LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 22 mars 2023
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 46 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones; et à huis clos, pour étudier une ébauche de rapport.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Pour commencer, je tiens à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblés font partie du territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe et abritent maintenant de nombreuses autres Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’île de la Tortue.
Je suis le sénateur micmac Brian Francis de Epekwitk, que l’on appelle aussi l’Île-du-Prince-Édouard, et je préside le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Avant de commencer, j’aimerais demander aux membres du comité présents de se présenter en se nommant et en mentionnant leur province ou territoire d’origine.
Le sénateur Arnot : Bonjour tout le monde. Je m’appelle David Arnot. Je suis sénateur de la Saskatchewan. Je vis à Saskatoon, qui est au cœur du territoire visé par le Traité no 6.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Sénatrice Patti LaBoucane-Benson. Je viens du territoire visé par le Traité no 6 en Alberta — ce n’est peut-être pas le cœur du territoire, mais c’est son âme.
La sénatrice Martin : Bonsoir. Sénatrice Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Hartling : Bonsoir. Sénatrice Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Tannas : Sénateur Scott Tannas, de l’Alberta.
La sénatrice Sorensen : Sénatrice Karen Sorensen, du territoire visé par le Traité no 7 en Alberta, plus précisément Banff.
La sénatrice Greenwood : Sénatrice Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique et originaire de la meilleure partie du territoire visé par le Traité no 6.
La sénatrice Coyle : Sénatrice Mary Coyle. Je ne viens pas du territoire visé par le Traité no 6, mais plutôt d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, pile au cœur de Mi’kma’ki.
La sénatrice Audette : [Mots prononcés en innu-aimun] aussi appelé le Québec.
Le président : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs.
Ce soir, de l’Administration financière des Premières nations, ou l’AFPN, nous allons entendre Ernie Daniels, président-directeur général et chef de la direction; Steve Berna, directeur des opérations; et Jody Anderson, directrice associée des services aux membres.
Wela’lin. Merci à tous nos témoins de se joindre à nous aujourd’hui. M. Daniels fera d’abord des observations pendant environ cinq minutes. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs. J’invite maintenant M. Daniels à faire sa déclaration liminaire.
Ernie Daniels, président-directeur général et chef de la direction, Administration financière des Premières nations : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de nous avoir invités à leur faire un exposé sur le vaste sujet des responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et des obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les peuples autochtones. Je souligne aussi respectueusement que je me trouve sur le beau territoire non cédé de la nation algonquine.
Je sais que la plupart des sénateurs présents connaissent l’AFPN, mais pour ceux que nous n’avons pas eu le plaisir de rencontrer, l’AFPN est une des institutions établies par la Loi sur la gestion financière des premières nations, qui a reçu la sanction royale en 2005, et a été promulguée et est entrée en vigueur en 2006.
Je tiens à souligner que tous les partis au Parlement ont appuyé la loi, et nous travaillons fort pour maintenir ce vaste appui. Par ailleurs — et ce sera très important à l’avenir —, l’AFPN et ses institutions sœurs ont été conçues par les Premières Nations, et elles sont encore dirigées par les Premières Nations et doivent leur rendre des comptes.
Comme nous l’avons souvent vu, les meilleures solutions aux problèmes auxquels font face les peuples et les communautés autochtones sont celles conçues par les Autochtones. Le gouvernement a un rôle important à jouer pour faciliter la mise en œuvre de ces solutions et les appuyer. Jusqu’à maintenant, nous avons recueilli 2 milliards de dollars pour favoriser, ce qui est grandement nécessaire, la mise en place d’infrastructures de même qu’un développement social et économique pour les Premières Nations membres. En nous servant des modèles de Statistique Canada, nous avons estimé que l’investissement a permis de créer 20 000 emplois au sein des Premières Nations et des communautés avoisinantes participantes.
C’est impressionnant, mais nous croyons qu’il est temps de porter notre partenariat avec le gouvernement fédéral à un autre niveau. Nous avons deux principaux défis : l’ampleur des besoins au sein des Premières Nations et le mur que nous allons frapper lorsque les revenus autonomes ne suffiront plus pour combler les lacunes en matière d’infrastructure.
Pour revenir au sujet de la réunion de ce soir, et à la responsabilité du gouvernement fédéral envers les peuples autochtones, il y a des responsabilités morales liées à l’héritage colonialiste, à des générations de négligence et de sous-investissements qui font en sorte que des collectivités des Premières Nations ne peuvent pas répondre à des besoins essentiels que la plupart des Canadiens tiennent pour acquis. Les estimations varient quant au montant qui serait nécessaire pour que nos infrastructures correspondent à la moyenne canadienne. Selon une estimation prudente du Conseil canadien pour les partenariats public-privé, le montant atteint 30 milliards de dollars en 2016, ce qui correspondrait plus à 60 milliards de dollars aujourd’hui en tenant compte de l’inflation, et l’Assemblée des Premières Nations, de concert avec Services aux Autochtones Canada, est récemment arrivée à un chiffre plus près de 350 milliards de dollars. Le gouvernement fédéral actuel s’est fixé comme objectif de combler ces lacunes en matière d’infrastructure d’ici 2030 — nous sommes en 2023. Cela semble moins réaliste chaque jour qui passe.
Pour ce qui est du défi à relever pour ce qui est des infrastructures, je ne pense pas que nous pouvons nous attendre de façon réaliste à ce qu’un gouvernement fédéral — peu importe à quel point il tient à une réelle réconciliation — puisse dépenser une telle somme en aussi peu de temps. Nous devons donc trouver des solutions novatrices.
L’AFPN, en partenariat avec son conseil d’administration et avec le soutien de ses nations membres, propose ce que nous considérons comme une solution pratique et novatrice : la « monétisation ». Essentiellement, le gouvernement fédéral établirait un crédit budgétaire annuel que l’AFPN pourrait titriser dans les marchés financiers, ce qui nous permettrait d’obtenir une quantité importante de capitaux à court terme que nous pourrions ensuite investir dans des collectivités d’un bout à l’autre du Canada.
De toute évidence, nous devons examiner comment ce genre de relation pourrait fonctionner, et c’est la raison pour laquelle nous recommandons que le gouvernement réfléchisse à cela en tant que projet pilote. Un poste budgétaire de 200 millions de dollars par année pendant 20 ans nous permettrait de réunir immédiatement environ 3,6 milliards de dollars. Cet argent pourrait servir à financer des projets et le développement aujourd’hui aux prix actuels — il est important d’en tenir compte alors que l’inflation gruge la valeur des fonds d’infrastructure disponibles par l’entremise de Services aux autochtones Canada chaque année.
Bien entendu, ce n’est pas une solution miracle, et cela ne va pas remédier du jour au lendemain aux lacunes en matière d’infrastructure, mais ce serait une nouvelle approche, qui est mise au point par les Premières Nations et dirigée par une institution des Premières Nations, et si jamais elle est fructueuse, nous pourrons faire fond là-dessus en partenariat avec le gouvernement fédéral.
