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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 30 octobre 2025

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 10 h 30 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier, afin d’en faire rapport, les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique.

Le sénateur Peter M. Boehm (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je m’appelle Peter Boehm. Je suis un sénateur de l’Ontario et je suis président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

[Traduction]

J’aimerais demander aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur Adler : Charles Adler, du Manitoba.

[Français]

La sénatrice Gerba : Amina Gerba, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, du Cap-Breton en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Ravalia : Bonjour. Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve et Labrador. Bienvenue au comité.

La sénatrice Ataullahjan : Bonjour, et bienvenue au comité. Salma Ataullahjan, de l’Ontario.

Le sénateur Wilson : Bonjour. Duncan Wilson, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Coyle : Bienvenue. Mary Coyle, d’Antigonish en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Al Zaibak : Mohammad Al Zaibak, de l’Ontario.

La sénatrice M. Deacon : Bonjour. Marty Deacon, de l’Ontario.

[Français]

Le président : Bienvenue à tous et à toutes, chers collègues, ainsi qu’à tous les Canadiens et Canadiennes qui nous regardent sur ParlVu aujourd’hui.

[Traduction]

Chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui pour conclure notre étude sur les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique, que nous avons commencée lors de la dernière législature.

Nous accueillons, pour notre première heure d’audience, quatre hauts fonctionnaires du ministère des Affaires mondiales : Mme Cheryl Urban, sous-ministre adjointe, secteur de l’Afrique, M. Andrew Smith, directeur général, direction générale des affaires panafricaines, M. Ryan Clark, directeur général, direction générale de l’Afrique centrale, du Sud et de l’Est, et Mme Susan Steffen, directrice générale, direction générale de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb.

Bienvenue à chacun et chacune d’entre vous. Ce n’est pas la première fois que vous venez échanger avec nous, car nous nous sommes intéressés à l’Afrique lors de la dernière législature aussi. Merci de nous faire profiter de votre expertise encore une fois.

Avant de passer à la déclaration liminaire de Mme Urban et à un échange avec les sénateurs, je demanderais à tous les participants de mettre leurs appareils en sourdine. Cela a occasionné quelques problèmes lors de la séance d’hier, à la fois pour le personnel technique et nos interprètes. Comme d’habitude, je vous prie de suivre les consignes sur l’utilisation de l’oreillette, de façon à éviter des retours de son et des problèmes techniques. Vous verrez ces consignes sur les cartes devant vous.

Madame Urban, nous sommes prêts pour votre déclaration liminaire. Les sénateurs auront ensuite l’occasion de vous poser des questions. Nous aurons un échange avec deux de nos ambassadeurs en seconde moitié de réunion. Ils vont suivre notre discussion, sans toutefois prendre la parole.

Madame Urban, vous avez la parole.

[Français]

Cheryl Urban, sous-ministre adjointe, Secteur de l’Afrique, Affaires mondiales Canada : Monsieur le président, honorables sénatrices et sénateurs, en tant que sous-ministre adjointe, Secteur de l’Afrique, à Affaires mondiales Canada, je suis heureuse de m’adresser à vous ce matin au sujet de l’engagement du Canada en Afrique et des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Stratégie du Canada pour l’Afrique depuis son lancement en mars dernier.

[Traduction]

Beaucoup de choses ont changé depuis la publication de la Stratégie, notamment l’augmentation des turbulences économiques mondiales et l’élargissement des fractures géopolitiques. En réponse à cette situation, le gouvernement du Canada recentre son engagement international sur le renforcement de la collaboration avec des partenaires commerciaux fiables et sur la protection de la souveraineté canadienne.

L’un des résultats clés de ces efforts sera la diversification des relations commerciales et le renforcement des partenariats économiques avec des pays du monde entier.

[Français]

La Stratégie du Canada pour l’Afrique s’inscrit pleinement dans ces priorités et est bien positionnée pour les faire progresser. Elle vise à renforcer l’engagement du Canada envers l’Afrique par une coopération économique accrue, des partenariats consolidés en matière de paix et de sécurité, une mobilisation élargie des communautés de la diaspora africaine au Canada, ainsi qu’une aide internationale visant à réduire la pauvreté et soutenant le développement économique et l’emploi des jeunes.

La Stratégie du Canada pour l’Afrique reconnaît le continent comme une région de possibilités dans la réalisation des priorités internationales du Canada, un continent qui abrite certaines des économies les plus dynamiques, une classe moyenne en pleine expansion et une population jeune, capable de stimuler l’innovation et l’entrepreneuriat.

[Traduction]

Pour mettre en œuvre notre stratégie, nous avançons sur plusieurs fronts. Grâce à la nomination de deux nouveaux envoyés spéciaux, nous sommes mieux représentés sur le continent et nous y avons des liens plus étroits avec les principaux décideurs.

M. Ben Marc Diendéré, envoyé spécial pour l’Afrique, et M. Marcel Lebleu, envoyé spécial pour le Sahel, vont se joindre à vous un peu plus tard pour vous expliquer leurs fonctions et le travail qu’ils font depuis plusieurs mois.

Nous établissons un haut-commissariat en Zambie et une ambassade au Bénin afin de resserrer nos relations diplomatiques et commerciales sur le continent.

Nous avons mis sur pied un pôle commercial pour l’Afrique, qui coordonne nos relations économiques et commerciales sur l’ensemble du territoire africain. En coordination avec nos missions canadiennes sur le terrain, ce pôle soutient le secteur privé canadien et la politique commerciale du Canada, y compris les négociations avec la Zambie et la Tanzanie relatives à un accord sur la protection et la promotion des investissements étrangers.

Le Canada a également créé un nouveau programme de commerce et développement pour l’Afrique, estimant nécessaire de passer de relations d’aide traditionnelle à des partenariats économiques étroits. Ce programme a permis au haut-commissariat du Canada au Kenya d’organiser le Carrefour commerce-développement, qui a lieu à Ottawa cette semaine. Ce carrefour met en relation des organisations de développement avec des entreprises canadiennes qui veulent faire des affaires en Afrique et dans d’autres marchés en développement.

Les investissements dans le commerce et le développement s’appuient sur l’adhésion de longue date du Canada à la Zone de libre-échange continentale africaine, à laquelle ont contribué le Centre africain pour la politique commerciale, situé à la Commission économique pour l’Afrique de l’ONU, et des partenaires canadiens tels que le Bureau de promotion du commerce et le consortium dirigé par le Centre pour les politiques et le droit commercial de l’Université Carleton. Ce consortium fournit une expertise technique et stratégique pour la mise en œuvre de la Zone de libre-échange.

Nous continuons à investir dans la réduction de la pauvreté. C’est en renforçant le pouvoir d’agir de groupes marginalisés que les collectivités peuvent réaliser tout leur potentiel. La transparence des institutions contribue à la confiance et la stabilité, et la cohésion sociale, à la croissance de l’activité économique.

Nous avons continué à renforcer notre collaboration avec la Commission de l’Union africaine, principale organisation multilatérale de l’Afrique. Depuis la signature d’un protocole d’entente avec la Commission lors du deuxième dialogue de haut niveau en novembre dernier, nos fonctionnaires et ceux de l’Union africaine font avancer ensemble trois dossiers prioritaires : la paix et la sécurité; le commerce et le développement économique; la mobilisation de la diaspora et la coopération en matière de développement.

Nous avons en effet multiplié les contacts avec la diaspora africaine au Canada, en particulier pour soutenir des partenariats économiques et diversifier nos marchés. Depuis le début de 2025, la direction générale de l’Afrique a participé à plus de 20 initiatives dirigées par la diaspora africaine au Canada, y compris dans notre réseau de missions.

En juin, par exemple, le haut-commissariat du Canada au Ghana a tenu, aux côtés du gouvernement ghanéen et d’institutions financières, le Forum d’investissement de la diaspora ghanéenne.

Comme nous avons présidé cette année le G7 et le G20 respectivement, le Canada collabore étroitement avec l’Afrique du Sud également. Nos multiples rencontres de haut niveau au cours de la dernière année ont renforcé cette relation essentielle, permis de faire avancer nos intérêts partagés et contribué à nos sommets respectifs à Kananaskis et, dans quelques semaines, à Johannesbourg.

Pour finir, il est important de se souvenir que les voix de l’Afrique sont essentielles pour bâtir des systèmes multilatéraux qui répondent aux besoins de tous.

Le Canada a plaidé activement pour que l’Union africaine participe au G20. Nous avons invité l’Afrique du Sud au sommet du G7 et l’avons soutenue au cours de sa présidence du G20. Nous faisons avancer ensemble nos priorités communes, y compris les minéraux critiques, la réduction des risques de catastrophes et l’intelligence artificielle.

[Français]

Comme vous pouvez le constater, nous travaillons avec une attention renouvelée, portée vers la prospérité et la sécurité partagées, tout en approfondissant nos partenariats avec des partenaires africains clés et émergents.

Dans sa mise en œuvre, la Stratégie du Canada pour l’Afrique continuera de s’adapter à l’évolution du contexte mondial et aux priorités nationales.

À travers les tensions géopolitiques et l’incertitude mondiale croissante, guidé par la Stratégie du Canada pour l’Afrique, le Canada s’engage comme un partenaire fiable, dans un esprit de relations d’égal à égal et dans un contexte de bénéfice mutuel.

Je vous remercie.

Le président : J’aimerais rappeler aux sénateurs qu’ils disposent de trois minutes maximum chacun pour la première ronde, y compris les questions et les réponses.

[Traduction]

Vous savez ce que je vais dire, mais je le dis quand même. Je demanderais aux membres du comité d’être le plus concis possible, s’il vous plaît, pour que nous puissions obtenir un maximum d’information de la part des hauts fonctionnaires.

[Français]

La sénatrice Gerba : Bienvenue à tous nos témoins; c’est toujours un plaisir de vous retrouver à ce comité.

Ma question s’adresse à la sous-ministre Urban. Vous avez mentionné le lancement, en mars dernier, de la première Stratégie du Canada pour l’Afrique. J’étais présente — et je vous remercie d’ailleurs pour l’invitation. C’est une initiative que j’ai saluée, tout comme de nombreux acteurs, en particulier au sein de la diaspora africaine, qui compte près d’un million de personnes ici au Canada.

Plusieurs mois plus tard, le processus suit son cours, mais sa mise en œuvre n’est toujours pas effective. De plus, le 22 octobre dernier, dans son discours économique, le premier ministre Carney a évoqué plusieurs marchés prioritaires pour la diversification du commerce canadien, mais sans mentionner le continent africain.

Ma question est en trois volets. Avez-vous eu l’occasion de présenter cette stratégie au premier ministre? Si oui, d’après vos échanges, sentez-vous que le marché africain est réellement perçu comme une priorité pour le gouvernement? De plus, vous avez parlé de la mise en œuvre. Y a-t-il quelque chose de prévu pour cette stratégie dans le budget à venir? Merci.

Mme Urban : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice.

[Traduction]

Très rapidement. Je n’ai pas présenté cette stratégie au premier ministre moi-même. Elle a peut-être fait l’objet de discussions au niveau politique, mais je n’y ai pas participé. Je n’en ai pas une expérience personnelle.

Pour répondre à votre deuxième question, la stratégie pour l’Afrique s’inscrit dans les orientations décidées par le gouvernement, à savoir la prospérité économique canadienne et la protection de notre souveraineté. La stratégie vise à nouer des partenariats qui profitent aux deux parties et à favoriser la coopération économique.

Le gouvernement du Canada parle en effet de marchés prioritaires et évoque l’Europe dans l’Indo-Pacifique. Le premier ministre a fixé des objectifs ambitieux en matière de diversification des marchés, et le gouvernement compte tirer profit des régions où des entreprises canadiennes ont déjà une activité, mais cela n’exclut pas une plus grande coopération économique avec l’Afrique. La stratégie pour l’Afrique vise à compléter nos efforts dans ces régions et à être actif dans des marchés qui contribuent aussi à la prospérité canadienne, y compris à moyen terme.

Le président : Je suis désolé de vous interrompre. Le temps de la sénatrice est écoulé.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie d’être avec nous ce matin. J’aimerais parler un peu du rôle que le Canada a joué dans le maintien de la paix. On nous attribue le mérite d’avoir lancé et développé le concept d’une force armée de maintien de la paix à grande échelle avec les Nations unies. C’est ce que nous faisions jusque dans les années 1990. Nous étions très impliqués. Depuis, nous sommes de moins en moins présents.

Hier, j’ai reçu une personne de la République démocratique du Congo, la RDC, qui me suppliait presque de demander au Canada d’en faire plus pour le maintien de la paix. Au sujet de la nouvelle stratégie, le maintien de la paix en fera-t-il partie également?

