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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 2 octobre 2025

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui par vidéoconférence, à 9 heures (HE), pour étudier, afin d’en faire rapport, le problème grandissant des feux de forêt au Canada et les effets que les feux de forêt ont sur les industries de la foresterie et de l’agriculture, ainsi que sur les communautés rurales et autochtones, à l’échelle du pays.

Le sénateur Robert Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Merci d’être présents, malgré le changement d’horaire. C’est un plaisir de vous accueillir. Je souhaite la bienvenue aux membres du comité, à notre témoin, ainsi qu’à ceux qui regardent cette réunion sur le Web. Je m’appelle Rob Black. Je suis un sénateur de l’Ontario et je préside le comité.

Avant de donner la parole à notre témoin, je rappelle aux membres du comité directeur que nous aurons une courte réunion après la séance principale. Ce sera bref.

Je tiens à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes réunis se trouvent sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine Anishinaabe.

Avant d’entendre notre témoin d’aujourd’hui, j’aimerais demander aux sénateurs et sénatrices présents de se présenter, en commençant par le vice-président.

Le sénateur McNair : Bonjour. Je m’appelle John McNair et je viens du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Burey : Bonjour. Sharon Burey, sénatrice de l’Ontario.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta.

La sénatrice McBean : Marnie McBean, sénatrice de l’Ontario.

Le sénateur Varone : Toni Varone, de l’Ontario.

La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, territoire du Traité no 6, en Saskatchewan.

Le président : Merci à tous.

Aujourd’hui, le comité poursuit son étude sur le problème grandissant des feux de forêt au Canada et les effets qu’ils ont sur les industries de la foresterie et de l’agriculture. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Matt Gemmel, directeur général, Politique et affaires publiques, de la Fédération canadienne des municipalités, aussi connue sous le nom de FCM. Monsieur Gemmel, vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Je vous ferai signe lorsque votre temps sera écoulé. La parole est à vous.

Matt Gemmel, directeur général, Politique et affaires publiques, Fédération canadienne des municipalités : Merci, sénateur Black, et bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. C’est un plaisir d’être avec vous. Je vous remercie d’avoir invité la Fédération canadienne des municipalités à contribuer à cette importante étude sur ce sujet important.

La Fédération canadienne des municipalités est le porte-parole national des administrations locales au Canada.

[Français]

Ensemble, nous représentons plus de 92 % de la population canadienne.

[Traduction]

Nos membres comprennent des municipalités de toutes tailles, dans toutes les régions du pays, c’est-à-dire dans chaque province et territoire. Les 20 associations municipales provinciales et territoriales sont également membres de la FCM.

J’aimerais aborder deux points dans ma déclaration préliminaire. Le premier est que nous devons accroître la coordination entre tous les ordres de gouvernement — fédéral, provincial, territorial, autochtone et municipal — lorsqu’il s’agit de prévenir les feux de forêt, d’y réagir et de se rétablir par la suite. Le deuxième point concerne le fait que les municipalités, en partie grâce aux efforts de la FCM, améliorent leur compréhension des risques climatiques aux niveaux local et régional. Cependant, nous avons besoin d’investissements fédéraux à long terme dans les infrastructures pour réduire ces risques pour les collectivités au fil du temps.

Comme vous le savez tous, la saison des feux de forêt de 2025 est déjà la deuxième en importance après celle de 2023, avec un total de plus de 8,8 millions d’hectares de forêts brûlées en date de septembre. Des milliers de Canadiens ont été évacués ou déplacés. Il s’agit de la troisième saison record d’affilée, la situation ayant été aggravée par les records de chaleur au Canada et la hausse des températures mondiales, dont les effets sont dévastateurs. Les dirigeants municipaux sont très préoccupés par le fait qu’il s’agit de la nouvelle normalité pour le Canada et que le cadre actuel de gestion des urgences n’est plus suffisant pour réagir à cette nouvelle réalité.

Au Canada, la gestion des feux de forêt est une responsabilité provinciale ou territoriale, les municipalités s’occupant habituellement des urgences liées aux incendies sur leur territoire. Cependant, étant donné le nombre croissant de résidences et d’entreprises situées près des zones forestières, les pompiers locaux sont souvent appelés à intervenir dans les régions où les feux de forêt menacent leurs collectivités. Les pompiers ruraux sont souvent des bénévoles, et de nombreuses collectivités n’ont pas les ressources nécessaires pour fournir les services ou le matériel de lutte contre les incendies adéquats. Les installations municipales d’approvisionnement en eau, dans les régions rurales où de telles installations existent, ont été construites pour fournir de l’eau potable et éliminer les eaux usées. Elles n’ont jamais été conçues pour servir à lutter contre les feux de forêt de l’ampleur et de l’intensité de ceux que nous connaissons aujourd’hui.

Lorsqu’un feu de forêt majeur menace une collectivité, ce sont les responsables locaux, la police et la GRC qui sont sur le terrain, coordonnant les évacuations et soutenant les ressources provinciales, qui sont utilisées au maximum en raison du nombre croissant de feux et de leur ampleur. Ces feux se produisent souvent en même temps, dans la même province ou même dans la même région.

[Français]

Les municipalités qui hébergent des personnes évacuées ont aussi beaucoup de difficulté à leur offrir un logement et les services dont elles ont besoin.

[Traduction]

La Fédération canadienne des municipalités encourage le gouvernement du Canada à envisager l’élaboration de mesures nationales de coordination, y compris, mais sans s’y limiter, un organisme national de gestion des urgences ou une administration nationale des incendies. Par exemple, dans un premier temps, le gouvernement fédéral pourrait envisager d’acquérir une flotte nationale suffisante de bombardiers à eau fabriqués au Canada et basés de façon stratégique pour répondre le mieux possible aux besoins des collectivités rurales. Tous les ordres de gouvernement doivent veiller à ce que les premiers intervenants locaux aient la formation, l’équipement et le soutien nécessaires pour intervenir rapidement et efficacement dans toutes les régions du pays.

En partenariat avec le gouvernement fédéral, le Fonds municipal vert de la FCM a investi 530 millions de dollars dans un nouveau programme appelé Leadership local pour l’adaptation climatique, qui a été créé dans le cadre de la Stratégie nationale d’adaptation. Grâce à ce programme, la FCM aide les collectivités à cerner les risques liés au climat, y compris ceux que représentent les feux de forêt, ainsi qu’à élaborer des stratégies pour se protéger.

[Français]

Cependant, la demande est très forte et les nombreuses municipalités ont besoin d’aide.

On sait que chaque dollar investi dans l’adaptation climatique permet d’économiser jusqu’à 15 $.