Ce que nous demandons au Sénat ce soir, c’est que le comité envoie une lettre de soutien au gouvernement fédéral pour l’exhorter à accepter une demande budgétaire de 200 millions de dollars au cours des prochaines années pour mettre à l’essai, en tant que projet pilote, cette solution de monétisation des transferts gouvernementaux comme moyen de combler les lacunes en matière d’infrastructure.
Je suis impatient de répondre à vos questions, et je vous remercie de nous accorder du temps et de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui pour discuter avec vous dans cette belle enceinte.
Merci.
Le président : Merci, monsieur Daniels.
Nous passons maintenant aux questions des sénateurs, et je vais commencer à ma gauche par le vice-président.
Le sénateur Arnot : Merci pour ce survol, monsieur Daniels. Je suis impressionné par votre organisation et son succès. De toute évidence, le gouvernement fédéral ne devrait pas avoir de difficulté à investir dans votre organisation puisque nous voyons déjà son succès.
Je pense qu’une grande partie de votre travail contribue à la réconciliation, et le gouvernement fédéral doit l’examiner du point de vue de la relation fiduciaire — vous en êtes la courroie de transmission.
Je ne pense pas qu’il sera difficile d’obtenir une lettre de soutien du comité; c’est donc cela de réglé.
Avez-vous des demandes précises que vous aimeriez voir dans la lettre, qui vous aideraient dans l’une ou l’autre des discussions que vous avez avec le gouvernement fédéral? Dans l’affirmative, je vous prie de nous les transmettre, car nous serions ravis d’appuyer votre travail.
Je me demande, et ce n’est pas pour plaisanter, pourquoi vous avez choisi le chiffre de 200 millions de dollars. Je pose la question puisque les lacunes, comme vous l’avez indiqué, sont énormes, et ce ne sera pas suffisant pour les combler. Vous avez manifestement choisi une somme qui pourrait fonctionner pour vous ou qui était raisonnable dans les circonstances, ou qui vous permettra de progresser considérablement en travaillant avec les Premières Nations.
Je suis curieux de savoir si une somme plus élevée serait préférable pour vous.
M. Daniels : Merci pour vos questions.
Je vais commencer par la première. Je pense que la demande serait plus précisément d’exhorter le ministre des Relations Couronne-Autochtones, le ministre des Affaires du Nord ou la ministre des Services aux Autochtones à parrainer le projet, et à appuyer cette demande de budget.
Nous croyons aussi que le chiffre de 200 millions de dollars est peu élevé, mais, comme nous parlons d’un projet pilote, nous nous sommes dit qu’il serait plus facile de suivre le processus gouvernemental, ainsi que de recevoir le soutien de tous les organismes centraux des ministères parrains : Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada ou Services aux Autochtones Canada. Nous pensons pouvoir nous faire une idée, avec un projet pilote, de la manière dont cela pourrait fonctionner.
Nous savons que ce sera couronné de succès, et pendant ce temps, lorsque nous allons roder le tout, nous pourrons demander des sommes plus élevées d’une année à l’autre.
Lorsque nous avons commencé ces démarches — et je pense que le sénateur Tannas va s’en rappeler —, je parlais d’environ 1 milliard de dollars. Le budget de Services aux Autochtones Canada pour l’infrastructure est légèrement supérieur à 2 milliards de dollars par année en ce moment. En prenant 1 milliard de dollars dans le budget, d’après notre capacité à en tirer parti sur les marchés financiers, et d’après le succès que nous avons connu jusqu’à maintenant, nous pourrions amasser de 25 à 26 milliards de dollars. Je pense que ce serait un bon départ, et nous pourrons alors commencer à faire bouger les choses.
Monsieur Berna, souhaitez-vous apporter votre contribution à la réponse?
Steve Berna, directeur des opérations, Administration financière des Premières nations : Monsieur le sénateur, nous avons regardé un peu ce qui s’est déjà fait pour arriver à ce chiffre. Quand on veut financer un projet, on se demande combien d’argent les investisseurs sont disposés à prêter. Comme c’est un nouveau domaine, nous avons l’appui du Canada, ce qui est un avantage, mais lorsqu’on s’adresse à des investisseurs, ils doivent se sentir à l’aise avec la somme demandée.
Les grandes banques centrales partout dans le monde peuvent amasser jusqu’à 5 milliards de dollars à la fois. La province de l’Ontario obtient 42 milliards de dollars par année, mais elle répartit la somme sur 52 semaines. Pour rester dans la zone de confort des investisseurs, nous devons demander moins de 5 milliards de dollars, car c’est un nouveau projet, et ils voudront se le faire expliquer, se sentir à l’aise et comprendre de quoi il s’agit.
Une fois que la somme initiale de 3,6 milliards de dollars aura été obtenue, grâce aux 200 millions, les investisseurs se sentiront à l’aise. On pourra ensuite augmenter le montant pour qu’il cadre avec ce que le Canada et les Premières Nations aimeraient accomplir ensemble, mais la somme de 200 millions est un point de départ avec lequel ils sont à l’aise.
Le sénateur Arnot : Merci beaucoup. Je suis vraiment favorable à ce que vous essayez de faire, et je suis certain que c’est également le cas du comité.
Le président : J’ai une question.
Je me demande si l’un de vous, ou vous trois, peut parler de la façon dont l’approbation d’un projet pilote sur la monétisation aiderait non seulement à combler les lacunes en matière d’infrastructure, mais aussi à régler d’autres situations dans les réserves. Je pense par exemple à la manière dont il contribuerait à combler l’écart en matière d’emploi, d’éducation et ainsi de suite.
M. Daniels : C’est une bonne question. D’après ce que nous avons fait jusqu’à maintenant avec les revenus autonomes des Premières Nations, c’est-à-dire 2 milliards de dollars, nous estimons que 20 000 emplois ont été créés.
Lorsque nous faisons le calcul et que nous appliquons cela à 350 milliards de dollars, je ne peux pas m’imaginer combien d’emplois seraient créés; ce sera beaucoup. L’autre chose à retenir, c’est l’effet positif sur l’ensemble de l’économie canadienne.
Le PIB augmenterait si les Premières Nations avaient à leur disposition 350 milliards de dollars pour combler les lacunes en matière d’infrastructure. Ce serait énorme. Les retombées dépasseraient de loin l’investissement. En effet, l’investissement du gouvernement serait vraiment minuscule comparativement au résultat obtenu. À l’heure actuelle, avec les 2 milliards de dollars que nous avons déjà obtenus sur les marchés financiers, nous estimons que les retombées sur l’économie se chiffrent à environ 4 milliards de dollars — ce serait donc énorme.
