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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 5 octobre 2022

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 50 (HE), avec vidéoconférence, afin d’étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. J’aimerais commencer par souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je suis le sénateur micmac Brian Francis d’Epekwitk, aussi connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Avant de commencer notre réunion, j’aimerais présenter les membres qui participent aujourd’hui : le sénateur Arnot de la Saskatchewan, la sénatrice Boniface de l’Ontario, la sénatrice Coyle de la Nouvelle-Écosse, la sénatrice Lovelace Nicholas du Nouveau-Brunswick, la sénatrice Martin de la Colombie-Britannique, la sénatrice Pate de l’Ontario et le sénateur Dennis Patterson du Nunavut.

J’aimerais demander aux témoins qui se joignent à nous à distance de garder leurs microphones en sourdine en tout temps, à moins que je ne les nomme. Si vous rencontrez des difficultés techniques, veuillez utiliser la fonction de clavardage de Zoom pour nous en informer. J’aimerais également rappeler à tous que l’écran Zoom ne doit pas être copié, enregistré ou photographié. Cependant, les débats officiels peuvent être partagés sur le site Web de SenVu.

Aujourd’hui, nous sommes ici pour poursuivre notre étude de la mise en œuvre fédérale de la Loi sur le cannabis, également connue sous le nom de projet de loi C-45, en ce qui concerne les peuples autochtones au Canada. Cette loi a reçu la sanction royale en juin 2018.

Cela dit, j’aimerais présenter nos témoins. Nous accueillons aujourd’hui Tonya Perron, cheffe du Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke, et Ken Watts, conseiller principal élu de la Première Nation Tseshaht. Chaque témoin fera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes. Nous passerons ensuite à une série d’interventions d’environ cinq minutes par sénateur.

J’informerai les témoins lorsqu’il leur restera environ une minute de temps de parole. J’informerai également chaque personne lorsqu’il ne lui restera qu’une minute pour poser des questions ou obtenir des réponses, dans le cadre de ses cinq minutes de temps de parole.

Dans le cas où les témoins ne peuvent pas répondre complètement à une question, je les invite à envoyer une réponse écrite à la greffière avant le vendredi 4 novembre 2022.

Je vais maintenant inviter la cheffe Perron à faire son exposé.

Tonya Perron, cheffe, Conseil des Mohawks de Kahnawà:keMerci, monsieur le président. [mots prononcés en kanyen’kéha] Salutations. J’aimerais vous remercier tous de m’avoir invitée à comparaître devant le comité afin de présenter certaines de nos préoccupations et des répercussions que la Loi sur le cannabis a eues sur Kahnawà:ke en particulier.

La légalisation du cannabis au Canada par la promulgation de la Loi sur le cannabis visait à cerner et résoudre certains problèmes relatifs au marché illicite que le Canada affronte. Malheureusement, elle a eu un effet négatif sur Kahnawà:ke, en particulier, et sur les Premières Nations, en général. Au lieu de résoudre ces problèmes, la loi les a multipliés ou amplifiés.

Deux des objectifs de la Loi sur le cannabis étaient de protéger la sécurité et la santé publiques, ainsi que de permettre la création d’une « industrie diversifiée et concurrentielle ». Cette citation est tirée directement du rapport. Malheureusement, la loi n’a pas atteint ces objectifs dans ma collectivité de Kahnawà:ke. Je vais vous expliquer très rapidement pourquoi.

La loi a eu des répercussions importantes en matière de santé et de sécurité publiques sur notre territoire — tout cela sans aucun avantage économique. Contrairement à l’objectif de la loi — c’est-à-dire protéger les jeunes —, la légalisation du cannabis a en fait conduit à une normalisation ou à une déstigmatisation du produit, et elle a entraîné une augmentation de la consommation chez les jeunes de notre collectivité, en particulier en ce qui concerne les produits comestibles à base de cannabis. Comme ces produits ne sont pas vendus au Québec, cela a ouvert un marché en ce sens, un marché particulièrement ciblé sur les jeunes, semble-t-il. Il est très inquiétant de constater qu’un grand nombre de ces produits comestibles et d’autres produits contiennent en fait des cannabinoïdes synthétiques, ce qui accroît les risques pour la santé.

Comme je l’ai mentionné, un marché illicite est apparu dans nos collectivités, notamment en ce qui concerne les produits comestibles à base de cannabis, et il semble cibler les jeunes.

En ce qui concerne notre maintien de l’ordre, nos gardiens de la paix sont déjà sous-financés et en sous-effectif. Je crois qu’il y a actuellement 36 gardiens de la paix. Il nous en faudrait probablement 14 de plus pour couvrir l’ensemble du territoire. De 80 000 à 100 000 voitures traversent notre territoire chaque jour. À cela s’ajoutent les problèmes supplémentaires que nos forces de police rencontrent en raison de la légalisation du cannabis, comme la conduite avec facultés affaiblies. La conduite avec facultés affaiblies comporte désormais l’élément de l’affaiblissement des facultés par le cannabis, et nos forces de police ne disposent pas de tout l’équipement nécessaire pour gérer cela. De plus, ils reçoivent un nombre accru d’appels visant à signaler des incidents liés à la drogue et à des activités potentiellement illicites.

Nos gardiens de la paix ont également dû déployer plus d’efforts pour répondre aux pressions exercées par les membres de la collectivité en ce qui concerne la vente ou, mieux encore, l’absence de vente de cannabis dans la collectivité. À l’heure actuelle, il n’y a pas de dispensaire en activité à Kahnawà:ke. La collectivité exerce des pressions pour en avoir un, et les gardiens de la paix doivent s’impliquer dans cette affaire. Nous devons donc assumer des coûts pour une main-d’œuvre et des ressources supplémentaires.

La Loi sur le cannabis elle-même ne tient pas compte des droits des Premières Nations à l’autodétermination et de leur compétence, car elle ne prévoit pas la possibilité pour les Premières Nations de réglementer l’industrie en dehors des cadres législatifs fédéraux et provinciaux. Cela a conduit à certains des problèmes et des questions qui se posent. Nous essayons d’en prendre le contrôle du mieux que nous pouvons.

Nous avons effectivement conclu un protocole d’entente avec le Canada, et ce protocole est une réponse au manque de consultation et aux lacunes que nous avons constatées dans la loi. Malheureusement, le protocole d’entente a une portée très limitée; il porte essentiellement sur l’échange d’information entre Santé Canada et notre Régie du cannabis. C’est vraiment tout ce qu’il contient. Il n’aborde donc pas vraiment la question de la compétence ou quoi que ce soit d’autre.

Il n’y a pas d’industrie diversifiée ou concurrentielle à Kahnawà:ke, en particulier dans le domaine de la vente au détail. Le monopole de la vente au détail est détenu par la SQDC, la Société québécoise du cannabis — les dispensaires du Québec —, et le Québec a effectivement privé les Premières Nations de cette possibilité en vertu de l’article 62 de sa Loi encadrant le cannabis. La seule façon d’exercer légalement ces activités au Québec consisterait à négocier un accord avec la province.

À Kahnawà:ke, nous avons déployé des efforts pour contrer le marché illicite sur le territoire. Nous avons imposé un moratoire et créé notre propre loi, et nous disposons de notre Régie du cannabis. De plus, nous avons tenté à de nombreuses reprises de conclure une entente avec le Québec, mais en vain. Maintenant, la pression monte au sein de la collectivité, étant donné que ses membres n’ont aucun accès à ces débouchés économiques.

Donc, en fait, la situation à Kahnawà:ke est sans issue. Nous avons dû consacrer d’énormes ressources et efforts à la protection du public ainsi qu’à la protection et à la sécurisation de notre territoire, sans pour autant en retirer des avantages économiques.

Bien sûr, tout cela est également lié à un manque de financement et de ressources. Nous avons parlé avec les responsables de nos services communautaires, et ils ont dit qu’ils n’avaient pas reçu d’offre ou de ressources pour s’attaquer aux problèmes liés aux jeunes. Notre gardien de la paix en chef n’a pas reçu de fonds supplémentaires. Tout cela a été confirmé par les deux groupes.

Pour aller de l’avant, nous avons besoin d’un financement direct plus accessible. Nous en aurions besoin pour faire face aux fardeaux supplémentaires que cette mesure législative a fait peser sur notre collectivité.

Bien sûr, nous avons besoin de davantage d’éducation et de sensibilisation relatives au cannabis. Bon nombre de gens ne savent pas ce qui est légal et ce qui ne l’est pas, aussi étrange que cela puisse paraître. Souvent, vous parlez aux gens, et ils disent : « Le cannabis est maintenant légal ». Oui, il est légal d’en posséder une certaine quantité pour sa consommation personnelle, mais après cela, il y a encore des activités qui sont illégales. Une certaine confusion règne encore, ou peut-être est-ce le bonheur de l’ignorance pour certains. Mais il est certain que nous devons en faire davantage en matière de campagne de sensibilisation au cannabis. Il est absolument nécessaire de procéder à une réforme législative, en ce sens qu’il faut prévoir une exception dans la loi elle-même pour les Premières Nations qui veulent suivre la voie que certains empruntent en matière de réglementation — c’est-à-dire afin d’avoir un accès direct aux produits homologués par Santé Canada sur leur propre territoire et non par l’intermédiaire des provinces. Essentiellement, nous devons faire partie de la solution tout au long de l’examen de la loi et même bien au-delà.

Le président : Merci beaucoup, cheffe Perron. Nous allons maintenant inviter Wahmeesh Ken Watts à faire sa déclaration.

