LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 27 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 16 h 3 (HE), avec vidéoconférence, afin d’étudier et de faire rapport sur l’antisémitisme au Canada et, à huis clos, afin d’étudier, afin d’en faire rapport, la vie après la famille d’accueil.
La sénatrice Paulette Senior (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour à tous.
Je tiens tout d’abord à reconnaître que le territoire sur lequel nous nous réunissons est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe.
Je m’appelle Paulette Senior, je suis sénatrice de l’Ontario et présidente de ce comité. J’invite mes collègues à se présenter.
La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, sénatrice indépendante du Manitoba.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle‑Écosse.
La sénatrice Karetak-Lindell : Nancy Karetak-Lindell, sénatrice du Nunavut.
Le sénateur Arnot : David Arnot, de la Saskatchewan.
Le sénateur K. Wells : Kristopher Wells, de l’Alberta, territoire du Traité no 6.
Le sénateur Housakos : Leo Housakos, de Montréal, au Québec.
La présidente : Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et à toutes les personnes qui suivent nos délibérations.
Avant d’accueillir nos témoins, j’aimerais émettre un avertissement concernant le contenu de cette réunion. Les sujets sensibles abordés aujourd’hui pourraient être difficiles à entendre pour les personnes présentes dans la salle, ainsi que pour celles qui regardent et écoutent cette émission. Un soutien en matière de santé mentale est offert à tous les Canadiens par téléphone et par SMS au 988. Nous rappelons également aux sénateurs et aux employés parlementaires qu’ils peuvent bénéficier du Programme d’aide aux employés et aux familles du Sénat, qui offre des services de counseling à court terme pour des problèmes personnels ou professionnels, ainsi que des services de counseling en situation de crise.
Aujourd’hui, le comité se réunit conformément à son mandat d’examen et de rapport sur l’antisémitisme au Canada. Cet après‑midi, nous avons deux groupes d’experts. Dans chaque groupe, nous entendrons les témoins, puis les sénateurs autour de cette table poseront des questions aux témoins.
Je vais maintenant vous présenter nos premiers témoins, qui ont été invités à faire chacun une déclaration liminaire de cinq minutes. Nous accueillons à cette table, de la part de Sécurité publique Canada, M. Greg Kenney, sous-ministre adjoint, Programmes, et Chad Westmacott, directeur général, Direction de la sécurité communautaire, des services correctionnels et de la justice pénale. Je crois comprendre que M. Westmacott fera la déclaration liminaire au nom de Sécurité publique Canada.
De la Gendarmerie royale du Canada, nous accueillons David Janzen, directeur général, Réforme et responsabilité, et Denis Beaudoin, commissaire adjoint, Sécurité nationale, Police fédérale. Je crois comprendre que M. Janzen fera la déclaration liminaire au nom de la GRC.
Je vous souhaite à tous la bienvenue. J’invite maintenant M. Westmacott à faire son exposé.
Chad Westmacott, directeur général, Direction de la sécurité communautaire, des services correctionnels et de la justice pénale, Sécurité publique Canada : Madame la présidente, membres du comité, je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui des mesures prises par Sécurité publique Canada pour lutter contre l’antisémitisme et la haine.
Je reconnais et j’accepte que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel du peuple algonquin anishinabe.
L’antisémitisme et la haine sous toutes leurs formes sont inacceptables et n’ont pas leur place dans ce pays. Sécurité publique est conscient que le nombre de crimes haineux signalés à la police, en général, et ceux qui visent les religions ont plus que doublé depuis 2019. Les crimes antisémites signalés ont augmenté encore plus rapidement, triplant au cours de cette période, la communauté juive étant la cible de 69 % des crimes haineux à caractère religieux. Il s’agit notamment de graffitis antisémites, de fusillades dans des écoles juives, d’attaques violentes contre des personnes et d’incendies criminels dans des synagogues et des bâtiments communautaires.
Reconnaissant la gravité de la situation, le gouvernement a organisé, en mars 2025, le Forum national sur la lutte contre l’antisémitisme, qui a réuni des organisations communautaires juives, des dirigeants fédéraux, provinciaux et municipaux, des forces de l’ordre et des procureurs afin d’identifier les défis et d’élaborer des stratégies pour lutter contre l’antisémitisme, notamment en renforçant l’action collective. De nombreux participants ont approuvé une déclaration d’intention affirmant la responsabilité collective de lutter contre l’antisémitisme et toutes les formes de crimes haineux par des actions décisives, coordonnées et spécifiques. Lors de ce forum, le gouvernement s’est également engagé à prendre un certain nombre de mesures, notamment améliorer les données, collaborer avec les réseaux de sécurité juifs, améliorer le Code criminel et augmenter le financement pour soutenir les interventions communautaires visant à lutter contre la haine.
Conformément à l’un de ces engagements fédéraux, le ministère de la Sécurité publique a depuis travaillé en étroite collaboration avec les gouvernements et les services de police de tout le pays afin d’élaborer un ensemble de mesures prospectives visant à lutter contre l’antisémitisme. Ces engagements nationaux seront publiés d’ici la fin de l’année et garantiront la transparence et le suivi des rapports, nous rendant ainsi tous responsables.
De plus, le mois dernier, conformément à l’engagement pris lors du forum, le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi C-9, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse, crimes haineux et accès aux lieux religieux ou culturels), ou « Loi visant à lutter contre la haine ». Il s’agit d’une mesure législative importante pour aider à lutter contre la haine. Auparavant, le gouvernement fédéral avait également renouvelé la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme et publié le Plan d’action du Canada pour lutter contre la haine, avec un investissement dans le budget de 2024 de 273,6 millions de dollars sur 6 ans, et 29,3 millions de dollars sur une base continue, pour faire avancer ce plan. Une partie du plan d’action consiste en la mise à jour du Programme de sécurité communautaire du Canada par le ministère de la Sécurité publique. Ce programme offre une aide financière aux organismes sans but lucratif qui servent les communautés susceptibles d’être la cible de crimes motivés par la haine. Le financement est accordé afin de renforcer la sécurité des lieux de rassemblement communautaires, contribuant ainsi à dissuader les agressions mineures et violentes.
En réponse aux demandes des collectivités, le programme est désormais plus accessible et mieux à même de soutenir les communautés à risque. Entre autres changements, les dépenses admissibles comprennent désormais l’équipement de sécurité, les rénovations mineures, les évaluations de sécurité et d’urgence, la formation et, nouveauté, le personnel de sécurité à durée déterminée. Afin de répondre rapidement aux besoins urgents, les organisations peuvent désormais présenter une demande à tout moment de l’année.
Le financement a également augmenté de manière significative, passant de 1,2 million de dollars en 2011-2012 à 5,8 millions de dollars en 2022-2023, puis à 20,5 millions de dollars pour 2025-2026. Au cours du prochain exercice financier, ce financement se stabilisera à 15,7 millions de dollars. Au cours des 2 dernières années, 54 % du financement a été alloué aux communautés juives. Depuis le 1er octobre 2024, 4,5 millions de dollars ont été alloués à 100 organisations juives.
Le ministère de la Sécurité publique investit également 26,8 millions de dollars pour améliorer l’accès à la formation sur les crimes haineux pour les services de police provinciaux et municipaux, renforçant ainsi la capacité de la police à intervenir efficacement en cas d’incidents motivés par la haine.
De plus, par l’intermédiaire de son Fonds pour la résilience communautaire, le Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence du ministère de la Sécurité publique soutient les efforts de prévention et la recherche au niveau local afin de lutter contre la radicalisation menant à la violence au Canada et de mieux la comprendre. Ce mois-ci, le gouvernement a annoncé un financement de 36 millions de dollars par l’intermédiaire de ce fonds pour soutenir 19 organisations au Canada et à l’étranger.
Ces mesures continues prises par le ministère de la Sécurité publique contribuent à lutter contre l’antisémitisme et à créer des collectivités plus sûres et plus inclusives partout au Canada. Je vous remercie.
