LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 28 mars 2023
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : J’aimerais commencer par souligner que le territoire sur lequel nous nous réunissons est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe et qu’il abrite maintenant de nombreux autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de toute l’île de la Tortue.
Je suis le sénateur mi’kmaw Brian Francis d’Epekwitk, aussi connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis le président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Avant de commencer notre réunion, je vais demander aux membres du comité qui sont avec nous de se présenter en indiquant leur nom et leur province ou territoire.
Le sénateur Arnot : Je m’appelle David Arnot et je viens de la Saskatchewan, territoire du Traité no 6.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, du territoire de l’Alberta visé par le Traité no 6, probablement la meilleure partie du territoire du Traité no 6.
La sénatrice Hartling : Bonjour. Je suis la sénatrice Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick. Je vis sur le territoire non cédé des Micmacs.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, Traité no 7, Alberta.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d'Antigonish en Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki.
La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, en Colombie-Britannique, la plus belle partie du territoire du Traité no 6.
La sénatrice Audette : Meegwetch, madame Gunn. Michèle Audette.
[mots prononcés dans une langue autochtone]
Le président : Merci, honorables sénateurs. Aujourd’hui, nous entamons une brève étude sur l’efficacité du cadre canadien des droits de la personne dans la promotion, la protection et la réalisation des droits des peuples autochtones. Plus précisément, nous nous demandons si les mécanismes existants pourraient être améliorés ou si de nouveaux mécanismes sont nécessaires, y compris des mécanismes propres aux Autochtones.
Cette courte étude fait suite à l’engagement pris par le comité dans le rapport intitulé Il faut agir pour les FFADA : Ce n’est pas juste l’intention qui compte, publié en juin 2022, d’examiner la mise en œuvre de l’appel à la justice 1.7 de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ou FFADA, qui demande la création permanente d’un ombudsman national des Autochtones et des droits de la personne et d’un tribunal national des Autochtones et des droits de la personne, lesquels doivent être indépendants des gouvernements et avoir le pouvoir d’examiner les plaintes en matière de violation des droits autochtones déposées tant par des personnes autochtones que par des communautés autochtones, ainsi que de mener des évaluations exhaustives et indépendantes.
Après cette explication, j’aimerais présenter notre premier groupe de témoins. Nous accueillons Brenda Gunn, professeure agrégée à la Faculté de droit Robson Hall de l’Université du Manitoba, en détachement à titre de directrice académique et de recherche au Centre national pour la vérité et réconciliation; et Naiomi Metallic, professeure adjointe à la Faculté de droit Schulich de l’Université Dalhousie, où elle est titulaire de la chaire de la chancelière en droit et en politiques autochtones. Les deux sont ici à titre personnel.
Wela’lin. Je remercie nos deux témoins de s’être jointes à nous aujourd’hui.
Chaque témoin fera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une période de questions et réponses avec les sénateurs.
J’invite maintenant Mme Gunn à faire sa déclaration préliminaire.
Brenda Gunn, directrice académique et de recherche, Centre national pour la vérité et réconciliation, à titre personnel : Bonjour à tous. Je suis Métis de la rivière Rouge et je vis sur le territoire du Traité no 1, qui est également la patrie des Métis.
Merci beaucoup de m’avoir invitée à comparaître aujourd’hui. Je suis heureuse d’être ici sur le territoire algonquin non cédé.
Comme vous l’avez entendu, j’enseigne le droit à l’Université du Manitoba et je travaille maintenant au Centre national pour la vérité et la réconciliation. Au cours des 15 dernières années, mes recherches ont porté sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA, et d’autres normes internationales en matière de droits de la personne.
Aujourd’hui, j’aimerais vous fournir des renseignements sur les questions dont vous êtes saisis, plus précisément sur les défis et les possibilités actuels qui sont présentés par l’examen d’un nouvel organisme qui assurerait une certaine surveillance de la mise en œuvre des droits de la personne.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais apporter une précision au sujet des droits de la personne et des peuples autochtones. De mon point de vue, je crois comprendre qu’il s’agit d’une question de normes internationales en matière de droits de la personne, comme celles énoncées dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones.
Ces instruments se sont développés au fil des décennies et établissent des normes sur les droits de la personne fondamentaux qui sont accessibles à tous les peuples, mais ils orientent vraiment la façon dont les normes générales qui existent dans le droit international en matière de droits de la personne s’appliquent dans le contexte particulier des droits des Autochtones.
J’aimerais commencer par examiner quelques-unes des lacunes que je vois dans le système canadien. Étant donné le peu de temps dont nous disposons, je vais essayer de n’en aborder que deux ou trois.
Quelles sont les principales lacunes du système de protection des droits de la personne? Premièrement, on se demande si nos mécanismes actuels, c’est-à-dire les institutions nationales des droits de l’homme, ou INDH, peuvent jouer un rôle. À l’heure actuelle, aucune des institutions canadiennes des droits de la personne ne prévoit de pouvoir législatif précis relativement à la Déclaration des Nations unies. Tous les instruments sont régis par des lois précises sur les droits de la personne, et aucune des lois ne fait expressément référence à la Déclaration des Nations unies, ce qui laisse à chaque institution le soin de se référer à la Déclaration des Nations unies dans l’interprétation de sa principale loi sur les droits de la personne.
Cela risque vraiment de déformer la Déclaration des Nations unies pour qu’elle corresponde aux droits de la personne au Canada plutôt que l’inverse, c’est-à-dire appliquer les normes internationales en matière de droits de la personne pour élargir les normes nationales ici au Canada. J’ai rédigé un document sur le rôle des INDH et la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies que je peux transmettre au comité, si cela vous intéresse.
Deuxièmement, le Canada n’a pas exprimé son appui à la Déclaration américaine des droits des peuples autochtones et n’a pris aucune mesure pour mettre en œuvre cet instrument particulier.
Cet instrument a été adopté par l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains, l’OEA, en 2016, et il fournit quelques faits nouveaux importants que nous ne voyons pas dans le texte de la Déclaration des Nations unies. Je peux ici en souligner trois. Par exemple, l’article VII assure une meilleure protection des droits des femmes, et la déclaration américaine est considérée comme ayant une approche moins déficitaire à l’égard de l’égalité entre les sexes que la déclaration des Nations unies. Il y a aussi l’article XVII de la déclaration de l’OEA, la déclaration américaine, qui protège les systèmes familiaux.
Enfin, j’aimerais souligner que l’article XXIV de la déclaration américaine, la disposition sur les traités, fait expressément référence à la nécessité pour les États de mettre en œuvre l’esprit et l’intention des traités.
La troisième lacune concerne l’application des recommandations de l’organisme de surveillance des traités. Dans le système international des droits de la personne, il y a des organismes qui surveillent la mise en œuvre de différents traités sur les droits de la personne. Le Canada présente périodiquement des rapports à ces organismes, mais il n’existe aucun mécanisme pour s’assurer que le Canada donne suite à ces recommandations visant à mettre en œuvre des normes en matière de droits de la personne.
Je sais qu’il ne me reste presque plus de temps, mais j’ai pensé vous parler du système international de surveillance des traités internationaux sur les droits de la personne, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ces instances sont formées d’experts indépendants qui ont deux fonctions clés, soit fournir des conseils sur l’interprétation de l’instrument au moyen de recommandations générales et guider les États au moyen de rapports périodiques et de mécanismes de traitement des plaintes. Les États sont tenus de faire rapport périodiquement à l’instance de ce qu’ils font pour mettre en œuvre ce pacte international sur les droits de la personne. Le processus est conçu expressément pour inclure les points de vue de la société civile et des peuples autochtones dans ces processus, afin de permettre un examen vraiment solide de ce que les différents États font pour mettre en œuvre ces traités sur les droits de la personne.
Ce genre de processus permet à une nouvelle instance de surveiller spécifiquement un instrument particulier pour entreprendre des études et faire des rapports périodiques, et comprend un processus de traitement des plaintes.
Je serai heureuse de vous fournir plus de détails au besoin.
Le président : Merci, madame Gunn. J’invite maintenant Me Metallic à faire sa déclaration préliminaire.
Naiomi Metallic, professeure, à titre personnel : Bonjour, gwè. Je suis avocate et professeure de droit micmac de Kjipuktuk, Mi’kma’ki.
Mon travail est axé sur la discrimination continue à l’égard des peuples des Premières Nations dans la prestation de services clés comme la protection de l’enfance, les services de police et l’aide sociale, ainsi que sur le déni du droit fondamental des peuples autochtones à l’autodétermination.
En mars 2022, j’ai corédigé un rapport sur les mécanismes de responsabilisation efficaces pour lutter contre la discrimination généralisée constatée par le Tribunal canadien des droits de la personne dans l’affaire de la Société de soutien. Notre proposition s’inspirait des appels à la justice de l’enquête nationale, en particulier l’appel 1.7.
En fin de compte, nous avons recommandé trois mécanismes interreliés, soit un défenseur national des enfants et de la famille autochtones, qui est un genre d’ombudsman, pour assurer la défense des droits, l’éducation du public et la surveillance systémique, et un tribunal pour rendre des décisions exécutoires sur les plaintes, au besoin; et troisièmement, des services juridiques nationaux pour permettre aux enfants et aux familles d’avoir un accès significatif à ces services et à d’autres mécanismes de reddition de comptes. Ces mécanismes devraient être indépendants du gouvernement, permettre d’assurer la surveillance des gouvernements fédéral et provinciaux et être prévus dans la loi.
Nous avons estimé que même si l’un ou l’autre des trois mécanismes à eux seuls constituait une amélioration par rapport au statu quo, les trois sont nécessaires pour une reddition de comptes significative. Cela est dû au fait que les enjeux sont trop importants, que les modèles de discrimination sont trop longs et trop enracinés, et que les pratiques, les politiques et les réformes juridiques des gouvernements à ce jour sont encore trop timides pour que rien ne soit moins efficace à ce stade.
