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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 31 octobre 2023

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, avec vidéoconférence, à 9 heures (HE), pour étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, j’aimerais commencer par reconnaître que les terres sur lesquelles nous nous réunissons sont le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe. Il abrite maintenant de nombreux autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’ensemble de l’île de la Tortue.

Je suis Brian Francis, sénateur micmac d’Epekwitk, aussi connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis le président du Comité des peuples autochtones.

J’inviterai maintenant les membres du comité à se présenter en disant leur nom et leur province ou leur territoire.

Le sénateur Arnot : David Arnot, sénateur de la Saskatchewan. Je vis sur le territoire visé par le Traité no 6

Le sénateur Prosper : Sénateur Paul Prosper. Je viens de la Nouvelle-Écosse, le territoire traditionnel des Micmacs.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta. Je vis dans le parc national Banff, sur le territoire visé par le Traité no 7.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de Antigonish, en Nouvelle-Écosse, micmaque.

La sénatrice Audette : Kwe. Michèle Audette, du Québec.

Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur l’efficacité du cadre canadien des droits de la personne dans la promotion, la protection et la réalisation des droits des peuples autochtones. En particulier, nous examinons si les mécanismes existants pourraient être améliorés ou si de nouveaux mécanismes sont requis, y compris des mécanismes propres aux Autochtones.

J’aimerais maintenant présenter nos témoins. Nous accueillons Neil Sharp Adze Jr., conseiller, de la Nation Piikani. Nous avons Marsha Wolf Collar, cheffe mineure; et Lou Ann Solway, cheffe mineure, de la Nation Siksika. Wela’lin. Merci à vous tous de vous joindre à nous aujourd’hui.

Les témoins présenteront une déclaration liminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une période de questions et de réponses avec les sénateurs. J’inviterai maintenant Neil Sharp Adze Jr. à présenter sa déclaration liminaire.

Neil Sharp Adze Jr., conseiller, Nation Piikani : Je viens du territoire de la Confédération des Pieds-Noirs, qui fait partie du Traité no 7. Je suis honoré de m’adresser à tout le monde ici présent aujourd’hui. Beaucoup de travail doit encore être fait pour les traités et la mise en œuvre des traités pour nos peuples. Je parle uniquement au nom de la Nation Piikani, mais je suis sûr que mes propos trouveront un écho auprès des autres membres de la Confédération des Pieds-Noirs présents à la réunion, ainsi que d’autres membres autochtones qui assistent à la réunion.

Lorsque nous examinons les traités, les protections constitutionnelles et les droits de la personne des Autochtones de l’île de la Tortue, il est évident que nos peuples ne sont pas traités également par rapport aux autres humains qui vivent sur cette île.

Les membres de la Nation Piikani subissent un empiètement, et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons signé des traités en premier lieu. Nous subissons un empiètement sur nos territoires. Depuis le début, l’empiètement avait une incidence sur nos gens, notre mode de vie et notre façon de pratiquer les cérémonies. Nos cérémonies ont été écartées, comme tout le monde le sait : elles ont été rendues illégales. Nous avons dû commencer à les pratiquer clandestinement. Elles sont une source de force et d’identité pour nos membres qui nous séparent des autres populations sur l’île de la Tortue. La pratique des cérémonies est encore difficile aujourd’hui pour les membres de la Nation Piikani.

Nous avons organisé une danse du soleil à l’été, et les travaux de réparation en cours au district d’irrigation du nord de Lethbridge ont limité notre capacité de récolter les éléments nécessaires de la Terre pour pouvoir pratiquer correctement nos cérémonies. Toutefois, nous avons tout de même été en mesure d’effectuer la cérémonie dans les limites des eaux parce que nous ne pouvons pas traverser les plans d’eau lorsque nous recueillons ou récoltons nos objets pour les cérémonies.

L’empiètement sur nos populations est élargi encore davantage aujourd’hui par le nombre d’immigrants accueillis dans notre pays. Notre peuple a toujours accueilli d’autres peuples dans notre nation; cependant, notre peuple comprenait la capacité de charge de notre terre. L’un de nos grands guérisseurs — si vous voulez l’appeler ainsi — fait descendre le soleil. Il comprenait l’importance de la capacité de charge de nos terres en disant à notre peuple de s’éloigner de nos campements, de ramasser dans nos bois et de chasser des animaux pour obtenir tout ce qui était nécessaire. Ils quittaient nos campements et allaient dans les montagnes, où les choses étaient abondantes pour les capturer. Aujourd’hui, notre peuple ne peut plus pratiquer ces activités à cause des parcs et des loisirs. Les peuples autochtones, les Premières Nations de cette région — en particulier les membres de la Confédération des Pieds-Noirs qui étaient les gardiens de la terre — ne peuvent plus le faire aujourd’hui parce que les parcs et les loisirs nous ont enlevé cette responsabilité. Nous voyons le résultat final de ce qu’ils ont fait avec tous les incendies de forêt qui se sont produits.

Lorsque nous avons effectué le test de son pour la réunion, j’ai mentionné qu’il y a encore des ours qui vivent dans notre vallée fluviale. Habituellement, ils migreraient vers les montagnes pour aller hiberner. Cependant, à cause de tous les incendies de forêt, nos ancêtres chez l’ours — kiááyo, comme nous les appelons — ne sont pas capables de retourner dans ces zones naturellement, pour eux-mêmes. C’est une grande préoccupation pour nous, parce que nos ours sont une source de protection pour nous, l’un de nos grands ancêtres dans notre vie. Ils ne peuvent pas monter dans nos prières. Nous prions pour que les baies soient abondantes, que l’herbe soit haute et que l’eau coule afin que tous les animaux qui nous ont donné nos chansons et nos histoires puissent vivre la vie qu’ils devraient pouvoir vivre sans aucun mal. En tant qu’humains, c’est la même chose que nous demandons : cette même protection.

En ce qui concerne les traités, nos succès sont limités. Le premier ministre est en mesure de négocier des traités avec les « trois amigos » concernant l’Accord de libre-échange nord-américain, ou ALENA. Ils parviennent à négocier les conditions de ces traités, mais nos traités ne répondent toujours pas à ce que nos peuples ont demandé lorsque nous les avons conclus à l’origine. Nous connaissons une crise des opioïdes dans la réserve.

Les peuples des Premières Nations ont signé ces traités. La Nation Piikani a signé ces traités pour repousser les trafiquants de whiskey qui empoisonnaient notre peuple. C’est pourquoi nous avons établi la relation avec le colonel Macleod : pour repousser ces trafiquants de whiskey. Aujourd’hui, des trafiquants d’opioïdes entourent notre communauté. Lorsque nous avons de grands établissements, comme dans la Nation Siksika et la Nation Kainai, les prédateurs et les vautours commencent à s’en prendre à notre peuple, à lui vendre des drogues dangereuses et à lui enlever tout l’argent que nos gens reçoivent dans ces grands établissements. Cela ne fait que causer plus de tort à notre peuple.

Beaucoup de travail doit être fait. Notre capacité en matière de développement économique est limitée à cause de ce que les ententes sur l’exploitation minière ont fait à notre peuple : enlever les minéraux à nos peuples pour que nous ne puissions pas réussir dans tout type d’économie. Nous avons des modalités comme des droits d’usufruit qui nous empêchent d’effectuer tout type de développement concret sur nos terres. En ce qui concerne les droits d’usufruit, la Couronne détient le titre sous-jacent de tout. Elle revendique le titre sous-jacent de tout ce qui relève des droits d’usufruit, et pourtant, nos logements dans notre nation — qui tomberaient dans ces catégories — sont en mauvais état. Nous avons besoin de réparations importantes pour tous nos logements de la nation. Il ne s’agit que de notre nation, mais je suis sûr que c’est la même chose dans toute l’Amérique du Nord, en particulier dans la région canadienne. Cela a une incidence sur nous.

En plus de cela, nous avons tenu il n’y a pas longtemps une conférence sur le Traité de Jay. Tous nos gens ont mentionné les répercussions du fait de ne pas être en mesure de franchir le 49e parallèle ou la « Medicine Line ».

Beaucoup de travail doit être fait en ce qui concerne les droits issus de traités et les droits de la personne en tant que question fondamentale.

C’était ma déclaration liminaire. Merci de m’avoir écouté.

Le président : Merci, monsieur Sharp Adze.

J’invite Marsha Wolf Collar et Lou Ann Solway à présenter leurs déclarations liminaires. Elles vont partager les cinq minutes.

Marsha Wolf Collar, cheffe mineure, Nation Siksika : [Mots prononcés dans une langue autochtone], ce qui signifie « femme sainte et rapide ».

Bonjour à tous et au Sénat. Merci de m’accorder le temps et la possibilité de m’exprimer.

En ce qui concerne l’objet d’intérêt aujourd’hui — qui est votre étude portant sur la création d’un poste d’ombudsman national indépendant des droits des Autochtones et des droits de la personne, ainsi que d’un tribunal national des droits des Autochtones et des droits de la personne — qui porte à la fois sur l’autre thème concernant les femmes autochtones disparues et assassinées, je reviens aux éléments qui constituent la cause profonde, et je pense à quel point la réunion d’aujourd’hui est importante.

Je me penche sur certains des traumatismes historiques — nous sommes tous au courant des 215 enfants en Colombie-Britannique — mais aussi sur la discrimination et la violence ancrées dans le colonialisme.

En tant que femme autochtone, je continue — tout comme de nombreuses autres personnes — de faire face à du racisme structuré et systémique. Ce sont certaines de nos réalités. Beaucoup de racisme systémique accompagne les obstacles avec lesquels nous devons vivre continuellement au quotidien.

Certains de ces obstacles, comme bon nombre d’entre vous le savent, concernent l’accès aux services, et cela nuit de manière disproportionnée aux Autochtones, en particulier aux femmes autochtones et à ceux qui résident dans les collectivités éloignées.