[Traduction]

Par conséquent, les municipalités comptent sur le gouvernement fédéral pour les aider à intensifier leurs efforts et à assurer la sécurité de leur population. Le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, qui est actuellement administré par le gouvernement fédéral — et dont l’enveloppe est entièrement allouée —, est un exemple de programme fédéral qui aide les petites collectivités rurales et éloignées à adapter les infrastructures locales pour tenir compte des risques naturels, comme les feux de forêt. La Fédération canadienne des municipalités souhaite que ce programme soit élargi cette année.

Enfin, la FCM demande également un financement pour combler les lacunes qui subsistent en matière de services cellulaires et de connectivité à large bande sur toutes les routes du pays, ainsi que dans les infrastructures des transports, afin que les collectivités rurales et nordiques puissent assurer la sécurité de leur population lors d’événements catastrophiques comme les feux de forêt. Il est dans notre intérêt à tous de faire ces investissements dès le départ plutôt qu’après que des feux de forêt se soient produits, mettant des vies en danger et détruisant des villes. Tous les ordres de gouvernement ont un rôle à jouer dans l’adaptation de nos collectivités, la prévention et la préparation aux feux de forêt, pour éviter qu’ils se produisent.

Merci.

Le président : Je vous remercie de votre déclaration préliminaire. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Honorables sénateurs et sénatrices, je vous rappelle que vous disposez de cinq minutes pour les questions et réponses. Nous allons faire plusieurs tours de table, au besoin. Je vais commencer par le vice-président.

Le sénateur McNair : Merci, monsieur Gemmel, d’être ici aujourd’hui et de prendre la parole devant le comité.

Vous avez mentionné que chaque dollar investi dans l’adaptation aux changements climatiques permettrait d’économiser 15 $ en coûts futurs liés au rétablissement après une catastrophe et aux dommages aux infrastructures. Pouvez‑vous nous en dire plus à ce sujet? Cette affirmation a piqué ma curiosité, et je pense que le gouvernement fédéral écoute ou, à tout le moins, entend ce que vous dites.

L’autre chose que vous avez mentionnée dans votre déclaration préliminaire, c’est la nécessité de mesures de coordination nationale. Vous pourriez peut-être nous éclairer davantage à ce sujet, notamment en nous disant ce que vous entendez par cela.

M. Gemmel : C’est avec plaisir que je vais préciser davantage ces deux points. Merci pour vos questions.

L’un des arguments les plus convaincants en faveur des investissements dans l’adaptation aux changements climatiques, ce sont les coûts évités et le rendement sur le capital investi pour tous les gouvernements, la population et les entreprises. Je suis certain que le comité est au courant de l’excellent travail de l’Institut climatique du Canada. Je vous encourage à examiner de près ses recherches récentes sur ce sujet.

Le montant exact des économies varie, bien sûr, selon la nature des investissements. À ma connaissance, ceux qui sont faits dans la prévention des feux de forêt sont les plus rentables, tant au chapitre du rendement qu’en ce qui concerne les coûts évités. La gestion des forêts coûte cher, mais elle n’est pas aussi coûteuse que, disons, les digues et les infrastructures physiques visant à prévenir les inondations, qui comportent aussi de grands avantages sur le plan des coûts évités, mais qui sont plus coûteuses au départ. Les arguments en ce sens sont donc très convaincants.

Les incendies sont les catastrophes climatiques qui coûtent le plus cher au Canada sur le plan des réclamations d’assurance. Ils figurent en tête de liste. Les inondations ne sont pas loin derrière, mais ce sont les incendies qui viennent en tête. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour réduire ces coûts dès le départ, grâce à la gestion des forêts et aux coupe-feu.

Pour ce qui est de la coordination, je pense qu’il y a beaucoup à dire. De toute évidence, les provinces ont un rôle essentiel à jouer. Cela ne veut pas dire que le gouvernement fédéral devrait intervenir et assumer la responsabilité, mais je pense qu’en ce qui concerne l’équipement, ce que nous avons entendu de nos membres et ce que nous avons constaté, c’est qu’il n’est pas suffisant maintenant, surtout avec les nombreux incendies qui ont lieu tous en même temps, parfois dans la même région, mais parfois aussi dans des régions différentes. Le Canada atlantique, le nord de la Colombie-Britannique et le nord du Québec connaissent une saison similaire à celle d’il y a quelques années, en 2023. La nécessité pour le gouvernement fédéral d’investir dans ce matériel et d’assurer une meilleure coordination de ses dépenses serait un bon point de départ.

Le sénateur McNair : J’ai une autre petite question à propos de quelque chose que vous avez mentionné. Nous avons discuté de l’idée ou du concept d’une flotte nationale de bombardiers à eau avec des responsables qui étaient ici l’an dernier. Êtes-vous d’avis que cette initiative suscite beaucoup d’intérêt et de soutien chez vos membres?

M. Gemmel : Oui, nous donnerions notre soutien à cela. Je pense qu’il y a des preuves que leur nombre est insuffisant et que nous devons avoir recours à des ressources internationales. Ces ressources internationales, ces pays pairs — qu’il s’agisse de l’Australie, des États-Unis ou de pays européens — sont eux aussi débordés, les saisons des feux de forêt chez eux étant de plus en plus longues et chaudes, et leur équipement étant davantage sollicité. Je pense qu’il est clair que nous avons besoin de plus d’équipement, basé dans différentes régions du pays et prêt à être utilisé sans délai.

La sénatrice Sorensen : Merci de votre présence ici. Bien entendu, les municipalités sont au cœur de bien des choses, y compris de la résilience des collectivités aux changements climatiques.

Lors de son témoignage, en octobre 2024, Andrew Campbell, vice-président principal des opérations à Parcs Canada, a dit au comité que Jasper était sans aucun doute le lieu le plus Intelli-feu au pays, un modèle au chapitre de la lutte contre les incendies. Je pense que cela a été démontré par le fait que 70 % de cette ville a été sauvé malgré le très grand danger.

Je sais qu’au cours de la dernière année, la FCM a tenu un webinaire concernant des études de cas de projets de résilience aux feux de forêt dirigés par les municipalités, afin d’aider la population à mieux se protéger. Je serais curieuse de savoir si vous vous souvenez de conversations qui ont eu lieu pendant le webinaire, et si vous pouvez nous en dire plus à ce sujet et concernant la rétroaction d’autres municipalités. Est-ce que des choses surprenantes sont ressorties?

De plus, comme je vis dans une municipalité à l’intérieur d’un parc national, je sais combien il est rassurant de pouvoir compter sur Parcs Canada. La plupart des municipalités n’ont pas cette chance — en fait, aucune autre municipalité n’a cette chance. Est-ce ainsi que l’on perçoit Jasper? Est-ce que les gens se servent de ce modèle dans leur démarche en vue de se protéger contre les incendies?