Mme Urban : Je vous remercie beaucoup de la question. Un volet important de la stratégie pour l’Afrique est la coopération économique, mais un autre consiste à renforcer nos partenariats pour la sécurité et la paix sur le continent. Pour ce faire, nous travaillons de plus en plus avec des organisations comme l’Union africaine afin de prêter main-forte aux dirigeants africains lors des opérations de maintien de la paix. Nous savons aussi que le contexte du maintien de la paix sur le continent évolue constamment.

Je vais céder la parole à l’un de mes collègues, M. Clark, pour qu’il vous en dise plus à ce sujet.

Ryan Clark, directeur général, Direction générale de l’Afrique centrale, du Sud et de l’Est, Affaires mondiales Canada : Le Canada est toujours présent dans la mission de maintien de la paix en place dans la région des Grands Lacs au Congo et au Rwanda, la MONUSCO. Nous avons actuellement six officiers des Forces armées canadiennes et six agents de police qui sont déployés au Nord-Kivu dans la région des Grands Lacs. Notre contribution pour l’année financière 2025-2026 s’élève à environ 21 millions de dollars américains ou 29 millions de dollars canadiens. Nous continuons donc d’apporter notre soutien à cette mission.

Nous surveillons aussi attentivement la reprise des efforts de paix dans la région des Grands Lacs et y participons aux côtés de pays qui ont des vues similaires aux nôtres. Les États-Unis travaillent en très étroite collaboration avec les gouvernements de la République démocratique du Congo et du Rwanda pour essayer de créer un ensemble d’incitatifs économiques, si on veut, pour faire avancer les discussions de paix qui se tiennent en parallèle à Doha. Nous surveillons donc cela de près et nous cherchons à définir des domaines précis où le Canada pourrait contribuer à stabiliser la situation en vue d’en arriver à une paix durable.

Le sénateur Ravalia : Je remercie nos témoins d’être avec nous. C’est un plaisir de vous avoir ici, et je vous remercie aussi de tout ce que vous faites pour notre pays.

Le démantèlement de l’Agence américaine pour le développement international, la USAID, ayant entraîné une perte de financement énorme, et des réductions proportionnelles au Royaume-Uni et en l’Allemagne, le Canada peut-il jouer un rôle de chef de file en mobilisant d’autres donateurs et peut-être même accroître son aide pour répondre aux besoins qui sont importants en ce moment?

Mme Urban : Je vous remercie de la question. Vous mettez le doigt sur une réalité qui a des répercussions profondes sur le continent. La situation mondiale de l’aide internationale a beaucoup changé, y compris en Afrique. Le démantèlement de la USAID a eu des répercussions considérables pour le développement sur le continent.

Je vais commencer par dire que des pays comme le Canada ne peuvent compenser pour cette perte énorme de financement. Toutefois, des discussions internationales ont lieu sur l’aide internationale en général et sur la manière d’être le plus efficace possible. Dans le cadre de la stratégie pour l’Afrique, nous nous penchons de plus en plus sur l’utilisation de mécanismes d’aide internationale novateurs, et cela inclut utiliser le potentiel du secteur privé.

Je vais céder la parole à Andrew Smith pour qu’il vous en dise plus à ce sujet.

Andrew Smith, directeur général, Direction générale des affaires panafricaines, Affaires mondiales Canada : Je vous remercie. Pour rendre l’aide internationale plus efficace, dans un contexte, comme vous le savez, où l’aide diminue, la stratégie pour l’Afrique vise à se concentrer sur le commerce et le développement. Nous utilisons donc diverses approches pour améliorer l’environnement habilitant afin de créer les conditions nécessaires pour accroître le commerce et les investissements, de même que pour mettre en place des systèmes qui vont permettre aux pays de se doter de leurs propres capacités de bien taxer l’économie, afin de générer les recettes nécessaires pour qu’ils puissent instaurer leur propre filet social pour leur population.

Nous sommes très conscients des répercussions de la diminution de l’aide. Nous contribuons aussi à l’aide internationale en offrant des contributions remboursables et en veillant à l’efficacité des grandes organisations multilatérales comme le Groupe de la Banque africaine de développement. C’est une autre façon pour nous de rendre l’aide internationale aussi efficace que possible dans le climat actuel.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie d’être avec nous. Je veux rebondir sur la dernière question, qui aurait été mon point de départ en fait. Je veux creuser un peu plus cette question.

Madame Urban, vous avez parlé des investissements continus dans la réduction de la pauvreté. Monsieur Smith, vous avez parlé de l’environnement habilitant, et il a été question de partenaires canadiens, notamment des entreprises. Je n’ai rien entendu au sujet de la Politique d’aide internationale féministe du Canada ou de la participation de la société civile, dont certains représentants pourraient être aux premières loges de l’innovation dans la coopération internationale. Pourriez-vous nous parler de ces deux éléments?

Mme Urban : En effet, la réduction de la pauvreté est au cœur de l’aide internationale canadienne. Notre secrétaire d’État au Développement international a mentionné clairement lorsqu’il a témoigné devant le comité que l’aide internationale du Canada sera, à l’avenir, de plus en plus ciblée. Elle se concentrera notamment sur les avantages économiques mutuels et la croissance économique.

Le Canada mise depuis longtemps sur une forme de développement qui est sensible aux questions relatives à l’égalité des sexes. Nous avons une expertise dans ce domaine. Cela demeurera, et nous allons toujours chercher à réduire la pauvreté. En fait, il existe de nombreuses façons de réduire la pauvreté. Les investissements dans les mécanismes de gouvernance ou dans les outils pour mieux préparer les pays aux investissements sont parfois des façons de s’attaquer à ces problèmes fondamentaux.

L’aide au développement du Canada s’appuie toujours sur les investissements passés. À tire d’exemple, nous avons investi dans les soins de santé. En investissant de cette façon, l’aide devient de plus en plus durable.

M. Smith : Ce que les partenaires canadiens nous disent — nous sommes en contact avec eux, avec les organisations de la société civile, régulièrement —, c’est qu’ils constatent chez leurs partenaires africains qu’ils ont besoin d’aide pour soutenir leurs systèmes économiques, pour créer des possibilités pour les jeunes africains et stimuler l’emploi.

La sous-ministre adjointe a mentionné que le Carrefour commerce-développement qui a lieu cette semaine vise en grande partie à créer des partenariats entre le secteur privé et les organisations de la société civile, là où l’on peut accroître le développement et, en même temps, stimuler la croissance économique et la prospérité, afin de cumuler les effets.

La sénatrice M. Deacon : Bon retour. Je vous remercie d’être de nouveau parmi nous. J’ai deux questions, l’une qui porte sur l’ombudsman et l’autre sur la diversification. Ma première concerne le rôle de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises. Le poste est vacant depuis un bon bout de temps. Le gouvernement a annoncé en 2024 qu’il examinait son rôle.

Si je ne me trompe pas, cet examen est toujours en cours. Est-ce vraiment le cas? Peut-on s’attendre à la nomination d’un nouvel ombudsman à ce poste, ou envisagez-vous d’emprunter une voie un peu différente?

Mme Urban : Ce n’est pas une responsabilité qui relève de notre direction. Je pense que pour l’instant, nous ne pouvons pas dire ce qui va se passer. Nous attendons tous les décisions du gouvernement et le budget fédéral. Cela ne relève pas de notre domaine de compétence.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie. J’ai hâte d’en savoir plus. Je pense que c’est un élément crucial. J’espère que nous le saurons plus tôt que tard.

Ma deuxième question porte sur la diversification des exportations canadiennes dans la conjoncture actuelle. Je pense que bon nombre de nos partenaires commerciaux en Europe et en Asie ont déjà mis en place des chaînes d’approvisionnement efficaces. Les entreprises canadiennes vont maintenant devoir livrer concurrence aux fournisseurs existants. Il y a en Afrique des économies émergentes où le Canada pourrait prendre pied, si on veut. Toutefois, une critique qu’on entend de la stratégie pour l’Afrique est qu’elle ne prévoit pas de vrais incitatifs clairs, concrets, précis pour que le Canada investisse en Afrique. Que répondriez-vous à cette critique? Faudrait-il déjà revoir la stratégie à ce sujet, étant donné que l’environnement commercial mondial évolue tellement rapidement? A-t-il changé un peu depuis que ce document a été préparé?

Mme Urban : Je vous remercie beaucoup de la question. Pour mettre en œuvre la stratégie pour l’Afrique, nous avons besoin de comprendre concrètement quelles sont les possibilités commerciales pour les entreprises canadiennes. C’est un élément clé et c’est en grande partie ce que nous faisons. J’ai parlé de notre pôle commercial pour l’Afrique. Notre personnel suit cela de près, tout comme les directeurs généraux et le personnel de nos hauts-commissariats et de nos ambassades.

Nous savons que certains pays africains ont des minéraux critiques et des chaînes d’approvisionnement qui intéressent le Canada. Il pourrait être utile de vous donner des exemples concrets. Je vais céder la parole à M. Smith. C’est un élément que nous suivons de près, car nous voulons trouver des possibilités concrètes pour les Canadiens, et cela cadre avec la stratégie dans sa forme actuelle.

M. Smith : J’aimerais souligner que l’Afrique est un marché très attrayant. Les entreprises canadiennes vont se rendre compte de son potentiel, notamment parce que les autres marchés se ferment ou, comme vous l’avez mentionné, parce qu’ils sont très développés et que les possibilités y sont limitées.

Je pense que le défi pour nous consiste à démontrer le potentiel qui existe sur les marchés africains et à comprendre en quoi ces marchés consistent. C’est ce que nous faisons. Nous examinons le potentiel des marchés africains qui correspond à l’expertise canadienne. Il est important de démontrer que bien des défis en Afrique sont liés à des risques perçus, et non à des risques de crédit ou politiques avérés. En fait, il existe de nombreux risques perçus que nous pouvons, dans les limites de notre mandat à Affaires mondiales Canada, aider à réduire afin de diminuer la perception que les marchés africains sont difficiles ou complexes.

[Français]

La sénatrice Hébert : Ma question est dans la foulée de celle de ma collègue. Vous alliez compléter votre réponse, monsieur Smith. Je vais prendre de mon temps, si vous me le permettez. Cela m’intéresse et c’est exactement dans la même veine que la question que j’allais poser.

[Traduction]

Qu’alliez-vous dire?

M. Smith : Au sujet de l’atténuation des risques, c’est ce sur quoi nous nous penchons très activement.

Une approche simple consiste à emmener les Canadiens en Afrique pour leur donner la chance de voir les marchés africains et les possibilités qui existent.

Nous essayons aussi de remédier à ce problème de façon concrète en aidant les pays africains et en mettant en œuvre la Zone de libre-échange continentale africaine. Nous y travaillons depuis plus d’une décennie. Nous examinons des façons d’aider les pays africains à réduire leurs barrières commerciales et à améliorer leur climat d’investissement. Nous le faisons dans de nombreux secteurs.

Je pense que ma collègue voudrait aussi intervenir.

La sénatrice Hébert : Vous avez mentionné envisager d’emmener des entreprises là-bas, et je pense que c’est ce qu’il faut faire. Je pense qu’il y a un marché potentiel. Je viens de regarder...

[Français]

— le Fonds monétaire international. Les prévisions de croissance pour l’Afrique sont quand même bonnes : elles sont de 4 %, selon les dernières prévisions publiées en octobre. C’est un marché où il y a beaucoup de pays francophones. C’est bon pour certaines provinces — je pense particulièrement au Québec —, ce qui est quand même une possibilité intéressante au chapitre des risques de gestion.

Est-ce qu’il y a des missions commerciales prévues à court terme, et si oui, dans quel secteur?

Susan Steffen, directrice générale, Direction générale de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb, Affaires mondiales Canada : Bonjour. Je ne vais pas aborder cette question directement parce que je ne suis pas au courant de missions prévues en particulier, mais je vais demander à mon collègue d’en parler. Je voulais soulever deux ou trois points.

Premièrement, plusieurs outils existent au sein du gouvernement du Canada, pas seulement Affaires mondiales Canada. Exportation et développement Canada (EDC), la Corporation commerciale canadienne​ (CCC) et FinDev Canada sont des outils intéressants au sein du gouvernement canadien. Nous travaillons ensemble sur la question de la perception du risque.

Deuxièmement, il faut se rappeler que tous les marchés en Afrique ne sont pas semblables. Certains sont très évolués et propices aux investissements canadiens. D’autres prendront un peu de temps et de tendresse pour devenir des marchés propices aux investissements.

Le président : Ce sera une question à suivre lors de la deuxième ronde.

La sénatrice Hébert : Oui, tout à fait.

