LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 1er novembre 2022
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Ublaahatsiatkut, bonjour. J’aimerais commencer par reconnaître que nous sommes réunis aujourd’hui sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinabe, dont la présence ici remonte à des temps immémoriaux.
Je suis le sénateur micmac Brian Francis, d’Epekwitk, aussi connue sous le nom de l’Île-du-Prince-Édouard, et je suis président du Comité des peuples autochtones.
Avant de commencer notre réunion, j’aimerais demander à tous les participants sur place de bien vouloir éviter de se pencher trop près du microphone ou d’enlever au préalable leur oreillette. Cela permettra d’éviter un effet Larsen qui pourrait avoir des répercussions sur le personnel du comité dans la pièce.
J’aimerais maintenant demander aux membres du comité sur place de bien vouloir se présenter. Veuillez donner votre nom et votre province ou territoire. Commençons par le vice-président.
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.
Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle du Mi’kma’ki, en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
[Français]
La sénatrice Audette : Bonjour [mots prononcés dans une langue autochtone]. Michèle Audette, du Québec.
[Traduction]
Le président : Merci, honorables sénateurs.
De temps à autre, les comités invitent des représentants ministériels, des représentants d’organismes ou de communautés et d’autres intervenants à venir faire le point sur leurs travaux et leurs priorités. Ces témoignages nous aident à orienter les travaux et les études à venir.
Conformément à cette pratique de longue date et au mandat du Comité des peuples autochtones, qui est d’étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones, nous accueillons aujourd’hui des représentants de Services aux Autochtones Canada et de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Nous avons prévu demain d’entendre des représentants du Congrès des peuples autochtones, d’ITK, du Ralliement national des Métis, de l’Assemblée des Premières Nations et de l’Association des femmes autochtones du Canada.
J’aimerais maintenant vous présenter les témoins que nous accueillons ce matin. Nous avons des représentantes de Services aux Autochtones Canada : la sous-ministre adjointe, Mme Valerie Gideon; et la sous-ministre adjointe du Secteur des opérations régionales, Mme Paula Hadden-Jokiel. Nous accueillons aussi des représentants de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : le sous-ministre, M. Daniel Quan-Watson; et la sous-ministre déléguée, Mme Paula Isaak.
Chaque ministère aura cinq minutes pour faire sa déclaration liminaire, puis nous aurons une série de questions et de réponses d’environ cinq minutes par sénateur.
Les deux ministères ont envoyé d’autres représentants pour aider à répondre aux questions des sénateurs. Si ces représentants souhaitent prendre la parole, je leur demande de prendre place à la table et de donner leur nom, leur ministère et leur titre.
Madame Gideon, vous pouvez maintenant faire votre déclaration liminaire.
[Français]
Valerie Gideon, sous-ministre déléguée, Services aux Autochtones Canada : Bonjour [mots prononcés dans une langue autochtone]. J’aimerais me présenter. Je m’appelle Valerie Gideon et je suis sous-ministre déléguée à Services aux Autochtones Canada et je suis aussi une Mi’kmaq de la nation de la Gesgapegiag, dans la belle région de la Gaspésie, dans la belle province de Québec. Je vous remercie de nous avoir invités aujourd’hui.
[Traduction]
Je m’adresse à vous aujourd’hui à partir d’Ottawa dans la région de la capitale nationale sur le territoire traditionnel et non cédé de la nation algonquine. C’est le territoire de notre sous-ministre, Mme Gina Wilson, qui malheureusement ne pouvait pas être ici aujourd’hui, à son grand regret. Elle aurait vraiment souhaité pouvoir venir vous rencontrer pour vous parler de nos priorités ministérielles.
[Français]
C’est avec plaisir que je témoigne devant ce comité pour discuter des priorités de notre ministère, un ministère qui est quand même relativement nouveau, puisqu’il a été établi en 2017, mais qui a déjà accompli beaucoup de travail, mais devant nous.
[Traduction]
Services aux Autochtones Canada travaille en collaboration avec ses partenaires pour améliorer l’accès des Premières Nations, des Inuits et des Métis à des services de qualité. Notre vision consiste à appuyer les peuples autochtones et à leur donner les moyens de fournir indépendamment des services et de gérer les conditions socioéconomiques dans leur communauté.
En gros, les priorités qui orientent nos travaux visent à faire progresser l’autodétermination, l’élimination des écarts socioéconomiques et l’élimination des obstacles systémiques, y compris le racisme et la discrimination, auxquels sont confrontés les peuples autochtones au pays.
En réponse à une contestation fondée sur la Charte et dans l’optique de corriger des inégalités historiques, nous nous penchons sur des changements législatifs aux dispositions de la Loi sur les Indiens sur l’inscription et l’appartenance aux bandes. Notre proposition comprend des modifications législatives immédiates pour régler les questions liées à l’émancipation, à la possibilité pour des personnes de se désinscrire et aux femmes de récupérer leur appartenance à leur bande natale et à l’élimination de passages désuets et offensants dans la Loi sur les Indiens.
[Français]
Le ministère poursuit aussi la mise en œuvre du projet de loi C-92, qui porte sur les services à l’enfance et à la famille et couvre les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous poursuivons les initiatives pour renforcer la sphère de compétence des peuples autochtones dans tout le pays.
[Traduction]
Nous collaborons avec de nombreux organismes de gouvernance autochtones pour négocier des ententes qui leur permettraient d’exercer complètement ou partiellement leur compétence en matière de services à l’enfance et à la famille.
Nous élaborons actuellement une nouvelle mesure législative sur l’eau pour les Premières Nations. Nous espérons que ce projet de loi permettra d’établir des principes nationaux pour les services d’approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées sur les terres des Premières Nations.
[Français]
Ce projet de loi nous soutiendra également dans l’exercice du droit inhérent à l’autogouvernance.
[Traduction]
Cela permettra aussi de codifier la collaboration avec les Premières Nations concernant l’élaboration de règlements et de politiques en vue de plus facilement conclure des ententes sur la gestion de l’eau.
[Français]
L’amélioration des services de santé pour les peuples autochtones est une autre priorité du ministère. Nous avons lancé un processus d’engagement pour développer un projet de loi sur la santé autochtone au début de 2021.
Jusqu’à présent, nous avons reçu 35 rapports résultant des engagements qui ont été coordonnés par des partenaires autochtones. En fonction des rétroactions, nous travaillons sur un rapport sommaire qui sera publié à l’échelle nationale. Les thèmes communs comprennent la nécessité d’éliminer le racisme systémique contre les peuples autochtones, de reconnaître leur droit à l’autodétermination et de bâtir la capacité en ressources humaines dans le domaine de la santé, qui subit une pénurie importante à laquelle tout le pays fait face actuellement.
[Traduction]
Toujours dans le domaine de la santé, l’une de nos priorités est de soutenir des améliorations fondées sur les distinctions pour ce qui est des services de santé mentale et de lutte contre la toxicomanie pour les peuples autochtones. Nous mobilisons notamment les partenaires et les communautés pour élaborer des approches communautaires novatrices comme des équipes de mieux-être mental, la promotion de la vie et la prévention du suicide, les points de vue des jeunes Autochtones, la guérison sur le territoire et la prévention et le traitement de la toxicomanie, y compris la réduction des méfaits.
La situation progresse aussi dans le domaine de la gestion des urgences, soit un élément extrêmement important compte tenu des changements climatiques et des mesures d’adaptation. Nous tentons de conclure des ententes de collaboration pour la gestion des urgences avec des Premières Nations et des partenaires provinciaux. Ces ententes tripartites contribueront à améliorer la gestion des urgences à tous les échelons de gouvernement, permettront une planification stratégique à long terme, donneront une plus grande voix aux partenaires autochtones et satisferont aux besoins opérationnels immédiats.
Le ministère travaille étroitement avec un ministère à vocation analogue, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, en vue d’aider des communautés à trouver de possibles lieux de sépulture sur les sites d’anciens pensionnats indiens. Nous collaborons très étroitement dans ce dossier avec des survivants et des dirigeants communautaires pour veiller au respect de leur volonté.
Je suis certaine que nos partenaires aborderont la question, mais le logement est une priorité importante de nos deux ministères. Nous avons réalisé des investissements considérables en la matière. Par exemple, dans le budget de 2022, le gouvernement a annoncé des investissements de 4 milliards de dollars supplémentaires sur sept ans dans le logement pour les Autochtones afin d’accélérer les travaux visant à combler les lacunes en matière de logement dans les communautés autochtones, y compris 2,4 milliards de dollars sur cinq ans pour soutenir le logement des Premières Nations dans les réserves.
Nous continuons aussi de soutenir les communautés et les entreprises pour les aider dans leur transition post-pandémie de COVID-19, tout en reconnaissant que la pandémie est toujours présente. Cependant, ce financement est très important pour garantir que les communautés autochtones sont en bonne posture pour favoriser la croissance de leurs fondements économiques pendant la reprise économique et — souhaitons-le — atteindre la prospérité.
