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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 27 février 2024

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, afin d’étudier les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis et tout autre sujet concernant les peuples autochtones.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire ancestral et traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe, où vivent maintenant bon nombre de Premières Nations, de Métis et d’Inuits de l’île de la Tortue.

Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis, d’Epekwitk, que l’on connaît aussi sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. J’aimerais maintenant demander aux sénateurs ici présents de se présenter en indiquant leur nom et leur province ou territoire.

Le sénateur Arnot : Bonjour. Je suis le sénateur Arnot, de la Saskatchewan. J’habite sur le territoire du Traité no 6.

Le sénateur McNair : Bonjour. Je suis le sénateur John McNair, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick, au Mi’kma’ki.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, au Mi’kma’ki.

Le président : Je vous remercie.

Avant de poursuivre, je tiens à souligner que la présente réunion porte sur les pensionnats indiens, un sujet que certains peuvent trouver pénible. Du soutien est accessible en tout temps et gratuitement. Toute personne qui en a besoin peut téléphoner à la ligne d’écoute téléphonique de Résolution des questions de pensionnats indiens, au 1-866-925-4419, ou à la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être, au 1-855-242-3310, ou encore clavarder à l’adresse www.espoirpourlemieuxetre.ca.

Je vais maintenant vous donner des renseignements au sujet de la réunion d’aujourd’hui. Vous vous rappellerez peut-être qu’en mars dernier, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a entendu les témoignages du Centre national pour la vérité et la réconciliation et du Bureau de l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens au sujet de leur travail respectif. À la lumière de ces témoignages reçus le 19 juillet, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a publié un rapport provisoire intitulé Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation. Ce rapport recommandait notamment la tenue d’audiences publiques avec les gouvernements, les organisations religieuses et les autres entités n’ayant toujours pas divulgué des documents concernant les pensionnats et les sites qui y sont associés.

Au cours de la réunion d’aujourd’hui, nous allons continuer d’entendre des témoins sur ce sujet. J’aimerais maintenant présenter les témoins. Nous accueillons Caroline Maynard, commissaire à l’information du Canada au Commissariat à l’information du Canada, et Philippe Dufresne, commissaire à la protection de la vie privée du Canada au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Wela’lin. Je vous remercie tous les deux de vous joindre à nous aujourd’hui.

Chaque témoin fera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, puis on passera à une période de questions et de réponses avec les sénateurs.

J’invite maintenant Me Maynard à faire sa déclaration préliminaire.

[Français]

Me Caroline Maynard, commissaire à l’information du Canada, Commissariat à l’information du Canada : Je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître aujourd’hui.

Je tiens d’abord à souligner que nous sommes rassemblés aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé et non abandonné du peuple algonquin anishinabe, présent ici depuis des temps immémoriaux.

Comme il s’agit de ma première comparution devant votre comité, permettez-moi de vous donner un aperçu du système d’accès à l’information et de vous expliquer mon mandat en tant que commissaire à l’information du Canada. Afin de bien comprendre mon mandat, il faut savoir que je suis une agente indépendante du Parlement dont le rôle est défini par la Loi sur l’accès à l’information.

[Traduction]

La partie 1 de la loi prévoit un droit d’accès à l’information en conformité avec les principes suivants : l’information du gouvernement devrait être mise à la disposition du public; les exceptions indispensables à ce droit devraient être limitées et précises; les décisions concernant la divulgation de l’information du gouvernement devraient être examinées indépendamment du gouvernement.

La partie 2 de la loi établit les exigences relatives à la publication proactive de l’information. En tant que commissaire à l’information, je n’ai aucun rôle à jouer en vertu de la partie 2 de la loi.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada est le principal responsable de l’administration de la loi. Cela consiste notamment à fournir des conseils et des outils aux institutions gouvernementales.

Une demande d’accès à l’information peut être présentée pour tous les documents relevant d’une institution fédérale. Environ 260 institutions sont assujetties à la loi, y compris Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, le ministère de la Justice, Bibliothèque et Archives Canada et d’autres institutions qui ont peut-être été mentionnées lors des témoignages devant votre comité.

[Français]

Les institutions sont tenues de répondre aux demandes d’accès qu’elles reçoivent. Mon rôle, en tant que commissaire à l’information, est d’enquêter sur les plaintes relatives à ces demandes d’accès, y compris les plaintes concernant des documents relatifs aux pensionnats qui sont assujettis à la loi. Normalement, le Commissariat à l’information est saisi d’une plainte lorsque la personne qui a fait une demande d’accès n’est pas satisfaite du délai de réponse de l’institution ou lorsqu’elle estime ne pas avoir reçu tous les renseignements auxquels elle a droit.

[Traduction]

Je crois comprendre que l’étude de votre comité a trait aux documents sur les pensionnats qui n’ont pas encore été transférés au Centre national pour la vérité et la réconciliation. Il est important de souligner que je n’ai pas de rôle à jouer dans ce processus de transfert, et je ne le supervise pas non plus, puisque je n’ai pas compétence à cet égard. De plus, les tribunaux ont déterminé que certains documents concernant les pensionnats ne relèvent pas du gouvernement fédéral aux fins de la loi. Par conséquent, ils ne peuvent pas être demandés en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, et mon commissariat n’a pas le pouvoir d’accéder à ces documents.

[Français]

Avant les modifications apportées à la loi en 2019, mes pouvoirs se limitaient à formuler des recommandations aux institutions concernant les plaintes fondées. Depuis que les modifications sont entrées en vigueur, j’ai le pouvoir de rendre des ordonnances.

[Traduction]

Au terme d’une enquête, j’ai le pouvoir de délivrer une ordonnance à l’égard d’une institution, y compris pour qu’elle communique de l’information aux demandeurs. Mes ordonnances ont force obligatoire. Quand elles reçoivent une ordonnance, les institutions doivent s’y conformer, à moins de demander une révision à la Cour fédérale.