En ce qui concerne les lacunes en matière de reddition de comptes qui éclairent notre rapport, il n’y a pas d’ombudsman fédéral ou de défenseur des enfants, même si le Canada est le principal fournisseur de services pour les enfants et les familles des Premières Nations. C’est une lacune importante. Chaque province a un ombudsman ou un défenseur des enfants, ou les deux, pour superviser la prestation des services provinciaux. Le sort des enfants et des familles autochtones est donc laissé aux tribunaux et aux organismes de défense des droits de la personne. Mais il y a d’énormes obstacles à l’accès à ces tribunes, y compris leur complexité et leur coût. La Société de soutien aide ceux qui peuvent se battre pour obtenir les services dont ils ont besoin, mais elle manque de ressources et de capacité pour traiter le volume élevé des demandes.
Le Tribunal et la Commission canadienne des droits de la personne, bien qu’ils aient aidé ces dernières années, ne constituent pas une réponse à l’appel à la justice 1.7, et voici pourquoi.
Premièrement, le niveau de mépris des droits fondamentaux des peuples autochtones exige des mécanismes propres aux Autochtones. Le problème avec les institutions générales, c’est que leurs priorités peuvent changer. On l’a vu avec l’Initiative nationale autochtone de la Commission canadienne des droits de la personne. Après environ huit ans, elle a été graduellement éliminée, car elle n’était plus considérée comme une priorité de la Commission.
Ensuite, les motifs de discrimination reconnus dans les lois sur les droits de la personne ne protègent qu’une fraction des droits fondamentaux de la personne reconnus dans la Déclaration des Nations unies, comme l’a souligné Mme Gunn.
Enfin, et c’est le plus important, nous avons besoin de mécanismes permettant de traiter en un seul endroit les violations des droits des Autochtones commises par les gouvernements fédéral et provinciaux. Le va-et-vient constant de la patate chaude entre les provinces et le gouvernement fédéral au sujet des questions autochtones est l’un des principaux facteurs qui contribuent aux violations des droits de la personne dont les peuples autochtones sont victimes et auxquelles il faut s’attaquer. Mais à l’heure actuelle, on ne peut pas déposer une plainte en matière de droits de la personne contre les gouvernements fédéral et provinciaux au même moment. Il faut poursuivre chacun par l’entremise de ses organismes respectifs des droits de la personne, et il y a un problème semblable avec le contrôle judiciaire devant les tribunaux.
Autrement dit, essayer de faire valoir le principe de Jordan pose un problème à l’égard de ce principe même, et cela nuit aux enfants et aux familles autochtones.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le Canada a la compétence d’adopter des lois pour créer de tels mécanismes en vertu du paragraphe 91(24) de la Constitution, même si cela peut avoir des répercussions sur les provinces. Le Canada a le pouvoir de protéger les droits fondamentaux des peuples autochtones sans l’accord des provinces. C’est ce qui a motivé le Parlement à adopter le projet de loi C-92, et je suis convaincu que la Cour suprême le confirmera.
Non seulement a-t-il le pouvoir de le faire, mais le Parlement a l’obligation de protéger les droits fondamentaux des peuples autochtones. Cette obligation découle des traités, de l’honneur de la Couronne, de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de la Déclaration des Nations unies.
Bien que notre rapport porte spécifiquement sur les enfants et les familles autochtones, nous avons examiné comment le modèle peut être élargi pour répondre à divers besoins en adoptant un modèle d’ombudsman adjoint comme celui de l’Ontario. Il y a un organe central de médiation, mais il y a différents sous-ministres qui se concentrent sur des questions précises. Il pourrait donc y avoir des sous-ministres responsables des enfants et des jeunes, des femmes et des personnes bispirituelles, et ainsi de suite.
Je vais terminer là-dessus. Je ne m’oppose pas au Conseil national de réconciliation créé par le projet de loi C-29, mais il ne remplace pas adéquatement l’appel à la justice 1.7 lancé par l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Merci, wela’lioq.
Le président : Merci. Nous allons maintenant passer aux questions. Je vais commencer par poser la première question à l’un ou l’autre d’entre vous. Vous en avez peut-être parlé dans votre déclaration préliminaire, mais je vais vous redemander des précisions.
À votre avis, comment les mécanismes propres aux Autochtones, comme un ombudsman ou un tribunal autochtone, entreraient-ils en interaction avec les mécanismes actuels dans les domaines de compétence fédéraux, provinciaux ou qui se chevauchent? Quels types de pouvoirs ou d’autorités devrait-on envisager pour ces instances indépendantes? Qui veut répondre en premier?
Me Metallic : Je peux commencer. Comment cela se recouperait-il et comment les gérer? Nous exposons dans notre rapport — et je crois que nous y avons fourni un lien —, aux pages 59 à 73, des renseignements détaillés sur ce que nous avons en tête. Comme je l’ai dit dans mon exposé principal, un ombudsman — ou on peut l’appeler un défenseur des droits, mais il s’agit essentiellement de la même idée — offre des services de défense d’intérêts souples en réponse aux plaintes individuelles et collectives en offrant des solutions informelles par des moyens confidentiels. Il assure également une surveillance systémique des activités du gouvernement et peut mener des enquêtes et des études de sa propre initiative, en plus de fournir de l’information.
Mais il faut aussi un tribunal qui puisse statuer sur les plaintes et offrir des recours substantiels. C’est vraiment important. Nous croyons également que des services juridiques sont nécessaires parce que les Autochtones font face à d’immenses difficultés lorsqu’ils essaient de s’y retrouver dans le système actuel.
Quant à la façon dont ces mécanismes interagissent les uns avec les autres, sénateur, nous avons l’habitude des chevauchements au Canada. Dans un système fédéral, nous sommes à l’aise avec cela et cela fonctionne. Ce que nous avons constaté dans notre rapport, c’est que, tout d’abord, il n’y a pas de chevauchement lorsqu’il s’agit d’un ombudsman au niveau fédéral parce qu’il n’y en a pas, et c’est une énorme anomalie.
En ce qui a trait aux ombudsmans provinciaux, nous avons constaté qu’en ce qui concerne la discrimination contre les enfants et les familles, il y a encore des provinces qui refusent des services malgré le principe de Jordan et les ordonnances du tribunal. Il ne semble pas que la majorité des défenseurs et des ombudsmans provinciaux tiennent vraiment les provinces responsables. Donc, oui, il pourrait y avoir des chevauchements entre ce qu’un ombudsman ou un tribunal national pourrait faire, mais nous pensons que c’est nécessaire, parce qu’ils ne semblent pas, à ce stade-ci, faire un assez bon travail pour répondre aux besoins réels des enfants et des familles autochtones.
Comme je l’ai dit, les chevauchements sont courants. On le voit même dans les organismes de réglementation des valeurs mobilières. Nous avons des organismes fédéraux et provinciaux de réglementation des valeurs mobilières, mais nous l’acceptons. Nous pouvons gérer cette situation.
Je pense aussi qu’il est possible de structurer toute loi de façon à ce que, s’il y a une autre instance de reddition de comptes qui peut réagir efficacement, l’ombudsman puisse refuser sa compétence pour permettre à cette instance de faire son travail. Cependant, nous constatons parfois que ce n’est pas le cas jusqu’à maintenant. Mais le défenseur pourrait également avoir pour mandat de fournir des services de sensibilisation et d’éducation et de coordonner ses activités avec celles d’autres organismes provinciaux et fédéraux afin de s’assurer qu’ils accordent une attention particulière aux droits des peuples autochtones.
Je ne pense donc pas que ce serait redondant. Je pense que ce serait une valeur ajoutée et un service vraiment important à adjoindre en complément. Merci.
Mme Gunn : J’aimerais ajouter une ou deux choses.
Premièrement, cette instance nouvellement créée serait composée d’experts ayant une expérience particulière des droits de la personne des peuples autochtones. Ce n’est pas une exigence imposée aux organismes existants des droits de la personne. Certaines personnes ont peut-être de l’expérience, mais ce n’est pas un critère, de sorte qu’un nouvel organisme qui se penche précisément sur les droits des peuples autochtones sera différent en raison de son expertise.
L’autre élément qui, à mon avis, est très puissant pour un organisme fédéral, encore une fois, et qui reflète le système international des droits de la personne, c’est que ces instances regroupent des experts des différentes régions du monde. Les Nations unies sont divisées en régions, de sorte que chaque instance est représentée. Par l’entremise d’une instance fédérale, nous pourrions également identifier les régions du Canada qui comportent, bien sûr, des distinctions entre les Premières Nations, les Inuits et les Métis, mais aussi les distinctions que nous voyons d’un océan à l’autre. Nous pourrions voir une représentation régionale partout au Canada ainsi qu’une expertise particulière.
Le président : Merci, madame Gunn.
Le sénateur Arnot : Ma question s’adresse aux deux témoins. Je vais simplement faire quelques observations.
La première, c’est que nous vous serions reconnaissants de fournir à la greffière tous les documents ou toute idée que vous pourriez avoir sur certaines des questions soulevées aujourd’hui. Je pense que ce sera très utile.
Je pense que c’est une véritable occasion de corriger certains problèmes fondamentaux, et tout cela fait partie des mandats que nous avons confiés à ces deux instances. À ce sujet, une chose qui me dérange, c’est qu’on ne met pas suffisamment l’accent sur les principes de la médiation et de la justice réparatrice dans le modèle de règlement actuel. C’est peut-être un endroit où ils pourraient s’intégrer.
Est-ce que vous verriez l’ombudsman comme quelqu’un qui essaie de trouver des solutions? Je m’interroge également sur le lien entre l’ombudsman et le tribunal. Y aurait-il un endroit où quelqu’un pourrait essayer la médiation, et si cela échouait, l’affaire serait renvoyée au tribunal? Quel serait le mécanisme d’enquête? S’agirait-il d’un bureau de l’ombudsman ou serait-il préférable que ce soit un tribunal?
S’il y a une fonction d’enquête, c’est qu’il faut avoir le pouvoir de contraindre des témoins à comparaître et à produire des documents, et cela devrait relever de l’une de ces deux instances. Qu’en pensez-vous?