M. Gemmel : Je vous remercie de la question. C’est formidable de répondre à une question d’une ancienne mairesse. Merci.

J’aimerais mentionner quelques points. J’ai également entendu les mêmes commentaires au sujet de l’état de préparation de Jasper. J’ai entendu le maire Ireland parler des nombreuses années de préparation et du fait qu’il avait l’impression que les gens avaient beaucoup travaillé pour se préparer. Cette collectivité est l’une des mieux préparées au pays en matière de lutte contre les incendies, mais elle a néanmoins été grandement touchée. Je pense que cela en dit long sur l’ampleur et l’intensité des incendies causés par les changements climatiques. Je pense que les initiatives très locales de type Intelli-feu sont ce que je décrirais comme une approche nécessaire, mais insuffisante. Nous devons participer à cela, mais ce n’est pas suffisant.

J’étais dans la vallée de Bow récemment, il y a deux semaines plus précisément, et j’ai vu l’énorme coupe-feu que Parcs Canada et d’autres partenaires sont en train de construire autour de Banff et de Canmore. C’est un projet gigantesque, mais ils ont tiré des leçons de Jasper. Ils voient l’ampleur de l’intervention qui est nécessaire.

Au cours de ce voyage, j’ai rencontré des représentants du district municipal de Bighorn, qui se trouve à la frontière du parc national Banff. Il s’agit d’une grande municipalité rurale qui s’étend pour ainsi dire du nord au sud, le long de la limite du parc. Ce qui est arrivé à Jasper a vraiment sonné l’alarme pour les gens là-bas. Selon eux, toutes les questions de coûts, et peut-être même la notion de « pas dans ma cour », concernant la perte de ressources forestières en raison des pratiques de gestion des forêts, sont disparues depuis, ce qui fait qu’ils investissent beaucoup.

Je serai heureux de faire le suivi auprès du comité concernant certaines des ressources que nous avons mises au point dans le cadre de notre programme Leadership local pour l’adaptation climatique. Je n’ai pas participé au webinaire que vous avez mentionné, mais la thèse qui sous-tend ce programme ou sa raison d’être est d’aider les municipalités à évaluer leurs risques climatiques locaux — qu’il s’agisse des incendies, de l’élévation du niveau de la mer, des ouragans, de la chaleur extrême ou de l’effet des îlots de chaleur en milieu urbain, tout cela —, puis à établir les priorités en matière d’investissements, afin surtout — et je crois que c’est le caractère unique de ce programme — d’intégrer ces risques climatiques à la planification de la gestion des actifs. Où les infrastructures municipales sont-elles les plus vulnérables? Où doivent-elles être renforcées?

La sénatrice Sorensen : Je reconnais que personne ne s’occupe mieux de la gestion des actifs que les municipalités.

En ce qui concerne le financement, est-ce la meilleure voie à suivre pour les municipalités ayant de la difficulté à trouver des ressources que d’exploiter les possibilités offertes par la Fédération canadienne des municipalités? Y a-t-il un moyen pour une municipalité de s’adresser directement au gouvernement fédéral pour obtenir du financement en matière de résilience, ou est-ce que la voie à suivre passe par votre organisation?

M. Gemmel : Je pense qu’il existe certainement une voie dans l’immédiat par l’entremise de la FCM à l’heure actuelle. Ce programme a été lancé l’an dernier, et des fonds sont disponibles. On parle de 530 millions de dollars, et les besoins sont grands. On finance à la fois des plans et des études, mais aussi des projets d’immobilisations. Vous pouvez imaginer que les besoins en capitaux sont largement supérieurs à cette somme. Je peux dire avec certitude que les demandes concernant ce programme dépasseront ce qui est disponible, mais le financement est là et nous encourageons certainement les municipalités à présenter une demande.

Le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, ou FAAC, est la principale source de financement du côté des immobilisations, y compris pour des projets comme les coupe-feu d’envergure à l’échelle régionale. Malheureusement, il y a trop de demandes. Pour nous, le budget de 2025 et celui de 2026 reposent en grande partie sur une augmentation du financement.

La sénatrice Sorensen : Merci.

La sénatrice McBean : J’ai justement une question concernant le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes. Vous dites qu’il y a trop de demandes. Mais est‑ce que le projet fonctionne? Répond-il aux besoins des municipalités en matière de résilience aux feux de forêt, ou y a‑t‑il des changements que vous recommanderiez?

M. Gemmel : Je vous remercie de la question, sénatrice. C’est un programme important parce que le financement est consacré à l’adaptation aux changements climatiques et est destiné directement aux municipalités. Ces dernières peuvent présenter une demande.

Le processus de demande est assez complexe. Nous avons certainement entendu les commentaires de nos membres, surtout des petites collectivités rurales, selon lesquels ils doivent déployer beaucoup d’efforts pour embaucher des consultants, simplement pour présenter une demande dans le cadre du programme. Je pense que, du point de vue du gouvernement fédéral, cela vient du fait que les sommes sont limitées et que l’on veut avoir une idée claire des risques et de la façon dont ils sont atténués et affecter les fonds efficacement, ce que nous comprenons. Cela crée toutefois un obstacle important au chapitre de l’accès pour les collectivités rurales. C’est l’une des choses que nous aimerions voir changer, c’est-à-dire qu’un processus de demande simplifié soit établi pour les petites collectivités rurales.

Pour ce qui est des feux de forêt, je dirais que c’est un programme qui s’applique à tous les risques climatiques. D’après notre expérience, peu de projets liés aux risques d’incendie ont été approuvés. Il y en a eu un à l’échelle régionale dans les Territoires du Nord-Ouest, de même que dans le Nord de la Saskatchewan, mais la majeure partie des fonds ont été consacrés aux risques d’inondation. Il est d’une importance cruciale que nous nous attaquions à ce problème. Nous pensons qu’il pourrait y avoir d’autres façons de financer l’atténuation et la prévention des incendies que le FAAC. Ce dernier a ses forces, et nous aimerions qu’il soit augmenté. Toutefois, il y a place pour d’autres sources de financement destinées aux provinces ou aux municipalités, en ce qui a trait à la gestion des forêts et aux feux de forêt à une échelle plus globale, peut-être même un programme consacré uniquement à cela.

La sénatrice McBean : J’ai été frappée de vous entendre dire que les programmes locaux de prévention des incendies sont nécessaires, mais inefficaces.

Si je vous comprends bien, les municipalités trouvent qu’il est très coûteux de présenter une demande. Est-ce qu’il serait utile d’avoir une perspective plus globale? Le soutien pourrait-il provenir du gouvernement provincial ou fédéral plutôt que des municipalités?

M. Gemmel : Oui, cela pourrait être possible. Nous sommes certainement favorables à un plus grand leadership du gouvernement fédéral. Le programme Intelli-feu est un bon exemple. Ce que je veux dire, c’est qu’il est nécessaire, mais insuffisant. Les feux sont tellement importants maintenant qu’il ne suffit pas d’éloigner les réserves de carburant et de dégager les gouttières des résidences pour se protéger.