Les plaintes font l’objet d’une enquête privée, et la loi prévoit des limites à la divulgation d’information sur les enquêtes. Toutefois, au terme de mes enquêtes, je peux publier des rapports finaux, notamment lorsque je juge qu’ils peuvent contribuer à orienter les institutions, les demandeurs ou le public. Par exemple, je peux publier des rapports finaux qui précisent les modalités d’application d’une disposition de la loi, qui rendent compte de décisions récentes des tribunaux ou de changements concernant les dispositions législatives sur l’accès à l’information, ou qui indiquent dans quelles circonstances les enquêtes donnent lieu à une ordonnance.

En tant que mandataire du Parlement, je présente également un rapport annuel au Parlement sur mes activités, et je peux présenter au Parlement des rapports spéciaux sur des questions importantes qui relèvent de ma compétence.

Au bout du compte, mon mandat est de veiller le plus possible au respect de la Loi sur l’accès à l’information en utilisant la gamme complète des outils et des pouvoirs à ma disposition.

Je serai ravie de répondre à toutes vos questions. Merci.

Le président : Merci, maître Maynard. J’invite maintenant Me Dufresne à faire sa déclaration préliminaire.

[Français]

Me Philippe Dufresne, commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître dans le cadre de votre étude sur les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques et les obligations découlant des traités du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

Avant de commencer, je tiens à prendre un moment pour reconnaître que les terres sur lesquelles nous sommes réunis aujourd’hui font partie du territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Permettez-moi d’abord de vous parler de mon rôle. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a le mandat de veiller au respect de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui s’applique aux institutions fédérales, et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui est la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels qui s’applique au secteur privé au Canada.

[Traduction]

La Loi sur la protection des renseignements personnels précise dans quelles circonstances les renseignements personnels peuvent être divulgués et à qui ils peuvent être communiqués. En général, les institutions fédérales ne peuvent divulguer des renseignements personnels qu’avec le consentement de la personne concernée. Toutefois, le paragraphe 8(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels précise dans quelles circonstances les organismes publics fédéraux peuvent communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée par ces renseignements.

Plusieurs dispositions sont potentiellement pertinentes en ce qui a trait à la communication de renseignements personnels concernant les peuples autochtones, y compris l’alinéa 8(2)k), qui autorise les organismes publics fédéraux à communiquer des renseignements personnels à des fins précises à des entités, y compris les gouvernements autochtones, les associations autochtones ou les bandes indiennes, en vue de l’établissement des droits des peuples autochtones ou du règlement de leurs griefs. L’alinéa 8(2)f) permet à une institution fédérale de communiquer des renseignements personnels à certains types d’entités en vue de l’application des lois ou pour la tenue d’enquêtes licites, à condition que des accords ou des ententes aient été conclus à cet égard. Cette disposition désigne plusieurs entités gouvernementales des Premières Nations qui peuvent recevoir ces renseignements.

D’autres dispositions sont de nature plus large, comme l’alinéa 8(2)j), qui autorise la communication à toute personne ou à tout organisme, pour des travaux de recherche ou de statistique, dans certains cas, ainsi que l’alinéa 8(2)m), qui autorise la communication à toute autre fin dans les cas où, de l’avis du responsable de l’institution, des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée ou l’individu concerné en tirerait un avantage certain. La Loi sur la protection des renseignements personnels autorise aussi la communication des renseignements personnels d’un individu décédé depuis plus de 20 ans.

[Français]

En ce qui concerne les documents sur les pensionnats, je tiens à préciser qu’en janvier 2022, le commissariat a reçu un avis indiquant qu’une communication au titre de l’alinéa 8(2)m) devait être faite par Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC) au Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR). Dans ce cas, le commissariat était convaincu que le ministère avait soigneusement soupesé les facteurs et que l’analyse de la justification que celui-ci avait faite était complète et rigoureuse.

Je vais maintenant conclure en vous faisant part de quelques observations sur la nécessité de moderniser nos lois en matière de protection des renseignements personnels.

[Traduction]

Faisant ressortir le caractère unique des intérêts des Autochtones en ce qui a trait aux renseignements personnels, le ministère de la Justice fédéral a établi un dialogue avec les gouvernements et les organisations pouvant présenter les perspectives des Premières Nations, des Inuits et des Métis sur la modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Dans son rapport intitulé Modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Rapport sur la mobilisation de 2022 avec les partenaires autochtones publié récemment, qui fait état des observations formulées, le ministère de la Justice souligne que les partenaires autochtones ont fait valoir que les dispositions de communication et les définitions connexes dans la Loi sur la protection des renseignements personnels devraient être élargies. Selon eux, la loi devrait tenir compte de la diversité des gouvernements autochtones au Canada et des différents régimes juridiques dans lesquels ils s’inscrivent.

Les partenaires autochtones ont aussi fait valoir la nécessité d’assurer la souveraineté des Autochtones sur leurs données. Cela exigerait que les peuples autochtones prennent directement part au processus de décision concernant l’utilisation et la communication de leurs renseignements.

Je trouve encourageantes les activités de mobilisation que le ministère a menées jusqu’à présent auprès des peuples autochtones. Par ailleurs, j’appuie pleinement l’engagement du ministère à poursuivre la mobilisation en ce qui concerne d’éventuelles modifications à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les questions qui touchent les peuples autochtones devront être examinées de près lorsque le gouvernement fédéral procédera à la modernisation tant attendue de la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur public. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Dufresne. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Je commencerai par poser la première question, puis je demanderai au vice‑président de poser une question.