M. Berna : J’ai quelque chose à ajouter. C’est une question très pertinente. Un certain nombre de chefs, y compris certains qui sont assis derrière moi, ont accompagné Mme Anderson et moi-même à une réunion avec Approvisionnement Canada ce matin. Nous avons parlé d’assurance-cautionnement, et il faut pour cela se poser notamment la question suivante : qui pourra participer à l’appel d’offres pour construire les immobilisations qui seront nécessaires dans les réserves, et qui est en mesure de le faire? Les chefs se sont levés à tour de rôle pour expliquer leurs besoins. Ils ont également parlé de membres de leur communauté qui ont une formation en construction, en électricité et en plomberie, et qui attendent que des emplois soient créés. L’énormité de la construction d’infrastructures s’ajoutera également à l’énormité de la création d’emplois dans les collectivités qui ont besoin de ces infrastructures. En plus de construire des infrastructures, on créera des emplois pour les jeunes. Cela se traduira également par la création de programmes de formation et par une gestion de la richesse.
Quand nous parlons de monétisation, il y a un élément d’actif, mais réfléchissez à la façon dont cet élément d’actif, qui part d’une idée, permettra d’effectuer des travaux de construction, grâce à des appels d’offres et à la création d’emplois, et de livrer la marchandise. C’est sans aucun doute un aspect essentiel de la monétisation qui créerait un énorme changement dans les collectivités et pour les jeunes qui participent.
La sénatrice Coyle : Merci à nos témoins, et bon retour parmi nous, monsieur Daniels.
Vous décrivez ce qu’un Canadien bien connu, Frank McKenna, qui vient de la province de ma collègue, le Nouveau-Brunswick, appellerait un « multiplicateur de forces ». C’est vraiment de cela que vous parlez : un incroyable multiplicateur de forces. Il est emballant et même percutant de s’imaginer les retombées que cela aurait.
Je veux revenir à l’essentiel. Pouvez-vous décrire pour nous la nature exacte des lacunes en matière d’infrastructure — et personne ne doute de leur importance? À quoi ressemblent-elles? De quel genre d’infrastructures s’agit-il? Quels sont les principaux éléments qui doivent être mis au point pour combler ces lacunes? Ce sont mes premières questions.
S’il nous reste du temps, j’aimerais savoir si vous avez quelque chose à nous dire à propos de la création de l’Institut des infrastructures des Premières Nations. Merci.
M. Daniels : Merci pour les questions.
Je vais d’abord parler du logement. Nous traversons actuellement une crise dans les réserves au Canada. La construction de logements ferait partie des grosses dépenses. Les routes, l’eau potable et le traitement des eaux usées seraient les autres, et il y aurait aussi les foyers pour personnes âgées et les centres pour aînés. Je vais demander à Mme Anderson et à M. Berna de nommer à leur tour certaines dépenses.
Jody Anderson, directrice associée des services aux membres, Administration financière des Premières nations : Dans beaucoup de collectivités, on attend depuis très longtemps que des écoles soient construites. On attend aussi depuis longtemps des centres de soins, une connexion à Internet et d’autres infrastructures de base. Je viens du Nord de l’Ontario, et il arrive souvent que les jeunes ne puissent pas se connecter à Internet. Dernièrement, pendant la pandémie, ils ne pouvaient même pas fréquenter l’école en ligne. C’est formidable lorsqu’il y a une école dans la collectivité, car la liste d’attente pour la reconstruire est de 50 ans. Lorsque ce n’est pas prévu dans un avenir rapproché, les enfants doivent se rendre à l’extérieur de leur collectivité.
Pour compléter ce que M. Daniels a dit, j’ajouterais certainement l’infrastructure pour l’éducation, la connectivité à Internet et les soins de santé.
La sénatrice Coyle : Avant de passer à la question suivante, j’aimerais savoir si vous avez des points à soulever à propos des infrastructures énergétiques. S’agit-il d’un autre besoin?
M. Berna : Je peux vous donner un exemple. Prenons le chemin inverse. Plutôt que de songer aux besoins des Premières Nations en matière d’infrastructures, je vous invite à penser à la situation suivante : vous vous réveillez demain matin et 349,2 milliards de dollars en infrastructures ont été retirés des communautés dans lesquelles vous vivez. Vous vous réveillez, et vous espérez que les lumières s’allumeront lorsque vous appuierez sur l’interrupteur, parce que la génératrice diésel ne produit pas toujours de l’énergie. Vous allez à la salle de bain pour vous préparer pour le travail, et vous espérez qu’il y aura de l’eau. Dans certains cas, l’eau ne sera probablement pas propre. Vous ne la buvez pas et vous ne vous brossez pas les dents avec cette eau. Vous pourrez peut-être prendre une douche, ou pas. Vous descendez pour prendre votre petit-déjeuner, mais il n’y a pas de place autour de la table parce qu’il n’y a pas une, mais trois familles qui vivent dans la maison; vous vous êtes peut-être levé trop tard.
Puis, vous devez vous rendre au travail en voiture. La route est d’abord asphaltée, puis elle n’est recouverte que de terre et de gravier. Il se peut qu’elle redevienne asphaltée pendant un petit moment, mais après un bout, c’est encore de la terre et du gravier. Une fois à destination, il se pourrait que l’entreprise pour laquelle vous pensiez travailler n’existe pas, car les entreprises ne se lancent pas en affaires lorsqu’elles ne disposent pas d’une source d’énergie fiable, d’eau potable ou des infrastructures nécessaires à leur bon fonctionnement.
Nous parlons d’actifs et d’investissements dans les infrastructures, mais il faut penser aux pertes économiques qui découlent de l’absence de ces infrastructures.
Dans les communautés où la plupart d’entre vous vivent, il y a des systèmes d’égouts et des réseaux d’aqueduc. Vous tenez cela pour acquis, mais si vous ne disposiez pas de ces installations, combien de magasins y aurait-il? Combien de centres commerciaux y aurait-il? Il n’y en aurait probablement pas beaucoup. Donc, si vous empruntez le chemin inverse, vous voyez ce que vous tenez pour acquis, mais aussi ce dont d’autres peuvent avoir besoin.
La sénatrice Coyle : Qu’en est-il de l’Institut des infrastructures?
M. Daniels : L’Institut des infrastructures fait partie des prochaines modifications qui seront apportées à la Loi sur la gestion financière des premières nations. Nous comprenons qu’une annonce pourrait être faite demain. Je n’en ai pas encore la confirmation, mais la création de cet institut fera partie de la prochaine série d’amendements apportés à la loi. L’institut aidera les communautés à obtenir des projets et à les démarrer de façon à ce qu’elles puissent réellement participer au processus d’appel d’offres.
La sénatrice Coyle : Je vous remercie.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vais me lancer et poser une question qui démontrera à quel point je connais mal ce domaine. Cependant, j’ai l’impression que certains de mes collègues en savent aussi peu que moi, alors je vais poser la question.
J’ai lu les renseignements que vous nous avez envoyés. Récemment, j’ai reçu une lettre de votre part, et j’ai consulté votre site Web. J’ai pu y lire que vous avez mobilisé des fonds par l’émission de débentures sur un marché financier. Lorsque j’ai cherché à savoir ce qu’était une débenture, j’ai découvert qu’il s’agissait d’un « certificat de prêt sans garantie ». Je me demande donc si le fait que ces options de financement ne soient pas garanties augmente le niveau de risque. Je ne dis pas qu’elles ne seront pas remboursées, mais je me demande si elles représentent un risque pour votre organisation et pour les communautés. Pourquoi ces prêts ne sont-ils pas garantis? Pourquoi ces prêts ne peuvent-ils pas être garantis?
