LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 19 octobre 2022
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 46 (HE), par vidéoconférence, afin d’étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, j’aimerais commencer par souligner que nous sommes rassemblés sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe, dont la présence ici remonte à des temps immémoriaux.
Je suis le sénateur micmac Brian Francis d’Epekwitk, aussi connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
J’aimerais souhaiter la bienvenue aux sénateurs qui participent à la réunion d’aujourd’hui : le sénateur Arnot, de la Saskatchewan; la sénatrice Boniface, de l’Ontario; la sénatrice Coyle, de la Nouvelle-Écosse; la sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Patterson, du Nunavut; et la sénatrice Martin, de la Colombie-Britannique.
Avant de commencer notre réunion, j’aimerais demander aux témoins qui sont avec nous virtuellement de bien vouloir garder leur microphone en sourdine en tout temps, sauf si je leur donne la parole. Si vous éprouvez des difficultés techniques, veuillez en aviser la greffière ou le président dès que possible. J’aimerais aussi rappeler à tout le monde qu’il est interdit de copier, d’enregistrer ou de photographier votre écran Zoom. Les délibérations officielles seront cependant diffusées sur le site Web SenVu.
Dans le cadre de notre étude sur la mise en œuvre fédérale de la Loi sur le cannabis en ce qui concerne les Autochtones, nous entendrons aujourd’hui plusieurs fonctionnaires de divers ministères. La réunion sera divisée en trois parties.
J’aimerais maintenant présenter le premier groupe de témoins. Nous accueillons le Dr Evan Adams, médecin en chef adjoint de la santé publique, Bureau du directeur général de la population et de la santé publique, Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, Services aux Autochtones Canada. Nous recevons également Jack Glick, conseiller principal des politiques, Politique d’accise, Direction de la politique de l’impôt, et Brent Almond, directeur, Section de la politique fiscale autochtone, Direction de la politique de l’impôt, tous deux de Finances Canada.
Les représentants de chaque ministère auront environ cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite à la période de questions, qui sera d’environ cinq minutes par sénateur. Comme nous avons plusieurs témoins et que le temps est limité, je demande à chacun d’être aussi précis et aussi bref que possible.
Pour éviter d’avoir à interrompre quelqu’un, je ferai un signal pour indiquer aux témoins et aux sénateurs qu’il leur reste une minute. Si un témoin n’a pas le temps de terminer de répondre à une question, je lui demande d’envoyer la réponse par écrit à la greffière avant le vendredi 4 novembre 2022.
J’invite maintenant le Dr Adams à nous faire sa déclaration préliminaire.
Dr Evan Adams, médecin en chef adjoint de la santé publique, Bureau du directeur général de la population et de la santé publique, Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, Services aux Autochtones Canada :
Monsieur le président, honorables sénateurs, bonsoir et merci de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui.
J’aimerais commencer par souligner que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Mes observations d’aujourd’hui sont fondées sur mon expérience. Je témoigne à la fois en tant que médecin en chef adjoint de la santé publique à Services aux Autochtones Canada et en tant que médecin auprès de la Première Nation Tla’amin, située à environ 150 kilomètres de la ville de Vancouver.
Services aux Autochtones Canada, ou SAC, travaille en collaboration avec des partenaires pour améliorer l’accès des Premières Nations, des Inuits et des Métis à des services de santé de qualité. Notre vision consiste à aider les peuples autochtones à offrir de façon autonome des services de santé et à améliorer les conditions socioéconomiques de leurs communautés.
SAC s’appuie sur deux documents clés produits par des partenaires autochtones, à savoir le Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations et la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits. Ces deux documents présentent une approche holistique en matière de santé mentale et de bien-être, approche qui est ancrée dans la culture autochtone et qui tient compte des déterminants de la santé propres aux Autochtones.
Les représentants de Santé Canada ont collaboré efficacement avec les dirigeants et les organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis afin de leur communiquer des renseignements sur l’examen législatif et de recueillir leurs commentaires sur la façon dont les Premières Nations devraient participer aux efforts dans le dossier du cannabis. Pour les dirigeants, les organisations et les membres des communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, les discussions sur la légalisation du cannabis, du point de vue de la santé, sont intimement liées à des questions plus générales comme l’autodétermination, la réconciliation et le développement économique et communautaire.
Pour mettre en œuvre avec succès son approche concernant la légalisation du cannabis, le gouvernement doit s’engager à travailler constamment en partenariat avec les gouvernements et les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
En ce qui a trait aux données, il existe des lacunes dans les données sur la santé relativement à la consommation de cannabis chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis au cours de la période suivant la légalisation du cannabis. Il est important de reconnaître les lacunes dans les données sur la santé, parce que cela masque les inégalités et réduit la possibilité d’élaborer des politiques efficaces pour contrer les iniquités socioéconomiques et en matière de santé. En somme, nous ne voyons pas la réalité à cause du manque de données.
Toutefois, l’Enquête régionale sur la santé des Premières Nations, ou ERS, menée par le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, fournit des renseignements essentiels sur les tendances en matière de consommation de cannabis et les effets associés à cette consommation au cours de la période précédant l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis — des tendances qui peuvent être ventilées par âge et qui peuvent nous donner une idée de l’utilisation et du risque.
L’ERS a révélé que le cannabis était l’une des substances en vente libre les plus fréquemment déclarées par les adultes des Premières Nations, âgés de 18 ans ou plus. Environ 30 % des adultes des Premières Nations ont indiqué avoir consommé du cannabis au cours de l’année écoulée et 12 % d’entre eux ont affirmé en consommer quotidiennement ou presque.
Il est également important de reconnaître qu’il existe des disparités importantes et une surreprésentation systémique des Autochtones dans le système de justice pénale. Des études universitaires ont montré que les Autochtones sont largement surreprésentés parmi les personnes arrêtées pour possession de cannabis.
À l’avenir, le programme de recherche sur le cannabis et la santé mentale dans les communautés autochtones doit être dirigé par les communautés elles-mêmes, en partenariat avec des intervenants du milieu de la recherche.
En ce qui concerne l’éducation et la sensibilisation du public, les questions portant sur l’autodétermination — par exemple, les pouvoirs législatifs dans les réserves —, les débouchés économiques liés au cannabis, l’octroi de licences, et cetera, ne relèvent pas de mon ministère, car ces questions n’ont que des effets minimes sur la santé.
Pour répondre aux besoins des peuples autochtones, il est nécessaire d’adopter une approche de sensibilisation aux dangers du cannabis qui soit taillée sur mesure, adaptée à la culture et à la langue, et fondée sur l’application des connaissances. Une telle approche permettra aux communautés autochtones de passer d’une réaction fondée sur la peur à une approche fondée sur les forces pour la réduction des méfaits liés au cannabis.
SAC aide les organisations et les communautés autochtones à élaborer et à offrir des ressources sur la consommation de substances qui visent à prévenir et à traiter la toxicomanie dans les communautés des Premières Nations et des Inuits, comme les campagnes Soar Above Stigma et We Matter et les nombreux programmes de formation élaborés par la Thunderbird Partnership Foundation.
Comme on l’a déjà signalé au comité, le gouvernement a également pris des mesures pour veiller à ce que les renseignements essentiels sur la légalisation et la réglementation du cannabis et ses effets sur la santé soient traduits dans les langues autochtones. J’ai énuméré ici certaines de ces langues, dont l’inuktitut, l’ojibwé et l’oji-cri, pour ne citer que quelques exemples.
Les Premières Nations, les Métis et les Inuits du Canada sont victimes d’inégalités sociales et sanitaires plus importantes, ce qui entraîne un risque disproportionné de conséquences négatives pour la santé, notamment des taux plus élevés de consommation problématique de substances et des résultats moins bons associés aux troubles de toxicomanie. Ces inégalités découlent des effets intergénérationnels du colonialisme, du racisme, des expériences vécues dans les pensionnats et d’autres politiques discriminatoires.
Il est important de reconnaître que les taux plus élevés de consommation problématique de substances ne sont pas caractéristiques de la culture, mais plutôt le résultat du racisme et des inégalités systémiques.
Dans le réseau des centres de traitement financés par le gouvernement fédéral pour les Premières Nations et les Inuits, le cannabis figure constamment parmi les trois principales substances pour lesquelles les clients, adultes et jeunes, demandent un traitement. SAC reconnaît que la consommation de cannabis est un problème permanent. C’est pourquoi les programmes de traitement de la toxicomanie et de suivi en ont tenu compte et continueront d’en tenir compte. Je vous remercie.
Jack Glick, conseiller principal des politiques, Politique d’accise, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant le comité ce soir.
Comme le comité le sait pertinemment, le 17 octobre 2018, l’accès au cannabis à des fins non médicales est devenu légal au Canada. Dans le cadre du budget de 2018, à la suite de consultations publiques tenues en 2017, le gouvernement a instauré un nouveau cadre fédéral du droit d’accise sur les produits du cannabis en vertu de la Loi de 2001 sur l’accise. Tous les cultivateurs et fabricants de cannabis au Canada doivent obtenir une licence d’accise sur le cannabis de l’Agence du revenu du Canada et verser les droits d’accise sur les produits du cannabis, s’il y a lieu.
Le cadre du droit d’accise s’applique généralement aux produits du cannabis qui contiennent du tétrahydrocannabinol, ou THC, le principal composé psychoactif du cannabis. Toutefois, les produits pharmaceutiques approuvés par Santé Canada ayant un numéro d’identification de drogue, ou DIN, et qui sont dérivés du cannabis et peuvent être acquis seulement sur ordonnance ne sont pas assujettis au droit d’accise.
Dans le cadre de taxation, le gouvernement fédéral a conclu des accords de coordination de la taxation du cannabis, ou ACTC, avec la plupart des gouvernements provinciaux et territoriaux — tous sauf le Manitoba — afin d’aider à réduire le fardeau administratif des producteurs par l’intermédiaire d’un régime fédéral unique.
Les taux des droits d’accise sur les produits du cannabis séché sont habituellement de 1 $ le gramme. Les recettes provenant de ce droit d’accise sont réparties selon un ratio de 75-25, soit 75 % des droits aux gouvernements provinciaux et territoriaux, et les 25 % qui restent au gouvernement fédéral. En pratique, le cadre de coordination prévoit l’application d’un droit d’accise fédéral et un droit d’accise additionnel relativement aux provinces et territoires participants.
Le budget de 2019 a instauré une nouvelle taxe sur les produits comestibles, les extraits, y compris les huiles, et les produits topiques du cannabis, fondée sur la quantité totale de THC contenue dans un produit. Les droits d’accise sur ces produits dits « cannabis 2.0 » correspondent à un taux fédéral-provincial-territorial combiné de 0,01 $ par milligramme de THC total, qui est assujetti au même ratio de répartition des recettes de 75-25 avec les provinces et les territoires participants.
Les plus récents changements au cadre des droits d’accise ont été annoncés dans le budget de 2022. Ces mesures visaient à simplifier, à renforcer et à adapter divers aspects opérationnels du cadre de taxation, notamment en permettant des versements trimestriels plutôt que mensuels des droits d’accise pour certains titulaires de licence de cannabis, à compter du trimestre qui a débuté le 1er avril 2022.
Enfin, le cadre fédéral et le régime de taxation coordonné ont contribué à la réalisation des objectifs de légalisation du cannabis. En effet, le marché légal représentait près de 70 % des ventes au deuxième trimestre de 2022.
Je cède maintenant la parole à mon collègue, qui se spécialise dans la politique fiscale autochtone.
Brent Almond, directeur, Section de la politique fiscale autochtone, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de m’avoir invité à comparaître ce soir devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
[Français]
Bonsoir et merci de me donner l’occasion de comparaître devant le comité ce soir.