Wahmeesh Ken Watts, conseiller principal élu, Première Nation Tseshaht : Merci. [mots prononcés en langue autochtone]. Je m’appelle Wahmeesh. Mon nom anglais est Ken Watts. Je suis conseiller en chef élu de la Première Nation Tseshaht, à Port Alberni. Ma mère est Matilda Atleo, et mon père est feu George Watts.

La Première Nation Tseshaht compte plus de 1 200 membres. Nous sommes l’une des 14 nations membres du Conseil tribal Nuu-chah-nulth de la côte Ouest de l’île de Vancouver.

Je dois préciser que je représente également le groupe de travail sur le cannabis des Premières Nations de la Colombie-Britannique, au nom du Sommet des Premières Nations.

Je veux commencer par dire kleco au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones pour avoir entrepris l’étude et la mise en œuvre de la Loi sur le cannabis et pour m’avoir invité à faire un exposé à l’intention de vous tous. Je dis également kleco aux autres témoins, y compris M. Jule, pour avoir accepté mes remarques au sujet de sa garde-robe du fait que sa chemise et sa veste soient assorties aux miennes aujourd’hui. J’aimerais signaler que je suis ici sur le territoire de Tseshaht à Port Alberni, le long de la rivière Tsuma-as, qui se trouve derrière moi, et j’aimerais saluer les chefs, les matriarches, les sénateurs, le personnel et tous les survivants des pensionnats.

La Première Nation de Tseshaht a ouvert l’un des premiers magasins de vente au détail de cannabis qui appartiennent à des Autochtones et qui sont exploités par eux en Colombie-Britannique, avec une licence provinciale. La Première Nation de Tseshaht s’est engagée à jouer gentiment dans le bac à sable et à montrer que les nations et les gouvernements peuvent travailler ensemble, mais qu’en fin de compte, les réglementations et les lois gouvernementales, tant à l’échelle provinciale que fédérale, laissent tomber non seulement l’industrie, mais aussi les nations mêlées à cette industrie.

En Colombie-Britannique, il y a un marché noir et un marché gris, ainsi que ce que certains appellent un marché rouge : les nations autochtones affirment simplement leur titre et leurs droits au cannabis, y compris ceux de leurs propres membres.

À l’échelle fédérale, je pense que de nombreuses améliorations peuvent être apportées à la Loi sur le cannabis. Bon nombre des préoccupations que le comité a signalées dans son rapport de 2018 sur le projet de loi C-45 n’ont pas été prises en compte. Le Canada doit adhérer à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et au projet de loi C-15 et confirmer les droits des peuples autochtones qui leur permettent d’exercer leur compétence sur le cannabis, y compris en promulguant des lois et des règlements.

Au niveau de l’industrie, le Canada doit revoir les politiques et les lois en vigueur en matière de taxes, y compris la taxe d’accise, et il doit travailler avec les Premières Nations à l’élaboration d’un nouveau cadre fédéral. Le Canada doit réduire ses emballages et les restrictions qu’il impose en ce qui concerne le cannabis. Le Canada doit collaborer avec les Premières Nations pour assurer le financement des travaux liés à la santé, à la sécurité et à la gouvernance. Le Canada doit collaborer avec l’industrie en ce qui concerne la culture, la distribution, l’emballage et la vente au détail, ainsi qu’avec tous les autres acteurs de l’industrie, afin de réduire les formalités administratives, le fardeau lié à la reddition de comptes, les exigences en matière de licences et la publicité et de chercher d’autres améliorations à apporter à l’industrie.

Enfin, le Canada doit s’inspirer d’autres administrations, notamment l’État de Washington, l’État du Colorado et d’autres États et gouvernements dont le travail a été couronné de succès, afin de mettre en place une industrie du cannabis autorisée, abordable et rentable.

Quelqu’un m’a dit récemment que le gouvernement n’a rien à perdre et qu’il ne se soucie donc pas vraiment de la façon dont l’industrie se développe. Que l’industrie soit dominée par le marché noir, gris ou rouge, des cultures et des magasins de vente au détail prospères et autorisés ferment leurs portes à un rythme alarmant. Quelqu’un m’a dit un jour : « Ils s’en fichent vraiment. » Cela m’a interpellé.

Pourquoi une Première Nation se soumettrait-elle à un régime de licence de culture lié à la licence de culture fédérale, ou à un producteur ou un microcultivateur autorisé, ou pourquoi ouvrirait-elle un magasin de détail autorisé par la province, alors que des producteurs et des magasins autorisés ferment leurs portes partout au pays? Pourquoi ne pas simplement faire valoir vos droits et dire aux gouvernements de garder leurs licences?

Le Canada a la possibilité d’améliorer les choses en commençant par le sommet, c’est-à-dire la loi fédérale sur le cannabis. Cette loi a été adoptée à la hâte, et les gouvernements provinciaux se sont empressés d’adopter leurs propres lois et politiques. Mais ne vous y trompez pas, le Canada et les gouvernements provinciaux ratent la possibilité d’avoir une industrie potentiellement lucrative et une occasion de faire avancer la réconciliation de manière concrète.

Tseshaht, notre Première Nation, se trouve à la croisée des chemins. Très bientôt, les clients au détail pourront se rendre chez leur producteur de quartier ou dans un magasin sur les marchés noir, gris ou rouge et acheter un produit à la moitié du prix auquel il est offert dans notre magasin. En raison de nos coûts élevés, nous sommes obligés d’avoir une marge élevée juste pour survivre, mais nous sommes sur le point d’affirmer nos droits sur le cannabis à tous les niveaux.

Les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique peuvent sauver l’industrie et l’aider à prospérer grâce à la réconciliation économique, mais cela ne peut se produire avec le cannabis si les choses ne changent pas immédiatement. Tseshaht possède des titres et des droits ancestraux, y compris en ce qui concerne le cannabis. Nous n’avons pas peur d’exercer ces droits, tout comme nous l’avons fait pour la pêche.

Nous remercions le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones de nous avoir permis de lui parler de notre expérience. Espérons que cela conduira à des changements dans les lois et les politiques, tout d’abord au fédéral, dans la Loi sur le cannabis, puis dans les administrations provinciales, etc.

Je vais m’arrêter ici pour l’instant, afin de laisser du temps pour les questions. Encore une fois, au nom de Tseshaht, notre Première Nation qui se trouve sur la côte Ouest de l’île de Vancouver, nous remercions le comité sénatorial permanent de nous avoir permis de faire cet exposé et nous vous disons [mots prononcés en langue autochtone]. Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous remercie d’être avec nous. Je vais poser la même question que j’ai posée mardi. Croyez-vous qu’il serait utile que les médecins puissent prescrire du cannabis comme traitement plutôt que des médicaments? La question s’adresse à qui veut bien y répondre.

Mme Perron : Je ne pense pas posséder les compétences requises pour répondre à votre question, étant donné que je n’ai pas de connaissances médicales, médicinales ou médicinales traditionnelles. C’est une question qui s’adresserait sans doute au corps médical. Je peux toujours me renseigner et vous revenir avec une réponse. C’est une question certes importante à se poser, mais je ne suis assurément pas la bonne personne pour vous répondre. Je suis désolée.

Le président : Monsieur Watts, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Watts : Je vais répondre de même que je ne suis pas un professionnel de la santé. C’est une décision que je ne serais pas en mesure de prendre.

Je peux toutefois vous parler de ce que nous avons observé dans l’industrie, à tout le moins ici sur la côte Ouest de la Colombie-Britannique, à savoir que le nombre d’aînés et de personnes âgées qui vont dans un magasin autorisé dans la province est vraiment étonnant. C’est ce que nous avons observé chez notre clientèle. Je pense que les aînés, pas seulement chez les Tseshaht, mais aussi chez les Nuu-chah-nulth ou d’autres groupes autochtones et non autochtones, s’intéressent aux produits qui sont sûrs et sans danger.

Je ne peux pas vous dire si c’est une bonne chose de le prescrire; je vais laisser cela aux professionnels de la santé. Je dirais toutefois qu’il serait utile de mener des recherches sur son utilisation par les aînés, les personnes âgées et celles qui ont des problèmes de santé. C’est une constatation que nous avons trouvée fort intéressante.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie. J’ai trouvé les exposés des deux témoins très clairs et très convaincants. Je trouve vraiment inquiétant de voir que l’adoption à toute vapeur de la Loi sur le cannabis a laissé les Premières Nations à elles-mêmes, sans ressources et sans pouvoirs.

Je vois clairement ce qui se dégage des exposés de ces deux témoins, soit qu’ils aimeraient pouvoir contrôler ce qui se passe sur leurs terres. J’ai entendu parler des frustrations liées au monopole au Québec, et du fait qu’à Tseshaht, Port Alberni, le dispensaire autorisé par la province et ses règles entourant l’affichage et les prix ont fait croître, en fait, le marché illégal, ce qui va à l’encontre de l’objectif de la loi fédérale.

Je veux confirmer avec vous ce qui suit, et j’aimerais que chaque témoin réponde à la question. Recommandez-vous que nous formulions des recommandations fermes dans cette étude pour que l’on respecte la compétence des Premières Nations sur leurs terres et leurs peuples et que la loi soit modifiée de façon à respecter ce droit inhérent?

Le président : Madame Perron, aimeriez-vous commencer?

Mme Perron : Bien sûr. C’est exactement ce dont nous avons discuté à la table du conseil. Il faut absolument que l’on reconnaisse que nous devons exercer notre compétence sur nos terres et notre peuple. Il est clair que les choses ne fonctionnent pas actuellement, et c’est dû en partie au fait que nous ne pouvons pas exercer notre compétence de manière efficace.