Pour répondre à votre question, nous avons besoin d’une plus grande coordination régionale, et il faut que ce soit interprovincial, les incendies ne connaissant pas les frontières. Il est important que la gestion des forêts ne soit pas assurée de façon isolée à l’échelle provinciale, mais qu’elle se fasse au niveau interprovincial. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour réduire les risques d’incendie et le fardeau qu’ils représentent, par l’entremise de la gestion des forêts.

Pour ce qui est de la coordination de l’intervention, elle doit également être interprovinciale. Il ne peut pas y avoir de situation où un incendie se déplace de la Saskatchewan vers le Manitoba et où cette province tarde à s’en occuper. Nous l’avons vu dans le cas des incendies à la frontière près de Flin Flon, Lynn Lake et The Pas, cet été. Il ne fait aucun doute que le soutien doit faire l’objet d’une approche plus régionale.

La sénatrice McBean : D’accord. Parfait.

Compte tenu des répercussions de la fumée des feux de forêt sur la santé, comment les programmes fédéraux peuvent-ils mieux aider les municipalités à protéger les populations vulnérables et assurer la coordination entre les gouvernements pendant les situations d’urgence liées aux feux de forêt?

M. Gemmel : C’est une excellente question. C’est un problème auquel de nombreuses collectivités du pays sont confrontées parce que la fumée parcourt de grandes distances.

C’est l’une des choses que j’entends de la part de nos membres. Étonnamment, leur personnel des parcs et des loisirs se préoccupe de cette question parce que les gens qui ont des problèmes respiratoires ou qui ont besoin d’une pause vont dans des centres communautaires ou des bibliothèques — pour se mettre à l’abri à l’intérieur. Il se peut qu’ils n’aient pas de climatisation chez eux, que leur logement soit chaud et enfumé, alors c’est là qu’ils vont pour avoir un répit.

Les municipalités prennent des mesures pour créer des zones où se rafraîchir à cause des épisodes de chaleur extrême. Le même problème se pose en ce qui concerne la qualité de l’air à cause de la fumée. Les investissements dans des installations culturelles et récréatives communautaires, ainsi que dans de meilleurs systèmes de chauffage, ventilation et climatisation pour ces installations, seraient les bienvenus.

La sénatrice McBean : Merci.

La sénatrice Muggli : Merci beaucoup d’être ici aujourd’hui. L’une de mes questions concerne les bombardiers à eau en Saskatchewan. Vous avez peut-être entendu parler cet été du cas du bombardier à eau pour lequel il n’y avait pas de pilote qualifié.

Avez-vous discuté, au niveau municipal, de la façon d’améliorer le nombre de pilotes et de tout le personnel itinérant nécessaire pour rendre cela possible?

M. Gemmel : Je vous remercie de la question, sénatrice. Ce que j’ai entendu de la part des membres, c’est qu’ils sont intéressés, faute d’un meilleur terme, à s’engager avec les effectifs internationaux de pompiers qui viennent ici de partout dans le monde. Ils sont très reconnaissants de l’engagement de ces pompiers et à l’endroit de ces pays qui envoient ces ressources, mais ces dernières ne connaissent pas la région ou le secteur où elles doivent intervenir.

Cette année, j’ai entendu un conseiller du Nord du Manitoba dire qu’il y avait un manque de connaissances au sujet de la profondeur des lacs et de ceux où il était possible de prélever de l’eau. Le Nord du Manitoba connaît une sécheresse prolongée, de sorte que les niveaux d’eau des lacs sont inférieurs à la normale — ce qui est également lié aux changements climatiques —, et cela a vraiment ralenti les délais d’intervention lors d’incendies.

C’est un exemple de cas où il pourrait y avoir une meilleure coordination avec le gouvernement provincial pour que des cartes soient disponibles. Cela démontre bien que les forces d’intervention ne venaient pas de la région et qu’il est possible de former des ressources locales.

Nous n’avons pas de recommandations particulières sur la façon de procéder, la formation ou le recrutement ou le maintien en poste des pilotes, mais je pense qu’il y a un besoin évident et qu’il est utile d’avoir des pilotes et des pompiers formés localement en général.

La sénatrice Muggli : Merci. Lorsqu’il y a un incendie dans une municipalité, d’autres municipalités sont souvent touchées pour ce qui est de l’accueil des personnes évacuées. Je me demande s’il y a eu un dialogue entre vos intervenants au sujet du soutien aux personnes évacuées.

En tant qu’ancienne administratrice de services de santé, je sais d’expérience que lorsque des personnes sont évacuées, des problèmes se posent en ce qui a trait aux aînés qui ont soudainement besoin de soins particuliers ou de soins de longue durée, aux gens qui sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie et de santé mentale et qui ont besoin de soutien supplémentaire, et ainsi de suite. Les municipalités parlent-elles de leur expérience en ce qui a trait à l’accueil des personnes évacuées?

M. Gemmel : Absolument. Je vous remercie de la question. C’est un sujet dont nous entendrons parler de plus en plus. C’est quelque chose dont l’ancienne mairesse de Yellowknife, maintenant ministre des Relations Couronne-Autochtones, Rebecca Alty, a parlé à maintes reprises. D’après son expérience, lorsque Yellowknife a été évacuée, ses résidants ont dû faire face à des difficultés, surtout s’ils avaient des problèmes de santé ou de mobilité, ou des problèmes d’un autre ordre.

J’ai entendu les maires et les conseillers des collectivités hôtes, qu’il s’agisse d’Edmonton ou d’autres petites collectivités, dire qu’ils atteignent la limite de leur capacité très rapidement. Ils veulent aider, mais la triste réalité est que ces incendies ne s’arrêteront pas. Nous devons planifier à l’avance et avoir des installations spéciales. Les hôtels, les gymnases et les centres communautaires ne sont pas l’idéal. L’incidence est réelle sur l’ensemble de la collectivité, la capacité étant rapidement atteinte.

Ce que nous disent les dirigeants municipaux, c’est qu’il faut une planification et un soutien à long terme de la part des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral en ce qui concerne les centres conçus spécialement pour accueillir les personnes évacuées. Où les collectivités évacuées doivent-elles aller? Quel devrait être la solution?

Pour revenir à ce que vous disiez, il faut assurer la continuité des services de soins de santé tout au long du parcours des personnes évacuées, afin d’éviter d’exacerber les problèmes de santé et les problèmes sociaux.

La sénatrice Muggli : Merci.

La sénatrice Burey : Merci, monsieur Gemmel. Merci d’être ici et de nous faire profiter de votre expertise.

Je pense que vous avez parlé avec éloquence de la nécessité d’infrastructures physiques dans diverses régions.

Je voulais me concentrer sur l’infrastructure des ressources humaines, qui est essentielle et dont certains d’entre nous ont parlé.

Un chef des pompiers nous a parlé de la nécessité d’un organisme national de coordination. Nous avons tous abordé la question de la coordination pour les pompiers municipaux, qui doivent maintenant interagir avec les pompiers qui s’occupent des incendies de forêt et qui font face à un manque de formation. J’aimerais savoir ce que vous en pensez et ce qu’en pensent les municipalités.