J’aime vraiment l’idée d’intégrer la déclaration de l’OEA — les droits américains —, et vous avez identifié les domaines du genre, des systèmes familiaux et de la mise en œuvre des traités dans leur esprit et leur intention. C’est très important. Cela pourrait faire partie des mandats, et c’est ce que vous préconisez.
J’aimerais faire un commentaire au sujet de l’application des traités. J’espère que cette instance, ce comité, se penchera sur cette question. Il manque d’outils pour obliger l’exécutif à rendre des comptes au Canada. Est-ce un bon point de départ pour obliger l’exécutif à rendre des comptes dans ce modèle? Que pensez-vous de l’application des traités et de la mise en œuvre de l’esprit et de l’intention des traités et de la façon dont cela pourrait ou devrait se faire? Cela pourrait s’insérer ici, mais cela pourrait s’inscrire dans une autre étude, et donc il y a des recoupements. J’aimerais vraiment savoir ce que vous avez à dire à ce sujet.
Je pense que Me Metallic a fait une observation convaincante au sujet du Tribunal canadien des droits de la personne et de l’abandon de l’Initiative nationale autochtone. C’était un outil très efficace que les décideurs pouvaient utiliser, à mon avis, et ce problème fondamental de la relation entre les peuples autochtones et la Couronne est une honte nationale. Je ne comprends pas comment cette initiative a pu être abandonnée, mais elle l’a été, et cela montre la nécessité de remédier à la situation.
La seule autre chose que je dirais, c’est que vous avez mentionné l’honneur de la Couronne — et je suis d’accord à ce sujet — l’article 35, la déclaration des Nations unies; de plus, l’obligation fiduciaire est un principe très important pour apporter ces changements.
J’aimerais que vous commentiez tout cela. Si vous n’avez pas le temps, veuillez le faire au moyen de documents ou d’autres idées de suivi, car les analystes sont très efficaces pour cerner ces questions, qui pourraient figurer dans un rapport final.
Merci.
Mme Gunn : Je pense que je vais dire rapidement que la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui est l’organisme chargé du traitement des plaintes par l’entremise de l’Organisation des États américains, inclut spécifiquement la médiation comme l’une des étapes du processus, et c’est donc un modèle qui peut être utilisé.
La médiation est extrêmement importante, mais nous devons reconnaître le déséquilibre de pouvoir qui existe entre l’État canadien et les peuples autochtones, si bien que la médiation peut être difficile lorsqu’il y a un important déséquilibre de pouvoir et de ressources. La médiation est parfois perçue comme une façon de gagner du temps et d’occasionner des dépenses aux parties. Je voulais simplement le signaler, mais je ne suis pas du tout opposée à la médiation.
Oui, je pense que l’application des traités pourrait jouer un rôle ici. Je pense que nous devons être très conscients des lacunes qui existent et de ce que peut faire un organisme. Cela concerne précisément l’expertise. Si nous voulons créer un organisme spécial pour s’occuper des droits de la personne des peuples autochtones, nous devrions nous demander s’il peut tout faire, car il s’agit en fait d’un domaine très vaste.
Je vois un rôle pour les traités et l’application des traités au sein de cet organisme, mais je sais aussi et je crois que Naiomi Metallic et moi-même sommes d’accord pour dire que nous ne sommes pas des experts en tout ce qui concerne les droits des Autochtones. Comme nous avons tous nos propres domaines d’expertise, je pense qu’il y a un équilibre entre le fait de s’occuper des domaines clés qui doivent être abordés et le fait de reconnaître qu’il serait difficile pour un organisme de s’occuper de tout. Encore une fois, je me reporte à l’idée de Naiomi Metallic du modèle de l’adjoint et de la séparation des tâches.
Je pense que le seul autre point que j’aimerais soulever vient des aînés avec qui j’ai eu le privilège de travailler au Manitoba. On a l’impression que les tribunaux ne sont pas un bon endroit pour ce qui concerne les traités. On souhaite d’autres mécanismes, en particulier des mécanismes indépendants, pour traiter des traités en suspens, y compris l’esprit et l’intention des traités.
Je pense qu’il peut y avoir là un rôle important. Encore une fois, ce qui est préoccupant, c’est de penser qu’il peut y avoir une personne qui serait experte dans tous les domaines.
Le président : Merci, madame Gunn.
Maître Metallic?
Me Metallic : Merci.
Oui, je pense que je ferais écho à ce que Brenda Gunn a dit au sujet de cette préoccupation nuancée concernant les traités. Ce que nous voyons à certains endroits et ce qui a fait l’objet de recommandations, c’est un organisme particulier sur les questions territoriales et la nécessité de réunir les provinces et le gouvernement fédéral. Il en est question dans les documents de référence, comme vous l’avez demandé sénateur.
Il y a notre rapport qui présente une bonne ventilation de tout cela, et nous parlons aussi de certaines des demandes qui ont été faites jusqu’à maintenant au sujet d’organismes particuliers qui s’occupent des traités. C’est un facteur à prendre en considération, et je crois qu’il est possible de couvrir diverses choses à un seul endroit, mais la question est de savoir dans quelle mesure on peut s’attaquer à ce problème et faire un travail raisonnablement efficace, ce qui est vraiment ce que nous voulons tous accomplir pour les peuples autochtones et leurs droits fondamentaux de la personne.
Permettez-moi de parler un peu de ce que nous avons pensé de la médiation et de ce que je qualifierais essentiellement de règlement informel des différends avant qu’un organe décisionnel final comme un tribunal ne soit nommé. Nous avons pensé à ce médiateur. Nous l’avons appelé un « défenseur », mais nous nous sommes inspirés de certains organismes de défense des enfants. Nous aimons beaucoup le modèle albertain. Ils ont des travailleurs sociaux qui travaillent en coulisse et qui collaborent en toute confidentialité avec le gouvernement pour essayer de régler les différends. Nous avons vraiment aimé ce modèle, et ils défendent les intérêts des personnes. Tout est confidentiel, et nous avons pensé qu’il s’agissait d’un compromis en ce sens qu’il n’y a pas de décision finale, mais ils sont en mesure d’obtenir la confiance et de faire le travail. Il faut aussi que le tribunal intervienne au cas où cela ne fonctionnerait pas.
Nous voyons certainement des cas où le modèle de la Commission canadienne des droits de la personne ne permet pas d’avancer. Vous êtes coincé devant la Commission si vous ne passez pas par ce processus de médiation. Je crois que j’ai eu un client avec qui nous avons travaillé pendant deux ans dans le cadre d’une affaire très simple. C’est presque une tactique dilatoire, et nous ne voulons pas voir cela.
Nous pensons que les peuples autochtones ont besoin d’un plus grand nombre de mécanismes, et non d’un moins grand nombre, alors en créant ne serait-ce qu’un mécanisme comme celui-ci, nous ne voulions pas lier les mains des personnes qui veulent continuer à s’adresser à la Commission canadienne des droits de la personne ou à un autre organisme, si c’est ce qu’elles souhaitent.
Nous aurions donc considéré qu’il s’agissait d’un endroit où les gens peuvent consulter, obtenir de l’information et avoir la possibilité, s’ils veulent avoir accès au mécanisme informel de règlement des différends, de s’adresser au tribunal s’ils estiment que ce n’est pas approprié. Nous ne voulons pas retarder le processus. C’est parfois la meilleure solution.
Nous nous attaquons à ce problème et nous en discutons abondamment dans notre rapport, vers lequel un lien a été ajouté dans mes notes d’allocution d’aujourd’hui. Je pense que cela répond à votre question. Merci.
Le président : Je rappelle à tous que nous avons une bonne liste de sénateurs qui veulent poser des questions dans un court laps de temps. Je surveillerai donc l’heure à mesure que nous avancerons.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à nos deux témoins d’aujourd’hui. J’ai tellement de questions, mais je vais me limiter à quelques-unes.
Madame Gunn, vous avez parlé des normes américaines, de l’OEA et de la façon dont nous en faisons partie, mais cela ne reflète pas la façon dont nous faisons les choses ici au Canada. Vous avez également mentionné que nos institutions nationales des droits de la personne constituent un groupe important d’institutions. Nous parlons d’un nouvel ombudsman et d’un nouveau tribunal des droits de la personne spécialisé au niveau national.
Dans le contexte des institutions nouvelles et existantes, quels conseils donneriez-vous sur ce qui doit être fait pour renforcer la capacité de nos institutions existantes, non pas à la place, mais en complément de la nouvelle institution que nous espérons créer? Je vous poserai ensuite une question sur la nouvelle.
Mme Gunn : Je vais essayer de répondre rapidement.
Les institutions nationales actuelles des droits de la personne pourraient et devraient participer davantage à l’examen de la façon dont, lorsqu’elles reçoivent des plaintes des peuples autochtones au sujet de leurs propres lois sur les droits de la personne, elles font référence aux déclarations des Nations unies et des États-Unis. Ces normes internationales en matière de droits de la personne devraient nous aider à comprendre notre législation nationale sur les droits de la personne en ce qui concerne les peuples autochtones, mais cela exige que les décideurs aient une idée de ce que sont ces déclarations, ce qui va bien au-delà de la lecture de 46 articles; il y a des décennies de jurisprudence internationale qui nous aident à comprendre cela.
Il faut de la formation et de la volonté. Idéalement, cela devrait figurer explicitement dans leurs lois, mais il est un peu difficile de modifier 13 lois.
Il faut aussi qu’il y ait dans ces instances des gens qui ont de l’expérience. Lorsque vous examinez les nominations aux divers organismes de défense des droits de la personne, aucune d’entre elles n’a une expérience internationale des droits de la personne qui porte spécifiquement sur les peuples autochtones. C’est le nœud du problème, à mon avis, pour que les INDH puissent jouer un plus grand rôle.
Le président : Madame Coyle, je vous inscris pour le prochain tour.
La sénatrice Coyle : C’est d’accord.
La sénatrice Sorensen : Je vais peut-être entrer un peu dans les détails; il y a tellement de sujets à aborder en ce qui concerne les droits des Autochtones.
