse ou dans cette injustice, de rappeler aux Canadiens et aux Canadiennes que cela existe ici aussi. Je vous dis merci en tant que femme innue; nous sommes les gardiennes ou les protectrices de l’eau et cela m’a fait beaucoup de mal de vous entendre.

Ma question est la suivante : sachant que nous sommes proches de l’orignal, du caribou, du poisson et des animaux, avez-vous aussi l’ambition ou la volonté de créer des relations pour continuer de mener des études sur les répercussions sur notre mode de vie? Je dis « traditionnels » entre guillemets, mais tout cela est aussi très présent pour faire en sorte que notre nourriture est saine et comestible. En ce qui a trait à cette entente, permettra-t-elle justement d’améliorer la santé de ces enfants et de ces bébés, grâce à des études effectuées en collaboration avec vous, pour montrer que le problème de l’eau non potable et qui ne peut pas être utilisée pour cuisiner est beaucoup plus profond? Je vous le dis, vous m’avez assommée. Je suis Innue et c’est rare que l’on m’assomme avec des questions autochtones, mais vous m’avez assommée.

[Traduction]

Mme Beardy : Merci. Nous avons effectivement besoin d’études continues, et ce serait aussi une bonne chose. Une fois que nous aurons notre nouvelle source d’eau potable, je crois que nous devrions mener une étude auprès de notre peuple pour voir si sa santé s’améliore. Nous devrions surveiller ces problèmes d’estomac, de peau et tout le reste. Ce serait merveilleux de voir nos problèmes de santé s’améliorer avec le temps, surtout grâce à une nouvelle source d’eau potable, autre que le fleuve Nelson. Ce serait une bonne chose d’avoir des études continues.

Le sénateur Arnot : Merci, madame Beardy.

J’ai une question simple, puis un commentaire. Combien de membres compte la Nation crie de Tataskweyak? Combien vivent dans les réserves, et combien à l’extérieur?

Mme Beardy : Nous avons environ 2 000 membres dans les réserves, et 1 000 à l’extérieur.

Le sénateur Arnot : J’aimerais faire un commentaire. Un sujet qui n’a pas été abordé, c’est le manque d’honneur de la Couronne dans le cadre des relations issues de traités. Dans votre exposé, vous avez dit que vos aînés disent que, depuis la fin des années 1950, quand la mine a été établie et que Thompson, au Manitoba, a été fondée, il y a un problème continu de pollution dans le fleuve Nelson, la source ancestrale de votre eau et de votre nourriture. À mes yeux, ce que vous avez dit est un exemple clair et sans équivoque du manque d’honneur de la Couronne dans la relation entre la Couronne et votre communauté, en vertu des traités. C’est un aspect sur lequel il faut insister, car je crois que la plupart des Canadiens seraient choqués, révoltés et honteux s’ils savaient ce que vous venez tout juste de me dire. C’est révoltant, et il faut faire quelque chose.

Je vais donner suite à ce que le sénateur Christmas a dit. Votre collectivité a dû intenter une poursuite en justice, un recours collectif — ce qui coûterait beaucoup d’argent, j’en suis sûr —, seulement pour en arriver à négocier un règlement. Je pense que c’est fondamentalement injuste, si on considère la relation issue de traités dans une perspective appropriée et en tenant compte des principes des avantages mutuels et du respect mutuel qui sont prévus dans les traités.

Merci de votre témoignage d’aujourd’hui.

Le président : Notre temps avec le témoin est écoulé. Je tiens à vous remercier d’avoir pris le temps de venir témoigner aujourd’hui, madame Beardy. Sachez que nous vous avons très clairement entendus. C’est troublant qu’il ait fallu si longtemps pour que le public en général et le Parlement prennent acte de la crise créée par le manque d’eau salubre, propre et fiable dans les réserves. Cela dit, je suis convaincu qu’il y aura des changements tangibles dans vos vies quotidiennes, grâce au règlement. La situation actuelle n’est tout simplement pas acceptable. Merci encore une fois de votre témoignage.