[Traduction]

Le sénateur Al Zaibak : Je me demande comment notre approche pour l’Afrique, notre stratégie pour le commerce et l’investissement, se compare à celle de la Chine, par exemple. Devant la présence croissante en Afrique de puissances mondiales comme la Chine, l’Inde et l’Union européenne, comment Affaires mondiales prévoit-il positionner le Canada comme partenaire distinct et de confiance?

Mme Urban : En effet, des pays comme la Chine, l’Inde et la Turquie sont très présents sur le continent, et ils y sont depuis un certain temps. La coopération économique y est très grande. La présence du Canada n’est pas comparable à cet égard.

Vous demandiez aussi ce que le Canada apporte à la table. On a mentionné notamment nos liens linguistiques. Pour l’Afrique francophone, cela fait une grande différence, et c’est une véritable occasion à saisir. La stratégie consistait notamment à tirer parti, et le meilleur parti possible, de ces liens linguistiques.

Nous savons aussi que, honnêtement, de nombreux gouvernements africains veulent travailler avec le Canada. Nous sommes reconnus pour nos normes et notre façon particulière de fonctionner, et nos entreprises ont une bonne image de marque sur le continent. Nous pouvons tirer parti de cela, de même que du travail de fond que nous faisons actuellement pour repérer des marchés.

M. Smith : Si je peux me permettre d’ajouter quelque chose au sujet des normes, en termes concrets, le secteur minier canadien est très bien vu, pas seulement en Afrique, mais à l’échelle mondiale. Les normes en matière d’exploitation minière durable établies par l’Association minière du Canada sont reconnues mondialement et adoptées par les pays africains. Ce n’est pas le cas d’autres investisseurs dans le secteur.

Le sénateur Al Zaibak : J’ai remarqué que dernièrement, la Chine a ouvert son marché aux pays en développement, en réduisant ou éliminant tous les droits sur les importations. Je me demande si nous envisageons une mesure de cette nature. Nous voyons le marché africain comme un marché d’exportation, mais pouvons-nous l’envisager aussi comme un marché d’importation pour remplacer tout produit venant des États-Unis?

Mme Urban : Je ne peux pas m’avancer à ce sujet. Je ne suis pas responsable de la politique commerciale au sein de notre ministère, alors malheureusement, je ne peux pas répondre à cette question.

Le sénateur MacDonald : Prenons quelques minutes pour parler d’argent. Ces chiffres peuvent ne pas être à jour, mais selon ceux que j’ai, nous envoyons environ 900 millions de dollars par année en Afrique pour divers efforts, soit environ 4,5 milliards de dollars au cours des cinq dernières années. Comment effectuons-nous un suivi de ces sommes pour savoir si elles se rendent bien là où nous le souhaitons? Comment nous assurons-nous qu’elles n’aboutissent pas dans les poches de gens à qui elles ne sont pas destinées?

Mme Urban : Je vous remercie de la question. En effet, comme vous pouvez le voir dans la stratégie pour l’Afrique, il est mentionné qu’au cours des cinq dernières années, le Canada a versé 4,5 milliards de dollars en aide internationale bilatérale à l’Afrique. Nous procédons à l’aide de mécanismes rigoureux par l’entremise de partenaires internationaux, canadiens et locaux de confiance. Dans de nombreux cas, nous ne versons pas l’aide internationale directement aux gouvernements; nous utilisons des intermédiaires de confiance et nous avons des pratiques de gestion robustes basées sur les résultats qui nous aident à effectuer un suivi. Nous mettons l’accent sur les résultats.

Je ne sais pas si un de mes collègues aimerait ajouter quelque chose.

Mme Steffen : Je pense que notre sous-ministre adjointe a souligné un des éléments clés, soit le fait de travailler avec des partenaires de confiance, qu’il s’agisse d’organisations non gouvernementales canadiennes ou d’organisations des Nations unies, ou dans certains cas, d’organisations locales qui ont fait l’objet d’un contrôle rigoureux. Nous avons un outil solide pour évaluer les risques appelé Outil d’évaluation des risques fiduciaires. C’est la partie initiale. Nous avons aussi des gens sur le terrain, qui viennent du Canada, pour surveiller les projets. La meilleure façon de savoir comment vont les choses est d’avoir des gens sur place qui voient ce qui se passe.

Nous n’arriverons jamais à ne rien laisser passer. Je pense qu’il serait naïf de penser autrement, mais nous attrapons sans doute la plupart des cas. Si quelque chose nous échappe, nous nous rattrapons plus tard. Nous en tirons des leçons et nous modifions nos procédures pour l’englober.

Le sénateur MacDonald : Quand il s’agit de traiter avec des pays développés ou non développés ou avec des pays qui ne sont pas particulièrement démocratiques en Afrique, avons-nous des critères pour déterminer où les fonds iront? Par exemple, l’Afrique du Sud est-elle encore considérée comme un pays développé?

Mme Urban : À l’heure actuelle, le Canada contribue au développement international dans divers pays, notamment en Afrique du Sud. Mes collègues pourraient vous en parler. Nous le faisons, par exemple, en accordant un prêt souverain au gouvernement de l’Afrique du Sud pour qu’il travaille sur les problèmes liés aux changements climatiques et à la transition énergétique.

Le président : Je crains qu’il ne reste plus de temps, mais nous pourrions y revenir lors de la deuxième série de questions, sénateur, si vous n’y voyez pas d’inconvénients.

Nous en sommes à la fin de la première série de questions, et je vais utiliser mon privilège de président pour poser une question. Je vais rebondir sur ce que mes collègues ont dit au sujet de l’effondrement de USAID ou des changements, ou peu importe le terme employé, apportés à USAID comme de donateur important, en particulier en Afrique. Ma question comporte deux parties.

Premièrement, au sujet de l’aide humanitaire, d’après les statistiques que j’ai vues, il y a un grand vide. Le Soudan est un bon exemple quand on pense au Programme alimentaire mondial. Je pense qu’environ 60 % du financement venait de USAID. Cela laisse un grand vide. Nous aurons une réunion distincte sur le Soudan plus tard. Ma question est de savoir si vous pensez que d’autres pays vont prendre la relève, ou même si c’est possible, dans les discussions que vous avez avec d’autres donateurs importants.

Deuxièmement, est-ce que le Canada, comme d’autres pays donateurs, travaillait en partenariat avec USAID sur des projets en Afrique et où cela en est-il actuellement?

Mme Urban : Je vais commencer par votre deuxième question. Je ne suis pas au courant de projets que nous avons entrepris en Afrique en partenariat avec USAID. Je regarde mes collègues, et nous n’en connaissons pas.

Il y a effectivement eu d’énormes répercussions sur l’aide humanitaire, en particulier sur le Programme alimentaire mondial, compte tenu de la réduction des fonds de USAID qui sont destinés au continent. Il y a beaucoup de discussions en cours. Notre sous-ministre du Développement international et nos sous-ministres adjoints participent à des discussions internationales entre des partenaires aux vues similaires dans la communauté internationale pour parler de la façon dont l’architecture de l’aide internationale fonctionne et du rôle que le Canada peut jouer au sein de cette infrastructure. C’est une question fondamentale et également un sujet abordé récemment aux réunions annuelles de la Banque mondiale qui ont eu lieu à Washington. Je ne sais pas si quelqu’un souhaite ajouter quelque chose.

Mme Steffen : Rapidement, à propos des partenariats avec USAID, rien ne me vient en tête. Nous pouvons certainement approfondir la question si vous voulez des détails. En général, leurs processus et leurs façons de faire les choses diffèrent beaucoup de l’approche canadienne. C’est complémentaire.

Il y a des domaines, autant thématique que géographique, où nous travaillons ensemble. Ce n’est pas un partenariat officiel. Ils travaillent sur une chose, nous travaillons sur une autre chose et les deux vont se retrouver ensemble.

Je ne pense pas que cela va changer à l’exception du volume. Leur approche ne va peut-être pas changer aux endroits où nous travaillons ensemble, mais ils ne feront plus autant de travail.

Le président : Merci beaucoup.

J’ai entendu des Européens dire qu’ils ont participé à ce qui équivalait à des projets communs. Si je me souviens bien, quand j’étais à votre place, je ne pensais pas que nous avions beaucoup de collaboration avec USAID, mais comme vous le dites, madame Steffen, on faisait du travail en parallèle et on le coordonnait de façon à éviter les chevauchements. Merci de votre réponse.

Nous allons passer à la deuxième série de questions.

[Français]

La sénatrice Gerba : J’insiste pour revenir sur le plan de mise en œuvre de la stratégie. Lorsque le gouvernement a lancé la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, celle-ci venait avec une enveloppe qui a été annoncée tout de suite. Avec cette enveloppe, beaucoup de choses ont commencé immédiatement. On parle de missions commerciales, de la participation à des sommets et de beaucoup de choses. Nous avons une stratégie en place, nous avons fait des annonces, nous avons des envoyés municipaux et des ambassades qui vont ouvrir, mais comment fonctionneront ces ambassades, ces envoyés municipaux si nous n’avons pas une enveloppe budgétaire qui accompagne tout cela? Je ne comprends pas qu’on n’ait pas décidé d’une enveloppe concrète.

C’est la première partie sur laquelle je reviens. Deuxièmement, a-t-on vraiment un plan de mise en œuvre en cours? A-t-on un échéancier pour le rendre public? Merci.

[Traduction]

Mme Urban : Je vais commencer par la première question concernant les ressources.

La stratégie pour l’Afrique a été rédigée de manière à ce que nous puissions la mettre en œuvre en utilisant les ressources à notre disposition, et c’est la raison pour laquelle il est indiqué dans la stratégie qu’on a versé 4,5 milliards de dollars en aide bilatérale au cours des cinq années précédentes. Pour atteindre les objectifs de la stratégie, qui sont ambitieux, il faut se concentrer sur autre chose, accroître la mesure dans laquelle nous établissons les priorités pour certaines choses, faire les choses différemment, de manière plus novatrice, et être efficaces dans notre manière de procéder, ce qui est conforme à ce que le gouvernement du Canada veut faire actuellement, à savoir utiliser les ressources de la manière la plus efficace possible pour obtenir les résultats voulus. Nous savons que nos partenaires africains voulaient nous voir déployer des efforts pour nouer des partenariats mutuellement avantageux entre pairs. C’est là-dessus que la stratégie met l’accent.

Je crois que nous élaborons les plans. Votre autre question portait sur le plan de mise en œuvre. Chose certaine, au sein du ministère, nous faisons un suivi avec une stratégie. C’est une stratégie de haut niveau. Pour la mettre en œuvre, il faut élaborer des plans beaucoup plus concrets qui mettent l’accent sur des pays et des secteurs précis dans le but d’atteindre des objectifs très concrets.

Pour ce qui est des documents publics, nous allons travailler au sein du ministère avec nos ministres pour déterminer quels documents seront publiés.

La sénatrice Gerba : Pouvez-vous nous promettre que vous aurez ce plan de mise en œuvre bientôt?

Mme Urban : En ce moment, je peux vous dire que nous ne nous penchons pas sur un plan de mise en œuvre en particulier, mais nous continuons d’élaborer des stratégies, des plans et des approches de mise en œuvre dans différents domaines. Par exemple, M. Smith a parlé de notre pôle commercial pour l’Afrique. On élabore des plans concrets et nos ambassades et nos hauts-commissariats adoptent la stratégie. Ensuite, chaque haut-commissariat met au point sa propre approche fondée sur les principes et les objectifs de la stratégie pour ensuite prendre les mesures que l’on voit.

La sénatrice Coyle : Je suis encouragée d’entendre qu’on s’intéresse aux partenariats mutuellement avantageux. Vous avez également parlé de faire fond sur les investissements que nous avons réalisés dans des domaines comme la santé.

Avec une de nos anciennes collègues, la sénatrice Omidvar, je travaille avec des experts de l’Université métropolitaine de Toronto et de l’Université Concordia ainsi que d’autres experts à l’échelle internationale pour établir un partenariat mondial qui porte sur les compétences des travailleurs de la santé. Les Européens ont une bonne longueur d’avance sur nous, comme dans un certain nombre d’autres domaines, mais rien ne nous empêche de faire le saut dans l’arène maintenant. Il est question d’envisager d’importants investissements dans des pays africains — pas dans l’ensemble du continent, mais dans certains pays — pour les aider à bâtir leur secteur de la santé de manière à ce que leurs travailleurs soient également habilités à travailler au Canada. On fait donc les deux en même temps.

Est-ce quelque chose qui pourrait intéresser les gens d’Affaires mondiales Canada ou que l’on devrait porter à leur attention?

Mme Urban : Il y a manifestement des occasions de travailler dans des domaines comme celui-là, pour ce qui est des compétences et de l’emploi, surtout parce que dans le cadre de notre stratégie pour l’Afrique, nous reconnaissons que la situation démographique sur le continent présente des occasions pour investir dans la jeunesse, et on peut également trouver des solutions relatives à la main-d’œuvre, non seulement en Afrique, mais aussi potentiellement pour le Canada.