Nous serons ravies de répondre à vos questions.
Meegwetch, qujannamiik, marsee, merci, wela’lioq.
Le président : Wela’lin, madame Gideon.
Monsieur Quan-Watson, vous pouvez y aller de votre déclaration liminaire.
[Français]
Daniel Quan-Watson, sous-ministre, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Bonjour [mots prononcés dans une langue autochtone]. Avant de commencer, je tiens à reconnaître notre présence sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinabe, peuple de ma chère collègue Gina Wilson, qui regrette de ne pouvoir être présente aujourd’hui.
Je vous remercie de m’accueillir au comité et de me donner l’occasion d’expliquer les priorités actuelles et futures de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada.
Le ministère a pour mandat général de faire progresser la réconciliation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
[Traduction]
Le ministère s’occupe de la réponse du gouvernement fédéral pour aborder l’histoire des pensionnats indiens et redresser les torts causés par ces institutions. Cela comprend notamment de mettre en œuvre 15 des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et de faire rapport sur l’état d’avancement des 76 appels à l’action qui relèvent du gouvernement fédéral.
Nos pensées accompagnent les survivants, leur famille et les communautés à mesure que continue d’être révélée au grand jour la triste vérité au sujet des pensionnats indiens et des lieux de sépulture non marqués. Nous offrons du financement pour accompagner les communautés, les survivants et leur famille sur leur chemin de la guérison pour chercher et localiser les enfants qui sont décédés pendant qu’ils fréquentaient des pensionnats indiens et honorer leur mémoire.
L’une de nos principales priorités est de nous attaquer à la tragédie nationale des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées.
[Français]
Le ministère continue de diriger les efforts du gouvernement fédéral, par l’intermédiaire de plus de 25 ministères et organismes, et de coordonner les efforts de l’ensemble du Canada avec les partenaires autochtones, les familles, les survivants, les organisations et les 13 provinces et territoires.
[Traduction]
Le gouvernement fédéral s’engage à accélérer la cadence dans le dossier des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées grâce à des investissements, à des programmes, à des politiques et à des initiatives qui s’attaqueront aux causes profondes de la violence dont sont victimes les femmes, les filles et les bispirituels et plus autochtones.
Nous renforçons notre collaboration avec les familles, les survivants, les partenaires et les organismes autochtones, de même que les provinces et les territoires, pour mettre en œuvre le plan d’action national de 2021 et ainsi répondre aux appels à la justice de l’enquête nationale.
Nous collaborons avec l’Assemblée des Premières Nations et d’autres organismes des Premières Nations pour réformer le processus de règlement des revendications particulières et nous avons récemment amorcé des consultations sur une élaboration conjointe à partir des options de réforme proposées.
[Français]
Le ministère travaille également avec les Premières Nations à la modernisation des mécanismes fiscaux afin d’améliorer les conditions économiques. Cela implique la modernisation de la Loi sur la gestion financière des premières nations et une collaboration étroite avec les institutions financières des Premières Nations. Il s’agit également de collaborer avec les gouvernements autochtones qui ont conclu des ententes globales et des ententes d’autonomie gouvernementale pour veiller à ce qu’ils disposent des ressources suffisantes pour concrétiser leur vision de l’autodétermination.
[Traduction]
Nous avons aussi l’intention d’accentuer les mesures considérables déjà déployées pour régler les revendications fondées sur des traités modernes, particulièrement en Colombie-Britannique. Nous sommes d’avis que nous avons une occasion historique de parvenir à une entente dans le cas de plusieurs négociations de longue date dans le cadre du processus de négociation adopté par la Commission des traités de la Colombie-Britannique. À cet égard, je tiens à reconnaître en particulier le travail de mon collègue, M. Joe Wild, qui est ici aujourd’hui. Il a contribué énormément à ce processus et a été instrumental dans les avancées que nous voyons aujourd’hui. Il sera peut-être en mesure de répondre à quelques-unes de vos questions plus tard.
[Français]
En ce qui concerne le portefeuille du Nord, le principal objectif consistera à travailler avec des partenaires pour mettre en œuvre le Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord du Canada.
[Traduction]
Nutrition Nord Canada continue d’améliorer et d’élargir ses programmes pour mieux soutenir les habitants de communautés isolées dans le Nord canadien. Pour ce faire, l’organisme collabore directement avec des partenaires autochtones et du Nord pour comprendre et mieux répondre à leurs besoins et à leurs priorités en matière de sécurité alimentaire.
[Français]
Le programme a continué de s’étendre pour inclure un soutien à l’amélioration de l’accès non seulement aux aliments achetés en magasin, mais aussi aux aliments traditionnels et aux aliments produits localement.
[Traduction]
Nous continuons de soutenir la croissance durable et nous entreprendrons des travaux de réhabilitation de grandes mines abandonnées. Nous veillerons à ce que les communautés locales et autochtones profitent de ces projets à plusieurs égards : l’approvisionnement, la formation, le renforcement des capacités et les occasions d’emploi.
[Français]
Nous continuerons également à mettre au point une politique sur l’Inuit Nunangat, élaborée conjointement, et à accélérer sa mise en œuvre.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser au comité. Meegwetch. Qujannamiik. Marsee. Merci.
[Traduction]
Le président : Merci, monsieur Quan-Watson.
Avant de passer aux questions, je tiens à rappeler à tout le monde dans la pièce d’éviter de se pencher trop près du microphone ou d’enlever au préalable son oreillette.
Si d’autres représentants ministériels souhaitent répondre à une question d’un sénateur, je leur rappelle de bien vouloir prendre place à la table et de donner leur nom, leur ministère et leur titre avant de répondre à la question.
J’aimerais lancer le bal en posant la première question à Mme Gideon.
Madame Gideon, mes questions portent sur l’état d’avancement du projet de loi sur les soins de santé pour les Autochtones. Quels sont les objectifs de cette mesure législative? Le projet de loi inclura-t-il des normes? Du financement y sera-t-il rattaché?
Mme Gideon : Je vous remercie de votre question, sénateur.
Nous sommes seulement rendus à recevoir les rapports d’engagement de nos partenaires. Nous avons fait très attention d’éviter de présumer de la portée possible du projet de loi.
Il y a des distinctions très importantes entre ce que les Premières Nations, les Inuits et la nation métisse peuvent considérer comme important.
Parmi les priorités communes, nous comptons l’élimination du racisme systémique, un accès amélioré à de meilleurs services de santé de qualité, une approche plus holistique et la reconnaissance des approches traditionnelles en matière de santé et de bien-être. Ce sont des valeurs et des intérêts fondamentaux que nous entendons sans cesse depuis des années. Reste à savoir s’il est possible d’y arriver en élaborant, en imposant ou en appliquant des normes de service, mais cela fera l’objet de discussions plus approfondies.
Le gouvernement fédéral est relativement limité dans ce qu’il peut faire en matière de soins de santé. Nous avons évidemment certaines responsabilités très importantes en ce qui a trait aux soins primaires et à la santé publique dans les réserves, mais nous dépendons vraiment des provinces et des territoires pour une grande partie de l’accès aux services de soins de santé, qui sont en partie financés par le ministère des Finances au moyen du Transfert en matière de santé.
Pour y arriver, une approche pangouvernementale serait nécessaire en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les gouvernements des Premières Nations, les organismes inuits de revendications territoriales et les gouvernements et les représentants de la nation métisse.
Idéalement, nous pouvons faire preuve d’une certaine volonté collective pour reconnaître que, sans un meilleur système de santé, les répercussions en aval coûtent beaucoup d’argent aux Canadiens. Nous avons un taux de mortalité prématurée plus élevée. De nombreux troubles et maladies pourraient être traités si nous collaborons.
Le président : Je vous remercie.
Le sénateur Arnot : En ce qui concerne Services aux Autochtones Canada, je me demande comment vous prévoyez résoudre le dossier des indemnisations pour les enfants des Premières Nations victimes de discrimination et leur famille. Quelles mesures prenez-vous pour vous conformer à l’ordonnance du tribunal? Comment le ministère prévoit-il obtenir l’appui du tribunal devant la Cour fédérale relativement à cet accord?
Mme Gideon : Merci beaucoup de votre question. Comme vous le savez, elle est très opportune.
L’automne dernier — en fait, il y a environ un an la semaine dernière —, nous avons obtenu le mandat de conclure au plus tard le 31 décembre 2021 une entente de principe comme première étape du processus d’indemnisation, et nous en avons conclu une avec l’Assemblée des Premières Nations et les avocats chargés du recours collectif, que les chefs de l’Ontario et de la nation nishnawbe-aski appuient également.