Je vais présenter notre prochain groupe de témoins : nous accueillons M. Curtis Bergeron, directeur intérimaire, Secteur des opérations régionales, Services aux Autochtones Canada; et Me Douglas Fairbairn, conseiller juridique, ministère de la Justice Canada.

Les fonctionnaires auront cinq minutes au maximum pour nous présenter un bref aperçu. Si nécessaire, j’interviendrai quand il ne restera plus qu’une minute. Ensuite, nous passerons à la période de questions, durant laquelle les intervenants disposeront de trois minutes environ. Je demanderais aux sénateurs ainsi qu’aux témoins d’être aussi succincts que possible. Monsieur Bergeron et Me Fairbairn, si vous êtes incapables de répondre à une question aujourd’hui ou si vous voulez fournir de l’information supplémentaire après la réunion, je vous demanderai de faire le suivi par écrit avant vendredi de cette semaine. Je rappelle aux sénateurs que la semaine dernière, nous avons entendu les représentants du ministère des Finances sur le même sujet. Sans plus attendre, j’invite M. Bergeron à nous présenter sa déclaration préliminaire.

Curtis Bergeron, directeur intérimaire, Secteur des opérations régionales, Services aux Autochtones Canada : Merci, monsieur le président. Encore une fois, je m’appelle Curtis Bergeron, et je travaille à Services aux Autochtones Canada. Je suis accompagné aujourd’hui de mon collègue, Me Doug Fairbairn. J’ai le plaisir de m’adresser à vous aujourd’hui depuis le territoire ancestral du peuple algonquin anishinaabé, ici à Ottawa.

Les dispositions législatives que nous proposons abrogeraient la Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations, qui est entrée en vigueur en 2013 et qui habilitait Services aux Autochtones Canada à élaborer des règlements fédéraux pour assurer l’accès à un approvisionnement salubre et fiable en eau potable ainsi que le traitement efficace des eaux usées.

Depuis 2013, les Premières Nations n’ont cessé de demander que cette loi soit abrogée et remplacée, se disant préoccupées par le manque de financement adéquat, prévisible et durable; la non-reconnaissance et la violation possible de leurs droits; l’absence de protection adéquate des sources d’eau; et un engagement insuffisant. L’abrogation de la loi permettrait de répondre aux préoccupations soulevées par les Premières Nations et de remplir les engagements du gouvernement à travailler en partenariat avec les peuples autochtones.

À la lumière des préoccupations soulevées par les Premières Nations, l’élaboration de la réglementation a été suspendue en 2015, et il n’y a présentement aucun règlement fédéral associé à cette loi. Puisque la loi ne sert qu’à appliquer le règlement et qu’il n’y a actuellement aucun règlement en vigueur, l’abrogation de la loi ne crée aucun vide réglementaire.

Le 22 décembre de l’année dernière, la Cour fédérale et la Cour du Banc de la Reine du Manitoba ont rendu une décision conjointe approuvant une entente pour régler les recours collectifs liés au règlement sur l’eau potable salubre. Dans le cadre de cette entente, le Canada s’est engagé à déployer tous les efforts raisonnables en vue de présenter un projet de loi abrogeant la Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations et d’élaborer et présenter une loi de remplacement, en consultation avec les Premières Nations, d’ici le 31 décembre de cette année.

L’Assemblée des Premières Nations dirige des consultations avec les Premières Nations pour examiner la loi depuis 2018. L’APN — l’Assemblée des Premières Nations —, tient annuellement des symposiums nationaux sur l’eau ainsi que des sommets sur l’eau afin d’échanger de l’information et de recueillir les commentaires des chefs et de leurs conseillers, des techniciens de l’eau et d’autres experts de l’eau, le tout pour appuyer des initiatives continues, comme l’abrogation proposée de la loi.