M. Berna : Ce sont d’excellentes questions. Aucune débenture municipale, provinciale ou fédérale n’est garantie pour la simple raison qu’il y a de nombreuses étapes à franchir, y compris pour l’AFPN, avant de pouvoir se tourner vers les investisseurs sur les marchés financiers. Nous n’avons pas rédigé ces règles. Elles existent depuis les années 1950. Toutes les parties qui souhaitent avoir accès aux investisseurs doivent les respecter. Je vais vous les décrire. Vous devez recevoir une cote de crédit en suivant un processus qui ressemble à un audit mené par un vérificateur général. L’agence de cotation de crédit, comme le fait le vérificateur, renseigne les investisseurs sur les risques et les avantages qui existent s’ils vous prêtent de l’argent. Tous les émetteurs — les provinces, le Canada et les municipalités — disposent de cet outil. Ensuite, il faut évaluer les sources de revenus dont vous disposez qui vous permettront de rembourser le prêt, et ces sources de revenus sont cotées. L’AFPN tire parti des accords provinciaux et, parfois, des accords fédéraux conclus avec les Premières Nations.
Les provinces ont des capacités fiscales, tout comme le gouvernement fédéral. Grâce aux mesures de sauvegarde du Canada et des gouvernements provinciaux qui soutiennent les sources de revenus dont nous dépendons pour emprunter des fonds, nous sommes en mesure d’obtenir une cote de crédit et de ne pas avoir besoin de garantie. Ce n’est donc pas à titre d’entreprise privée — qui tient le coup, ou qui fait faillite — que nous empruntons. Les provinces du Canada continueront sans doute d’exister pendant longtemps, et les Premières Nations aussi. Ainsi, les sources de revenus et les mesures de sauvegarde font en sorte que ces débentures n’ont pas besoin d’être assorties de garanties.
La sénatrice LaBoucane-Benson : C’est très bien. Dans ma région — j’habite à l’ouest d’Edmonton —, il y a des bandes qui sont très riches. Je les vois déjà saisir rapidement cette occasion. Mais pas si loin de là, il y a aussi des bandes qui sont vraiment très pauvres et leurs routes sont complètement impraticables à l’automne et au printemps. En quoi la structure du système permet-elle aux bandes qui en ont le plus besoin d’avoir accès à ce genre d’occasion?
M. Daniels : C’est une autre très bonne question. Je vais utiliser l’exemple de la Colombie-Britannique.
En Colombie-Britannique, le gouvernement provincial partage les recettes générées par les jeux de hasard. Chaque Première Nation en reçoit une partie. Elles peuvent se prévaloir de ces fonds. D’autres provinces n’ont pas mis en place un tel système. Vous avez raison, il existe des bandes très riches en Alberta. Nous travaillons avec elles. Un membre de notre conseil d’administration qui est ici aujourd’hui vient d’une Première Nation de l’Alberta. Cette Première Nation travaille dans les secteurs pétrolier et gazier et engrange donc des recettes. Ce n’est pas le cas pour d’autres.
Pour ce qui est de combler le déficit d’infrastructure, je crois fermement que nous pouvons contourner certaines administrations. Cela nous permettrait de travailler directement avec ces Premières Nations, parce que l’argent viendrait du gouvernement fédéral et non d’elles.
Il faut ensuite renforcer les capacités de gestion financière. C’est le mandat de notre organisation sœur, le Conseil de gestion financière des Premières Nations. Il se penche actuellement sur les programmes existants dans le but d’offrir un programme de services partagés qui permettrait aux professionnels dont nous avons besoin d’aider ces nations à renforcer leurs capacités en matière de gestion financière.
M. Berna : L’un des mandats de notre conseil d’administration — notre conseil existe depuis 2011, année où la loi et d’autres instruments de financement ont été créés — était de ne pas créer une catégorie de nantis et une autre de démunis. Il devrait y avoir des règles du jeu équitables, avec un taux unique pour toutes les communautés — rurales, urbaines, grandes ou petites — et un seul ensemble de règles pour tous.
Notre porte est ouverte à tous, dans la plupart des cas. Notre plus grande communauté compte 10 000 membres. Notre plus petite communauté en compte 137. Parfois, ce qui différencie la plus grande communauté de la plus petite, c’est sa capacité à avoir du personnel qui possède une expertise dans le domaine de la comptabilité, des finances ou de la planification. La connaissance de ces domaines permet de fournir des renseignements au chef et au conseil pour la prise de décision.
Dans certains cas, comme l’a mentionné M. Daniels, le partage des recettes n’est pas toujours le même d’une province à l’autre. C’est un obstacle. L’autre problème concerne le personnel. Nous essayons d’adopter des mesures de partage du personnel pour qu’il puisse travailler dans une communauté pendant une partie de la semaine, et dans une autre pour le reste de la semaine. Si les communautés ne sont pas en mesure de renforcer leurs capacités individuellement, elles doivent le faire ensemble. Le défi consiste à ne laisser personne pour compte.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je suis heureuse de l’apprendre. Je vous remercie.
La sénatrice Sorensen : Je vous remercie. On a déjà répondu à ma question. Je ferai donc un commentaire. Je vais rencontrer un groupe de délégués demain matin, ce qui me donnera une autre occasion d’aborder ce sujet.
Avant d’occuper ce poste, j’étais mairesse. Ma philosophie est donc d’emprunter maintenant et de construire maintenant pendant que les coûts de construction sont inférieurs à ce qu’ils seront plus tard, surtout si cette façon de faire permet de créer des emplois et de faire croître l’économie. De plus, si les taux d’intérêt sont avantageux, je crois qu’il faut convaincre les électeurs d’emprunter parce qu’il serait fiscalement irresponsable de ne pas le faire et de ne pas construire maintenant.
Je suis d’accord avec le sénateur Arnot; je n’ai aucun problème à signer une lettre de soutien. Je pense que c’est une initiative incroyable.
La sénatrice Greenwood : Je vous remercie de votre témoignage. J’aimerais d’abord dire que je ne connais pas très bien ce domaine.
Ce sujet m’intéresse beaucoup parce que les représentants des communautés auxquels j’ai parlé ont différentes opinions sur la fiscalité. Je sais que l’une des possibilités qui s’offrent à vous est le pouvoir de promulguer des régimes d’imposition foncière. Pourriez-vous m’en dire un peu plus à ce sujet? Comment le feriez-vous? Quelle serait l’incidence sur les communautés des Premières Nations? Certaines administrations pourraient le faire, d’autres non. Il pourrait y avoir des différences d’une région à l’autre. Pourriez-vous m’en dire un peu plus à ce sujet?