Nous avons conclu un accord de règlement final sur l’indemnisation, qui a été signé le 30 juin 2022. Il a été présenté au Tribunal canadien des droits de la personne. Le tribunal a tenu une audience à la mi-septembre. La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada s’est opposée à la demande adressée au tribunal pour qu’il reconnaisse que l’accord de règlement final respecte son ordonnance d’indemnisation de 2019. Le 24 octobre dernier, nous avons reçu la décision du tribunal, selon laquelle il n’est pas prêt à accepter la demande présentée par l’Assemblée des Premières Nations et appuyée par le Canada.
Nous en sommes maintenant à l’étape d’étudier les possibilités qui s’offrent à nous pour aller de l’avant. Nous attendons les motifs définitifs du tribunal. Nous ne savons pas exactement quand ils seront publiés, et nous discuterons avec les parties à l’accord de règlement final et les ministres pour déterminer les prochaines mesures à prendre.
Le sénateur Arnot : Ce litige remonte à il y a 15 ans, ce qui est très malheureux. Comment évaluez-vous les risques qui pèsent sur les familles et les enfants alors que nous attendons que l’accord soit négocié adéquatement, puis conclu?
Mme Gideon : Depuis la décision sur le bien-fondé rendue par le tribunal en 2016, nous avons fait des investissements importants dans le Programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Même en mars 2022, nous avons investi une somme considérable pour prendre des mesures immédiates visant à lutter contre la discrimination, ce qui a été approuvé par le tribunal. Cet investissement a été réalisé dans le cadre d’une ordonnance par consentement de toutes les parties à la plainte.
Il a permis d’accroître de 270 % les fonds destinés à la prévention pour le présent exercice. Il a permis d’élargir l’accès aux soutiens destinés aux personnes ayant atteint l’âge de la majorité, et ce, jusqu’à l’âge de 26 ans. Il a permis d’élargir les services de représentants des Premières Nations, un programme qui était accessible uniquement en Ontario et qui est maintenant accessible dans toutes les provinces et au Yukon. Ce programme soutient expressément les familles engagées dans ce processus.
Nous continuons donc à faire des investissements. Nous n’avons pas attendu que ce dossier soit réglé pour en faire.
Nous avons également accepté de nous conformer à une ordonnance sur les immobilisations, ce qui permet à des projets d’immobilisations relatifs aux Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et au principe de Jordan d’être financés.
Enfin, je souligne que, dans le budget de 2022, il y a eu un investissement considérable au cours des quatre prochaines années en lien avec le principe de Jordan qui nous permet de continuer à répondre aux demandes. Plus de deux millions de demandes ont été approuvées au titre du principe de Jordan.
Toutes ces mesures sont en vigueur aujourd’hui, alors que le dossier de l’indemnisation continue de faire l’objet de négociations.
Le sénateur Patterson : Bienvenue à nos témoins. J’aimerais poser des questions à Mme Gideon au sujet du centre de rétablissement au Nunavut.
Pour la mise en contexte, comme vous le savez, quand la mesure législative sur le cannabis a été adoptée, il n’y avait aucun établissement de traitement au Nunavut. Le besoin est criant dans le territoire. Malheureusement, nous sommes aux prises avec des opioïdes, l’accès à l’alcool devient de plus en plus facile, la population augmente et 50 Nunavummiuts, qui étaient prêts à quitter le territoire, ont dû le faire pour recevoir des traitements.
Une promesse avait été faite en ce sens, et la collaboration au sein du comité tripartite, composé du gouvernement du Nunavut, de votre gouvernement et de la Nunavut Tunngavik Incorporated, a été exceptionnelle. Tout le monde est personnellement engagé dans ce dossier. Les gouvernements y investissent de l’argent. Ils élaborent des programmes communautaires améliorés sur le territoire, des camps de ressourcement. Ils sont déterminés à ce qu’il y ait du personnel inuit dans le nouveau centre de rétablissement. De plus, le centre de rétablissement sera dirigé par des Inuits et il tiendra compte des traumatismes, ce qui est exactement ce que le comité avait recommandé.
Tout se passe vraiment bien.
Je tiens à vous dire à quel point je suis ravi des progrès. On a trouvé un magnifique emplacement sur les terres situées entre Iqaluit et Apex.
Tout va très bien, sauf que, comme vous le savez probablement, les coûts ont monté en flèche après la pandémie. Je crois comprendre que, actuellement, le projet se fonde sur les meilleures estimations fournies, soit les estimations de la catégorie C. En date de juillet dernier, les coûts avaient augmenté de 13,9 millions de dollars, et tout le monde comprend que cette augmentation est liée à l’inflation, aux pénuries dans la chaîne d’approvisionnement, etc. Le problème est plus aigu dans le Nord.
Je ne voudrais vraiment pas que la portée de l’établissement soit réduite, ce qui serait nécessaire si toutes les parties n’investissent pas davantage d’argent.
Mes questions sont les suivantes. Êtes-vous au courant de ce manque de financement? Un protocole d’entente anticipant ce problème a été signé récemment. Votre ministère est-il déterminé à collaborer avec ses partenaires pour s’attaquer à ce problème d’inflation?
Mme Gideon : Merci beaucoup, monsieur le sénateur.
Je dois vous dire que, quand la décision de financer ce centre a été prise, nous étions quelques-uns à avoir les larmes aux yeux parce que nous étions vraiment résolus à en faire la promotion et que nous étions extrêmement heureux que les champs de compétences, qui auraient normalement été au cœur du débat, n’aient pas été un facteur pris en considération dans ce cas-ci. Tout le monde voulait que ce projet se concrétise. Il s’agit également d’une recommandation fondamentale de la Commission de vérité et réconciliation.
Je n’étais pas au courant des estimations relatives à l’augmentation des coûts. Nous n’en sommes pas surpris. La même chose se produit pour de nombreux projets d’infrastructure partout au pays.
Par conséquent, je dirais que nous sommes absolument déterminés à poursuivre notre travail avec nos partenaires pour assurer la réussite du projet. Je ne peux pas vous confirmer aujourd’hui la source de financement pour y arriver, mais je peux certainement vous confirmer que nous continuerons à travailler avec nos partenaires en ce sens.
Le sénateur Patterson : Je sais que la ministre des Finances a fait des déclarations publiques voulant qu’il n’y ait pas d’argent frais, alors le moment est peut-être mal choisi pour en demander. Toutefois, nous devons assurer la réussite de ce projet. Je suis conscient que, s’il est impossible de combler le manque à gagner, la portée du projet devra être réduite de moitié, environ, alors qu’il a été soigneusement élaboré pour répondre aux besoins de tous les Nunavummiuts.
Je vais présenter un mémoire prébudgétaire à la ministre Freeland pour lui indiquer que, en tenant compte de l’inflation — et tout le monde doit s’ajuster à l’inflation, y compris les gouvernements —, nous pouvons réellement assurer la réussite du projet en continuant de concrétiser la vision développée si soigneusement par les trois partenaires.
Par conséquent, je vous remercie pour cet engagement et je resterai au fait de ce dossier parce que, comme vous pouvez le constater, il s’agit d’une très grande priorité pour moi. Merci.
[Français]
La sénatrice Audette : Merci beaucoup pour vos présentations.
Sur une note plus personnelle, c’est toujours intéressant et beau de voir que des membres issus des premiers peuples de votre équipe viennent témoigner devant nous. Je vous salue et vous remercie d’être parmi nous.
Je remercie également tous les gens des différentes cultures canadiennes de leur présence.
Il y a plusieurs choses dans vos présentations qui m’ont réveillée ou ont soulevé de vieilles passions ou des passions encore très présentes. Je ne m’attends pas à obtenir des réponses aujourd’hui. Je m’attends plutôt à un engagement de votre côté, avec le personnel de mon bureau ou avec mes collègues sénateurs.
J’ai vraiment besoin de m’asseoir avec des personnes de votre bureau qui connaissent et maîtrisent bien toute la question de l’inscription. Je reçois des appels téléphoniques et des courriels de gens de partout au Canada, parce que j’imagine que c’est une porte d’entrée pour eux. Je ne m’attends donc pas à obtenir une réponse aujourd’hui, mais je m’attends à engager un dialogue assez urgent pour savoir à quel endroit je dois diriger ces personnes qui méritent d’obtenir des réponses.
Des communautés de la nation innue et des chefs, dont une femme cheffe, vous enverront bientôt une lettre au sujet de la pénurie de logements. Où doit-on diriger ces gens? C’est une crise qui est directement liée à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
La cause des filles et des femmes autochtones disparues et assassinées, comme vous le savez, je la porte dans mon cœur, et ce, jusqu’à mon dernier souffle. J’espère que, dans la culture fédérale, on verra de plus en plus d’organisations communautaires, qui feront des demandes ou qui recevront du financement. Les femmes et les familles doivent être au cœur de cette aide financière. Je ne sais pas ce que vous pouvez me répondre à ce sujet. Beaucoup de nations ne parlent même pas anglais. Alors, comment fait-on pour s’assurer que les nations qui vivent dans les provinces et les territoires, et qui ne parlent pas anglais comme deuxième langue, feront partie des investissements? Je dis que des réparations doivent se faire auprès des peuples autochtones.