Cependant, je continue de penser à deux sujets qui ont été abordés lors d’une réunion précédente de ce comité. Je demande à l’un ou l’autre des témoins, ou aux deux, si nous avons le temps, de nous dire si les sujets suivants relèvent des droits des Autochtones. Je suppose que oui, mais je pose la question. La première est l’obligation de présenter une nouvelle demande de statut, et la deuxième, la clause limitant la deuxième génération. Pardonnez mon ignorance, mais cette règle actuelle d’exclusion de la deuxième génération est-elle appropriée, ou est-ce qu’on pense qu’elle ne l’est pas en ce qui a trait aux droits des Autochtones? Est-ce que c’est courant dans d’autres pays, notamment aux États-Unis?
Mme Gunn : En vertu de la Déclaration des Nations unies, les peuples autochtones ont le droit de se définir eux-mêmes et de définir leurs membres. Par conséquent, le rôle permanent de la Loi sur les Indiens dans la détermination des personnes autochtones doit être réévalué, et nous devons suivre un processus.
Je ne connais aucun peuple autochtone qui se définirait par ce minimum de sang indien sans que le gouvernement ait un rôle à jouer. Aux États-Unis, il y a certainement des tribus qui suivent le degré de sang indien, mais je ne suis pas sûr que cela ait été traditionnel; cela a été davantage influencé par la loi américaine.
Je pense que cela entre en ligne de compte parce que cela relève du droit d’un peuple de définir lui-même ses citoyens.
Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, maître Metallic?
Me Metallic : Non.
[Français]
La sénatrice Audette : Je vais vous poser des questions en français. Pendant que vous mettez vos écouteurs, j’en profite pour dire merci à tous les sénateurs et sénatrices qui ont osé faire ces études à la suite de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Votre influence fait en sorte que le gouvernement fédéral a nommé une personne et une organisation pour étudier ces questions.
Vous le savez, les commissions d’enquête vont au-delà des recommandations; on est rendu à des impératifs juridiques, c’est ce que j’en sais pour les avoir étudiés. Maître Metallic, l’importance de différencier le projet de loi C-29 et les entités que l’on est en train d’étudier en ce moment, cela est important.
Maintenant, sachant que vous et moi — les professeurs incroyables, les femmes autochtones qui sont ici comme témoins — sommes investies dans cela au quotidien, on le comprend et on le sait : c’est une responsabilité, c’est un devoir. Comment dire au reste du Canada, à mes collègues sénateurs et sénatrices et à l’autre Chambre qu’on devrait avoir ces mécanismes? Comment peut-on exercer notre influence pour faire en sorte que, peu importe le gouvernement qui s’en vient ou celui qui va revenir, on devra bientôt mettre en place ces mécanismes qui sont, à mes yeux, non négociables? Je suis toute seule dans ce grand Canada!
En passant, il y a de jeunes autochtones, au Québec, qui sont en train de vous écouter, et ils sont fiers de vous voir, j’en suis sûre.
Me Metallic : Merci beaucoup, sénatrice. Je pense c’est une très bonne question.
Je ressens de la fierté à l’égard de Mme Cindy Blackstock et de son courage, et aussi à l’égard de l’Assemblée des Premières Nations pour avoir porté cette grande cause de la First Nations Child & Family Caring Society devant les tribunaux. Comme je l’ai écrit dans certains de mes articles, le problème en ce qui concerne le soutien des enfants est le même que celui des services sociaux, de l’habitation, de l’eau, et de plusieurs autres services aux Autochtones qui sont principalement fournis par le gouvernement fédéral.
De plus, je dirais que la commission a indiqué, en ce qui concerne l’aide apportée aux enfants, que la discrimination dont elle a été témoin était l’un des pires cas jamais vus au Canada. Je pense que cela commence à être reconnu par les Canadiens plus largement. On commence à voir les mêmes causes qui arrivent au tribunal. Cette année, il y en a eu une traitant des services de police, d’un groupe au Québec, qui trouvait que les subventions n’étaient pas adéquates pour répondre aux besoins de la communauté.
Si on continue de cette manière, on va continuer d’avoir d’autres plaintes. Ce n’est pas une bonne chose de poursuivre de cette manière, il faut changer. Toutefois, je pense qu’un tribunal et un ombudsman peuvent aider à changer les façons de penser, à voir qu’on a encore de graves problèmes de discrimination au Canada. Il faut réagir à cela. Il ne suffit pas de porter plainte au tribunal, mais il faut aussi faire de l’éducation et faire des suivis.
[Traduction]
Le président : Madame Gunn, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Gunn : L’une des tactiques que j’ai vu le gouvernement utiliser, y compris à l’échelle internationale, c’est cette liste d’endroits où il est possible de porter plainte. Ils le font lorsqu’ils signalent qu’il est possible de porter plainte au sujet des droits économiques, sociaux et culturels. Ils dressent une liste étonnante d’endroits. Il s’agit en partie de faire la ventilation. C’est probablement la raison pour laquelle Naiomi Metallic et moi avons cerné des lacunes. Non, il n’y a pas de place. À l’heure actuelle, les droits économiques, sociaux et culturels ne sont pas justiciables en vertu de notre Charte. Même si vous mettez en place 50 000 mécanismes, ou peu importe le nombre que vous pouvez instaurer, il y a des manques importants dans ce qui peut être réglé. Si nous voulons être un pays qui respecte les droits de la personne, il faut des mécanismes d’application de la loi et de reddition de comptes pour les gens qui estiment que leurs droits ont été violés.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je remercie nos témoins d’aujourd’hui. Ma question s’adresse à Mme Gunn. J’aimerais examiner en profondeur l’article XVII de la déclaration américaine, si possible, qui vise à mieux protéger les systèmes familiaux.
À votre avis, quel genre de précision cet article apporte-t-il à la DNUDPA? Le comité a déjà étudié la DNUDPA. Nous avons également étudié le projet de loi C-92, et nous comprenons donc peut-être un peu ces deux mesures législatives. Quelles précisions l’OEA apporte-t-il? Comment cela se traduirait-il par de meilleurs services pour les Autochtones dans le contexte du projet de loi C-92?
Mme Gunn : Merci. L’article XVII de la déclaration américaine inclut le droit de préserver, de maintenir et de promouvoir leurs propres systèmes familiaux et précise que :
Les États reconnaissent, respectent et protègent les diverses formes autochtones de la famille, en particulier la famille élargie, ainsi que [...] l’union matrimoniale, la filiation, la descendance et le nom de famille. Dans tous les cas, l’égalité entre les sexes et l’équité intergénérationnelle doivent être reconnues et respectées.
C’est ce qui est inclus. Je dirais que la même idée est incluse dans la Déclaration des Nations unies, mais qu’elle n’est pas exprimée de la même façon.
La principale distinction, c’est lorsqu’il est question de protection de l’enfance. Nous savons qu’il y a des défis à relever quant à ce que nous considérons, du point de vue occidental, comme l’intérêt supérieur d’un enfant. Une disposition comme celle-ci commence par les peuples autochtones et leurs propres points de vue sur la famille et les responsabilités.
Un exemple qui me vient à l’esprit et que j’ai appris est un concept cri. Dans la langue nehiyaw, « mère » et « père » sont en fait des verbes; ce sont donc des responsabilités et des actions, et non seulement des noms, comme en français ou en anglais. Ce sont les principales distinctions que l’on peut voir dans des dispositions comme la déclaration américaine. Nous commençons à comprendre non pas l’intérêt de la personne, mais le lien profond qui l’unit à sa famille et à sa communauté. C’est ce qui est protégé, et cela doit se refléter dans les lois de l’État.
La sénatrice Hartling : Je remercie les témoins de leur présence. J’ai beaucoup apprécié vos exposés. Ils nous donnent beaucoup de matière à réflexion et de solutions pratiques.
Je comprends que vous parliez du fossé entre le fédéral et le provincial. Au Nouveau-Brunswick, ce fossé est très évident. Vous avez dit, maître Metallic, que les travailleurs sociaux de l’Alberta participent à ce processus. Au Nouveau-Brunswick, nous avons des travailleurs sociaux autochtones qui étudient à l’Université St. Thomas et qui pourraient être prêts à participer. Mais avant que cela puisse se faire, nous devons créer le tribunal et les ombudsmans. À votre avis, comment cela serait-il régi et exploité, et comment les ressources et ce genre de choses seraient-elles gérées? Il faudrait un engagement ferme de la part d’un organisme. Où serait-il situé? Pouvez-vous me dire comment vous voyez tout cela, s’il vous plaît?
Me Metallic : Nous considérions qu’il doit s’agir d’un organisme fédéral. En fait, nous recommandons l’adoption d’une loi établissant à la fois l’ombudsman et le tribunal. Nous pensons également que le mécanisme de l’ombudsman devrait offrir un soutien juridique.
Nous croyons, comme je l’ai dit, qu’il devrait assurer une surveillance, non seulement du gouvernement fédéral, mais aussi des entités provinciales, y compris en collaborant avec elles — par exemple, s’il y a des ombudsmans au Nouveau-Brunswick, et d’autres ombudsmans — et prendre la relève en cas de problème, mais aussi en soutenant ces organisations. Ces organisations peuvent potentiellement offrir de meilleurs services aux peuples autochtones tout en comblant une lacune, s’il y en a une, en pratique, en soutenant et en essayant de renforcer l’éducation.
Pour ce qui est de son emplacement, notre pays est vaste. Tout à l’heure, Brenda Gunn parlait des régions. Je pense que la représentation régionale est essentielle; il faudra qu’il y ait une représentation régionale pour que ces organismes soient accessibles partout au pays. Nous aurons probablement besoin d’une certaine forme d’administration centrale, mais il faudra qu’il y ait des bureaux disponibles dans différentes régions du pays, offrant différents mécanismes qui rendent le système le plus accessible possible, parce que l’accessibilité insuffisante a toujours constitué un énorme problème.
Le président : Merci. Nous passons au deuxième tour.