M. Smith : Dans le contexte d’une réduction des budgets consacrés à l’aide internationale, il devient de plus en plus important de poser des questions sur les systèmes et leur capacité à fonctionner efficacement, tant pour ce qui est des finances — j’ai parlé plus tôt des environnements favorables — que pour ce qui est d’avoir la capacité locale nécessaire à la prestation des services. Je pense que ce que vous avez décrit montre bien que notre raisonnement évolue à propos de ces secteurs clés dans le milieu de l’aide internationale.

La sénatrice Coyle : Y a-t-il une collaboration avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada?

M. Clark : C’est un excellent exemple de l’évolution du type d’aide que nous espérons déployer dans le cadre de la stratégie ainsi que dans l’ensemble du ministère et d’autres domaines. Lorsque nous parlons de cerner les avantages et les intérêts mutuels, c’est un excellent exemple de domaine où le Canada possède beaucoup de connaissances et investit beaucoup à l’étranger, dans un secteur que nos partenaires de la société civile et nous-mêmes connaissons très bien. Nous avons également des capacités canadiennes manifestes que nous pouvons déployer pour améliorer l’offre de manière générale.

[Français]

La sénatrice Hébert : Je vais poursuivre dans la même veine que les préoccupations de ma collègue la sénatrice Gerba, car effectivement, une stratégie qui n’est pas assortie d’une enveloppe visant à la mettre en œuvre pose des défis importants lorsqu’il faut composer avec les ressources existantes. Cela dit, le Canada a quand même des assises dans plusieurs pays d’Afrique. On sait que certains d’entre eux ont des investissements publics qui sont dans les cartons. A-t-on fait des démarches pour voir comment les entreprises canadiennes peuvent s’insérer dans les marchés publics africains dans les pays qui sont en croissance?

Mme Steffen : On a tous un petit morceau de ce casse-tête. Pour bien récapituler la question, pour les organisations canadiennes, les compagnies et les entreprises qui sont déjà sur place ou qui s’y intéressent déjà, comment les encourager et faciliter leur insertion dans les économies, avec les possibilités qui existent? J’ai bien compris?

La sénatrice Hébert : Dans les investissements publics, accompagne-t-on les entreprises? A-t-on des stratégies pour accompagner les entreprises dans les marchés publics?

Mme Steffen : On peut parler de la CCC —

[Traduction]

... c’est-à-dire des prêts entre gouvernements.

[Français]

On peut aussi parler de la Banque africaine de développement. Notre directeur exécutif siège au conseil. Il y a de la passation de marchés avec la Banque africaine de développement, ce qui est intéressant, et nous fournissons des avis et des conseils aux compagnies canadiennes qui veulent s’insérer dans leur processus de passation de marché.

[Traduction]

Pouvez-vous parler de la Corporation commerciale canadienne, ou CCC, et du travail qu’elle fait?

M. Smith : Certainement. La CCC cherche avant tout à fournir des garanties et à créer un environnement où les entreprises canadiennes se sentent à l’aise et où le risque dont j’ai parlé plus tôt est moindre lorsqu’on pénètre des marchés précis, qu’il s’agisse d’investissements dans un marché public ou de partenariats avec des entreprises canadiennes. Nous n’avons pas tendance à nous concentrer précisément sur l’endroit où des investissements pourraient être faits, mais plutôt sur ce qui peut être fait pour garantir les occasions à saisir dans le secteur privé, afin de pouvoir nous attaquer à ces questions plus vastes qui peuvent rendent possibles le commerce et les investissements dans n’importe quelle partie du marché africain.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur MacDonald : Je veux revenir au sujet que nous avons abordé plus tôt. Je suis parfois surpris par les rapports que je lis à propos des endroits où nous envoyons de l’argent, des pays en question. L’aide étrangère donnée à la Chine et à d’autres pays me laisse perplexe. Je sais qu’une aide est nécessaire en Afrique, et nous voulons nous rendre utiles. Nous voulons nouer des relations d’affaires là-bas.

Je reviens encore une fois à l’Afrique du Sud. Considère-t-on encore ce pays comme un pays développé? Si c’est le cas, pourquoi donnons-nous de l’aide à des pays développés?

Mme Urban : Je vais commencer rapidement, puis céder la parole à mon collègue. Par exemple, sur le continent africain, lorsque nous regardons à quel endroit nous pourrions offrir une aide internationale, nous devons examiner la question sous différents angles.

Par exemple, si les partenariats mutuellement avantageux sont notre priorité actuelle, y compris les partenariats économiques, nous examinons alors nos marchés prioritaires sur le continent pour déterminer à quel endroit, par exemple, le commerce et les investissements peuvent nous aider à établir ces partenariats qui seront mutuellement avantageux.

À propos de la sécurité, nous avons un programme de développement régional pour la région du Sahel, et nous travaillons avec des démocraties dans la région puisque le terrorisme est un problème là-bas, et c’est une question qui intéresse le Canada. C’est donc une raison pour aller de l’avant.

Nous menons également des activités dans des pays à moyen revenu, et il y a des raisons de le faire. Je vais céder la parole à Ryan Clark.

M. Clark : C’est une excellente question, et une question que nous continuons de poser nous-mêmes.

À propos de l’admissibilité de l’Afrique du Sud, le pays a droit à une aide — on parle d’une « aide publique au développement » — qui est établie par l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, à Paris. C’est l’OCDE qui détermine le PIB par habitant. Il y a un seuil, et lorsqu’on est en dessous, on est admissible.

Nous investissons — si je peux employer ce terme — en Afrique du Sud avec notre aide publique au développement, car nous obtenons ainsi des retombées considérables, et nous travaillons avec un partenaire qui compte parmi nos principaux partenaires sur le continent.

Mme Cheryl Urban a mentionné plus tôt que nous avons un prêt souverain avec ce pays pour appuyer sa transition énergétique équitable, donc pour essayer de l’aider à renoncer au charbon. Cela nous donne une excellente idée de l’économie sud-africaine, tout en nous aidant à travailler avec ce pays pour donner suite à la priorité mondiale de réduction des émissions globales.

Notre programme bilatéral, à l’exception des prêts souverains, est de très petite taille et très ciblé, et il vise principalement l’espace économique. Nous essayons donc de cerner ces occasions mutuelles que l’on essaie de trouver au moyen de la stratégie pour l’Afrique.

Nous devons toutefois demeurer vigilants. Dans beaucoup de pays, la question de savoir s’il y a des revenus disponibles pour soutenir la population est une question de distribution de la richesse et de la volonté politique. C’est donc quelque chose que nous examinons toujours dans le contexte de l’Afrique du Sud, mais aussi dans d’autres pays à moyen revenu que nous appuyons avec l’aide publique au développement.

Le sénateur Al Zaibak : Pouvez-vous parler de la conception et des premières activités du pôle commercial pour l’Afrique? Quels outils offrira-t-il aux entreprises canadiennes, et comment va-t-il assurer la coordination avec FinDev Canada et les partenaires provinciaux, puisque c’est un pôle commercial? Je ne sais pas si cela relève de vos activités ou de votre mandat.

Mme Urban : Soyons clairs : nous sommes responsables du pôle commercial pour l’Afrique et des relations commerciales entre le Canada et les pays africains. Je ne suis toutefois pas responsable de la politique commerciale du Canada de manière générale.

Je vais céder la parole à M. Andrew Smith. Il est le directeur général responsable du pôle commercial pour l’Afrique et il est là depuis sa création. Il peut parler de certaines de ses activités.

Je vais peut-être ajouter que le pôle commercial travaille avec des partenaires clés, par exemple la Chambre de commerce Canada-Afrique et d’autres organisations avec qui nous collaborons pour nouer le dialogue avec des clients du secteur privé, etc.

M. Smith : Le pôle commercial pour l’Afrique est une innovation à Affaires mondiales Canada, dans la mesure où, dans des circonstances normales, nous aurions nos délégués commerciaux à l’administration centrale. Ils seraient déployés dans nos bureaux géographiques.

Dans le cas du pôle commercial, nous avons rassemblé tous nos délégués commerciaux ou nos représentants commerciaux, ce qui nous a permis de créer un important bassin de capacité commercial au sein d’une seule équipe. Les délégués commerciaux à l’administration centrale continuent d’offrir ce soutien par l’entremise de leurs bureaux géographiques.

Lorsque nous sommes rassemblés, nous pouvons nous faire une meilleure idée du commerce en Afrique et de sa pertinence. Cela nous a permis, au sein de mon équipe, d’établir des liens plus étroits entre nos programmes de développement ainsi que notre travail en matière de politique étrangère et de commerce.

Nous avons pu ainsi renforcer la capacité en matière de politique commerciale au sein du Secteur de l’Afrique. Ce que cela signifie en termes concrets, c’est que dans la plupart des cas, les délégués commerciaux feront affaire avec des entreprises canadiennes qui veulent entrer dans certains marchés africains. On n’a habituellement pas le temps, ou la latitude nécessaire à cette fin, de réfléchir aux questions de politique étrangère liées à la protection des investissements ou au commerce et au développement, à la façon dont ces choses fonctionnent ensemble pour compléter le travail qui est fait directement avec des entreprises canadiennes.

Mme Steffen : Ce service communique aussi directement avec les provinces, ce qui est quelque chose que nous ne pouvions pas faire de manière aussi efficace ou efficiente qu’avant.

Le président : Merci d’avoir ajouté cette précision.

La sénatrice M. Deacon : C’est plus un commentaire qu’une question, alors que nous faisons cette étude sur l’Afrique et que nous essayons d’aller au fond des choses.

Nous avons ici un comité qui examine le travail fait dans les domaines des affaires étrangères et du commerce international, mais nous parlons aussi constamment à des Canadiens, et ils nous posent des questions sur l’Afrique.

Je pense qu’il semble y avoir un peu plus de confusion à propos de ce que comprend et ne comprend pas le rôle du Canada. Lorsque nous avons commencé cette étude, on entendait dire que l’Afrique a besoin du Canada. Ce n’est plus vraiment autant le cas, et le Canada a un peu plus besoin de l’Afrique. C’est ce qu’il en est.

C’est ce que j’encourage dans les communications, et c’est ce qui continue de prévaloir. Qu’est-ce que le Canada raconte? Qu’essayons-nous de faire?

Nous essayons de faire de notre mieux pour parler aux gens et parler en leur nom, mais je pense que les Canadiens seraient très reconnaissants d’obtenir des éclaircissements quant à la place que cela occupe dans le reste de notre travail en matière de commerce et d’aide humanitaire.

Le président : Vouliez-vous faire une observation sur le commentaire?

Mme Urban : Je suis d’accord quand vous dites que la communication est extrêmement importante dans le travail que nous faisons, y compris la communication avec les Canadiens pour expliquer ce que nous faisons et leur dire pourquoi nous sommes présents là-bas.

Le président : Merci.

Chers collègues et témoins, nous allons maintenant faire une chose pour laquelle nous avons un terme technique dans les travaux des comités : une transition en douceur. Nos témoins du premier groupe resteront avec nous, et nous allons maintenant nous rendre en Afrique pour entendre nos deux ambassadeurs, que nous avons déjà entendus avant, dont un dans un contexte différent.

Dans notre deuxième groupe de témoins, nous sommes heureux d’accueillir de nouveau devant le comité M. Ben Marc Diendéré, qui est observateur permanent du Canada auprès de l’Union africaine et de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique; et M. Marcel Lebleu, qui a déjà comparu ici en tant que directeur général et qui se trouve maintenant sur le terrain. Il est ambassadeur auprès de la République du Sénégal et envoyé spécial pour le Sahel.

Bienvenue à vous deux.

[Français]

Comme je l’ai dit plus tôt, nous avons dans la salle pour vous appuyer des représentants d’Affaires mondiales Canada qui ont participé au groupe précédent. Nous sommes maintenant prêts à entendre vos remarques liminaires. Elles seront suivies d’une période de questions de la part des sénateurs. Monsieur l’ambassadeur Diendéré, vous avez la parole; vous serez suivi de l’ambassadeur Lebleu.

Ben Marc Diendéré, observateur permanent du Canada auprès de l’Union africaine et de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, Affaires mondiales Canada : Monsieur le président, honorables sénatrices et sénateurs, je vous salue à nouveau. Je m’inscris à votre reconnaissance du territoire non cédé également. Je salue particulièrement tous les nouveaux sénateurs qui viennent d’être nommés.

Je suis très heureux de témoigner pour soutenir l’engagement du Canada en Afrique, surtout en ces temps de grand repositionnement et de questionnement.