Cette question s’adresse à Mme Maynard. Dans le document du Conseil du Trésor intitulé Examen de l’accès à l’information Rapport au Parlement, il est fait état des problèmes majeurs que rencontrent les Autochtones pour obtenir des renseignements auprès des ministères en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Pourriez-vous décrire les difficultés auxquelles les Autochtones peuvent être confrontés pour obtenir des renseignements, en particulier dans le cas d’un membre de la famille dont un parent a disparu, et quelles sont vos recommandations pour améliorer l’accès des Autochtones aux dossiers fédéraux?

Mme Maynard : Merci de votre question. L’examen du gouvernement comporte un chapitre distinct sur les consultations qu’il a menées auprès d’organisations et de peuples autochtones. Je vous recommande vivement de lire le rapport, mais les difficultés qu’on y trouve ne concernent malheureusement pas uniquement les Autochtones. Il y a des retards dans la réception des demandes de renseignements, des difficultés de communication avec les unités d’accès à l’information et protection des renseignements personnels, ou AIPRP, et des incohérences dans les demandes et les exemptions. Le problème, c’est que les renseignements demandés sont de nature très sensible, qu’ils sont requis rapidement et que notre système d’accès à l’information a maintenant du mal à répondre à la demande.

Ce que je recommanderais, c’est la divulgation informelle des renseignements, c’est-à-dire un système par lequel les Autochtones pourraient accéder à des renseignements sur leur famille, à leurs renseignements personnels ou à toute autre information dont ils ont besoin pour poursuivre le processus de réconciliation. À l’heure actuelle, comme je l’ai dit, le système d’accès à l’information est submergé de demandes d’accès. Les unités d’AIPRP ne disposent pas de ressources suffisantes. Il faut donc trouver un autre moyen — hormis le système d’accès à l’information — pour que ces renseignements soient fournis.

Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins. Ce comité a entendu un certain nombre de préoccupations concernant les difficultés d’accès à l’information : dossiers partiels, mauvaise tenue des dossiers et lacunes dans le système. On nous a parlé de difficultés liées aux barrières linguistiques et technologiques. Plusieurs témoins nous ont dit que le traitement des données est lent, laborieux et coûteux. Des témoins autochtones nous ont fait part d’un sentiment de frustration face à ces obstacles.

On a défini un certain nombre d’obstacles systémiques à la législation sur la protection de la vie privée. Vous êtes des experts dans ce domaine. Vous comprenez chacun de ces obstacles. Compte tenu de votre grande expertise, je me demande ce que vous pouvez nous dire sur les solutions systémiques.

Je vais préciser mon propos, en particulier pour M. Dufresne, quoique je m’adresse aux deux témoins. Lorsque le comité présentera son rapport final, quels changements fondamentaux du processus, quels changements législatifs fondamentaux ou quels investissements fondamentaux permettraient d’éliminer les obstacles systémiques pour fournir l’information aux survivants des pensionnats et à leur famille? Comment réduire ou éliminer ces obstacles? On les a bien cernés.

Vous avez déjà fait quelques suggestions. Je ne m’attends pas à ce que vous répondiez à la question en entier aujourd’hui, mais j’aimerais vraiment connaître votre expertise, car je sais que vos deux organisations ont beaucoup consulté les Autochtones afin de créer un processus transparent et accessible. Je pense qu’il serait très utile que vous nous fassiez part de vos idées sur les changements législatifs qui doivent être apportés, ainsi que sur les changements de processus qui doivent être effectués et sur les investissements qui pourraient être réalisés pour accélérer la mise en place d’une solution. Merci.

M. Dufresne : Je pourrais commencer, sénateur Arnot. Merci de votre question.

Je pense qu’il y a un certain nombre d’éléments. Vous avez parlé des ressources, et je pense qu’il s’agit évidemment d’un élément important pour faire en sorte que mon bureau — et, j’en suis convaincu, celui de la commissaire Maynard — ait la capacité et les ressources nécessaires pour répondre rapidement aux demandes, pour mener un travail plus proactif et pour dialoguer davantage avec les Autochtones, ainsi qu’avec les institutions gouvernementales, afin que nous puissions prévenir les situations fâcheuses, renseigner les intervenants et mettre en place des pratiques exemplaires. C’est un élément important. Il est certain que mon bureau ne dispose pas des ressources nécessaires à ce stade.

La modernisation de la Loi sur la protection des renseignements personnels est importante. Je recommande au comité de prendre connaissance du rapport du ministère de la Justice et de la récente consultation des partenaires autochtones. J’ai mis l’accent sur un certain nombre de choses, notamment sur la possibilité d’une disposition de déclaration d’objet soulignant l’objectif de la réconciliation avec les Autochtones en tant qu’élément d’interprétation de la loi. Voilà un élément dont je pourrais me charger volontiers, mais le fait de l’inclure dans le préambule renforcerait assurément cet aspect.

En ce qui concerne la terminologie relative à la divulgation, des mises à jour pourraient s’avérer nécessaires pour savoir avec qui et à quelles fins, ainsi que des mécanismes de protection des renseignements personnels pour permettre les échanges avec mon bureau et les organisations autochtones. En ce qui concerne les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, j’ai demandé qu’elles deviennent une obligation légale dans de nombreux cas, puisqu’elles apportent de la rigueur et de la discipline.

La nécessité et la proportionnalité en tant qu’élément d’interprétation de la Loi sur la protection des renseignements personnels encadrent le droit fondamental et l’intérêt public de manière appropriée. Vous avez entendu la commissaire Maynard dire qu’elle avait le pouvoir de rendre des ordonnances. Je ne dispose pas de ce pouvoir à l’heure actuelle dans le cadre de la législation sur la protection de la vie privée, et il s’agirait d’un élément important. Je m’en tiendrai là pour le moment. Merci.