M. Daniels : Je vais vous donner un exemple, puis M. Berna pourra également vous en parler. J’habite sur la réserve de la Première Nation de Westbank, en Colombie-Britannique. La Première Nation de Westbank est autonome. D’ailleurs, elle génère plus de 20 millions de dollars par an en impôts fonciers qui ne proviennent pas de ses membres. Les impôts fonciers des membres représentent moins de 1 000 $. Cette somme englobe donc les impôts payés par des non-membres qui vivent sur le territoire.
J’appartiens à une Première Nation, mais je ne suis pas membre. Je paie des impôts fonciers à la Première Nation de Westbank. En outre, des centaines d’entreprises sont installées sur ses terres. Il s’agit d’un régime d’imposition foncière sur les particuliers et les entreprises.
M. Berna : Sénatrice Greenwood, chaque chef et chaque conseil se prononce sur l’utilisation de ses terres. Certains disent : « Ces terres nous appartiennent. Nous allons les garder pour notre peuple. Les entreprises et les étrangers ne pourront s’y installer. » Dans ces cas-là, il n’y aura pas de régime d’imposition foncière.
D’autres disent : « Nous allons utiliser nos terres pour le développement économique, surtout celles où les communautés sont situées près des zones touristiques et des municipalités qui les bordent. » Ces chefs et ces conseils décident de prendre des parties de leurs terres et de les répartir comme le ferait une municipalité pour la construction de quartiers, l’octroi de licences commerciales, et cetera. C’est un choix volontaire. Certaines communautés appliquent volontairement un régime d’imposition foncière parce qu’il permet de répondre aux besoins de leurs membres en matière d’infrastructures. La majorité de nos membres ne paient pas d’impôts fonciers. Ce n’est tout simplement pas à cette fin qu’ils souhaitent utiliser leurs terres. Au bout du compte, c’est le chef et le conseil qui choisissent.
La sénatrice Greenwood : Je vous remercie de votre réponse. J’habite à Vernon, en Colombie-Britannique, et je connais donc très bien votre territoire.
Je comprends ce que vous dites, mais les communautés qui n’ont pas la chance d’avoir un beau lac, ou un centre commercial — et ce genre de choses — ne pourront jamais générer le genre de revenus que la Première Nation de Westbank génère, par exemple.
J’aimerais savoir comment nous pourrions garantir l’égalité entre les nantis et les démunis à l’avenir. Comment pouvons-nous répartir les recettes entre ces nations? Je me pose cette question. Nous savons qu’il existe toutes sortes de réalités, d’un bout à l’autre du pays, selon le niveau de richesse et l’emplacement géographique. Pensez aux communautés rurales et éloignées qui sont difficiles d’accès; jouiront-elles un jour de cette occasion?
M. Daniels : Les gouvernements des Premières Nations ont besoin d’une source de revenus pour améliorer leur sort. Je crois que notre organisation sœur travaille avec la Commission de la fiscalité des Premières Nations. Elle demande au gouvernement fédéral de partager certaines recettes, qu’il s’agisse des recettes générées par les jeux de hasard ou de celles des provinces, ainsi que des recettes engrangées par les ventes de tabac et la taxe sur les ventes. Ces recettes représentent une source de revenus régulière et aideraient les Premières Nations à tirer parti de la situation. Il s’agit d’un partage des recettes. L’un des articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones exhorte l’État à partager ses recettes avec les groupes et les peuples autochtones. Nous en avons besoin, qu’il s’agisse des recettes découlant d’une taxe sur les ressources ou d’autres types de taxes qui sont mises en œuvre, ou qui existent déjà.
M. Berna : Puisque vous vivez dans la belle ville de Vernon, vous savez probablement que le gouvernement de la Colombie-Britannique est le seul — je ne sais toujours pas s’il est le seul — qui a adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. S’en est suivi un accord de 20 ans en vertu duquel chaque communauté des Premières Nations de la Colombie-Britannique recevrait une part d’un programme de 2 milliards de dollars. Chacune recevrait un montant minimum de 250 000 $, bonifié d’abord en fonction de sa population, puis en fonction de son emplacement s’il s’agit d’une communauté éloignée ou rurale. Les fonds proviennent des jeux de hasard : le Lotto 6/49, le Lotto Max, les paris dans les hippodromes, les casinos, etc. Après avoir adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, le gouvernement de la Colombie-Britannique s’est dit que le partage des recettes était une obligation, un droit et la bonne chose à faire.
À ce jour, je ne connais pas d’autre province — peut-être que je me trompe — qui a adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. En Colombie-Britannique, cet acte de réconciliation a permis de commencer à partager les recettes. Certaines communautés utilisent maintenant l’argent qu’elles reçoivent dans le cadre de l’accord de partage de 20 ans pour financer certains projets, mais ce n’est qu’un début. Comme l’a dit M. Daniels, il faut davantage de partage des recettes pour que les chefs et les conseils puissent avoir la capacité d’emprunter et tirer parti de ces fonds pour répondre aux besoins de leurs communautés.
Le président : J’aimerais poser une brève question avant de céder la parole à la sénatrice Audette.
Il y a environ 642 Premières Nations au Canada. Combien d’entre elles travaillent avec l’AFPN, et sur quels types de projets travaillent-elles?
M. Daniels : La Loi sur la gestion financière des premières nations est optionnelle. Les Premières Nations doivent demander d’être ajoutées à l’annexe de la loi pour travailler avec nous. Un décret doit entrer en vigueur.
Il y a 345 Premières Nations qui figurent à l’annexe de la loi. Plus de 200 d’entre elles ont suivi le processus du Conseil de gestion financière des Premières Nations et ont été certifiées, et 151 travaillent actuellement avec l’AFPN. Il y a toujours un décalage entre ces trois chiffres. À terme, nous espérons que la majorité des Premières Nations travailleront avec nous. Plus de la moitié le font déjà.
Le président : De quelle manière travaillez-vous avec les Premières Nations? Pouvez-vous nous donner des exemples?
M. Daniels : Nous aidons les Premières Nations à déterminer leur capacité d’emprunt en tenant compte de leur revenu disponible. Nous aidons aussi celles qui ont des liquidités à examiner les possibilités d’investissements. Nous offrons entre autres des services-conseils et des services de restructuration et de gestion de la dette.
M. Berna : Les personnes qui ont travaillé dans un conseil municipal ou dans un gouvernement provincial savent que la planification est la clé. Or, pour être en mesure de planifier, il faut connaître sa capacité d’emprunt.
M. Daniels a dit que 151 Premières Nations avaient franchi toutes les étapes du processus. Cinquante autres sont en attente. Comme nous ne sommes pas assujettis aux lois sur l’accès à l’information, nous examinons en toute confidentialité avec ces nations leurs ententes sur le partage des revenus. Nous remettons au chef et au conseil une lettre de capacité d’emprunt qui indique le montant que la communauté peut emprunter auprès de l’AFPN en tenant compte des sources de revenus de la communauté et des engagements de cette dernière par rapport à ces sources de revenus. Une fois que les Premières Nations ont cette lettre en main, il est assez facile de déterminer les priorités de la communauté — et les coûts qui y sont rattachés — et de mettre au sommet de la liste les emprunts qui permettront de répondre à ces priorités. Le hic, c’est que les revenus des Premières Nations ne sont pas assez élevés pour établir une capacité d’emprunt qui répondrait à tous les besoins, d’où les lacunes en matière d’infrastructure.