Je veux également parler de la situation géographique. Pour ce qui est de la Nation Siksika — et je connais la Nation Piikani — nous nous trouvons à environ une heure à l’est de la ville de Calgary. Nous sommes assez isolés et nous sommes le deuxième territoire en importance au Canada. Notre communauté compte environ 8 000 membres. Je pense qu’environ 54 ou 55 % d’entre eux vivent dans la réserve. Les autres vivent hors réserve. Cela s’explique en grande partie par le manque de logements et a également à voir avec le manque de ressources, des ressources auxquelles les populations autochtones n’ont pas accès.

Je sais que le conseiller Sharp Adze a mentionné les conséquences que nous subissons dans nos collectivités du Sud de l’Alberta. Cela a à voir avec la crise des opioïdes.

Une des choses qui me font revenir en arrière, c’est le manque de services essentiels. Autrement dit, nous devons élaborer une politique à cet égard, surtout en ce qui concerne les services de police. Pour la Nation Siksika, nous allons de l’avant avec la création de notre propre entente indépendante avec l’Alberta et le Canada. Cela dure depuis probablement près de 15 ans, alors que nous essayons de rétablir notre entente sur les services de police.

Nos collectivités se heurtent à beaucoup de problèmes en raison du manque de services essentiels, comme le droit à la sécurité, ceux qui viennent avec du financement et toutes ces choses. Souvent, dans notre collectivité, le financement n’est pas durable ou n’est tout simplement pas suffisant.

Il y a beaucoup de causes profondes. Le gouvernement doit vraiment examiner certains de ces éléments essentiels. Nous nous trouvons à environ 25 minutes de la prochaine municipalité, Strathmore, en Alberta. Nous n’avons pas accès à ces mêmes ressources. C’est vraiment difficile pour de nombreuses collectivités autochtones, pas seulement pour la Nation Siksika.

J’aimerais céder la parole à ma collègue, la cheffe mineure Solway, pour qu’elle présente sa déclaration liminaire. Merci.

Lou Ann Solway, cheffe mineure, Nation Siksika : Bonjour. Je m’appelle Lou Ann Solway. Mon nom en pied-noir est [mots prononcés dans une langue autochtone] ce qui signifie « femme qui attaque la nuit ».

En guise de réflexion et d’intervention également... si vous regardez chaque Première Nation, il existe deux formes de services de police, soit les services à l’enfance et la police locale, qu’il s’agisse de la GRC ou de services de police autogérés.

Ces approches ont vraiment eu une incidence sur notre communauté des Premières Nations également. Il s’agit davantage d’une tactique de peur. Toute personne qui a peur de ces approches ferait naturellement et normalement fi d’un tel processus.

Vous voyez qu’un pourcentage élevé de la population abonde dans ces deux domaines, en particulier les femmes pour ce qui est de la violence conjugale, un type de critère qui a été reconnu, soit qu’elles étaient incapables de s’occuper de leurs enfants.

Le système judiciaire ici — littéralement chaque jour — crée beaucoup de données où l’on se demande parfois si c’est nécessaire ou si ce sont des données réalistes qui auraient pu faire l’objet d’une médiation dans le cadre d’une approche traditionnelle et communautaire connue de maintien de l’ordre pour notre population. Comme l’a dit ma collègue, dans le cas de services de police autogérés, lorsque nous mettons en place cette force de police, nous devons nous assurer que nous avons une maîtrise parfaite de la manière dont ces services sont administrés, plutôt que de la manière dont ils le sont aujourd’hui, ce qui crée de nombreux défis supplémentaires que nous essayons de relever dans nos collectivités des Premières Nations.

Ce sont les choses auxquelles nous devons faire face chaque jour qui nous préoccupent quant à la façon dont on nous traite en tant que collectivités des Premières Nations et que peuples des Premières Nations dans l’ensemble du Canada, pas seulement dans la Nation Siksika. Je vous remercie.

Le président : Merci, cheffe mineure Solway et cheffe mineure Wolf Collar.

Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Pour nous aider à respecter le temps imparti et garantir l’équité pour tous les sénateurs, chaque sénateur aura cinq minutes pour un échange de questions et de réponses. Nous aurons un deuxième tour de questions si le temps le permet.

Nous allons commencer par notre vice-président, le sénateur Arnot.

Le sénateur Arnot : Bonjour à tous les témoins. Merci d’être venus aujourd’hui pour nous parler de ce sujet très important : la création d’un bureau de l’ombudsman national indépendant des droits des Autochtones et des droits de la personne et la création d’un tribunal national des droits des Autochtones et des droits de la personne.

La théorie qui sous-tend leur création est très forte, parce qu’il semble que les mécanismes existants ont échoué, et les peuples autochtones ne font pas confiance aux mécanismes existants pour des raisons qui ont été bien expliquées.

Il est important de jeter les bases de ces nouvelles entités dès le départ. C’est une occasion importante, lorsque vous construisez ces nouveaux mécanismes, de promouvoir et de protéger les droits issus de traités, les droits des Autochtones et les droits de la personne.

J’ai une préoccupation que j’aimerais que vous abordiez. Il est possible que ces nouvelles entités deviennent une institution coloniale. Nous devons intégrer des mesures de protection pour nous assurer que cela ne se produit pas et que les visions du monde, les modes de connaissance et les cultures autochtones sont respectés dans ces nouvelles entités, et peut-être un mécanisme différent pour la résolution des conflits, car l’ancien modèle est axé sur les litiges dans les cours, les tribunaux, et cetera.

Quelles sont vos préoccupations concernant ce nouveau modèle? Comment pensez-vous qu’il puisse fonctionner dans le respect des valeurs des peuples autochtones? Qu’aimeriez-vous voir ou que devrions-nous garder à l’esprit?

Mme Wolf Collar : Je vous remercie de poser la question. C’est une bonne question.

Votre préoccupation est très réelle pour ce qui est de la façon dont nous pouvons susciter une plus grande participation des Autochtones. L’une des choses sur lesquelles nous nous concentrons est l’inclusivité. J’encourage tout particulièrement les femmes autochtones dans ma collectivité et au-delà à participer non seulement aux comités, mais également aux conseils, d’avoir une voix à cette table.

À Siksika, nous avons notre propre processus de paix, Aiskapimohkiiks, où nous nous réunissons. C’est notre propre processus de médiation. Si notre communauté est confrontée à des problèmes conflictuels, nous nous tournons vers les Aînés. Ces Aînés exercent une certaine influence et sont beaucoup de respectés dans notre communauté. Il y a un terme souvent utilisé¦: la base. Il s’agit de faire en sorte que les choses restent au niveau de la base et de la communauté.

Selon ma propre expérience, c’est lorsque les enjeux deviennent très politiques que vous perdez de vue l’objectif. Maintenir l’intégrité et garder ces personnes auprès de nos Aînés est important. Il est vraiment essentiel que nos Aînés jouent un rôle important dans tout cela. Ils ont énormément de sagesse, de connaissances et d’expérience à transmettre non seulement aux collectivités autochtones, mais également aux nouveaux politiciens et aux nouveaux fonctionnaires fédéraux qui entrent en fonction. Beaucoup de renseignements importants pourraient leur être communiqués, et il s’agit également de revenir à nos façons de faire autochtones. À Siksika, nous appelons cela « les modes de connaissance de la Nation Siksika » ou « les modes de connaissance des Pieds-Noirs », et la façon dont nous nous adressons à nous-mêmes en tant que peuple autochtone. Je vous remercie.

M. Sharp Adze : J’aimerais également fournir une réponse. Un grand pas en avant serait que le Canada mette en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ou DNUDPA, dans son intégralité, et fournisse aux peuples autochtones — les peuples des Premières Nations de ce que vous appelez aujourd’hui le Canada — un accès libre aux Nations unies. En ce moment, nous pleurons devant ceux qui nous ont agressés. Nous exhortons ces gens à nous aider et à nous protéger lorsque les lois coloniales et le racisme systémique du Canada ont des répercussions sur notre peuple. La mise en œuvre complète de la DNUDPA, sans aucune restriction et dans son intégralité, serait une véritable réponse à ce problème. Il s’agirait, par exemple, d’éliminer la Convention sur le transfert des ressources naturelles et d’adopter ces choses pour que notre peuple puisse avoir un accès libre et complet à nos terres. Nous donner cela, en plus de ce que la cheffe mineure Wolf Collar a mentionné, permet aux gens d’avoir un accès complet et libre et nous permet de faire les choses à notre façon. Depuis l’arrivée des Européens, nous avons des solutions pour aider notre peuple.

Comme vous le savez, l’embauche d’avocats et toutes ces choses sont devenues illégales pour nos peuples. Aujourd’hui, nous sommes maintenant en mesure d’embaucher des avocats. Nous sommes en mesure de parler à des gens et nous pouvons nous recueillir en groupes de plus de cinq personnes sans nous faire réprimander et traîner en prison. Je pense qu’un accès libre ou que la mise en œuvre de la DNUDPA serait la réponse des peuples des Premières Nations à ce problème, et que le fait d’obtenir un siège à la table des Nations unies, en particulier à l’échelon de la Confédération des Pieds-Noirs, serait une bonne réponse au lieu de maintenir cette relation paternaliste.

Une autre grande préoccupation est le déchargement des responsabilités. Les traités originaux que nous avions ont été signés avec la Couronne, et il n’y a que peu de réponses, voire aucune de sa part, à moins qu’elle ne demande comment se portent ses Indiens. Je pense vraiment qu’il faudrait y réfléchir. Merci de votre temps.

Le sénateur Arnot : Merci. Ces commentaires sont très utiles.

La sénatrice Sorensen : Merci d’être ici. Bien évidemment, je suis ravie de rencontrer aujourd’hui mes voisins du territoire visé par le Traité no 7. Je suis heureuse de vous voir. Il fait froid ici aussi, si cela peut vous faire sentir mieux. J’étais justement chez moi pour la fin de semaine.

Ma question s’apparente à celle de la Confédération des Pieds-Noirs, qui comprend les tribus Siksika, Piikani et Kainai-Blood, qui a déposé une plainte contre Services aux Autochtones Canada, affirmant qu’il y avait eu une discrimination systémique contre les adultes vivant avec une déficience intellectuelle dans les réserves en raison de leur race, de leur origine nationale ou ethnique et de leur handicap.