Mme Maynard : Je suis d’accord avec M. Dufresne sur tout ce qu’il a dit. En ce qui concerne mon bureau, nous ne gérons généralement pas des dossiers de protection de la vie privée ou des renseignements personnels. Les demandes portent principalement sur de l’information que le gouvernement détient en lien avec les peuples autochtones, mais pas nécessairement pour eux. J’ai remarqué que la loi ne prévoit pas de dérogation dans l’intérêt public, et le gouvernement oublie souvent, par exemple, dans ce cas en particulier, que le ministre de la Justice ou le ministre des Relations Couronne-Autochtones ont promis de communiquer plus ouvertement l’information. Nous avons encore de la difficulté dans ce domaine. L’obtention de plus d’avis juridiques est sans contredit nécessaire, même si une protection s’applique. La loi prévoit un pouvoir discrétionnaire, mais je peux vous dire qu’il n’a jamais été utilisé. J’encourage toujours les institutions à faire preuve de plus d’ouverture, surtout dans le cas de renseignements historiques. Un certain pouvoir discrétionnaire devrait être utilisé, mais il ne l’est pas.

Les conversations à ce sujet avec ces ministres doivent se poursuivre, et je le ferai.

Le sénateur Arnot : J’aimerais vous demander de soumettre vos réponses à mes questions par écrit. Vos observations sont extrêmement utiles parce qu’elles vont au cœur du sujet. L’idée selon laquelle la question doit être placée dans le contexte de la réconciliation me plaît beaucoup. Après tout, c’est un aspect tellement pertinent pour la réconciliation, qui est en fait un obstacle à celle-ci dans sa forme actuelle.

Toutes les observations soumises par écrit nous seront très utiles pour formuler des recommandations. Merci.

La sénatrice Coyle : Le sénateur Arnot a vraiment ciblé le cœur du problème. Je le remercie de sa question sur les solutions systémiques et je vous remercie de vos réponses très utiles. J’abonde dans le même sens que lui : si vous avez des observations supplémentaires à soumettre par écrit, nous serions très heureux de les lire. Nous pourrions y donner suite. Merci.

Je remercie les deux commissaires d’être ici aujourd’hui. Je salue le travail que vous faites et celui de vos équipes importantes. Je peux m’imaginer à quel point vous êtes sollicités, particulièrement en cette époque où nous voulons tous savoir tout, tout de suite, et où il est important pour les gens de recevoir l’information dont ils ont besoin, et c’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui.

Madame Maynard, vous avez mentionné que vous participez aux enquêtes sur les plaintes, y compris celles qui concernent les pensionnats autochtones. Toutefois, vous avez aussi précisé, si j’ai bien compris, que vous ne jouez pas de rôle dans le processus de transfert de l’information au Centre national pour la vérité et la réconciliation. J’aurais deux questions pour vous.

D’abord, pourriez-vous nous donner une idée du volume et des types de plaintes que vous recevez? Ensuite, après avoir géré ces plaintes, si des renseignements doivent être transmis, mais que ce processus dépasse votre mandat, quelle est la prochaine étape?

Mme Maynard : Je reçois peu de plaintes à ce sujet, mais elles sont très précises et portent généralement sur les délais. Les gens demandent l’information, mais ne la reçoivent pas dans un délai raisonnable.

En ce moment, il y a quatre enquêtes en cours : deux sur les délais et deux sur les exceptions. C’est un autre enjeu. La culture du gouvernement privilégie souvent la protection de l’information au lieu de la donner librement. Comme je l’ai dit plus tôt, c’est notamment le cas d’avis juridiques plus anciens qui ont été protégés et que nous tentons d’amener le gouvernement à remettre aux peuples autochtones.

Je peux seulement ordonner ou recommander la communication de l’information; ce sont les institutions qui l’ont entre les mains. Je n’ai pas le pouvoir de communiquer l’information. J’y ai accès et je peux dire aux institutions si j’accepte ou non les exceptions qui ont été invoquées, si je suis d’avis que cette question devrait être utilisée ou, si les délais sont déraisonnables, je peux ordonner — en ce moment — la communication de l’information dans un délai précis, et c’est ce que nous faisons. Toutefois, ce sont toujours les institutions qui détiennent l’information, et elles sont responsables de la transmission ou de la communication.

La sénatrice Coyle : Est-ce à dire que vous pouvez toutefois ordonner aux institutions de transférer l’information?

Mme Maynard : Je peux ordonner aux institutions de communiquer l’information aux plaignants qui en avaient fait la demande.

La sénatrice Coyle : Merci.

Le président : Je reviens à vous, madame Maynard. Vous avez suggéré un accès non officiel aux documents. Êtes-vous au courant d’un processus qui permet aux peuples autochtones d’accéder aux documents de cette façon ou avez-vous une idée de la forme qu’il pourrait prendre?

Mme Maynard : Je sais qu’il existe des ententes avec des ministères permettant un accès à l’information sur les traités, mais je ne pense pas que cela fonctionne très bien. Même dans le cas d’une divulgation informelle, il y a beaucoup de frustration. Les documents sont toujours détenus par le gouvernement; il y a donc aussi un problème de confiance. À la vue de l’information qui est communiquée et des passages qui sont caviardés, des questions sautent à l’esprit : qu’ont-ils à cacher? Y a-t-il quelque chose que je devrais savoir?

Il devrait certainement y avoir un mécanisme de médiation dans ce contexte ou une meilleure compréhension du type d’information qui est détenue par le gouvernement — qui est sous son contrôle — afin que les gens aient l’assurance de recevoir tous les renseignements auxquels ils ont droit.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Hartling : Je remercie les témoins d’être ici. Je vais poser une question très simple parce que des gens à l’écoute ne sont peut-être pas au courant. Pouvez-vous me dire quand la Loi sur la protection des renseignements personnels est entrée en vigueur et quelles étaient les motivations derrière son adoption? A-t-elle déjà été modifiée ou modernisée? Bien des choses ont changé. J’ai l’impression que si j’étais une personne autochtone qui tentait d’obtenir de l’information, je trouverais tout ce vocabulaire plutôt complexe. Pourriez-vous nous faire un bref historique de la loi?