Services aux Autochtones Canada a aussi consulté des groupes et des organisations autochtones clés au sujet de l’abrogation proposée de la loi, en mars de cette année. Tous les participants étaient favorables à l’abrogation de la loi, et personne n’a formulé de contestation. Les participants ont aussi profité de l’occasion pour nous faire part de ce qu’ils aimeraient voir dans le projet de loi de remplacement, des choses comme des consultations, du financement, la reconnaissance des droits et des dispositions sur la salubrité de l’eau et le traitement efficace des eaux usées. Leurs opinions continueront d’orienter les efforts relatifs à la réforme de la loi concernant l’eau.

En ce qui a trait aux prochaines étapes, nous poursuivons le travail en collaboration avec nos partenaires des Premières Nations pour élaborer conjointement un cadre qui servira à orienter l’élaboration d’un futur projet de loi qui remplacera la Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations.

Je vous redonne la parole, monsieur le président.

Le président : Merci de nous avoir présenté votre déclaration préliminaire, monsieur Bergeron. Nous allons maintenant commencer la période de questions. Le vice-président, le sénateur Christmas, ouvre le bal.

Le sénateur Christmas : Merci de nous avoir présenté votre exposé, monsieur Bergeron.

Une chose que j’essaie de comprendre, c’est l’ordre des événements. Tout d’abord, vous avez dit que, en 2013, on a adopté la Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations. Puis, vous avez dit que, en 2015, on a décidé de ne pas adopter le règlement. Depuis lors et jusqu’à aujourd’hui, pourriez-vous, disons, nous décrire la séquence des événements qui ont mené à la poursuite en justice et à l’entente de règlement?

M. Bergeron : En 2018, l’Assemblée des Premières Nations, avec le soutien de Services aux Autochtones Canada, a commencé à débattre de l’abrogation de la Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations, et cela dure depuis maintenant presque quatre ans.

En ce qui concerne l’entente de règlement, un grand nombre de Premières Nations avaient évidemment énormément de préoccupations. Même si je n’ai pas les dates exactes, la Nation crie de Tataskweyak, la Première Nation de Neskantage et la Première Nation de Curve Lake ont intenté une poursuite en justice contre le gouvernement. S’en sont suivi des négociations entre l’avocat du recours collectif, les chefs et le gouvernement du Canada pour en arriver à l’entente de règlement actuelle, qui a été approuvée par la Cour fédérale et la Cour du Manitoba en décembre.

Le sénateur Christmas : Ce qui me dérange est, étant donné que Services aux Autochtones Canada et l’APN travaillaient activement sur ce dossier, pourquoi ces trois Premières Nations ont-elles décidé d’intenter une poursuite en justice? Pourquoi les négociations ont-elles échoué, menant à la poursuite?

M. Bergeron : Services aux Autochtones Canada appuie le droit d’intenter des poursuites contre le Canada. Tous les Canadiens ont ce droit. Je ne pourrais pas vous dire précisément quels résultats ou quelle logique ont mené à cela, mais l’entente de règlement est une façon de résoudre ou de régler les litiges hors cour.

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur Bergeron. Je posais cette question à tout hasard et je savais que vous n’alliez probablement pas pouvoir me répondre, mais je me suis dit que j’allais essayer de toute façon.

Je serais curieux de savoir si cette entente de règlement mentionne les règlements administratifs que les Premières Nations peuvent adopter sur la salubrité de l’eau potable. Est-ce que Services aux Autochtones Canada va permettre que des règlements administratifs sur la salubrité de l’eau potable soient adoptés?

M. Bergeron : Comme je l’ai dit, la nouvelle loi serait élaborée conjointement par les Premières Nations et le Canada, et cela peut peut-être comprendre le pouvoir de créer des règlements administratifs. Pour revenir en arrière un instant, l’entente de règlement prévoit effectivement une indemnisation pour les initiatives gouvernementales, et cela pourrait comprendre du financement pour la création de règlements administratifs.

Le sénateur Christmas : Génial. Merci, monsieur Bergeron.

[Français]

La sénatrice Audette : Tout d’abord, merci beaucoup à mon collègue le sénateur Christmas d’avoir posé la question.