Le comité a achevé récemment l’examen du projet de loi C-29, qui créerait un conseil national de réconciliation. L’une des préoccupations que nous avons entendues était que les Autochtones handicapés n’ont pas été expressément mentionnés dans le projet de loi en tant que catégorie démographique qui devrait recevoir une certaine forme de représentation au conseil.

Sentez-vous un manque d’intérêt à l’égard des questions touchant les personnes handicapées de la part du gouvernement en général ou pensez-vous que cela s’inscrit encore dans une tendance élargie de sous-financement des collectivités autochtones?

Les autres questions que je veux poser — avant de vous laisser à tous le soin d’y répondre de votre mieux — sont les suivantes : Avec quel ministère fédéral votre nation traite-t-elle principalement pour les questions concernant les services aux membres handicapés? Y a-t-il eu une participation de la part d’autres ministères? À votre avis, la communication entre les ministères compétents est-elle efficace?

Mme Solway : J’aimerais répondre parce que j’ai une expérience directe avec une tante handicapée. Durant toutes les années où je me suis occupée d’elle, j’ai toujours trouvé qu’on mettait ces personnes en quelque sorte dans un coin pour tout handicap dans notre communauté — pas juste elle — pour ce qui est des ressources financières ou des programmes, ou tout type d’entités physiques qui guideraient un processus où le Canada essaie de fournir un service à l’extérieur. Nous devions toujours sortir de la nation pour obtenir ces services à son intention.

En ce qui concerne la représentation en Alberta, nous envoyions des gens pour parler de l’aspect financier ou des programmes. Il y a toujours eu un transfert de responsabilité au fil des ans. Pour la Nation Siksika, notre financement était presque nul. La demande était comme cela dans la collectivité, mais notre financement était comme cela. Même si nous avons exercé des pressions en tant que gouvernement ou ministère, nous avons quand même obtenu ceci, mais la demande était comme cela, et le nombre de personnes handicapées augmentait. Notre représentation de la part de la province ou du Canada était presque nulle. Nous creusions constamment comme des blaireaux pour voir où nous pouvions aller et ce que nous pouvions faire pour servir nos gens.

Souvent, la nation renonçait à certains dollars pour aider les personnes handicapées, ce qui n’aurait pas dû être le cas, d’après ce que j’ai appris au fil des ans lorsque je me suis occupée de ma tante, et d’après certains membres de la collectivité qui avaient besoin, par exemple, des services d’un ergothérapeute. Nous devions sortir de la nation pour obtenir tous ces services. La plupart d’entre eux n’ont jamais eu les moyens financiers de se rendre là où ils devaient être pour progresser dans leur vie ou dans leur handicap.

La sénatrice Sorensen : Merci.

Le président : L’un des autres témoins souhaite-t-il ajouter quelque chose?

M. Sharp Adze : En ce qui concerne la situation ici, beaucoup de nos membres finissent par se retrouver dans la catégorie des personnes qui bénéficient du programme de revenu garanti pour les personnes gravement handicapées, ou du programme AISH. Beaucoup des membres de ma famille bénéficient de ce programme. Beaucoup d’entre eux sont les descendants ou les enfants de personnes qui ont fréquenté les pensionnats. Ce sont également des personnes qui sont allées à l’école de jour. Ils ont créé ces institutions pour enlever nos enfants, placer nos enfants dans ces institutions et les punir pour parler leur langue ou pratiquer leurs cérémonies, et leur ont dit qu’ils étaient moins que... Puis ils les ont envoyés en public avec tous les mauvais traitements et les traumatismes que l’on connaît, et tous les comportements acquis qu’ils ont adoptés. Ils ont commencé à enseigner tous ces comportements à leurs propres enfants, malheureusement.

Pour revenir à mon autre point, ils finissent tous par se retrouver dans ce programme de revenu garanti. Dans notre nation, beaucoup de membres ont en ce moment beaucoup de maladies qui les confinent à un fauteuil roulant.

Nous avons dans la nation un programme appelé RAMP, qui vise à créer des rampes pour les personnes en fauteuil roulant. Bon nombre de ces personnes en ont besoin d’urgence. Le délai pour obtenir ces rampes est très long. Il faut les approuver dans leur cas.

Bon nombre de ces personnes doivent se battre pour accéder à leur maison, parce que toutes nos maisons sont contrôlées par Affaires autochtones et du Nord Canada, ou AANC, et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL — les codes du bâtiment — et elles ont été construites de telle sorte que nous devons construire tout un labyrinthe de rampes pour entrer dans les maisons de nos gens. Ces maisons se trouvent dans l’ensemble de la Confédération des Pieds-Noirs, et nos populations ont du mal à y accéder.

Ils ont été en mesure de créer ces institutions pour prendre nos enfants et causer ces conséquences pour eux. Mais aujourd’hui, ces mêmes personnes qui ont été amenées de force dans ces institutions n’ont maintenant aucun endroit où trouver les services dont elles ont besoin. Les services qu’elles finissent par obtenir, comme je l’ai mentionné, sont gravement inadéquats, car la demande est très élevée, comme l’a mentionné la cheffe mineure Solway, et on ne répond pas à leur besoin véritable.

Parce que la situation s’aggrave pour ces personnes qui ne peuvent pas se loger, elles finissent par se retrouver dans les foyers de bons samaritains et des endroits du genre parce que les maisons que l’Aboriginal Housing Society, ou AHS, offre dans nos régions ne sont pas adéquates, ou sont trop coûteuses pour que nos gens puissent y emménager.

Nous avons des gens qui se prévalent en ce moment même du principe de Jordan. Vous connaissez tous l’histoire du principe de Jordan et savez comment il a vu le jour. Ils peuvent y avoir accès en vertu du principe de Jordan. J’imagine qu’ils vont vieillir jusqu’à ne plus avoir accès à ce fonds de financement concernant le principe de Jordan et qu’ils n’auront plus rien lorsqu’ils atteindront l’âge adulte. Tout ce dispositif peut aider les enfants à nouveau, mais une fois qu’ils ont dépassé l’âge prévu par le principe de Jordan, ils ne peuvent pas obtenir toutes les ressources dont ils ont besoin.

Pour un grand nombre d’entre eux, si quelque chose comme le principe de Jordan était mis en place lorsqu’ils étaient enfants — et qu’ils ne s’y sont jamais rendus à l’étape de se prévaloir du principe de Jordan — ils pourraient profiter de ces ressources à un jeune âge. Ensuite, les ressources seraient déjà là lorsqu’ils atteindraient l’âge adulte; voilà quelques réflexions à ce sujet.

C’est un gros problème pour le pays et pour tout le Canada. Il s’agit simplement pour nous d’atteindre des collectivités en moins d’une heure — on ne parle pas de ces collectivités du Nord accessibles uniquement par avion qui sont touchées de façon beaucoup plus grave par ces choses... y compris l’accès aux soins de santé.

C’est une question importante qui mérite d’être examinée. Ils ont réussi à créer ces pensionnats en un clin d’œil et à y placer tout le monde, mais ils ne sont pas en mesure d’offrir ces services à toutes les personnes qui souffrent aujourd’hui de traumatismes et qui ont vécu dans ces pensionnats. Je vous remercie.

La sénatrice Sorensen : J’aimerais ajouter ceci pour mes collègues : si vous vous trouvez dans le Sud de l’Alberta, je recommande fortement le parc Blackfoot Crossing, qui fait un travail fantastique pour raconter l’histoire de ces personnes.

Le président : Merci, sénatrice Sorensen.

Mme Wolf Collar : Puis-je également parler de cette question?

Le président : Allez-y.

Mme Wolf Collar : Je voudrais insister sur l’importance de l’infrastructure que le conseiller Sharp Adze a mentionnée — il s’agit d’une chose qui fait défaut à nos communautés.

Souvent, nos membres, en raison du manque de financement et d’infrastructure, finissent par déménager en dehors de la réserve et dans des domiciles en ville, comme dans la ville de Calgary.

Cela commence vraiment au niveau primaire. Selon ma propre expérience, mon petit-fils a été diagnostiqué comme étant autiste. Malheureusement, les ressources des écoles de Premières Nations sont inadéquates. Dans son cas, il fréquente actuellement une école spécialisée dans la ville de Calgary. Malheureusement, il faut vivre en ville pour accommoder ces familles. Le prix des loyers, de la nourriture et de toutes ces choses est scandaleux.

Il y a un bon nombre de barrières présentement pour de nombreuses personnes ayant des membres de la famille qui vivent avec un handicap. L’une des principales choses que j’observe dans notre communauté est le manque d’infrastructure.

Nous avons en effet un pavillon pour les aînés. Parfois, si la capacité le permet, les familles peuvent déménager dans le pavillon pour les aînés et recevoir des soins quotidiens. Lorsqu’on examine la longévité des handicaps, parfois ils sont catégorisés — le conseiller Sharp Adze a mentionné le principe de Jordan, et ils pouvaient y avoir accès.

Présentement, je siège au conseil de santé Siksika, et je tente de trouver un fauteuil roulant pour un jeune homme de 20 ans. Il fréquente l’école secondaire. Nous tentons de trouver la manière de lui trouver un nouveau fauteuil roulant. Maintenant nous nous tournons vers le principe de Jordan. Au bout du compte, nous disons, « Organisons simplement une campagne de souscription. Trouvons une manière de lui obtenir un fauteuil roulant afin qu’il puisse bénéficier de l’accessibilité quand il sort ». Voilà certaines des choses très réelles que nous rencontrons dans notre communauté.

Conseiller Sharp Adze, si vous venez à la Nation Siksika, vous verrez sans doute que toutes les trois ou quatre maisons possèdent une rampe. Cela est évocateur. On dit toujours que vous pouvez vous promener au sein d’une communauté et qu’elle peut vous raconter une histoire. À mon avis, il y a un grand manque de financement. Cette région a été constamment sous-financée, et il est question de la manière dont nous pouvons fournir plus d’occasions pour les personnes qui vivent avec un handicap. Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie, conseiller Sharp Adze, cheffe mineure Wolf Collar et cheffe mineure Solway. Il est bon de vous entendre directement — d’entendre des gens qui ont de l’expérience sur le terrain.