David Janzen, directeur général, Réforme et responsabilité Gendarmerie royale du Canada : Bonjour, madame la présidente et honorables membres du comité. Je m’appelle David Janzen, et je suis directeur exécutif, Surveillance stratégique et intégration, responsable de l’Unité des politiques sur les crimes haineux de la GRC.
[Français]
Je suis accompagné par Denis Beaudoin, commissaire adjoint, Sécurité nationale, Police fédérale, Gendarmerie royale du Canada.
[Traduction]
Je suis honoré de m’adresser à vous aujourd’hui, depuis le territoire traditionnel du peuple algonquin anishinabe.
[Français]
L’antisémitisme a toujours existé. Cependant, ces dernières années, la visibilité et la gravité de cette haine ont considérablement augmenté. Je vais vous parler aujourd’hui de la manière dont nous nous efforçons de lutter contre l’antisémitisme, mais je voudrais d’abord vous donner un aperçu de la menace et du contexte opérationnel.
[Traduction]
Notre réponse à l’antisémitisme se situe principalement dans le domaine des crimes haineux, où nous enquêtons sur les crimes motivés par des préjugés ou des partis pris à l’encontre d’un groupe identifiable, tel que défini par le Code criminel, dans les communautés où nous avons compétence. Selon Statistique Canada, il y a eu une augmentation de 153 % des crimes haineux visant la religion signalés par la police entre 2020 et 2024. J’insiste ici sur le fait qu’il s’agit de crimes signalés à la police, car nous savons tous que bon nombre de ces incidents ne sont pas signalés.
[Français]
Dans ce contexte, on a constaté une augmentation de 180 % des crimes haineux antisémites. Ces chiffres sont profondément troublants, mais je regrette de dire qu’ils ne reflètent pas toute l’ampleur de l’antisémitisme au Canada. Malheureusement, nous avons également constaté une augmentation des activités terroristes visant la communauté juive.
[Traduction]
C’est pourquoi mon collègue se joint à moi aujourd’hui, car pour que vous compreniez l’ampleur de notre préoccupation, nous devons également parler de nos efforts en matière de lutte contre le terrorisme.
Au cours des dernières années, la GRC a collaboré avec des partenaires clés nationaux et internationaux afin de déjouer un certain nombre de menaces terroristes visant la communauté juive. Dans de nombreux cas, il s’agissait de jeunes, alimentés par des chambres d’écho en ligne où des opinions antisémites et autres opinions fondées sur la haine sont initiées et renforcées.
Si je brosse un tableau alarmant, c’est intentionnel, et malheureusement, cela ne se limite pas à l’antisémitisme, mais s’étend à la haine envers d’autres groupes identifiables. C’est pourquoi la GRC a pris des mesures concrètes.
Nous avons mis à jour, et nous continuons de mettre à jour, notre politique opérationnelle en matière de crimes haineux en réponse aux commentaires et aux meilleures pratiques, et nous avons élaboré des guides à l’intention des enquêteurs et des agents de première ligne. Cela est essentiel, car même si les unités spécialisées dans les crimes haineux sont composées d’experts, n’importe quel agent peut être le premier à arriver sur les lieux d’un incident, et la réponse initiale est cruciale.
Notre politique et notre formation soulignent la nécessité d’établir des relations avec les communautés et de solliciter leurs commentaires, ainsi que de veiller à ce que les liens soient en place pour assurer un soutien continu aux personnes victimes. Nous collaborons activement avec les communautés juives à travers le Canada afin de connaître leurs préoccupations, de les encourager à signaler les incidents et d’écouter leurs suggestions pour améliorer nos interventions.
À titre d’exemple concret, à la suite du récent sommet sur l’antisémitisme organisé par le ministère de la Sécurité publique, j’ai rencontré et discuté avec des représentants du Centre consultatif des relations juives et israéliennes afin de mieux comprendre les améliorations que le CIJA estime nécessaires au sein de la police. Ces conversations déboucheront sur des améliorations futures, notamment nos efforts pour intégrer la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste dans la politique de la GRC.
Je m’en voudrais de ne pas mentionner que le programme de sécurité nationale collabore également activement avec la communauté dans le cadre d’efforts visant à perturber et à prévenir la radicalisation.
[Français]
Nous jouons également un rôle de leadership en réunissant les chefs de police pour discuter des crimes haineux. Il est important de noter que toutes les deux semaines, le commissaire organise un dialogue avec les chefs de police à travers le pays afin de partager des informations, identifier les lacunes, les défis ou les obstacles et discuter des pratiques exemplaires.
[Traduction]
Les discussions portent régulièrement sur les efforts de partage d’informations concernant les infractions visant la communauté juive.
Nous établissons également des réseaux plus larges avec le milieu universitaire et les groupes de défense des droits afin d’améliorer nos interventions. Cela inclut notre solide partenariat avec la Fondation canadienne des relations raciales, qui a conduit à la création initiale d’un groupe de travail. Ce groupe de travail a été créé afin de sensibiliser le public aux crimes haineux et d’améliorer les interventions policières et la collaboration communautaire. Parmi les réussites, citons l’élaboration d’une définition pratique des crimes haineux et la mise au point d’outils pour soutenir les opérations policières.
Nous travaillons également en étroite collaboration avec nos partenaires de Sécurité publique Canada, notamment en participant au Sommet sur l’antisémitisme, et nous poursuivons nos efforts dans le cadre du Plan d’action du Canada pour lutter contre la haine.
En conclusion, je tiens à souligner à quel point la GRC est préoccupée par la montée de l’antisémitisme.
[Français]
Bien que je décrive certaines de nos initiatives, je ne peux pas laisser entendre que nous sommes complètement satisfaits de nos progrès. Nous reconnaissons que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour que tous les Canadiens se sentent en sécurité, et nous sommes déterminés à mener à bien cette mission.
[Traduction]
Je suis heureux de fournir à cette commission toutes les informations dont vous avez besoin et j’attends avec impatience les résultats qui nous aideront à améliorer encore notre réponse à l’antisémitisme.
Cela nous fera plaisir de recevoir vos questions et d’entamer la discussion à venir.
La présidente : Merci pour vos déclarations. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Chers collègues, veuillez noter que vous disposez de cinq minutes pour poser votre question, réponse comprise.
Je tiens à vous remercier sincèrement d’avoir accepté de participer à cette importante étude. Je vais maintenant passer aux questions. Nous commencerons par la sénatrice Bernard. Bienvenue. Vous n’avez pas eu l’occasion de vous présenter, vous pouvez donc le faire maintenant.
La sénatrice Bernard : Merci. Je m’excuse d’être en retard. Nous mettrons cela sur le compte de la compagnie aérienne. J’ai manqué une partie de votre présentation au début, mais je suis reconnaissante d’être ici. Je vous remercie d’être parmi nous et de nous avoir fourni ces témoignages.
Le gouvernement fait-il tout ce qu’il peut pour lutter efficacement contre l’antisémitisme et les autres formes de haine au Canada? Faisons-nous tout notre possible?
M. Westmacott : Merci beaucoup pour cette question.
Nous pouvons toujours faire mieux. Je pense qu’il y a toujours des mesures que nous pouvons prendre davantage, et je pense qu’il incombe au gouvernement de faire tout son possible, tout comme la société civile. Je pense que les mesures que nous prenons à ce stade sont bien pensées, bien ciblées, et que nous progressons. Nous espérons que cela continuera.
J’ai mentionné dans mes remarques liminaires le document sur les engagements nationaux que nous sommes en train d’élaborer. Nous le rédigeons en collaboration avec les provinces et les territoires, les municipalités et les forces de l’ordre de tout le pays. Il s’agit d’un ensemble de mesures tournées vers l’avenir que toutes les administrations du pays peuvent prendre individuellement et, dans certains cas, collectivement, pour tenter de lutter contre l’antisémitisme et d’autres formes de haine.