Le sénateur Arnot : J’ai promis au président de faire valoir mes arguments en 30 secondes. Je ne suis pas sûr que ce sera le cas, parce que j’en avais deux, et maintenant j’en ai quatre, mais je vais procéder rapidement. Je ne m’attends pas à une réponse aujourd’hui, mais vous en avez peut-être une. Mes quatre points sont les suivants.
Premièrement, en ce qui concerne l’indépendance, êtes-vous d’accord ou pensez-vous que nous devrions définir une norme d’indépendance et que cette norme devrait être la plus élevée possible, soit l’indépendance judiciaire, pour ces organismes? Pouvez-vous nous en parler?
Deuxièmement, les décisions exécutoires sont vraiment importantes. J’aimerais que vous approfondissiez ce point, si vous le pouvez, parce que je pense que cela aiderait à sensibiliser les organismes et les ministères à l’idée qu’il y a beaucoup en jeu dans toute plainte qui est déposée et qu’ils pourraient se concentrer davantage sur le règlement plutôt que sur le litige.
Troisièmement, la sensibilisation du public. Celle-ci est essentielle. Est-ce quelque chose que l’ombudsman pourrait faire ou pourrait avoir le mandat de faire?
Quatrièmement, les ressources. Dans ce cas-ci, je pense que si vous avez un mandat complet qui est vaste, vous avez besoin d’un ensemble complet de ressources pour vous en acquitter. Ne vous gênez pas. Ne vous laissez pas entraver par les modèles existants dans ce que vous envisagez en ce qui concerne non seulement ces deux mécanismes, mais aussi les ressources nécessaires pour les financer. Merci.
Me Metallic : Pour ce qui est de l’indépendance, dans notre rapport, nous avons certes essayé de décrire ce à quoi cela ressemblait, le plus possible. Il y a l’ombudsman des anciens combattants, mais il est entièrement créé par l’exécutif. Il y a eu divers rapports qui ont critiqué le projet de loi parce qu’il n’avait pas suffisamment de mordant ou ne prévoyait pas assez de pouvoirs. Dans les organismes qui sont créés par voie législative, il y a différentes façons d’assurer le plus d’indépendance possible, par exemple en nommant un président par l’entremise du Parlement ou de mécanismes parlementaires, plutôt que de laisser l’exécutif choisir la direction de n’importe quelle organisation. Nous nous penchons là-dessus, et je pense que c’est vraiment essentiel.
Pour ce qui est des décisions, nous en parlons longuement également. Il est très important d’avoir des pouvoirs de réparation très solides. Le rôle que le Tribunal canadien des droits de la personne a maintenu en matière de compétence de surveillance depuis sa décision initiale dans l’affaire de la Société de soutien en 2016 a été très important. Il le faut. C’est un domaine où nous avons vu à maintes reprises que les gouvernements se font dire de faire quelque chose, mais qu’ils ne font pas nécessairement ce qu’on leur a dit de faire, et si c’est là que cela se termine, ce n’est pas suffisant. Il faut des pouvoirs de réparation robustes, y compris des pouvoirs provisoires.
La sensibilisation du public est vraiment essentielle et serait un rôle fondamental de l’organisme. Nous pensons aussi — surtout en raison du travail que nous avons fait sur le projet de loi C-92 et parce qu’il n’y avait pratiquement pas d’éducation publique dans le cadre de ce projet de loi pour les enfants et les familles — qu’il y a un rôle pour l’éducation des travailleurs sociaux, des gens qui travaillent dans les services de la protection de l’enfance, y compris les avocats et la formation des juges dans ce domaine. La sensibilisation du public est donc vraiment essentielle.
Pour ce qui est des ressources, il s’agira d’un investissement important, mais, comme je l’ai dit à la sénatrice Audette, la solution de rechange, ce sont ces très longues plaintes pour discrimination, et à ce stade-ci, nous intentons des poursuites les unes après les autres. Nous avions la protection de l’enfance et nous avons maintenant les services de police. La dernière fois que j’ai vérifié combien le gouvernement fédéral avait dépensé dans l’affaire de la Société de soutien, je crois que c’était plus de 8 millions de dollars. Il y a donc des ressources, mais elles seraient beaucoup mieux investies dans un projet comme celui-ci, plutôt que dans les litiges. Merci.
Le président : Merci. Avant de donner la parole à la sénatrice Coyle, j’aimerais dire quelque chose à Me Metallic. Elle a fait référence aux pages 59 à 73 de son rapport intitulé Doing Better for Indigenous Children and Families. Si vous pouviez les extraire et les envoyer à la greffière, ce serait formidable, car cela faciliterait la traduction. Merci.
La sénatrice Coyle : Ma question s’adresse à vous, maître Metallic. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait allusion à différentes caractéristiques de cette nouvelle structure et de cette nouvelle organisation. Vous avez parlé de la possibilité d’avoir des sous-ministres pour les enfants et les familles autochtones. Ce pourrait être un exemple. Vous avez parlé de représentation régionale.
Pourriez-vous aller un peu plus loin et simplement décrire — si vous pouviez prendre un peu de recul — les éléments essentiels, tels que vous les voyez, qui optimiseraient l’investissement dans ce nouveau rôle très important d’ombudsman ainsi que dans le rôle du tribunal?
Me Metallic : Merci. Nos travaux ont été axés sur les enfants et les familles, mais depuis la rédaction du rapport, nous avons discuté avec des gens qui participent aux travaux sur les FFADA et des gens qui ont soulevé des préoccupations des Inuits. Il serait donc possible d’élaborer ce modèle de sous-ministre, comme je l’ai dit, dans le cadre duquel chaque sous-ministre serait chargé de se concentrer sur ces domaines de préoccupation. Et je pense que c’est la meilleure façon de répondre de façon significative aux préoccupations qui ont été soulevées dans tous ces domaines importants, qui ne devraient pas être négligés, et de leur accorder l’attention qu’il faut sans avoir un ombudsman distinct pour chacun d’entre eux. Je pense que c’est un moyen efficace de procéder.
Pour ce qui est des caractéristiques essentielles, comme je l’ai déjà dit pour l’ombudsman en soi, il est vraiment important d’essayer de faire en sorte que les plaintes individuelles et collectives ne soient pas toutes soumises à un tribunal.
La surveillance systémique est vraiment essentielle. C’est ce qui nous manque cruellement au niveau fédéral en ce qui concerne Services aux Autochtones Canada, ou SAC, et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, ou RCAANC, qui examine le rendement des ministères, pose des questions, demande de l’information et a la capacité de demander cette information et qu’elle soit fournie par des organismes gouvernementaux, et est en mesure de rédiger des rapports, de poser des questions et de formuler des recommandations. Nous pensons que ce serait vraiment essentiel, et c’est encore ce qui nous manque. Et, bien sûr, j’ai parlé de la sensibilisation du public.
Mais cette surveillance systémique, probablement en ce qui concerne une fonction essentielle, est vraiment primordiale. Et nous avons parlé de l’autre instance, le tribunal; il doit être créé parce que nous avons besoin d’un organisme qui peut prendre des décisions finales au besoin. Et les services juridiques sont très importants parce que, jusqu’à maintenant, les Autochtones ont de la difficulté à s’y retrouver dans ce système. Nous avons plus d’un mécanisme, mais ils sont à peine utilisés par les peuples autochtones.
Pour vous donner un exemple qui figure dans notre rapport, il y a une mère des Premières Nations qui s’appelle Carolyn Buffalo-Jackson. Elle a un enfant qui est né avec de multiples handicaps. Elle était avocate et cheffe, mais elle ne pouvait s’y retrouver seule dans le système canadien des droits de la personne. Elle a dû s’adresser à la Société de soutien, qui lui a fourni un soutien ponctuel, et elle a pu faire avancer sa plainte relative aux droits de la personne. Donc, même si vous êtes membre des Premières Nations, avocate et cheffe, et que vous connaissez les bonnes personnes, c’est un processus difficile. Merci.
Le sénateur Tannas : Merci beaucoup à vous deux. C’est intéressant et inspirant. J’aimerais vérifier quelque chose. J’espère, pour avoir siégé au comité pendant 10 ans, qu’à un moment donné, avant que je meure de vieillesse, je verrai que le rôle du gouvernement fédéral est de recueillir de l’argent et de le verser aux gouvernements autochtones sans conditions ni directives. Je pense qu’il y a un effort en ce sens, vous savez, pour aller dans cette direction.
Je veux simplement m’assurer que votre vision de l’ombudsman et du tribunal et de son application s’appliquerait aux gouvernements autochtones à l’avenir. Si quelqu’un a un problème avec son gouvernement autochtone et la façon dont il est traité, il pourrait s’adresser à ce tribunal, qui pourrait ordonner au gouvernement autochtone de faire ce que vous envisagez aujourd’hui qu’il ordonnerait au gouvernement fédéral de faire. Pourriez-vous nous donner des précisions, s’il vous plaît?
Mme Gunn : J’ai l’intime conviction que les gouvernements autochtones doivent être tenus de respecter les normes en matière de droits de la personne. Je ne suis pas certaine qu’il soit aussi facile de mettre sur pied un organisme aujourd’hui pour obliger le gouvernement fédéral à rendre des comptes sur la façon dont il fournit des ressources et ensuite, à mesure que se déroule la transition de la gouvernance, d’intervenir. Je pense qu’il pourrait y avoir d’autres considérations. Mais je pense que de nombreux gouvernements autochtones élaborent eux-mêmes des mécanismes de règlement des différends. Je crains que ce ne soit un peu colonial si le gouvernement met en place un processus pour se juger lui-même et s’attend ensuite à ce que les gouvernements autochtones interviennent et soient liés par lui. Une certaine transition sera nécessaire; je ne suis pas certaine qu’on puisse remplacer les gouvernements d’un simple coup de baguette.
Me Metallic : J’abonde dans le même sens. Nous avons également abordé cette question dans notre rapport. Le rapport et ce qui nous a menés à le rédiger, c’est plus de 70 ans de sous-financement chronique et de négligence intergouvernementale de la part des provinces et du gouvernement fédéral. Bien que je sois tout à fait d’accord pour dire que les gouvernements autochtones doivent également être tenus responsables de respecter les droits de la personne de leurs membres, la discussion à ce sujet pourrait être longue et nuancée.