Nous pouvons parfois atteindre ce niveau élevé. Nous savons que l’appel à la justice 1.7 très important issu de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a demandé la création d’un ombudsman et d’un tribunal national pour les Autochtones et les droits de la personne.

Vous avez décrit de manière éloquente — et je suis certaine que vous pouvez les décrire pendant de nombreuses heures — toutes sortes de résultats, que le conseiller Sharp Adze a décrits comme étant du racisme systémique, l’approche paternaliste et les impacts intergénérationnels de longue durée de l’héritage des pensionnats.

Vous constatez une crise d’opioïdes. Vous parlez de violence conjugale, d’accès inadéquat à toutes sortes de différents services, des tribunaux qui ne réagissent pas et du manque d’accès à des débouchés économiques, et même d’accès à vos propres médicaments, qui vous sont nécessaires pour les cérémonies, si fondamentales. Nous entendons pourquoi il doit y avoir des recours.

Mes questions sont les suivantes : croyez-vous, tout d’abord, que cet ombudsman et ce tribunal, selon ce qui est prévu, vous donneront ce dont vous avez besoin, ce recours, afin de corriger certaines de ces injustices et d’améliorer l’accès aux possibilités? Ma première question est la suivante : est-ce que ce sera le cas?

Ensuite, comment? La cheffe mineure Wolf Collar a dit de garder cela en dehors de la sphère politique et de faire participer les aînés. J’aimerais vous entendre à ce sujet.

Tout d’abord, pouvez-vous envisager que l’ombudsman et le tribunal vous aident? Ensuite, de quelle manière? Quelles sont les meilleures manières?

Merci de commencer par parler de « la manière » — comment faire pour les rendre les meilleurs possibles?

Mme Wolf Collar : Pour parler davantage de certaines des barrières systémiques que nous rencontrons en tant que personnes autochtones, voici l’une des choses que j’ai apprises : en tant que femme autochtone, bien souvent, ma voix n’est pas entendue — non seulement cela, mais elle est aussi peut-être incomprise. La clé réside vraiment dans le fait d’avoir une représentation grâce à un ombudsman et un tribunal, en particulier là où nous pouvons nous rassembler.

Je pourrais parler de tant de choses. Je pourrais parler de l’Assemblée des Premières Nations, ou APN, et de la manière dont elle est censée nous représenter, mais bien souvent ne le fait pas. Elle ne parle pas des besoins de ma nation. Je sais qu’elle parle des communautés en général au Canada; cependant, lorsqu’il est question de certains des éléments clés, comme les femmes autochtones disparues et assassinées et les handicaps dont nous parlons, souvent nous avons besoin de ce recours spécifique dont vous avez parlé.

Avoir la possibilité de parler avec un ombudsman ou un tribunal pour aborder ces questions — et avoir une voix qui peut être entendue au gouvernement fédéral, à un gouvernement provincial ou à tout endroit où la politique ou la législation aura un impact sur les futures générations — est nécessaire. Il y a beaucoup de fausses idées à propos de « ce qui est le mieux pour nous » parce que la Loi sur les Indiens dicte cela. C’est un réel obstacle aux yeux des Premières Nations.

C’est mon point de vue. Il est essentiel que nous ayons une voix grâce à un ombudsman et à un tribunal. Ils sont essentiels et importants au moment d’aborder certains des problèmes que nous rencontrons dans nos communautés.

Mme Solway : J’aimerais intervenir rapidement. Nous devons nous rappeler qu’avant l’arrivée des Européens, les Autochtones avaient un processus, et ce processus a été interrompu. Il s’agissait d’un processus inclusif parce que tout le monde participait. Personne n’était laissé pour compte, et chaque problème était abordé. Le délai d’exécution était immédiat. Lorsque je parle à un aîné aujourd’hui, et si j’ai un problème, je ne peux pas attendre un mois; je ne peux pas attendre deux semaines. Le premier mot qui sort de leur bouche est [mots prononcés dans une langue autochtone]. C’est immédiat. Quand nous prolongeons un problème, il devient le problème de tout le monde.

Si vous vous penchez sur les problèmes dont nous parlons chaque jour au Canada... il devrait y avoir eu une réaction et une gestion immédiate — alors que maintenant, regardez depuis combien d’années nous sommes enlisés dans ce processus. Nous discutons constamment de la manière dont nous allons gérer ces questions, que ce soit la crise des opioïdes, les femmes disparues et assassinées, les handicaps, nos enfants en garderie ou de nos gens en détention. Nos gens avaient un processus pour régler beaucoup des problèmes que nous observons aujourd’hui, mais il a été mis de côté. Ce processus existe encore aujourd’hui. Je crois que nous devons le relancer — remettre la responsabilité aux personnes qui peuvent aider plutôt que les écarter.

Comme je l’ai dit plus tôt, le système judiciaire est un processus tout nouveau pour eux, et c’est un processus effrayant. Ils disposaient déjà d’un système judiciaire à l’époque pour se discipliner, mais cela n’est pas inclus.

Je tenais à le mentionner.

M. Sharp Adze : Je crois que des leçons peuvent être tirées, comme l’a mentionné la cheffe mineure Wolf Collar, à propos de l’APN et des parties qui ont mis sur pied l’APN initialement, comme l’Indian Association of Alberta. Vous pouvez vous pencher sur ce qu’ils tentaient de faire à l’époque. Il s’agissait d’un mouvement populaire. Vous pouvez également regarder la constitution Express, qui a traversé le Canada, progressant et prenant de l’ampleur, embarquant des membres des Premières Nations au passage lorsqu’ils allaient à Ottawa. Voilà les mouvements populaires qui ont commencé. Ils avaient tous de bonnes intentions au départ. Regardez où ils sont arrivés avec l’Indian Association of Alberta par rapport à ce qu’ils voulaient réaliser. L’association a été intégrée à l’Assemblée des Premières Nations, et il faut voir ce que cela a donné. L’ingérence politique survenue en cours de route est quelque chose qui vaut le coup d’œil.

Regardez les divers niveaux de bureaucratie qui fait d’une taupinière une montagne de problèmes. S’ils avaient abordé cette question à l’époque, quand l’Indian Association of Alberta soulevait ces problèmes, nous ne serions pas en train de tenir présentement ces conversations aussi exhaustives. Nous serions en train de parler des prochaines étapes à envisager — en toute sérénité.

J’aimerais avoir une boule de cristal pour dire que l’ombudsman et le tribunal vont fonctionner, mais je crois que laisser de côté ces bonnes intentions et permettre aux gens des Premières Nations — comme les gens autour de la table aujourd’hui et ceux qui ont initié ces mouvements — de se pencher sur les problèmes est la meilleure chose à faire.

Quand vous regardez la Colombie-Britannique et les choses qui ont été amorcées là-bas avec Arthur Manuel, et ce à quoi ses filles font face aujourd’hui avec les protestations contre les pipelines... plusieurs leçons peuvent en être tirées. C’est quelque chose d’autre à prendre en considération. Je crois à coup sûr que le fait d’avoir un ombudsman nous donnerait, du moins, cette voix. Merci beaucoup.

La sénatrice Audette : J’aimerais remercier nos témoins : les cheffes mineures et le conseiller. Nombre d’entre nous ont participé à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Il s’agit de nos êtres chers, mais comment nous assurons-nous que l’appel à la justice 1.7 est honoré? Si nous pouvions continuer cette discussion... je crois que vous avez l’expérience, d’après ce que vous avez vécu — ou que vous vivez encore aujourd’hui — du Tribunal canadien des droits de la personne. Il y a des choses à faire, ou à ne pas faire, si nous proposons collectivement un endroit sécuritaire pour les femmes — les gens pour qui nous travaillons. Vous avez une alliée ici. Merci beaucoup. [Mots prononcés dans une langue autochtone.]

Le sénateur Prosper : Merci à tous les témoins de faire part de vos points de vue et de vos expériences, et d’offrir votre vision personnelle de la manière dont vous aimeriez voir les choses progresser. Je vous remercie de fournir ces détails approfondis qui doivent être pris en considération lorsqu’une initiative comme celle-ci est entreprise.

Quand je pense à certaines approches visant à élaborer ces mécanismes ou ces institutions, je pense souvent à un cadre d’orientation — quelque chose qui peut aider, au cours des phases initiales, à fournir ce soutien et orienter la manière de faire les choses de façon appropriée. Vous avez assurément fourni des détails. J’en ai entendu beaucoup, comme l’inclusivité et l’indépendance, et cette idée que de nombreuses communautés autochtones et organisations populaires possèdent leur propre processus.

Je suis curieux de savoir si vous avez quelque chose à ajouter pour aider à établir un cadre d’orientation ou certains principes qui, selon vous, seraient instructifs pour aider à élaborer quelque chose du genre. Merci beaucoup.

M. Sharp Adze : Merci de la question. J’aimerais parler des protocoles. Lorsque le Traité no 7 a été signé, on a observé les protocoles, puis il y a eu une cérémonie. La cérémonie a beaucoup compté. On a fumé la pipe. Tout le monde est venu. Cette conversation était censée marquer le début de tout cela. Je pense qu’il faudrait revenir à cette pratique et adopter les principes appris au moment de la signature du Traité no 7. Comme on l’a mentionné, si vous allez à Blackfoot Crossing situé aujourd’hui sur le territoire des Siksikas, vous en apprendrez beaucoup à ce sujet.

Il est aussi primordial de garder à l’esprit les conséquences de la contrainte, dans des situations comme la signature du Traité no 7. Pensez à la façon dont a été signé le Traité no 7; on a forcé notre peuple à signer ce traité, parce qu’il y avait de l’artillerie lourde au sommet de la colline au moment où les documents ont été signés. On nous a dit : « Si vous ne signez pas ce document, il y a des canons au somment de la colline » et on nous a avertis qu’il y avait de l’artillerie lourde et des militaires au somment de la colline qui surveillaient, pour savoir comment tout cela allait se terminer : si nous allions signer ou non le traité.

Ces principes ont été suivis et on a aussi respecté l’égalité au moment de la signature du Traité no 7 puisque les grands chefs étaient là. On a attendu Brings Down the Sun et de nombreux chefs de Browning, du territoire central du Montana. Ils ont été encouragés à traverser le 49e parallèle en emportant toutes leurs choses et ils sont allés à Blackfoot Crossing pour signer le traité.