M. Janzen : Je vous remercie de votre question. Je suis tout à fait d’accord avec mon collègue de la Sécurité publique. Nous pouvons toujours faire plus. C’est pourquoi la GRC collabore avec les communautés et écoute leurs commentaires. Dès que nous commencerons à croire à la GRC que nous maîtrisons tout, ce ne sera pas le cas, inévitablement. Nous devons constamment recueillir les réactions, maintenir le dialogue avec les communautés et faire en sorte d’améliorer nos politiques opérationnelles et de rester mobilisés.
Je tiens également à souligner qu’il s’agit d’une question qui concerne l’ensemble de la société. Nous comptons sur les communautés pour encourager les signalements et aider leurs membres victimes de crimes ou touchés par ceux-ci. C’est vraiment quelque chose que nous devons faire en partenariat avec les membres des communautés là où nous assurons le maintien de l’ordre dans le pays.
La sénatrice Bernard : Je crois que je ne me suis pas présentée.
La présidente : En effet.
La sénatrice Bernard : Permettez-moi de me présenter. Je suis la sénatrice Wanda Bernard, de la Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki. Nous savons que bien des crimes haineux ne sont pas signalés. Il y a différentes raisons à cela, l’une d’elles étant manifestement que les gens pensent que les signaler ne servira à rien ou ne changera rien.
Que faut-il faire pour encourager les gens à signaler davantage les crimes dans des circonstances très difficiles?
M. Westmacott : Ce que nous entendons souvent, entre autres, dans les communautés — exactement comme vous l’avez souligné —, c’est que les gens ne signalent pas les crimes parce qu’ils pensent que cela ne sert à rien. Cela tient en partie au fait que les policiers de l’endroit savent ou pas ce qu’est un crime haineux. Savent-ils quoi faire et quelles mesures prendre?
Il a donc été décidé ces dernières années de mettre entre autres l’accent sur la formation des services de police relative aux crimes haineux. M. Janzen, mon collègue, peut vous parler de ce que fait la GRC. Cependant, en réponse à de nombreuses réactions dans les communautés, nous travaillons notamment, à l’heure actuelle, sur le soutien aux municipalités, aux forces de police provinciales et aux services de police en matière de formation sur les crimes haineux, en leur offrant une formation efficace, en reconnaissant que les policiers font face quotidiennement à de nombreux défis. Il s’agit donc de leur donner les outils et de les sensibiliser au cadre juridique existant, afin de les aider à réagir à ces crimes haineux et autres incidents motivés par la haine, ce qui, espérons-le, donnera aux particuliers le sentiment que plus est fait.
M. Janzen : Il se pose notamment la question de la confiance dans la police. Bien des communautés touchées par les crimes haineux n’ont généralement pas assez confiance dans la police pour signaler des incidents. Il s’agit donc de rétablir cette confiance, en travaillant avec les communautés. Dans des témoignages précédents lors de cette session, vous avez beaucoup entendu parler d’intersectionnalité. La police doit en faire partie, afin de pouvoir commencer à établir des liens de confiance. C’est essentiel.
Cependant, je suis d’accord avec mon collègue. Les policiers de première ligne sont également très importants. Les unités spécialisées dans la lutte contre les crimes haineux sont les meilleures dans leur domaine, de véritables experts en la matière. Cependant, un agent ou un policier qui répond à un appel et qui en a peut-être 15 autres à traiter ce jour-là, n’a pas ce type de réaction initiale ou ne dispose pas des bonnes informations. Cela détruit immédiatement la confiance de cette communauté. Nous nous concentrons donc beaucoup sur la façon dont nous donnons aux agents de première ligne un accès à la formation et aux outils dont ils ont besoin pour pouvoir rebondir et obtenir des conseils sur la manière de répondre dès le départ à cet appel initial.
La sénatrice Bernard : Une question complémentaire.
La présidente : À la deuxième série de questions.
Le sénateur K. Wells : Bienvenue, merci de votre présence. Ma question s’adresse à M. Janzen. Les crimes haineux sont souvent appelés « crimes à messages », comme vous l’avez expliqué, parce que non seulement ils visent une personne, mais sèment la peur et la terreur dans toute une communauté.
Nous sommes particulièrement préoccupés par ce qui se passe dans certaines de nos grandes villes. Je viens d’Edmonton. Nous avons une unité spécialisée dans la lutte contre les crimes haineux, créée dans le cadre d’un projet pilote de Sécurité publique Canada au début des années 2000, et qui existe toujours aujourd’hui. Nous savons que les municipalités urbaines accordent peut-être plus d’attention à cette question, mais notamment les collectivités rurales où la GRC assure principalement le maintien de l’ordre...
Vous avez parlé de la nécessité d’une spécialisation. Pouvez‑vous nous parler des agents spécialisés dans la lutte contre les crimes haineux dans les provinces et les territoires? Je sais que l’Alberta ne compte qu’un seul de ces agents pour toute la province et qu’il ne travaille, malheureusement, qu’à temps partiel sur les crimes haineux. Je me demandais donc si vous pouviez nous parler de ce que fait la GRC, pour ce qui est du nombre d’équivalents temps plein ou d’employés à temps partiel dans les provinces et les territoires, pour vraiment servir de point de contact pour former les agents, travailler avec les collectivités et répondre à ce besoin très complexe.
M. Janzen : Madame la présidente, merci de cette question. Je tiens à féliciter la section des crimes haineux de la police d’Edmonton. Elle fait un excellent travail. C’est une excellente unité. Nous travaillons en étroite collaboration avec elle.
La GRC de l’Alberta et l’Alberta renforcent actuellement leurs capacités de lutte contre les crimes haineux en offrant une formation spécialisée et en ajoutant du personnel spécialisé pour intervenir en cas de crimes haineux. À l’heure actuelle, ces affaires sont surtout traitées par la Section des crimes majeurs, qui compte certains de nos policiers les plus expérimentés en Alberta. Ce sont des agents fantastiques. Nous devons maintenant leur fournir la formation nécessaire pour qu’ils puissent intervenir dans ce domaine.
Comme vous pouvez le comprendre, nous sommes un partenaire contractuel. La province doit créer des unités spécialisées, et une partie du financement doit venir du gouvernement provincial. Nous avons constaté une nette amélioration en Colombie-Britannique, où une unité spécialisée dans les crimes haineux a été créée. Nous travaillons actuellement dans ce cadre pour nous assurer que nous disposons d’agents capables de réagir face à ces crimes.
En ce qui concerne le nombre précis d’équivalents temps plein, je devrai vous répondre par écrit. Nous devons clarifier la situation en ce qui concerne les agents chargés des affaires graves et le pourcentage de leur temps. Cependant, je me ferai un plaisir de fournir cette information au comité.
Le sénateur K. Wells : Nous vous en serions très reconnaissants, car elle serait utile. Vous avez parlé de la formation dispensée par la GRC en particulier. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la formation sur les crimes haineux dispensée aux nouvelles recrues au Dépôt?
M. Janzen : Bien sûr. À l’heure actuelle, au Dépôt, il y a un exposé sur les crimes haineux. Je ne dirais pas qu’il est approfondi. Nous cherchons activement à améliorer la formation offerte au personnel. Il reçoit une formation de base. À l’heure actuelle, nous proposons une formation spécialisée sur les crimes haineux sur Agora, qui est la plateforme de formation en ligne à la GRC. Il existe aussi formation sur le RCSP, le Réseau canadien du savoir policier — désolé, je fais partie d’une organisation qui utilise beaucoup d’acronymes. Cette formation est destinée aux policiers de tout le pays.
Nous avons également de manuels consacrés aux crimes haineux, notamment un manuel destiné aux enquêteurs de première ligne et un autre destiné aux enquêteurs spécialisés dans les crimes haineux. Ils sont clairement différents. Pour revenir aux enquêtes plus complexes qu’un enquêteur doit mener, en plus de l’intervention initiale de l’agent de première ligne, ces manuels sont actuellement accessibles au public sur le site Web, et ce, à dessein, pour que nous puissions offrir cette formation à d’autres services de police dans tout le pays.