On parle souvent du fait que même s’il y a peut-être eu des consultations avec les Premières Nations avant l’adoption de la loi, elles étaient soit insuffisantes soit totalement inadéquates. Je n’ai pas été en mesure de savoir quelles Premières Nations ont été consultées, mais je peux vous dire que Kahnawà:ke ne l’a pas été. Kahnawà:ke se trouve dans une situation géographique très particulière en raison de sa proximité avec Montréal. Comme je l’ai mentionné, en raison du nombre de véhicules qui passent sur notre territoire et du nombre de personnes de l’extérieur qui vont et viennent, nous avons vraiment besoin de gérer la situation de la meilleure façon possible pour notre communauté. Nous y habitons et nous savons ce que notre communauté veut et a besoin, et il n’y a rien de prévu à ce sujet dans la loi.

Comme je l’ai aussi mentionné, nous n’avons pas été en mesure, malheureusement, de faire des progrès dans nos discussions avec la province. Elles ont été entreprises en 2018, avant que je m’occupe des dossiers sur le cannabis. Il faut assurément que le fédéral s’implique plus directement avec les Premières Nations. Quand on laisse cela aux provinces — à tout le moins pour ce qui est de celle dans laquelle on se trouve, le Québec —, c’est assurément une source de problèmes pour nous.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie. Avons-nous le temps d’entendre la réponse de M. Watts?

M. Watts : Je vous remercie beaucoup de poser cette excellente question. Vous touchez au cœur du problème ici. Pour ce qui est de Tseshaht, nous pouvons vous parler de l’absence de consultations et de l’adoption à toute vapeur de la loi.

En ce qui concerne l’avenir, j’ai parlé dans mes observations de l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et du cadre que le Canada veut mettre en place pour sa mise en œuvre, de même que de l’article 35 concernant nos titres et droits ancestraux.

Le gouvernement fédéral a fait des progrès dans le transfert de compétences et de pouvoirs aux Premières Nations partout au pays. Je sais qu’il s’agit d’un cas unique, mais je pense, par exemple, à l’accord sur la compétence en matière d’éducation des Premières Nations en Colombie-Britannique, dans le cadre duquel les gouvernements fédéral et provincial ont pu travailler avec les Premières Nations sur un cadre pour appuyer la compétence des Premières Nations dans ce domaine. Je sais que nos frères et sœurs sur la côte Est ont pu en faire autant.

Nous avons aussi, ici en Colombie-Britannique, l’Autorité sanitaire des Premières Nations en matière de santé. Nous assumons la responsabilité de nos services de santé.

Je pense que nous avons un cadre et des façons de progresser en apprenant sans avoir à réinventer la roue. Je pense que la Loi sur le cannabis doit être modifiée pour que les Premières Nations puissent exercer leur compétence sur leurs terres et déterminer elles-mêmes leur façon de procéder. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones prévoit notamment qu’il revient à chaque nation de décider ce qu’elle veut faire. Je vous remercie de la question.

Le président : Je vous remercie, monsieur Watts.

La sénatrice Boniface : Je remercie nos deux témoins d’être avec nous. Je vais commencer par Mme Perron, si je peux me permettre. Je vous remercie de votre exposé qui était très utile. Je connais un peu votre communauté.

Pouvez-vous m’aider à comprendre le rôle de la Régie du cannabis de Kahnawà:ke, son mandat et ses responsabilités actuellement?

Mme Perron : La Régie du cannabis de Kahnawà:ke a été créée dans le cadre de notre loi sur le contrôle du cannabis.

La régie est composée de trois membres et d’un gestionnaire qui dirige le bureau. Elle est responsable de la réglementation de l’industrie, la délivrance, la suspension et la révocation des licences, la surveillance, les inspections — tout cela. Elle en est encore à ses premiers balbutiements. En raison d’un manque de ressources et de financement, on a eu du mal à la mettre en place complètement. Elle a toutefois commencé à délivrer des licences pour la production. Il n’y a pas encore de demandes de dispensaire pour les raisons mentionnées précédemment, mais la régie en assurera la surveillance, et elle sera responsable, comme je l’ai mentionné, des inspections. Cela ne relève donc plus du Conseil des Mohawks, mais de la régie, bien qu’un lien existe toujours pour ce qui est de la reddition de comptes.

La sénatrice Boniface : Comment interagit-elle, le cas échéant, avec le gouvernement du Québec?

Mme Perron : À l’heure actuellement, la régie n’interagit qu’avec Santé Canada.

La sénatrice Boniface : Santé Canada a un lien direct avec elle?

Mme Perron : Oui, et pour le moment, les interactions avec le gouvernement provincial se font au niveau politique par notre grand chef ou moi.

La sénatrice Boniface : Ai-je raison de penser qu’il n’y a pas de dispensaire actuellement à Kahnawà:ke?

Mme Perron : Il n’y a pas de dispensaire. Je devrais toutefois faire attention et dire qu’il n’y a pas de dispensaire autorisé. Je ne sais pas s’il en existe dont je ne suis pas au courant.

La sénatrice Boniface : Vous vous efforcez de vous assurer notamment que...

Mme Perron : ... tout le monde a une licence.

La sénatrice Boniface : Vous voulez avoir la capacité de contrôler le nombre de licences qui seront délivrées, n’est-ce pas?

Mme Perron : Oui, et nous avons limité leur nombre dans la loi à un maximum de trois pour le moment afin de pouvoir mener des recherches et des études sur les répercussions qu’aura ce nombre.

La sénatrice Boniface : Vous avez fait allusion à l’augmentation de la charge de travail de vos gardiens de la paix. Je suis convaincue qu’ils vous ont parlé de la difficulté de faire enquête et d’intenter des poursuites contre quelqu’un pour facultés affaiblies par la drogue, plus d’une drogue, ou une combinaison alcool-drogue.

Auriez-vous des statistiques que vous pourriez nous transmettre sur l’augmentation des cas au sein de votre communauté depuis l’entrée en vigueur de la loi?

Mme Perron : Je n’ai pas de statistiques, mais je peux certainement en parler au chef des gardiens de la paix. Je suis presque certaine qu’il tient des statistiques sur à peu près tout. Je sais que les gardiens manquent de formation en anglais, ce qui pose problème pour eux, et comme je l’ai mentionné, ils manquent d’équipement. Je crois savoir qu’on peut utiliser certains tests. Je ne sais pas à quel point ils sont fiables, mais je ne pense pas qu’ils disposent de beaucoup de ces tests.

Le président : Monsieur Watts, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. Watts : Pourriez-vous répéter la question à laquelle vous aimeriez que je réponde? Je suis désolé.

La sénatrice Boniface : Cela tombe bien, en fait, car je voulais passer à une autre question.

Vous avez fait allusion au marché noir, gris et rouge. Pourriez-vous préciser, pour ceux qui nous regardent, comment vous définissez chacun d’eux?

M. Watts : Oui. Je crois que les marchés noir et gris sont ceux qui n’ont pas de licence provinciale et fédérale pour la vente au détail. Pour ce qui est du marché rouge, je fais allusion aux Premières Nations qui revendiquent leurs titres et leurs droits de produire et de distribuer leur propre cannabis dans des magasins ou ailleurs, en ligne, ou par d’autres moyens. Il existe divers moyens de distribution dans la province. C’est la façon dont je peux le mieux décrire les marchés noir, gris et rouge.

La sénatrice Boniface : Vous avez parlé du Colorado et de Washington. Pourriez-vous nous indiquer les endroits où ils ont établi un dialogue direct avec les communautés autochtones qui a bien fonctionné?

M. Watts : Oui, mais je vais vous parler de façon générale de leurs marchés, et pas nécessairement des relations avec les peuples autochtones. Ils ont bien réussi à se donner une importante assiette fiscale, et ce, sans réglementer outre mesure les marchés. Je reviens toujours à l’exemple de l’emballage. Quand on achète un produit ici dans un magasin ayant une licence fédérale ou provinciale, il y a trois ou quatre couches d’emballage sur le produit. Dans l’État de Washington, il n’y a qu’une couche d’emballage. Voilà ce dont je parle, et ce n’est qu’un exemple. Je pense qu’on peut s’inspirer de ce que fait l’industrie dans d’autres régions où le cannabis est réglementé. Ce n’est pas précisément en lien avec les Autochtones, mais cela concerne l’industrie du cannabis dans son ensemble, qui ne doit pas être surréglementée. Il faut trouver le bon équilibre.

C’est pourquoi j’ai parlé du Colorado et de Washington. Comme beaucoup de gens le savent, ils ont réussi à mettre en place un processus de licences qui a généré des recettes importantes pour ces États.

Je vous remercie.

La sénatrice Boniface : Je vous remercie.

La sénatrice Pate : Je remercie nos témoins. Vous avez décrit des situations très différentes dans vos communautés, principalement en raison de la façon dont les provinces ont géré le dossier. J’aimerais savoir comment vous avez bâti, ou prévoyez bâtir, un modèle d’affaires pour tirer parti de l’industrie de la production du cannabis dans votre communauté, en y intégrant des volets social, économique, sanitaire et de bien-être pour tenir compte des enjeux liés à la toxicomanie et aux autres sources de préoccupation.

Ma deuxième question est la suivante : au sujet de l’annulation des dossiers, aide-t-on les membres de la communauté qui ont besoin de faire annuler un ancien dossier? Madame Perron, allez-y, et nous passerons ensuite à M. Watts.