Mme Gideon : Je peux commencer à répondre à la question au sujet de l’inscription, puis je vais céder la parole à M. Quan-Watson pour ce qui est des femmes autochtones disparues et assassinées.
En ce qui concerne l’inscription, nous avons fait beaucoup de travail au cours des dernières années. En 2018, nous avons reçu une aide de 40 millions de dollars pour régler ces problèmes et améliorer nos normes de services.
Cet automne, si la demande est complète, nous avons six mois pour valider cette demande et y répondre. À peu près 10 % des cas sont encore plus complexes, c’est-à-dire que nous avons besoin de faire des recherches généalogiques, et il faut plus de six mois. En général, nous respectons les délais pour nos normes de services. Il faut environ 12 semaines pour recevoir le certificat plus sécurisé, qui nous permet de traverser les frontières.
En ce qui concerne les individus qui s’inscrivent conformément au projet de loi S-3, environ 22 % des demandes sont à l’extérieur de nos normes de services. Nous essayons toujours d’améliorer la qualité de notre processus.
Il y a quelques mois, j’ai demandé à l’équipe de travailler sur notre ligne téléphonique de services pour améliorer le processus. En ce moment, si vous appelez notre ligne téléphonique générale, vous ne serez pas dirigé automatiquement vers l’équipe qui travaille sur les inscriptions. C’est important d’améliorer ce processus pour réduire le nombre d’appels que vous recevez à votre bureau.
Nous avons maintenant un processus pour les demandes en ligne. Nous travaillons beaucoup sur l’aspect technologique afin de simplifier le processus pour les individus.
Nous allons faire un suivi auprès du personnel de votre bureau pour vous attribuer une personne-ressource, et ce sera la même chose pour le logement. J’ai indiqué que le logement était une priorité. Des investissements importants ont été faits, mais d’autres doivent encore être faits. Le gouvernement est toujours engagé à combler l’écart qui existe en matière d’infrastructure d’ici l’année 2030. Il est évident que la pandémie a eu des conséquences sur l’avancement des projets en matière d’immobilisations, mais on ne se décourage pas et on continue à travailler sur ce dossier.
Pour ce qui est des propositions en vue d’offrir des services, je voudrais préciser que, en milieu urbain, nous avons les Programmes urbains pour les peuples autochtones et que nous acceptons des appels de propositions jusqu’en décembre du côté des services et de l’infrastructure.
Nous pouvons aussi faire parvenir cette information à votre bureau. Je sais que des soutiens sont nécessaires en milieu communautaire, mais je voulais aussi soulever ce point-là.
M. Quan-Watson : J’aimerais ajouter un commentaire. Je pense que les regroupements communautaires feront un travail très important. Une des richesses les plus importantes en ce qui concerne le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées a été d’entendre le point de vue des regroupements communautaires. C’est pourquoi, en partie, notre ministère a versé une des plus grandes contributions au développement d’espaces culturels, compte tenu de tout ce qu’on nous a dit dans les communautés. Il faut des endroits pour partager la culture, la langue et ainsi de suite. Tout ce dont on avait parlé dans le rapport est important à l’échelle communautaire.
Nous sommes très conscients que nous ne ferons pas appel aux interlocuteurs avec lesquels nous faisons affaire normalement. Nous avons aussi mis de côté une autre aide de 36 millions de dollars sur cinq ans pour financer la capacité des organisations de faire précisément ce type de travail. Nous nous attendons à ce que des regroupements régionaux, provinciaux et territoriaux travaillent avec les autres groupes communautaires afin de les aider à préparer et à déposer leurs demandes de financement. Nous espérons que cela se fera pour l’ensemble de ces projets.
[Traduction]
La sénatrice Coyle : Je tiens à revenir sur les questions qui ont été posées au sujet de l’Arctique ainsi que du logement, et à établir un lien entre les deux. Le sénateur Patterson a présidé un comité auquel j’ai eu la chance de siéger, soit le Comité spécial sur l’Arctique. L’un des grands problèmes dont on nous parlait partout où nous allions en Arctique, pas seulement au Nunavut, mais surtout à cet endroit, était celui du logement.
Madame Gideon, vous avez indiqué que le logement était une priorité, vous avez parlé des réserves et vous venez de parler des régions urbaines, et j’en suis heureuse parce que nous savons qu’un grand pourcentage des Autochtones du Canada vivent dans une région urbaine du pays.
Pouvez-vous, ou quiconque est en mesure de le faire, parler un peu du Nord, et particulièrement de l’Arctique?
M. Quan-Watson : Je serais heureux de répondre à cette question, monsieur le président. De toute évidence, il s’agit d’un besoin criant, et nous en sommes bien conscients. Tant le ministre des Affaires du Nord que le ministre des Relations Couronne-Autochtones s’occupent concrètement de ce dossier en communiquant régulièrement non seulement avec des groupes communautaires du Nord, mais aussi avec les premiers ministres du pays, qui parlent aussi régulièrement de cette question.
Dans le budget de 2018, nous avons investi plus de 400 millions de dollars sur 10 ans dans trois régions inuites, puis, la quatrième région, soit le Nunavut, a reçu un investissement par l’entremise de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Toutefois, dans le budget de 2022, nous avons versé un peu moins de 1 milliard de dollars, soit environ 845 millions de dollars, en financement fondé sur les distinctions aux quatre régions de l’Inuit Nunangat. Négocier avec l’Inuit Nunangat comme nous l’a demandé l’Inuit Tapiriit Kanatami constitue un changement fondamental par rapport aux pratiques passées. Ainsi, nous avons reconnu ce que l’organisme nous avait demandé de faire et nous avons élaboré ces approches d’investissement en partenariat avec lui.
Il s’agit d’une somme d’argent considérable. Nous reconnaissons qu’il reste encore beaucoup de travail à faire, mais aussi qu’il s’agit d’un excellent point de départ. Nous sommes conscients des problèmes d’approvisionnement. Nous sommes conscients qu’il est difficile de construire des logements. Nous sommes conscients qu’il y a un décalage inévitable entre le moment où les fonds sont annoncés et le moment où les maisons sont construites simplement parce qu’il faut prévoir au moins une année complète pour charger des barges ou d’autres moyens de transport afin d’acheminer des matériaux à ces communautés, contrairement à d’autres endroits au Canada, où des camions peuvent les livrer cet après-midi s’il le faut.
La sénatrice Coyle : Merci de ces explications. Je sais que les investissements sont considérables, mais dans quelle mesure devraient-ils permettre de combler l’immense fossé qui existe? Dites-nous simplement quel est l’écart, tel qu’il a été présenté, et ce que le cadre est censé régler. J’aimerais en savoir davantage à ce sujet.
Par ailleurs, nous savons tous qu’il y a des enjeux de taille, et les enjeux de taille requièrent habituellement des solutions créatives. Je sais que diverses personnes dans l’Arctique, dont vous, cherchez ces solutions créatives. S’il y a quoi que ce soit dont vous pourriez nous faire part à ce sujet, j’en serais ravie.
M. Quan-Watson : Nous savons que le fossé est énorme; c’est bien documenté. Nous savons que le cadre représente un grand pas dans la bonne direction, mais aussi que si nous arrivions comme par magie à faire construire pour 845 millions de dollars de logements en quelques années — ce ne sera pas le cas, mais imaginons que c’est possible —, il faudrait tout de même réclamer ensuite une enveloppe d’à peu près le même montant pour mettre en branle les étapes suivantes. Nous tenons par conséquent à apporter des changements majeurs à ce chapitre, tout en étant conscients que le fossé persistera encore longtemps.
De plus, les logements dans de nombreux villages nordiques n’ont pas la même longévité que dans d’autres régions du pays. C’est simplement une question de climat, étant donné qu’il accélère le vieillissement des structures, mais c’est aussi souvent en raison du surpeuplement des logements qui s’est déjà vu. Nous tenons donc compte de ces facteurs pour déterminer la durée de vie des habitations. Je n’ai pas d’indicateur précis à vous soumettre pour mettre un chiffre sur le fossé. Néanmoins, nous reconnaissons que le fossé est considérable et aussi que le cadre représente un grand pas dans la bonne direction.
En ce qui a trait aux enjeux, une des grandes différences vient du fait que, dans ce cas-ci, le ministère des Affaires du Nord verse une bonne partie du financement aux gouvernements autochtones qui ont des revendications territoriales. Nous ne considérons pas ces gouvernements comme des partenaires traditionnels, avec qui nous avons des accords de contribution assortis de 17 annexes où figurent des conditions précises à respecter telles quelles sous peine de faire l’objet d’un audit et de ne pas recevoir de paiement; c’est plutôt à eux qu’il reviendra de décider des priorités de leur communauté respective. Je pense que cela change complètement la donne. On en revient à la question de la sénatrice Audette sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées : qui définit réellement les priorités? S’agit-il de personnes qui sont rattachées à la communauté et qui comprennent ses besoins? Nous sommes en mesure de financer directement les groupes qui s’occupent de leurs propres priorités dans leur propre communauté en procédant de la façon qui leur convient le mieux. C’est une grande avancée.