[Traduction]
Je tiens d’abord à reconnaître le rôle important que jouent la compétence fiscale autochtone et les ententes de partage pour contribuer à l’établissement de nouvelles relations fiscales de nation à nation.
Le gouvernement s’est engagé à négocier des arrangements fiscaux avec les gouvernements autochtones afin de générer des recettes pour appuyer leurs priorités communautaires et faire progresser l’autodétermination.
Le ministère des Finances travaille en étroite collaboration avec Santé Canada et il lui arrive de participer aux tables de discussion organisées par Santé Canada à l’intention de communautés autochtones individuelles, en particulier les Mohawks de Kahnawake ainsi que la Première Nation Nekaneet en Saskatchewan.
À la suite du rapport sur le projet de loi C-45 que le comité a publié en 2018, le gouvernement s’est engagé à consulter les gouvernements autochtones intéressés au sujet de l’élaboration d’un nouveau cadre de taxe de vente axé sur quatre produits : le carburant, l’alcool, le cannabis et le tabac. Nous appelons cette proposition de cadre d’imposition pour les taxes de vente sur ces quatre produits la taxe de vente CACT.
L’engagement de travailler avec les gouvernements autochtones à l’élaboration d’un nouveau cadre de taxe de vente était en partie motivé par le vif intérêt exprimé par les gouvernements autochtones et les Premières Nations à générer des recettes à même le nouveau marché réglementé du cannabis.
À l’été 2022, le ministère des Finances a lancé un processus de collaboration et de consultation axé sur la conception d’éléments du cadre en partenariat avec les gouvernements et organismes autochtones.
Je suis heureux d’annoncer que la phase initiale du processus de consultation est maintenant bien lancée et que nous sommes en bonne voie de trouver des partenaires clés qui souhaitent travailler à l’élaboration d’un nouveau cadre de la taxe de vente sur le carburant, l’alcool, le cannabis et le tabac pour les communautés autochtones intéressées.
En particulier, nous travaillons en étroite collaboration avec la Commission de la fiscalité des premières nations, dirigée par la commissaire en chef Manny Jules, afin de discuter de leurs points de vue sur la conception des éléments clés du cadre et pour faciliter la participation directe des Premières Nations qui le souhaitent.
J’aimerais également reconnaître qu’un nouveau cadre de taxe de vente CACT viendrait compléter les arrangements fiscaux autochtones existants qui sont déjà disponibles et qui ont été mis en place avec quelque 61 Premières Nations et gouvernements autochtones d’un peu partout au Canada. Il s’agit d’arrangements relatifs à la taxe sur les produits et services et d’autres types d’arrangements, comme les arrangements relatifs à l’impôt sur le revenu des particuliers des Premières Nations avec les groupes autonomes, ainsi que de nombreux régimes d’imposition des biens immobiliers.
Ces régimes, comme les ententes sur la taxe sur les produits et services des Premières Nations et les régimes d’imposition foncière, offrent déjà des approches permettant aux gouvernements autochtones de générer des recettes fiscales à partir des activités réglementées liées au cannabis.
Le ministère des Finances Canada est résolu à continuer de collaborer avec les gouvernements autochtones pour atteindre ses objectifs communs, à savoir favoriser la création de recettes grâce à des arrangements de compétence fiscale, des ententes qui peuvent répondre aux intérêts de toutes les parties.
Je vous remercie. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci.
Nous allons maintenant commencer la période des questions.
Le sénateur Patterson : Monsieur Almond, je vous remercie de votre témoignage.
Vous savez probablement que nous avons entendu Manny Jules et obtenu une évaluation très optimiste de son travail auprès de votre ministère, chose que vous avez confirmée dans votre exposé.
Vous êtes au beau milieu de cette démarche d’engagement. Quelles sont les prochaines étapes? Que pouvons-nous espérer comme contribution à la concrétisation de cela? Des mesures législatives seront-elles nécessaires? Comment cela se réalisera-t-il?
M. Almond : Merci beaucoup de vos questions.
Les étapes demandent un engagement direct auprès des organisations autochtones, comme le Commission de la fiscalité des premières nations, ainsi qu’un engagement direct par la suite avec les gouvernements autochtones intéressés par ce cadre. L’adhésion à ce cadre se fait sur une base volontaire.
Une fois que nous aurons identifié, en tant que partenaires, les gouvernements et les communautés autochtones qui souhaitent aller de l’avant, nous travaillerons en étroite collaboration avec ces Premières Nations et ces organismes — comme la Commission de la fiscalité des premières nations — afin d’élaborer les modalités de l’entente appelées à préciser les relations entre les parties et les autres éléments du cadre.
On estime également qu’il faudra probablement adopter une loi fédérale afin d’autoriser le cadre général et son éventuelle harmonisation avec les cadres existants en matière de taxe sur les produits et services.
Nous prévoyons que les étapes d’engagement et d’élaboration initiale prendront fin en janvier ou février 2023, et que nous nous investirons alors dans l’élaboration directe des accords et la rédaction des mesures législatives qui appuieront le cadre.
Je vous remercie.
Le sénateur Patterson : Merci.
Monsieur Glick, nous venons d’assister à une réunion du Comité des affaires sociales où l’on a discuté du suicide et d’autres problèmes qui touchent les communautés autochtones, et le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami a indiqué que la consommation de cannabis chez les jeunes de moins de 25 ans contribuait aux problèmes qu’ont ces communautés.
L’enquête que vous avez décrite vous donne des données sur les adultes, et la fréquence de la consommation chez les adultes. Il s’agit de l’Enquête régionale sur la santé des Premières Nations, ou ERS. Je crois que c’est comme cela que vous l’avez appelée.
Savez-vous quelque chose sur la consommation de cannabis chez les jeunes, ce qui, bien sûr, était une grande préoccupation lorsque le projet de loi a été adopté?
M. Glick : Merci de la question. Je crois que c’est le Dr Adams qui a parlé de l’ERS.
Le sénateur Patterson : Je suis désolé si je m’adresse à la mauvaise personne. Pardonnez-moi. Merci, monsieur Glick.
Dr Adams : Chacune des enquêtes régionales sur la santé est adaptée à la région, à la province ou au territoire que l’on cherche à sonder. Les questions ne sont donc pas les mêmes partout.
Cependant, la majorité de ces enquêtes ont une composante d’âge, donc il y a une enquête très ciblée sur les mineurs, y compris une série de questions pour les plus jeunes et une autre pour les adolescents. Il y a des questions sur l’initiation au cannabis et la consommation de cannabis. Ce n’est pas uniforme, donc nous n’avons vraiment que des données régionales, et cela montre qu’il y a une importante consommation chez certains jeunes, mais pas tous.
Le sénateur Patterson : Merci.
La sénatrice Martin : Merci à nos témoins.
Comme suite à la question du sénateur Patterson, pourriez-vous nous donner des précisions sur ce que vous avez dit dans votre témoignage, à savoir que la consommation de cannabis est un problème permanent? Je pense que la consommation chez les jeunes est un problème croissant. Vous avez également dit qu’il était nécessaire d’éduquer les gens à propos du cannabis.
Je suis curieuse de savoir quel type d’éducation et quels autres programmes sont nécessaires, surtout lorsqu’il s’agit d’aborder les questions de consommation de cannabis chez les jeunes.
Dr Adams : L’éducation sur le cannabis n’est pas quelque chose dont nous prendrions l’initiative. C’est quelque chose que nous demanderions aux communautés : « Que voulez-vous dire à vos propres membres ou à vos propres jeunes au sujet du cannabis qui, selon vous, pourrait avoir une incidence sur la consommation? »
Je pense que la plupart des communautés diraient qu’elles aimeraient faire reculer la consommation, surtout chez les jeunes.
La sénatrice Martin : Travailleriez-vous avec ces communautés?
Dr Adams : Oui, nous travaillerions avec ces communautés pour transmettre ce message particulier. Il doit cependant concurrencer d’autres messages que les communautés souhaitent transmettre aux leurs concernant le tabagisme, l’alcool ou les déterminants sociaux de la santé des Autochtones, comme la persévérance scolaire et la santé mentale.
La sénatrice Martin : Travaillez-vous avec les communautés en ce moment, et pouvez-vous décrire ce qui est fait en matière d’éducation sur le cannabis?
Dr Adams : En Colombie-Britannique, où nous voyons un déploiement proactif d’envergure pour l’envoi de messages sur la santé, on voit des messages reprenant les points forts des connaissances ancestrales, à l’intention des jeunes : le cannabis fait-il partie d’un répertoire ancestral au même titre que notre approche médicinale habituelle à base de racines et de baies? Qu’est-ce que la résilience? La consommation d’alcool ou de drogues est-elle un facteur de résilience?
Il s’agit d’une série d’affiches et de démarches promotionnelles qui sont en fait assez belles et vertes, avec beaucoup de cèdres et de jeunes en tenue traditionnelle. L’approche est donc davantage de mettre l’accent sur les forces plutôt que de tenter de faire peur.
La sénatrice Martin : En tant que médecin en chef adjoint, quelles sont les préoccupations que vous avez à l’égard de la consommation de cannabis? Vous dites que c’est un problème permanent, mais quelles sont vos principales préoccupations depuis la légalisation?
Dr Adams : J’en ai énuméré quelques-unes dans mes notes, mais je ne les ai pas lues à haute voix.
Je m’inquiète de l’exposition du fœtus, car toute consommation de substances psychoactives par les mères pendant que le cerveau d’un bébé se développe doit être examinée, puis réexaminée. Les gens s’inquiètent également du fait que, comme pour l’alcool, il existe des risques de blessures physiques liées à l’intoxication. Je pense qu’en ce qui concerne la santé mentale, les gens se demandent si c’est une drogue qui agit comme un déclencheur. Provoque-t-elle la dépression? Provoque-t-elle l’apathie? Toutes ces questions doivent être examinées sérieusement.
La sénatrice Martin : Y a-t-il des études en cours en ce moment sur les préoccupations que vous avez soulevées?
Dr Adams : L’Université Simon Fraser a une chaire de recherche sur le cannabis. Je sais aussi que, dans le cadre de leurs recherches générales sur le cannabis, ces chercheurs se penchent sur certains enjeux particuliers aux Autochtones, mais je ne crois pas qu’ils ont publié quoi que ce soit jusqu’ici. Bien sûr, il existe dans le monde entier des études plus générales sur la consommation de cannabis et la santé.
La sénatrice Coyle : Merci à vous tous de votre présence. Je vais commencer par le Dr Evan Adams, pour pousser cette discussion un peu plus loin.
Vous avez fait état du manque de données sur la santé. Je pense que c’est ce que nous voyons ici. Vous l’avez déjà mentionné dans vos propres observations. Avez-vous une recommandation à faire pour remédier à cette lacune au sujet des données sur la santé en lien avec la consommation de cannabis et l’incidence de cette consommation sur les populations autochtones du Canada?
Dr Adams : Il existe probablement des jeux de données sur le cannabis auxquels il serait possible d’associer des identifiants autochtones. C’est quelque chose que toutes les parties concernées devraient faire régulièrement : chaque province, chaque territoire et les partenaires tripartites, la famille fédérale et les intervenants autochtones, qu’il s’agisse de communautés ou d’organismes. S’ils ont des questions sur le cancer du poumon, ils devraient pouvoir consulter une banque de données sur le cancer du poumon et faire des croisements et des correspondances entre leurs membres et ces données afin d’avoir une idée de la situation des Autochtones en ce qui a trait au cancer du poumon. Cela devrait être une activité qui va de soi. Je pense que la COVID nous a permis de constater qu’au Canada, la capacité à partager les données sur la santé personnelle et la santé publique est limitée et qu’elle doit être améliorée. C’est certainement vrai pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
La sénatrice Coyle : Que faudrait-il pour que cela se produise réellement?