Nos peuples avaient ces mécanismes et ces pratiques. Encore une fois, il serait crucial de s’écarter du chemin, d’appliquer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans son intégralité et de suivre les protocoles, y compris les principes originaux, et de revenir à l’objectif initial du Traité no 7, soit avoir un dialogue ouvert, comme c’était prévu. Il ne faut pas créer un document standardisé pour résumer tout cela; il faut plutôt un document qui en reflète l’esprit et l’objectif. Je pense aussi qu’il y a des leçons à en tirer. Merci.

Mme Solway : La Nation Siksika suit déjà un processus qui a toujours existé. Nous appelons notre programme Aiskapimohkiiks, et c’est de la médiation. C’est ce que nous sommes. Nous faisons de la médiation. D’une façon ou d’une autre, nous utilisons toujours les mécanismes — ceux de la communauté des Premières Nations — pour arriver à nos fins, à l’aide d’un processus organisé, pour notre peuple. Ce processus comprend des protocoles, la forme circulaire, le symbolisme, l’idée que nous sommes tous égaux et que personne n’est plus important qu’un autre. Nous allons nous asseoir en formant un cercle. Nos aînés, qui sont le fondement de notre société, nous guident et nous dirigent plutôt que de semer la dispute. Ils tentent de s’éloigner [mots prononcés dans une langue autochtone] des disputes. Ils tentent de maintenir l’ordre.

C’est le rôle que nous créons et dont nous parlons aujourd’hui. Il existe des ressources et des mécanismes que toutes les Premières Nations devraient avoir, parce que c’est ainsi que nous fonctionnions, lors des premiers contacts.

Aujourd’hui, les processus ne sont pas adéquats. Dans les salles des tribunaux provinciaux, c’est la structure et l’environnement. Nous tentons actuellement de mettre sur pied un tribunal autochtone pour les [mots prononcés dans une langue autochtone], les disputes, afin que l’environnement respecte davantage les Autochtones et soit plus inclusif; ainsi, les Autochtones n’auront pas à composer avec le système. Il faut être plus proactif au sein de la communauté et utiliser les ressources qui s’y trouvent. Ce sont sans doute de meilleurs médiateurs que ceux qui se trouvent aujourd’hui dans nos institutions, et c’est une approche plus traditionnelle. Merci.

Mme Wolf Collar : Selon moi, c’est assez simple : il faut maintenir l’espace sacré et aussi tenir compte des modes de connaissance autochtones et de notre façon d’être qui nous sommes en tant qu’Autochtones.

Le président : Merci de vos interventions. Le temps alloué à ces témoins est maintenant terminé. Encore une fois, j’aimerais remercier tous nos témoins de s’être joints à nous aujourd’hui. Si vous souhaitez présenter d’autres observations, veuillez les communiquer à notre greffière, par courriel, dans la semaine.

J’aimerais maintenant présenter nos prochains témoins. Souhaitons la bienvenue à M. William Goodon, ministre du Logement et de la Gestion immobilière de la Fédération des Métis du Manitoba, et à Mme Mandy Gull-Masty, grande cheffe du Grand Conseil des Cris. Wela’lin. Merci à vous deux d’être présents aujourd’hui.

Les témoins ont environ cinq minutes pour faire leurs déclarations liminaires, puis nous passerons aux questions des sénateurs et sénatrices. Monsieur Goodon, veuillez présenter vos déclarations liminaires.

William Goodon, ministre du Logement et de la Gestion immobilière, Fédération des Métis du Manitoba : Merci, monsieur le président et membres du comité, de m’avoir invité ici. Je m’appelle Will Goodon et je suis en fait ici au nom d’une de mes bonnes amies, Anita Campbell, la porte-parole de l’Infinity Women Secretariat, qui est dans l’impossibilité d’être présente aujourd’hui.

Aujourd’hui, j’aimerais parler davantage de ce que défend et de ce que demande l’Infinity Women Secretariat dans ce dossier, en tant qu’organisation affiliée à la Fédération des Métis du Manitoba. L’Infinity Women Secretariat est une organisation provinciale à but non lucratif qui œuvre auprès des femmes métisses de toute la province du Manitoba. Il offre des programmes qui aident les femmes métisses des sept régions que couvre la Fédération des Métis du Manitoba, et ces programmes visent à relier entre elles les femmes métisses partout dans la province et à leur redonner du pouvoir au moyen de l’héritage culturel, de programmes d’emploi, de l’engagement communautaire et du développement du leadership et de la gouvernance.

L’Infinity Women Secretariat améliore aussi constamment sa capacité d’offrir des programmes durables et de soutenir les femmes, les filles et les jeunes métis, ainsi que les membres de la communauté 2ELGBTQQIA du Manitoba. Les femmes métisses jouent un rôle central, dans nos familles. Certains d’entre vous ont peut-être entendu notre président le dire, la nation métisse historique est une nation matriarcale.

Nous avons souvent été qualifiés d’invisibles parmi les peuples autochtones — et pour les femmes métisses, le coût de cette invisibilité est très élevé. Elles continuent d’être marginalisées, d’abord en tant que femmes autochtones, et cette marginalisation est aggravée par le fait qu’elles sont toujours invisibles. Les femmes métisses sont donc particulièrement vulnérables à la violence, mais elles manquent aussi de programmes et de soutiens comme ceux offerts aux autres Autochtones.

La Fédération des Métis du Manitoba et l’Infinity Women Secretariat appuient la création d’un poste d’ombudsman national des droits des Autochtones et des droits de la personne. La Fédération des Métis du Manitoba et l’Infinity Women Secretariat aimeraient certainement une personne déjà réputée pour son intégrité et son respect de la confidentialité, qui comprend bien les processus organisationnels des tâches que doit accomplir un ombudsman et qui ait de l’expertise dans les approches fondées sur la distinction.

La Fédération des Métis du Manitoba aimerait mieux comprendre de quel genre d’ombudsman il s’agira. Est-ce que son bureau sera axé sur l’organisation, aura-t-il une forme classique ou s’agira-t-il d’un modèle hybride? Le système d’ombudsman dépend énormément de la nomination de la bonne personne et de la coopération d’au moins quelques responsables efficaces travaillant au sein de l’appareil étatique, qu’il s’agisse du gouvernement fédéral, provincial ou territorial. Par conséquent, la Fédération des Métis du Manitoba et l’Infinity Women Secretariat voudraient s’assurer que les partenariats entre les gouvernements et les Autochtones, visant à créer la fonction d’ombudsman et le tribunal national des droits des Autochtones et des droits de la personne, seront fondés sur un engagement significatif et la consultation de la Fédération des Métis du Manitoba. Nous aimerions aussi nous assurer que l’ombudsman choisi n’occupe aucun autre poste organisationnel qui pourrait compromettre sa fonction d’ombudsman.

La Fédération des Métis du Manitoba et l’Infinity Women Secretariat appuient la création d’un tribunal national des droits des Autochtones et des droits de la personne. Nous demandons que tous les efforts soient faits pour que les membres du tribunal soient choisis en fonction de leur expertise ou de leur connaissance technique des questions délicates qu’ils examineront. Tout comme pour la nomination de l’ombudsman, la Fédération des Métis du Manitoba et l’Infinity Women Secretariat aimeraient que tous les efforts soient faits pour garantir la neutralité de tous les membres du tribunal. Lorsque des affaires sont renvoyées au tribunal, tous les efforts doivent être déployés pour que les audiences soient tenues dans le souci des distinctions, en fonction des valeurs, des traditions et de la culture métisse et d’une façon qui tient compte des traumatismes. Merci.

Le président : Je vais maintenant inviter la grande cheffe Mandy Gull-Masty à faire ses déclarations liminaires.

Mandy Gull-Masty, grande cheffe, Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) et Gouvernement de la nation crie : Bonjour. C’est un plaisir de comparaître, une fois de plus, devant le comité. Je m’appelle Mandy Gull-Masty. Je suis la grande cheffe de la nation crie d’Eeyou Istchee. Le Grand Conseil des Cris et le gouvernement de la nation crie exercent diverses fonctions gouvernementales visant à promouvoir et à protéger les droits et les intérêts d’environ 20 000 Cris d’Eeyou Istchee, dans le Nord du Québec.

Le Grand Conseil des Cris et le gouvernement de la nation crie ont comparu dans le cadre de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et, dans l’ensemble, ils appuient les recommandations. Ils ont comparu devant de nombreuses autres commissions; ils ont comparu dans le cadre d’enquêtes et devant des comités, en particulier, la commission Viens sur les relations entre les peuples autochtones et certains services publics du Québec, le comité d’expert sur le soutien des victimes de violence sexuelle et conjugale et le comité spécial de l’Assemblée nationale sur la vulnérabilité des femmes et des enfants autochtones.

Nous avons aussi pris part au travail qui a mené à l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et nous continuons à suivre de près les travaux de l’Instance permanente sur les questions autochtones et du Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Tous ces comités et toutes ces entités ont déposé des recommandations visant à réduire la vulnérabilité et la marginalisation des femmes et des enfants autochtones.

À la lumière de ces recommandations, la création d’un nouveau poste d’ombudsman national et d’un tribunal des droits des Autochtones et des droits de la personne serait un pas dans la bonne direction. Cependant, un vrai changement suppose bien plus que de nouvelles institutions. Le Canada et les Canadiens et Canadiennes devront tracer une nouvelle voie et changer du tout au tout leurs relations avec les Autochtones. Le Canada, en tant que pays, doit repenser à la valeur qu’il reconnaît aux Autochtones, surtout aux femmes et aux enfants, qui, plus que quiconque, sont la cible des politiques coloniales préjudiciables.

Les femmes et les enfants autochtones continuent de subir les contrecoups de ces politiques et des traumatismes intergénérationnels, qui se traduisent par la pauvreté, par la dépendance, la violence conjugale, les soins de santé et l’éducation déficiente, ainsi qu’une pénurie de logements et de services essentiels. En fait, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme nous a appris, plus tôt ce mois-ci, que la violence envers les femmes et les filles du monde entier a augmenté. Cela doit changer, pour que les jeunes femmes et les enfants puissent espérer pouvoir bâtir de meilleures communautés, plus fortes, et pour que leur sécurité, leur santé et leur culture soient protégées et valorisées.