Le président : J’ai une question pour Mme Gideon.
À Services aux Autochtones Canada, comment traite-t-on la question de la limite de deux générations pour l’inscription aux termes de la Loi sur les Indiens?
Mme Gideon : Actuellement, nous nous occupons de la question de l’émancipation dans le contexte de l’affaire Nicholas, qui est en suspens, mais nous continuons à travailler avec les Premières Nations sur les problèmes qu’il reste relativement à la Loi sur les Indiens, y compris la limite de deux générations. D’autres éléments doivent aussi être traités, dont le nombre minimal de votes aux termes de l’article 10, le certificat de Métis et des questions d’ordre transfrontalier, car le ministère s’est également engagé à collaborer avec les Premières Nations dans ces dossiers en vue de réclamer d’autres modifications à la Loi sur les Indiens.
Étant donné que l’affaire en cours est soumise à d’énormes contraintes de temps, nous n’avons pas voulu attendre. Nous avons choisi de faire progresser les travaux relatifs aux modifications à la Loi sur les Indiens au sujet de l’émancipation et de ses répercussions, ce qui devrait permettre à au moins 3 500 personnes de se faire inscrire.
Le sénateur Dean : Je remercie les témoins.
J’ai l’habitude, chaque fois que j’en ai l’occasion, de remercier les fonctionnaires du travail qu’ils accomplissent jour après jour au nom des Canadiens et même, dans bien des cas, des citoyens d’autres pays. Cela dit, en l’occurrence, aucun autre travail ne me semble aussi difficile, tous ordres de gouvernement confondus, que celui dont vous vous acquittez quotidiennement. Je vous remercie donc tout particulièrement des efforts que vous déployez.
J’aurai une question un peu plus tard au sujet du Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord, mais je parlerai d’abord d’eau potable. Je suis frappé par les progrès considérables qui ont été réalisés au cours des dernières années. J’ai observé la création, au Cabinet du premier ministre, d’une unité de l’exécution qui n’a pas tardé à s’imposer en tant que grande priorité. J’ai assisté à une réunion d’information à ce sujet, et je me demandais comment les choses se passeraient. Or, l’unité semble avoir amélioré les choses. J’ai l’impression que de grandes avancées ont été réalisées, mais que vous êtes dans une certaine impasse relativement aux situations les plus délicates et les plus complexes.
Pourriez-vous nous rappeler les progrès qui ont été réalisés jusqu’ici? Combien de communautés ont maintenant accès à l’eau potable? Quelle est l’ampleur des problèmes qu’il reste à régler?
Mme Gideon : Avec plaisir. Le montant total s’élèvera à 5,6 milliards de dollars pour la période de 2016 à 2024 — à près de 6 milliards de dollars, à vrai dire, si l’on considère toutes les initiatives à avoir fait l’objet d’investissements. Cent trente-six avis concernant la qualité de l’eau ont été levés, de même que 230 avis à court terme, qui ont ainsi évité de devenir des avis à long terme. Au total, 27 localités font encore l’objet de 31 avis à long terme concernant la qualité de l’eau, mais 35 % d’entre eux seront levés d’ici mars 2023; du moins, c’est la cible prévue. De plus, 985 projets ont été récemment financés, à hauteur de 2,7 milliards de dollars, et 50 % d’entre eux sont déjà terminés.
L’exploitation et l’entretien ont fait l’objet de nombreux investissements. En effet, lever un avis concernant la qualité de l’eau est certes un jalon important, mais pour que l’eau reste potable, il faut un financement stable et de la formation continue, tant sur le plan individuel que pour les administrations locales.
Nous avons pu porter de 80 % à 100 % le financement des frais d’exploitation et d’entretien, ce qui représente une étape stratégique majeure. C’est grâce à l’enveloppe de 1,5 milliard de dollars qui avait été prévue dans l’Énoncé économique de l’automne de 2020, qui finira essentiellement par déboucher sur une hausse de 400 % des fonds pouvant être affectés à l’exploitation et à l’entretien d’ici à 2025.
Nous finançons aussi la formation, notamment le Programme de formation itinérante, jusqu’à concurrence d’environ 24 millions de dollars par année.
Paula Hadden-Jokiel, sous-ministre adjointe, Secteur des opérations régionales, Services aux Autochtones Canada : Bonjour, je suis la sous-ministre adjointe pour le Secteur des opérations régionales, à Services aux Autochtones Canada, qui est responsable des infrastructures, y compris en ce qui concerne l’eau potable et les eaux usées. C’est un plaisir de rencontrer de nouveau le comité. Je tiens à reconnaître que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
L’autre point à signaler, dans le même ordre d’idées, ce sont les sommes considérables que nous consacrons à la formation des opérateurs et à la surveillance. Nous sommes très actifs par rapport au transfert de services dans ce domaine ainsi qu’à nos engagements découlant du règlement d’actions collectives, y compris celui de créer un administrateur tiers. Le processus est en cours. Tout se trouve sur Internet. On peut s’inscrire. Il y a beaucoup de publications à ce sujet, et les gens peuvent soumettre des demandes d’ici mars 2023. L’autre grand projet vise la préparation d’une nouvelle loi sur l’eau potable. Il est en cours, tout comme la mobilisation des partenaires dans ce dossier.
Nous travaillons à divers dossiers relatifs à l’eau potable et aux eaux usées. Il ne s’agit pas simplement d’investir dans les usines en tant que telles, mais aussi d’interpeller les partenaires et les communautés en ce qui concerne les opérateurs, l’exploitation, l’entretien et la surveillance continue.
Merci beaucoup de votre question, monsieur le sénateur.
Le sénateur Arnot : Mes questions s’adressent à l’équipe de Relations Couronne-Autochtones. J’en ai deux, et la première porte sur l’autonomie gouvernementale.
Si je ne m’abuse, monsieur Quan-Watson, le ministère encadre 169 processus de négociation sur l’autonomie gouvernementale au Canada. Quelles priorités les Premières Nations ciblent-elles, et dans quelle mesure pouvez-vous y répondre? Voici ce que j’aimerais savoir en particulier. Plus tôt cette année, on a conclu un accord sur l’autonomie gouvernementale susceptible de s’appliquer à 30 Premières Nations en Ontario, sauf qu’il a fallu 30 ans pour le négocier. Cibler des priorités vous permettrait-il à l’avenir d’accélérer résolument la création et l’application d’accords sur l’autonomie gouvernementale par rapport à ce qui s’est fait jusqu’ici?
M. Quan-Watson : Mon collègue le sous-ministre adjoint principal Joe Wild passe ses journées à se poser exactement cette question. S’il pouvait rapidement prendre ma place, il serait ravi de vous répondre.
Joe Wild, sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Je m’appelle Joe Wild et je suis le sous-ministre adjoint principal, à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, qui est chargé des traités et des gouvernements autochtones.
C’est là la question que je me pose continuellement. Je n’arrête jamais d’y réfléchir, car c’est ainsi que nous trouverons des moyens d’aider les peuples autochtones en général et les Premières Nations en particulier à élaborer leur vision de l’autodétermination, celle qui leur permettra d’aller au-delà de la Loi sur les Indiens. Comment pouvons-nous les aider et être de véritables partenaires dans la concrétisation de leurs visions relativement à l’autodétermination, notamment en ce qui a trait à l’autonomie gouvernementale?
Vous avez parfaitement raison : beaucoup de négociations sont en cours. C’est notre principal sujet de conversation, de même que l’application des droits et des titres ancestraux des Autochtones. Nous essayons de régler divers problèmes pour accélérer les choses. Le principal problème, c’est de trouver comment fournir plus rapidement le financement destiné au développement de ce qu’on appelle la capacité de gouvernance. Voici une explication simple. Tout gouvernement a besoin d’un appareil administratif professionnel qui dispose des outils nécessaires pour faire son travail. Cependant, lorsqu’il est question d’autodétermination, on oublie souvent qu’il s’agit de revitaliser des systèmes de gouvernance, mais aussi — et c’est important — de contribuer à l’établissement de véritables administrations publiques qui soutiendront le gouvernement qu’adopte une communauté autochtone donnée, quelle que soit la forme qu’il prendra.
Traditionnellement, notre approche consistait à ne verser ce type de financement qu’à la toute fin, après la signature d’un accord. En l’occurrence, nous cherchons à déterminer comment le verser plus tôt dans le processus. En effet, si les négociations sont parfois aussi longues, c’est en grande partie parce que cette aide financière sert également à développer la capacité de gouvernance, de sorte que lorsqu’une communauté prend les commandes en obtenant les pouvoirs nécessaires pour légiférer, elle dispose de tous les outils requis pour s’acquitter de l’important travail législatif. Il faut des experts, il faut être en mesure de rédiger des lois et de les publier, etc. Il y a l’application de la loi. Toutes sortes de considérations entrent en jeu.