Ce que nous avons fini par conclure dans notre rapport, c’est que pour l’instant — parce que la véritable discrimination se produit aux niveaux fédéral et provincial, alors que les instances dirigeantes autochtones ne sont qu’au début du processus de transition vers une autonomie gouvernementale efficace, et nous n’en sommes pas encore là —, cette discussion doit avoir lieu, mais elle doit se produire dans le cadre d’une élaboration conjointe ou d’une discussion avec les instances dirigeantes autochtones, plutôt que d’être simplement imposée. Et elle doit vraiment tenir compte de l’histoire et des nuances de la discrimination à laquelle nous faisons face actuellement, et comment nous en sommes arrivés là. Je suis donc d’accord avec Brenda à ce sujet.
Le président : La période consacrée à ce groupe de témoins est maintenant terminée. Je remercie encore une fois nos témoins, Brenda Gunn et Naiomi Metallic, d’avoir été avec nous aujourd’hui.
Pour notre deuxième groupe de témoins, du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, ou FAEJ, nous entendrons Pam Hrick, directrice exécutive et conseillère générale, et Kienna Shkopich-Hunter, stagiaire d’intérêt public.
Wela’lin à nos deux témoins de s’être jointes à nous aujourd’hui. Me Hrick fera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une période de questions et réponses avec les sénateurs. J’invite maintenant Me Hrick à faire sa déclaration préliminaire.
Me Pam Hrick, directrice exécutive et conseillère générale, Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes : Merci de nous accueillir ici aujourd’hui. Je suis accompagnée aujourd’hui de ma collègue Kienna Shkopich-Hunter, avec qui je partagerai mon temps de parole pour cette déclaration préliminaire.
Le FAEJ est un organisme caritatif national qui défend l’égalité des femmes, des filles et des personnes transgenres et non binaires. Nous mettons l’accent sur le litige, la réforme du droit et l’éducation juridique publique.
Nous sommes très heureuses que le comité étudie le rôle du gouvernement fédéral dans la mise en œuvre de l’appel à la justice 1.7 du Rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
En tant qu’organisation pionnière et partie à l’enquête, le FAEJ est solidaire des communautés et des organisations autochtones qui exhortent le gouvernement à mettre en œuvre cet appel à la justice, ainsi que les nombreux autres qui ne sont toujours pas mis en œuvre. Il est clair qu’il faut un ombudsman national des Autochtones et des droits de la personne et un tribunal national des Autochtones et des droits de la personne. Les processus administratifs existants ne fournissent souvent pas de recours significatifs aux Autochtones qui ont été victimes de discrimination et de violation de leurs droits.
Prenons, par exemple, comme le comité le sait très bien, les efforts visant à éliminer la discrimination fondée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens. Cela fait plus de 40 ans que le Comité des droits de l’homme des Nations unies a reconnu pour la première fois cette forme de discrimination. Il l’a fait à la suite d’une plainte déposée par l’ancienne sénatrice Sandra Lovelace Nicholas. Malgré des modifications fragmentaires apportées à la loi, la discrimination demeure.
De même, Jeremy Matson a comparu devant le comité pour faire part de ses efforts continus pour obtenir justice pour lui-même, ses enfants et d’autres Autochtones au Canada. Ces efforts ont commencé par une plainte fédérale en matière de droits de la personne en 2008 et se poursuivent aujourd’hui, 15 ans plus tard. De plus, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada se bat depuis près de deux décennies pour remédier au traitement inégal que le gouvernement réserve aux enfants autochtones.
Comme a permis de le signaler l’enquête nationale, les organismes d’application de la loi et les gouvernements à tous les niveaux n’ont pas rendu compte de la façon dont ils ont laissé tomber les femmes et les survivantes autochtones. Comme la sénatrice Audette l’a dit au comité au sujet de l’appel à la justice 1.7, les femmes autochtones ont demandé à être au centre du processus de réflexion, d’analyse, de débat et de création d’institutions.
Les survivants méritent que les appels à la justice soient honorés et doivent être inclus dans le processus de nomination d’un ombudsman et de création d’un tribunal.
Me Kienna Shkopich-Hunter, stagiaire d’intérêt public, Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’adresse à vous aujourd’hui en tant que Métisse de la rivière Rouge, de la région de Meadow Lake en Saskatchewan. Je suis également membre de la Métis Nation of Alberta, et j’ai grandi à Edmonton.
Nous sommes encouragés par la récente nomination de Jennifer Moore Rattray dans la fonction de représentante spéciale du ministre. Elle fournira conseils et recommandations aux survivants, aux familles et aux organisations au sujet de la création d’un poste d’ombudsman des droits des Autochtones et des droits de la personne.
Le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes appuie la création d’un poste d’ombudsman, mais tient à souligner que l’appel à la justice 1.7 suppose la création d’un poste d’ombudsman et d’un tribunal national des droits des Autochtones et des droits de la personne. Ces deux pôles sont nécessaires, car ils correspondent à des fonctions distinctes. Un ombudsman serait notamment responsable d’aider les personnes qui déposent des plaintes, tandis qu’un tribunal ferait respecter les lois sur les droits de la personne. Ensemble, ils assureraient la surveillance tout comme l’application de la loi et la reddition de comptes pour les survivants.
De plus, l’ombudsman et le tribunal doivent recevoir le financement, les ressources et le soutien nécessaires afin de pouvoir remplir avec succès leur mandat à long terme.
Considérant la méfiance légitime de nombreux peuples autochtones à l’égard des processus administratifs, un ombudsman devrait être indépendant du gouvernement. Il devrait avoir le pouvoir de prendre des décisions objectives, de mener des enquêtes, de traiter des plaintes individuelles, de produire des rapports sur les problèmes systémiques et de formuler des recommandations.
Le tribunal doit détenir des pouvoirs qui ne sont pas seulement symboliques. Il doit avoir la compétence et le pouvoir d’offrir des recours significatifs et juridiquement contraignants aux peuples autochtones. Il doit être indépendant, impartial et composé de membres possédant une expertise et des connaissances particulières sur les préjudices que les peuples autochtones ont subis, et qu’ils continuent de subir.
Le Canada a passé beaucoup de temps à produire des rapports et à formuler des recommandations pour régler les problèmes relevés par l’enquête nationale. Mais, pour apporter un changement réel, il faut faire preuve de responsabilité envers les femmes, les familles et les survivants autochtones, et il faut que des mesures d’application de la loi soient prises.
Merci de votre temps. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, maître Shkopich-Hunter. Les sénateurs peuvent maintenant poser des questions.
Le sénateur Arnot : Merci beaucoup. Étiez-vous ici pour le dernier groupe de témoins? Avez-vous entendu une partie de la discussion?
Me Shkopich-Hunter : Oui.
Le sénateur Arnot : Merci. Voilà une excellente occasion de nous donner des conseils au sujet de plusieurs questions. Vous en avez un peu parlé et je n’en mentionnerai que quelques-unes.
Il y a d’abord celle du mandat et il est question de s’assurer que les droits des femmes sont inclus dans ce mandat. À quoi devrait ressembler la sensibilisation du public? Serait-il préférable que le bureau de l’ombudsman s’en occupe? Quelle importance aimeriez-vous accorder à la dimension sensibilisation du public de ce mandat?
Pour ce qui est de l’indépendance des organismes, je considère que l’indépendance judiciaire est une norme très élevée, et que cette norme élevée devrait être intégrée aux mandats. Je me demande ce que vous en pensez.
Je me demande aussi ce que vous pensez de l’idée de s’assurer que les conclusions du tribunal lient les parties en première instance, ainsi que des ressources nécessaires pour financer ces organismes. Si vous avez un mandat global, vous avez évidemment besoin d’un financement global. C’est là que réside le problème, c’est un mandat global, et il nous faut donc des instruments pour le réaliser, mais aussi du financement.
Voilà ce que j’avais à dire. Je serais heureux d’entendre tout autre commentaire de votre part, et tout ce que vous aimeriez nous transmettre par écrit nous serait utile pour formuler des recommandations à la fin de cette étude. Merci de votre présence. J’aimerais entendre vos réponses à ces questions.
Je suis heureux de voir que ma collègue de la Saskatchewan, du territoire du Traité no 6, est parmi nous.
Me Shkopich-Hunter : Merci, sénateur. Je vais parler de quelques-uns des aspects que vous avez abordés. Pour faire écho à ce que Me Metallic et Mme Gunn ont dit, je pense que la sensibilisation du public est très importante, surtout pour bâtir la confiance et assurer l’adhésion. J’imagine que cela ferait partie du rôle de l’ombudsman.
De plus, l’ombudsman et le tribunal devraient être indépendants du gouvernement. Le manque de confiance est tellement flagrant que je ne vois pas comment les deux rôles pourraient être efficaces à long terme s’ils n’étaient pas indépendants.
En ce qui concerne le financement, je pense qu’il a toujours été mentionné comme un obstacle à la prise de mesures concrètes qui aideraient les Premières Nations, les Inuits et les Métis, ce qui est inacceptable. Encore une fois, pour faire écho à ce que disait Me Metallic, le gouvernement fédéral a dépensé beaucoup de ressources pour lutter contre différentes organisations, comme la Société de soutien, au sujet des questions de droits de la personne, alors que ce financement aurait plutôt pu servir à trouver des solutions.
Le gouvernement fédéral a financé un grand nombre d’études et de rapports, et je pense que ce financement aurait aussi pu être utilisé pour trouver des solutions qui régleraient vraiment les problèmes plutôt que de simplement continuer à les étudier.
Me Hrick : Je n’ai rien à ajouter.
[Français]
La sénatrice Audette : Merci beaucoup pour votre présentation.