Dr Adams : Je pense qu’il faut tout d’abord une volonté politique. Les dirigeants doivent s’entendre sur le fait que nous pouvons partager les données, que nous avons une relation assez solide entre nous et la famille fédérale — disons Statistique Canada ou Services aux Autochtones Canada —, les provinces et territoires, leurs ministères de la Santé respectifs et les intervenants autochtones qui détiennent les données ou les responsables des données autochtones. S’ils entretiennent une bonne relation et qu’ils se font confiance, ils pourront comparer les données, quelles qu’elles soient, et s’entendre sur une marche à suivre. Le rapprochement et le partage des données ne sont pas une fin en soi. Le but, c’est d’obtenir de meilleurs résultats, et cela nécessite la mise en place d’une relation.
La sénatrice Coyle : Monsieur Glick, je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question, mais comme nous examinons les possibilités financières associées au cannabis pour les communautés autochtones, j’aimerais savoir si nous connaissons ou si nous avons des données sur le montant des taxes qui ont été levées par le marché autochtone. Avons-nous cette information? Si vous ne l’avez pas, est-ce que quelqu’un d’autre l’a? Pouvez-vous nous donner une idée du montant que cela représente?
M. Glick : C’est une très bonne question. J’ai fait un suivi auprès de mes collègues de l’Agence du revenu du Canada afin d’établir s’ils avaient des données sur les titulaires de licences dans le régime du cannabis provenant de communautés autochtones qui exerceraient leurs activités dans une région donnée et remettraient les droits d’accise à l’ARC. Ils ne font pas nécessairement le suivi ces données. Je ne crois pas qu’ils sont présents au comité ce soir, mais je sais que les collègues de Santé Canada auraient probablement ces données et qu’ils pourraient au moins donner une idée du nombre de groupes autochtones qui cherchent à obtenir une licence.
Il ne serait pas nécessairement possible de chiffrer les possibilités financières à partir du nombre de détenteurs de licence.
La sénatrice Coyle : Sauf que les taxes perçues ont été remises par les titulaires de ces licences, non?
M. Glick : Oui, mais je ne pourrais pas vous dire exactement combien, car nous n’avons pas accès à ces données du ministère des Finances.
La sénatrice Coyle : Ce serait donc l’Agence du revenu qui les aurait, n’est-ce pas?
M. Glick : Elle pourrait le faire, mais il faudrait peut-être qu’elle se coordonne avec ses collègues de Santé Canada afin de savoir où se trouvent les titulaires de licence, par exemple, dans une collectivité autochtone.
La sénatrice Coyle : D’accord, merci. J’ai une autre question, mais pour M. Almond cette fois. Je vous remercie de votre témoignage. Je suis heureuse d’apprendre que vous êtes en contact avec la Commission de la fiscalité des premières nations. Nous avons entendu parler de la proposition en sept parties — si je ne m’abuse — qu’ils ont faite.
Vous avez parlé des discussions avec les Premières Nations individuelles et un peu de votre communication avec Manny Jules. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure cette proposition en sept étapes est réaliste et combien de temps cela prendra pour que ce type de recommandation soit mis en œuvre?
M. Almond : Merci beaucoup de cette question. Je me ferai un plaisir d’y répondre du mieux que je pourrai.
Les sept éléments qui ont été mis de l’avant par M. Manny Jules et la Commission de la fiscalité des premières nations sont très intéressants. Du point de vue d’un fonctionnaire du gouvernement fédéral, je dirais que c’est ambitieux. Chaque étape comporte beaucoup de démarches et de rouages ainsi qu’un travail considérable.
Je sais que nous faisons des progrès concrets et très encourageants en ce qui concerne la première de ces étapes, qui consiste à proposer et à mettre en œuvre le cadre des taxes de vente sur le carburant, l’alcool, le cannabis et le tabac, en collaborant pour ce faire avec les communautés autochtones et la Commission de la fiscalité des premières nations. Il s’agit donc d’un très grand pas en avant. Du point de vue de la Commission de la fiscalité des premières nations et du commissaire en chef Jules, il y a assurément d’autres étapes à franchir.
Toutefois, je terminerai en disant simplement que chacune de ces étapes prendra un certain temps. Pour le moment, nous nous concentrons sur le cadre des taxes de vente sur le carburant, l’alcool, le cannabis et le tabac, et nous prévoyons que cela durera environ un an, voire 18 mois. Nous y travaillons aussi fort que possible et nous reconnaissons également que nous devrons continuer à travailler en collaboration avec la Commission de la fiscalité des premières nations concernant leurs autres propositions et les autres étapes du plan proposé.
Le président : Merci, monsieur Almond. Je vais passer à la sénatrice Lovelace Nicholas dans une minute, mais avant cela, j’aimerais poser une petite question au Dr Adams. Le cannabis à des fins médicales est-il couvert par le Programme des services de santé non assurés? Pourquoi l’est-il ou pourquoi ne l’est-il pas?
Dr Adams : Non, le cannabis médicinal n’est pas couvert actuellement par les services de santé non assurés. Il y a des questions assurément à ce sujet. Tout comme pour la communauté médicale, il y a peu de lignes directrices à propos de ce pour quoi il serait utilisé précisément. Nous avons demandé, bien sûr, à ce qu’il le soit à des fins non conformes à l’étiquette. À l’autorité sanitaire des Premières Nations de la Colombie-Britannique — je viens de la Colombie-Britannique, alors je suis au fait de certains de leurs problèmes —, les chefs ont demandé s’ils devraient revoir cela. Devraient-ils revoir le formulaire et commencer à rembourser le cannabis parce que quelques citoyens ont demandé à ce qu’il soit couvert? La réponse était, très clairement, non. Les dirigeants des Premières Nations ne voulaient pas se montrer prêts à payer pour cela à ce stade-ci.
Toutefois, leur réflexion au sujet de la réduction des méfaits n’est pas terminée. Je dirais que beaucoup de dirigeants penchent du côté de l’abstinence plutôt que de la réduction des méfaits.
Le président : Je vous remercie.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous remercie d’être avec nous ce soir. Malheureusement, la sénatrice Coyle a déjà posé quelques-unes de mes questions, mais c’est bien.
La sénatrice Coyle : Je suis désolée. Les grands esprits se rencontrent.
La sénatrice Lovelace Nicholas : J’ai toutefois des questions complémentaires. On manque de données, mais on veut contrôler les possibilités offertes aux Premières Nations par le cannabis. Pourquoi une telle décision alors qu’on manque de données?
M. Glick : Je m’excuse, mais si la question concerne les titulaires de licence de cannabis, je dirais qu’il ne s’agit pas vraiment d’un manque de données. Il existe deux régimes de licences distincts : un qui relève de Santé Canada et l’autre de l’ARC. Pour exercer des activités commerciales, il faut avoir les deux. Je crois comprendre — et mes collègues de Santé Canada pourront clarifier le tout plus tard au besoin —, que plus de 800 titulaires détiennent les deux. Il faut détenir les deux pour exercer des activités, mais environ 250 seulement sur les plus de 800 ont versé des taxes d’accise au cours de la dernière année. Ce sont donc pour nous les titulaires de licence qui profitent des possibilités économiques et ceux dont je peux parler. Ils versent des taxes d’accise et sont assujettis au cadre du droit d’accise de Finances Canada. Les communautés où ils sont en activité ne sont pas nécessairement mentionnées sur leur licence de l’ARC, mais cela ne veut pas dire que l’information n’apparaît pas sur leur licence de Santé Canada.
On pourrait créer une synergie entre Santé Canada, l’ARC et Finances Canada pour déterminer quels sont les titulaires de licence d’origine autochtone ou qui mènent leurs activités en territoire autochtone. Dans ce cas, nous pourrions examiner les avantages économiques qu’ils en retirent. Il ne s’agit pas d’un manque de données, mais plutôt d’une absence de synergie dans l’échange de données proprement dit actuellement.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Je comprends. Dans nos traités, comme vous le savez, nous avons le droit de cultiver et de chasser pour survivre et nourrir nos familles. Donc, si nous voulons démarrer une installation de culture de cannabis, n’est-ce pas une façon de vouloir nourrir notre famille et de gagner notre vie? La question s’adresse à qui veut bien y répondre.
M. Glick : Je vous remercie de la question. Encore une fois, étant donné que Santé Canada et l’ARC s’occupent eux-mêmes des licences pour les activités assujetties au cadre, ces questions s’adresseraient davantage aux représentants de Santé Canada et de l’ARC. Je suis conscient qu’il n’y a sans doute pas de représentants de l’ARC ici ce soir.
Diverses conditions sont énoncées dans la Loi de 2001 sur l’accise pour déterminer qui est admissible à ouvrir une installation de production de cannabis avec une licence d’accise.
Je crois comprendre votre raisonnement, mais je ne suis pas certain de pouvoir dire qu’il existe nécessairement quelque chose qui empêche les exploitants d’origine autochtone de prendre part à l’industrie.
Dr Adams : J’ai mentionné dans mes observations que nous n’avons pas examiné les questions entourant l’autodétermination, la réconciliation et les possibilités économiques liées aux licences, car cela n’est pas directement lié à Santé Canada, mais cela l’est indirectement. Nous savons, par exemple, que les gens riches sont plus en santé que les gens pauvres — la richesse peut engendrer la santé — et que les possibilités économiques peuvent améliorer les déterminants sociaux de la santé. Tout le monde devrait avoir accès à de bons emplois, de bons salaires, ainsi qu’à des possibilités économiques et commerciales pour diminuer la pauvreté.
Toutefois, l’idée de vendre du cannabis pour promouvoir la santé va sans doute un peu trop loin, mais il existe assurément un lien entre les possibilités économiques et la santé, et cela a été démontré à maintes reprises.
La sénatrice Boniface : Au sujet des lacunes dans les données sur la santé auxquelles vous avez fait allusion, Santé Canada n’a-t-il pas à un moment donné lors de l’élaboration de la loi examiné un niveau de référence afin que vous puissiez examiner les répercussions cinq ans après la date de la légalisation?
Dr Adams : Demandez-vous s’il y avait une mesure pour déterminer la richesse avant et après la légalisation?
La sénatrice Boniface : Non, je parle des répercussions sur la santé. Par exemple, vous avez parlé de l’exposition fœtale, des risques physiques, etc. N’y a-t-il rien eu d’instaurer pour mesurer cela?
Dr Adams : C’est une question qu’il faudrait poser à Santé Canada. On a demandé à Santé Canada d’examiner les risques pour la santé liés précisément à la légalisation du cannabis.
La sénatrice Boniface : Je vais poser la question autrement. Vous avez mentionné dans votre témoignage qu’il existe des lacunes dans les données sur la santé. Ces mêmes lacunes qui sont présentes aujourd’hui existaient-elles au moment de la légalisation?
Dr Adams : Non, les lacunes dans les données sur la santé des Autochtones s’appliquent précisément aux Autochtones. Il y a des données sur la santé concernant le cannabis, mais on ne sait pas quelle proportion porte sur les Autochtones. Il est difficile d’établir une correspondance entre ces données et l’identité autochtone, alors les lacunes sont liées notamment à cela.
Le président : Je vous remercie. Le temps pour ce groupe de témoins est maintenant écoulé. Je tiens à remercier tous les témoins d’avoir été avec nous aujourd’hui.
J’aimerais présenter notre prochain groupe de témoins. Nous accueillons, Me Norma Won, avocate-conseil, Santé Canada, Services juridiques, de Justice Canada; Kendal Weber, sous-ministre adjointe, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, et John Clare, directeur général, Direction de la politique stratégique, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, tous deux de Santé Canada.
Chaque ministère dispose d’environ cinq minutes pour présenter sa déclaration liminaire. Nous passerons ensuite à la période de questions qui sera d’environ cinq minutes par sénateur. Comme nous avons plusieurs témoins et que le temps est limité, je demande à chacun d’être aussi précis et bref que possible. Pour éviter d’avoir à interrompre quelqu’un, je vais indiquer aux témoins et aux sénateurs lorsqu’il leur reste une minute au temps qui leur est alloué. Si un témoin n’a pas le temps de terminer de répondre à une question, je lui demande d’envoyer la réponse par écrit à la greffière avant le vendredi 4 novembre 2022.