En novembre 2024, vous vous souvenez sûrement de mon enthousiasme après la conclusion fructueuse du deuxième dialogue de haut niveau entre le Canada et la Commission de l’Union africaine à Toronto. C’était un tournant. Nous avions eu la participation de trois ministres d’Affaires mondiales Canada, du président de la Commission de l’Union africaine, de plusieurs commissaires africains, et, bien sûr, de l’ancien premier ministre.

Presque une année s’est écoulée, et le contexte a radicalement changé. Nous avons un nouveau premier ministre et un nouveau gouvernement qui font face à des défis géopolitiques et géoéconomiques profonds. La sous-ministre vous en a parlé. Effectivement, nous sommes dans une nouvelle dynamique. Cela a engendré des ajustements dans les priorités fondamentales de notre pays. Entre la réduction des dépenses de l’État et la réorientation des priorités, la pression américaine des tarifs, le G7 du Canada, le G20 de l’Afrique du Sud, le vent a soufflé. Il a soufflé fort, comme on dit au Québec.

Toutefois, ce qui demeure inchangé et doit le rester, c’est notre engagement collectif et stratégique à renforcer les relations du Canada avec le continent de 54 pays qui partagent l’Agenda 2063.

Tous les experts s’entendent pour dire que ce siècle sera celui de l’Inde et de l’Afrique. Depuis notre dernière rencontre, nous avons fièrement lancé la Stratégie du Canada pour l’Afrique, qui figure dans un document de référence dont mes collègues viennent de vous parler. Il y a eu par la suite la création d’un poste d’envoyé spécial pour l’Afrique que j’occupe, comme le fait mon ami l’ambassadeur Marcel Lebleu pour le Sahel.

Honorables sénatrices et sénateurs, avant de vous parler de mon nouveau rôle d’envoyé spécial et des mesures prises pour faire avancer la Stratégie du Canada pour l’Afrique, permettez-moi de vous rappeler pourquoi nous restons inébranlables dans notre engagement à approfondir notre relation avec ce continent.

L’Afrique n’est pas seulement le continent de demain; c’est le continent d’aujourd’hui. C’est près de 1,5 milliard de consommateurs, dont 60 % ont moins de 25 ans, selon le Fonds monétaire international. De plus, et la sénatrice Hébert l’a bien dit, 12 des 20 économies qui ont eu la croissance la plus rapide en 2025 se trouvent en Afrique.

La Zone de libre-échange continentale africaine n’est pas une aspiration lointaine; c’est une réalité. C’est d’un millier de milliards de dollars que l’on parle. Le Canada répond déjà à ces occasions concrètes. Pour ce comité, il est important de savoir que nous avons totalisé 15 milliards de dollars en marchandises en commerce bilatéral sur le continent. Les investissements canadiens directs en Afrique ont atteint 12 milliards de dollars, soit une croissance moyenne de près de 5 % par année depuis 2018.

Depuis avril 2025, j’ai le privilège de faire progresser la réponse du Canada à l’évolution rapide de ce paysage d’influence africaine. Pendant que le gouvernement canadien se battait contre des vents contraires ici en Amérique, le « département Afrique », soit l’ensemble des ambassadeurs canadiens en Afrique, se sont remonté les manches. Avec l’aide de notre ministère et de nos petites équipes, de deux personnes dans mon cas, nous avons fait le maximum. Nous avons appuyé cette stratégie en attendant son implantation. Je suis parti avec mon bâton de pèlerin pour promouvoir les intérêts du Canada en intensifiant nos efforts pour approfondir et diversifier les relations commerciales avec des pays des régions clés, notamment dans les secteurs où le Canada a montré un avantage compétitif.

Voici quelques faits saillants. Durant cette période active de six mois seulement qui n’est pas encore terminée, j’ai participé à des initiatives continentales touchant le commerce, l’investissement, les énergies, les mines, la technologie, l’agriculture, l’éducation, la biosécurité et le climat.

Il est révélateur que je vous parle aujourd’hui depuis l’Angola, où je me trouve pour le troisième Sommet sur le financement du développement des infrastructures en Afrique. En passant, l’Angola occupe la présidence de l’Union africaine.

J’ai participé à la foire commerciale intra-africaine à Alger. J’étais accompagné de 16 entreprises canadiennes représentant divers secteurs : agrotechnologie, défense, intelligence artificielle, industrie maritime et industries créatives. Ce fut une magnifique collaboration avec l’ambassadrice Robin Wettlaufer et son équipe, que je remercie.

J’ai participé à la Semaine de l’énergie africaine à Cape Town avec une délégation de 19 entreprises canadiennes. Tout cela fut possible grâce à la collaboration de l’équipe [Difficultés techniques], le haut-commissaire James Christoff à Pretoria ainsi que l’équipe de commerce du Kenya, du Nigeria et du Mozambique.

Le mois dernier, j’ai participé au deuxième Sommet africain sur le climat à Addis-Abeba, qui est un partenariat du Canada avec la Banque africaine de développement pour des initiatives de financement mixtes soutenant l’agro-industrie et la résilience.

J’ai aussi participé au Forum d’investissement de la diaspora au Ghana, dont mes collègues vous ont parlé. Il y a eu des initiatives tests avec la haute-commissaire Myriam Montrat et son équipe en vue d’élaborer des mécanismes d’engagement avec notre diaspora de 1,4 million de personnes dont on a également parlé.

Dans les projets à venir, il y a le sommet des minéraux critiques à la conférence Mining Indaba, et un Sommet du G20 en Afrique du Sud le mois prochain.

Honorables sénatrices et sénateurs, mon rôle comprend des fonctions de représentation qui complètent et prolongent l’impact des missions ministérielles et des hauts fonctionnaires sur le continent. Bien que ma mission repose principalement sur la diplomatie économique, je n’oublie pas mon rôle d’observateur permanent. À ce titre, mon équipe et moi préparons activement le prochain dialogue de haut niveau entre le Canada et la Commission de l’Union africaine sur la politique commerciale qui se tiendra soit à Addis-Abeba, soit au Canada. Les autorités en décideront.

Monsieur le président, notre micromission à Addis-Abeba est aussi celle de l’ambassade point de contact de l’OTAN, une marque de confiance des partenaires et un sujet cher au premier ministre actuel et à son gouvernement.

Honorables sénatrices et sénateurs, les six derniers mois ont été importants. J’ai vu, entendu et constaté l’intérêt de nos partenaires pour la manière alternative de faire des affaires qu’offre le Canada : c’est la quête d’une signature canadienne.

En terminant, je veux dire que je suis fier de contribuer à l’avancement des intérêts des compagnies d’ici sur ce continent. Nos compagnies et notre économie en valent la peine. Il faut se battre. Enfin, je suis fier de mieux positionner le Canada et les Canadiens face aux défis géopolitiques et économiques à venir.

Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Diendéré.

Maintenant, la parole est à l’ambassadeur Lebleu.

Marcel Lebleu, ambassadeur du Canada auprès de la République du Sénégal et envoyé spécial pour le Sahel, Affaires mondiales Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous salue. Je fais des salutations spéciales aux sénatrices Ataullahjan et Gerba, que j’ai eu l’occasion et le grand plaisir de recevoir un peu plus tôt cette année au Sénégal.

Comme vous le savez, j’ai été nommé envoyé spécial pour le Sahel le 6 mars 2025 lors du lancement de notre Stratégie du Canada pour l’Afrique afin de contribuer à l’approche du Canada à l’égard de cette région qui revêt un caractère stratégique pour le Canada, mais également pour nos partenaires.

À titre d’envoyé spécial pour le Sahel, je me suis rendu au Mali au mois de mai. J’y ai rencontré des représentants de la société civile, des représentants des partis politiques — qui, depuis ma visite, ont été bannis, il faut le dire — ainsi que le président du Conseil national de transition afin de réaffirmer notre engagement envers le Sahel. J’ai également rencontré des organisations partenaires, dont le Programme alimentaire mondial, pour discuter des défis humanitaires auxquels la région fait face. Le portrait qui émerge est préoccupant. Je me rendrai à Ouagadougou le 10 novembre pour un exercice similaire. Ces visites s’inscrivent dans le cadre de notre stratégie, dont l’un des axes consiste à maintenir et à renforcer notre action diplomatique dans la région.

Ce ne sera pas une surprise si je vous dis que le Sahel traverse une crise multidimensionnelle sans précédent.

La stratégie le soulignait d’ailleurs : le Sahel représente à lui seul près de la moitié de tous les décès liés au terrorisme à l’échelle mondiale. C’est énorme. Les menaces terroristes provenant de la région risquent de se propager à l’Afrique de l’Ouest côtière.

À titre d’envoyé spécial, j’ai récemment rencontré le roi de Jordanie, qui dirige le Processus d’Aqaba, une initiative qui vise à identifier des pistes de coopération en matière sécuritaire. La rencontre à laquelle j’ai participé portait spécifiquement sur la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest. D’ailleurs, plusieurs chefs d’État de l’Afrique de l’Ouest assistaient à cette rencontre. Un consensus clair émerge facilement : la lutte contre le terrorisme est une responsabilité collective dont le leadership doit toutefois être assumé par les pays de la région. Le Canada est associé à cette lutte contre le terrorisme, notamment au moyen d’une contribution à l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme, basée en Côte d’Ivoire.

Les conséquences de cette crise humanitaire et sécuritaire sont dramatiques. Des millions de personnes sont déplacées, les systèmes de santé et d’éducation sont paralysés et une insécurité alimentaire chronique existe. Les citoyens se retrouvent souvent coincés entre leurs propres forces armées et des groupes terroristes.

Il faut le dire, ces forces armées nationales sont parfois appuyées par des troupes militaires russes. Des groupes terroristes pullulent dans la région, dont le JNIM, une entité inscrite au répertoire canadien des organisations terroristes.

Face à cette réalité, la réponse ne peut être que militaire. La sécurité durable passe par une approche intégrée qui combine stabilisation et développement socioéconomique. C’est là que le Canada a un rôle à jouer.

Sur le plan humanitaire, le Canada est reconnu pour son engagement envers les populations vulnérables. Le Canada alloue cette année 40 millions de dollars pour l’aide humanitaire au Sahel seulement. Pour appuyer cet engagement, j’ai rencontré plus tôt cette semaine M. Tayyar Sukru Cansizoglu, représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en Mauritanie. Je vous le mentionne, car il m’a avisé que près de 200 000 personnes étaient réfugiées au camp de réfugiés de Mbera ou dans ses environs, près du Mali.

Cela n’est pas peu dire : le camp de Mbera constitue aujourd’hui la deuxième plus grande agglomération urbaine en Mauritanie. Plusieurs dizaines de milliers de réfugiés supplémentaires sont attendus dans les prochaines semaines en raison de la recrudescence de la violence au Mali. J’en ai profité pour informer le représentant que le Fonds pour la consolidation de la paix des Nations unies, dont le Canada est le troisième plus important contributeur, avait approuvé plus tôt cette semaine un projet de stabilisation pour les zones frontalières entre la Mauritanie, le Mali et le Sénégal.

L’aide humanitaire ne peut toutefois être dissociée des efforts de développement. Conscient de cette réalité, notre ministère a lancé, dans le cadre de la Stratégie du Canada pour l’Afrique, un programme de développement régional pour le Sahel dont les premiers projets sont déjà mis en œuvre.

Dans le cadre de mes fonctions, j’ai d’ailleurs rencontré la représentante régionale du Programme alimentaire mondial (PAM), qui met en œuvre le programme intégré de résilience au Sahel. Celui-ci vise à atteindre plus de 5 millions de personnes dans plus de 4 000 villages et permettra ultimement de rétablir 420 000 hectares pour la culture dans l’ensemble des pays du Sahel. Ce programme est financé en partie par le Canada jusqu’à concurrence de 10 millions de dollars. Les résultats semblent probants.

En terminant, je souligne la présence de nos entreprises notamment au Mali et au Burkina Faso, deux pays où le Canada est le plus important investisseur étranger. Mes collègues d’Affaires mondiales Canada et moi sommes en contact régulier avec ces entreprises en vue de faire valoir les intérêts économiques canadiens dans un milieu complexe. Merci de votre attention.

Le président : Merci, monsieur l’ambassadeur.

[Traduction]

Chers collègues, nous passons maintenant aux questions et aux réponses.

[Français]

La sénatrice Gerba : Je suis ravie de vous retrouver, monsieur l’ambassadeur Diendéré et monsieur l’ambassadeur Lebleu. C’est toujours un plaisir. En tenant compte à la fois de la réalité actuelle sur le continent africain et des priorités du gouvernement canadien, notamment pour la diversification de nos débouchés, quels sont les outils dont vous disposez pour mettre en œuvre une stratégie économique Canada-Afrique efficace?