Pour ma part, même s’il existe un droit de contester devant les tribunaux, je pense qu’il y aurait eu lieu de mener des actions bien avant qu’on se rende là, surtout quand on constate la qualité de vie des individus et des collectivités au fil des décennies. À mon avis, il est évident qu’il faut revoir nos façons de faire.

À partir de maintenant, puisque l’on sait qu’il y a des communautés qui ont signalé cet état d’urgence et avant qu’on arrive à conclure des ententes et à faire de la coconstruction, qu’est-ce que le gouvernement fait, en ce moment, pour s’assurer que les communautés peuvent elles aussi exercer un droit que tout le monde a, soit le droit à l’eau potable?

J’ai une dernière question pour le moment. J’imagine que cette situation n’est que la pointe de l’iceberg, mais allons-nous mesurer les répercussions sur l’environnement, les animaux et le poisson? Comme premiers peuples, tous ces éléments font partie de notre vie. Merci.

[Traduction]

M. Bergeron : Merci beaucoup de la question.

En ce qui a trait au droit à l’eau potable, d’abord, je tiens à souligner les réponses bien senties de Mme Beardy, plus tôt. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles j’ai voulu travailler pour Services aux Autochtones Canada. Tout le monde a le droit à de l’eau potable, et il y a énormément de travail à faire.

Depuis 2015, 132 avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable ont été levés par les Premières Nations, avec l’appui de SAC, mais le véritable effort est fait par les Premières Nations. Il en reste 34 dans 29 collectivités distinctes. Donc, il y a effectivement énormément de travail à faire, cela ne fait pas de doute.

J’aimerais aussi signaler que l’entente de règlement comprend de nombreux engagements. Relativement au financement futur, 6 milliards de dollars seront investis pour assurer l’accès à un approvisionnement en eau potable salubre. Le gouvernement du Canada a aussi renouvelé son engagement à soutenir la levée de tous les avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable, ce qui a énormément d’importance. Certains avis concernant la qualité de l’eau potable pourront peut-être être levés assez rapidement, à court terme, mais pour d’autres, il faudra investir dans de nouvelles usines de traitement des eaux. Il faut du temps pour les planifier et les construire.

En ce qui a trait à votre deuxième question sur la mesure des répercussions sur la faune, je vais devoir vous faire parvenir la réponse plus tard, parce que je ne sais pas vraiment. Il y a évidemment des agents de santé environnementale et publique qui sont soit affectés à des collectivités des Premières Nations ou employés par celles-ci, soit employés par Services aux Autochtones Canada, et ils continuent de surveiller l’eau potable et l’infrastructure à d’autres égards.

La sénatrice Audette : Merci.

Le sénateur Christmas : Monsieur Bergeron, je crois comprendre que l’entente de règlement prévoit un délai d’appel afin que d’autres puissent interjeter appel de l’entente de règlement, et je crois savoir qu’il y en a eu quelques-uns. Pourriez-vous nous dire quelles collectivités ont interjeté appel de l’entente de règlement, et pourriez-vous nous aider à comprendre pour quels motifs ces collectivités ont choisi d’interjeter appel de l’entente?

M. Bergeron : Durant la procédure judiciaire, et avant que la cour n’accepte l’entente de règlement, il y avait un délai d’appel de 60 jours. La date limite était le 21 février 2022 et, selon mes informations, aucun appel n’a été interjeté durant cette période. En conséquence, la date de mise en œuvre de l’entente de règlement était le 22 février. À partir de là, le Canada devait fournir du financement 60 jours après la date de mise en œuvre, ce que le Canada a fait, à hauteur d’environ 2 milliards de dollars. Les fonds ont été versés dans une fiducie détenue par l’avocat du recours et par un tiers administrateur.

Le sénateur Christmas : D’accord.