Certaines politiques sont supprimées et abolies, mais il reste beaucoup à faire. Nous devons éduquer et sensibiliser tous les Canadiens et toutes les Canadiennes afin d’éliminer la discrimination systémique, de réduire la vulnérabilité et la marginalisation des femmes et des enfants autochtones et de favoriser la réconciliation.

En principe, nous appuyons la création d’une fonction d’ombudsman et d’un tribunal national des droits des Autochtones et des droits de la personne, dans la mesure où ces nouvelles institutions ajoutent une véritable valeur aux structures existantes et où on leur donne les pouvoirs et les ressources nécessaires pour faire respecter dans les faits les droits des Autochtones et provoquer un vrai changement systémique. La nation crie a aussi demandé un mécanisme permanent similaire de défense des droits de la personne, pour les Autochtones, dans le contexte de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ici, au Canada.

Les femmes et les enfants autochtones se butent à des obstacles importants quand ils veulent signaler des actes de violence et accéder aux services. Trop souvent, les Autochtones sont traités de façon discriminatoire par des fournisseurs de services ou des travailleurs de première ligne qui ne sont pas Autochtones, et on les détourne des services ordinaires pour les aiguiller vers des services destinés aux Autochtones, qui manquent de financement et de ressources. Cela entraîne davantage de vulnérabilité. Cela ne doit pas être ainsi avec l’ombudsman et le tribunal.

Tous ceux qui travailleront avec ce nouveau bureau et ce nouveau tribunal doivent comprendre et connaître les faits sous-jacents qui ont rendu les femmes et les enfants autochtones particulièrement vulnérables à la violence et aux traumatismes intergénérationnels découlant des pensionnats et d’autres politiques coloniales.

L’ombudsman et le tribunal doivent avoir les pouvoirs et les ressources nécessaires pour régler ces facteurs sous-jacents, pas seulement en surface, mais aussi dans le cadre des affaires qui leur sont soumises. Les femmes et les enfants autochtones doivent pouvoir accéder sans problème à ces nouvelles institutions, et les affaires doivent être traitées rapidement. En d’autres termes, le temps et l’argent ne peuvent pas être les seuls obstacles, dans ces nouvelles institutions. Elles doivent aussi agir comme un organisme de surveillance, auquel les communautés autochtones peuvent accéder facilement lorsque leurs droits sont bafoués — sinon, le nouvel ombudsman et le nouveau tribunal deviendront encore une fois des institutions auxquelles les Autochtones auront de la difficulté à accéder lorsqu’ils voudront obtenir justice.

Le nouvel ombudsman et le nouveau tribunal doivent refléter les valeurs autochtones, faire participer les Autochtones, appliquer une approche qui tient compte des traumatismes et respecter un cadre culturel sécuritaire.

Le nouvel ombudsman et le nouveau tribunal doivent aussi offrir des services de traduction et du soutien en santé mentale et appuyer les travailleurs autochtones en tenant compte de leurs cultures et de leurs réalités.

Ces institutions devraient faire rapport annuellement des progrès des ministères et entités du gouvernement dans la mise en œuvre des mesures visant à réduire la vulnérabilité des femmes et des enfants autochtones. Cela devrait aussi être fait dans le but de favoriser la responsabilisation des services de première ligne quant aux mesures visant à s’assurer que les plaintes des femmes et des enfants sont traitées de façon juste et équitable devant la loi et devant la justice, au Canada.

Il serait aussi approprié que les gouvernements autochtones, comme le gouvernement de la nation crie, reçoivent un rapport annuel sur les mesures prises pour garantir la sécurité des femmes et des enfants autochtones. Il devrait aussi y avoir un rapport sur les mesures visant à réduire la discrimination systémique, et il faudrait éliminer toute forme de racisme et de discrimination résiduels contre les femmes et les enfants découlant de l’ère des politiques et pratiques coloniales.

Enfin, pour vraiment décoloniser les institutions et les services du gouvernement fédéral, le bureau de l’ombudsman et le tribunal doivent être mis sur pied parallèlement à la mise en œuvre d’autres mesures et changements systémiques, y compris ceux recommandés par différents comités et différentes entités mentionnés précédemment. Merci. Meegwetch.

Le président : Merci, madame Gull-Masty. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Pour nous aider à respecter le temps et nous assurer que tous soient traités équitablement, chaque sénateur aura cinq minutes pour poser sa question et échanger et, s’il reste du temps, nous procéderons à une deuxième série de questions.

Le sénateur Arnot : Merci aux deux témoins d’être présents aujourd’hui.

Madame Gull-Masty, vous avez parlé et donné une recette. J’approuve certains ingrédients de cette recette. C’est une occasion en or d’apporter des changements importants — de changer le paradigme — que vous demandez, et je pense comme vous. C’est important d’avoir de bonnes assises. On peut y arriver en s’assurant d’intégrer les visions du monde, les modes de connaissance et les cultures autochtones et en mettant l’accent sur ce que j’appellerais une approche axée sur la médiation plutôt que sur une approche judiciaire. Cette occasion est prometteuse.

Avez-vous d’autres conseils là-dessus?

J’ai aussi une question pour M. Goodon : quel est le rôle de la DNUDPA dans l’application de ces nouveaux modèles?

J’aimerais que les témoins répondent aux deux questions, s’il vous plaît.

Mme Gull-Masty : J’aimerais dire deux choses : d’abord et avant tout, en ce qui concerne le rôle d’un ombudsman, il est important que la personne à qui vous demandez du soutien vous représente, peu importe votre problème — et des Autochtones sont pleinement capables d’occuper ce rôle — car il faut travailler avec les gens qui se présentent devant vous, en tant que tribunal, ou qui reçoivent ses services. C’est une décision qui semble toute petite, mais qui a des conséquences importantes — ce sentiment de sécurité que vous avez en parlant à quelqu’un de l’autre côté de la table, un peu comme ce que je ressens ici lorsque je regarde dans la salle et que je vois d’autres Autochtones me poser des questions. Cela doit être reflété dans ce tribunal, c’est un élément fondamental.

En ce qui concerne le rôle de la DNUDPA, l’article 7 sur la sécurité est réellement quelque chose qu’il faut définir, si vous vous manifestez et que vous faites une déclaration sur quelque chose dont vous avez été témoin — après le processus, il faut offrir la sécurité aux femmes et aux enfants qui dénoncent des choses, et parfois, ces mécanismes doivent être fournis en collaboration avec des organismes fédéraux ou provinciaux. Il faut que le pays tout entier s’engage à travailler avec ce tribunal et qu’il reconnaisse que ses décisions ou ses commentaires doivent être intégrés à ces niveaux de gouvernement aussi.

M. Goodon : Merci beaucoup. Oui, pour ce qui est de la DNUDPA, nous devons toujours garder à l’esprit, entre autres, que les principes énoncés dans la Déclaration sont un fondement, non pas un plafond. En fait, je m’éloigne un peu, ici, mais la déclaration américaine fait l’objet d’un examen en ce moment même. Encore une fois, les droits des Autochtones ont gagné un peu de terrain.

Dans ce contexte, des documents comme la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sont très souvent perçus comme idéalistes. Nous ne pouvons pas vraiment y arriver parce que ce n’est pas du tout possible dans le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Il y a peut-être une part de vérité, mais, en même temps, lorsque nous examinons cette question, nous parlons de vraies personnes qui ont de vraies vies. Tous les Canadiens devraient pouvoir s’entendre sur le fait que la moindre des choses à faire serait de prendre des mesures pour fournir cette protection avant, pendant et peut-être après le traumatisme, compte tenu de l’histoire de notre pays. Merci.

La sénatrice Sorensen : J’ai une question pour vous deux. Madame Gull-Masty, vous avez parlé des défis supplémentaires auxquels font face les communautés autochtones des régions nordiques. Pourriez-vous nous parler de quelconques défis dont le comité n’entend pas souvent parler au sujet de l’accès aux études secondaires et postsecondaires ou du financement gouvernemental de l’éducation continue et — pour rester dans le sujet — de la façon dont un ombudsman pourrait aider à ce chapitre?

Mme Gull-Masty : Merci de la question. D’abord et avant tout, la distance est sans doute le plus grand défi. Je devais faire 850 kilomètres pour me rendre à l’université. Elle était très éloignée. Je viens d’une très petite communauté comptant 1 800 membres. J’ai vécu un vrai choc quand j’ai déménagé à Montréal, la première fois. Non seulement j’étais une jeune mère, mais je déménageais aussi dans une grande ville pour la première fois. Je cherchais vraiment un sentiment d’appartenance à une communauté et du soutien.

Nous avons fait beaucoup de chemin depuis. Il y a beaucoup de services en place pour les familles qui ont besoin de services autochtones pour leurs enfants afin de maintenir ce lien.

L’ombudsman doit vraiment faire passer ce message et le faire comprendre aux gouvernements provinciaux : l’importance de créer cet espace pour les Autochtones, pour bâtir une communauté urbaine autochtone. C’est vraiment ce qui m’a sauvée, lorsque j’étais à l’école — j’avais le sentiment d’être soutenue, j’avais des liens avec des femmes et des grands-mères autochtones et j’avais des gens qui nous soutenaient, mes enfants et moi. C’est vraiment ce qui m’a permis de réussir.

L’ombudsman doit s’assurer non seulement que cet espace est accessible, mais aussi qu’il offre de la sécurité. C’est ce qui fait défaut selon moi : protéger les jeunes femmes et les enfants dans de grands espaces urbains doit vraiment être une priorité pour les grandes villes et aussi pour les gouvernements provinciaux.

La sénatrice Sorensen : À ce sujet, je sais qu’il devient de plus en plus habituel de faire des études postsecondaires en ligne. Je rencontre régulièrement des gens de l’Université d’Athabasca. Est-ce que cela aide ou est-ce que cela dépend du domaine dans lequel vous voulez étudier après le secondaire?