Le sénateur K. Wells : En ce qui concerne Sécurité publique, notre objectif est de réduire les formalités administratives dans l’ensemble du gouvernement pour gagner en efficacité. Nous voyons donc que votre programme d’infrastructure de sécurité ne suffit peut-être pas à répondre à la demande.
Avez-vous pris des mesures pour simplifier les demandes — car lorsque quelqu’un fait une demande, c’est qu’un incident s’est déjà produit et qu’il est nécessaire de mobiliser des ressources sur le terrain pour assurer la sécurité des communautés? La communauté juive nous a expliqué que ses coûts de sécurité ont parfois augmenté de manière exponentielle et qu’elle doit annuler des événements parce qu’elle ne peut pas assurer la sécurité nécessaire.
Pouvez-vous nous parler du processus de demande, de sa simplification et des fonds mis à la disposition des communautés sur le terrain? Comment cela se présente-t-il?
M. Westmacott : Merci de cette question. Lorsque nous avons créé le Programme pour la sécurité communautaire du Canada, le PSCC, qui a succédé au Programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité, nous y avons intégré de nombreuses mesures d’efficacité, notamment la possibilité de présenter une demande à tout moment de l’année. Des changements administratifs ont également été apportés, par exemple, moins d’éléments sont à fournir, afin de rendre le programme plus accessible pour les communautés, se sorte qu’elles y aient plus facilement accès.
La présidente : Merci, et si vous avez une question complémentaire, ce sera pendant le deuxième tour de table.
Le sénateur Arnot : Je remercie les témoins. Monsieur Kenney, en ce qui concerne le Programme pour la sécurité communautaire du Canada, le PSCC, que vous avez mentionné, quel est le délai approximatif pour mettre en place des mesures de sécurité? Et quels types de mesures sont généralement prises? Quelle est la plus populaire?
M. Kenney : Je vous remercie de votre question. Je vais céder la parole à mon collègue, Doug May, qui intervient un peu plus que moi dans les décisions quotidiennes et est donc mieux placé pour vous répondre.
Douglas May, directeur général intérimaire, Programmes, Sécurité publique Canada : En ce qui concerne les délais, nous nous fixons une norme de service de quatre mois entre le moment où nous recevons une demande et celui où nous cherchons à mettre une entente en place et à obtenir le financement complet de ces mesures. En ce qui concerne les types d’équipement les plus demandés, il s’agit surtout de caméras de vidéosurveillance, etc. Il y a également les clôtures, qui permettent de réduire la circulation, et d’autres éléments de ce type.
Le sénateur Arnot : Pour les organisations qui ne peuvent pas assumer les dépenses en capital, est-ce que Sécurité publique s’occupe du paiement direct aux fournisseurs ou existe-t-il un mécanisme d’achat fédéral afin que les petites synagogues ne soient pas limitées par leur trésorerie?
M. May : Le programme fonctionne de telle manière que nous devons verser les fonds au bénéficiaire qui, dans votre exemple, est une synagogue.
Toutefois, dans certaines circonstances, nous autorisons la pré‑exécution, ce qui permet à une organisation de démarrer un projet avant la signature d’une entente, si le besoin en est urgent.
M. Westmacott : Par ailleurs, quand le Programme pour la sécurité communautaire du Canada a été créé, nous avons fait passer la part des coûts assumés par le gouvernement fédéral de 50 à 70 % pour tenir compte du fait que certaines communautés étaient plus à court d’argent, si je puis m’exprimer ainsi.
Nous avons également autorisé d’autres administrations — d’autres ordres de gouvernement — à apporter leur soutien. Avant, seul le gouvernement fédéral pouvait le faire. À présent, nous pouvons les autoriser, y compris les provinces ou les municipalités, à couvrir jusqu’à 100 % du coût total du projet.
Le sénateur Arnot : Nous avons beaucoup entendu parler du pouvoir de l’éducation et de la nécessité de sensibiliser, en particulier dans les classes de la maternelle à la 12e année. Quelle part des nouveaux fonds disponibles dans le cadre du Fonds pour la résilience communautaire sera réservée à la prévention auprès des enfants d’âge scolaire, afin de lutter contre les discours antisémites? Je pense aux élèves de la maternelle à la 12e année dans les provinces et les territoires. Par ailleurs, envisage-t-on des programmes de perfectionnement professionnel pour les enseignants actuels de la maternelle à la 12e année au Canada?
M. May : Il n’y a pas d’allocation préalable dans le cadre du Fonds pour la résilience communautaire, mais à la suite de certaines initiatives récentes — je crois que mon collègue M. Westmacott a mentionné le forum sur l’antisémitisme qui s’est tenu en mars 2025 —, 10 millions de dollars ont été annoncés pour des initiatives liées à l’antisémitisme, notamment cette initiative même en matière de formation et de sensibilisation pour certaines organisations. Il n’y avait pas d’allocation préétablie pour tout ce que vous avez mentionné dans ce sens.
M. Westmacott : J’aimerais ajouter que le gouvernement vient d’annoncer, comme je l’ai mentionné, un financement de 36 millions de dollars pour de nouveaux programmes. Par exemple, je viens de regarder ce que fait la Commission des étudiants du Canada, qui finance des actions menées dans les écoles, dans les collectivités et en ligne pour lutter contre la haine, la polarisation et l’extrémisme violent. Y participent, entre autres, des réseaux scolaires.
Il existe plusieurs exemples de financement par le Fonds pour la résilience communautaire qui soutient les écoles, mais aucun montant n’est réservé à cet effet en tant que tel.
La sénatrice Coyle : Je cherche à comprendre l’escalade, les chiffres. Vous avez évoqué les années de référence, qui remontent en réalité à quelques années. Je suis curieuse de savoir ce qui s’est passé au cours des deux dernières années. Disposons‑nous de chiffres sur ce qui s’est passé depuis le 7 octobre et l’attaque ignoble et d’une violence effroyable à laquelle s’est livré le Hamas en Israël, puis la réaction d’Israël contre le Hamas à Gaza? J’aimerais connaître ces chiffres.
M. Westmacott : Merci beaucoup. Nous disposons effectivement de chiffres à ce sujet. Vous avez raison, nous choisissons une période différente selon le sujet, mais devant la préoccupation suscitée par l’augmentation des crimes haineux, Statistique Canada publie maintenant des données trimestrielles, et ce, depuis 2024, ce qui permet de voir l’augmentation et l’impact de ces crimes.
Nous avons clairement constaté une augmentation sensible des crimes haineux en 2022-2023 et en 2023-2024 aussi. Oui, il y a eu une augmentation sensible après le 7 octobre 2023, et générale — dans la communauté juive, bien sûr, mais aussi dans d’autres communautés.
En 2018, nous constatons une augmentation générale des crimes haineux dans toutes les catégories.
M. Janzen : Si je peux ajouter quelque chose, en 2023 et 2024, les crimes contre la religion juive représentaient 18 % des crimes haineux, et ce chiffre est resté stable en 2023-2024. Il s’agit d’une augmentation sensible, mais je m’en voudrais de ne pas rappeler qu’il s’agit là des crimes haineux signalés. C’est un autre problème pour nous. Dans certaines communautés du pays, notamment, nous ne pensons pas que tous les cas de crimes haineux soient signalés, ce qui reste une lacune importante.
La sénatrice Coyle : Merci. Nous pourrions peut-être obtenir ces chiffres à un autre moment. Il est important pour nous de les connaître.
Ma question suivante concerne la prévention. Je sais que les caméras et les clôtures sont des moyens de prévention, mais nous avons aussi parlé du travail que font la GRC et Sécurité publique Canada pour surveiller le cyberespace. J’aimerais avoir un peu plus de détails à ce sujet. Monsieur Westmacott, vous avez parlé de comprendre la radicalisation. J’aimerais en savoir un peu plus à ce sujet et savoir où cela peut mener. Il me semble aussi, monsieur Janzen, que vous avez parlé du travail dans la lutte contre le terrorisme.