Je vais reposer la même question que j’ai posée aux autres témoins : comment faire, alors que nous, qui sommes habitués et croyons que c’est nécessaire, qu’il s’agit d’une responsabilité du Canada, pour que le reste de la population, les sénateurs et les parlementaires comprennent qu’il est normal qu’on revendique cela? Avez-vous réfléchi à la façon dont on peut faire en sorte que le reste de nos collègues comprennent que ce n’est pas une barrière, mais plutôt une responsabilité du Canada d’avoir des institutions ou des entités, et de s’assurer que ces entités ont une bonne représentation, y compris dans nos nations qui ont l’anglais comme troisième langue? Je ne sais pas si vous avez des réflexions ou des suggestions à partager.
[Traduction]
Me Hrick : Je vous remercie de votre question, sénatrice Audette, et de votre indulgence, puisque je vous réponds en anglais.
Comme je l’ai dit au début, le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes est une organisation de règlement. Des organisations comme la nôtre et des non autochtones qui s’expriment, qui amplifient ou qui font écho au plaidoyer des communautés autochtones, ainsi que de brillantes femmes autochtones comme celles du groupe de témoins qui nous a précédé, illustrent ce que nous pouvons faire pour essayer d’en convaincre d’autres qui ne sont pas déjà de la partie. Ce n’est pas seulement une bonne chose, c’est un impératif. Je trouve embarrassant que nous approchions du quatrième anniversaire de la publication du rapport de l’enquête. Nous sommes certainement reconnaissants à ce comité d’attirer l’attention sur cette question et de l’étudier, mais nous voilà avec une autre recommandation et avec un autre rapport commandé auquel il n’a pas été donné suite.
Nous avons un rôle à jouer pour attirer l’attention sur cette question, nous les alliés des communautés autochtones — et je m’exprime moi-même en tant qu’alliée de ces communautés — afin d’amplifier leurs voix et dire que c’est quelque chose qui nous importe également. Nous devrions avoir honte des violations des droits de la personne dont a parlé Me Metallic du groupe de témoins précédent. Ces violations amplifient la mesure dans laquelle nous constatons les répercussions du colonialisme et de la discrimination continue contre les peuples autochtones. Nous avons un choix à faire, en tant que Canadiens, en tant que personnes vivant ici et en tant que parlementaires, quant à la façon dont nous accordons la priorité à nos ressources et au genre de société que nous essayons de bâtir.
Voilà certaines des choses que j’essaierais de souligner pour faire valoir ce point de vue et persuader les gens qui ne sont pas déjà rendus là que ce n’est pas seulement une bonne chose à avoir, comme je l’ai dit, mais un impératif.
Me Shkopich-Hunter : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Nous estimons tout à fait logique qu’un ombudsman et un tribunal puissent offrir des services en français et en anglais. Nous suggérons aussi, dans la mesure du possible, qu’ils soient dotés pour offrir des services dans les langues autochtones.
Ensuite, pour ce qui est de votre question sur l’adhésion, j’aimerais revenir au rapport de l’enquête nationale et insister sur tous les cas où les femmes ne se sentent pas à l’aise de s’adresser à la police, aux autorités, au système de justice lorsqu’elles sont victimes de violence. En ce qui concerne l’adhésion, il est vraiment important de souligner que les peuples autochtones de partout au Canada sont victimes de violations des droits de la personne et qu’ils n’ont actuellement pas d’endroit vers lequel se tourner, et que les institutions actuelles en matière de droits de la personne ne sont pas adaptées. Les retards sont énormes. Jusqu’à maintenant, la solution n’a pas été satisfaisante, et elle ne le sera pas si rien ne change.
Le président : Merci.
La sénatrice Coyle : Je remercie nos deux témoins d’aujourd’hui. La question de la confiance et de l’adhésion est très importante une fois que les mesures sont en place. Elle est également très importante à l’heure actuelle, non seulement pour ce qui est de prendre l’affaire en main et de faire en sorte que les choses se produisent, mais aussi pour ce qui est de la façon dont cela devrait être fait.
Nous savons que l’appel à la justice 1.7 du Rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées souligne qu’un poste d’ombudsman national des droits des Autochtones et de la personne et un tribunal national des droits des Autochtones et de la personne devraient être établis de manière collaborative par tous les gouvernements. Est-ce que l’une de vous, ou les deux, pourrait nous dire quelle devrait être la composition de ces entités, à quoi devrait ressembler leur organisation? Vous avez brièvement parlé de la nécessité de favoriser la confiance et l’adhésion. Comment pouvons-nous y arriver? À quoi ressemble cette collaboration? Qui devrait participer? Il y a déjà des étapes, dont vous avez commencé à nous parler. À votre avis, comment pourrait-on donner à ces entités toutes les chances de réussite, sachant qu’une grande partie de ce succès repose sur la confiance et l’adhésion par rapport à la façon dont ces deux entités sont établies? Merci.
Me Shkopich-Hunter : Tout à l’heure, nous avons entendu Me Metallic et Mme Gunn, et je suis arrivée ici préparée pour parler du rapport que Me Metallic a déjà mentionné. Les deux ont offert d’excellentes solutions. Je suis en faveur de la solution de Me Metallic, qui consiste à demander aux sous-ministres de se pencher sur la question de la portée trop vaste du tribunal.
Toutes deux ont soulevé d’excellents points, et il y a beaucoup d’Autochtones vraiment brillants dans ce pays qui ont beaucoup d’idées, et il s’agit simplement de les inviter à la table.
Me Hrick : Je pense que vous avez mis le doigt sur l’un des points essentiels, sénatrice, c’est-à-dire le fait de s’assurer que ces institutions soient érigées en collaboration, avec la pleine participation des communautés autochtones également. Je m’en remettrais à des gens comme Me Metallic et la professeure Gunn et à des dirigeants d’organisations autochtones pour recenser les personnes qui devraient être à la table, mais ce n’est certainement pas quelque chose qui peut être imposé unilatéralement. Si les choses ne sont pas faites en partenariat et sous la direction des communautés afin de bien cerner leurs besoins et d’exploiter leurs compétences, dans le contexte de l’enquête, il ne sera pas possible de répondre aux besoins des communautés autochtones et des femmes autochtones en particulier. Il faut intégrer tout cela aux mécanismes envisagés.
Le président : Merci, maître Hrick.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je pense que ce groupe est tout à fait d’accord pour dire que nous avons besoin d’un ombudsman et d’un mécanisme qui a du mordant pour que les choses bougent et changent.
Je comprends ce que vous dites au sujet de la préparation d’un autre rapport. Notre rapport ne signifie pas nécessairement que les choses vont changer. Je pense que vous êtes tous d’accord pour dire que ce sont des mesures qui doivent être prises.
J’aimerais vous parler de ce qui arrive aux gais et transgenres, particulièrement dans le sud d’ici, mais qui commence à se produire au Canada également, et de l’attaque contre l’art du drag. Nous voyons que, même au Canada, cette rhétorique prend de l’ampleur. Je ne vois pas d’endroit au Canada où ce genre de violations des droits de la personne pourraient être commises. Je pense que l’appel à la justice 1.7, parce qu’il s’agit d’affirmation de genre et parce que nous parlons précisément des personnes LGBTQ2S et des personnes trans, offre l’occasion de ce perfectionnement en ce qui concerne le traitement de ces violations des droits de la personne. J’aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Me Hrick : Je suis heureuse de vous dire qu’en tant que membre de la communauté LGBTQ, je me suis moi-même investie à fond pour répondre à la rhétorique croissante actuelle, à la violence qui s’est intensifiée, en particulier contre les communautés trans, et aux attaques odieuses contre la forme artistique qu’est le drag, comme vous l’avez mentionné. Il est évidemment nécessaire de mettre en place des mécanismes étatiques solides pour lutter contre ce genre de discrimination et ce genre de rhétorique. Je trouve intéressante l’idée de réfléchir à la façon dont ces mécanismes pourraient être liés au mandat d’un ombudsman ou d’un tribunal, comme cela est recommandé dans l’appel à la justice 1.7.
Bien entendu, dans tout cela, je veux m’assurer que les droits des Autochtones et des communautés autochtones sont au centre des préoccupations. Cela n’empêche pas pour autant de réagir à ce que vous décrivez.
Outre ces mécanismes nécessaires pour faire face à ce genre de haine, nous devons nous exprimer et encourager un changement de culture, ou encourager la résistance, surtout au sud de la frontière. Nous devons avoir non seulement des mécanismes de reddition de comptes et d’application des droits, mais aussi faire des investissements proactifs dans l’éducation, dans le logement pour les communautés queer et trans en particulier, et cela comprend, bien sûr, les personnes bispirituelles, et dans la prestation de services d’éducation compétents et inclusifs pour les personnes transgenres, qui devraient tous constituer une norme commune pour la prestation de services et la mise en place de mécanismes de reddition de comptes dans notre pays.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Diriez-vous qu’il pourrait s’agir encore une fois d’une occasion pour les peuples autochtones d’ouvrir la voie, que l’innovation autochtone concernant la façon dont nous gérons ces types de violations des droits de la personne pour les Autochtones transgenres et gais et les drag queens peut être un modèle pour le reste du Canada et les non-Autochtones, et qu’il y aurait des occasions pour nous d’innover?
Me Hrick : Je suis convaincue que le reste d’entre nous avait suffisamment d’occasions d’apprendre sur la façon dont les peuples autochtones prennent les choses en main, et dont ils orientent la façon dont nous devrions peut-être résoudre et traiter de manière plus constructive les violations des droits de la personne.
Pour revenir à la question d’un autre rapport du comité, j’aimerais apporter une précision. Je suis certainement reconnaissante du travail de sensibilisation et de l’étude que le comité continue de mener tout comme des recommandations qu’il a, par exemple, formulées dans le rapport de l’an dernier. Il joue un rôle important en rappelant au gouvernement qu’il doit rendre des comptes et en veillant à ce qu’il y ait des gens dans cette salle et à l’extérieur, qui nous regardent également.
Le président : Je vais vous poser quelques brèves questions à toutes les deux. Le cadre canadien actuel des droits de la personne pourrait-il être modifié ou adapté? Pourquoi, ou pourquoi pas? Devrait-on exiger que les personnes qui participent actuellement à l’examen et à la détermination des plaintes en matière de droits de la personne présentées par des Autochtones soient tenues de suivre une formation supplémentaire et, si oui, qui devrait offrir cette formation?