Mme Perron : Je vous remercie de la question. Au sujet de l’industrie à Kahnawà:ke et de tous les éléments que vous avez mentionnés, notre loi sur le contrôle du cannabis prévoit la constitution de la Régie du cannabis, qui est chargée de la surveillance. Elle prévoit également la constitution du comité de santé et sécurité qui est chargé de surveiller les répercussions de la loi et de l’industrie sur la santé et la sécurité de notre communauté. Le comité est composé de représentants de différents organismes, soit la sécurité publique, les services sociaux et l’hôpital. Ils sont censés présenter des recommandations à la régie au sujet des modifications qui devraient être apportées à la réglementation, ou même à la loi, de même que, bien entendu, des recommandations aux organismes mêmes. Prenons l’exemple dont j’ai parlé au sujet des jeunes. Si on constate des problèmes de ce côté, alors, bien entendu, les services sociaux au sein de la communauté en seront informés.

Nous avons aussi intégré dans la loi une contribution communautaire obligatoire qui exige de chaque industrie — chaque entreprise autorisée —, qu’il s’agisse de production, de transformation ou d’un dispensaire, qu’elle verse une contribution communautaire obligatoire d’un certain montant. Je crois qu’elle équivaut à 0,5 % la première année pour atteindre progressivement 2,5 %, après cinq ans. Nous avons donc pris en compte le démarrage, puis la croissance.

Nous espérons qu’en ayant tous ces éléments intégrés dans la loi, nous serons à même d’équilibrer les avantages économiques — la production de recettes pour la communauté — tout en veillant à assurer la santé et la sécurité de la population et à pallier, le cas échéant, le sous-financement des services.

Je pense que c’était votre première question, n’est-ce pas? Je vais devoir vous demander de répéter votre deuxième question, et je m’en excuse.

La sénatrice Pate : La question portait sur les dispositions qui sont prises pour annuler les dossiers liés au cannabis.

Mme Perron : J’étais avocate criminaliste dans ma précédente vie, alors oui, je suis au fait du nombre de personnes qui ont des dossiers criminels pour possession simple. Je ne pense pas que des efforts ont été déployés au sein de la communauté par un organisme ou un groupe indépendant pour aider ces gens. C’est une excellente question. Je m’occupe également du portefeuille de la justice à Kahnawà:ke pour le conseil. Je vais me pencher sur la question, car je pense que c’est important, en particulier pour ceux qui ont un dossier pour possession simple.

La sénatrice Pate : Je vous remercie.

M. Watts : Je vous remercie. En ce qui concerne Tseshaht, nous sommes vraiment fiers de ce qui se fait ici en Colombie-Britannique. L’Autorité sanitaire des Premières Nations a fait un excellent travail de sensibilisation auprès de nos gens sur tous les sujets, pas seulement sur le cannabis, et sur tout ce qu’elle est en mesure de faire. Nous nous en remettons beaucoup à elle. Bien évidemment, il faudra toujours plus de ressources pour sensibiliser non seulement nos citoyens, mais l’ensemble de la population en Colombie-Britannique, au sujet du cannabis.

Au sujet des possibilités d’investissements, je pense qu’on peut difficilement demander à une entreprise qui en arrache d’investir dans l’éducation quand elle ne génère pas les profits requis en raison de divers règlements, du coût élevé du produit et de la domination du marché par d’autres acteurs. Je trouve intéressant que vous posiez cette question, car lorsque nous en avons discuté au sein de la communauté, c’est notre communauté qui a décidé de participer à cette industrie. Nous avions des engagements et diffusions l’information sur la santé, et nous avions toujours cette préoccupation sous-jacente au sujet des répercussions sociales et sanitaires au sein de la communauté. Toutefois, j’ai la conviction que le magasin n’a pas eu de répercussions négatives. Comme je l’ai mentionné, une bonne partie de notre clientèle est composée de personnes âgées ou d’aînés de diverses Premières Nations. C’est en partie la raison. Je crois que la question n’a jamais été soulevée, car l’augmentation de l’activité, des problèmes sociaux ou de santé n’a jamais vraiment été un problème dans notre communauté.

Au sujet de votre deuxième question concernant les dossiers, notre nation ne s’en est pas nécessairement occupée. Je dirais que du point de vue de la réglementation, ici en Colombie-Britannique, la somme de travail qu’il faut pour obtenir une licence de vente au détail est colossale. C’est en fait plus de travail que d’ouvrir un magasin où l’on vend de l’alcool. C’est ce qui me prouve que quelque chose cloche avec la réglementation. La vérification des antécédents qu’on effectue au fédéral pour la production, puis au provincial pour la vente au détail est déjà très poussée.

Je pense qu’il faut revoir ces vérifications tant au fédéral qu’au provincial. Au sujet des dossiers personnels, ce n’est pas vraiment un problème que nous avons rencontré, même si je suis convaincu qu’il y a du travail à faire de ce côté. Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Je remercie nos deux témoins d’être avec nous ce soir. Vous dites que la compétence est un problème vraiment important pour vous deux, et nous l’avons entendu dire maintes fois de la part de certains de nos collègues. Nous avons adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones l’an dernier, soit trois ans après que la Loi sur le cannabis a été adoptée. La Loi sur le cannabis a été adoptée avec une foule de bonnes intentions, mais la déclaration n’avait pas été adoptée. Elle l’est maintenant. Elle a été adoptée et elle est en cours de mise en œuvre. Je serais curieuse que vous nous disiez tous les deux en quoi la loi sur la Déclaration des Nations unies — par son existence maintenant — vous aidera, le cas échéant, dans les dossiers qui touchent le cannabis au sein de vos communautés. Est-ce qu’elle sera utile? Si oui, de quelles façons?

Il serait intéressant et utile pour nous de le savoir, car, naturellement, le comité a examiné ces deux lois, et nous entendons des commentaires qui nous font réfléchir aux liens entre les deux. J’aimerais donc vous entendre, en commençant par vous, madame Perron, si vous le voulez bien.

Mme Perron : D’accord. Merci.

C’est une question très difficile, étant donné — et je vais faire très attention à la façon dont je m’exprime — que Kahnawà:ke se trouve dans la province du Québec. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones n’a pas la même importance que dans le reste de l’île de la Tortue, le reste du Canada. Nous avons de la difficulté, me semble-t-il, à faire en sorte que le Québec reconnaisse pleinement la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones par le Québec et accepte de la mettre en œuvre. Comme je l’ai dit, je veux faire très attention à la façon dont je m’exprime, mais je ne suis pas tout à fait sûre que les choses iront aussi loin dans la province du Québec que dans le reste du Canada. Pour l’instant, je vais probablement en rester là pour ne pas...

La sénatrice Coyle : Dans le cadre de cet examen législatif, nous devrons donc nous pencher sérieusement sur les particularités des communautés comme Kahnawà:ke qui se trouvent dans la zone géographique de la province du Québec.

Mme Perron : Oui. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés diffèrent assurément de ceux des autres provinces, compte tenu du statut du Québec.

La sénatrice Coyle : Il s’agit donc de l’une des particularités que nous devons veiller à examiner.

Mme Perron : Oui. Tout à fait.

La sénatrice Coyle : Votre réponse est très utile. Monsieur le conseiller principal, souhaitez-vous formuler un commentaire à ce sujet?

M. Watts : Oui, merci. Dans notre province, nous disposons également d’une législation provinciale sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, mais c’est vraiment au fruit qu’on juge l’arbre, faute d’une meilleure expression. Le citoyen moyen n’a pas vraiment perçu la réussite de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je comprends la vision à long terme et les possibilités qu’elle offre tant au niveau fédéral que provincial, mais ces mots doivent être mis en pratique.

L’élément principal est l’alignement sur les lois qui doivent suivre la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Voilà le point essentiel. Il ne s’agit pas seulement du consentement libre, préalable et éclairé. De nombreuses autres parties de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones doivent être pleinement mises en œuvre. J’ai bon espoir, mais il s’agit selon moi d’un objectif à long terme. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones va exiger un certain travail. Je pense que l’article 35 confère déjà le pouvoir de conclure ce type d’ententes de partage des compétences avec les provinces. Comme je l’ai déjà dit, cela s’est déjà fait dans le domaine de l’éducation ici en Colombie-Britannique et dans d’autres régions du pays. Je crois encore qu’il est possible de le faire.

Ici, en Colombie-Britannique, nous avons également une loi provinciale intitulée Cannabis Control and Licensing Act. L’article 119 de cette loi permet à la province de conclure des ententes avec les Premières Nations ou les nations autochtones, mais on ne lui accorde toujours pas le poids nécessaire pour assurer une compétence et une autorité pleines. Encore une fois, je pense que cela doit se faire directement dans la loi.

Donc, oui, je soutiens la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la législation fédérale, mais la pleine mise en œuvre prendra un certain temps. Si nous cherchons à atteindre des objectifs à court et moyen termes, nous devons envisager d’autres possibilités et la création d’une législation ou l’apport de certains amendements à la Loi sur le cannabis en vigueur. Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : J’aimerais juste vérifier. Nous avons entendu tous vos témoignages, mais c’est l’occasion pour chacun d’entre vous de dire : « D’accord, cet examen législatif de la Loi sur le cannabis va être mené. » Quels sont, de votre point de vue, les domaines que nous devrons absolument aborder dans le cadre de cet examen? Pourriez-vous simplement les nommer?

Mme Perron : La priorité absolue du Conseil Mohawk de Kahnawà:ke est de prévoir, dans le cadre de l’examen législatif, une exception pour que les Premières Nations n’aient pas besoin de passer par la province ou de conclure une entente avec elle. Je pense que nous avons prouvé que nous avions les capacités nécessaires. Tout le monde ne les a peut-être pas. Cette solution ne convient pas à toutes les Premières Nations du Canada. Elles n’ont pas toutes les ressources, la capacité, les fonds, l’emplacement ou autre. Mais certaines nations, comme la nôtre, souhaitent avoir la capacité d’établir leurs propres lois et règlements, à l’intérieur de leurs frontières et pour leur peuple. Pour ce faire, des exceptions doivent être prévues directement dans la Loi sur le cannabis, et elle n’en contient pas.