M. Janzen : Je vais laisser mon collègue Denis Beaudoin répondre à cette question.
Denis Beaudoin, commissaire adjoint, Sécurité nationale, Police fédérale, Gendarmerie royale du Canada : Il ne fait aucun doute que le cyberespace joue un rôle important dans la radicalisation au Canada. Comme nous ne pourrons jamais surveiller tous les forums en ligne, la GRC collabore beaucoup avec ses partenaires nationaux et internationaux. Tout le monde est concerné, et grâce à ces collaborations, nous pouvons repérer les menaces.
Parallèlement, il s’agit d’un phénomène qui touche toute la société et dont tout le monde doit être conscient. Nous faisons donc de la sensibilisation. Nous avons publié des avis publics à l’intention des parents, des enseignants et d’autres personnes les invitant à être attentifs aux changements de comportement chez les jeunes. Dans ces avis, nous mentionnons certains types de comportements qui ont été identifiés par des professionnels comme étant plus problématiques, afin qu’ils puissent les reconnaître et appeler les écoles, les autorités, la police locale ou la GRC pour que nous puissions intervenir. Ensuite, dans les systèmes de radicalisation, nous pouvons traiter le problème avant qu’il ne dégénère en extrémisme violent.
Dans le cyberespace, nous constatons que la haine n’est pas cloisonnée. Nous constatons aujourd’hui que, si les jeunes haïssent les Juifs, ils haïssent également les Noirs, la communauté LGBTQ et bien d’autres.
Il y a longtemps peut-être, ils éprouvaient une seule frustration ou une seule haine, mais aujourd’hui, celle-ci s’est généralisée et leurs intentions visent une multitude de communautés. Elle n’est donc plus cloisonnée.
Il est possible que le cyberespace réunisse des personnes animées par la haine dans ces forums, où elle est cultivée, et là est le résultat final.
La sénatrice McPhedran : J’essaie de rebondir sur un certain nombre de questions qui ont été posées jusqu’à présent. Permettez-moi de commencer par vous poser une question sur le temps que vous consacrez à ce dossier. Puis-je vous demander si l’un de vous quatre travaille sur ce dossier depuis moins de deux ans?
Travaillez-vous tous dessus depuis deux ans ou plus? D’accord, merci.
Voici donc ma question : vous avez mentionné que la situation évolue et que la réactivité doit être adaptée, mais pouvez-vous nous indiquer ce qui, pour vous, est le changement le plus important intervenu au cours des deux dernières années et demie? Y a-t-il quelque chose qui vous semble particulièrement marquant?
M. Janzen : Je me souviens avoir travaillé sur des crimes haineux, en aidant celui qui était alors le sous-commissaire Cabana, en 2014-2015, il y a donc un certain temps. À l’époque, il s’agissait plus d’incidents isolés. C’étaient des personnes motivées par la haine. Pardonnez ma franchise, mais si vous avez en tête l’image d’un skinhead ou quelque chose de ce genre, c’était plutôt ce type de travail. L’un des changements les plus importants aujourd’hui, c’est le lien avec le domaine de M. Beaudoin : les gens sont plus actifs en ligne et les propos en ligne sont beaucoup plus virulents.
C’est le changement le plus important que j’ai constaté. Ce n’est plus un phénomène isolé, mais un mouvement, pour ainsi dire.
Je ne sais pas si vous souhaitez ajouter quelque chose, monsieur Beaudoin.
M. Beaudoin : Oui. Deux ans, c’est peu, mais le cyberespace a vraiment changé. Avant, les gens devaient sortir de chez eux pour cultiver cette haine, maintenant ils peuvent le faire de chez eux. Elle est cultivée et devient de pire en pire. Parfois, personne n’en est conscient.
Alors qu’avant, il fallait parler à d’autres personnes en personne, maintenant, cela se fait sur un téléphone, dans un sous‑sol. C’est vraiment problématique.
La sénatrice McPhedran : Merci.
Je voudrais commencer par une petite anecdote. J’ai siégé à un moment au Tribunal canadien des droits de la personne. Il se trouve que j’étais présente lors d’une des grandes affaires d’antisémitisme jugées devant le tribunal, mais je ne siégeais pas. J’étais simplement dans le public. Je me suis retrouvée par hasard assise au milieu du groupe haineux et des amis de la personne visée par l’enquête.
Dans la conversation, j’ai appris que presque tous travaillaient en ligne, étaient techniciens et presque tous employés de ministères fédéraux.
Ma question est la suivante : avez-vous un moyen de vérifier et revérifier les personnes qui travaillent dans la technologie ou en ligne dans vos espaces de travail?
M. Janzen : Nous avons effectivement un programme de lutte contre les menaces internes. Nous avons des personnes qui mènent une enquête si nous recevons des informations sur un employé actif dans ces domaines. Le commissaire a très clairement indiqué que, si vous ne respectez pas notre code de conduite, des mesures seront prises. Nous avons aussi, récemment, mis à jour notre code de conduite afin que certaines activités soient présumées causes de licenciement, autrement dit, entraînent le renvoi de l’organisation.
Cet effort interne vise à renforcer notre capacité de réagir à ces situations et à améliorer la culture de l’organisation à cet égard. Monsieur Beaudoin, vous aurez certainement quelque chose à ajouter à ce sujet, mais du point de vue des employés de la GRC, personne ne souhaite travailler avec des gens qui n’épousent pas les valeurs fondamentales de l’organisation.
M. Beaudoin : La seule autre chose à ajouter, c’est que, si tel était le cas, il y aurait aussi une enquête criminelle, comme pour toute autre personne au Canada. Nous prenons cela très au sérieux et nous disposons d’un mécanisme pour repérer de tels cas.
C’est toujours un défi, mais comme dans tout autre ministère, il existe des habilitations de sécurité qui sont validées périodiquement et d’autres mesures encore. C’est certainement une préoccupation, et nous prenons en compte votre expérience.
La sénatrice McPhedran : J’aimerais une réponse très brève, un « oui » ou un « non ». Le type de vigilance que vous avez décrit existe-t-il dans tous les ministères fédéraux aujourd’hui?
M. Beaudoin : Je ne peux pas parler au nom des autres ministères.
M. Westmacott : Ai-je le temps de répondre, madame la présidente?
La présidente : Peut-être à un deuxième tour de table qui demandera sans doute un effort collectif.
Le sénateur Housakos : Merci à notre groupe de témoins de sa présence aujourd’hui. J’écoute très attentivement, et vous parlez tous d’« engagement », de « consultations », de « collaboration », etc. Ce sont toutes de belles paroles que les politiciens utilisent lorsque nous délibérons ici, au Sénat ou à la Chambre des communes, mais en vérité — et je représente une importante communauté juive à Montréal dont plusieurs lieux de culte ont été la cible de tirs et de cocktails Molotov. Nous voyons proférer des menaces de mort dans des manifestations autorisées, où la police est présente pour veiller à ce que tout reste pacifique. Pourtant, on continue de filmer dans ces manifestations des personnes qui appellent à la mort d’un groupe religieux en particulier.
De votre propre aveu, cela fait maintenant des années que nous échouons. Cette collaboration, ces consultations et tout le reste de ce que nous avons entendu ici aujourd’hui se révèlent être des échecs monumentaux ces deux ou trois dernières années, de votre propre aveu. Et je le pense aussi.
De toute évidence, depuis quelques années, nous avons affaire à des organisations bien structurées, déterminées, systématiques et très bien financées qui mènent ces activités.
Ma question est très précise : que manque-t-il dans la boîte à outils des organismes d’application de la loi que nous pouvons leur fournir pour arriver à un début de solution face à ce terrible problème?
M. Westmacott : Ce n’est pas tant qu’il manquait des éléments importants dans la boîte à outils. Il s’agissait en partie de comprendre ce qui se trouvait déjà dans la boîte à outils. Il existe un certain nombre de dispositions légales qui interdisent des actes tels que le harcèlement, etc.