J’invite maintenant Kendal Weber à nous présenter sa déclaration liminaire.
Kendal Weber, sous-ministre adjointe, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, Santé Canada : Je vous remercie de m’accueillir ce soir.
[Français]
Je commence par préciser que je vous rencontre aujourd’hui sur le territoire traditionnel et non cédé de la nation algonquine anishinabe.
Mon équipe a rencontré en personne des communautés algonquines de cette région au cours des dernières années, et nous apprécions grandement leur point de vue sur la légalisation et la réglementation du cannabis.
Merci de m’avoir donné l’occasion d’informer le comité permanent. Notre mise à jour s’appuie sur une mise à jour précédente des progrès de 2019. Elle s’appuie également sur des mises à jour écrites que Santé Canada a envoyées par la poste aux dirigeants des Premières Nations, des Inuits et des Métis en 2018, 2019, 2021 et septembre 2022.
L’appui à l’autodétermination et la promotion de la réconciliation sont les objectifs clés du gouvernement du Canada. L’une des principales priorités de Santé Canada au cours des 18 prochains mois sera de donner suite aux travaux d’un groupe d’experts qui a été chargé de procéder à un examen systématique et factuel de la légalisation.
Le 22 septembre 2022, le ministre de la Santé et la ministre de la Santé mentale et des Dépendances ont lancé l’examen législatif et désigné M. Morris Rosenberg comme président. M. Rosenberg sera accompagné de quatre experts en santé publique et en sécurité publique qui seront désignés une fois le processus de nomination terminé.
[Traduction]
Le groupe examinera les données probantes et mobilisera les intervenants, les autres échelons de gouvernement et les Premières Nations, les Inuits et les Métis pour déterminer les progrès réalisés par le gouvernement pour atteindre les objectifs en matière de santé publique et de sécurité publique de la Loi sur le cannabis. Il adoptera une approche globale dans son examen et se penchera sur les répercussions de la loi et de la réglementation sur les Autochtones et les communautés autochtones.
La première étape a été la publication du rapport Résumé du processus de mobilisation avec les Premières Nations, les Inuit et les Métis : La Loi sur le cannabis et ses répercussions. Le rapport reflète et vise à valider les commentaires recueillis par Santé Canada lors de son processus de mobilisation avec les peuples autochtones sur la Loi sur le cannabis. On y sollicite d’autres points de vue, données et suggestions sur les façons pour le groupe d’experts de mobiliser les peuples autochtones.
Santé Canada considère l’examen comme un élément important d’une mobilisation plus large avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis, afin de contribuer à l’amélioration du fonctionnement de la loi.
Depuis 2016, des représentants de Santé Canada ont participé à environ 290 séances de mobilisation avec des dirigeants, organismes et communautés autochtones pour discuter de la légalisation du cannabis et de la réglementation. Le fruit de cette mobilisation a servi concrètement à guider l’élaboration des politiques et des programmes, de même que l’administration de la Loi sur le cannabis par Santé Canada pour mieux servir les intérêts des Autochtones.
Des efforts ont notamment été déployés dans trois domaines principaux : sensibilisation et éducation publique adaptées à la culture, stratégies collaboratives dans l’exercice de la compétence, et mesures pour encourager les communautés autochtones intéressées à participer à l’industrie du cannabis licite.
Le gouvernement a alloué des fonds pour la recherche adaptée à la culture, les connaissances, la traduction, la prévention et la réduction des méfaits concernant le cannabis. Santé Canada a traduit les ressources d’éducation du public dans 12 langues et dialectes autochtones.
Depuis 2019, Santé Canada a tenu des discussions avec un nombre croissant de Premières Nations intéressées à élaborer leurs propres mesures de contrôle du cannabis dans le but d’examiner des régimes mutuellement avantageux dans le cadre de la Loi sur le cannabis, et nous serons heureux de vous fournir plus de détails sur ces régimes lors de la période de questions.
Je vous remercie encore une fois de m’accueillir ce soir, et nous attendons avec impatience vos questions.
Le président : Je vous remercie, madame Weber.
Me Norma Won, avocate-conseil, Santé Canada, Services juridiques, ministère de la Justice :
Bonsoir, monsieur le président, et honorables sénateurs. J’aimerais commencer par souligner que je vous parle aujourd’hui depuis le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.
[Français]
Nous comprenons que le comité a invité le ministère de la Justice à participer à ce panel concernant la mise en œuvre de la Loi sur le cannabis. En tant qu’avocate à Santé Canada, je fournis des conseils juridiques à Santé Canada sur les diverses lois dont Santé Canada est responsable, y compris la Loi sur le cannabis et ses règlements connexes.
[Traduction]
Même si c’est le ministre de la Justice qui a présenté le projet de loi C-45, qui est devenu la Loi sur le cannabis, c’est Santé Canada qui est responsable au premier chef de la mise en œuvre de la loi. Je crois comprendre que le comité s’intéresse aux pouvoirs et à la compétence des Autochtones liés au cannabis.
Comme vous le savez sans doute la loi fédérale sur le cannabis est une loi d’application générale, et à ce titre, elle s’applique partout au Canada. Le pouvoir de réglementation des Autochtones peut découler de diverses sources, notamment les droits reconnus et affirmés dans la Loi constitutionnelle de 1982; les traités historiques et modernes et les accords sur les revendications territoriales, les accords sur l’autonomie gouvernementale et des lois fédérales comme la Loi sur les Indiens.
Comme l’a mentionné ma collègue Kendal Weber de la Direction générale des substances contrôlées et du cannabis à Santé Canada, Santé Canada a organisé de nombreuses réunions avec les communautés autochtones ou les autorités provinciales et territoriales lorsque des questions liées à la compétence et aux pouvoirs ont été soulevées. Elle a parlé d’un accord qui a été conclu avec le Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke sur la coopération et l’échange d’information à propos des activités liées au cannabis.
Les questions liées aux pouvoirs et à la compétence des Autochtones seront sans doute soulevées à nouveau lors de l’examen de la Loi sur le cannabis, et nous serons heureux d’en discuter.
Je vous remercie encore une fois de votre invitation à venir témoigner aujourd’hui. Je serai heureuse de répondre à vos questions qui relèvent de ma compétence à titre d’avocate-conseil de Justice Canada pour Santé Canada qui portent sur la mise en œuvre de la Loi sur le cannabis.
Je vous remercie.
Le président : Je vous remercie, maître Won.
Le sénateur Tannas : Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
Il y a environ une semaine, j’avais demandé, par l’entremise du bureau du sénateur Gold, une mise à jour des progrès réalisés au chapitre du développement économique.
Lorsque nous avons examiné ce projet de loi à l’origine, nous étions quelques-uns, dont moi, à nous dire qu’il fallait créer des possibilités précises pour les entreprises autochtones de faire partie du marché du cannabis, et en particulier pour ce qui est du secteur de la culture du cannabis.
Il avait été proposé à un moment donné que 20 % des licences soient accordées à des entreprises autochtones ou des entreprises qui s’installent sur des terres ou des territoires autochtones. Il y avait eu beaucoup d’échanges sur le sujet et de discussions sur la façon de procéder, etc. Il y a eu des amendements, et une réponse qui avait été donnée nous avait convaincus que tout était pour le mieux et que les entreprises et les communautés autochtones allaient presque assurément obtenir ce 20 % ou même plus. Je me rappelle qu’un représentant du gouvernement affirmait que c’était peu 20 % et qu’il ne voyait pas l’intérêt d’un plafond puisque les possibilités allaient être nombreuses.
Je n’ai pas de pressentiment au sujet de la réponse, mais je suis certain qu’avec un préavis de six jours, vous avez trouvé la réponse : combien d’installations de culture du cannabis sont licenciées et appartiennent à des Autochtones ou se trouvent sur des terres autochtones, ou les deux?
Mme Weber : Je vous remercie du préavis.
Nous savons que l’engagement et la participation des Autochtones à l’industrie du cannabis se sont accrus avec le temps, et nous savons qu’il est possible d’en faire plus.
En date du 30 septembre 2022, il y avait 55 demandeurs affiliés aux Autochtones ayant présenté une demande de licence commerciale, et 12 d’entre eux se trouvaient dans des communautés des Premières Nations. Il s’agit des demandeurs en attente, et cela représente 33 % du nombre total de demandes. À cette même date, 47 entreprises autochtones ou affiliées aux Autochtones ont reçu une licence commerciale, dont 6 se trouvent dans des communautés des Premières Nations, soit 5 % du nombre total de licences.
Alors, oui, le 5 % est inférieur au 20 % mentionné, mais il est encourageant de voir que 33 % des demandes totales proviennent de demandeurs affiliés aux Autochtones.
Toujours en date du 30 septembre 2022, nous avons 33 titulaires de licence pour le chanvre affiliés aux Autochtones, et 3 demandeurs de licence pour le chanvre affiliés aux Autochtones. Au total, je crois que cela représente 16 % des demandeurs en attente. Il y en a donc un bon nombre.
Au sujet du soutien qui est fourni, le ministère offre du soutien aux demandeurs autochtones et affiliés à des Autochtones qui veulent obtenir une licence fédérale. Nous avons notamment parlé de notre conseiller en licence pour le cannabis. Lorsqu’une entreprise s’identifie comme autochtone, un conseiller travaille en étroite collaboration avec le demandeur tout au long du processus de demande. Nous avons aussi un service d’accompagnement pour les Autochtones qui guide et assiste les demandeurs en répondant à leurs demandes et à leurs questions à propos du processus de réglementation du cannabis.
Notre dernier point est le processus d’examen en deux étapes, qui permet aux demandeurs autochtones et aux demandeurs affiliés à des Autochtones de demander un examen de leur demande sans que la construction des installations soit terminée, comme il est exigé des autres demandeurs. Ce sont là quelques mesures que nous avons prises et qui sont toujours en place pour accroître la participation des entreprises affiliées à des Autochtones.
Le sénateur Tannas : Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit à propos de la construction qui doit être terminée? De quoi s’agit-il, encore une fois?
Mme Weber : Oui. Dans le cas des demandeurs autochtones, leurs demandes peuvent être examinées sans que la construction des installations soit terminée. Pour les demandeurs non autochtones ou non affiliés à des Autochtones, nous exigeons que la construction des installations soit terminée avant que nous puissions traiter leur demande en entier pour approbation.
Le sénateur Tannas : Donc, dans les chiffres que vous nous avez donnés, vous ne comptez pas les demandeurs qui ont été approuvés, mais dont les installations ne sont pas construites et en activités, n’est-ce pas?
Mme Weber : J’ai donné deux chiffres. J’ai compté ceux qui ont présenté une demande de licence et l’ont obtenue. Je n’ai pas l’information ce soir quant à savoir si la construction est terminée. L’autre chiffre que j’ai donné concerne les demandeurs en attente pour examen. Je vais demander à mon collègue M. Clare si nous recueillons des données pour savoir si les installations ont été construites.
John Clare, directeur général, Direction de la politique stratégique, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, Santé Canada : Oui, je peux clarifier ce point. Avant que la licence finale soit accordée, il faut que les installations soient construites. La distinction dont parle Mme Weber, c’est le fait que nous procédons dans certains cas à une vérification de la demande avant que les installations soient construites. Dans le cas d’un demandeur affilié à un Autochtone, on peut commencer le processus d’examen avant que les installations soient construites, car nous savons qu’en progressant dans le processus d’attribution de licences, les demandeurs peuvent solliciter des fonds et des prêts pour bâtir les installations.