En 2018-2019, notre plus grande innovation a été de nous asseoir avec les 25 signataires de traités modernes et d’ententes sur l’autonomie gouvernementale au pays afin de collaborer à l’élaboration d’une politique budgétaire qui répond bel et bien aux besoins que suppose l’autonomie gouvernementale. Autrement dit, depuis des années, nous continuions notre petit bonhomme de chemin sans vraiment comprendre les coûts qu’implique la mise en œuvre par un gouvernement autochtone de ses rôles et de ses responsabilités aux termes d’un traité moderne, pas plus que, de manière générale, ce que nous demandions à cette instance de faire pour combler d’énormes fossés socioéconomiques dans les communautés.
Pendant deux ans, nous avons travaillé avec ces 25 gouvernements autochtones à l’élaboration d’une politique axée sur leurs besoins qui tient compte des dépenses réelles que suppose le fonctionnement d’une administration gouvernementale autochtone. Nous n’y serions jamais arrivés seuls. Nous n’avions aucune idée de ce qui se passait sur le terrain. C’est véritablement grâce à ce partenariat que nous en sommes venus à comprendre de quoi tout cela retourne.
Il en a découlé un investissement considérable — 1 milliard de dollars sur 10 ans en transferts de gouvernement à gouvernement — afin que les acteurs des gouvernements autonomes disposent des ressources nécessaires pour répondre à leurs besoins et faire fonctionner leur appareil administratif.
Cette politique et cette approche imprègnent tout ce que nous faisons avec les communautés qui sont engagées sur la voie de l’autonomie gouvernementale. C’est très collaboratif. Il s’agit vraiment de nous concerter avec elles par rapport à leurs priorités, aux domaines de l’autonomie gouvernementale qu’elles veulent prioriser et à la façon de travailler main dans la main pour faire les investissements nécessaires.
Je me rends compte que je prends trop de temps pour répondre. Ce qu’il faut retenir, c’est que ce travail accélère déjà les choses. Cependant, je vais toujours tempérer nos ardeurs, car j’estime que, au bout du compte, le gouvernement du Canada a le devoir de s’adapter au rythme que définit un partenaire autochtone. Il s’agit de cerner les besoins de ce dernier et d’essayer de suivre son rythme sans pour autant causer de retards. Voilà ce que nous cherchons à faire.
Le sénateur Arnot : Ma prochaine question porte sur le Bureau du commissaire aux traités, en Saskatchewan, qui, je pense, réclame l’élargissement de son mandat, en particulier en ce qui concerne les terres, les ressources et d’autres enjeux.
Ma question s’inscrit dans le contexte du récent discours du Trône prononcé à l’Assemblée législative de la Saskatchewan. Le gouvernement de la Saskatchewan a parlé d’accorder au bureau plus de pouvoirs en matière de ressources naturelles, sauf que, dans le discours du Trône, il n’a pas semblé accorder la priorité voulue aux relations issues de traités et au fait que les traités, qui ont été rédigés en fonction de la Proclamation royale de 1763, datant de bien avant la création du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta.
J’aimerais savoir ce que vous pensez de tout cela.
Le président : Dans le but de respecter le temps dont nous disposons, pourriez-vous vous en tenir à une réponse un peu plus concise?
M. Wild : Je le ferai, je le promets.
La commissaire aux traités, Mme Culbertson, fait un travail exceptionnel pour sensibiliser toutes sortes de gens d’un bout à l’autre de la Saskatchewan à l’importance des traités et rappeler que nous sommes tous visés par les traités. Je pense qu’on tend à l’oublier, surtout parmi les éléments non autochtones de la population.
Les commissaires aux traités jouent un rôle primordial. Nous sommes toujours ouverts au dialogue sur l’organisation des bureaux des commissaires et la portée de leurs responsabilités. Dans le cas de la Saskatchewan, en tout cas, nous en discutons régulièrement avec la Fédération des nations autochtones souveraines de la province.
La question que vous soulevez concernant les traités numérotés et ce que nous appelons l’ère des traités d’avant 1975 est une question importante à laquelle nous réfléchissons beaucoup, surtout dans le contexte de l’autonomie gouvernementale dont je viens de parler. C’est un travail en cours pour nous. Nous avons beaucoup de travail à faire pour établir de meilleures relations, en particulier avec les nations signataires de traités numérotés à travers le pays. Nous menons des discussions importantes sur des questions comme les rentes et sur la façon d’adopter de meilleures approches en matière d’autonomie gouvernementale. Le ministère des Finances a récemment annoncé, dans le cadre de sa politique fiscale, que l’exemption fiscale prévue à l’article 87 serait maintenue sur les terres de réserve et les anciennes terres de réserve. Cela ouvre la porte à une conversation différente de celle que nous avons pu avoir dans le passé sur l’autodétermination. Je tiens également à souligner qu’il y a huit ou neuf ans, nous ne pouvions même pas avoir une conversation sur l’autonomie gouvernementale avec un détenteur de droits issus d’un traité datant d’avant 1975, car il fallait que le traité soit annulé pour pouvoir avoir cette conversation. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Nous avons fait un certain nombre de choses qui contribueront à faire avancer ces conversations.
Le sénateur Patterson : Je veux poser une question sur la tuberculose dans l’Inuit Nunangat. Le Canada et l’ITK ont annoncé qu’ils s’engageaient à éliminer la tuberculose dans l’Inuit Nunangat d’ici 2030, et un montant de 27,5 millions de dollars a été octroyé en 2018 pour y parvenir.
Il y a bel et bien une crise de la tuberculose. Le terme n’est probablement pas assez fort pour décrire ce qui se passe à Pangnirtung en ce moment. Il y a 139 cas actifs. Des malades se rendent à l’hôpital régional d’Iqaluit, on leur diagnostique une tuberculose active et on les renvoie dans des foyers surpeuplés à Pangnirtung, avec une tuberculose active.
Le gouvernement du Nunavut a loué ou réservé une installation pour répondre à cette crise à Pangnirtung. Il doit dépister chaque personne de la collectivité, puis administrer le traitement correspondant, qui peut aller jusqu’à l’isolement. Cela a été fait avec succès dans la collectivité voisine de Qikiqtarjuaq. C’était un grand projet. J’ai eu l’occasion de m’y rendre et de voir comment cela fonctionnait. Il y a eu beaucoup de coopération et l’épidémie a été gérée avec succès, bien qu’il s’agisse d’une communauté beaucoup plus petite que Pangnirtung.
Je crois savoir qu’il y a un désaccord entre Nunavut Tunngavik Inc. qui détient les fonds — quelque 13 millions de dollars — au nom de l’ITK et le gouvernement du Nunavut, essentiellement concernant des questions de confidentialité et de divulgation de renseignements sur les cas.
Les 13 millions de dollars n’ont pratiquement pas été dépensés depuis 2018, pour faire face à cette crise à Pangnirtung.
C’est votre argent, c’est l’argent de votre ministère ou de votre gouvernement, et il n’est pas dépensé. Les choses ne s’améliorent pas à Pangnirtung. Il s’agit d’une crise très grave. Et Pangnirtung n’est pas la seule communauté à faire face à la tuberculose au Nunavut.
J’ai interrogé le ministre Miller à ce sujet lors de la période de questions au Sénat il y a quelques mois, et il a répondu que le gouvernement ne pouvait pas s’en laver les mains.
Êtes-vous au courant de ce problème? Il y a eu une série d’articles à ce sujet dans le Globe and Mail. La ministre Hajdu a dit qu’elle était préoccupée. Allez-vous faire quelque chose ou essayer de faire quelque chose pour que cette situation soit résolue et que les malades commencent à être traités à Pangnirtung?
Mme Gideon : Merci d’avoir posé cette question.
Oui, nous sommes au courant de la situation. Sans divulguer certaines des discussions confidentielles qui ont lieu entre les partenaires, je dirais que nous examinons les possibilités de faciliter un dialogue entre les partenaires sur cette question.
Des fonds ont été dépensés avant la pandémie pour les cliniques dont vous avez parlé plus tôt. Il y a eu énormément de collaboration pour la mise en place de ces cliniques de dépistage dans les collectivités, donc une partie du financement qui a été alloué en 2018 a été dépensé afin de poursuivre ce travail pendant la pandémie. On s’inquiétait de voir augmenter les cas de tuberculose dans certaines collectivités à la suite de la pandémie parce que ces cliniques de dépistage ne fonctionnaient pas à plein régime, encore une fois, à cause de la COVID et des mesures qui ont été prises.