Nous avons construit des écoles et des centres de santé. Certaines communautés comptent des complexes hydroélectriques, des parcs éoliens et des installations d’énergie solaire. Nous avons des centres de soins pour personnes âgées, des centres pour les jeunes, des centres administratifs et des centres polyvalents qui offrent tous les services dont les communautés ont besoin. Nous avons construit des choses palpables comme des logements. Toutefois, les revenus autonomes sont insuffisants pour combler les lacunes, si bien que l’écart se creuse au lieu de se résorber.
Mme Anderson : Deux sénateurs ont parlé des nantis et des démunis. L’objectif fondamental de ce régime est de bâtir des capacités au sein des Premières Nations partout au Canada.
Pendant le processus législatif, les nations nous ont fait part entre autres de la nécessité d’accroître leurs capacités. Elles ne veulent pas voir des gens venir faire les travaux au sein des communautés et repartir une fois le tout terminé. Elles veulent apprendre. Elles veulent être en mesure de gérer elles-mêmes leurs finances pour gagner en autonomie.
Grâce à cette mesure législative et aux institutions qu’elle établit, l’AFPN incarne l’entente sectorielle sur la gouvernance la plus fructueuse à avoir été mise en œuvre au Canada. Nous travaillons avec les nations pour bâtir des capacités, peu importe la taille des communautés. Comme l’a mentionné M. Berna, nous desservons toutes sortes de communautés. Nous les aidons à bonifier leur processus et leurs politiques de gouvernance et à resserrer leurs méthodes de gestion financière.
Quant aux mesures de sauvegarde en place, le régime ne s’adresse pas seulement aux communautés qui jouxtent un vignoble ou des sites pittoresques. De petites communautés éloignées retirent aussi d’énormes avantages du régime. Elles peuvent, par exemple, se lancer dans un processus qui leur permettra de s’affranchir du diésel ou encore participer à des projets d’énergie durable, qui leur rapporteront également beaucoup de dividendes. Meegwetch.
Le président : Merci de votre réponse.
[Français]
La sénatrice Audette : Je vais vous faire faire un petit exercice. Au moment où l’on se parle, à Gatineau, dans le territoire du peuple anishinabe, se retrouvent les chefs des Premières Nations et tous les maires et les mairesses des municipalités du Québec. On parle depuis trois ans de réconciliation économique. Or, dans mon cœur, c’est aussi une certitude économique parce qu’on veut sortir de la pauvreté et de la dépendance du gouvernement fédéral.
Je sais qu’on en a parlé tout à l’heure, mais je pense que mes collègues pourraient être rassurés de savoir que les régions qui ont moins de capacités, comme ma nation magnifique qui aura un projet éolien national où on a des gens loin de cette communauté, mais qui font partie de la nation, qui vont en bénéficier. Ce ne sont pas les Innus qui vont travailler dans tous les secteurs. C’est la richesse québécoise, canadienne ou d’autres pays qui le fera parce qu’on n’a pas l’expertise.
Pouvez-vous m’expliquer les relations que vous avez avec les universités ou les partenariats avec des collèges ou nous dire comment on fait, d’une région à l’autre, pour nourrir cette relève qui s’en vient?
Pour terminer, je veux saluer les femmes leaders qui siègent à ce conseil d’administration. Je salue leur courage.
[Traduction]
M. Daniels : Merci de poser cette question très importante.
Cela ne fait pas partie du mandat actuel de l’AFPN ni du mandat de notre institution sœur, le Conseil de gestion financière des Premières Nations. Dans une vie antérieure, j’étais président et PDG de l’Association des agents financiers autochtones. Cet organisme sans but lucratif bien rodé avait pour mandat de développer les capacités des gestionnaires financiers autochtones dans le cadre d’un programme qui récolte beaucoup de succès jusqu’à présent.
Nous discutons avec les communautés des diverses lacunes liées aux capacités, et nous formulons des recommandations. Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, nous essayons de fournir des conseils sur la restructuration de la dette, car nous voulons éviter le surendettement, qui n’est pas souhaitable ni pour les Premières Nations — ni pour nous d’ailleurs — ni pour l’ensemble de leurs membres. Je vais demander à Mme Anderson d’étoffer un peu. Mme Anderson et moi-même avons travaillé ensemble à l’Association des agents financiers autochtones, et nous collaborons encore aujourd’hui. Nous nous entendons bien.
Mme Anderson : Merci, monsieur Daniels. Merci de la question, sénatrice Audette.
Nous croyons fermement à la formation continue et nous encourageons les efforts en ce sens. Nous continuons à inciter nos membres à atteindre un certain niveau de certification par l’entremise de l’Association des agents financiers autochtones pour que les capacités de la nation continuent de s’accroître.
Nous croyons également en l’importance de redonner aux nations leur autonomie et leurs pouvoirs. Il faut en effet permettre aux chefs et aux conseils de prendre eux-mêmes les décisions concernant leur communauté au lieu de leur imposer nos vues, comme cela a été le cas pendant longtemps pour bon nombre de nos communautés membres. Notre prônons un retour à l’autodétermination et à l’autonomie. Nous encourageons avec plaisir les communautés à obtenir les certifications, mais nous ne leur imposons rien. Nous laissons aux chefs et aux conseils le soin de prendre les décisions qui répondent le mieux à leurs intérêts.
Le sénateur Tannas : Je suis ravi de vous voir tous. D’entrée de jeu, je veux souligner que votre organisation et le Conseil de gestion financière des Premières Nations sont tous deux les chefs de file de la nouvelle génération d’institutions dirigées par des Autochtones. Des institutions comme la vôtre devraient exister dans tous les secteurs clés. À chaque séance, j’ai l’impression que nous parlons à quelqu’un qui sait véritablement quels sont les besoins. À notre dernière séance, nous avons reçu une institution dirigée par des Autochtones qui va fournir des ressources et de l’expertise — autrement dit, ce que fait n’importe quel gouvernement — qui aideront les gouvernements des Premières Nations à régler des dossiers au sein des communautés. Je veux vous féliciter. Comme vous le savez, je suis un fervent partisan de votre organisation.
J’aimerais vérifier quelques petites choses. Je vois plusieurs nouveaux visages dans la salle. Je siège au comité depuis 10 ans. Je me souviens de discussions que nous avons eues autour d’un café sur ce que nous ferions si un gouvernement généreux était au pouvoir. Plusieurs années plus tard, nous entrevoyons des possibilités. Nous avons fait beaucoup de chemin, mais nous pouvons aller encore plus loin. Je vais y aller une étape à la fois.