Monsieur Bergeron, un dernier commentaire. Cela m’est venu après la question de la sénatrice Audette. Il me semble que l’entente de règlement vise à indemniser les gens et aussi à fournir l’infrastructure nécessaire pour que les collectivités aient accès à une source sûre d’eau potable. D’après ce que Mme Beardy nous a dit plus tôt, j’ai l’impression que, dans sa collectivité, au lieu d’éliminer la source de contamination du fleuve Nelson, les parties se sont entendues pour mettre en place une source d’eau potable salubre de substitution, ce qui veut dire que le problème environnemental n’est pas réglé, pour faire un lien avec ce qui a été soulevé plus tôt par rapport à la faune. Je tiens pour acquis que ce ne serait toujours pas sécuritaire de s’y baigner. A-t-on pensé à régler le problème du fleuve Nelson, du moins dans la collectivité de Mme Beardy? Dans la mesure où on offre une indemnisation aux personnes concernées, va-t-on aussi mettre de l’argent de côté pour assainir la source d’eau potable originale?

M. Bergeron : Merci beaucoup de la question, même si elle n’est pas facile.

Actuellement, la loi sur l’eau potable vise les terres fédérales et les terres autochtones. Dans son témoignage, Mme Beardy a parlé avec éloquence des terres hors réserve, y compris des terres provinciales. Une préoccupation soulevée par beaucoup de Premières Nations a trait à l’absence de protection des sources d’eau, et je crois que c’est de cela que vous parliez. Nous étudions le dossier, et c’est l’un des enjeux clés en ce qui concerne l’élaboration conjointe du nouveau projet de loi qui sera proposé.

Vous avez mentionné l’entente de règlement. Elle comprend deux volets : premièrement, il y a l’indemnisation rétrospective, et ensuite les autres mesures prospectives. En ce qui concerne l’indemnisation rétrospective, il y a deux catégories : la première est une indemnisation de 1,5 milliard de dollars pour les gens qui ont été privés d’un approvisionnement en eau potable salubre. La deuxième est un financement de 400 millions de dollars pour les collectivités des Premières Nations, au titre de ce qu’on appelle le fonds pour la relance économique et culturelle des Premières Nations. Ensuite, il y a les mesures prospectives, soit le renouvellement de l’engagement du Canada envers son plan d’action pour lever les avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable et la création d’un comité consultatif des Premières Nations sur la salubrité de l’eau potable, dont le but sera de fournir des conseils et des recommandations sur des points stratégiques clés, y compris l’abrogation de la loi et potentiellement son remplacement. Il y a aussi un engagement d’au moins 6 milliards de dollars — j’ai oublié d’en parler dans mon exposé initial — pour soutenir l’accès fiable à de l’eau potable dans les réserves et évidemment, ensuite, la modernisation prévue de la loi canadienne sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations, qui se fera conjointement et en consultation avec les Premières Nations. Comme je l’ai dit, une composante clé de tout cela, selon les consultations précédentes avec les Premières Nations, y compris les consultations dirigées par l’Assemblée des Premières Nations, sont les préoccupations des Premières Nations sur l’absence de protection des sources d’eau.

Le sénateur Christmas : Monsieur Bergeron, vous avez parlé de la protection des sources d’eau. Quelles sortes de protections seront prévues, selon vous, dans le nouveau projet de loi afin de protéger les sources d’eau, étant donné que les sources d’eau qui approvisionnent les Premières Nations ne se trouvent pas toutes dans les terres des réserves? Il y a certainement des sources d’eau hors réserve. Comment peut-on protéger les sources d’eau des Premières Nations si celles-ci se trouvent hors réserve?

M. Bergeron : Merci. Vous posez une autre question très difficile.

Je ne veux pas trop m’avancer en ce qui concerne l’élaboration conjointe de la loi, parce que nous travaillons activement avec l’Assemblée des Premières Nations pour mettre sur pied un groupe de travail mixte qui sera chargé de l’élaboration et qui établirait un cadre législatif pour orienter la loi, et c’est exactement le genre de question auquel ce groupe de travail mixte devra répondre.

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur Bergeron.

La sénatrice Pate : Merci aux témoins.