Le projet de loi C-9, que j’ai mentionné et qui est une initiative du ministère de la Justice, fait partie des mesures destinées à améliorer certains aspects de la loi sur les crimes motivés par la haine. Il érige en infraction le fait d’intimider une personne en vue d’entraver son accès à des institutions culturelles et religieuses. Il érige en infraction le fait d’empêcher ou de gêner intentionnellement l’accès à ces lieux. En outre, si une infraction est commise et qu’elle est motivée par la haine, il s’agit également d’une nouvelle infraction, qui est donc assortie d’une nouvelle peine. Il existe également la notion d’infractions de propagande haineuse concernant les symboles liés au terrorisme et à la haine.
Le projet de loi C-9, récemment déposé, répond à certaines des préoccupations soulevées par les services de police et d’autres communautés, comme la communauté juive, afin que des mesures concrètes soient prises dans certains de ces cas.
Cependant, une partie de tout cela ramène aux éléments dont nous parlions plus tôt, comme la formation, et au fait qu’il existe déjà un certain nombre de dispositions dans le cadre juridique et que, dans certains cas, il s’agit simplement pour la police compétente de les connaître et de savoir quand elles peuvent être appliquées.
Le sénateur Housakos : Avec beaucoup plus de précision. En effet, à l’heure actuelle, le Code criminel contient déjà des lois contre la haine. Elles sont claires et concises. Elles ont manifestement fonctionné pendant un certain nombre d’années, jusqu’à ces quelques dernières années.
Je vais poser une autre question encore plus précise. Pourquoi n’appliquons-nous pas les lois pénales contre la haine qui existent déjà? Les organismes chargés de l’application de la loi ont-ils repéré des organisations dans ce pays qui ont délibérément mené des activités antisémites — des organisations bien financées et bien organisées? Surveillez-vous de telles organisations? Sont-elles suivies et surveillées afin qu’elles ne continuent pas à polluer et à s’étendre? Voilà pour la première série de questions.
La deuxième série de questions, pour laquelle j’espère que vous pourrez fournir des statistiques à ce comité, est la suivante. Au cours des 24 derniers mois, combien de personnes au Canada ayant commis des actes antisémites délibérés ont été inculpées au titre des lois contre la haine? Si, comme je le soupçonne, leur nombre est faible par rapport à un certain nombre d’actes qui ont fait l’objet de plaintes, cela soulève la question suivante : où les forces de l’ordre ont-elles échoué, et pourquoi?
Je vous laisse réfléchir à ces questions.
M. Janzen : Il est très difficile de répondre à ces questions en 10 secondes. Je vous prie de m’excuser.
Un certain nombre de groupes figurent sur la liste des organisations terroristes établie par le gouvernement du Canada. Pour des raisons évidentes, nous ne pouvons pas donner de détails sur nos opérations en cours. Je dirais qu’il y a certainement beaucoup plus que les forces de l’ordre peuvent faire dans ce domaine. Je serai heureux d’aborder ce sujet lors de la prochaine série de questions.
Le sénateur Housakos : Combien de personnes ont été inculpées?
La présidente : Peut-être que cette information peut être fournie par écrit.
M. Janzen : Je peux fournir des statistiques pour la GRC, mais je ne peux pas parler au nom de toutes les forces de l’ordre du pays.
La sénatrice Karetak-Lindell : Merci d’être ici. Certaines de mes questions ont déjà reçu une réponse partielle, mais j’ai le sentiment que nous ne pouvons pas changer les attitudes avec des lois. Nous ne pouvons pas changer l’intolérance avec des lois. Je pense que la majorité du travail à accomplir se situe au niveau de la collectivité, avant que les actes ne deviennent des crimes.
Je me demande quelle est l’ampleur du travail accompli dans le cadre des programmes communautaires dans les écoles. Nous savons tous que nous naissons sans préjugés ni haine et avec une attitude positive envers les autres. C’est quelque chose que les enfants et les jeunes apprennent en grandissant, en fonction des personnes qui leur parlent ou des actions qu’ils observent. Je pense que la mise en place de groupes de soutien communautaires appropriés et de programmes scolaires adaptés, où les gens parlent simplement entre eux de la gentillesse, pourrait grandement contribuer à améliorer la situation. Nous pouvons avoir des politiques et des lois, mais on ne peut pas changer la façon dont les gens pensent avec des lois. Il faut ensuite trouver un équilibre entre ce que les gens disent et la liberté d’expression, et c’est un équilibre délicat.
Sur les fonds dont vous avez mentionné la disponibilité, quelle part est destinée aux groupes et aux projets communautaires? Comme vous le dites, je pense que certaines personnes ont évoqué des journées de perfectionnement professionnel des enseignants pour qu’ils apprennent à mieux gérer ces questions au niveau de l’école. Il ne s’agit pas seulement de ce crime haineux en particulier; beaucoup d’autres choses se produisent dans les écoles. Les médias sociaux jouent également un rôle important, car il y a tellement d’influenceurs.
Combien de travail se fait-il à l’échelle communautaire pour étouffer cela dans l’œuf, avant que cela n’atteigne d’autres degrés et ne devienne un crime haineux?
M. Westmacott : C’est une très bonne question. Je précise que, même si nous avons beaucoup parlé de la loi et des mesures à prendre, un travail considérable se fait également sur le plan de la prévention.
En ce qui concerne le Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence, une grande partie de son travail, par l’intermédiaire du Fonds pour la résilience communautaire, porte sur la prévention. Il s’agit de comprendre et de mener des recherches, mais le centre finance également des interventions communautaires visant à lutter contre la radicalisation qui mène à la haine.
Je veux également mentionner la Stratégie nationale pour la prévention du crime. Bien qu’elle se concentre sur la criminalité et la lutte contre ses causes profondes, bon nombre de ces causes sont, en fait, assez semblables à certains égards, pouvant pousser quelqu’un à la haine comme elles peuvent pousser quelqu’un à la criminalité, notamment le sentiment d’exclusion de certains éléments de la société, la colère ou certains aspects de ce genre.
La Stratégie nationale pour la prévention du crime, qui consacre environ 45 millions de dollars par an à des initiatives de prévention de la criminalité — sous la forme, dans de nombreux cas, d’interventions dans les écoles et dans la communauté, axées sur les jeunes âgés de 6 à 30 ans —, met l’accent sur ces éléments et ces causes profondes.
M. Janzen : Monsieur Beaudoin, souhaitez-vous parler de certaines de nos activités de lutte contre la radicalisation?
M. Beaudoin : À la GRC, nous avons un programme d’intervention dont l’objectif est d’identifier les personnes à un stade précoce. Comme je l’ai mentionné précédemment, lorsque des changements de comportement nous sont signalés, il existe des groupes partout au pays qui peuvent travailler avec ces personnes pour les aider à revenir sur la bonne voie. L’un des principaux enjeux consiste à faire en sorte que ces signalements soient transmis aux forces de l’ordre ou au système scolaire afin de garantir que l’aide nécessaire est fournie.
C’est un programme interne qui ne requiert pas de nouveaux fonds, pour l’instant, et qui nous permet de collaborer avec des collectivités dans tout le pays.
La présidente : Merci. Il nous reste sept minutes et cinq questions. Je propose que chaque sénateur pose sa question et je vous demande de répondre à celles auxquelles vous pouvez répondre dans le temps qui nous reste. Dans le cas des questions auxquelles vous ne pouvez pas répondre tout de suite, veuillez nous faire parvenir la réponse avec les réponses écrites qui ont déjà été demandées.
La sénatrice Bernard : Merci, madame la présidente. Je voudrais revenir sur le sujet de la haine en ligne. Sommes-nous en mesure de surveiller et de recueillir des données sur la propagation de la haine et du racisme générés par l’intelligence artificielle? Quelles mesures sont prises en matière d’interventions numériques fondées sur des preuves? Où en sommes-nous dans ce domaine?