Si je comprends bien — vous pourrez le confirmer ou l’infirmer —, pour que des investissements publics soient versés et que des obligations soient émises, il faut tout d’abord obtenir une certification auprès du Conseil de gestion financière des Premières Nations. Pour ce faire, le conseil examine le processus de gouvernance de la communauté et ses pratiques de gestion fiscale. Il examine si ces pratiques ont un caractère formel ou non et si elles sont solides ou laxistes. Au terme de cet examen, la communauté obtient sa certification ou reçoit une liste de lacunes à corriger. Dans la deuxième situation, le conseil aide la plupart du temps la communauté à remédier à ses faiblesses. Le programme fonctionne-t-il encore de cette manière?
M. Daniels : C’est exact.
Le sénateur Tannas : Ensuite, les communautés viennent vous voir et vous menez votre évaluation comme le ferait un banquier pour, par exemple, un couple qui est sur le point d’acheter une maison. Vous travaillez à rebours. Vous leur demandez combien d’argent il leur reste après qu’ils se sont acquittés de leurs obligations et vous déterminez le montant des paiements mensuels qui pourraient être faits avec cette somme. Vous obtenez alors le montant de la somme qu’ils peuvent emprunter. Depuis que je siège au comité, vous êtes passé de 100 millions de dollars — ce qui semblait astronomique à l’époque — à 2 milliards de dollars. C’est fantastique.
Pour déterminer la capacité d’emprunt d’une communauté donnée, il faut examiner les sources de revenus de cette communauté à l’extérieur du financement de base. Vous ne pouvez pas leur dire de piger annuellement dans leur budget de formation pendant les 30 prochaines années pour payer quelque chose d’autre. Il faut regarder à l’extérieur du financement de base, c’est-à-dire dans ce qu’on appelle communément les « revenus autonomes ». Ce pourrait être des revenus de jeu si les revenus sont partagés ou si vous êtes propriétaire d’un établissement de jeu. Ce pourrait être aussi des recettes du tabac ou une entente de partage des recettes tirées de l’exploitation des ressources. Si nous voulions relancer le développement de ressources, ce pourrait être dans le cadre d’une entente de partage des revenus. Si nous étions vraiment équitables, ce serait dans le cadre d’une entente de partage des recettes tirées de l’exploitation de ressources déjà approuvées et monétisées.
L’impôt foncier peut servir de levier aux communautés qui sont en mesure d’attirer des gens et de les convaincre de rester, comme à Westbank. Je suis allé en famille au bord du lac Okanagan bon nombre de fois. J’aimais tout à Westbank, mais paraît-il que tous les endroits ne sont pas aussi intéressants. Les choses n’ont pas changé.
Vous proposez aujourd’hui — nous en avons déjà parlé, si je ne m’abuse — de prendre une part limitée du budget d’immobilisations annuel et de déterminer, en cette période de faibles taux d’intérêt, quelle proportion pourrait être utilisée annuellement pour les paiements. Autrement dit, vous proposez de prendre des fonds du gouvernement et de les ajouter aux revenus autonomes.
Ma question comporte deux volets. Tout d’abord, en faisant cela, nous prenons un engagement à très long terme qui dépasse la durée de vie de n’importe quel gouvernement. C’est une obligation qui transcende le mandat des gouvernements. Par conséquent, même si le budget d’immobilisations faisait l’objet de compressions, les paiements devraient être honorés au montant fixé. Théoriquement, tout pourrait être réduit à zéro avec ce type d’arrangement. Nous pourrions dire : « Eh bien, nous ne pouvons pas vraiment réduire à zéro quoi que ce soit, car nous avons dit que nous verserions ces paiements pendant les 30 prochaines années pour répondre aux besoins des communautés. Nous allons donc emprunter l’argent. »
Je peux imaginer une situation où les Premières Nations qui n’ont pas de certification pourraient dire : « Nous avons choisi de ne pas demander de certification et de ne pas emprunter d’argent, mais nous nous retrouvons avec un budget d’immobilisations moins élevé. » Comment réconciliez-vous cela? Nous en avons déjà parlé. Si les dépenses en capital de 2 milliards de dollars étaient réduites à 1,8 milliard de dollars, une somme de 200 millions de dollars pourrait être affectée à un programme de soutien à l’emprunt, comme vous l’avez dit, pour aider la communauté. Je pensais plutôt que cet argent allait être investi dans des projets relativement lucratifs pour favoriser l’accroissement des revenus autonomes.
Nous construisons des infrastructures. C’est de l’argent mort. Par contre, avec le logement, il y a le locatif, mais les gens ne paient pas tous un loyer. Les membres de nombreuses communautés estiment que leur communauté doit fournir le logement, et que selon les droits issus des traités, ils n’ont pas à payer de loyer. Par contre, ce ne sera pas toujours le cas.
Ne pensez-vous pas qu’en rognant sur ce budget, nous risquons de pénaliser les gens qui en ont le plus besoin? Cette approche est aux antipodes de l’idée selon laquelle l’accroissement des revenus autonomes permettra un jour aux Premières Nations de verser elles-mêmes leurs paiements au moyen d’infrastructures ou d’autres projets qu’elles auraient mis sur pied. Pourriez-vous parler de cet aspect? Je vous demande pardon pour la longue question.
M. Daniels : C’est une excellente question. On nous la pose souvent. Pour que les Premières Nations créent de la richesse et des activités économiques, elles doivent avoir une source de revenus. C’est la condition sine qua non, que toutes les Premières Nations ne remplissent pas nécessairement. Ce sera très difficile de créer des possibilités de développement économique dans certaines régions. Voilà pourquoi nous préconisons différentes formes de partage des recettes de l’exploitation des ressources.
Si nous reculons de deux budgets, une disposition avait été adoptée qui permettait aux Premières Nations d’utiliser les remboursements de TPS comme source de revenus pour aller chercher des fonds. Cette opération n’était pas permise auparavant, car la TPS était passée de 7 % à 5 % et que toute diminution ou augmentation subséquente aurait nui aux Premières Nations qui avaient une dette en souffrance et pas assez de revenus pour la soutenir. En ce moment, toutes les Premières Nations peuvent se prévaloir du régime de la TPS pour les Premières Nations.
Nous avons besoin de plus de revenus de ce type pour que les Premières Nations disposent d’une source stable et fiable de revenus qui leur permettront de prendre part à l’économie — et de générer des revenus — et de commencer à bâtir des infrastructures. C’est ce que font les Premières Nations à qui nous avons prêté de l’argent. Celles qui ont les capacités utilisent ces fonds pour construire des infrastructures.
Dans certaines provinces, une autre source de revenus sine qua non réside dans les projets d’énergie verte. Plusieurs gouvernements provinciaux ont signé des ententes à long terme avec les Premières Nations. Ces ententes engendrent des revenus supplémentaires permettant de construire des infrastructures comme des garderies ou des complexes pour aînés.