Me Hrick : Oui, je crois qu’il y a certainement place à l’amélioration en ce qui a trait à la formulation et au règlement des plaintes à l’heure actuelle, et cette amélioration comprend une meilleure compréhension, par les arbitres, des droits des Autochtones, des ordonnances juridiques autochtones et des approches autochtones en matière de résolution de problèmes.
Comme l’ont mentionné les témoins précédents, je pense que cette formation devrait être dispensée par des Autochtones, et par des personnes qui ont des compétences particulières et qui ont l’expérience des communautés autochtones. Cela répond à la deuxième question que vous avez posée.
Pour ce qui est des cadres existants en matière de droits de la personne et de leur modification, si la question est de savoir si la modification des cadres existants pour régler certains des problèmes soulevés justifie la création d’un tribunal distinct, je ne pense pas que tel serait le cas. Cela tient à ce que — et je vais revenir aux témoignages de Me Metallic et de Mme Gunn —, dans les systèmes de droits de la personne existants, les droits des Autochtones ne sont pas centralisés. Trop souvent, les peuples autochtones ont du mal à se prévaloir de ces tribunaux et, bien franchement, ils doivent se battre pour que leurs propres façons de savoir et de faire soient reconnues dans ces mécanismes. Je crois donc qu’il est nécessaire de pouvoir compter sur quelque chose qui soit consacré à l’exercice ou à la défense des droits des Autochtones d’une manière qui soit centrée sur ces communautés. Il ne suffirait pas de modifier le cadre actuel des droits de la personne.
Le président : Merci, maître Hrick.
Me Shkopich-Hunter : J’ajouterai également que, lors de la rédaction du rapport d’enquête nationale, j’ose croire qu’il a été envisagé d’améliorer les mécanismes existants. Ils en sont venus à la conclusion que nous avions besoin d’un nouveau mécanisme, et nous sommes d’accord.
Le président : Merci.
La sénatrice Hartling : Merci de votre présence. J’ai suivi votre bon travail dans le passé. J’ai travaillé au sein d’organismes gouvernementaux, et je suis toujours reconnaissante de tout ce que vous faites et continuez de faire.
Nous nous penchons aujourd’hui sur ce que nous pouvons faire pour améliorer le système. Je pense aussi qu’il serait utile de pouvoir compter sur un nouvel ombudsman et un tribunal. Je me demande si vous pensez que ce serait utile pour la réconciliation et aussi pour la Commission de vérité et réconciliation. Au cours des dernières semaines, nous avons entendu parler de déni violent. Pouvez-vous me dire en quoi cela pourrait aider à éduquer les gens, mais aussi à élargir leur mode de pensée? Qu’est-ce que cela ferait pour changer la rhétorique qui existe encore malheureusement au Canada?
Me Hrick : Je pense que ce serait utile, bien sûr, pour améliorer le système. Nous avons beaucoup entendu parler de la méfiance — très légitime et fondée — à l’égard des systèmes existants et du manque de reddition de comptes dont nous avons été témoins lorsque nous avons porté plainte en passant par les mécanismes existants. Je pense donc que le fait de pouvoir compter sur cette institution distincte et dédiée, soit un ombudsman distinct et un tribunal particulier pour traiter des droits de la personne des Autochtones, serait bénéfique. Cela ne réparerait pas tous les torts causés — loin de là —, mais nous ferions certainement un pas en avant vers le rétablissement de cette confiance en fournissant des mécanismes efficaces pour que les communautés autochtones puissent faire valoir leurs droits. Bien sûr, il faudra s’assurer que ces entités soient établies avec l’avis des communautés autochtones également. Ce serait très utile dans un contexte plus large.
Comme l’a dit le groupe de témoins précédent, lorsque le Parlement prendra la décision de donner suite à la recommandation des experts et à la recommandation de l’enquête, je pense que cela enverra un signal à la communauté en général quant à la nécessité de ce genre de mécanisme, en disant que c’est important et fondamental pour nous en tant que gouvernement, entre autres choses. Cette décision pourrait contribuer à élargir la réflexion, la réalisation, et le message qui est envoyé à des gens qui ne sont pas déjà de la partie et qui savent à quel point ces questions sont importantes, et devraient recevoir les ressources et l’attention nécessaires.
Me Shkopich-Hunter : J’aimerais ajouter quelque chose. Je veux simplement parler du rôle que jouerait un ombudsman. Beaucoup d’Autochtones qui ont des plaintes pour violation des droits de la personne n’ont pas les ressources ou l’expertise nécessaires pour agir. L’ensemble du système peut être intimidant. Je pense qu’un ombudsman est très important parce qu’il permettrait d’alléger le fardeau des plaintes.
Je veux aussi revenir sur le rapport de l’enquête nationale, plus précisément sur le fait que les femmes autochtones sont rarement prises au sérieux quand elles déposent plainte. C’est là où un ombudsman prend toute son importance, parce que c’est quelqu’un qui pourrait les entendre, qui aurait l’expertise nécessaire pour les comprendre et qui, espérons-le, les prendrait au sérieux et les guiderait tout au long du processus de traitement de leur plainte.
Le président : Merci.
La sénatrice Sorensen : Les femmes autochtones sont scandaleusement surreprésentées dans les prisons canadiennes. Quels facteurs ont contribué à cela, et que faudrait-il faire du point de vue des politiques pour régler ce problème?
Me Hrick : C’est le résultat du racisme systémique et du colonialisme. C’est ce qui a fait en sorte que plus de la moitié des détenues dans les établissements fédéraux pour femmes sont Autochtones. C’est une honte nationale. Une bonne partie de ces faits ont été mis en lumière dans le contexte de la récente décision de la Cour suprême dans l’affaire Sharma et du projet de loi C-5.
Les mesures qui ont été adoptées dans le projet de loi C-5 auront, espérons-le, une incidence modérée sur la résolution de certains de ces problèmes, mais elles ne vont pas assez loin. Nous avons comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles notamment lors du débat sur le projet de loi C-5 pour défendre cette sorte de clapet de sûreté qui avait été proposée, je crois, par la sénatrice Pate. Cet amendement devait permettre d’en faire plus pour s’attaquer à une partie du racisme et du colonialisme continus que nous constatons dans le système de justice pénale, et devait faire en sorte que les peines qui s’harmonisent le mieux possible avec les ordres juridiques et les principes autochtones, et qui causent le moins de tort possible aux communautés autochtones, soient réellement prises en compte dans la loi, et que les juges aient le pouvoir discrétionnaire d’établir des peines appropriées conformes à ces valeurs.
Par ailleurs, nous avons demandé au Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes, ou FAEJ, de chercher d’autres solutions aux actuels remèdes pénaux, et donc de prendre la tête des communautés autochtones ainsi que des communautés trans et noires, en envisageant la justice réparatrice et la justice transformatrice comme autres solutions possibles, car nous savons à quel point le système de justice pénale peut être dommageable et à quel point il peut être inefficace dans la lutte contre les torts causés et dans la prévention des préjudices.
Certaines de ces réformes supplémentaires, touchant la détermination de la peine, couplées à un changement de mentalité, à notre capacité à agir et à des possibilités de rechercher la justice et la reddition de comptes qui ne soient pas les mécanismes traditionnels du système de justice pénale pourraient s’avérer utiles pour atténuer cette surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons.
Me Shkopich-Hunter : Pour ajouter à cela, je dirai que nous devons aussi réfléchir à la surreprésentation des femmes autochtones dans les établissements à sécurité maximale et à l’incidence de cette surreprésentation sur leur capacité de réadaptation pendant qu’elles sont dans des établissements à sécurité maximale. Nous devons examiner les facteurs qui entrent en ligne de compte. Je crois que le gouvernement fédéral a publié un rapport très intéressant à ce sujet il y a quelques années. Je ne suis au courant d’aucune initiative visant à régler ce problème.
La sénatrice Coyle : Merci. Votre témoignage ne cesse de m’alimenter en idées de questions. Je vais me limiter à deux questions assez brèves.
Premièrement, nous avons parlé de la mise en place de ces deux nouvelles entités : l’ombudsman et le tribunal. L’une d’entre vous a-t-elle quelque chose à dire au sujet de la gouvernance? De toute évidence, l’indépendance est essentielle, mais y a-t-il quoi que ce soit au sujet de la gouvernance qui, selon vous, sera essentiel à leur réussite?
Deuxièmement, dans le même ordre d’idées, y a-t-il des modèles internationaux dont vous êtes au courant, dont nous pourrions tirer des leçons, qui se sont avérés efficaces dans d’autres pays — sachant, évidemment, on ne peut jamais les transférer directement — et qui pourraient nous éclairer dans ce que nous voulons mettre en œuvre ici au Canada?
Me Shkopich-Hunter : Merci, sénatrice Coyle.
Comme je n’ai pas la même expertise que Me Metallic et Mme Gunn en ce qui concerne la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et le droit international, je ne peux pas parler de modèles, même si je crois savoir que les exemples pullulent.
Pour ce qui est de la gouvernance, j’ajouterais simplement que le tribunal devrait être en mesure de prendre des décisions exécutoires, faute de quoi sa fonction ne serait que symbolique et ne créerait aucun changement réel nécessaire.
Me Hrick : Je suis tout à fait d’accord avec ma collègue et j’aimerais simplement répéter, comme je pense que le comité le comprend déjà, que ces systèmes doivent être élaborés en collaboration avec les communautés autochtones et qu’ils doivent non seulement tenir compte des structures de gouvernance que les communautés autochtones jugent nécessaires pour garantir la confiance à l’égard de ces systèmes lorsqu’ils sont mis en place, mais les intégrer pleinement.
Le président : Ma liste est épuisée. Y a-t-il d’autres questions avant que nous ne levions la séance?
Puisqu’il n’y en a pas, le temps de parole de ce groupe est écoulé. Je tiens à remercier encore une fois nos témoins, Me Hrick et Me Shkopich-Hunter, de s’être jointes à nous aujourd’hui. Nous voilà au terme de notre réunion.
(La séance est levée.)