M. Dufresne : Bien sûr. La Loi sur la protection des renseignements personnels a été adoptée au début des années 1980 — je pense que c’était en 1983. C’est une vieille loi. Elle doit assurément être modernisée en raison d’un certain nombre de circonstances, y compris le besoin de réconciliation, mais aussi des percées technologiques. Elle se concentre vraiment sur les droits individuels, les choix individuels et l’identité individuelle.

L’une des observations qui sont ressorties des consultations du ministère de la Justice auprès des partenaires autochtones portait sur le sujet suivant : qu’en est-il des droits collectifs et devraient‑ils être inclus dans l’interprétation de la Loi sur la protection des renseignements personnels? En ce moment, ce n’est pas le cas. La loi se concentre sur l’information individuelle. Il y a peut‑être lieu de se questionner sur l’intégration de cet aspect. Comment prendre en compte ces droits collectifs? Des principes d’interprétation liés à la réconciliation pourraient être une voie à suivre. On pourrait aussi avoir recours à d’autres types de définitions.

Cela dit, encore une fois, les mesures législatives sur la protection des renseignements personnels ne doivent pas s’appliquer au détriment de l’intérêt public. Par exemple, l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit que, en cas de raisons d’intérêt public suffisamment importantes, le responsable de l’institution peut communiquer l’information si elles justifient nettement une éventuelle violation de la vie privée.

On pourrait mieux faire connaître cette disposition et déterminer ces raisons d’intérêt public, y compris l’importance de la réconciliation. Cela dit, il ne fait aucun doute que les lois en matière de protection des renseignements personnels dans le secteur public doivent être modernisées et je salue les efforts que le ministère de la Justice déploie dans ce dossier, notamment sous la forme d’engagements et de consultations. Ces mesures doivent toutefois aboutir à un projet de loi présenté au Parlement.

La sénatrice Hartling : Cette réponse est utile. Merci beaucoup.

Le président : Madame Maynard, vous avez parlé d’anciens avis juridiques qui pourraient, espérez-vous, être divulgués. Êtes‑vous en mesure de fournir de plus amples renseignements?

Mme Maynard : Malheureusement, je ne peux divulguer aucun des renseignements que nous obtenons au cours de notre enquête. Nos enquêtes sont confidentielles, mais je peux vous dire que nous avons eu des discussions avec les ministres concernés, et qu’ils ont promis, y compris lors de conférences de presse, qu’ils seront plus ouverts à la divulgation de ce genre de renseignements à des fins de réconciliation. Malheureusement, je ne vois pas… Comme M. Dufresne l’a dit, parfois, il y a beaucoup de bonne volonté, mais les actes ne suivent pas. Nous continuons à avoir des difficultés, parfois, en ce qui concerne ce genre de renseignements.

Le président : Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : J’aimerais revenir sur ce que vous venez de dire, commissaire Maynard. Je crois que c’est quelque chose que vous aviez déjà mentionné. Vous avez dit que, même s’il y a de la bonne volonté, les actes ne sont peut-être pas à la hauteur de cette bonne volonté.

Je crois que vous avez parlé de certains des obstacles qui ont tendance à être… Vous avez mentionné le gouvernement. Je présume que vous voulez dire les gens qui, dans la fonction publique, gardent ou protègent les renseignements qui sont sous leur contrôle.

L’un d’entre vous — probablement plutôt vous, commissaire Maynard — pourrait-il parler de ce qui doit être fait, non seulement du point de vue de la réglementation, mais aussi par un changement de culture, pour obtenir le concours de ces personnes qui sont en première ligne, en contact avec le public, pour leur donner le pouvoir d’agir et les y encourager quand elles font face aux clients qui nous occupent, qui sont à la recherche de ces renseignements, parce que ce point est très important pour les personnes, les communautés et les organismes autochtones.

Que savez-vous, ou que suggéreriez-vous de faire, dans la mesure où vous le pouvez, pour faciliter le passage d’une culture de protection — de toute évidence, il faut un certain degré de protection; je suis sûre que le commissaire à la protection de la vie privée peut en attester — à une culture de volonté d’ouverture et de dialogue, et pour trouver des moyens créatifs d’obtenir les renseignements dont les gens ont désespérément besoin?

Mme Maynard : Comme vous le savez, un changement de culture est une tâche considérable. Sans l’adhésion du gouvernement, la meilleure mesure législative ne produit pas d’effets. Par exemple, la Loi sur l’accès à l’information a été adoptée en 1983, dans l’idée qu’elle permettrait l’accès à l’information et que des exceptions et exclusions limitées seraient adoptées. Cependant, je pense qu’elle a souvent été mise en œuvre dans la perspective inverse. On considère les renseignements et on se dit : « Qu’est-ce que je ne peux pas divulguer? » plutôt que « Que faut-il divulguer? »

Nous avons sans aucun doute besoin de bons leaders dans la fonction publique qui croient en un gouvernement ouvert et qui donnent des lignes directrices et des objectifs clairs dans leur ministère. J’ai vu des ministères où cela fonctionne. Quand les dirigeants des ministères envoient des lignes directrices claires et donnent à leur équipe chargée de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels un pouvoir discrétionnaire ou le pouvoir de limiter les exclusions, des renseignements sont divulgués. Toutefois, c’est ce qu’il nous faut partout, et cette cohérence fait défaut. De toute évidence, cela vient d’en haut, et si les dirigeants croient à l’ouverture et à la transparence, avec la divulgation proactive de plus de renseignements sur leur site Web, nous ne devrions pas avoir à obtenir l’accès aux renseignements. Une demande d’accès à l’information devrait être le dernier recours pour obtenir des renseignements; les renseignements devraient être donnés aux Canadiens. Ils appartiennent aux Canadiens.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie. Votre réponse a été très utile.