Le sénateur Tannas : Je vous remercie. Nous faisons des progrès. Je veux simplement être clair à ce sujet. Combien d’installations sont la propriété d’Autochtones ou se trouvent dans des communautés autochtones, et combien sont pleinement licenciées? Il semble qu’on parle parfois d’une licence, puis d’une licence officielle avant de commencer la production. Combien d’installations sont en production? Est-ce 47?
M. Clare : Oui, il y en a 47 sur les 905 titulaires de licence au total. Il faut comprendre que parmi les 905 titulaires, il y a ceux qui sont titulaires d’une licence d’essais analytiques, etc. C’est vaste. Il ne s’agit pas seulement de production commerciale. Dans le cas des 47 licences, elles sont toutes pour la production commerciale, mais elles font partie de l’ensemble des licences délivrées par Santé Canada.
Le sénateur Tannas : Je vous remercie.
La sénatrice Coyle : Je vais donner suite à cette question afin de l’approfondir un peu plus. Parmi l’ensemble des titulaires de licence qui sont des exploitants commerciaux, combien y en a-t-il? Il y a 47 Autochtones parmi un nombre beaucoup plus important de titulaires, mais combien d’exploitants commerciaux réels y a-t-il parmi ces 900 titulaires?
Mme Weber : Je n’ai pas ce chiffre sous les yeux. Monsieur Clare, avez-vous ce chiffre-là?
M. Clare : Ce chiffre est inférieur. Je crois qu’il se situe entre 600 et 700. Il change chaque semaine. C’est pourquoi vous nous avez un peu déconcertés.
La sénatrice Coyle : J’essaie simplement de comprendre la portée de l’enjeu. Je vous remercie. Je ne sais pas si cette question est destinée à Me Won, Mme Weber ou M. Clare, mais elle porte sur la compétence et l’autorité. Cet enjeu a été mentionné par un certain nombre de personnes. Nous avons entendu nos témoins de la communauté autochtone en parler à maintes reprises. Nous avons également entendu parler des difficultés liées à la compétence — non seulement les difficultés que rencontre la communauté ayant la compétence, mais aussi les conflits potentiels qu’elle peut avoir avec certaines autorités provinciales.
Que fait le gouvernement du Canada — si l’un d’entre vous est en mesure d’en parler — en ce qui concerne les questions liées aux compétences fédérales, provinciales et autochtones?
Mme Weber : Depuis 2019, le gouvernement du Canada travaille ou cherche à travailler de manière trilatérale et bilatérale, au besoin, avec les communautés autochtones et les gouvernements provinciaux et territoriaux pertinents afin que nous puissions atteindre un objectif commun en matière de santé et de sécurité publiques.
Pour ce qui est de ce travail trilatéral, nous avons eu des discussions sur la recherche de moyens permettant aux Premières Nations d’accroître leur surveillance des activités liées au cannabis parallèlement à la Loi sur le cannabis. En juin 2021, nous avons conclu notre premier accord bénéfique avec le Conseil mohawk de Kahnawà:ke. Cet accord a établi un processus de coopération et d’échange d’informations relativement à un certain nombre d’activités liées au cannabis, telles que l’octroi de licences, les inspections, les rapports, le suivi et la conformité. C’est un type d’accord bilatéral que nous, les membres de la communauté, avons conclu avec Santé Canada.
Nous avons eu des discussions avec un nombre croissant de Premières Nations qui élaborent leurs propres mesures de contrôle du cannabis. Nous avons examiné les applications coopératives des cadres de contrôle du cannabis du gouvernement fédéral et des Premières Nations, et nous avons collaboré avec des administrations de l’ensemble du pays où nous les avons sensibilisés aux enjeux. Ce ne sont là que quelques renseignements. Si vous souhaitez que nous vous en donnions davantage, nous pouvons approfondir la question, mais il s’agit d’un aperçu et d’un exemple concret de l’un des accords bilatéraux que nous avons conclus à ce jour. Nous espérons que d’autres suivront.
La sénatrice Coyle : Le facteur du Québec semble être un élément majeur qui est mentionné par au moins deux ou trois de nos témoins. Des mesures particulières sont-elles prises pour travailler avec la province de Québec, surtout en ce qui concerne ces questions de compétence pour les communautés autochtones dans le dossier du cannabis?
Mme Weber : Nous travaillons avec toutes les administrations, donc avec toutes les provinces. Je ne peux pas parler précisément d’une administration, d’une province ou d’un territoire par rapport à un autre. Nous sommes désireux de travailler avec toutes les provinces et tous les territoires du pays et avec des communautés de toutes les administrations.
Le sénateur Patterson : Madame Weber, nous avons entendu la chef Tonya Perron du Conseil mohawk de Kahnawà:ke qui a parlé de la façon dont la bande essaie désespérément de freiner le marché illicite. Ils s’efforcent de parvenir à l’autodétermination, mais ils se sentent très impuissants parce que les lois du gouvernement du Québec accordent à l’autorité québécoise responsable du cannabis une compétence exclusive, et ils ne sont pas en mesure de conclure un accord avec la province de Québec.
Vous avez parlé du protocole d’entente, ou PE, que vous avez négocié avec les Mohawks de Kahnawà:ke comme d’un progrès. Toutefois, avec tout le respect que je vous dois, la chef nous a indiqué que le PE a une portée très limitée. Il porte sur l’échange d’information entre Santé Canada et leur régie du cannabis. Il n’aborde pas la question de la compétence ou quoi que ce soit d’autre.
Ils veulent avoir l’autorité de réglementer et de s’attaquer au marché illicite qui est très préoccupant dans leur communauté et qui exige de nombreuses ressources, mais ils n’avancent pas beaucoup en composant avec Santé Canada et avec le PE que vous avez décrit.
Mon résumé de la situation est-il juste, à savoir qu’il s’agit d’un protocole d’entente très limité qui ne permet pas à la bande d’atteindre ses objectifs en matière d’autodétermination et de compétence?
Mme Weber : Je vous remercie de votre question. Le protocole d’entente est un premier pas très positif, et il couvre un domaine dans lequel Santé Canada, le gouvernement du Canada et la communauté ont travaillé ensemble.
Il sera intéressant d’étudier des questions comme celles-ci lorsque le groupe d’experts dont j’ai parlé dans ma déclaration préliminaire entreprendra l’examen législatif de la Loi sur le cannabis. Les observations qui ont été formulées seront très utiles pour la suite de cet examen.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Bienvenue aux témoins d’aujourd’hui. J’adresse ma première question à Me Norma Won.
Je suis déroutée en ce moment, et je vais vous expliquer pourquoi. Vous demandez des permis sur des terres visées par un traité où nous avons le droit de cultiver, de chasser, de survivre et de nourrir nos familles. Comment pouvez-vous ne pas nous octroyer des licences sans avoir à les vérifier ou sans que nous ayons à en faire la demande?
Me Won : Comme je l’ai indiqué précédemment, la loi fédérale sur le cannabis est une loi d’application générale, elle s’applique donc à l’ensemble du Canada. Cela signifie que toute personne qui souhaite mener des activités liées au cannabis devra obtenir une licence en vertu de la Loi sur le cannabis.
La sénatrice Lovelace Nicholas : C’est la même chose que d’essayer de nourrir sa famille en ouvrant ce que vous appelez des immeubles, des coopératives ou autre.
Cette question est destinée à Kendal Weber. Vous avez déclaré que vous aviez consulté les communautés au sujet des licences. Pourriez-vous nous faire parvenir les noms des communautés que vous avez consultées et auxquelles vous avez parlé des licences?
Mme Weber : Faites-vous allusion aux 290 rencontres que nous avons eues?
La sénatrice Lovelace Nicholas : Oui. Il se peut que vous n’ayez pas nommé ma communauté; je ne sais pas.
Mme Weber : Il s’agit d’un certain nombre de rencontres que nous avons eues au cours des dernières années portant sur un certain nombre de sujets différents. Certaines d’entre elles étaient des discussions sur la réglementation. Certaines portaient sur la loi. D’autres concerneraient le Règlement. La liste est assez variée.
Je pourrai vous répondre plus tard à ce sujet pour ceux qui souhaitent communiquer cette information et ceux qui ne le souhaitent pas. Ce ne sont pas tous les groupes qui nous rencontrent qui demandent que cette information soit communiquée, mais c’est avec plaisir que j’examinerai la question.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Fort bien. Merci beaucoup.
Le président : Madame Weber, j’ai une question à vous poser. Quel est le coût moyen d’une demande de licence pour le cannabis, et le ministère a-t-il évalué les obstacles que les demandeurs autochtones doivent surmonter pour obtenir une telle licence? Dans l’affirmative, quels ont été les résultats de cette évaluation?
Mme Weber : Je vous remercie de cette question. Je vais m’en remettre à M. John Clare à ce sujet. Le ministère vient d’entreprendre un examen de notre régime de recouvrement des coûts.
M. Clare : Je vous remercie de votre question, monsieur le président. Il y a des frais de demande de licence, et c’est ce à quoi Mme Weber fait allusion en parlant du recouvrement des coûts, mais je pense que votre question vise à savoir combien il en coûte pour lancer une entreprise, pour devenir soit un cultivateur de cannabis, soit un transformateur de cannabis autorisé.
Il est difficile de répondre à cette question, car le régime est conçu pour s’adapter aux entreprises de toute taille et de toute envergure. Il existe en fait deux catégories différentes de licences soit une pour la culture — c’est-à-dire la culture des plantes de cannabis —, et une pour ce que nous appelons la transformation, c’est-à-dire la transformation de la matière végétale en produits de consommation finis. Pour chacune de ces activités, il existe une catégorie ordinaire ainsi qu’une microcatégorie, c’est-à-dire pour des activités à petite échelle.
Il y a des gens dans l’industrie qui prétendent avoir obtenu une licence de microculture pour environ 10 000 $. Il y a une titulaire de licence en Colombie-Britannique qui est devenue une sorte de célébrité en racontant comment elle a obtenu sa licence, c’est-à-dire en parlant des dépenses qu’il lui a fallu engager et des mesures qu’il lui a fallu prendre pour y parvenir. Je ne crois pas que ce soit nécessairement le cas pour un grand nombre de demandeurs, car il y en a d’autres. L’installation d’Aurora, en bordure de l’aéroport international d’Edmonton, est énorme, et je suis sûr que c’est une installation de plusieurs millions de dollars. Il est donc difficile de dire quelle somme il serait réellement nécessaire d’investir. Tout dépend de l’ambition de l’entrepreneur.
En ce qui concerne la question de savoir s’il y a ou non des barrières et des obstacles à l’entrée dans le secteur du cannabis pour les entrepreneurs inuits, métis ou des Premières Nations — il y en a sans aucun doute —, ces types d’obstacles au développement économique des communautés autochtones sont bien documentés.
Nous travaillons avec nos partenaires de Services aux Autochtones Canada. Pendant l’audience du premier groupe d’experts, je sais que vous avez entendu témoigner la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, mais nous travaillons également avec nos partenaires de SAC qui sont responsables du développement économique et du soutien au développement économique dans les communautés autochtones, afin de nous assurer que les entrepreneurs liés au cannabis ont accès à des programmes comme leur Programme de préparation des collectivités aux possibilités économiques (PPCPE).
Tout récemment, nous avons travaillé avec SAC et le B.C. First Nations Leadership Council pour lancer... je ne vais pas me souvenir du nom exact, mais c’est un programme de SAC qui a été créé pour soutenir les entrepreneurs de la Colombie-Britannique, qu’ils souhaitent construire une installation de culture du cannabis ou se lancer dans des industries à valeur ajoutée ou des industries connexes, que ce soit dans le matériel ou des produits comme ceux-là qui n’exigent pas nécessairement une licence de Santé Canada.
Le président : Je ne sais pas si je vous ai entendu dire que votre ministère a évalué les obstacles auxquels se heurtent les demandeurs autochtones.