Nous pensons que... Je ne dis pas qu’il s’agit d’une solution magique à tous les problèmes, mais c’est la clé. Du moins, la clé tournerait ainsi dans la bonne direction dans la serrure.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup. Souhaitez-vous intervenir, monsieur le conseiller principal?

M. Watts : Merci. Pour la Première Nation Tseshaht également, la compétence et l’autorité sont au cœur de la question. Nous aimerions que l’on crée cet espace dans les amendements à la Loi.

J’appuie les commentaires de mon amie. Chaque nation est différente. La réalité ici, en Colombie-Britannique, n’est pas la même que celle de l’Ontario ou de la Saskatchewan. Ces relations sont uniques. Toutes les nations ne s’intéressent pas à la culture ou à la vente au détail du cannabis, mais nous devons commencer par leur offrir cette possibilité. Si nous voulons établir une véritable relation de gouvernement à gouvernement entre nous et la Couronne, on doit effectivement commencer avec cette Loi sur le cannabis. Ces compétences doivent être inscrites dans la Loi, mais cette dernière doit également prévoir un espace pour des ententes uniques. Les ententes ne peuvent pas toutes se ressembler, car chaque nation a ses propres souhaits et priorités. Comme je l’ai dit, si nous voulons mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, nous devons respecter les différences de ces nations; nous ne sommes pas tous pareils. Je pense effectivement que les principaux amendements pour les nations autochtones et leur relation avec la Couronne et la Loi sur le cannabis devront porter sur la compétence et l’autorité. Je vous remercie.

La sénatrice Martin : Merci à nos témoins d’aujourd’hui. Cheffe Perron, je pense que mes questions s’adressent davantage à vous. Dans votre témoignage, vous avez abordé plusieurs préoccupations clés que j’ai relevées lors de l’examen de la Loi sur le cannabis. L’une d’entre elles concernait les produits comestibles. Ils allaient être légalisés dans l’année suivant l’adoption de la loi, et nous avions quelques questions à ce sujet. Vous avez mentionné que ce sujet est devenu une préoccupation croissante, en particulier chez les jeunes. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Vous avez également parlé de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis. Je me souviens que j’étais à la table, que j’essayais de comprendre les appareils utilisés, mais qu’il fallait avoir une formation spéciale. Il n’y avait déjà pas assez d’appareils. Il y avait également des questions au sujet de leur précision.

Vous avez dit que la priorité pour vous était le droit d’établir des lois et des règlements, mais vous avez mentionné la question de l’application de la loi. Je me demande, sans cela, j’ai l’impression qu’il y aura toujours des problèmes majeurs avec les lois et tout ce que vous ferez. Pourriez-vous nous parler un peu de la question de l’application de la loi et peut-être nous éclairer davantage sur les préoccupations liées aux produits comestibles et à la conduite avec facultés affaiblies? Merci.

Mme Perron : En ce qui concerne les produits comestibles, ces derniers sont légaux en vertu de la législation fédérale. Il appartient à chaque province de déterminer si les produits comestibles seront disponibles ou non sur son territoire.

Je ne veux pas dire que ce sont les produits comestibles qui posent problème. Au Québec, le problème est qu’il n’y a pas de produits comestibles disponibles légalement, c’est-à-dire des produits comestibles fabriqués dans des installations autorisées et inspectées, et pour lesquels il existe au moins ces mesures de sécurité. Je ne suis pas en train d’encourager la consommation de produits comestibles par qui que ce soit, mais si le produit doit être là, légal et disponible, ce doit être un produit sûr. À l’heure actuelle, ce n’est pas le cas au Québec parce que ces produits ne sont pas acceptés. Ils ne sont pas des produits acceptables.

Je pense que cette situation contribue à une grande partie des problèmes que nous constatons chez les jeunes de notre collectivité et à l’accès à ces produits comestibles dangereux.

Évidemment, ce sont des jeunes. Ils se procureront même probablement des produits comestibles légaux et sûrs s’ils sont disponibles. Encore une fois, je n’encourage pas leur consommation, mais, au moins, ces produits ne contiendront pas de cannabis synthétique. C’est une question de santé. C’est le moindre des deux maux. Que pouvons-nous faire?

En ce qui concerne le maintien de l’ordre, l’application de la loi est très difficile à assurer pour nos forces de l’ordre, et ce pour toutes les raisons que j’ai mentionnées. L’une d’elles concerne plus particulièrement la conduite avec facultés affaiblies, car, comme vous l’avez mentionné, il est très difficile de déterminer si les facultés d’une personne sont affaiblies par l’alcool ou par une drogue.

De nombreuses formations ont été mises en place à cet effet, mais il y a un manque de formation en anglais. C’est un problème récurrent au sein des forces de l’ordre de notre collectivité : la disponibilité de la formation en anglais. Je crois que la formation de base est offerte en Saskatchewan, car il n’y a pas de cours offert en anglais au Québec.

Il n’y a pas que la formation qui pose problème. Toute la communication au sujet du cannabis, des répercussions et de Sécurité publique Canada... il y a là aussi un manque de communication parce que, dans le reste du pays, c’est la GRC, et au Québec, c’est la Sûreté du Québec, la police provinciale. Dans notre collectivité, nous avons une force de police légitime et reconnue, mais il n’y a pas de voies de communication directes avec Sécurité publique. Habituellement, la communication passe par la GRC ou la Sûreté du Québec dans notre province.

Cela entraîne d’autres problèmes pour l’application de la loi. Je pense que nous devons améliorer la communication et reconnaître que notre force de police est la force de police légitime sur notre territoire et qu’elle a besoin de ce financement supplémentaire. Tout est une question de financement et de ressources. Les forces de police ne peuvent pas assurer l’application de la loi sans ce financement et ces ressources supplémentaires. Comme je l’ai mentionné, le nombre d’agents de police est insuffisant; il en faudrait environ 14 de plus pour appliquer la loi, mais aussi pour effectuer toutes les tâches supplémentaires qu’ils doivent accomplir en rapport avec le cannabis et autres.

C’est un sujet pour notre chef gardien de la paix. Il connaît la situation. Je crois qu’il fait le nécessaire pour essayer de résoudre ce problème et qu’il va continuer de le faire. Nous avons, bien sûr, le chef du Conseil Mohawk, qui est responsable de la sécurité publique. Nous avons un chef pour cela. On a donc déjà abordé la question. Nous essayons réellement d’obtenir de l’aide dans ce domaine.

La sénatrice Martin : Ces conversations seront très importantes pour assurer l’application de la loi, pour contrôler ce qui se passe dans votre collectivité.

Mme Perron : Oui, et j’ai mentionné que, la Loi sur le contrôle du cannabis prévoit des inspecteurs qui assureraient en partie l’application de la Loi sur le contrôle du cannabis une fois qu’elle aura été pleinement mise en œuvre. Nous avons eu une conversation avec nos forces de l’ordre sur la façon dont ils assureront l’application de notre loi et de la législation pénale — les règles d’application générale — qui s’appliquent toujours.

La sénatrice Martin : Merci.

Le président : Merci. Le temps alloué à ce groupe de témoins est maintenant écoulé. Je tiens à remercier nos témoins de s’être réunis avec nous aujourd’hui.

Pour notre prochain groupe de témoins, nous accueillons Manny Jules, commissaire en chef, de la Commission de la fiscalité des Premières Nations, et David Joe, gestionnaire des opérations, de la Première Nation Maiwpukek.

Chaque témoin aura environ cinq minutes pour prononcer ces observations liminaires. Nous passerons ensuite à une séance de questions et réponses d’environ cinq minutes par sénateur. Je préviendrai les témoins lorsqu’il leur restera une minute de temps de parole, et je préviendrai également l’ensemble des participants lorsqu’il restera une minute pour la période de cinq minutes réservée aux questions et réponses.

Si les témoins ne sont pas en mesure de répondre pleinement à une question, je les invite à envoyer une réponse écrite à la greffière avant le vendredi 4 novembre 2022.

J’invite maintenant M. Jules à formuler ses observations.

Manny Jules, commissaire en chef, Commission de la fiscalité des Premières Nations : Honorables sénateurs, bonsoir. Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner devant ce comité dans le cadre de votre examen des répercussions de la législation sur le cannabis au Canada.

En 2018, j’ai comparu deux fois devant ce comité pour proposer des modifications à la Loi sur le cannabis, pour qu’elle rende compte de la compétence fiscale et réglementaire des Premières Nations relativement au cannabis. Il y a quatre ans, je vous ai dit que la décision du gouvernement fédéral de priver les Premières Nations de leur compétence fiscale relativement au cannabis entraînera des pertes de revenus importantes pour tous les gouvernements. Elle nuira à notre capacité à mettre en place un système de réglementation qui protège les enfants. Elle nuira aux normes relatives aux produits et à la santé, et ces résultats ne servent l’intérêt de personne.

Malheureusement, ce fut le seul comité parlementaire chargé d’étudier la loi initiale sur le cannabis à tenir compte de cet avertissement, à soutenir notre travail et à proposer des modifications. En juin 2018, grâce au travail et au soutien de ce comité, la ministre de la Santé et la ministre des Services aux Autochtones se sont engagées à travailler avec la Commission de la fiscalité des Premières Nations et les Premières Nations intéressées sur le partage des revenus du cannabis et les ententes de compétence en matière de réglementation fiscale.