Mme Gull-Masty : Pour ma nation, la COVID a été une grosse expérience. Nous n’avions pas le droit de quitter la région. Nous nous sommes tournés vers une plateforme en ligne. Notre taux de diplomation était de presque 90 %, c’était énorme. Je crois effectivement qu’on a besoin d’un programme de transition. Vous ne pouvez pas apprendre seulement en ligne. Il doit y avoir une composante en personne, mais la première étape en ligne a beaucoup aidé.

La sénatrice Sorensen : Merci. J’admire beaucoup votre courage — honnêtement, je ne peux pas imaginer.

Monsieur Goodon, dans mes notes, il est indiqué que vous êtes le ministre du Logement et de la Gestion immobilière.

M. Goodon : C’est exact.

La sénatrice Sorensen : J’ai rencontré votre président, M. David Chartrand, la semaine dernière. Si vous n’êtes jamais allé dans les bureaux de la Fédération des Métis du Manitoba, à Ottawa, allez-y; c’est superbe.

M. Goodon : C’est très beau.

La sénatrice Sorensen : J’ai eu l’occasion d’y aller, et j’ai vraiment apprécié le temps que j’ai passé dans cet espace. J’ai été très impressionnée par les investissements qu’a faits la Fédération des Métis du Manitoba dans de nombreux domaines. Si vous voulez ajouter vos réalisations, à la fin de votre réponse, je serais très curieuse d’en apprendre davantage.

Plus précisément, vous financiez les soins de santé et les médicaments d’ordonnance des membres de la Fédération des Métis du Manitoba. Il a été mentionné que les Métis ont des résultats en santé moins bons, de façon disproportionnée en raison du sous-financement du gouvernement. Pourriez-vous nous expliquer comment la Fédération des Métis du Manitoba a réglé ce problème précis et en quoi un ombudsman pourrait aider? La Fédération des Métis du Manitoba a conçu un système assez unique. J’ai réellement apprécié ma réunion et j’ai appris tellement de choses.

M. Goodon : Excellent. Lorsque mon vol a été retardé, à Toronto, le sénateur Klyne était par hasard assis à côté de moi. Il avait rencontré par hasard David Chartrand la semaine précédente. Ottawa est un petit village, n’est-ce pas?

Je suis ici pour représenter ma collègue, mais je suis aussi assez honoré de pouvoir remplacer mon président à différents moments pour assumer des tâches et traiter d’enjeux qui ne concernent pas le secteur du logement. Certains d’entre vous le savent peut-être, je suis assez actif dans le dossier des nations métisses.

Cela dit, en ce qui concerne le logement, nous travaillons avec diligence sur certaines questions, présentement. Dans le cadre du budget de cette année, on a annoncé la construction de nouveaux logements dans les régions urbaines, rurales et nordiques, et il y a deux ou trois projets sur lesquels nous travaillons qui pourraient avoir une incidence ici. L’un d’eux s’appelle le manoir Michif — je déteste mentionner une entreprise de malbouffe, mais c’est comme le concept du Manoir Ronald McDonald. Un grand nombre de nos membres vivent à l’extérieur, dans des régions rurales. Nous avons aussi des maisons de transition pour les enfants qui deviennent trop vieux pour être pris en charge. C’est tout nouveau, et ces maisons offrent des services complets à des jeunes d’au plus 24 ans.

Nous travaillons aussi avec l’Infinity Women Secretariat. La ministre Campbell et moi travaillons sur un projet de maison de transition pour les femmes et les enfants qui fuient la violence. Ce sont des choses dont nous avons besoin. Mais, plus on regarde sous le tapis, plus on réalise que des choses comme cela sont nécessaires.

En ce qui concerne les soins de santé et les médicaments d’ordonnance, dans l’arrêt Daniels de la Cour suprême on a clairement défini les responsabilités du gouvernement fédéral envers les citoyens de la nation métisse historique. Mais il est un peu difficile de travailler au sein du système bureaucratique.

Si je ne me trompe pas, les médicaments d’ordonnance des gens de 55 ans et plus sont autofinancés. Il y a une certaine limite de revenu. Nous utilisons les profits des pharmacies afin d’investir dans les médicaments d’ordonnance pour les personnes âgées. Un jour, nous pourrons négocier des services de santé avec le Canada. Mais, pour le moment, nous trouvons des moyens innovateurs pour y arriver. Merci de la question.

La sénatrice Sorensen : J’aimerais seulement préciser quelque chose; nous avons beaucoup parlé des immeubles qui sont achetés. Une partie de ces achats serviront-ils pour le logement? Je ne sais pas si nous en avons parlé; je ne m’en souviens pas. Est-ce, en partie, l’objectif de ces achats?

M. Goodon : Oui, nous avons plusieurs terrains un peu partout...

La sénatrice Sorensen : C’est ce que j’ai appris.

M. Goodon : ... dans la province, et nous essayons de trouver une manière d’aider les gens au-delà des frontières également parce que le concept des frontières coloniales du Manitoba, et même du 49e parallèle, n’est pas de nous. Presque chaque jour, je reçois un appel d’une collectivité qui me dit « Nous avons besoin de logements pour les aînés ». Nous devons continuer à travailler là-dessus.

La sénatrice Coyle : Merci, grande cheffe, d’être parmi nous. Merci, monsieur le ministre, d’être de nouveau présent.

Je crois bien vous avoir entendu dire que l’Infinity Women Secretariat, la Fédération des Métis du Manitoba et le Grand Conseil de Cris soutiennent la création d’un poste d’ombudsman et d’un tribunal, et je crois que c’est vous, grande cheffe, qui avez dit « en principe ». Vous nous avez tous deux donné des conseils et des orientations très utiles sur les qualités essentielles que, selon vous, devrait avoir la première personne qui sera nommée — qui sera intéressée, je l’espère, à être, — ombudsman et aussi sur la manière dont les choses se dérouleront.

Monsieur le ministre Goodon, vous avez fait référence aux différents ordres du gouvernement. Pourriez-vous nous en parler un peu plus? Je crois qu’il était question des liens entre ce nouveau poste, le tribunal et les différents ordres du gouvernement. Ensuite, je poserai une question à la grande cheffe.

M. Goodon : Oui, c’est aussi une question pertinente à soulever de nouveau. Parfois, il semble que, dans un poste ou dans un comité, on peut faire quelque chose, mais il ne se passe rien parce qu’il n’y a ni ressource, ni mesure de soutien, ni moyen en place pour les soutenir.

Je prends l’exemple de la défenseure fédérale du logement; je l’ai rencontrée deux ou trois fois, et c’est une merveilleuse personne. Mais la défense des droits, la rédaction de rapports et les évaluations n’ont pas de mordant; l’idée n’est pas non plus de donner trop de mordant à une personne ou à un tribunal. La plupart des problèmes concernent plusieurs ordres du gouvernement. Cela touche en partie le fédéral, par exemple, si je me fais prendre en train de chasser sans permis de possession et d’acquisition, ou PPA; ce serait une infraction à une loi fédérale, même si j’ai chassé sans avoir de permis provincial. Pour ce genre de choses, il est crucial d’avoir un réseau quelconque. C’est ce que j’essayais de faire comprendre à ce sujet, en particulier.

La sénatrice Coyle : C’est plus clair.

Grande cheffe Gull-Masty, vous avez parlé de deux ou trois choses qui ont piqué ma curiosité, notamment l’atmosphère que la personne qui occupera ce nouveau poste essentiel devra créer pour que le bureau soit accueillant, sécuritaire et accessible, tout en intervenant de manière rapide et efficace. J’aimerais en savoir plus sur la manière de définir clairement ce rôle et d’en assurer l’efficacité, au cours des prochaines étapes, à partir d’aujourd’hui jusqu’à la création du poste.

Je vous remercie d’avoir parlé de la responsabilisation et de l’importance de faire rapport annuellement. Vous avez parlé de faire rapport annuellement au gouvernement fédéral. Vous avez également parlé, je crois, de faire rapport annuellement à votre propre gouvernement.

Pourriez-vous m’en dire davantage à ce sujet, c’est-à-dire en quoi consisteraient ces rapports, à qui ils s’adresseraient et comment il faudrait y donner suite?

Mme Gull-Masty : Merci d’avoir posé la question.

La personne qui assumera cette fonction devra, je crois, composer avec deux types de tâches très importantes; elle devra non seulement créer cet environnement, mais également comprendre le caractère unique de chaque nation autochtone ou de sa relation avec la province.

Bien entendu, je suis originaire d’une nation du Québec. Nous avons une relation très unique avec le gouvernement provincial. L’ombudsman devra d’abord et avant tout pouvoir comprendre et évaluer cette relation et la garder en vie, parce qu’il devra non seulement soutenir la personne qui aura recours à ses services, mais également fournir au gouvernement provincial des recommandations à mettre en œuvre.

Je crois que le problème est de faire accepter aux gouvernements provinciaux le processus de prise de décisions. Il doit y avoir un lien avec le financement; je crois que c’est un outil essentiel. Par exemple, ma province doit comprendre qu’un poste est offert à des personnes non québécoises. Les peuples autochtones forment un vaste groupe au sein de la population. Il faut des paramètres pour évaluer l’incidence de leurs commentaires et l’efficacité des mesures prises à leur égard. Un élément essentiel, pour cela, concerne les liens financiers particuliers qui existent.

Par exemple, si l’ombudsman prend une décision avec le Québec, le budget fédéral doit mettre plus de ressources à la disposition de la province à cette fin — quel que soit l’objectif —, si cela concerne l’échelon provincial. Il doit en être de même pour les milieux urbains importants.

Des villes comme Montréal et Québec ne doivent pas s’en tenir à leur identité québécoise; elles doivent reconnaître et comprendre que des Autochtones viennent de ces espaces et les ont toujours occupés.

Le rôle de l’ombudsman est très difficile, mais très intéressant. J’espère que cela se concrétisera. J’espère qu’on donnera du pouvoir à celui qui occupera ce poste, mais il serait utile de lui donner l’autorité d’établir des liens financiers et de mettre en marche le mécanisme.