Pour faire suite à ce que la sénatrice Muggli a dit, le soutien pour les soins de longue durée, la santé mentale, l’envoi de messages textes, grâce aux services offerts par des experts en santé mentale et des scientifiques, n’est pas coordonné, ce qui entraîne une certaine confusion. J’espère que ce que je viens de dire est clair et que vous pourrez me répondre.

M. Gemmel : Merci beaucoup, sénatrice.

Je vais commencer par parler des pompiers volontaires dans les municipalités rurales. Nous pensons souvent aux pompiers professionnels rémunérés en milieu urbain, mais la plupart des pompiers au Canada sont des pompiers volontaires. Il y a des choses importantes que le gouvernement fédéral fait pour les appuyer. En 2024, le gouvernement fédéral, en réponse aux appels de la FCM et d’autres groupes, a augmenté le crédit d’impôt pour les pompiers volontaires pour le faire passer de 3 000 $ à 6 000 $, afin d’aider à leur recrutement et à leur maintien en poste.

L’une des choses que les membres nous ont dites, c’est que l’effectif de pompiers volontaires est vieillissant. Pour différentes raisons sociales et économiques, la prochaine génération ne participe pas aussi activement, mais c’est en partie une question financière, alors ce crédit d’impôt est essentiel. Nous avons été très heureux de le voir augmenter. Nous avons recommandé de le porter à 10 000 $, et nous aimerions donc qu’il soit augmenté davantage.

Il faut que l’effectif de pompiers volontaires soit complet, qu’il n’y ait pas de postes vacants, que la classification selon l’âge soit plus uniforme et qu’une excellente formation soit assurée. La formation reçue fait partie des avantages d’être pompier volontaire. Nous voulons une formation de la plus haute qualité.

La troisième chose, c’est l’équipement. L’équipement est très coûteux. Au fil des ans, le gouvernement fédéral a mis en place des programmes visant à financer les coûts d’immobilisations liés à l’achat de matériel et de véhicules de protection. Nous souhaitons que cela revienne.

Dans l’ensemble, les services d’urgence constituent le poste budgétaire le plus volumineux des budgets municipaux. Pour les grandes villes, il s’agit de la police et des services d’incendie. Dans les municipalités rurales, les services de protection représentent également un coût important. Nous serions donc heureux de recevoir du soutien dans ce domaine.

Troisièmement, à l’extérieur du Québec et de l’Ontario, dans les régions rurales du Canada, la GRC assure les services de police, et les municipalités partagent ce coût avec le gouvernement fédéral sur une base contractuelle. Les niveaux de dotation des détachements ruraux de la GRC et les délais d’intervention nous inquiètent. Même s’ils ne combattent pas directement les incendies, ils jouent un rôle essentiel dans les évacuations et les interventions d’urgence, comme les feux de forêt. Nous aimerions donc que les effectifs de la GRC augmentent aussi.

Le sénateur Varone : Merci, monsieur Gemmel, d’être venu. Tout cela est vraiment intéressant.

La résilience aux changements climatiques est une question qui nous concerne tous. J’aimerais savoir si la Fédération canadienne des municipalités, la FCM, a élaboré un modèle de gouvernance des pratiques exemplaires. Vous avez parlé des investissements dans les infrastructures nécessaires pour réduire les risques de feux de forêt. Cependant, vous avez ensuite énuméré une liste d’éléments qui, à mon avis, relèvent des municipalités, du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Existe-t-il un plan d’intervention? Par exemple, les ressources en eau relèvent des gouvernements provinciaux, et les bombardiers à eau relèvent du gouvernement fédéral. Existe-t-il un plan qui permette aux provinces de gouverner ces services et de les exécuter le mieux possible sans chevaucher ceux d’autres ordres de gouvernement?

M. Gemmel : Oui, merci de poser cette question. C’est, en effet, une question de gouvernance.

Je me souviens d’avoir comparu devant un comité sénatorial il y a trois ou quatre ans. À ce moment-là, nous demandions l’élaboration d’une stratégie nationale d’adaptation. Le Canada n’en avait pas à l’époque. Je crois qu’il était le seul pays du G7 à ne pas en avoir une. Nous en avons une maintenant, et c’est tout à l’honneur du gouvernement fédéral d’avoir collaboré avec les provinces et les territoires pour la mettre au point. C’est une première étape importante.

Quant à l’ampleur des risques climatiques, cette stratégie d’adaptation détermine très efficacement les ordres de gouvernement chargés d’intervenir. Elle comporte un élément de gouvernance, mais elle ne gère pas seulement la lutte contre les feux de forêt. Elle vise surtout la prévention. Elle vise l’adaptation aux changements climatiques et non l’intervention d’urgence.

Il nous manque donc le genre de plan dont vous parlez. Ce plan indiquerait clairement quels ordres de gouvernement sont chargés des interventions d’urgence et du rétablissement et décrirait la façon dont ils devraient collaborer. Je pense que nous disposons déjà de certains de ces éléments. Je crois savoir qu’il y a un centre de coordination de l’intervention des bombardiers à eau à Winnipeg. Il y a encore beaucoup de travail à faire, et la FCM serait heureuse que le gouvernement fédéral dirige l’élaboration de ce plan.

Le sénateur Varone : Êtes-vous en mesure de nous faire parvenir le travail qui a déjà été accompli?

M. Gemmel : Bien sûr.

Le président : J’ai quelques questions à vous poser. Vous avez parlé des différences entre l’état de préparation dans les régions rurales et urbaines. Par contre, vous n’avez rien dit au sujet des autres différences, par exemple, les délais d’intervention et de rétablissement. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, de votre point de vue et du point de vue de la FCM?

M. Gemmel : Oui, bien sûr. Je vous remercie pour cette question, sénateur.

Nous avons beaucoup de travail à faire dans le domaine du rétablissement. Nous sommes tous au courant de l’évacuation des résidants de la ville de Lytton, en Colombie-Britannique, à cause de la dévastation qu’elle a subie. Cette ville a été rasée. Les habitants de Lytton viennent tout juste de s’y réinstaller. Les gens ne devraient pas attendre cinq ou six ans pour retourner dans leur collectivité. Nous avons encore beaucoup à faire sur le plan du rétablissement.

La FCM appuie certains principes importants. Le premier est celui de « rebâtir en mieux ». Nous avons demandé certains changements aux Accords d’aide financière en cas de catastrophe, un programme fédéral-provincial-territorial à frais partagés. Le gouvernement fédéral a apporté des changements aux coûts admissibles pour permettre aux gens de rebâtir en mieux afin qu’ils ne se contentent pas de remplacer ce qu’ils possédaient déjà. C’est un pas important dans la bonne direction, mais les victimes doivent encore attendre trop longtemps avant de recevoir les indemnités de l’assurance privée et celles de ce programme, qui est en fait une assurance publique.