Nous avons depuis réussi à apporter quelques changements, mais il reste encore beaucoup de travail à faire pour concrétiser l’engagement relatif à notre compétence en matière de cannabis, que nous avons obtenu avec votre soutien en 2018. Voici un résumé du travail que nous avons accompli depuis :

Tout d’abord, depuis 2018, la Commission de la fiscalité des Premières Nations discute avec des fonctionnaires du ministère des Finances du Canada de la compétence fiscale en matière de cannabis. Nous leur avons présenté des propositions visant à rendre compte de la compétence des Premières Nations en matière de taxe de vente fédérale sur le cannabis vendu sur nos terres. Nous avons présenté des propositions visant à donner aux Premières Nations la compétence en matière de taxe d’accise sur le cannabis produit, distribué et vendu sur nos terres.

Je suis heureux d’annoncer qu’en 2021, notre proposition sur la compétence en matière de taxe de vente fédérale a été acceptée. Le ministère des Finances du Canada travaille à la création d’une taxe de vente sur le carburant, l’alcool, le cannabis et le tabac pour les Premières Nations intéressées. Cette question a été mentionnée dans les budgets de 2021 et de 2022.

La Commission de la fiscalité des Premières Nations travaille en étroite collaboration avec les représentants du ministère des Finances du Canada, pour que les Premières Nations intéressées disposent du soutien institutionnel et des capacités nécessaires pour mettre en œuvre cette compétence de manière efficace lorsqu’elles choisissent de le faire. Cette taxe de vente doit être inscrite dans la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, afin que les Premières Nations puissent optimiser ses avantages pour leur collectivité tout en garantissant les normes les plus élevées de transparence et de responsabilité envers leurs membres.

Grâce à votre soutien continu, nous espérons que les modifications législatives requises pour créer le champ de compétences nécessaire pour la taxe sur les ventes de cannabis seront introduites l’année prochaine dans la Loi sur la gestion financière des Premières Nations.

Deuxièmement, la Commission de la fiscalité des Premières Nations a travaillé avec les Premières Nations et les organismes des Premières Nations promoteurs en 2018 et 2019 pour élaborer une proposition en sept étapes visant à mettre en œuvre la compétence fiscale et réglementaire des Premières Nations en matière de cannabis. Ces sept étapes sont les suivantes : un, le caractère facultatif pour les Premières Nations; deux, la compétence réglementaire des Premières Nations en matière de cannabis; trois, la compétence fiscale des Premières Nations en matière de cannabis; quatre, la création d’entrepôts de distribution du cannabis dans les Premières Nations; cinq, un timbre fiscal des Premières Nations pour le cannabis; six, le soutien institutionnel pour la compétence des Premières Nations en matière de cannabis; et sept, des quotas de licences pour les Premières Nations.

En décembre 2019, l’ensemble de cette proposition à sept étapes ainsi que les lois et les modifications nécessaires pour la mettre en œuvre ont été soutenus par une résolution de l’Assemblée des Premières Nations. Je vous enverrai bientôt de plus amples renseignements sur cette proposition exhaustive de compétence des Premières Nations en matière de cannabis et sur les changements législatifs qui devront être apportés pour la créer.

Comme le sait ce comité, la réconciliation liée à l’économie et aux compétences ne se fera que grâce à des propositions législatives facultatives formulées par les Premières Nations, qui reconnaissent nos droits et titres au sein de la fédération.

Je suis ici aujourd’hui pour demander à ce comité de continuer de soutenir notre travail, notre champ de compétence et nos propositions législatives. Il y a quatre ans, vous nous avez appuyés, et je pense que nous avons obtenu gain de cause. Nous nous sommes rangés du bon côté de l’histoire.

Si le gouvernement avait écouté ce comité il y a quatre ans, les revenus publics dérivés au cannabis auraient été plus élevés, la consommation de cannabis chez les jeunes aurait diminué et les normes de santé publique liées au cannabis auraient été plus élevées.

Je suis ravi de travailler de nouveau avec vous pour concrétiser ce que mon père disait toujours, c’est-à-dire que les droits l’emportent.

Merci beaucoup.

Le président : Merci, monsieur Jules. J’invite maintenant David Joe à formuler ses observations.

David Joe, gestionnaire des opérations, Premières Nations Maiwpukek : Je m’appelle David Joe, et je suis situé le plus à l’est possible, au milieu de l’Atlantique Nord.

Notre organisme, Maiwpukek First Nations, a lancé le processus lorsque le gouvernement fédéral a annoncé qu’il allait légaliser l’industrie du cannabis. Cela s’est répercuté dans les provinces et... [Difficultés techniques]

Le président : Nous allons maintenant commencer la série de questions et réponses. J’invite la sénatrice Coyle à poser la première question, puis elle sera suivie du sénateur Patterson.

La sénatrice Coyle : Merci, monsieur Jules et monsieur Joe, d’être avec nous.

J’aimerais vous poser deux questions, monsieur Jules, et elles viennent du sénateur Dan Christmas : pourriez-vous nous fournir un peu plus de précisions sur la proposition en sept étapes de la Commission de la fiscalité des Premières Nations relative à la compétence en matière de cannabis? Vous y avez fait référence dans vos observations liminaires. Vous avez énuméré les sept étapes, mais nous n’avons pas vraiment de précisions à ce sujet. Si vous êtes en mesure de nous fournir un peu plus de précisions à ce stade, nous vous en serions reconnaissants.

M. Jules : Merci beaucoup pour votre question.

La première partie, d’abord, est le caractère facultatif. Nous proposons un système de réglementation fiscale qui serait facultatif pour les Premières Nations, ce qui signifie qu’elles feraient elles-mêmes ce choix.

Deux, la compétence réglementaire : la Loi sur le cannabis doit être modifiée pour appuyer un cadre de réglementation du cannabis propre aux Premières Nations, qui soutienne les objectifs de ces dernières.

Trois, la compétence fiscale : la taxe de vente est un bon début, mais nous devons percevoir les taxes d’accise, comme les gouvernements provinciaux, selon une formule convenue. Les Premières Nations qui mettent en œuvre la taxe de vente devraient également percevoir les recettes de la taxe d’accise. Ces compétences fiscales en matière de cannabis et autres devraient figurer dans la Loi sur la gestion financière des Premières Nations et être soutenues par la Commission de la fiscalité des Premières Nations. Encore une fois, la raison pour laquelle nous faisons cette proposition est que les Premières Nations pourraient ainsi tirer parti de ces revenus par l’intermédiaire de l’Autorité financière des Premières Nations pour aller sur le marché international des obligations et emprunter de l’argent, tout comme les banques ordinaires.

Quatre, les entrepôts de distribution de cannabis des Premières Nations : les Premières Nations participantes pourraient fournir des produits du cannabis à un système d’entrepôts de distribution du cannabis qui serait propre aux Premières Nations et qui pourrait être coordonné avec les systèmes de distribution provinciaux.

Cinq, le timbre fiscal des Premières Nations sur le cannabis : tout comme les timbres provinciaux utilisés pour les produits du cannabis, les Premières Nations devraient avoir un timbre distinct pour le cannabis. Plus que tout autre élément de notre proposition, il s’agirait d’une démonstration de la réconciliation et de la volonté d’enfin donner à nos gouvernements leur place au sein de la fédération.

Plus précisément, cela permettrait aux Premières Nations d’avoir le même statut, c’est-à-dire qu’elles auraient un timbre comme les gouvernements provinciaux et territoriaux, ce qui, je pense, représente l’essence même du développement de ce que j’appelle la « réconciliation économique ».

La sixième étape est le soutien institutionnel aux Premières Nations. Les Premières Nations auront besoin d’un soutien institutionnel pour les systèmes fiscaux et réglementaires, ainsi que les systèmes de contrôle de la qualité et de suivi des revenus liés au cannabis. La Commission de la fiscalité des Premières Nations, ou CFPN, pourrait soutenir la compétence fiscale des Premières Nations en matière de cannabis, mais il faudrait une loi pour créer un cadre institutionnel des Premières Nations pour la compétence réglementaire en matière de cannabis. Il devrait y avoir un organisme de réglementation autonome qui s’occuperait de la compétence des Premières Nations.

La septième étape vise les quotas de permis des Premières Nations, à l’échelon fédéral et à l’échelon provincial. Votre comité a appuyé la proposition des Premières Nations selon laquelle une proportion de 20 % de la production de cannabis devrait être réservée aux producteurs des Premières Nations. Cette recommandation devrait être mise en œuvre.

Voilà, en résumé, ma proposition. Je donnerai des réponses plus détaillées à cet égard.

Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, l’Assemblée des Premières Nations a adopté des résolutions précises pour traiter ces propositions, et des efforts en ce sens devraient également être déployés dans le cadre de vos études et de vos travaux.

Le président : Je vous remercie, monsieur Jules.

Le sénateur Patterson : Monsieur le commissaire en chef, c’est un plaisir de vous revoir. Je dois dire que votre rapport positif sur les progrès réalisés depuis que nous avons travaillé ensemble en 2018 m’encourage beaucoup.

J’aimerais aborder deux éléments avec vous. Tout d’abord, en ce qui concerne la proposition de taxe de vente sur le carburant, l’alcool, le tabac et le cannabis qui a été acceptée par Finances Canada, sans doute grâce à vos efforts soutenus auprès du ministère, je comprends que cela nécessitera des modifications législatives. Pouvez-vous nous dire où se trouvent ces modifications et comment nous pouvons appuyer leur adoption par le Parlement?

M. Jules : Nous discutons avec le ministère des Finances en ce moment même. Nous espérons que des modifications législatives seront présentées cet automne et qu’elles seront adoptées, bien entendu, le plus rapidement possible. Mais tout soutien de votre comité, sénateur Patterson, permettrait d’accélérer l’adoption de ces modifications.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie.