La sénatrice Audette : Cela pourrait aussi donner du pouvoir à celle qui occupera ce poste.

[Français]

En français, cela peut être une femme ou un homme.

Merci infiniment pour vos messages, mais aussi pour la clarté quant à ce qu’on devrait faire et ne pas faire. Grâce à ma collègue la sénatrice Coyle, vous avez répondu à la question à savoir comment trouver un moyen d’avoir une réelle collaboration avec les provinces et les territoires. Notre mandat à nous est de faire une étude et nous voulons donner des dents au rapport de la représentante spéciale du ministre, Mme Jennifer Moore Rattray. Elle va bientôt remettre son rapport — d’ici Noël, j’imagine — traitant de ce à quoi pourraient ressembler les différents modèles.

Je suis entourée de sénateurs qui ont déjà été premiers ministres, ministres dans leur province, ou maires ou mairesses dans leur territoire. J’aimerais savoir si vous avez des exemples où, au Bureau de l’ombudsman ou de son délégué, car le Canada est très grand, il y a des relations officielles avec le Protecteur du citoyen, le Bureau des enquêtes indépendantes ou d’autres organisations ou commissions de droits de la personne. Avez-vous déjà vu de tels modèles? Il peut s’agir d’éléments que l’on pourrait insérer dans un éventuel projet de loi.

Je serai ici encore longtemps et j’espère qu’on aura un projet de loi. S’assurer d’une reddition de comptes et que l’on fasse rapport aux chefs, c’est la première fois que j’entends cette suggestion et le sujet m’intéresse. Pouvez-vous m’en parler?

Mme Gull-Masty : Il est vrai que le Canada est très grand et regroupe beaucoup de nations. La province de Québec à elle seule en comprend 11. Toutefois, il y a une grande différence entre chaque nation. J’aimerais peut-être voir la création d’une table à laquelle plusieurs ministères participeraient pour mieux comprendre les enjeux en éducation, en emploi, en sécurité, et même pour les jeunes et les adolescents. Cette table pourrait être ouverte au public pour amener des idées et suggérer des programmes qui puissent faire l’objet de recommandations au Bureau de l’ombudsman.

Je pense qu’il faut une approche ouverte et pas seulement des recommandations. Ce bureau doit être ouvert au public pour recevoir des recommandations sur les services ou les programmes qui seraient utiles pour les personnes.

Une des choses très importantes pour moi et ma nation, c’est le fait de donner suite aux recommandations. J’aimerais voir une table dans chacune des provinces qui pourrait donner une note au travail de l’ombudsman, des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral quant aux thèmes abordés sur cette tribune. Ce serait en quelque sorte une boucle de rétroaction.

Il faut vraiment savoir que les personnes qui utilisent ce service ont aussi le droit de donner une note qui reflète la manière dont vont les choses et comment on se sent. Les choses fonctionnent-elles? Est-ce que certains résultats ressortent de ce processus?

[Traduction]

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup aux témoins. Je trouve cela vraiment très intéressant. Mon expérience de travail concerne les questions féminines et la violence familiale.

Si j’ai bien compris, vous dites clairement que l’organisation — et l’ombudsman — devra s’adapter à la culture et tenir compte des traumatismes.

Pour les gens qui nous écoutent, quels seraient certains des problèmes auxquels les femmes et les enfants feraient face? Comment pourrait-on gagner leur confiance? Je sais que, lorsque les femmes et les enfants perdent confiance, il est difficile pour eux de la retrouver.

Avez-vous une idée de la manière dont ce processus pourrait être engagé? À quels problèmes feraient-ils face et sur quels problèmes faudrait-il se pencher?

Mme Gull-Masty : À mon avis, une des plus grandes difficultés auxquelles les femmes et les enfants font face concerne la sécurité. Je crois que c’est le plus gros défi. J’ai deux filles, toutes deux au début de la vingtaine. Je leur dis : « Si vous sortez, vous devez faire attention. Si vous prenez un taxi, il est très probable que vous n’arriviez pas à destination. » C’est une leçon très dure à enseigner à ses filles, à notre époque.

Tout d’abord, je sais que le manque de sécurité découle de l’inaction et de l’absence de services, lorsqu’il est question de faire une déclaration à la police, de dénoncer quelque chose, de parler à un travailleur social ou de se présenter dans un établissement médical. Cela me déconcerte. Il y a des idées préconçues au sujet des femmes autochtones, selon lesquelles elles manigancent quelque chose ou ont fait quelque chose. On n’a pas l’impression que nous faisons vraiment une déclaration, dans le sens où nous serions victimisées et que l’on nous croirait.

Je crois que la sécurité des femmes et des enfants est hautement prioritaire. Il reste tellement à faire pour sensibiliser les gens pour qu’ils comprennent que, lorsqu’une personne a quelque chose à dire, que ce soit dans un établissement médical ou dans un poste de police, il faut l’écouter et laisser de côté ses idées préconçues. Peu importe la situation, il faut d’abord et avant tout offrir un service à cette personne et la soutenir.

Il faudra beaucoup d’investissements dans ce domaine. Sans d’importants investissements dans ce type de formations, je crois que les recommandations relatives à l’ombudsman resteront inutiles, parce qu’il s’agit de signaler un enjeu important. Les gouvernements provinciaux et fédéral doivent s’assurer que, lorsqu’un problème est signalé, tout le monde l’examine de la même façon.

La sénatrice Hartling : Monsieur Goodon, aviez-vous quelque chose à ajouter à titre de représentant de votre groupe?

M. Goodon : Je vous remercie également de la question, madame la sénatrice. Comme je l’ai dit plus tôt, je remplis différentes fonctions. Je vais parler brièvement de l’importance d’un logement sûr et sécuritaire.

Je me sens très privilégié de pouvoir faire ce que je fais, sachant que les besoins sont dix mille fois plus importants que notre capacité à y répondre. Lorsqu’on a des logements sûrs, bien chauffés et au sec, les enfants réussissent mieux à l’école et reçoivent une bonne éducation, à long terme, et les familles vivent dans une plus grande sécurité; certains problèmes vécus par nos familles et nos collectivités s’atténuent, sans disparaître complètement.

Un ami m’a déjà demandé — c’était dans les années 1980 ou 1990; les choses sont différentes aujourd’hui — « Pourquoi les gens ont-ils du mal à comprendre que les politiques de notre communauté ressemblent à celles de pays du tiers-monde, alors que nous vivons dans des conditions dignes du tiers-monde? »

Pour en revenir à l’ombudsman, il est également important d’agir en fonction de la collectivité et de répondre à ses besoins. Il faut mettre en place un réseau quelconque. Il est essentiel d’avoir des réseaux qui transcendent les administrations. C’est comme pouvoir être jugé par ses pairs devant un tribunal. Les gens qui nous connaissent le mieux sont ceux qui connaissent nos besoins.

Le sénateur Prosper : Merci, grande cheffe, et merci, monsieur le ministre Goodon, d’avoir témoigné devant nous et de nous avoir fait part de vos points de vue sur la question importante de l’ombudsman et du tribunal.

Je crois, monsieur le ministre Goodon, que vous avez parlé d’intégrité et que vous avez dit que ce processus doit avoir une certaine intégrité.

Grande cheffe Gull-Masty, je vous remercie de nous avoir raconté que vous deviez faire de longs déplacements pour venir étudier à Montréal et que le sentiment d’appartenance à une communauté vous a été bénéfique et l’a été, j’imagine, pour de nombreuses personnes qui se déplacent loin de leur communauté.

Monsieur le ministre Goodon, vous avez dit que le processus doit être axé sur la communauté et répondre à ses besoins. Lorsque je pense à la communauté et à la mise sur pied d’un mécanisme ou d’une institution comme un tribunal, je crois qu’il est important d’établir de bonnes relations pour faire des recommandations qui s’accompagnent, du moins, je l’espère, de mesures concrètes. Madame Gull-Masty, vous avez dit que vous ne voulez pas de recommandations inutiles.

En gardant à l’esprit le sens d’appartenance à une communauté, le concept d’intégrité et le fait de compter sur de bonnes relations, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Mme Gull-Masty : Merci. C’est un plaisir de vous rencontrer, monsieur le sénateur.

J’ai bien vu que le gouvernement fédéral a pris de nombreuses mesures progressistes. Tout récemment, j’ai l’impression que l’on a fait des pas importants afin de répondre aux besoins des peuples autochtones. Vous avez employé le mot clé « intégrité ». Le concept d’intégrité est essentiel pour les Premières Nations. Même si on a fait des pas importants, je veux m’assurer qu’il y ait une façon d’évaluer les interventions et les réussites et de les célébrer.

On met toujours l’accent sur les coûts importants de la mise en œuvre ou de la réalisation de quelque chose, mais on ne peut justifier les coûts que si l’on a évalué pourquoi il fallait les assumer. Je ne crois pas que ce processus est inutile. Je crois au contraire qu’il est nécessaire d’avoir un mécanisme qui permet de cerner les indicateurs clés de l’efficacité du rôle en question et d’avoir un organisme indépendant qui fait rapport et formule des commentaires sur l’évolution de leur environnement et la façon dont leur récit de vie est vu différemment. Je crois que c’est tout aussi important. Cela nous ramène au concept d’intégrité, dans le sens où la structure créée répond à des besoins et a des répercussions.

C’est ce que je recherche, mais je souhaite également célébrer les réussites. Ce qui permet aux membres des Premières Nations de savoir que les choses changent pour eux, c’est le fait que leurs voix sont entendues, que des mesures fondées sur les données sont en place et qu’ils peuvent célébrer les réussites, non seulement pour eux-mêmes, mais avec les Canadiens en général. Je crois que tout le monde est gagnant chaque fois qu’une personne avance et progresse.

Le président : La période prévue pour ce groupe est maintenant terminée. Je souhaite, une fois de plus, remercier tous les témoins qui se sont joints à nous aujourd’hui. Je vous rappelle que, si vous souhaitez présenter d’autres observations, vous devez les envoyer par courriel à notre greffière d’ici une semaine.

Merci aux sénateurs et aux sénatrices. C’est ce qui met fin à la réunion d’aujourd’hui.

(La séance est levée.)

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