J’espère que je ne m’éloigne pas trop de la question. Je crois fermement entre autres au rôle des infrastructures comme préludes au développement économique. Des infrastructures doivent être en place, qu’elles soient liées au tourisme ou à tout autre projet pour lequel les Premières Nations doivent générer des revenus.
Par exemple, la nation Membertou a réussi à construire une route de contournement autour de la zone de la Première Nation. Elle a aussi construit un viaduc au-dessus de l’autoroute et une route menant à la communauté. Ces infrastructures ont permis d’écourter le trajet pour se rendre à l’hôpital, même pour la communauté de Sydney. Le long de cette route, la nation Membertou a construit des infrastructures qui hébergent des cabinets de médecin et de divers autres services. Voilà un exemple de Première Nation qui tire parti des revenus issus d’une entente de partage de recettes tirées de l’exploitation des ressources provenant du jeu pour créer des occasions. C’est le genre de choses qui doivent se produire et pour lesquelles une source de revenus est essentielle.
Les lacunes en matière d’infrastructure touchent bon nombre de Premières Nations. C’est de l’argent mort, comme vous l’avez dit. Le gouvernement fédéral ne pourra pas combler cet écart à court terme s’il n’a pas déjà les solutions en main. Voilà pourquoi nous sommes ici. Il faut injecter des fonds fédéraux pour remédier aux lacunes et les monétiser. Pour nous assurer que les Premières Nations les plus démunies participent, il faut considérer d’autres mécanismes au sein du gouvernement et voir comment en tirer parti dans un environnement de financement structuré comme celui-là pour que ce genre de choses se produisent. Une solution serait, par exemple, d’obtenir les autorisations qui nous permettraient de travailler directement avec les nations.
Le sénateur Tannas : Merci.
La sénatrice Hartling : Merci à tous les invités de s’être déplacés. Vous formez un groupe formidable. Votre expertise, votre leadership et votre engagement envers cet enjeu sont très impressionnants. Vous avez mon soutien sans équivoque.
Monsieur Berna, je vous remercie de nous avoir amenés à nous imaginer un matin sans eau courante, sans chauffage et sans les autres services essentiels. Dans l’Atlantique canadien, nous sommes chamboulés lorsque survient une panne de courant d’une journée. Je ne peux pas imaginer le stress de vivre cela tous les jours.
Je suis ravie d’entendre que des membres des Premières Nations sont prêts à travailler et à construire les infrastructures, car la pénurie de main-d’œuvre dans ce domaine est assez généralisée. Vous me semblez prêt et enclin à planifier. Vous avez mentionné une grande variété d’infrastructures telles que les écoles, les logements, les foyers pour personnes âgées, le réseau d’approvisionnement en eau potable et l’accès Internet dans les écoles. C’est merveilleux.
Il est essentiel d’injecter des fonds dans ces infrastructures, mais j’aimerais que vous me parliez de la réalité des personnes dont les besoins ne sont pas satisfaits. Vous proposez une solution qui nous permet d’espérer que les choses vont changer. Pourriez-vous parler de quelques-unes des retombées?
M. Daniels : Je vais commencer, puis je vais demander à Mme Anderson de terminer. Les problèmes sociaux seraient décuplés comparativement à la situation actuelle. Les maisons sont surpeuplées. Je ne peux pas m’imaginer vivre dans ces conditions. Je suis chanceux. J’habite dans une grande réserve qui fournit tous les services. Pendant la panne de courant causée par des travaux dans le réseau électrique, c’était difficile de vivre sans cette source d’énergie que nous tenons pour acquise aujourd’hui.
Selon moi, les difficultés sociales dans les communautés découlent du manque d’infrastructures modernes telles que le logement, l’eau courante, les services de santé, et j’en passe. Nous constatons ces impacts chaque jour dans les communautés. En raison du très bas taux de diplomation, les enfants autochtones sont vraiment à la traîne. Je vais demander à Mme Anderson de continuer.
Mme Anderson : Merci, monsieur Daniels. J’ai parlé plus tôt des enfants qui ne pouvaient pas aller en classe. Il n’y a pas si longtemps, comme je le disais, de nombreux enfants ont dû aller à l’école en ligne pendant au moins la première année de la pandémie. Dans certaines communautés, les enfants n’ont pas pu assister à leurs cours. Ils ont par conséquent pris du retard par rapport à une situation qui était déjà très préoccupante.
Sur le plan de la santé, vous et moi avons de l’eau potable devant nous aujourd’hui. Les familles n’ont pas toutes ce luxe. Récemment, j’ai parlé avec une femme qui vit dans un bungalow de trois chambres avec 27 autres personnes. Sans accès à l’eau potable, il lui est impossible de faire la lessive, chose que nous tenons normalement pour acquise. De cela s’ensuivent d’autres problèmes de santé. Dans les maisons infestées de moisissures, les problèmes respiratoires et l’asthme sont monnaie courante.
Bien honnêtement — vous l’avez souligné, sénatrice —, il faut créer de l’espoir. Il faut montrer aux enfants qu’il y a de la lumière au bout du tunnel et que de belles choses peuvent advenir dans les communautés.
À notre avis, nous détenons une solution viable qui permettra d’aider le gouvernement fédéral à combler l’écart. Nous sommes convaincus que nous avons la capacité de décider comment octroyer des prêts et bâtir des infrastructures afin de donner la possibilité aux membres des Premières Nations de se prononcer sur ce qu’ils aimeraient voir dans leur communauté au lieu de se le faire imposer. Cet outil est très puissant selon nous.
Pendant une réunion à laquelle j’assistais aujourd’hui, quelqu’un a dit que lorsque les membres de nos communautés sont embauchés et que ce sont eux qui bâtissent les maisons... Si vous construisez la maison de votre tante, vous allez vous surpasser pour lui donner la demeure la plus parfaite possible. Nous sommes fiers des choses que nous avons construites, telles les écoles, qui sont le reflet de notre culture.
Si nous ne faisons pas les choses nous-mêmes, nous avons cette impression constante que nous ne les méritons pas, tandis qu’en fait, nous les méritons. Les communautés et les aînés méritent ce qu’il y a de mieux. Les enfants dans les communautés — pas seulement ceux de la génération actuelle, mais aussi ceux des générations à venir — méritent le meilleur.
M. Berna : J’aimerais clarifier une chose : si vous acceptez de nous donner une lettre de soutien, nous n’irions pas piger dans le budget d’immobilisations courant. Nous demandons qu’un nouveau poste soit ajouté au budget en sus des 2 milliards de dollars actuels. Nous ne voulons pas y retrancher quoi que ce soit. Nous n’essayons pas de créer des problèmes. Nous demandons un nouveau poste budgétaire qui pourrait être modifié ultérieurement et qui s’ajouterait au montant actuel. Nous ne voulons pas toucher au montant actuel ni causer du tort.
Le président : Merci de vos réponses. Le temps de ce groupe de témoins est écoulé. Merci aux témoins d’être venus comparaître ce soir.
(La séance se poursuit à huis clos.)