Le président : S’il y a d’autres questions, elles peuvent être posées. Sinon, le temps alloué à ce groupe de témoins est maintenant écoulé. Encore une fois, je tiens à remercier les témoins de s’être joints à nous aujourd’hui. Si vous souhaitez présenter un mémoire subséquemment, veuillez le faire parvenir par courriel à la greffière dans les sept jours.

Nous allons maintenant passer à notre deuxième groupe de témoins. Le prochain témoin se joint à nous par vidéoconférence. Nous accueillons Lorri Thacyk, vice-présidente, Communications et relations publiques, eHealth Saskatchewan, gouvernement de la Saskatchewan. Wela’lin de vous joindre à nous aujourd’hui. J’invite maintenant Mme Thacyk à faire sa déclaration liminaire de cinq minutes, qui sera suivie d’une période de questions et réponses avec les sénateurs.

Lorri Thacyk, vice-présidente, Communications et relations publiques, eHealth Saskatchewan, gouvernement de la Saskatchewan : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je comparais aujourd’hui depuis le territoire du Traité no 4, le territoire traditionnel des Cris, des Saulteaux, des Dakotas, des Lakotas et des Nakotas, et la patrie traditionnelle des Métis.

Les registres de santé et l’état civil relèvent de mes attributions. Malheureusement, la registraire de Vital Statistics n’a pas pu se joindre à nous aujourd’hui.

En Saskatchewan, sous la direction du ministre de la Santé et d’eHealth Saskatchewan, la registraire de Vital Statistics est responsable de l’administration et de l’application de la loi, du fonctionnement du registre et de la protection des dossiers de Vital Statistics. Tous les dossiers de l’état civil, y compris les actes de décès, sont considérés comme des dossiers permanents.

Notre organisme est conscient du travail important que font la commission et ce comité en attirant l’attention sur la question des enfants pris en charge qui sont morts dans les pensionnats autochtones. Nous savons qu’il s’agit d’un élément important de la réconciliation.

Comme il est mentionné dans le mémoire que nous avons présenté, en Saskatchewan, les décès n’étaient pas enregistrés d’une manière permettant de déterminer qu’une personne résidait dans un pensionnat autochtone au moment de son décès.

En janvier 2014, pour faire avancer le projet portant sur les enfants disparus, la Commission de vérité et réconciliation a demandé à Saskatchewan Vital Statistics de fournir tous les documents pertinents concernant la mort d’enfants autochtones. Au moment où cette demande a été présentée, Vital Statistics a fait savoir que seuls les documents datant de 1898 à 1943 pourraient être divulgués en vertu de la loi, car ces documents étaient considérés comme généalogiques. Autrement dit, 70 années s’étaient écoulées depuis l’année civile au cours de laquelle le décès était survenu. Les documents à compter de 1944 étaient des documents protégés qui ne pouvaient être communiqués qu’aux personnes admissibles, conformément à la Loi de 2009 sur les services de l’état civil, et la commission n’était pas admissible.

En réponse à la demande de 2014, un grand projet a été entrepris dans le cadre duquel six membres du personnel ont examiné manuellement les dossiers de décès pendant huit mois. Ils ont examiné 225 000 dossiers de décès. Au début de 2015, Saskatchewan Vital Statistics a fourni des renseignements sur le décès d’environ 19 000 enfants morts entre 1898 et 1943 inclusivement. Les renseignements comprenaient le nom de famille, les prénoms, la date du décès, le lieu du décès, l’âge au moment du décès, le sexe et le numéro d’enregistrement de l’acte. Encore une fois, ces dossiers n’identifiaient pas précisément les enfants décédés alors qu’ils étaient pris en charge dans un pensionnat autochtone. Il s’agissait de tous les enfants décédés en Saskatchewan entre 1898 et 1943 inclusivement. En 2015, une demande d’inclure la cause du décès est également parvenue. Cependant, il n’y avait pas d’autorité légale pour fournir ce renseignement.

Selon les informations que nous avions lorsque la Saskatchewan a fait sa présentation devant le comité, le Centre national pour la vérité et la réconciliation, ou CNVR, n’était pas en mesure de fournir une liste des enfants qui étaient dans les pensionnats en Saskatchewan. Le constat était donc que, pour obtenir des dossiers supplémentaires, il faudrait d’abord qu’eHealth Saskatchewan rende publics tous les décès d’enfants de 1944 jusqu’à la date de la fermeture du dernier pensionnat en Saskatchewan. Cela soulève cependant certaines préoccupations en matière de protection de la vie privée, vu que la plupart de ces dossiers sont toujours protégés.

En prévision de sa comparution, eHealth Saskatchewan a cherché à obtenir l’avis d’experts sur la question de la divulgation des dossiers. Bien qu’il ne soit pas responsable de l’administration de la Loi de 2009 sur les services de l’état civil, le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan a déclaré que la divulgation de l’ensemble des actes de décès d’enfants ne serait pas conforme aux principes du besoin de savoir et de la minimisation des données, et que cela risquerait d’entraîner une atteinte à la vie privée. Les juristes ont exprimé des préoccupations semblables.

La divulgation de l’ensemble des dossiers sur les décès d’enfants dépasse la portée de ce que demande le Centre national pour la vérité et la réconciliation. En 2016, la Loi de 2009 sur les services de l’état civil a été modifiée pour inclure une disposition facultative permettant au ministre de la Santé, sous réserve de l’approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, de divulguer des renseignements sur les statistiques de l’état civil dans des circonstances uniques, comme la demande de la Commission de vérité et réconciliation. Bien que le ministre ait ce pouvoir dans le contexte du respect du principe de la protection de la vie privée, il faudrait obtenir plus d’information du Centre national pour la vérité et la réconciliation — par exemple, le prénom et le nom de famille, la date de naissance et de décès, et le nom des parents de ces enfants. Nous pourrions ainsi resserrer les paramètres de recherche.