L’autre question que j’avais à poser faisait suite à une observation formulée lors de ma dernière question sur la formation. Monsieur Janzen, vous avez parlé d’intersectionnalité. La formation comprend-elle une formation du personnel sur la manière d’appliquer une perspective intersectionnelle aux enquêtes?
Le sénateur K. Wells : Monsieur Janzen, vous avez mentionné l’importance du partenariat entre les unités provinciales chargées des crimes haineux et les provinces, en prenant l’exemple de l’équipe chargée des crimes haineux de la Colombie-Britannique.
La GRC a-t-elle une proposition à faire? Quelles ressources faudrait-il pour créer, dans tout le pays, des unités provinciales ou territoriales chargées des crimes haineux, afin d’améliorer la spécialisation des enquêtes, mais aussi de rassembler des preuves, comme l’a mentionné mon collègue, le sénateur Housakos, pour que les responsables soient tenus de rendre des comptes, qu’ils soient inculpés et que les poursuites réussissent? Si vous avez des renseignements à ce sujet, je vous serai reconnaissant de bien vouloir nous les communiquer.
Mon autre question concerne le projet de loi C-9 qui a été mentionné. L’année dernière, la Chambre des communes a publié un rapport intitulé La montée de l’antisémitisme au Canada et les moyens d’y faire face. Ce rapport formulait plusieurs recommandations, dont certaines se retrouvent dans le projet de loi C-9.
Du point de vue de la GRC et des services de police, pourriez‑vous nous dire dans quelle mesure, selon vous, ces nouveaux pouvoirs, s’ils sont adoptés, aideront les services de police dans leur travail?
Le sénateur Arnot : J’ai quelques questions à poser à la GRC qui sont semblables à certaines autres.
Premièrement, combien d’agents de la GRC ont suivi une formation sur les enquêtes relatives aux crimes haineux au cours du dernier exercice? Avez-vous des objectifs précis pour cette formation? Ces objectifs sont-ils atteints?
Deuxièmement, la GRC publiera-t-elle des données trimestrielles sur les crimes haineux? Je pense notamment aux rapports, aux accusations, aux enquêtes résolues, au délai moyen entre la plainte et l’inculpation, entre l’inculpation et le procès, et au nombre de condamnations.
Troisièmement, tous les détachements de la GRC reçoivent-ils des renseignements permanents sur l’évaluation des menaces pesant sur les communautés juives? Quand les dernières directives nationales ont-elles été publiées?
La sénatrice Coyle : Merci d’avoir répondu à ma question précédente. J’ai deux questions. J’aimerais savoir quels sont les risques — et je suis sûre que les deux parties suivent cela de près — que la haine en ligne dégénère en violence physique d’une forme ou d’une autre. Surveillez-vous cela? À quoi ressemblent ces chiffres?
Pour aller plus loin, pouvons-nous comprendre quels sont certains des facteurs qui poussent certaines personnes, parmi le très grand nombre de personnes impliquées dans la haine en ligne, à passer à l’acte?
La sénatrice McPhedran : Tous les ministères ont été invités à trouver au moins 15 % de réductions budgétaires. Pourriez‑vous nous dire si vous prévoyez des réductions au niveau de ce programme?
La présidente : Voilà pour les questions, mais j’aimerais ajouter moi-même une question. Je pense qu’elle a déjà été posée d’une autre manière, mais je m’interroge sur le taux de poursuites ou de condamnations, disons au cours des deux dernières années.
Il nous reste deux minutes. Y a-t-il des questions auxquelles vous souhaitez répondre dans le temps qui nous reste?
M. Janzen : Il y a certainement beaucoup de questions, madame la présidente. Je ne pense pas pouvoir répondre à toutes, mais peut-être à certaines des plus simples.
En ce qui concerne le projet de loi C-9, du point de vue des services de police, l’Association canadienne des chefs de police, l’ACCP, a publié une déclaration à ce sujet, que nous pouvons présenter et partager avec le comité. Cette déclaration reflète beaucoup mieux le point de vue des services de police que ce que la GRC peut fournir. Nous ne parlons certainement pas au nom de tous les services de police.
En ce qui concerne le domaine de l’intelligence artificielle, nous essayons toujours de comprendre l’intelligence artificielle. Je vais essayer de vous fournir une réponse plus approfondie, mais elle sera assez nuancée; c’est une question difficile.
Quant à l’intersectionnalité, je n’ai pas eu l’occasion de parler de l’excellent travail que nous accomplissons avec la Fondation canadienne des relations raciales. C’est sur cela que nous nous appuyons vraiment. Nos partenariats avec eux permettent de réunir des universitaires, des députés et des groupes religieux autour d’une même table, avec les services de police. La façon dont ils organisent leurs ateliers « Bâtir des ponts » est la suivante : la communauté d’abord, la police ensuite. Ensuite, ils réunissent les gens pour une conversation. C’est une méthodologie vraiment intéressante.
Cependant, ils le font pour les services de police dans tout le pays, ce qui en fait un outil important pour nous. Nous avons un cours sur les traumatismes, destiné aux enquêteurs, qui est obligatoire pour nos membres. Nous avons certains éléments à ce sujet et nous allons essayer de les développer un peu plus et de vous envoyer une réponse écrite. Monsieur Westmacott, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
M. Westmacott : Beaucoup de questions s’adressaient à vous. Cela me convient. Je pense que nous devrons voir où se feront ces coupes dans le programme. Nous ne pouvons pas nous prononcer à ce stade.
La présidente : Merci à tous. Nous avons très bien utilisé notre temps aujourd’hui. Merci à tous d’être ici et d’avoir convenu de participer à cette étude très importante. Comme vous pouvez le constater d’après les questions, c’est un sujet qui nous intéresse beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants de votre aide dans le cadre de notre étude. Merci d’être venus.
Pour notre prochain groupe, j’aimerais vous présenter nos témoins. Ils ont été invités à faire une déclaration liminaire de cinq minutes chacun. Cette déclaration sera suivie des questions des sénateurs.
Nous avons avec nous, par vidéoconférence, M. Imran Ahmed, chef de la direction et fondateur du Center for Countering Digital Hate, et à notre table, Mme Sheryl Saperia, présidente, directrice générale de Secure Canada. J’invite maintenant M. Ahmed à faire sa présentation, suivi de Mme Saperia.
Imran Ahmed, chef de la direction et fondateur, Center for Countering Digital Hate : Madame la présidente et membres du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui. Je m’appelle Imran Ahmed. Je suis le fondateur et le chef de la direction du Center for Countering Digital Hate, ou CCDH, dont le siège social est situé à Washington, DC, et qui a des bureaux à Londres et à Bruxelles.
La lutte contre l’antisémitisme en ligne est une question qui transcende les clivages politiques ici au Canada, aux États-Unis, dans l’Union européenne et au Royaume-Uni. En tant qu’alliés, notre heure de gloire a été la victoire sur le nazisme et son idéologie antisémite, qui a conduit au massacre industriel de six millions de Juifs européens.
Aujourd’hui, ces anciens mensonges ont trouvé un nouvel élan grâce aux technologies modernes, qui encouragent systématiquement la haine et les mensonges par une conception de plateformes déformante et perverse.
Le Center for Countering Digital Hate étudie comment l’antisémitisme est produit, diffusé et amplifié par les algorithmes des plateformes de réseaux sociaux. Il ne s’agit pas seulement d’actes aléatoires commis par des utilisateurs, mais du résultat direct des choix effectués par les grandes entreprises de réseaux sociaux oeuvrant ici au Canada et dans le monde entier. Leur effet est de pousser de nombreux Canadiens juifs à se déconnecter, se sentant réduits au silence et harcelés.