M. Jules : De plus, nous proposons que la taxe d’accise soit une composante importante de la taxe sur le CATC, afin que les Premières Nations puissent obtenir l’équivalent de ce que les gouvernements provinciaux perçoivent grâce au partage de la formule de calcul de la taxe d’accise avec les gouvernements provinciaux. À l’heure actuelle, nous en sommes exclus.

Le sénateur Patterson : D’accord. Ces modifications immédiates viseraient aussi la taxe d’accise. Je suis heureux de l’entendre.

En ce qui concerne la deuxième étape de la proposition en sept étapes, c’est-à-dire celle qui consisterait à accorder la compétence réglementaire et fiscale, je suis heureux de voir qu’elle a été bien élaborée par vos bons offices. Je tiens à vous faire savoir que le comité a reçu un rapport de Santé Canada, daté du 22 septembre 2022, dans lequel le ministère résume son engagement auprès des Premières Nations, des Inuits et des Métis relativement à la Loi sur le cannabis et ses répercussions.

En ce qui concerne la compétence, le rapport indique qu’à l’heure actuelle, les Premières Nations, les Inuits et les Métis n’ont pas la possibilité de prendre le contrôle en vertu de la Loi sur le cannabis, mais le rapport précise ceci:

Au contraire, par le biais d’autres lois et autorités établies telles que la Loi sur les Indiens, la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, les traités modernes et les accords d’autonomie gouvernementale, ou des autorités municipales, les Premières Nations, les Inuits et les Métis peuvent créer des règles ou des exigences supplémentaires pour les activités liées au cannabis, par exemple règlements de zonage, dans leurs collectivités.

Ce paragraphe ne mentionne même pas la Loi sur la gestion financière des Premières Nations.

Dois-je comprendre que vous proposez des modifications à la Loi sur le cannabis qui accorderaient des pouvoirs en vertu de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations plutôt qu’une approche fragmentaire consistant à traiter avec la Loi sur les Indiens ou la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations? Veuillez nous décrire la formule législative simple que vous avez prévue pour mettre en œuvre votre proposition en sept étapes, s’il vous plaît.

M. Jules : À cette étape du processus, pour ainsi dire, il faudrait coordonner tous les organismes pour avoir des mécanismes d’application. Le Conseil consultatif des terres continuerait à participer pour la même raison qui a été énoncée, soit les règlements de zonage. Le zonage permettrait ainsi de contrôler l’emplacement des dispensaires. À l’heure actuelle, de nombreuses collectivités doivent faire face au fait que des personnes installent des dispensaires à proximité de terrains de jeu, d’établissements pour personnes âgées, etc. Les mécanismes de zonage permettraient donc de gérer de telles situations.

Nous proposons d’inclure la Loi sur la gestion financière des Premières Nations, ou LGFPN, dans la modification en raison de l’expertise que nous avons créée pour traiter les questions fiscales et pour permettre aux Premières Nations d’utiliser les recettes fiscales. Un peu plus tôt, un sénateur a demandé quels types d’établissements nous seraient utiles. Eh bien, nous sommes en train de créer un Institut des infrastructures des Premières Nations. Par l’entremise de cet organisme, nous serions en mesure de gérer des établissements de soins de santé, des établissements de soins et d’autres types d’établissements, grâce à la mise en commun des ressources et des approches pour résoudre ces enjeux.

J’envisage la création d’un organisme national pour faciliter ce processus, mais cet organisme devrait englober le Conseil consultatif des terres, la Loi sur la gestion financière des Premières Nations et, puisque de nombreuses collectivités sont encore régies par la Loi sur les Indiens, il faudrait apporter des modifications auxiliaires à cette loi pour régler certains enjeux.

Cela soulève également des questions intéressantes. Le Conseil consultatif des terres a organisé une conférence nationale sur les questions d’application. C’est un enjeu très important pour les Premières Nations. On a pu le constater lorsqu’un meurtre a été commis dans une collectivité de la Saskatchewan et que les Premières Nations n’ont eu aucunement la capacité de faire respecter leurs propres lois, qu’il s’agisse d’activités traditionnelles ou criminelles, au sein de leur collectivité. Pour une raison ou une autre, la police est réticente à venir faire respecter les lois des Premières Nations et, au bout du compte, la GRC a manifestement l’obligation de rendre des comptes au ministre de la Justice, David Lametti. Il faut donc se pencher sur cette question.

À plus long terme, quel est le tribunal compétent lorsqu’il s’agit de ces questions d’application? Est-ce que ce sont les tribunaux provinciaux? Est-ce la Cour fédérale? De façon générale, la Cour fédérale n’a ni l’expertise ni la capacité nécessaire pour s’occuper de la multitude de lois qui doivent être traitées. L’application de la loi dépasse la portée de la seule Loi sur le cannabis. En effet, on doit tenir compte d’un large éventail de questions liées à l’application, aux lois et à l’uniformisation pour les Premières Nations.

Le sénateur Patterson : C’est une proposition très intéressante, monsieur le commissaire en chef.

Notre étude est conçue, nous l’espérons, pour aider à éclairer l’examen législatif fédéral. Je vous demanderais donc de nous donner le plus de détails possible sur ce qui, d’après ce que je comprends maintenant, constituerait une approche très complète et holistique de la question de la compétence, qui représente une préoccupation très importante chez les représentants autochtones que nous avons entendus aujourd’hui. Nous vous serions reconnaissants de nous faire part de votre vision et, pour ma part, j’imagine que le comité lui accordera sa confiance et son soutien. Je vous remercie.

M. Jules : Je vous remercie, sénateur. J’aimerais ajouter que je ne suis pas du tout surpris par le fait que Santé Canada nous exclut de sa vision pour l’avenir. Ce ministère a exclu les Premières Nations et leur compétence dans la première série de modifications législatives. Nous rédigerons un rapport complet que le Sénat pourra examiner.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie.

La sénatrice Boniface : Bienvenue, monsieur le commissaire en chef. Votre proposition m’intéresse beaucoup. Je pense que le sénateur Patterson a déjà posé certaines de mes questions.

J’aimerais éclaircir deux ou trois points, afin de m’assurer d’avoir bien compris. Dans la deuxième étape de votre proposition en sept étapes, c’est-à-dire la compétence réglementaire, est-ce que cela reviendrait à retirer complètement la province de la compétence? Est-ce bien votre proposition?

M. Jules : C’est exact. Il doit y avoir un organisme de réglementation national, tout comme la Commission de la fiscalité des Premières Nations, qui examine et qui peut traiter la multitude d’approches différentes que les Premières Nations souhaitent adopter pour atteindre leurs objectifs. Ce n’est pas possible dans le cadre législatif actuel. Il faudrait prévoir un cadre législatif très précis que les Premières Nations pourraient remplir elles-mêmes. Il faudrait ensuite créer un organisme national qui aiderait à uniformiser le tout, afin qu’il soit plus facile aux Premières Nations d’élaborer des lois.

La sénatrice Boniface : Je vous remercie beaucoup. Envisagez-vous le soutien institutionnel dans le contexte des enjeux liés à la toxicomanie ou aux effets du cannabis sur les collectivités, par l’entremise de recherches, d’études, et cetera? Envisagez-vous cet élément dans ce contexte?

M. Jules : Oui, certainement. Quand on commence à parler de ce domaine de compétence très important, il faut être en mesure d’examiner tous les éléments. À l’heure actuelle, une grande partie de ce travail se fait, et se fera, par l’entremise du ministère de la Santé. Je propose plutôt que les Premières Nations disposent du fondement institutionnel et des ressources nécessaires pour mener elles-mêmes ce genre d’études.

Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Autorité sanitaire des Premières Nations de la Colombie-Britannique. Nous examinons la possibilité de construire un certain nombre d’édifices par l’entremise de l’Institut des infrastructures des Premières Nations. Ce projet pourrait s’étendre à l’ensemble du pays.

Il n’y a aucune raison de ne pas libérer notre imagination pour accorder aux Premières Nations la même liberté de pensée que celle dont profitent maintenant les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral.

La sénatrice Boniface : Je pense que vous en avez parlé brièvement dans votre déclaration préliminaire, mais je m’attends à ce que vous examiniez aussi comment vos besoins en matière de services de police communautaires peuvent être comblés par une partie de ce projet, étant donné que vous tentez de renforcer les capacités, tant sur le plan économique que sur le plan de la sécurité publique.

M. Jules : Oui, certainement. Encore une fois, cela correspond à la réunion qui aura lieu à l’échelon national et qui portera sur l’application de la loi. Manifestement, lorsqu’on a ce genre de discussion, on doit parler des services de police. Il faudra adopter une multitude d’approches différentes, car certaines collectivités ont conclu des ententes avec la GRC et d’autres ont un service de police tribal. Il faut donc être en mesure d’examiner tout cela dans les moindres détails et de formuler des recommandations, car il ne s’agit pas seulement d’aborder des questions liées au cannabis, mais aussi une série d’autres questions.

La sénatrice Boniface : C’est formidable. Je vous remercie beaucoup. Je vous souhaite beaucoup de succès dans ces démarches.

M. Jules : Je vous remercie.

Le sénateur Arnot : Monsieur Jules, j’aimerais que vous formuliez un commentaire. Il me semble que vous avez, au cours des trois dernières années, négocié un certain mouvement ou un changement au sein du ministère des Finances. Selon vous, qu’est-ce qui a précipité ce changement? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

Vous avez précisé que les autres ministères n’évoluaient pas nécessairement dans la même direction ou au même rythme que le ministère des Finances. Êtes-vous persuadé que le ministère des Finances continuera d’adopter une approche plus coopérative?

J’aimerais également faire un commentaire. J’ai l’impression que vous faites la promotion d’un modèle de gouvernement des Premières Nations qui s’appuierait sur un cadre pancanadien pour le gouvernement des Premières Nations. J’espère que vous obtiendrez une réponse positive du gouvernement fédéral.