Aussi, parmi les pratiques observées ailleurs dans le monde, lesquelles vous paraissent les plus pertinentes à adapter au contexte canadien?

M. Diendéré : Madame la sénatrice, je suis heureux de vous retrouver également.

La question est pertinente. La sénatrice Hébert l’a mentionné : quand on met une stratégie en place, on doit y mettre des moyens et des outils. Je viens du privé, et c’est de cette façon qu’on a fait les choses.

Je vais être très honnête avec vous. En ce moment, nous sommes limités. Il y a le projet sur lequel on travaille, les missions qu’on est en train d’ouvrir et nos entreprises et nos commissaires sur le terrain. Vous savez, c’est un monde qui va vite. Nous ne sommes plus au temps des études ni des grandes réflexions. Ou l’on décide de faire des affaires en Afrique ou l’on ne le fait pas. Je pense qu’on a besoin d’outils centralisés qui rassemblent tous nos moyens et nous permettent d’agir clairement sur des choses, des actions et des thèmes précis. On peut choisir d’aller dans les affaires agricoles, l’énergie, les mines et les autres, mais il faut choisir. Or, cela exige d’avoir un instrument commun et organisé pour le faire, et ce ne sont pas les instruments qu’on a en ce moment, parce qu’on a du mal à se réformer.

La sénatrice Gerba : Merci. Je suis d’accord avec votre idée d’avoir un instrument. Comment voyez-vous la surveillance et la mise en cohérence de cet instrument au moyen duquel vous voulez faire fonctionner cette initiative du Canada en Afrique? Y a-t-il une façon de le faire pour qu’il y ait une certaine synergie avec tout ce qui existe déjà?

M. Diendéré : Merci pour votre question. J’ai omis la dernière partie de votre question. Y a-t-il des modèles ailleurs? Les Chinois, les Russes, les Indiens, les Turcs, les Émirats arabes unis ont tous un instrument d’action précis pour l’Afrique. Il faut mettre en place des moyens de surveillance et de reddition de comptes. Il faudra des lieux pour surveiller ceux qui travaillent sur le terrain. Il peut s’agir d’une table de concertation, par exemple, mais ce doit être des endroits où l’on peut s’asseoir et avoir un centre de réflexion pour suivre tout ce qui se fait sur le terrain. On ne fera pas d’affaires en Afrique si l’on n’est pas mieux organisé que cela. À l’heure actuelle, nous sommes quelque peu dispersés pour la rapidité des affaires qui se font et les mouvements changeants qui se font économiquement sur ce continent.

Le président : Merci, monsieur l’ambassadeur.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : J’ai une question pour les deux ambassadeurs. Je vais poser mes questions, et espérons que nous aurons le temps d’entendre les réponses.

L’envoyé spécial a dit quelque chose qui a vraiment retenu mon attention. Vous avez dit que l’Afrique est le continent de l’heure. Maintenant que le Canada cherche d’autres marchés internationaux, les entreprises canadiennes sont-elles au courant du potentiel en Afrique? Les personnes parmi nous qui voyagent voient que le marché est énorme, mais le Canada n’en profite pas.

Monsieur Lebleu, je suis très heureuse de vous voir. Vous vous êtes occupé de nous avec gentillesse lorsque nous étions au Sénégal. Ma question pour vous porte sur les compressions qui ont empiré les indicateurs liés aux soins de santé, perturbé les programmes et l’infrastructure de santé. Quinze millions de personnes souffrent du VIH dans la région du Sahel. Il y a des conséquences pour ce qui est du VIH, de la malaria et de la tuberculose. Je pourrais continuer longtemps. Que voyez-vous et qu’entendez-vous sur le terrain?

M. Lebleu : Merci pour la question. Je vais avoir une courte réponse à votre première question, et c’est mon point de vue en tant que délégué commercial depuis 20 ans. Les exportateurs ne voient pas le potentiel. Ils veulent habituellement des occasions d’affaires concrètes, et c’est ici selon moi que notre réseau peut aider à trouver ces occasions. Je vais vous donner un exemple concret.

Il y a quelques mois, j’ai rencontré les représentants du Réseau Gazier du Sénégal. Ils ont clairement exprimé un besoin. Nous les mettons en contact avec des entreprises à Calgary, et ils poursuivent les démarches. C’est une des choses que nous pouvons faire pour aider.

À propos de votre question, c’est très difficile. Environ 10 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, et il y a environ deux millions de réfugiés originaires d’autres pays. Nous consacrons beaucoup de temps aux discussions sur l’accès de base à l’aide humanitaire au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Permettez-moi de vous donner un exemple qui montre à quel point cela peut être complexe.

Il y a quelques mois, on a expulsé la Croix-Rouge du Niger parce que le gouvernement ne l’aimait pas. Au Burkina Faso, on a emprisonné des intervenants d’organisations non gouvernementales qui aidaient à dresser la carte des endroits où il est sécuritaire d’offrir une aide humanitaire. Les coûts de la distribution ont augmenté, tant pour les aliments que pour les services de santé. Le gouvernement ne contrôle que 40 % du territoire au Burkina Faso. Il y a maintenant des blocus pour des choses comme l’essence acheminée vers Bamako. C’est très difficile.

Certains d’entre vous ont mentionné le retrait des Américains. Les responsables du Programme alimentaire mondial des Nations unies m’ont indiqué que, à la même période l’année dernière, 45 % de leurs demandes d’aide avaient été satisfaites, alors que cette année, ce n’est que 29 % d’entre elles.

Je cède maintenant la parole à M. Diendéré.

Le président : Je crains que nous n’ayons pas assez de temps pour l’ambassadeur Diendéré, mais si vous êtes d’accord, madame la sénatrice, nous reviendrons à votre question au deuxième tour.

Le sénateur Ravalia : Vos Excellences, je vous remercie de vos témoignages. Ma question s’adresse à l’ambassadeur Lebleu et, si nous en avons la chance, à l’ambassadeur Diendéré également.

Dans quelle mesure le Canada peut-il répondre aux frustrations actuelles de la génération Z en Afrique, qui émanent principalement de la gouvernance, des occasions économiques et de l’inclusion sociale? Nous avons constaté des soulèvements à Madagascar, tout récemment, mais aussi au Maroc, au Kenya, en Afrique du Sud et au Mali. Dialoguons-nous avec ce groupe de jeunes?

M. Lebleu : Je limiterai ma réponse à la région du Sahel, puis je laisserai M. Diendéré vous en dire plus.

En effet, nous avons beaucoup de mal à créer des occasions économiques pour ces jeunes. C’est le principal défi. Notre stratégie correspond bien aux exigences et aux besoins de ces sociétés. Il faut créer de la richesse et des emplois pour que ces personnes ne se tournent pas vers des moyens désespérés, voire des activités terroristes.

Il y a des limites à notre implication auprès de certains de ces gouvernements. Nous devons attendre. Il faut veiller à fixer des limites. En même temps, nous nous sommes engagés à maintenir des ponts et un dialogue avec certains de ces pays.

M. Diendéré voudra peut-être ajouter quelque chose concernant l’autre partie du continent.

M. Diendéré : Je le ferai sans problème. Je remercie le sénateur de sa question.

La semaine dernière, j’étais à la Semaine africaine des compétences, qui évoquait le destin de la génération Z. J’ai eu l’occasion de rencontrer tous ces jeunes. Mon premier grand événement ici portait sur les 40 millions de dollars que nous avons envoyés à l’Union africaine pour l’enseignement et la formation techniques et professionnels, ou EFTP, car cette génération a besoin de formation. Elle doit être sur le terrain pour faire son travail.

On considère que nous, les Canadiens, avons la meilleure industrie créative dans le Nord. Les Africains nous apprécient pour cette raison. Et savez-vous quoi? Quand on pense aujourd’hui à Nollywood et à tout ce qu’il y a au Nigéria, on constate que c’est un secteur créatif. Tous ces jeunes ont des téléphones intelligents entre les mains et veulent être créatifs. Nous pouvons faire beaucoup de choses avec eux.

En ce qui a trait au programme d’EFTP, nous travaillons avec l’Union africaine pour veiller à ce que ses États membres mettent en œuvre ces enseignements au sein de leur pays, dans les domaines de l’agroentreprise, de l’énergie et d’autres dont cette génération a vraiment besoin. Je vais m’arrêter ici.

Le président : Merci beaucoup. Ces propos me rappellent un échange que j’ai eu avec l’ambassadeur Lebleu sur l’Afropop lors d’une réunion. La culture est vraiment importante.

La sénatrice M. Deacon : Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.

J’aimerais vous poser une question au sujet des industries canadiennes d’extraction qui sont actuellement en Afrique. Nous savons qu’il y a déjà eu des allégations d’abus et de violations des droits de la personne par ces entreprises en Afrique.

D’un point de vue d’ambassadeur, recevez-vous parfois des plaintes à ce sujet dans le cadre de discussions et de communications d’État à État? Est-ce que c’est une source de préoccupation lorsque vous discutez? Pensez-vous que ces situations nuisent au Canada lorsqu’il fait la promotion des droits des travailleurs et de la personne? Je pose cette question dans le contexte où le Canada cherche à étendre sa présence en Afrique et à trouver de nouveaux partenaires commerciaux.

[Français]

M. Diendéré : Madame la sénatrice, vous posez une question très importante.

La question des ressources naturelles et des industries extractives est très importante pour les Africains. Si vous avez des jeunes dans la rue aujourd’hui, c’est parce qu’ils sont en train de protester contre leur gouvernement qui pense, à tort, à des entreprises étrangères, dont les entreprises canadiennes, pour exploiter leurs ressources naturelles. C’est un effet d’optique. Cela peut être dur à comprendre.

Le défi pour les Canadiens, ce n’est pas leur acceptabilité; nos compagnies sont bien acceptées. Nos compagnies ont les meilleures normes sur le continent. J’ai rencontré des minières. J’ai même rencontré ici, en Ouganda, des représentants d’Ivanhoe Mines, qui ont la confiance des gouvernements.

Le risque pour toutes les industries, pour toutes les compagnies extractives sur le continent africain aujourd’hui, c’est la souveraineté des États. Les pays ont l’impression que leurs minéraux et leurs ressources naturelles s’en vont ailleurs et ils se battent. Un des débats aujourd’hui au sommet des infrastructures portait sur la transformation de ces minéraux sur le territoire même, plutôt que de l’extraire et de le transformer ailleurs.

Votre question au sujet des droits humains est importante. Il y a des abus, mais je n’ai pas eu une compagnie canadienne sur le dos, il n’y a pas eu un État pendant mes voyages officiels qui m’a fait passer, sauf pour me rappeler les grandes normes que les compagnies canadiennes ont en matière de mines et qui peuvent être des normes pour le reste du continent.

[Traduction]

Le président : Je pense que nous avons presque épuisé le temps qui nous est imparti.

La sénatrice M. Deacon : Je m’en tiendrai là, alors. Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Hébert : Monsieur l’ambassadeur Diendéré, je pense que vous avez raison. Il y a des choses qui se passent en Afrique à l’heure actuelle et il faut monter dans le train pendant qu’il passe. J’ai l’impression, en raison de ce que vous nous avez dit, qu’on est un peu en arrière et qu’on court derrière le train, parce qu’on n’a pas de budget pour s’acheter un billet et y monter.

J’aimerais vous entendre sur les ressources dont vous auriez besoin. Vos collègues d’Affaires mondiales Canada en ont parlé un peu plus tôt : on a la Corporation commerciale canadienne, par exemple, qui est censée aider nos entreprises à accéder aux marchés publics. On a différents services, par l’intermédiaire d’EDC, qui aident les entreprises à mieux s’équiper. On a des ambassades sur le terrain. J’aimerais vous entendre sur ce qu’il faudrait pour qu’on puisse monter dans le train alors qu’il est en train de passer et pour profiter des possibilités qui sont là.

M. Diendéré : Je vous remercie pour votre question. On m’a dit briefé sur ce que je peux dire et ne pas dire — je vais être honnête avec vous — et on m’a dit de ne pas prendre de décisions à la place d’un ministre. Merci à mon ami Marcel, qui est un mentor pour moi.

J’ai des idées, toutefois. Si on se met dans la tête de faire exactement ce que le gouvernement canadien fait en ce moment avec le Bureau des grands projets et de faire la même chose qu’il a faite avec les agences militaires, si on créait notre propre agence pour développer tous les partenariats qu’on veut développer en Afrique, dans les pays et les régions prioritaires et sur nos thèmes prioritaires — les minéraux critiques, l’industrie de la sécurité, les énergies et tout cela —, on pourrait prendre les 50 meilleures entreprises canadiennes qui sont là.