Suite à la comparution du coroner en chef de la Saskatchewan devant le comité le 7 février dernier, eHealth Saskatchewan a pris connaissance de la liste de noms d’élèves par pensionnat qui se trouve sur le site Web du Centre national pour la vérité et la réconciliation. L’examen de ces listes est commencé.

Saskatchewan Vital Statistics est disposé à divulguer d’autres dossiers généalogiques, comme on l’avait fait dans le cas du projet des enfants disparus. Cela permettrait la divulgation de tous les actes de décès d’enfants remontant à 70 ans et plus, donc les dossiers de 1944 jusqu’à 1954 inclusivement. Cet effort nécessiterait des ressources supplémentaires pour passer au peigne fin quelque 70 000 dossiers et en verser les données dans des feuilles de calcul. Ces dossiers ne permettraient cependant pas d’identifier les enfants qui sont décédés dans un pensionnat autochtone.

Saskatchewan Vital Statistics serait disposé à discuter de l’éventuelle portée de la divulgation de dossiers protégés supplémentaires et du processus que cela impliquerait, advenant bien sûr que nous réussissions à resserrer les paramètres de recherche et garantir la protection de la vie privée de ceux qui ne souhaiteraient pas nécessairement être inclus dans l’information recherchée. Voilà qui met fin à ma présentation.

Le président : Merci, madame Thacyk. Passons maintenant aux questions des sénateurs.

Le sénateur Arnot : Merci, madame Thacyk, d’être venue aujourd’hui pour nous parler de cette question. Le comité a souvent entendu parler d’obstacles systémiques. Vous avez mis le doigt sur certains de ces obstacles systémiques dans votre déclaration liminaire.

J’ai deux questions pour vous. D’abord, croyez-vous qu’il est possible pour votre organisation et d’autres organismes de la Saskatchewan, comme Vital Statistics, d’aller au-delà de leur mandat législatif et de surmonter d’autres obstacles pour travailler en partenariat avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation dans le but d’obtenir tous les dossiers et toute l’information nécessaires — bref, pour faire toute la lumière sur la question?

La réconciliation est l’objectif fondamental, et il y a toutes sortes d’obstacles systémiques. Quelles solutions systémiques proposez-vous — solutions que nous pourrions inclure dans notre rapport — pour faire avancer la cause de l’élimination ou la réduction des obstacles qui empêchent d’obtenir les dossiers sur les pensionnats?

Mme Thacyk : Je dirais que la Saskatchewan est entièrement disposée à collaborer et à discuter davantage avec le comité au sujet de la divulgation d’information. La loi actuelle est sans équivoque sur la protection des renseignements, comme l’ont d’ailleurs fait remarquer d’autres témoins. Nous sommes contraints par les paramètres en place.

Le sénateur Arnot : Quelles modifications législatives recommanderiez-vous pour éliminer ces obstacles? Si je comprends bien, la loi est un obstacle. Il faudrait la modifier pour atteindre l’objectif de trouver la vérité et de promouvoir la réconciliation, ce qui est d’ailleurs toute la raison d’être du processus. J’aimerais donc savoir, selon vous, quelles modifications législatives vous aideraient, vous et votre organisation, à honorer l’esprit et la fonction de la réconciliation.

Mme Thacyk : Je pense que le plus gros problème pour nous en Saskatchewan, quel que soit le libellé de la loi, c’est l’impossibilité d’identifier exclusivement les enfants qui étaient confiés à un pensionnat lorsqu’ils sont décédés. Ce genre d’information ne figure tout simplement pas sur les actes de décès que nous avons. Donc, quelles que soient les modifications que l’on apporte à la loi, le plus gros facteur demeurera notre capacité à cerner ce groupe d’enfants en particulier.

Le président : Madame Thacyk, vous avez dit tantôt que la loi de la Saskatchewan sur la protection de la vie privée contient une disposition facultative qui s’applique dans certaines circonstances uniques. Êtes-vous en mesure de confirmer que le ministre ou son ministère travaille en collaboration avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation pour invoquer cette disposition facultative et transférer l’ensemble des dossiers manquants en toute priorité?

Mme Thacyk : Comme je le mentionnais dans mon allocution, nous sommes tout à fait disposés à entretenir de telles discussions sur le resserrement des paramètres. Je mentionnais aussi dans mon allocution que la protection de la vie privée serait la préoccupation dominante si l’ensemble des dossiers, jusqu’à la date de la fermeture du dernier pensionnat, devait être divulgué, mais nous serions entièrement disposés à en parler davantage si nous recevons des renseignements supplémentaires nous permettant de resserrer ces paramètres, ce qui nous éviterait de divulguer des dossiers protégés et de porter atteinte à la vie privée d’autrui.

Le président : Merci.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à vous d’être parmi nous aujourd’hui et de nous avoir fourni toute cette information. Nous cherchons tous à trouver une façon de résoudre ce problème d’accès aux dossiers — comme vous l’avez fait remarquer, ceux-ci font l’objet de certaines restrictions — tout en établissant une correspondance entre ces dossiers et l’information que vous avez dans le but ultime d’obtenir les dossiers nécessaires sans porter atteinte à la vie privée d’autrui. C’est ce que je cherche à comprendre. Je ne suis pas une experte en information ni en dossiers santé. J’aimerais comprendre ce que cela prendrait. Comment pensez-vous qu’il faudrait s’y prendre?

Ma deuxième question porte sur le projet d’envergure dont vous avez parlé, qui consistait à analyser 225 000 actes de décès couvrant la période voulue et à identifier 19 000 enfants en particulier. Vous avez bien mentionné que le lieu de décès était précisé dans ces dossiers. Vous avez également indiqué qu’il n’y avait pas moyen de savoir quand le décès a eu lieu dans un pensionnat. Mais si le lieu de décès était, par exemple, un pensionnat, cela ne figurerait pas dans l’acte de décès? Ce sont les deux questions que j’ai.