Il est impératif que le gouvernement fédéral et les provinces agissent sans tarder et coordonnent leurs actions pour que les citoyens puissent recevoir cette aide financière et ainsi reconstruire plus rapidement et rebâtir en mieux.

Le président : La FCM sait-elle dans quelle mesure les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs des municipalités agricoles de l’ensemble du pays sont particulièrement touchés? Elle ne le sait peut-être pas, mais je tenais à poser cette question.

M. Gemmel : Je suis désolé, je ne le sais pas de mémoire, mais nous pourrons vérifier cela. Nous pourrons vérifier auprès de nos collègues des quelques associations de municipalités rurales qui existent au pays. Ils auront peut-être de l’information à ce sujet.

La sénatrice Greenwood : Je suis curieuse de savoir comment les ordres de gouvernement collaborent avec les communautés autochtones. Je viens du Nord de la Colombie-Britannique, alors j’ai vécu plusieurs de ces catastrophes. Je sais que, dans le passé, ces groupes hésitaient à collaborer. Dans le cadre de votre travail, que pensez-vous des communautés autochtones et de la façon dont ces groupes devraient collaborer?

Ma deuxième question porte sur le rétablissement. Je me suis toujours posé la question, parce que je travaillais pour une autorité sanitaire quand tous les résidants ont été évacués de Prince George. Il a fallu évacuer 10 000 personnes du jour au lendemain. Les résidants craignaient avant toute chose ce qu’il arriverait à leurs animaux de compagnie et aux autres animaux. Je ne parle pas seulement des animaux agricoles, mais de tous les animaux, parce qu’ils sont tous très importants. Les terres sont vraiment importantes, et les êtres vivants aussi. Je me demande si vous pourriez nous en parler.

M. Gemmel : Merci, sénatrice. Ces questions n’ont jamais été posées, et elles complètent bien le tableau.

Il est certain que les municipalités collaborent avec les communautés autochtones, tant sur le plan de la planification et de la prévention que sur celui des interventions aux incendies de forêt et du soutien aux personnes évacuées.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, la FCM offre un programme de prévention appelé Leadership local pour l’adaptation climatique, qui est financé par le gouvernement fédéral. Nous avons produit une brochure pour rappeler aux municipalités la façon de travailler avec les communautés autochtones. Nous indiquons la manière d’intégrer les connaissances traditionnelles autochtones en effectuant l’évaluation des risques climatiques pour établir les priorités. Nous y soulignons l’importance de respecter l’équité en évaluant les impacts que subissent les divers segments de la collectivité. Les changements climatiques n’ont pas une incidence égale sur tous les Canadiens. Je vais vous donner un exemple simpliste : les gens qui peuvent déplacer leur maison sur un terrain plus élevé sont moins touchés par les changements climatiques que ceux qui n’ont pas les moyens de déménager.

Nous aidons les municipalités à appliquer cette optique d’équité et à collaborer avec les communautés et les gouvernements autochtones de leur région. Je pourrai remettre ce document au comité.

Nous avons parlé un peu d’évacuation. Je disais que les municipalités réfléchissent de plus en plus à leur rôle de communautés d’accueil. Elles reconnaissent que ces catastrophes ne sont pas uniques et qu’il ne faudra pas attendre 25 ans avant qu’elles ne se reproduisent. Les résidants de Prince George devront probablement accueillir des personnes évacuées l’année prochaine, l’année suivante et celle d’après.

L’une des vice-présidentes de la FCM est conseillère municipale de Thompson, au Manitoba. Cette année, cette ville a accueilli un grand nombre de personnes évacuées des communautés autochtones et non autochtones du Nord du Manitoba. Elle réfléchit maintenant à son rôle de municipalité hôte. Les conseillers discutent des soutiens qu’ils devront demander à la province et au gouvernement fédéral pour s’occuper des personnes évacuées — et de leurs animaux domestiques — pendant de plus longues périodes. La municipalité devra aussi prendre soin de leur santé, de leur bien‑être et de leur sécurité pendant cette période difficile.

Les municipalités ne peuvent pas y parvenir à elles seules. Elles sont devenues des partenaires par défaut, mais elles tiennent à fournir de meilleurs services et plus d’espace et à mieux coordonner leurs services. Cependant, elles ne sont pas équipées pour fournir des services médicaux et sociaux à d’autres communautés. Elles ne sont pas prêtes à nourrir et héberger leurs résidants pendant des semaines ou même des mois. Nous devons participer à ces activités.

Le sénateur McNair : Monsieur Gemmel, cette question va vous sembler étrange. Nous avons invité des témoins des provinces maritimes et du Manitoba, mais ils semblent hésiter ou ne pas pouvoir venir, parce qu’ils sont aux prises avec des feux de forêt qui n’en finissent pas.

J’aimerais que vous me disiez comment vos membres vous ont décrit la gravité de la situation au plus fort de la crise. Vous avez parlé des villes de The Pas et de Flin Flon. Le Manitoba est demeuré en état d’urgence plus longtemps que les autres régions touchées. Aux nouvelles, aujourd’hui, on entend que la Nouvelle-Écosse a prolongé sa saison des feux jusqu’à la fin du mois et qu’elle lutte contre les incendies, tout comme le font le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve.

J’aimerais savoir comment vos membres vous ont décrit ce qu’ils ont vécu pendant cette terrible saison.

M. Gemmel : Je vais commencer par confirmer ce que vous dites. Ces dernières années, nous avons constaté que la saison des incendies commence plus tôt, qu’elle est plus intense, que les feux sont plus violents, qu’ils sont plus nombreux et que la saison dure plus longtemps. Cela épuise les premiers intervenants. Ces incendies ravagent l’équipement et les ressources humaines. De plus, la fatigue et les répercussions sur la santé mentale des premiers intervenants nous préoccupent profondément.

Il semblerait qu’au cours de ces dernières décennies, certaines régions ont conclu des ententes. Par exemple, le Québec et la Californie ont conclu une entente de partage des ressources, parce que leurs saisons des feux se complétaient ou se compensaient, si l’on peut dire. Maintenant, la saison des feux de forêt est plus longue. Il n’est donc plus possible d’économiser des ressources à la fin de l’été et au début de l’automne, quand la saison des feux fait rage en Californie.

La situation est en train de changer radicalement. Nous devons donc adopter une approche différente, et il faudrait que le gouvernement fédéral prenne cela en main.