Je vous jure que parfois j’ai pitié de nos entreprises. Elles font tout à bout de bras. Il leur manque même des tickets. Elles n’ont même pas de ticket. Votre allusion au ticket était intéressante. Elles n’en ont pas, de ticket. Elles font à bout de bras sur le continent. On a besoin de s’en occuper, de leur donner un peu d’amour. On n’est pas plus catholique que le pape, à ce moment-ci. On peut les aider. Créons quelque chose de fort qui les accompagnera d’un bout à l’autre. On n’a même plus à se battre : il faut trouver une plateforme pour faire avancer les choses.

Le président : Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, monsieur l’ambassadeur Lebleu?

M. Lebleu : Possiblement. On a parlé de la trousse à outils des exportateurs. Je suis surpris qu’on n’ait pas parlé de CanExport, qui est le programme du ministère qui sert justement à aider nos exportateurs à l’étranger à diversifier leurs marchés.

Si je peux me permettre de faire un commentaire — je ne veux pas faire de recommandation à mon gouvernement, c’est plutôt une observation —, la plupart des pays européens ont des programmes d’aide parfois liés. Au Canada, on a pris la décision il y a longtemps d’avoir des programmes d’aide non liés. C’est la politique canadienne et je ne vais pas la commenter. C’est un fait et on travaille dans ce cadre. C’est sûr que certains exportateurs canadiens remarquent cette situation et nous font certains commentaires.

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup. Je tiens à remercier les deux ambassadeurs d’être avec nous aujourd’hui. C’est un plaisir de vous accueillir.

Ma première question s’adresse à l’ambassadeur Lebleu. Vous avez beaucoup parlé de la crise humanitaire qui frappe la région du Sahel, des populations vulnérables et des besoins humanitaires. Nous avons beaucoup entendu dire que les jeunes Africains constituent un véritable atout pour l’avenir de ce continent et pour nos futurs partenariats avec l’Afrique.

Je m’interroge davantage sur les activités en amont. L’aide humanitaire est absolument essentielle, mais y a-t-il des mesures que le Canada pourrait prendre en partenariat avec ses homologues africains et internationaux pour prévenir les bouleversements politiques, économiques et humanitaires que nous observons dans cette région? Y a-t-il des mesures que nous pouvons prendre en amont pour tenter d’éviter les problèmes? Bien sûr, nous devons toujours répondre aux besoins humanitaires, mais que faisons-nous en amont dans la région pour tenter de prévenir la situation?

M. Lebleu : C’est une bonne question. Elle est complexe.

Vous parlez essentiellement de la manière dont nous traitons les causes profondes des crises humanitaires et de la sécurité. Il y a quelques enjeux fondamentaux. Nous avons 5 000 écoles. Tout a commencé par l’éducation. La situation en matière de sécurité empêche aujourd’hui des millions d’enfants d’aller à l’école. Il est assez difficile de parler uniquement de formation professionnelle technique, mais je pense que c’est un domaine dans lequel nous pouvons aider.

Au Sénégal, par exemple, le Canada joue un rôle à cet égard. Nous traitons avec leur ministre de l’Éducation. Leur ministre de la Formation technique était au Canada il y a environ un mois pour examiner notre propre modèle. C’est un domaine où nous pouvons faire plus et où l’expertise du Canada est sollicitée.

L’autre élément que j’examinerais est le soutien aux jeunes entrepreneurs. C’est un domaine dans lequel nous investissons.

Un troisième élément — la sénatrice Gerba comprendra où je veux en venir — est la manière dont nous traitons notre propre diaspora au Canada. Comment peut-elle contribuer à la création d’emplois? Quelqu’un a demandé si nous travaillons avec les provinces. Je collabore avec la Délégation générale du Québec à Dakar, et nous voulons organiser un forum sur l’investissement de la diaspora ici en mars afin de voir comment les personnes qui étudient au Canada peuvent ramener une partie de cette richesse et de ces connaissances dans leur pays. Elles sont généralement très désireuses de le faire.

Je vais m’arrêter là.

Le président : Nous arrivons à la fin du premier tour, et nous allons passer immédiatement au deuxième. Mesdames et messieurs les sénateurs, si vous souhaitez poser une deuxième question, vous pouvez le faire. J’ai une courte liste, mais elle peut s’allonger. Si vous voulez vous porter volontaire, ce serait formidable.

[Français]

La sénatrice Gerba : J’aimerais revenir à l’ambassadeur Diendéré. Je voudrais que vous nous en disiez plus sur votre idée d’une agence — nous avons déjà eu l’ACDI, qui a fermé en 2016 — qui pourrait coordonner toute l’action du Canada en Afrique. Comment pourrait-on le faire? Comment voyez-vous cette agence?

Monsieur Lebleu, vous êtes l’envoyé spécial au Sahel, une région où nos entreprises minières sont très actives et où elles sont très touchées aujourd’hui par les contextes politique et sécuritaire. Comment se portent nos entreprises là-bas? Sont-elles encore là-bas?

M. Diendéré : Merci, sénatrice. Je vais répondre rapidement pour permettre à Marcel de parler du Sahel, qui nous importe à tous.

C’est une idée que j’ai eue. Je ne l’ai pas jetée par-dessus bord; c’est parce que j’ai vu comment les autres pays fonctionnent. Regardez comment la Türkiye agit sur le continent africain en ce moment : à travers un véhicule clair. Regardez comment l’Inde agit en Afrique : à travers un véhicule clair. Comment fonctionnent le Qatar et les Émirats arabes unis? À travers un véhicule clair. C’est cela qu’il nous faut.

J’ai lu aujourd’hui dans une dépêche que j’ai reçue que lorsqu’il y a une bataille d’éléphants, le sol en paie le prix. Il ne faut pas devenir un dommage collatéral de ce qui se passe sur le continent africain, car il y a une grande bataille d’influence entre la Russie, la Chine et l’Inde. Ce sont de grandes puissances. Le Canada ne peut pas se permettre de perdre pied là-bas.

Une agence, ce n’est pas quelque chose que nous inventons. La sous-ministre adjointe a dit que nous avions les moyens dans notre système. Mutualisons nos moyens. Occupons-nous directement des choses qui nous intéressent. Prenons du temps pour bien faire les choses et appuyons tous nos ambassadeurs bilatéraux sur le terrain qui font avancer les projets économiques.

Ce n’est pas de la science infuse, mais il faut de la clarté aujourd’hui dans notre système. Si on pouvait survivre aux politiques changeantes... Je ne sais pas ce que ce sera l’an prochain à cause des élections américaines. Peut-être qu’on disparaîtra du portrait. Peut-être que l’Afrique ne sera même plus dans l’équation. Est-ce le risque que l’on court, si on ne fait rien aujourd’hui, si on attend et on continue de faire les choses comment nous les faisions avant? Ce serait dommage que tout le monde ait investi autant de temps pour faire progresser cette stratégie avec deux envoyés spéciaux et avec tous les chefs de délégation que je rencontre à coup de voyages et de ne pas avoir de véhicule pour rouler dessus au cours des prochaines années.

C’est une idée. Ce n’est peut-être pas la meilleure, mais c’est celle que j’ai en tant qu’homme du secteur privé. Nous avons besoin de clarté. Nous avons besoin de quelque chose qui peut nous amener sur le terrain et nous permettre d’agir sans déranger le système tel qu’il est.

Le président : Le temps est écoulé, mais je veux donner une minute à l’ambassadeur Lebleu pour répondre.

M. Lebleu : Rapidement, c’est effectivement très complexe. Nous avons au Mali une situation très particulière où Barrick, le plus important investisseur privé au pays, s’est fait quasiment nationaliser ses actifs. Quatre de ses employés sont toujours en prison depuis huit mois. C’est une situation sécuritaire qui rend l’acheminement des combustibles vers des opérations minières très complexes. Nous passons beaucoup de temps dans des dialogues parfois très difficiles, mais nous maintenons les canaux ouverts avec le gouvernement malien.

Nous avons également des investissements au Burkina Faso. Cela se passe relativement bien, même si le gouvernement a augmenté sa participation sans compensation dans les projets miniers de 15 à 35 %. Nous appelons cela, dans notre jargon, une « creeping nationalization », une nationalisation rampante. C’est à surveiller, mais cette revendication des populations à l’égard des ressources et de leurs bienfaits se fait ressentir dans toute l’Afrique.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : Ma question s’adresse à l’envoyé spécial, M. Diendéré. Encore une fois, vous avez dit que le Canada est le continent de l’heure. J’ai posé une question sur les entreprises canadiennes, dont on dit souvent qu’elles sont réticentes à prendre des risques et ne cherchent pas de nouveaux marchés. Comment leur faire passer ce message?

Vous avez dit que les six derniers mois ont été très importants. Pourriez-vous nous en dire plus?

Monsieur l’ambassadeur Lebleu, faites-nous le point sur le terrorisme au Sahel — nous avons constaté une recrudescence depuis 2019, dont vous avez déjà parlé. Cette lutte contre le terrorisme porte-t-elle ses fruits?

Le président : Commençons par l’ambassadeur Diendéré, puis nous passerons à l’ambassadeur Lebleu.

M. Diendéré : Je souhaite remercier l’honorable sénatrice.

Il est vrai que ces six derniers mois ont été très importants. Beaucoup de choses ont changé en Afrique. Nous avons un nouveau dirigeant à l’Union africaine. C’est une chose. Toutes les personnes que je connaissais l’année dernière ne sont plus là, je dois donc recommencer à établir des contacts.

Deuxièmement, nous avons un nouveau gouvernement. Il peut fixer des priorités. Tout le monde écoute et tout le monde observe ce qui nous arrive. Nous ne sommes pas dans un vase clos.

[Français]

Les gens savent exactement ce qui nous arrive.

[Traduction]

Ils commencent à nous écouter.

[Français]

Quand on arrive dans des foires avec des entreprises canadiennes et qu’il y en a 19 qui se présentent alors que 16 autres s’en vont de l’autre côté, la surprise de constater que l’on en avait autant est grande, même pour moi. Malgré tous les risques dont tout le monde parle, ces entreprises sont encore là.

Les risques sont partout ailleurs : aux États-Unis, en Europe, en Indo-Pacifique. Pourquoi les risques africains seraient-ils plus importants qu’ailleurs? Il faut changer notre narratif pour convaincre les entreprises de venir sur le continent.

Cela m’amène à vous dire que CBC/Radio-Canada n’a pas un seul de ses correspondants sur le continent africain. Sur 54 pays, le seul journaliste qui se trouve sur le territoire africain en ce moment est un journaliste du Globe and Mail. Si l’on veut que les entreprises canadiennes sachent ce qui se passe en Afrique, il faut qu’ils sortent des coupures de presse et de ce qu’on leur raconte sur ce qui ne fonctionne pas. Je vous promets si vous faites le tour de l’Afrique, comme je l’ai fait, vous découvrirez qu’il y a des choses qui fonctionnent et des entreprises qui vont bien et qu’il y a des besoins.

Pour revenir à la question du continent d’aujourd’hui, la démographie parle d’elle-même en Afrique. Ce sont de jeunes consommateurs. On a 300 millions de personnes qui ont besoin d’énergie. Le Canada est très bon en matière d’énergie, alors pourquoi ne sommes-nous pas sur ce territoire en train de faire des affaires dans le secteur énergétique en ce moment? On a des infrastructures en santé...

[Traduction]

Le président : Je suis désolé. Je vais vous interrompre, car nous avons largement dépassé le temps imparti. La sénatrice Ataullahjan avait une petite question qu’elle a également posée à l’ambassadeur Lebleu. Avec votre permission, monsieur l’ambassadeur, nous allons lui céder la parole.

M. Diendéré : Je vous prie de m’excuser.

Le président : Non, vous n’avez pas à le faire. C’est un sujet fascinant, et je pense que nous avons ici un bon témoignage.

M. Lebleu : Pour répondre brièvement à la question de savoir si nous faisons des progrès, je dirais que non. Je vais donner l’exemple du Mali. Ce pays a renoncé au système de protection par la France, puis au système européen. Ensuite, il a abandonné la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, ou MINUSMA, qui visait le maintien de la paix. On leur a demandé de quitter le pays. Le Mali a délaissé son partenaire traditionnel en matière de sécurité dans la région, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ou CEDEAO, et s’est joint au groupe Wagner en Afrique et à des acteurs russes ou non traditionnels de la région.

Deux ou trois ans plus tard, nous constatons un exode de la population. Si vous voulez savoir pourquoi je vous réponds non, je vous invite à regarder le nombre de personnes qui fuient leur pays ou leur village. C’est la réponse à votre question; malheureusement, rien ne progresse.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Wilson : Ma question pourrait s’adresser à l’un ou l’autre des témoins, mais je pense qu’elle vise plutôt l’ambassadeur Diendéré. Vous avez dit tout à l’heure qu’avec le retrait de l’Agence des États-Unis pour le développement international, l’USAID, l’aide ciblée est passée de 48 à 29 %.