Mme Thacyk : Je vais commencer par répondre à votre dernière question. Je devrai peut-être vous demander de répéter la première. Pour répondre à la dernière question, le lieu du décès consigné correspondrait en général à une localité. Dans certains cas, il peut s’agir d’un hôpital, mais il est plus probable qu’il s’agisse d’une localité. Il ne renverrait pas à une école précise.

La sénatrice Coyle : Donc, il correspond à une collectivité. Par exemple, si un jeune est décédé dans un pensionnat, le lieu du décès consigné dans le dossier pourrait être la municipalité dans laquelle se situe ce pensionnat ou une collectivité située à proximité de celui-ci, c’est bien cela?

Mme Thacyk : C’est ce que je comprends, en effet.

La sénatrice Coyle : D’accord. La première question visait simplement à obtenir un peu plus de détails pour nous aider à bien comprendre, étant donné l’importance primordiale de la réconciliation, comme l’a dit mon collègue, le sénateur Arnot, ainsi que le besoin catégorique des communautés et des familles des Premières Nations de trouver de la documentation sur les enfants décédés. Nous savons que le Centre national pour la vérité et la réconciliation possède des données sur de nombreux pensionnats et les enfants qui les ont fréquentés. Y a-t-il une façon de faire un rapprochement entre les données existantes sur les élèves des pensionnats et les actes de décès en votre possession pour, en quelque sorte, les jumeler sans porter atteinte à la confidentialité de votre base de données générale? Il s’agirait simplement de trouver des correspondances entre vos actes de décès et la liste des enfants ayant fréquenté les pensionnats de la Saskatchewan.

Mme Thacyk : Je crois certainement que plus nous avons de renseignements, mieux c’est. Si on nous fournissait plus de renseignements pour faciliter la comparaison ou le jumelage, comme vous le décrivez, nous envisagerions certainement cette possibilité. La Loi sur les services de l’état civil est très stricte à savoir qui peut recevoir l’information. L’accès est limité au conjoint de l’individu en cause, à ses parents, à ses enfants adultes, aux personnes ayant reçu une autorisation de sa part et au représentant légal de sa succession.

Certes, si nous pouvions réduire la portée, le ministre pourrait exercer son pouvoir discrétionnaire. Cela nécessiterait un décret, ainsi que l’autorisation du lieutenant-gouverneur. Quoi qu’il en soit, nous serions ouverts à cette possibilité si nous pouvions réduire la portée.

La sénatrice Coyle : J’ai deux autres questions. Si la nation dont l’enfant était membre demandait cette information, je présume que vous accepteriez ce genre de demande?

Mme Thacyk : C’est possible. Il me faudrait vérifier auprès d’une personne qui possède une plus grande expertise juridique que moi concernant les tenants et les aboutissants de la loi.

La sénatrice Coyle : Vous l’avez peut-être déjà mentionné, mais si oui, cela m’a échappé. La cause du décès serait-elle également incluse dans les documents que vous possédez? Pourrait-elle être communiquée?

Mme Thacyk : Elle serait consignée dans les actes de décès, mais le libellé actuel de la loi nous empêche de communiquer cette information.

La sénatrice Coyle : Quelles que soient les circonstances?

Mme Thacyk : Le comité a présenté une demande en 2015, et il a été jugé inadmissible à recevoir cette information. Si la demande venait d’une personne autorisée, je crois que ce serait permis.

La sénatrice Coyle : Pourriez-vous décrire plus en détail ce qu’on entend par personne autorisée?

Mme Thacyk : Je l’ai mentionné brièvement tout à l’heure. Aux termes de la loi, c’est une personne jugée admissible à recevoir l’information contenue dans un acte protégé. Comme je l’ai dit, il s’agit du conjoint de l’individu en cause, de ses parents, de ses enfants adultes, des personnes ayant reçu une autorisation de sa part ou du représentant personnel de sa succession.

La sénatrice Coyle : Merci.

Le sénateur Arnot : Madame Thacyk, j’ai une question complémentaire à celles de la sénatrice Coyle. Vous dites que le gouvernement de la Saskatchewan est ouvert à tenir beaucoup de discussions pour, essentiellement, faciliter la réconciliation. Vu les lacunes et les obstacles qui, à l’heure actuelle, empêchent le rapprochement entre la liste des enfants ayant fréquenté les pensionnats et les dossiers de Vital Statistics en Saskatchewan, croyez-vous qu’un nouvel accord s’impose? Selon vous, serait-il nécessaire de créer une base de donnés pancanadienne pour faciliter ou rendre automatique la conformité à la loi à plus grande échelle?

Mme Thacyk : Une base de données pancanadienne serait probablement très utile, mais je ne suis ni en mesure ni autorisée à recommander une telle mesure au nom du gouvernement de la Saskatchewan. Cela dit, il est certain que tout ce qui pourrait aider les gens à obtenir des réponses à leurs questions est une bonne chose.

Le sénateur Arnot : J’aimerais connaître votre opinion personnelle. Vous travaillez à ce dossier depuis longtemps. Vous connaissez les problèmes et constatez les obstacles. Je ne vous demande pas de vous exprimer au nom du gouvernement de la Saskatchewan, mais plutôt en fonction de votre expérience personnelle. Je suis convaincu que vous avez vécu des frustrations dans la gestion de ce dossier. C’est naturel pour quiconque se heurte à ce genre d’obstacles.

Mme Thacyk : Non, je comprends la frustration des gens. Nous devons, effectivement, travailler conformément aux pouvoirs qui nous sont conférés et aux lois qui nous gouvernent.

Le président : S’il n’y a plus de questions, cela conclut le témoignage.

Je remercie encore une fois Mme Thacyk de s’être jointe à nous aujourd’hui. Si vous désirez présenter d’autres observations, veuillez les soumettre par courriel à la greffière dans les sept jours.

(La séance est levée.)

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