Notre deuxième vice-présidente, Mme Kathy Valentino, qui est conseillère à Thompson, nous a beaucoup parlé de la situation au Manitoba cette année. Elle est littéralement épuisée, tout comme ses collègues du conseil et le personnel de l’administration de la Ville de Thompson. Ils ont vécu un printemps et un été d’enfer. Ils accueillaient les personnes évacuées et ont dû planifier l’évacuation complète d’une ville qui se trouve à sept heures de route au sud de Winnipeg. Ils ont temporairement déplacé tous les services de base de la ville : les services de la paie, des finances et de l’informatique. Tout cela relève du gouvernement municipal, mais l’idée de devoir continuellement faire face à cette planification intense du secteur public pendant les situations de crise nous inquiète beaucoup. La FCM cherche des façons de soutenir ses membres à cet égard. Les municipalités sont obligées de continuer à rémunérer leurs employés et à offrir les services de base. Certains de ces services sont utilisés plus que jamais pendant ces catastrophes. Cependant, si les résidants sont évacués, où va-t-on placer les employés et l’équipement informatique? Où réinstaller provisoirement la municipalité? La Ville de Thompson s’est installée temporairement dans des bureaux que Winnipeg lui prêtait, mais ce n’était qu’une solution d’urgence.

Les circonstances ont changé la norme. Il va falloir trouver un endroit où installer ces services et déterminer comment les fournir chaque fois que la ville sera évacuée.

Cette année, la durée et l’étendue de la saison des incendies au Manitoba ont épuisé les fonctionnaires municipaux et les premiers intervenants. Le Manitoba souffre encore d’une longue sécheresse. On s’inquiète déjà de ce qui se passera l’année prochaine. J’ai entendu des commentaires semblables dans d’autres régions du pays. Je sais que la Colombie-Britannique a aussi vécu une saison terrible il y a quelques années. Les incendies ont fait rage pendant tout le printemps, puis il y a eu les inondations pendant l’automne. Les municipalités ont ouvert leurs centres d’intervention d’urgence pendant presque toute l’année. Cela n’en finissait plus. Ces catastrophes drainent les autorités locales.

Le sénateur Richards : Je suis désolé d’être en retard. J’avais prévu arriver à 9 heures moins le quart, mais je suis arrivé vers 9 h 20. Je suis vraiment désolé.

Savez-vous combien de bombardiers à eau sont actifs en même temps dans les différentes régions du pays? Le feu de forêt d’Oldfield Road, au Nouveau-Brunswick, brûlait à environ quatre milles de notre résidence d’été, et il y avait deux bombardiers à eau. Ils ont lutté héroïquement contre le feu. Nous les voyions voler sans cesse au-dessus de notre maison jusqu’à la rivière Miramichi pour puiser de l’eau. Cependant, ils ont dû partir pour lutter contre d’autres incendies, dont un qui menaçait la ville de Moncton.

Alors, en plein milieu de leur lutte contre l’incendie, les bombardiers à eau sont partis. Ils n’étaient plus là pour aider les pompiers sur le terrain. Ce n’était pas de leur faute, ils ont beaucoup trop à faire.

Y a-t-il moyen de connaître et de coordonner le nombre de bombardiers à eau qui sont actifs dans une région donnée? Certains appartiennent au secteur privé, à différentes entreprises. À mon avis, le gouvernement devrait essayer de mieux coordonner cela. Qu’en pensez-vous?

M. Gemmel : Je n’ai pas de chiffres à vous donner sur la flotte actuelle ou sur la capacité excédentaire, mais je suis tout à fait d’accord avec vous, il nous en faut plus. Nos membres nous l’ont dit haut et fort. Cela est dû en grande partie à ce que vous nous dites : il y a plus d’incendies qui brûlent dans un plus grand nombre de régions. Les ressources sont utilisées au maximum, et il est difficile de déterminer où intervenir. Il est clair que nous devons accroître la capacité des bombardiers à eau. C’est l’une des demandes de la FCM. Nous voudrions que le gouvernement fédéral prenne cela en main.

Il y a aussi l’aspect du développement économique. Nous fabriquons des bombardiers à eau au Canada. Nous devrions en commander plus et les mettre en service rapidement, parce que nous allons en avoir besoin.

La sénatrice Muggli : Ma question porte sur les prévisions et sur la modélisation prédictive. Je voudrais savoir si les municipalités ont la capacité ou les systèmes requis pour fournir des données aux ministères et aux organismes provinciaux ou fédéraux. Ont-elles la capacité de le faire? Disposent-elles d’un système pour recueillir et fournir des données?

M. Gemmel : Oui, merci pour cette question.

Je ne suis pas au courant de ce que les municipalités utilisent à l’heure actuelle pour prédire les incendies. Environnement et Changement climatique Canada a considérablement amélioré sa mise à disposition des données climatiques et des modèles de prévision climatique que les municipalités utilisent. Elles peuvent cerner l’accroissement de la fréquence des cycles de gel-dégel pour protéger les tuyaux; elles peuvent recueillir ce genre de données. Ce modèle climatique est très utile, et les municipalités l’utilisent. Cependant, pour ce qui est de la prévision des feux de forêt dans des régions particulières, je ne sais pas ce que les municipalités utilisent. Nous allons devoir nous pencher là-dessus.

La sénatrice Muggli : Est-ce qu’elles fournissent des données, par exemple à la suite d’un incendie, qui pourraient aider à modéliser les prévisions climatiques?

M. Gemmel : Oui, c’est possible, mais je n’en sais rien, je n’en ai pas entendu parler.

La sénatrice Muggli : C’est tout. Merci.

La sénatrice McBean : Je vous remercie d’avoir signalé directement ce dont vous avez besoin et ce à quoi vous vous attendez dans votre déclaration préliminaire. Vous demandez notamment que l’on établisse un organisme national de gestion des urgences. On nous dit qu’il serait vraiment pratique d’avoir un parc aérien national de bombardiers à eau avec l’équipement connexe. Cependant, les pompiers sur le terrain nous disent aussi que les groupes d’intervention nationaux entravent l’application des connaissances locales et autochtones.

Disons que vous discutez autour d’une tasse de café avec vos collègues au sujet du fonctionnement d’un organisme national de gestion des urgences : comment cet organisme fonctionnerait-il, dans la vie pratique?

M. Gemmel : Je vous remercie pour cette question.

Nous commencerions par vous conseiller de ne pas consacrer trois longues années pour créer un organisme à partir de rien. Nous disposons déjà de certaines entités. Nous avons le Centre interservices des feux de forêt du Canada, qui est basé à Winnipeg et qui reçoit un soutien des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral. Nous pouvons prendre des mesures pour améliorer et renforcer ce qui existe déjà. Le gouvernement fédéral pourrait y affecter des ressources. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous suggérons de commencer par augmenter le parc aérien des bombardiers à eau. Il existe déjà une façon de partager les ressources entre les provinces. Le gouvernement fédéral pourrait faire une commande massive de nouveaux bombardiers à eau pour accroître cette flotte. Voilà une mesure concrète qui améliorerait la situation à court terme.