Comme vous le savez certainement, l’année dernière, le Bureau du vérificateur général a établi qu’il fallait un cadre réglementaire pour veiller à ce que les collectivités autochtones bénéficient de protections adéquates relativement à l’eau potable — et comme vous l’avez dit, vous abrogez la loi qui existe présentement —, mais l’un des problèmes qu’elles ont soulignés, c’est que seulement 80 % des coûts que suppose le règlement des problèmes d’eau potable sont couverts présentement grâce aux négociations, et de nombreuses Premières Nations ont de la difficulté à obtenir de l’argent pour le 20 % restant. Je serais curieuse de savoir quels plans ont été mis en place pour s’assurer que ces décisions stratégiques garantissent l’accès à de l’eau potable salubre. Ce n’est pas tout d’avoir des espoirs et des rêves pour l’avenir, il faut que la situation soit réglée pour vrai, et que ce ne soit plus l’échec continu du gouvernement canadien.

Vous avez attesté le droit des Premières Nations et des peuples autochtones à intenter des poursuites en justice, et, même si cela semble être une bonne chose, d’un côté, de l’autre, cela veut dire que les peuples autochtones ont la responsabilité de régler un problème qui ne vient clairement pas d’eux. Je serais curieuse de savoir quelles mesures le gouvernement canadien a prises pour analyser le risque de poursuites futures, dans le cas où ce problème ne serait pas réglé de façon proactive, et quels en seraient les coûts, du point de vue humain, sanitaire et financier. Comme vous le savez, et mes collègues le savent aussi très bien, l’un des appels à la justice découlant de l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées était de régler de manière proactive bon nombre de ces problèmes, et c’était aussi un appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Je serais curieuse de savoir à quels égards nous allons, selon vous, vraiment agir proactivement, plutôt que de seulement réagir toujours aux difficultés signalées par les collectivités, qui n’ont pas les moyens financièrement de prendre ces mesures.

M. Bergeron : Merci. J’apprécie la question.

En ce qui concerne les litiges, je dirais que ce n’est peut-être pas nécessairement en dernier recours, mais le Canada fait tout ce qu’il peut pour éviter les litiges. C’est l’approche qu’a choisi de prendre Services aux Autochtones Canada, pour la relation de nation à nation.

Vous avez mentionné plusieurs choses, dont le 80 %. Je crois que vous vouliez parler des coûts d’exploitation et d’entretien dont il a été question dans l’audit fait par le Bureau du vérificateur général. Depuis, de nombreux budgets ont été accordés à Services aux Autochtones Canada, et la formule pour l’exploitation et l’entretien est passée de 80 % à 100 %; la formule a d’ailleurs été modernisée pour refléter les nouvelles réalités des collectivités des Premières Nations. D’ici 2025-2026, le financement accordé pour l’exploitation et l’entretien aura presque quadruplé. Services aux Autochtones Canada a très bien compris ce qui est ressorti de l’audit du BVG et ce qu’ont dit les Premières Nations.

Pour ce qui est du coût, c’est très difficile de se représenter ou même de prédire le coût humain associé aux litiges. Évidemment, on ne peut pas mettre un prix là-dessus. Ce que je peux dire, c’est que Services aux Autochtones Canada est prêt à travailler avec les Premières Nations pour que tous les avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable soient levés. Je dirais qu’il y a des initiatives en cours dans chacun des cas pour que nous puissions soutenir les Premières Nations et leurs décisions de lever les avis, et nous estimons qu’environ 40 % des avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable encore en vigueur seront levés d’ici septembre.

La sénatrice Pate : Merci. Si vous pouviez nous transmettre la documentation sur l’accroissement du financement, cela nous serait extrêmement utile. Merci beaucoup.

M. Bergeron : Merci.

Le président : S’il n’y a plus d’autres questions pour nos témoins, nous pouvons conclure cette partie de la séance. J’aimerais remercier M. Bergeron et Me Fairbairn d’avoir été avec nous aujourd’hui.

Nous poursuivons à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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