Oui, nous nous sommes saisis de cette question. Oui, nous nous en préoccupons, et nous discutons avec nos partenaires des moyens de résoudre ce problème. Je dirais que nous sommes également très conscients de l’importance du financement continu pour cette stratégie afin que nous puissions atteindre l’objectif sur lequel le ministre et le président Obed s’étaient mis d’accord en 2018.
Le sénateur Patterson : J’ai une question un peu délicate. Je félicite le Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne pour les résultats qu’il a obtenus sur les questions prioritaires au Nunavut. Natan Obed est un excellent défenseur de ces questions. Je ne voudrais absolument pas critiquer les résultats de ce comité.
Cependant, nous disposons ici d’un gouvernement dirigé par les Inuits au Nunavut. C’est aussi un gouvernement autochtone, en somme, qui se trouve être un gouvernement public. Or, il n’est pas présent à la table où se déroulent ces importantes discussions, pas même en tant qu’observateur. L’argent est alloué aux organisations inuites et au Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne. Mais c’est le gouvernement du Nunavut, dirigé par les Inuits, qui a la responsabilité de la mise en œuvre. C’est le gouvernement du Nunavut qui a des infirmières, des médecins et des centres de santé, notamment pour ce qui est de la tuberculose.
Il semble parfois y avoir un décalage entre l’argent accordé et son utilisation. On accorde de l’argent pour les installations, mais on ne pense pas au fonctionnement et à l’entretien au Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne, de sorte qu’il y a confusion quant à savoir qui s’en occupe. Le gouvernement du Nunavut est-il censé s’occuper du fonctionnement et de l’entretien des installations, alors qu’il n’était pas présent au moment de la négociation de l’accord?
Ne serait-il pas nécessaire de trouver un moyen d’impliquer le gouvernement du Nunavut, même en tant qu’observateur passif, dans ces discussions afin d’éviter ces décalages? Cela fait maintenant quatre ans que nous attendons des fonds à Pangnirtung pour faire face à la crise de la tuberculose, et nous n’avons pas besoin de ce genre de problème en plus des crises auxquelles nous sommes confrontés.
Mme Gideon : Je tiens simplement à dire, sénateur, que la Table de partenariat du Nunavut sur la santé existait déjà avant l’attribution des fonds pour la tuberculose, et j’ai siégé à cette table. Un de mes collègues siège toujours à cette table. Elle a été spécialement créée pour s’assurer qu’il y aurait une collaboration tripartite sur un certain nombre de priorités en matière de santé.
Je dirais qu’à l’époque, la Nunavut Tunngavik Incorporated — ou NTI — n’était pas très présente dans les décisions prises par le gouvernement du Nunavut ou par le gouvernement fédéral en matière de financement de la santé. On a reconnu que cette organisation de revendication territoriale inuite devrait avoir son mot à dire pour déterminer les priorités et la façon dont les fonds sont distribués. Bien qu’une grande partie du financement des programmes de santé continue d’être versée bilatéralement au gouvernement du Nunavut, nous avions négocié à l’époque un protocole d’entente qui chapeautait le tout, afin que la NTI, le gouvernement du Nunavut et ce qui était à l’époque la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits — qui est ensuite devenue Services aux Autochtones Canada — s’entendent sur l’utilisation de ces fonds.
Pour ce qui est du financement de la lutte contre la tuberculose, les choses ont évolué. Grâce à son travail, l’Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK, a accédé aux fonds et a ensuite pris des décisions, par l’intermédiaire de son conseil, sur la façon dont la distribution se ferait sur le plan régional. Toutefois, un groupe de travail sur la santé publique inuite existait déjà et a en fait permis d’obtenir les preuves nécessaires à l’obtention de ces fonds. Au sein de ce groupe de travail, il y a des représentants des Inuits et des gouvernements territoriaux et provinciaux à la table de l’administrateur en chef de la santé publique, et c’est là qu’on a défini le suivi du financement et les recommandations fondées sur des données probantes au sujet des allocations.
Je tiens à préciser qu’il y a tout un historique qui a mené à ce point. Cette explication ne règle pas nécessairement le problème actuel, mais elle nous rappelle que tout repose sur une solide collaboration et des partenariats. Il est arrivé que ce soit le gouvernement du Nunavut qui détienne l’argent. Maintenant, c’est la NTI qui tient les cordons de la bourse, mais en fin de compte, l’important est d’aller de l’avant dans le cadre d’un partenariat afin de relever ces défis.
Nous gardons l’espoir de pouvoir travailler avec nos partenaires pour résoudre ce problème et poursuivre l’excellent travail qui a été fait.
Le sénateur Patterson : Merci. Je crois que la question est vraiment urgente.
Le président : Si les représentants pouvaient nous accorder encore deux ou trois minutes, je demanderais aux sénateurs de poser des questions aussi brèves que possible. Nous savons tous que vous êtes très occupés, et nous vous sommes vraiment reconnaissants de prendre le temps de nous parler.
La sénatrice Coyle : Permettez-moi de me joindre à mon collègue pour vous remercier tous d’être avec nous aujourd’hui. Nous savons que vous avez des tâches très importantes à accomplir, mais cette rencontre nous aide à faire notre travail de législateurs. Nous vous remercions d’être avec nous et nous vous félicitons pour le travail que vous accomplissez tous.
Je me rends compte qu’aucun d’entre vous ne travaille pour Environnement et Changement climatique Canada, mais il y a des recoupements importants avec votre travail. J’ai entendu la sous-ministre adjointe, Mme Gideon, parler des changements climatiques et de la gestion des urgences.
Monsieur le sous-ministre Quan-Watson, je sais que vous êtes chargé d’un important portefeuille nordique. J’ai peut-être manqué quelque chose, mais jusqu’à présent, je n’ai entendu parler que de la gestion des urgences, qui, bien sûr, est essentielle dans la lutte contre les changements climatiques; mais il y a aussi la résilience climatique, l’adaptation et les possibilités d’atténuation, autant de sujets dont chacun de vos ministères est saisi, j’en suis certaine.
Ma première question, d’ailleurs, s’adresse à M. Quan-Watson et concerne la disparition du pergélisol. Sans même entrer dans le détail de ce qui va se passer avec l’augmentation du carbone dans notre atmosphère et le cycle terrible que cela va engendrer, quel est le plan, si tant est qu’il y en ait un, concernant les infrastructures et le dégel du pergélisol? C’est la première question.
Ma deuxième question s’adresse à l’un ou l’autre des ministères : concernant les autres aspects liés à l’atténuation du changement climatique, à la résilience et à l’adaptation, et cetera, souhaitez-vous nous en dire plus sur ce que vous faites? Étant donné que nous sommes sur le point de nous rendre à la COP27, j’aimerais entendre ce que vous pourriez avoir à dire à ce sujet.
M. Quan-Watson : Je vous remercie beaucoup d’avoir posé cette question.
La question du pergélisol est évidemment d’une importance capitale, surtout dans des endroits comme Inuvik et Tuktoyaktuk, où les infrastructures sont construites et reposent en grande partie sur le pergélisol. Ce n’est pas le seul endroit au pays; il y en a beaucoup d’autres.
De toute évidence, le fait qu’un si grand nombre de collectivités — surtout au Nunavut, mais pas uniquement — se trouvent à quelques pieds du niveau de la mer nous préoccupe tous énormément.
Nous prenons en compte la question de l’adaptation lorsque nous examinons le financement des infrastructures. C’est très clair. Je sais que mes collègues de Services aux Autochtones Canada, particulièrement en ce qui concerne les inondations, portent une grande attention à l’évolution des tendances et à la fréquence des événements. Ma collègue, Paula Isaak, qui est la sous-ministre adjointe chargée des questions nordiques, a peut-être d’autres réflexions à faire sur le pergélisol en particulier et sur les mesures d’atténuation.
Paula Isaak, sous-ministre déléguée, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Je vous remercie pour cette question. Il s’agit en effet d’une question très importante pour notre ministère, tant dans le Nord que dans le Sud. Le ministère gère cinq programmes dans le Nord et dans le Sud afin de mettre en œuvre des mesures d’adaptation — dont vous avez parlé et qui sont extrêmement importantes — ainsi que des mesures d’atténuation, en plus d’aider les collectivités à passer de la dépendance au diesel à l’utilisation d’autres sources d’énergie. Des investissements importants ont été réalisés au fil des ans dans le cadre de ces cinq programmes.
Nous travaillons également en étroite collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada pour soutenir les initiatives des Autochtones en matière de climat. Ce sont eux qui ont les solutions. Ils sont porteurs d’idées pour les infrastructures et les activités d’atténuation et d’adaptation dans leurs collectivités. Nous souhaitons les soutenir encore plus pour augmenter leurs capacités.
Nous travaillons donc en étroite collaboration avec les ministères partenaires sur un certain nombre de points afin de répondre aux questions que vous avez soulevées.
La sénatrice Coyle : Merci. Nous n’avons pas plus de temps, donc je ne rentrerai pas dans les détails.
Le président : Merci.