Il y aurait plusieurs façons d’améliorer la coordination. Nous pourrions établir une gestion interprovinciale des forêts par région pour réduire le fardeau administratif des incendies, comme en planifiant les coupe-feu par région. Nous pourrions évaluer les risques que court chaque collectivité et chaque région. Nous pourrions aussi coordonner les services d’intervention d’urgence et l’évacuation des résidants. Il s’agit de tout un continuum allant de la prévention à l’intervention, puis au rétablissement.

À mon avis, nous ferions une erreur en créant un organisme à partir de rien. Le gouvernement fédéral pourrait diriger cette initiative en affectant des ressources à chacun de ces éléments. Voilà ce que je conseillerais pour le moment.

La sénatrice McBean : Merci. Sur un sujet un peu différent, trouvez-vous que les municipalités intègrent les voix et les pratiques autochtones d’une manière efficace et cohérente?

M. Gemmel : Merci pour cette question. L’exemple le plus concret serait la brochure que la FCM a élaborée pour aider les municipalités à collaborer avec les gouvernements et avec les communautés autochtones locales. Nous y soulignons l’importance de collaborer pour évaluer les risques, pour déterminer où intervenir et pour examiner les impacts des changements climatiques sur les différentes communautés. Nous insistons aussi sur l’importance de faire cela dans un esprit d’équité. C’est l’exemple le plus concret que je puisse vous donner, et je vais remettre une copie de cette brochure au comité pour que ses membres puissent le consulter.

La sénatrice McBean : Merci.

La sénatrice Sorensen : Je voudrais quelques renseignements. En fait, ma question dérive de celle de la sénatrice Greenwood, qui suivait la vôtre, sénatrice McBean.

Connaissez-vous l’organisme First Nations’ Emergency Services Society, un modèle de la Colombie-Britannique? Il a tenu une réception ici la semaine dernière, et il m’a beaucoup impressionnée. Malheureusement, du moins pendant que je m’y trouvais, très peu de monde y a assisté. Essentiellement, cet organisme travaille avec les communautés autochtones et avec les municipalités et les provinces. Il assume un rôle de liaison, parce que, pendant les crises, la communication entre les communautés autochtones et les ordres de gouvernement est très mauvaise. Nous affirmons ici que nous nous efforçons de coordonner les activités, mais les communautés autochtones disent tout autre chose.

La directrice générale de cette société s’appelle Francyne Joe. Elle était auparavant présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, l’AFAC. J’ai été très impressionnée par le modèle que la société de Mme Joe a établi. Je me demande pourquoi nous n’en avons pas un semblable dans toutes les provinces et dans tous les territoires, car il est très efficace. Je voudrais savoir si vous êtes au courant du travail de cet organisme. J’ai ajouté son nom à ma liste de témoins; j’espère que nous l’inviterons.

M. Gemmel : Merci, sénatrice Sorensen. Je n’ai pas entendu parler de cet organisme, alors je vous remercie de nous avoir suggéré d’entrer en contact avec ces gens et d’en apprendre davantage à leur sujet. Je suis sûr que mes homologues de l’Union des municipalités de la Colombie-Britannique les connaissent et qu’ils collaborent avec eux.

Je dirais que la FCM s’efforce depuis près de 25 ans d’aider les municipalités à établir des relations avec les Premières Nations de leur région. Nous avons un programme que nous gérons conjointement avec un organisme autochtone, qui s’appelle Cando. Il s’agit de l’Initiative de développement économique communautaire entre Premières Nations et collectivités. Nous nous efforçons principalement d’établir des relations. Vous avez souligné que la communication est parfois mauvaise. Il est difficile d’amorcer cette communication et cette relation en situation de crise. Il faut pour cela que nous connaissions nos homologues, le chef et le conseil des Premières Nations ainsi que le maire et le conseil municipal. Il faut du temps pour établir cette relation : nous devons aborder les erreurs du passé afin d’y remédier et de les résoudre.

Ce programme d’étude de la FCM se concentre sur l’établissement de relations. Cela fait, nous examinons tout un éventail d’enjeux dont les municipalités peuvent s’occuper ensemble. Il peut s’agir de services partagés pour l’approvisionnement en eau ou pour la collecte des ordures, ou encore de développement économique communautaire conjoint dans le domaine du tourisme. Il est également possible de discuter de planification conjointe de l’utilisation des terres et de la gestion des crises. Nous n’avons pas encore discuté d’intervention conjointe aux situations d’urgence, mais il sera possible de le faire. À mon avis, l’établissement de relations est essentiel. La FCM et les municipalités sont déterminées à faire avancer cela.

La sénatrice Sorensen : Merci. Oui, cet organisme ne s’occupe pas seulement des incendies, mais à l’heure actuelle, ils sont au cœur de nos préoccupations.

La sénatrice Greenwood : J’ai un bref commentaire à ce sujet, et je vous remercie, sénatrice Sorensen, d’avoir soulevé cette question. Je pensais justement à cela.

Outre le manuel enseignant aux gens comment interagir, vous parlez de l’établissement de relations. Il suffit que les gens aillent sur le terrain et se parlent. Nous pouvons soutenir ces initiatives, mais ce n’est pas nous qui établirons les relations. À mon avis, il est très important de comprendre cela.

Les catastrophes sont parsemées d’étincelles d’espoir qui jaillissent des interactions entre les gens. Nous l’avons constaté dans le Nord pendant les incendies, nous l’avons constaté pendant les inondations et nous l’avons constaté pendant la pandémie de la COVID-19. Ces tragédies ont uni les gens et les ont incités à travailler ensemble. Il y a des exemples éloquents d’interactions extraordinaires. Vous devriez trouver ces exemples, et si nous assumons la direction de cette initiative, nous pourrons en parler. Parfois, les gens ne savent pas comment s’y prendre, et ces exemples pourraient les inspirer.

M. Gemmel : Je vous remercie. Je vais m’en occuper. Je pense que c’est une excellente conclusion à notre discussion.

Le président : Merci beaucoup. Monsieur Gemmel, je vous remercie d’être venu aujourd’hui. Vos témoignages et vos observations ont été très enrichissants. Vous avez accepté de nous remettre des documents et des renseignements supplémentaires, et notre greffière se fera un plaisir de les recevoir.

Je tiens également à remercier les membres du comité d’avoir participé activement et d’avoir posé des questions si réfléchies.

Comme toujours, j’aimerais que nous remerciions les gens qui appuient les travaux de ce comité : les employés de nos bureaux, les interprètes, l’équipe des Débats qui transcrivent cette réunion, le préposé à la salle de comité, le technicien des services multimédias, l’équipe de radiodiffusion, le centre d’enregistrement, la Division des sciences autochtones, et, bien sûr, notre page, Mme Honora Murphy. Chers collègues, applaudissons-les avec enthousiasme.

Des voix : Bravo!

Le président : Un grand merci à chacun d’eux. S’il n’y a pas d’autres points à l’ordre du jour, honorables sénateurs, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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