M. Clare : Dans le cadre des séances de consultation dont Mme Weber a parlé, nous avons certainement entendu ce qu’ils avaient à dire, et nous avons travaillé avec Services aux Autochtones Canada et des partenaires autochtones à l’élimination de certains de ces obstacles. Mme Weber a parlé de certains des programmes que Santé Canada offre pour permettre aux demandeurs d’obtenir une licence de Santé Canada par l’intermédiaire du Service de navigation et du conseiller en matière de licences.
Nous n’avons pas de fonds de développement économique à offrir aux Premières Nations, alors nous travaillons avec nos partenaires fédéraux de Services aux Autochtones Canada pour nous assurer qu’ils sont conscients de ces obstacles et que les entrepreneurs liés au cannabis sont admissibles à leurs programmes.
La sénatrice Boniface : Merci aux témoins. J’adresse ma question à M. Kendal Weber.
En ce qui concerne l’étude que M. Morris Rosenberg va diriger, pourriez-vous me dire quels aspects du marché noir vous allez examiner? Nous avons entendu nos témoins dire — et il y a certainement un grand nombre d’autres données probantes qui le démontrent — que le marché noir n’a pas été touché de la manière prévue à l’origine.
Mme Weber : Je vous remercie de votre question. Les principaux thèmes de l’examen législatif portent sur les progrès réalisés en matière de dissuasion des activités criminelles et d’élimination du marché clandestin du cannabis, ainsi que sur les progrès réalisés pour permettre aux adultes d’avoir accès à des produits de cannabis légaux, strictement réglementés et à faible risque.
Il existe différentes sources pour connaître les progrès réalisés en ce qui concerne l’élimination du marché illicite. Nos données actuelles montrent que la valeur du marché licite au Canada a atteint 69 %. Les opinions divergent à propos de ce chiffre, mais les données que nous obtenons de Statistique Canada montrent que le marché licite représente 69 % comparé au marché illicite.
Le groupe d’experts se penchera sur cette question, étant donné qu’il s’agit d’un des objectifs et des priorités clés de la loi.
La sénatrice Boniface : Pouvez-vous simplement me fournir un éclaircissement à ce sujet? Les 69 % du marché sont-ils « licites » ou « illicites »?
Mme Weber : Licites.
La sénatrice Boniface : Donc 31 % du marché est toujours contrôlé par le crime organisé. Est-ce exact?
Mme Weber : Nos données montrent que la part légale de la valeur du cannabis consommé est passée à 69 %.
La sénatrice Boniface : Merci.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Soyez les bienvenus à nouveau. Vous avez dit que la licence coûte 10 000 $. Les bénéficiaires de l’aide sociale n’ont donc pas les moyens d’ouvrir un dispensaire. Ils sont soit exclus, soit laissés pour compte. Que leur arrivera-t-il?
Mme Weber : Je vous remercie de votre question. Je vais demander à M. Clare de nous donner quelques renseignements sur la différence entre les licences commerciales et le rôle du commerce de détail.
M. Clare : Pour que les choses soient claires, je précise que je parlais de l’obtention d’une licence fédérale pour la culture du cannabis. Il s’agit de la production de plantes, de la culture de plantes, puis de leur transformation en produits de consommation. Cela ne fait pas allusion au lancement d’un magasin de détail. J’imagine que les coûts de lancement d’un magasin de détail seraient différents de ceux associés à la production. Pour être honnête, je ne sais pas combien il en coûterait pour lancer un magasin de détail.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous remercie beaucoup de votre réponse.
Le sénateur Patterson : Madame Weber, je vous remercie des renseignements que vous nous avez communiqués sur les marchés illicites et licites. Dans quelle mesure pensez-vous que les informations provenant du marché noir sont exactes? Sont-ils toujours disposés à divulguer la taille de leurs entreprises?
Mme Weber : Voilà une excellente question. C’est une pour laquelle nous recueillons des données auprès de Statistique Canada. Je céderai donc la parole à M. Clare.
M. Clare : Le premier groupe d’experts a demandé si le gouvernement avait recueilli des données avant la légalisation du cannabis, afin de disposer d’une mesure de référence. La réponse est oui, tant du point de vue de la santé publique que du point de vue du suivi des progrès vers l’élimination du marché illicite.
Les deux principaux objectifs établis par le gouvernement étaient de réduire les méfaits de la consommation de cannabis sur la santé publique et de réduire l’étendue et la portée du marché clandestin du cannabis. Nous utilisons différentes enquêtes et différentes sources de données pour suivre l’évolution de ces deux grands indicateurs.
Pour ce qui est de la taille et de l’envergure des marchés illicites par rapport aux marchés licites, la statistique à laquelle Mme Weber fait référence est l’estimation trimestrielle des dépenses des ménages que Statistique Canada publie chaque trimestre pour toutes les dépenses des ménages. En gros, la question qui est posée aux consommateurs canadiens est la suivante : combien dépensez-vous pour acheter du cannabis et où le dépensez-vous? Dépensez-vous cet argent pour acheter des produits légaux ou des produits illégaux?
C’est la mesure clé à laquelle Mme Weber a fait allusion. Nous avons constaté une augmentation constante de cette statistique depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis. D’après le dernier trimestre pour lequel nous disposons de données, 69 % des dépenses des ménages consacrées au cannabis sont engagées sur le marché licite, par opposition aux consommateurs qui vont acheter ce cannabis auprès d’une source d’approvisionnement illégale.
Cela dit, ce n’est pas notre seule source de données. Nous utilisons diverses sources pour confirmer et corroborer ces données, notamment l’Enquête canadienne sur le cannabis, une enquête menée chaque année par Santé Canada. On demande aux répondants d’indiquer leur source d’approvisionnement en cannabis. Les résultats corroborent les données sur les dépenses des ménages : les réponses à l’enquête montrent qu’un nombre croissant de consommateurs se procurent du cannabis auprès de points de vente autorisés plutôt que de sources illégales. On leur demande même pourquoi, ce à quoi ils répondent par exemple : « C’est pratique. Puisque le nombre de magasins de détail dans ma collectivité a augmenté, je peux facilement m’approvisionner auprès d’une source légale. J’ai une plus grande confiance en la qualité du produit et je crains moins qu’il soit contaminé ou dangereux. » Le prix est aussi donné comme un facteur influençant les habitudes d’achat des répondants.
Le président : Merci, monsieur Clare.
Avant de conclure, puis-je vous demander de nous fournir, d’ici au 4 novembre, une liste écrite des obstacles à l’obtention de licences et des solutions mises en œuvre par votre ministère, ainsi que le coût des licences?
Mme Weber : Oui, nous vous transmettrons ces renseignements.
Le président : Je vous remercie. Le temps pour le présent groupe de témoins est maintenant écoulé. Je tiens à remercier tous les témoins de s’être joints à nous aujourd’hui.
Nous passons maintenant au prochain groupe de témoins. Nous accueillons Mme Chris Moran, sous-ministre adjointe, et Mme Kristin McLeod, directrice, Division de la politique de drogue, Secteur de la prévention du crime, de Sécurité publique Canada; ainsi que Mme Maryanne Pearce, directrice par intérim, Centre national de prévention du crime et services de police autochtones, et M. Mathieu Bertrand, surintendant, directeur général par intérim des crimes graves et organisés et de l’intégrité frontalière, Opérations criminelles de la police fédérale, de la Gendarmerie royale du Canada.
Chaque ministère dispose d’environ cinq minutes pour présenter sa déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite à la période de questions, durant laquelle les sénateurs disposeront d’un temps de parole d’environ cinq minutes.
Puisque nous recevons plusieurs témoins et que le temps est limité, je demande à toutes et à tous d’être aussi précis et concis que possible. Pour éviter d’avoir à interrompre quelqu’un, je ferai un signal pour indiquer aux témoins et aux sénateurs qu’il leur reste une minute. Si un témoin n’a pas le temps de terminer de répondre à une question, je lui demande d’envoyer la réponse par écrit à la greffière avant le vendredi 4 novembre 2022.
J’invite maintenant Mme Chris Moran à présenter sa déclaration préliminaire.
Chris Moran, sous-ministre adjointe, Secrétariat aux affaires autochtones, Sécurité publique Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureuse d’être ici ce soir. Je vous remercie chaleureusement, mesdames et messieurs, de m’avoir invitée à m’adresser à vous.
Je tiens aussi à reconnaître que je me joins au comité depuis Ottawa, une ville, qui, comme vous le savez, a été fondée sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe. J’aimerais saluer la longue tradition d’accueil de cette nation sur son territoire.
La création de notre secteur visait à reconnaître la nécessité de fournir un seul point de contact à Sécurité publique Canada pour les peuples et les communautés autochtones et pour orienter la réponse de Sécurité publique à l’égard de la réconciliation dans le cadre du travail de collaboration avec les peuples autochtones, les intervenants autochtones et les autres ministères. Entre autres, mon équipe travaille à l’élaboration conjointe d’un cadre législatif pour les services de police des Premières Nations en réponse à l’engagement du gouvernement de reconnaître les services de police adaptés aux différences culturelles comme des services essentiels. Je serais heureuse de fournir aux membres du comité de l’information sur cette initiative ou sur le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuits.
Je suis accompagnée de ma collègue, Mme Kristin McLeod, directrice de la Division de la politique de drogue au sein du Secteur de la prévention du crime à Sécurité publique Canada. Dans le cadre de ses fonctions, Mme McLeod, avec son équipe, appuie la mise en œuvre des éléments liés à la sécurité publique de la Loi sur le cannabis, notamment la coordination des mesures visant à supplanter le marché illégal avec les partenaires fédéraux, provinciaux, territoriaux et des forces de l’ordre; ainsi que faire en sorte, au cas par cas, que les communautés des Premières Nations qui font face à des problèmes de sécurité se rapportant au cannabis puissent accéder aux programmes et aux services fédéraux.
Comme vous le savez, la GRC fait partie du portefeuille de Sécurité publique Canada, et je suis également accompagnée ce soir du surintendant Mathieu Bernard et de Mme Maryanne Pearce, directrice des Services de police contractuels et autochtones de la GRC.
Si vous le permettez, je demanderais à Mme Pearce de présenter quelques observations préliminaires au nom de la GRC. Ensuite, nous fournirons avec plaisir d’autres renseignements au comité.
Merci, monsieur le président.
Le président : Merci, madame Moran.
Maryanne Pearce, directrice par intérim, Centre national de prévention du crime et services de police autochtones, Gendarmerie royale du Canada : Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Tout d’abord, je tiens à reconnaître que nous sommes sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Merci beaucoup de nous avoir invités dans le cadre de l’étude de la mise en œuvre de la Loi sur le cannabis. Comme ma collègue l’a dit, je suis la directrice par intérim responsable du Centre national de prévention du crime et des services de police autochtones, du secteur d’activité des services de police contractuels et autochtones de la GRC. Je suis accompagnée du surintendant Mathieu Bertrand, qui est responsable de l’intégrité frontalière et du crime organisé au sein du secteur d’activité de la police fédérale.
À titre de service de police national du Canada, la GRC contribue à l’administration de la Loi sur le cannabis de plusieurs façons, notamment en s’efforçant de garder les profits hors de la portée des criminels et du crime organisé. Grâce au financement consacré au cannabis en 2018, la GRC a augmenté sa capacité dans les domaines de la prévention et de la mobilisation, du renseignement, du contrôle de sécurité, de la formation, de la collecte de données et de l’expertise en la matière fournie aux forces de l’ordre.
La GRC fournit des services de police de première ligne dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada, à l’exception de l’Ontario et du Québec, en vertu d’ententes sur les services de police entre les collectivités et le Canada. Cela comprend la prestation de services de police à des centaines de communautés autochtones partout au Canada, dont une partie est offerte dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations et des Inuits administré par Sécurité publique Canada.