Mme Gideon : Depuis 2016, nous avons investi un peu plus de 120 millions de dollars répartis dans 102 projets d’infrastructure qui sont spécifiquement axés sur l’adaptation et l’atténuation des risques pour les infrastructures. Ces investissements ont contribué à soutenir 106 communautés des Premières Nations, pour un total de 116 000 habitants. En 2019, nous avons aussi obtenu un financement de 12 millions de dollars par année, pour une période de quatre ans, afin de soutenir des projets d’atténuation des risques pour les infrastructures, en plus de ceux axés sur les infrastructures. Cependant, les besoins sont grands. Je tenais à le souligner également.
Il y a aussi notre programme d’adaptation aux changements climatiques qui se concentre sur les effets sur la santé. Ce programme soutient les projets communautaires qui se penchent sur les répercussions sur la nourriture et l’environnement. Il est vraiment ancré dans la réalité de la communauté.
Par ailleurs, en collaboration avec des chercheurs universitaires et des représentants des Premières Nations, on a mené une enquête nationale sur la nourriture, la nutrition et l’environnement. Nous avons ainsi pu récolter une vaste gamme de renseignements très utiles sur l’impact des changements climatiques sur les collectivités.
La sénatrice Coyle : Merci.
Le sénateur Dean : Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense et Anciens Combattants reviennent tout juste d’une tournée à travers l’Arctique. Je dois avouer que nous avons été impressionnés par la capacité des jeunes leaders autochtones dans tout le Nord, car ils sont très orientés vers l’avenir et ils ont un fort esprit d’entreprise. En fait, durant notre séjour, nous avons eu la chance de voir l’entreprise Nasittuq Corporation remporter le contrat très spécialisé sur le Système d’alerte du Nord. Le sénateur Patterson nous a été d’une aide précieuse.
Évidemment, on semble présumer, à juste titre, que les engagements importants qui se traduisent par des investissements dans la défense dans l’Arctique couvriront aussi les secteurs des infrastructures et du soutien des collectivités. C’est peut-être vrai quand il s’agit de prolonger les routes et les chemins, probablement aussi pour les infrastructures pour l’eau potable et l’énergie propre. Cependant, les investissements en défense ne couvriront pas tous ces secteurs, n’est-ce pas?
Certains aspects pourraient être couverts. Par exemple, on aimerait bien que les services à large bande bénéficient des investissements en défense, mais ce n’est pas une garantie. Les investissements en défense peuvent peut-être soutenir les infrastructures des collectivités. Quel ministère et quel responsable sont désignés pour superviser le plan d’ensemble et voir ce qui peut être couvert ou non par les investissements des divers paliers et les dépenses planifiées? Qui supervise les possibles chevauchements et lacunes? Quels sont les mécanismes de reddition de comptes?
Mme Isaak : Je suis heureuse de pouvoir répondre à cette question. Je pense que vous vous dirigiez dans cette direction quand vous avez mentionné le Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord. C’est d’ailleurs un bon moment pour en parler. Vous avez justement soulevé le nombre de parties impliquées dans les infrastructures et le chevauchement entre les investissements.
En réalité, le Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord a été conçu pour regrouper toutes les parties à la même table afin de discuter de ces enjeux et de déterminer comment optimiser les investissements, notamment au niveau de la prise de décisions dans les régions. On a aussi récemment établi la gouvernance régionale dans tout le Nord, en consultant les partenaires — par exemple, les gouvernements territoriaux et autochtones —, afin de déterminer comment ils peuvent se réunir, parler de ces enjeux et, plus important encore, transmettre les informations pertinentes au Canada. Au sein de la fonction publique fédérale, nous avons nos propres organes de gouvernance pour tenir ces discussions. Pour en revenir à ce que vous avez dit à propos des dépenses pour la défense et les infrastructures, nous savons qu’il y en a considérablement. Nous savons qu’il existe d’excellentes possibilités de dépenses à usage multipes et d’infrastructures multifonctionnelles.
Je dirais qu’autant du côté du gouvernement que des partenaires externes, la gouvernance est telle que nous pouvons unir nos forces pour optimiser les investissements et éviter les écarts.
Le président : Je suppose qu’en tant que président, j’ai le privilège de poser la dernière question.
Ma question s’adresse à Mme Gideon et à M. Quan-Watson. Selon des reportages récents, seulement 18 % des fonctionnaires fédéraux ont suivi la formation sur la sensibilisation aux réalités autochtones. Chris Aylward, le président national de l’Alliance de la fonction publique du Canada, a déclaré que le syndicat voulait inclure cette formation obligatoire dans les conventions collectives, mais le Secrétariat du Conseil du Trésor a refusé. En tant que Mi’kmaq, je considère que ce rapport est très troublant parce que les fonctionnaires fédéraux ont contribué à concevoir, à mettre en œuvre et à maintenir les pensionnats autochtones et autres initiatives néfastes.
Afin d’éviter de causer d’autres préjudices et dans le but de réaliser des progrès en matière de réconciliation, tous les employés doivent développer les compétences nécessaires pour pouvoir être plus sensibles et avoir une réponse plus adéquate à l’égard des droits et des besoins de tous les peuples autochtones. Par conséquent, dans ce contexte, pouvez-vous décrire quelles sont les actions entreprises par Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada pour donner suite à l’appel à l’action no 57? Quel pourcentage de vos employés ont terminé la formation offerte par l’École de la fonction publique du Canada et combien d’heures cela représente-t-il par année? Pouvez-vous confirmer que les ministères vont rendre obligatoire pour tous les employés la formation continue sur les peuples autochtones?
Mme Gideon : En lien avec la plainte déposée auprès du Tribunal canadien des droits de la personne, nous collaborons avec les parties concernées pour développer une politique de formation obligatoire en compétences culturelles. Cette formation est obligatoire depuis environ deux ans pour tous les employés, à raison d’un minimum de 15 heures. Elle fait partie de l’entente de gestion sur le rendement, alors tous les employés doivent en parler avec leur gestionnaire et être en mesure de démontrer comment ils ont complété leurs heures de formation.
Le contenu de la formation n’est pas obligatoire, car il y a une grande diversité au sein du personnel. Notre ministère compte de nombreux employés autochtones, mais ils ne sont pas tous au même niveau d’apprentissage. Il y a aussi les nouveaux employés non autochtones qui n’ont pas nécessairement été exposés aux réalités autochtones et à des Autochtones dans le passé.
Nous harmonisons le matériel préparé par l’École de la fonction publique du Canada et nombre d’entre nous avons contribué au développement du contenu. Keith Conn, le champion des employés autochtones de notre ministère, de même que la sous-ministre Gina Wilson, collabore depuis des années avec l’école pour préparer des séances de formation et veiller à ce qu’elles soient crédibles. Nous avons aussi développé du contenu au sein du ministère, en collaboration avec les personnes pertinentes au sein du Tribunal canadien des droits de la personne. Finalement, nos bureaux régionaux ont développé des programmes et du contenu significatifs avec l’aide des partenaires régionaux et locaux qui sont plus axés sur les collectivités qu’ils servent. Ce sont des exemples.
Nous menons aussi un sondage sur les compétences culturelles de base. Ce dernier a été développé avec les parties pertinentes pour récolter de l’information sur les compétences culturelles au sein de l’organisation. Nous sommes rendus à l’étape de la révision. La démarche n’est pas axée sur la personne pour mesurer ses compétences et la pénaliser. Nous voulons plutôt mesurer nos progrès au fil du temps en nous fondant sur des données probantes.
M. Quan-Watson : Même si ce sont deux ministères distincts, nous travaillons en étroite collaboration sur ces enjeux. Par conséquent, nos réponses sont similaires. À Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, 100 % des employés sont tenus de suivre la formation obligatoire, au minimum, comme l’a mentionné ma collègue. Cela correspond à 15 heures de formation par année. Dans bien des cas, nous nous attendons à ce que ce soit plus élevé.
En tant que sous-ministre, l’une des choses que j’ai accomplies est d’obliger chaque cadre du ministère à répondre à la question suivante dans son entente de rendement : « Où avons-nous manqué à notre devoir de servir le Canada et les Canadiens parce que nous avons oublié d’inclure certaines personnes dans les discussions? » Cette question est formulée de manière à susciter une réflexion approfondie et pratique sur les répercussions réelles de ne pas inclure les Autochtones, surtout dans notre ministère. Cette année et à partir de maintenant, l’exigence sera d’identifier l’un de ces éléments et de concrétiser des résultats. Ainsi, la formation sur les compétences culturelles a une portée élargie et elle est intégrée dans l’exécution du travail. Cela permet d’identifier les écarts et de rendre les gestionnaires personnellement responsables d’y remédier.
Le président : Merci à vous deux. Cela dit, le temps pour entendre le groupe de témoins est écoulé. Je remercie tous les participants à la réunion de ce matin. C’est très apprécié.
(La séance est levée.)