En fait, j’aurais pensé que la baisse aurait été plus importante avec le retrait de l’USAID, compte tenu de la différence. D’autres acteurs étatiques ont-ils comblé ce vide? Dans l’affirmative, lesquels? Est-ce que la Chine y contribue?

[Français]

M. Diendéré : Monsieur le sénateur, la question du retrait de la USAID en Afrique est un débat qu’on entretient encore dans la zone américaine en Europe. Les Africains sont passés à autre chose. J’ai rencontré des commissaires et bien des États qui sont en train de subir les contrecoups du manque d’argent de la USAID. Il n’est pas pour autant question que le Canada remplace la USAID. On n’en a pas les moyens. Il s’agit de 15 milliards de dollars par année. Il faut pouvoir faire ce que l’on fait en ce moment et le faire très bien.

Deuxièmement, il est vrai que la Chine, l’Inde, la Türkiye et les autres compensent de diverses façons : certains dans le règlement de la dette, d’autres dans des infrastructures et d’autres dans des projets plus spécifiques.

Entre l’an dernier et aujourd’hui, nous avons tenu un sommet Chine-Afrique, un sommet Japon-Afrique et un sommet Inde-Afrique, et on se prépare à en tenir plusieurs autres. Ce sont des véhicules qu’ils utilisent tous au moyen de leurs rencontres pour compenser ou ajuster en fonction de ce qu’il y a. Par exemple, la USAID est partie et l’Afrique est en train de changer. Elle n’attend plus; elle est plutôt en train de transformer la USAID en relations d’affaires, comme l’indique l’envoyé spécial des États-Unis. On parle maintenant de relations transactionnelles avec l’Afrique.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Je vais revenir sur une question que notre collègue, la sénatrice Ataullahjan, a posée. Elle s’adresse à vous, monsieur l’ambassadeur Lebleu.

Il y a quelques années, le sénateur Ravalia, d’autres sénateurs et moi-même avons visité le Maroc. Nous avons appris pendant notre séjour ce que font le Maroc et d’autres pays de la région pour tenter de collaborer avec les chefs religieux du Sahel à des fins de déradicalisation. Je me demande si le Canada participe d’une manière ou d’une autre à ces efforts déployés par des acteurs locaux en Afrique du Nord.

M. Lebleu : Je vous remercie. Oui, je comprends parfaitement ce que vous voulez dire. Cette question a été soulevée à plusieurs reprises. Nous constatons en fait que la formation de tous ces imams au Maroc a un effet très positif. En même temps, soyons honnêtes : il y a d’autres pays, que je ne nommerai pas ici, qui sont impliqués dans ces activités et qui financent d’autres types de prédication dans la région. C’est également un défi que nous rencontrons, mais nous ne sommes honnêtement pas bien équipés pour le relever. Cependant, je dirais que le Maroc joue un rôle positif dans la région. Nous devrions être reconnaissants de ce qu’il a accompli par lui-même.

Le président : La sénatrice Gerba entame un troisième tour; elle a la parole.

[Français]

La sénatrice Gerba : Ma question s’adresse à vous deux, messieurs les ambassadeurs, au sujet du modèle des Américains et des Français, qui ont déjà des structures de concertation et qui ont mis en place leurs politiques pour impliquer les membres de la diaspora. Ces derniers jouent un rôle important, vous l’avez dit, monsieur l’ambassadeur Lebleu.

Que pensez-vous de la mise sur pied d’un conseil permanent des relations Canada-Afrique?

M. Diendéré : Je me lance. Merci de votre question, madame la sénatrice. Je ne suis pas à l’étape d’exclure quoi que ce soit qui fera parler de l’Afrique et la mènera dans une bonne action. Qu’il s’agisse d’une table de concertation ou d’un organe de concertation, tant que c’est fonctionnel et que cela nous permet de faire de la reddition de comptes et d’organiser notre action, je suis toujours partant.

Cela me permet de vous dire rapidement que, depuis le début de mon mandat il y a trois ans, on nous parle beaucoup de l’Indo-Pacifique. L’Afrique n’en fait pas partie et ce n’est pas non plus l’Indo-Pacifique. L’Afrique abrite 54 pays et l’on y trouve une tout autre réalité. Alors, tous les outils que l’on tente de passer du côté de l’Indo-Pacifique, on aimerait bien les avoir pour l’Afrique, mais ça n’arrivera pas.

Je suis tout à fait pour un instrument qui pourrait nous aider à faire de la reddition de comptes, à suivre nos projets et à ne pas être dans le soubresaut politique pour surveiller les choses.

M. Lebleu : J’ai donné un exemple plus modeste et plus régional dans le cadre de mon mandat d’ambassadeur au Sénégal, dans lequel notre intérêt est de travailler avec la communauté. On est assez flexible sur le modus operandi et on est très inclusif. On travaille avec le gouvernement du Québec, avec nos collègues du ministère de l’Immigration, avec des mobilisateurs de fonds privés. Je demeure très ouvert quant aux modalités d’intervention et de travail avec nos partenaires.

Le président : Merci.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie. Si vous me le permettez, j’aimerais revenir sur ce que ma collègue, la sénatrice Ataullahjan, a commencé à dire au sujet des six premiers mois. Je pense que vous n’aviez pas tout à fait terminé, et j’ai pris note de ce que vous avez dit tout à l’heure au sujet du changement de direction et de l’équipe qui vous entoure. C’est toujours important.

Monsieur l’ambassadeur, je me demande si vous souhaitez ajouter quelque chose à ce sujet, en particulier sur la façon dont vous devez vous adapter, faire preuve de souplesse, et peut-être sur certaines choses que vous recherchez ou envisagez aujourd’hui et qui n’étaient pas à l’ordre du jour il y a six mois.

M. Diendéré : Je tiens à remercier l’honorable sénatrice. Je commencerai par faire une remarque.

Le Canada est un pays du G7. Pouvez-vous imaginer la discussion sur la présence d’un invité de l’Union africaine au G7? C’est arrivé pendant une période de transition où il y avait une nouvelle direction à l’Union africaine et au Canada, alors que le Canada est membre du G7.

Nous avons fait quelque chose de très intéressant. Nous avons fait venir le président du G7 à Addis-Abeba pour calmer tout le monde, car chaque pays du G7 a des invités. Comme l’Union africaine est membre du G20, il fallait l’inviter, mais elle était en période de transition. La direction était nouvelle, et nous ne savions pas qui inviter.

Tout s’est bien passé, et l’Afrique du Sud est venue en tant que membre du G20. Le pays sera aussi l’hôte du nouveau G20. C’était un exemple des ajustements que nous avons dû faire alors que tout était en place. J’ai même accueilli un ministre des Affaires étrangères à un moment donné, et tout était en train de changer en Afrique.

Ces six derniers mois ont été très intéressants, car nous pouvons sentir que, pendant la transition, les pays dirigeants se portent bien — principalement la Chine, la Russie, l’Inde et la Türkiye. Lors d’une telle transition, ils s’en sortent très bien, tandis que nous sommes encore en train de faire des études, d’y réfléchir, de douter, et ainsi de suite. Voilà ce que je veux dire.

Pour un nouveau diplomate comme moi, c’était difficile. Il faut jongler avec l’imprévu et attendre que son propre gouvernement fixe ses priorités. Puis l’été est arrivé, et tout le monde est parti en vacances. Ensuite, il a fallu rattraper tout le retard accumulé.

C’était fort intéressant. Je pourrais écrire un livre sur mon expérience en tant que diplomate.

Le président : Merci beaucoup. En tant qu’ancien diplomate, je constate que rien n’a vraiment changé, ce qui m’encourage d’une certaine manière.

Je sais que certains collègues souhaitent encore poser des questions, mais je voudrais voir comment nous pouvons conclure de la meilleure façon. Pour ce faire, je voudrais tout d’abord dire que nous n’avons jamais eu une séance ou une audience comme celle-ci, du moins depuis que je suis président, où nous bénéficions à la fois de l’expertise dans la salle et de celle sur le terrain. Je pense que c’est un modèle que nous pourrions vouloir répéter.

À présent, notre équipe d’analystes très talentueux va rédiger le rapport. Une partie a déjà été préparée, mais beaucoup de choses se sont passées depuis notre dernière réunion pour discuter des relations entre le Canada et l’Afrique. Comme l’ambassadeur Diendéré l’a mentionné, nous avons bien sûr connu une transition. Il y a eu une prorogation et une dissolution, en termes parlementaires, puis l’élection d’un nouveau gouvernement. Le Canada est toujours à la tête du G7, de sorte qu’il en assume toujours la présidence. Bien sûr, il y a eu une élection importante au sud de notre frontière qui a tout bouleversé dans une certaine mesure, et d’autres changements sont probablement à venir.

La question que j’aimerais poser à tous les témoins est la suivante : y a-t-il une tendance qui a vraiment changé ou des recommandations que nous pourrions formuler et sur lesquelles il faudrait insister davantage, selon vous? Après tout, une fois que nous aurons publié notre rapport, c’est à vous qu’il reviendra d’y donner suite ou de répondre à nos recommandations de la part de vos ministres et du gouvernement.

Y a-t-il une chose qui mérite vraiment d’être soulignée davantage, d’ici là? Je devrais peut-être m’adresser d’abord à la sous-ministre adjointe, si vous avez un avis ou un ajout à faire.

Mme Urban : Je vous remercie infiniment pour cette question.

Je commencerai peut-être par vous remercier pour le travail que vous accomplissez. Je pense qu’il demeure très pertinent, et que l’étude et les recommandations que vous nous présenterez nous seront très utiles.

Je dirais simplement que, pour l’instant, nous travaillons dans le cadre des priorités très claires que s’est fixées le gouvernement du Canada. Le premier ministre nous a confié sept missions. C’est différent de la stratégie publiée en mars. Nous examinons de plus en plus tout ce que nous faisons et la mise en œuvre de la stratégie sous l’angle de partenariats mutuellement avantageux, de nos intérêts économiques et de sécurité, et de la souveraineté canadienne.

J’examine ce que nous pouvons faire pour aider le reste du gouvernement canadien à atteindre son objectif global. Le lien entre la prospérité économique du Canada et notre engagement international est une nouvelle orientation que nous prenons actuellement.

Le président : Est-ce que l’un de nos ambassadeurs sur le terrain souhaiterait faire un commentaire en toute sécurité, devrais-je dire? Quand on est loin de l’administration centrale, on devient un peu plus courageux.

[Français]

M. Lebleu : Pour ma part, la transition est la nouvelle priorité du premier ministre. Je peux vous dire que notre sous-ministre adjoint et le sous-ministre nous demandent de nous aligner le plus possible sur ces nouvelles priorités.

Certaines de ces priorités sont plus pertinentes à l’étranger, comme vous pouvez vous en douter. Celle qui ressort nettement et clairement, c’est le programme de prospérité économique. Même si je suis dans un pays à faible revenu, cela devient une priorité encore plus grande. Je vais m’arrêter là. Merci.

M. Diendéré : Merci de nous avoir reçus encore aujourd’hui. Effectivement, j’appuie les propos de ma sous-ministre adjointe et de mes collègues.

Je vais terminer en disant une chose : au début de l’été, je croyais qu’il fallait que je me batte pour avoir de l’argent pour la Stratégie du Canada pour l’Afrique; à la fin de l’été, je devais me battre pour qu’on prononce le mot « Afrique ». C’est troublant.

Je veux que l’on continue de réfléchir à une chose : on ne peut pas se permettre de ne pas avoir l’Afrique dans notre stratégie de diversification. Ce n’est pas un continent pour demain; c’est maintenant.

Je veux que le comité retienne que si on manque le bateau de l’Afrique en 2025, on le manque pour les Canadiens et les entreprises canadiennes, et c’est une vraie faute. Merci.

Le président : Merci beaucoup. C’était très bien dit.

[Traduction]

Au nom du comité, je tiens à exprimer notre gratitude à Mme Cheryl Urban, sous-ministre adjointe du Secteur de l’Afrique; M. Andrew Smith, directeur général à la Direction générale des affaires panafricaines; M. Ryan Clark, directeur général à la Direction générale de l’Afrique centrale, du Sud et de l’Est; Mme Susan Steffen, directrice générale à la Direction générale de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb; l’ambassadeur Ben Marc Diendéré à Addis-Abeba; et l’ambassadeur Marcel Lebleu à Dakar. Bien sûr, vous avez également ces fonctions d’envoyés spéciaux, que je trouve particulièrement intéressantes.

Nous sommes tous fiers du travail que vous accomplissez et de la manière dont vous le faites, et nous vous encourageons donc à poursuivre dans cette voie. Vous recevrez un rapport de notre part dans un avenir proche, espérons-le. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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