L’une des cinq priorités stratégiques de la GRC est de contribuer à l’établissement de communautés autochtones plus sûres et plus saines. La prestation de services de police appropriés et adaptés sur le plan culturel constitue la base nécessaire au renforcement des partenariats et des relations avec les communautés autochtones avec lesquelles la GRC interagit et qu’elle sert.
Nous nous engageons à continuer à prendre appui sur ces relations en nous efforçant de soutenir, de maintenir et d’entretenir un dialogue honnête et ouvert avec les communautés et les partenaires autochtones. L’histoire unique et certes complexe de la GRC auprès des peuples autochtones du Canada nous permet de mieux travailler en collaboration pour améliorer la santé et le bien-être des communautés. Grâce à ces efforts, nous sommes bien placés pour aider et défendre les communautés autochtones aux échelles locale, provinciale, territoriale et nationale.
La prestation de services de police contractuels permet d’offrir un service de qualité uniforme dans tout le Canada. En même temps, chaque collectivité détermine le niveau de services de police fournis ainsi que les objectifs, les priorités et les buts de ces services dans sa sphère de compétence respective. À cette fin, chaque collectivité peut adapter des initiatives pour répondre à des besoins locaux précis. Dans le cadre de la prestation de services aux communautés autochtones, la GRC travaille dans les domaines de l’éducation et de la sensibilisation, de la prévention, de l’intervention précoce et de l’application de la loi.
La GRC reconnaît qu’elle a un rôle important à jouer pour améliorer et assurer la sécurité dans les communautés autochtones. Il s’agit notamment de réduire la participation des jeunes à la criminalité, tant comme victimes que comme délinquants, ce qui constitue une autre des cinq priorités stratégiques de la GRC.
La prévention et l’intervention précoce, ainsi que la promotion de la sensibilisation et de la mobilisation des jeunes sont des éléments clés de la réduction de la criminalité et de la victimisation des jeunes. Ces activités visent à sensibiliser davantage les jeunes, à les influencer par la modélisation du comportement, le mentorat et l’apprentissage actif, et à les encourager à avoir une influence positive sur leurs pairs, leur école et leur communauté.
La GRC fournit aux membres de première ligne des stratégies efficaces pour communiquer avec les jeunes et les mobiliser sur divers sujets, dont la légalisation du cannabis, en sollicitant l’avis des jeunes de tout le Canada par l’intermédiaire du Comité consultatif national de la jeunesse de la GRC. Le site Web du Centre de prévention du crime chez les jeunes de la GRC fournit également aux policiers et aux adultes qui travaillent auprès des jeunes des outils, des programmes et des ressources de prévention du crime fondés sur des données probantes et adaptés à leur âge pour les aider à interagir avec les jeunes dans les écoles et la communauté, y compris en ce qui concerne la sensibilisation au cannabis.
Dans un esprit de réconciliation et en reconnaissance de la valeur des initiatives communautaires, la GRC travaille en étroite collaboration avec les communautés et les groupes autochtones pour élaborer des approches policières novatrices et adaptées à la culture. Les commandants des détachements de la GRC et les dirigeants communautaires — les chefs, les conseils et les maires — discutent régulièrement des priorités locales et des méthodes de prévention de la criminalité afin de fixer les priorités annuelles en matière de services de police locaux. La GRC travaille aussi en étroite collaboration avec les dirigeants et les représentants des organisations autochtones nationales afin qu’une voix autochtone nationale puisse se faire entendre.
En tant que force policière nationale du Canada, la GRC continuera d’appliquer la Loi sur le cannabis dans le cadre de ses efforts visant à contribuer à bâtir des communautés autochtones plus sûres et plus saines et à protéger les jeunes, notamment en poursuivant son engagement auprès des communautés et en favorisant l’éducation et la sensibilisation. La GRC continuera par ailleurs à remplir son mandat, c’est-à-dire prévenir et perturber les activités criminelles graves et mener des enquêtes connexes en collaboration avec les partenaires avec lesquels elle a des contrats, les organismes d’application de la loi, les services de liaison et les collectivités un peu partout au Canada.
Merci de nous avoir invités à venir discuter de la mise en œuvre de la Loi sur le cannabis. Nous répondrons avec plaisir à vos questions. Meegwetch.
Le président : Je vous remercie, madame Pearce.
Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.
La sénatrice Boniface : Je remercie tous les témoins de leur présence.
Des questions ont été posées aux derniers témoins concernant les répercussions sur le marché noir ou le marché illicite. Ma question s’adresse au surintendant, car je crois qu’il est bien placé pour y répondre. Pouvez-vous nous donner un aperçu de l’effet de la légalisation sur le marché noir, en tenant compte des différences régionales, si possible?
Mathieu Bertrand, surintendant, directeur général par intérim des crimes graves et organisés et de l’intégrité frontalière, Opérations criminelles de la police fédérale, Gendarmerie royale du Canada : Merci beaucoup pour la question.
Je dois admettre que je ne dispose pas des renseignements nécessaires pour répondre à la dernière partie de votre question. Nous pouvons vérifier et essayer de vous envoyer la réponse.
Je vais tenter de vous donner une réponse globale plutôt qu’une réponse portant strictement sur le marché noir. Un des défis qui se posent à nous, comme le Service canadien de renseignements criminels, ou le SCRC, l’a souligné dans son rapport public, c’est que plus de 2 600 groupes du crime organisé mènent des activités au Canada, et nous savons que plus de 175 d’entre eux participent activement au marché du cannabis illicite.
La sénatrice Boniface : Si j’ai bien compris, vous êtes aussi responsable de l’intégrité frontalière?
M. Bertrand : C’est exact.
La sénatrice Boniface : Pouvez-vous me donner une idée des endroits ou des secteurs où le marché illicite vous pose des problèmes? Où les problèmes survenaient-ils avant la légalisation et où surviennent-ils aujourd’hui? Les groupes déplacent-ils leurs activités, entraînant ainsi une transformation du marché? Des failles apparaissent-elles un peu partout au pays?
M. Bertrand : Je vous remercie pour la question.
Bien entendu, nous évaluons continuellement l’évolution du crime organisé, surtout dans ce marché-ci. En ce qui concerne mon mandat principal, l’intégrité frontalière, nous surveillons plusieurs secteurs, et malheureusement, les lacunes et les vulnérabilités sont nombreuses.
Par exemple, nous savons qu’il y a des activités de contrebande à la frontière terrestre et dans plusieurs collectivités et régions situées près de la frontière. Il y a aussi des lacunes et des vulnérabilités dans le secteur aérien, autant dans les aéroports réglementés que dans les aéroports non réglementés, ainsi que dans le secteur maritime.
Nous collaborons avec nos partenaires du renseignement pour tenter de déterminer où se trouvent les lacunes et les vulnérabilités les plus graves et nous affectons en priorité nos ressources limitées à ces secteurs. J’ajouterais rapidement que la GRC n’est évidemment pas la seule à s’attaquer à ces lacunes et à ces vulnérabilités. Nous travaillons de manière intégrée, non seulement au pays, mais aussi avec nos voisins du Sud.
La sénatrice Boniface : Ce que nous essayons de comprendre, et le chiffre qui nous a été donné, c’est que 69 % du marché passe maintenant par des voies légales. Il se trouve que j’ai aussi des contacts au sein des services de police, et d’après ce qu’on me dit, c’est loin d’être 69 %. Que répondrait à cela le SCRC ou la GRC?
M. Bertrand : Je sais que la GRC travaille en étroite collaboration avec l’Association canadienne des chefs de police, ou l’ACCP, qui est en train de réaliser une évaluation exhaustive de la Loi sur le cannabis du point de vue des organismes d’application de la loi. Je ne veux pas parler au nom de l’ACCP. Je ne crois pas que l’évaluation soit terminée, mais nous pouvons nous renseigner et vous envoyer la réponse.
D’après moi, cette évaluation répondra aux préoccupations que vous avez soulevées ce soir. Nous collaborons également avec le groupe d’experts indépendant de Santé Canada. J’ai l’impression qu’il se penchera aussi sur cette question dans le cadre de son évaluation.
La sénatrice Boniface : Je vous remercie.
La sénatrice Martin : Je remercie tous les témoins de leur présence. J’aimerais poursuivre dans la même veine que la sénatrice Boniface. Je vais poser les questions qui sont au premier plan de mes pensées.
Pouvez-vous décrire comment vous faites pour travailler étroitement, ou je devrais peut-être plutôt dire efficacement, avec les services de police des Premières Nations? Comment faites-vous pour collaborer avec les services de police à l’extérieur du Canada? Il va sans dire qu’une telle relation de travail est essentielle à l’application efficace de la loi. J’aimerais que vous nous parliez de l’efficacité, mais peut-être aussi des lacunes et des difficultés. Ma question s’adresse au surintendant.
M. Bertrand : Je vous remercie pour la question. Je serai très bref, car ma collègue, Mme Pearce, a sûrement des renseignements pertinents à présenter du point de vue du secteur des services de police contractuels et autochtones.
En ce qui concerne la police fédérale, je peux vous dire que nous participons à des opérations régionales conjuguées avec nos partenaires des forces de l’ordre, y compris les services de police autochtones, et ce, tant au Canada qu’avec nos voisins du Sud.
Mme Pearce : Merci, monsieur. C’est une question complexe qui regroupe divers éléments. J’inviterais aussi Mme Moran à vous parler du Programme des services de police des Premières Nations et des Inuits.
De façon générale, tous les commandants de détachement au Canada consultent les dirigeants de la collectivité, que ce soit le maire, le chef, le conseil ou autres, sur les enjeux relatifs à l’application de la loi considérés comme importants par la collectivité. Les membres du détachement participent à ce qu’on appelle un groupe consultatif communautaire dans le but de cerner les préoccupations de la collectivité. Des plans annuels de rendement sont créés en vue d’offrir des services de police aux groupes ciblés. Ces plans comprennent la rédaction et la négociation des lettres d’attentes signées par la GRC et les dirigeants de la collectivité. Les lettres d’attentes présentent les préoccupations que la GRC doit s’employer à résoudre au cours de l’année.
Je ne sais pas si j’ai bien répondu à votre question. Je serai heureuse d’en dire plus, mais je pense que Mme Moran aimerait aussi prendre la parole à ce sujet.
Mme Moran : Je vous remercie beaucoup de cette ouverture, madame Pearce. Oui, le Programme des services de police des Premières Nations et des Inuits compte actuellement 36 services de police des Premières Nations, qui fournissent des services à 155 communautés. Ces services sont établis conformément au cadre juridictionnel provincial. Ils bénéficient des mêmes pouvoirs que les autres services de police de la province, dont ils sont, de fait, substantiellement l’équivalent. Ils collaborent étroitement avec les autres services de police au titre de contrats de service de police ou d’ententes municipales. J’espère que ces informations vous sont utiles.
La sénatrice Martin : Existe-t-il des lacunes à identifier pour veiller à ce que l’exécution de la loi soit plus efficace?
Mme Pearce : Avant d’autoriser l’exécution de la Loi sur le cannabis et la prise de mesures sur les terres autochtones, la GRC consulte d’abord les officiers responsables des enquêtes criminelles de la division et les services de police autochtones. C’est la première étape. Les sections des services de police autochtones de la division peuvent fournir des renseignements antérieurs ou pertinents au personnel de la division dans le cadre des enquêtes relatives aux infractions à la Loi sur le cannabis. La GRC continue d’employer une approche mesurée, laquelle inclut des consultations auprès des parties prenantes afin d’endiguer la vente de cannabis sans permis dans les communautés. L’augmentation des plaintes et des préoccupations concernant les produits vendus et la vente potentielle aux jeunes peut inciter la police à agir, souvent dans le but de mettre fin aux activités illégales. La GRC applique cette approche graduelle d’exécution de la loi d’abord en éduquant les personnes qui s’adonnent à l’activité, puis en leur servant des avertissements, pour passer enfin à l’exécution de la loi. J’espère que cela répond à votre question sur le sujet.