Je m’en tiendrai à ces deux ou trois observations. J’aimerais réellement savoir comment vous envisagez l’avenir et j’aimerais savoir si vous pouvez continuer à obtenir le type de coopération dont vous avez besoin pour que le gouvernement fédéral reconnaisse la compétence des Premières Nations en temps opportun. D’une certaine façon, trois ans, c’est une longue période de négociation. J’espère que ce que vous dîtes, c’est que notre comité pourrait peut-être accélérer ce changement ou accélérer la mise en œuvre de la gouvernance des Premières Nations dans ces domaines.

M. Jules : Sénateur, nous n’aurions pas réalisé les progrès que nous avons réalisés avec le ministère des Finances du Canada sans le soutien robuste que vous nous avez accordé dès le début. C’est grâce à ce soutien que nous avons pu dire au ministère des Finances que nous avions l’appui du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Cela se fondait sur un modèle d’exercice des compétences. J’utilise le mot Taksis pour les taxes, et cela s’écrit T-A-K-S-I-S. C’est notre orthographe chinook, c’est-à-dire l’orthographe que nous utilisons dans notre langue commerciale traditionnelle dans le Nord-Ouest du Pacifique. Nous nous appuyons sur quatre piliers différents. Premièrement, nous prenons soin les uns des autres. Deuxièmement, nous nous entraidons. Troisièmement, nous ne nous montrons pas avares les uns avec les autres. Quatrièmement, nous ne sommes pas jaloux les uns des autres.

Lorsqu’on combine tous ces éléments de cette compétence, cela signifie que lorsque nous assumons ces responsabilités, nous le faisons avec un niveau de soins et de considération qui se reflétera dans chacune des collectivités individuelles. La compétence n’appartiendrait pas à l’organisme national, car elle appartiendrait toujours à la collectivité individuelle. Toutefois, l’organisme national pourrait proposer différents scénarios qui pourraient être utilisés dans une collectivité individuelle.

L’une des choses que j’ai apprises dans le cadre de mon expérience à titre de président de la Commission de la fiscalité des Premières Nations, c’est que nous devons examiner chacun des gouvernements provinciaux. Nous pouvons proposer un modèle fondé sur leur modèle provincial, mais nous l’adaptons aux besoins propres de chaque collectivité. C’est un élément primordial dans la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Par l’entremise de notre propre réglementation, nous pouvons démontrer, non seulement à nous-mêmes, mais aussi au reste du pays, que nous pouvons mettre sur pied des institutions nationales avec intégrité, transparence et responsabilité et que nous pouvons mettre en commun nos ressources par l’entremise d’un fonds gouvernemental pour être en mesure, au bout du compte, de financer des études scientifiques et de mener nos propres analyses sur les produits du cannabis.

Le sénateur Arnot : Je pense que vous êtes sur la bonne voie. Je suis heureux de constater que vous travaillez sur ce dossier et que les choses avancent bien avec le ministère des Finances du Canada. Espérons que les ministères de la Santé et de la Justice lui emboîteront le pas, car tout autre comportement irait à l’encontre de la réconciliation.

Il est tout à fait passionnant de voir un modèle de gouvernance des Premières Nations qui pourrait servir de cadre à l’ensemble du Canada. Je vous remercie de m’avoir conseillé. Je suis nouveau au sein du comité, et je ne connais donc pas toutes les questions de fond, mais je suis très impressionné par ce que j’entends ce soir.

M. Jules : Je vous remercie de vos bons mots. Nous avons besoin de votre soutien. Vous êtes la chambre du second examen objectif pour vous assurer que le gouvernement est sur la bonne voie. Comme nous l’avons dit, pendant la première série de discussions, on était entièrement à côté de la plaque en excluant les gouvernements des Premières Nations. Nous devrons maintenant faire du rattrapage après trois ans.

Le sénateur Arnot : Merci.

La sénatrice Coyle : Monsieur le commissaire en chef, j’ai une autre question du sénateur Dan Christmas. Je pense que vous avez dit que c’est votre père qui disait que les droits l’emportent. Pouvez-vous en dire plus sur ce que vous avez prédit plus tôt, à savoir qu’à défaut de créer un champ de compétence des Premières Nations pour le cannabis, la légalisation de la substance contribuera à de mauvais résultats stratégiques? Pouvez-vous en dire plus long là-dessus?

M. Jules : Nous savons très bien ce qui s’est produit, ne serait-ce qu’en écoutant les témoignages ce soir. Des enfants mangent des produits comestibles contaminés. Pendant mes déplacements partout au pays au cours des trois dernières années, j’ai entendu parler de différents cas où du fentanyl a été mis dans divers produits, car il n’y a aucune surveillance.

Nous avons des situations de ce genre parce que le gouvernement fédéral a exclu les gouvernements des Premières Nations d’entrée de jeu.

Il est évident que les gouvernements des Premières Nations veulent faire partie de l’industrie. Nous avons des entrepreneurs qui veulent faire partie de l’« industrie verte », de l’ensemencement à la vente. Au bout du compte, la seule façon d’y parvenir, c’est en créant des institutions pour favoriser la transition.

Nous avons notamment encouragé les Premières Nations — et elles le font couramment maintenant — à utiliser la Gazette des Premières Nations pour annoncer publiquement leurs lois sur le cannabis. C’est un des domaines dans lequel nos efforts ont connu le plus de succès. Nous encourageons les Premières Nations à codifier leurs lois et à les annoncer publiquement dans la Gazette des Premières Nations. Ces efforts ont connu beaucoup de succès.

Sur le plan de la santé, il est évident que les Premières Nations ont besoin de ressources adéquates pour s’attaquer au problème de la dépendance. L’un des aspects les plus importants — comme on peut le voir à l’époque de la COVID —, c’est que le cannabis n’a évidemment pas contribué à une grande partie des décès. Il y a plus de surdoses de fentanyl dans nos collectivités. Il faut donc des ressources pour s’attaquer directement à ce problème.

C’est seulement à l’échelle locale qu’on peut commencer à s’attaquer au problème, mais des programmes nationaux sont nécessaires pour être en mesure de faciliter ces démarches.

La sénatrice Coyle : Merci.

La sénatrice Pate : Merci encore pour vos exposés.

On a déjà posé presque toutes les questions que je voulais poser, mais pour revenir à votre dernière intervention, pouvez-vous dire quelle est la prochaine étape selon vous?

De nombreux dirigeants des Premières Nations et dirigeants autochtones à qui j’ai eu le privilège de parler sont vraiment impatients de voir une réforme du droit autochtone, la mise en œuvre de lois autochtones, notamment lorsque nous parlons de l’incarcération massive d’Autochtones.

Je me demande juste si vous voulez ajouter quelque chose sur les changements à apporter. Je sais que c’est un énorme dossier, et c’est lié au cannabis, puisque nous parlons d’éliminer certaines peines minimales obligatoires, mais pas toutes. Je me demande juste si vous voulez vous exprimer à ce sujet.

M. Jules : Eh bien, c’est une question sur laquelle je me penche depuis de nombreuses années. J’ai une relation de travail avec le juge en chef de la Cour fédérale. Au moment d’examiner ce genre de système judiciaire, il faut songer à des modifications législatives. Nous n’avons tout simplement pas les ressources nécessaires pour le faire.

Lorsqu’on examine des dossiers comme la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le rôle que doivent jouer les Premières Nations au sein de la famille canadienne, il faut examiner systématiquement tous ces aspects de la question. Pour ce qui est de l’application de la loi, c’est en partie un problème judiciaire, un problème de maintien de l’ordre et un problème lié aux régimes réglementaires nécessaires pour agir à l’échelle locale. Ensuite, quand on commence à s’attaquer à tous ces problèmes... Comme vous l’avez dit, c’est un péché que d’avoir autant de membres des Premières Nations dans le système carcéral, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, de jeunes ou non.

Pour moi, c’est au cœur de la réconciliation économique. Sans la base économique nécessaire pour créer nos propres économies et élaborer nos propres programmes, je suis d’avis que les programmes en engendrent d’autres. À long terme, ils ne règlent pas un grand nombre des problèmes qu’ils sont censés régler. Si les Premières Nations avaient les moyens économiques, si nous pouvions profiter des produits de la terre... Pour vous donner une idée des mesures que je propose, pour chaque dollar perçu dans les réserves, les gouvernements provinciaux et fédéral en perçoivent sept; ce déséquilibre doit être corrigé.

Ensuite, quand on regarde les ressources, on constate que nous avons encore une économie fondée sur les ressources. Pour favoriser cela, ce que je propose, c’est une redevance sur les ressources des Premières Nations, un pourcentage de toutes les ressources exploitées sur nos terres traditionnelles et visées par un traité. Cela contribuerait grandement à la résolution d’une grande partie des revendications territoriales en suspens partout au pays. Une formule pourrait être utilisée dans l’intérêt non seulement des gouvernements provinciaux, mais aussi du gouvernement fédéral tout en donnant des moyens aux Premières Nations pour qu’elles commencent à s’attaquer à des questions comme les préoccupations environnementales et les problèmes d’incarcération, et pour que nous le fassions nous-mêmes.

Le comble de l’ironie selon moi, entre autres choses, c’est que le seul partenariat public-privé au pays soit avec la réserve d’Osoyoos, pour la construction d’une prison provinciale.

Le président : Monsieur Jules, sénatrice Pate, merci. C’est tout le temps que nous avions pour ce groupe de témoins. Je remercie les témoins de s’être joints à nous aujourd’hui.

Nous allons maintenant suspendre brièvement la séance pour pouvoir passer à la partie à huis clos de notre réunion.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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