La sénatrice Martin : C’est juste que les chiffres sont préoccupants, quand on sait qu’il y a quelque 2 600 groupes criminels et seulement 36 services de police des Premières Nations. Je pense que juste pour le commerce des cigarettes, on craint de plus en plus que le marché illicite soit d’une envergure bien plus grande que le marché légal. J’imagine que les problèmes sont les mêmes ici.
Je m’interroge vraiment à propos des lacunes des services de police à l’intérieur et à l’extérieur des nations, et je me demande où se situent les lacunes et s’il y a suffisamment de financement et de ressources pour assurer l’exécution de la loi pour ceux qui en ont le plus besoin, particulièrement les jeunes. C’est plus un énoncé qu’une question, mais vous avez déjà répondu à mes questions. Sur le plan du financement, je suppose qu’on a besoin de plus de fonds. Serait-ce juste à dire?
Mme Moran : Dans le cadre du travail qu’effectue mon équipe, nous cherchons à établir en collaboration un cadre législatif qui assurerait un financement durable et souple à l’intention des communautés qui veulent instaurer leurs propres lois relativement aux services de police dirigés par les Premières Nations.
Le sénateur Patterson : Je remercie les témoins. Comme vous le savez, le comité a examiné la Loi sur le cannabis sous l’angle des questions autochtones quand la mesure législative était au Sénat. Certains chefs autochtones nous ont alors avertis qu’à moins que les pouvoirs autochtones ne soient respectés sur les réserves en ce qui concerne la production, la vente et les taxes, le cannabis risquait de devenir comme une cigarette illégale, car il serait vendu sur le marché illicite à des prix inférieurs et à des concentrations supérieures. C’est là une préoccupation répandue.
Nous avons également entendu dire, au cours de nos délibérations, que très peu de progrès avaient été accomplis pour conférer aux Premières Nations le pouvoir de contrôler les activités relatives au cannabis sur leurs terres, même si elles veulent l’obtenir. Aucune convention n’a été prévue dans la Loi sur le cannabis pour que les bandes obtiennent des pouvoirs. Les dispensaires illégaux foisonnent donc sans contrôle.
Madame McLeod, vous avez indiqué que Sécurité publique Canada a pour mandat de collaborer avec les provinces et les territoires afin de détrôner le marché illégal. La situation que je viens de décrire — dans laquelle les activités migrent vers la clandestinité parce que les Premières Nations n’ont reçu aucun pouvoir pour exercer leur autorité dans ce domaine, d’où le problème des dispensaires illégaux non réglementés — correspond-elle à ce qui se passe actuellement?
Kristin McLeod, directrice, Division de la politique de drogue, Secteur de la prévention du crime, Sécurité publique Canada : Je vous remercie beaucoup de la question, sénateur.
Nous avons certainement eu vent d’un certain nombre de problèmes au sein des communautés en ce qui concerne la présence de cannabis illégal, ainsi que de certaines tensions relatives à l’application de la Loi sur le cannabis et découlant du souhait qu’ont plusieurs communautés d’élaborer leurs propres règlements.
Il y a notamment des problèmes de sécurité communautaire, comme l’augmentation du trafic malvenu, ainsi que de très sérieuses inquiétudes quant à l’accroissement potentiel des activités du crime organisé dans certaines communautés.
Le gouvernement fédéral prend certainement ces préoccupations avec le plus grand sérieux, et nous sommes à l’affût d’occasions de collaborer avec les communautés à cet égard. Le gouvernement fédéral et Sécurité publique Canada offrent des programmes et des services à l’intention des communautés, comme l’Initiative de lutte contre le crime organisé dans les Premières Nations, laquelle fournit du financement au service de police mohawk d’Akwesasne et aux Peacekeepers de Kahnawake afin de lutter contre le crime organisé dans ces communautés. Sécurité publique Canada met également en œuvre l’Initiative de planification de sécurité des collectivités autochtones, qui soutient les communautés autochtones dans le cadre de l’élaboration de plans de sécurité communautaire adaptés à leur situation.
Dans l’ensemble, donc, nous sommes au fait de bien des problèmes et nous cherchons à réagir à certains d’entre eux.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie de cette réponse. Auriez-vous l’obligeance de fournir au comité, par l’entremise de la greffière, des renseignements sur les programmes dont vous venez de parler?
Mme McLeod : Je le ferai avec plaisir.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie.
La sénatrice Coyle : Je remercie nos témoins de ce soir. La légalisation du cannabis et ses répercussions sur les communautés autochtones du Canada revêtent un grand nombre d’aspects. Il est donc très intéressant de parler de la sécurité publique et du maintien de la paix ce soir.
Certains ont émis la possibilité — sans la moindre certitude, bien entendu — qu’avec la légalisation du cannabis, certains membres de la communauté pourraient se mettre à la consommation de cannabis, remplaçant peut-être ainsi la consommation d’alcool. Il y aurait donc peut-être moins de crimes violents, de violence conjugale et de ce genre de comportements.
Des recherches ont-elles été entreprises pour étudier ces facteurs?
Mme McLeod : Je vous remercie, sénatrice.
Sécurité publique Canada a entrepris des recherches sur un certain nombre d’aspects de la mise en œuvre de la légalisation du cannabis sur le plan de la sécurité publique, se penchant par exemple sur les taux des amendes imposées pour la possession simple et le trafic de stupéfiants. Nous savons aussi certainement qu’il y a des lacunes et des défis au chapitre de la perception des amendes et de la collecte de données. Nous continuerons donc de collaborer avec nos collègues de Statistique Canada et du secteur de l’exécution de la loi.
Nous cherchons à entreprendre un programme de recherches concernant un certain nombre d’aspects de la sécurité publique sur le plan de la mise en œuvre de la légalisation du cannabis.
La sénatrice Coyle : Ces recherches portent-elles sur les taux de crimes violents et la nature de ces crimes pour les comparer à ceux d’avant la légalisation du cannabis?
Mme McLeod : Nous n’avons pas élaboré de projet de recherche portant précisément sur le sujet. C’est certainement un aspect que nous examinerions volontiers.
Le président : Je vous remercie.
J’ai une question pour tous nos témoins. Quels défis les communautés des Premières Nations rencontrent-elles lorsqu’elles appliquent leurs lois en matière de cannabis sur leurs terres, et comment ces défis diffèrent-ils en fonction du genre de service de maintien de la paix établi, comme ceux offerts par la GRC et les services de police des Premières Nations?
Mme Moran : En ce qui concerne l’application des lois autochtones, Sécurité publique Canada sait que les communautés des Premières Nations doivent pouvoir exécuter la loi et entamer des poursuites pour être en mesure de donner une application concrète à leur droit à l’autodétermination. Les règlements de bande, quand ils sont adéquatement adoptés en vertu de lois fédérales comme la Loi sur les Indiens, pourraient être appliqués par des agents de police, y compris ceux de la GRC et des Premières Nations dans les communautés qu’ils servent.
Sachez que les services de police restent maîtres de leurs décisions d’appliquer ou non les règlements, mais ils choisiront généralement de les appliquer dans le cadre des activités essentielles de maintien de la paix.
Je soulignerais également qu’il s’agit d’une question à multiples facettes, et c’est là une facette où nous décelons des lacunes. Cependant, des travaux sont en cours avec le ministère de la Justice, Services aux Autochtones Canada et les provinces pour donner une application concrète à ces lois. C’est en fait du côté des poursuites que nous relevons des lacunes et des problèmes sur le plan de la conformité aux lois canadiennes et fédérales. En outre, l’impression demeure que les lois autochtones sont de nature civile. C’est un problème que nous observons également.
Nous avons beaucoup travaillé en collaboration au cours des huit derniers mois dans le cadre du travail que nous accomplissons pour élaborer une loi pour les services de police des Premières Nations, et c’est un sujet qui revient couramment.
Mme Pearce : Vous avez parlé de la GRC. Je peux vous présenter un bref résumé à ce sujet en ce qui concerne les règlements.
Tous les services de police ont un rôle à jouer dans l’exécution des lois autochtones, et le mandat d’exécution de la loi de la GRC est encadré par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada et la common law. Les règlements de bande adéquatement adoptés conformément aux lois fédérales, comme la Loi sur les Indiens, peuvent être appliqués par la GRC, du moment qu’elle est l’autorité policière dans la communauté qui a adopté les règlements.
Comme ma collègue l’a indiqué, les services de police restent maîtres de leurs décisions d’appliquer ou non les règlements, et ils choisiront généralement de n’appliquer que ceux qui cadrent avec les activités essentielles de maintien de la paix en ce qui a trait à la sécurité publique et où il existe un mécanisme valide de poursuites en cas de violation des règlements.
En outre, la GRC s’efforce de tendre la main aux communautés autochtones qu’elle sert afin d’améliorer le dialogue et les interactions entre ces communautés et la police. Ces échanges étroits et fréquents permettent également à la communauté de participer aux décisions relatives à l’élaboration des politiques qui les concernent.
Le président : Je vous remercie de ces précisions.
La sénatrice Boniface : Pourriez-vous m’indiquer rapidement quand sera présentée la loi sur les services de police des Premières Nations? Sommes-nous susceptibles d’y voir quelque chose pour les aider à appliquer les règlements à ce sujet?
Mme Moran : Je ne peux pas vous donner de date précise. Nous élaborons la loi en collaboration avec l’Assemblée des Premières Nations, ou APN. Ce processus de rédaction conjointe repose sur la confiance et la gouvernance commune. Nous continuons de réaliser des progrès avec l’APN dans ce dossier. Nous collaborons avec d’autres partenaires et parties prenantes, notamment avec l’Association des chefs de police des Premières Nations et le Conseil de gouvernance de la police des Premières Nations. Nous avons à cœur d’élaborer et de faire adopter cette loi et progressons ensemble à un bon rythme. Il est difficile de vous donner une date exacte, mais nous entendons déposer la loi le plus rapidement possible.
Le sénateur Patterson : En ce qui concerne les services de police autochtones, je pense que c’est Mme Weber qui a parlé des Premières Nations, des Inuits et des Métis à ce sujet dans son témoignage. Dois-je comprendre que la loi sur les services de police autochtones s’appliquera uniquement aux Premières Nations et pas aux Inuits qui, je pense, ont à cet égard des ententes exclusives avec le Québec ou la GRC dans leurs régions? Il s’agira principalement d’une initiative s’adressant aux Premières Nations, n’est-ce pas?
Mme Moran : Oui, c’est exact. Notre mandat consiste à proposer un cadre législatif pour les services de police des Premières Nations. Nous travaillons aussi avec les Inuits et des parties prenantes, et commençons à collaborer avec des nations et des intervenants métis également.
Le sénateur Patterson : Je pense toutefois que cela concerne le recrutement plutôt que la prise de contrôle des services de police. Est-ce exact?
Mme Moran : Non, monsieur. Nous discutons en fait des services de police inuits et métis et des priorités en matière de sécurité publique. Nous travaillons avec les Inuits et les Métis pour comprendre leurs intérêts et leurs préoccupations et en tenir compte, quand nous le pouvons, dans le travail que Sécurité publique Canada effectue au titre du Programme des services de police des Premières Nations et des Inuits.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie.
Le président : Notre séance touche à sa fin, mais les témoins n’ont pas répondu à certaines questions. Puis-je vous demander de vous engager à fournir à notre greffière des réponses écrites aux questions non répondues d’ici le 4 novembre?
Mme Moran : Certainement. Je vous remercie, monsieur le président.
Le président : Je vous remercie. Je remercie également tous nos témoins d’avoir comparu devant nous aujourd’hui.
(La séance est levée.)