Un espace sûr pour la haine contre les Juifs est un environnement hostile pour les Juifs. À la suite de l’attaque du Hamas le 7 octobre, des influenceurs antisémites ont exploité ces caractéristiques de conception pour diffuser des contenus haineux et gagner des millions de nouveaux adeptes. Cela représente un échec systématique des entreprises à mettre fin à l’exploitation honteuse de la tragédie à des fins d’engagement et de profit. Cela démontre une fois de plus que les plateformes de réseaux sociaux gèrent de manière irresponsable notre écosystème informationnel. Elles n’appliquent pas leurs propres règles pour protéger les utilisateurs ou résoudre les problèmes systémiques qui favorisent la prévalence de l’antisémitisme. Nous avons également observé que les algorithmes favorisent une dangereuse fertilisation croisée entre les discours antisémites et d’autres théories du complot, faisant de l’antisémitisme le tissu conjonctif hybride de nombreux mouvements haineux modernes.
Il en résulte une normalisation de la haine envers les Juifs. Nous sommes particulièrement préoccupés par un sondage que nous avons commandé et qui montre que les jeunes de 14 à 17 ans sont la tranche d’âge la plus susceptible de croire aux théories du complot antisémites aux États-Unis et au Royaume‑Uni.
Les plateformes de réseaux sociaux sont un vecteur extrêmement puissant pour l’antisémitisme, diffusant les mensonges qui le nourrissent. Nos recherches montrent que les influenceurs antisémites sont libres de recruter des fidèles, de disséminer leurs idées, de recueillir des fonds et de promouvoir la haine en ligne. Malgré des années d’avertissements, les mesures prises pour y mettre fin sont insuffisantes. Il ne faut pas oublier que la haine en ligne entraîne des conséquences hors ligne. L’inaction des entreprises de médias sociaux est un facteur reconnu dans les attaques motivées par la haine dans le monde, de Pittsburgh à Christchurch. Les communications toxiques ne sont pas simplement un phénomène inévitable sur la place publique numérique; elles sont plutôt le produit du modèle commercial des médias sociaux qui les récompense.
Il est préoccupant que les entreprises de médias sociaux restent largement intouchables et totalement irresponsables au Canada.
En conclusion, le CCDH soutient votre enquête sur l’état de l’antisémitisme au Canada et vous en remercie. Nous exhortons ce comité et le gouvernement du Canada à enquêter davantage et à agir sur le rôle des plateformes de médias sociaux dans l’amplification et la diffusion de ce contenu préjudiciable.
Merci.
La présidente : Merci beaucoup pour votre présentation.
Nous passons maintenant à Mme Saperia.
Sheryl Saperia, cheffe de la direction, Secure Canada : Je remercie les sénateurs de m’avoir invitée à témoigner sur la question de l’antisémitisme. Il est difficile de résumer en cinq minutes un sujet d’une telle ampleur et d’une telle urgence. Je me concentrerai donc sur la place qu’occupe l’antisémitisme dans la mission de Secure Canada, qui consiste à lutter contre le terrorisme et l’extrémisme et à renforcer la sécurité nationale et la démocratie au Canada.
Depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, les autorités canadiennes ont déjoué une douzaine de complots liés au terrorisme. Nous leurs sommes profondément reconnaissants de leur vigilance; cependant, je ne peux m’empêcher de rappeler la remarque effrayante de l’IRA après avoir échoué à assassiner Margaret Thatcher : « Aujourd’hui, nous n’avons pas eu de chance, mais n’oubliez pas que nous n’avons besoin d’avoir de la chance qu’une seule fois, tandis que vous devrez toujours en avoir. » Tel est le calcul insidieux du terrorisme.
Le terrorisme est le produit final; il se développe lorsque les conditions sont réunies. Si le terrorisme est le fruit empoisonné, l’extrémisme est le terreau qui le nourrit, et ce terreau devient de plus en plus fertile au Canada. Qu’est-ce qui nourrit ce terreau? L’antisémitisme est un élément central de presque toutes les idéologies extrémistes que nous observons aujourd’hui, qu’elles soient d’extrême droite, d’extrême gauche ou issues des mouvements islamistes. En effet, l’antisémitisme s’est révélé être un point d’entrée essentiel pour la radicalisation, l’adhésion à des groupes extrémistes et la mobilisation vers la violence.
Une personne qui dirige un important programme de déradicalisation en Ontario m’a confié que tous ses clients, qu’ils soient inspirés par les néonazis, l’État islamique ou tout autre groupe intermédiaire, se présentent à son bureau en répétant des théories antisémites du complot. Il a également observé que des idéologies extrémistes distinctes se mélangent parfois aujourd’hui : les islamistes citent Hitler ou les militants d’extrême gauche adoptent des slogans djihadistes. Cette fusion a souvent pour fondement l’antisémitisme.
Il est important de souligner l’alliance rouge-verte : la collaboration grandissante entre les mouvements d’extrême gauche et les islamistes, unis par leur antipathie envers l’Occident et leur hostilité envers les Juifs et Israël, malgré le fait que l’extrême gauche s’allie à des idéologies islamistes misogynes, homophobes et théocratiques.
L’antisémitisme définit les Juifs et Israël comme la source ultime du mal, quelle que soit la définition que l’on donne au « mal ». Pour l’extrême droite, cela peut signifier que les Juifs sont accusés de promouvoir l’immigration de populations non blanches qui, selon eux, menacent la domination blanche. Ce n’est pas seulement un problème pour les Juifs, c’est un danger pour tous les Canadiens, car cette idéologie cherche à remplacer la démocratie par une tyrannie raciale.
Pour l’extrême gauche, Israël, le seul État juif, est présenté comme le plus grand oppresseur du monde, représentant la civilisation occidentale, la démocratie libérale et le capitalisme. Ce n’est pas seulement un problème pour les Juifs, mais un danger pour tous les Canadiens, car cette idéologie cherche à démanteler toutes les institutions libérales et démocratiques, à effacer le mérite et à diviser les citoyens en catégories perpétuelles de victimes et d’oppresseurs.
Pour les islamistes, les Juifs sont responsables de tout ce que l’Occident a fait et qu’ils perçoivent comme hostile à l’islam. Il ne s’agit pas seulement d’un problème pour les Juifs, mais d’un danger pour tous les Canadiens, car cette idéologie divise l’humanité en croyants et infidèles, et exige que toute la société se soumette à leur interprétation extrémiste de la religion.
Le regretté sénateur américain Daniel Patrick Moynihan a observé que, lorsque les comportements déviants deviennent trop répandus, la société commence à les trouver comme normaux ou du moins tolérables. Les discours antisémites et extrémistes sont devenus si courants au Canada qu’ils ne provoquent plus l’indignation. Nous devons résister activement à cette tendance à normaliser l’antisémitisme.
Une partie de la paralysie que nous observons au Canada provient de la crainte de critiquer l’extrémisme lorsqu’il est dissimulé sous le couvert de la culture, de l’identité ou de la religion. Pourtant, la diversité ne peut signifier la neutralité morale. Malek Bennabi, philosophe algérien, a écrit que les idées et l’idéologie déterminent le destin — la vie ou la mort — d’une nation. Il a soutenu que le développement et la prospérité d’un peuple dépendent de la vitalité de ses fondements moraux et intellectuels.
Quelles sont donc les convictions canadiennes qui nous unissent? Si nos seules valeurs sont la diversité et la tolérance, nous serons contraints de tolérer l’intolérance. Sans une meilleure éducation civique pour tous les étudiants canadiens et tous les nouveaux arrivants au Canada, les Canadiens deviendront de plus en plus vulnérables à la politique du grief, à la haine importée, aux idées autoritaires et à la propagande étrangère.
Le compromis libéral-démocratique au cœur de la civilisation occidentale stipule que chacun est libre de vivre selon sa foi et sa culture, à condition de respecter l’ordre démocratique qui protège les droits de tous. Aujourd’hui, de nombreux Canadiens ont le sentiment que ce compromis s’effrite, que la paix, l’ordre et le bon gouvernement sont remplacés par le désordre, la confusion et la peur. L’antisémitisme est à la fois un moteur et un symptôme de ce déclin.
Nous vivons à l’ère de la post-vérité, dans une bataille de discours. Les recherches de Secure Canada montrent que les discours antisémites, anti-occidentaux et antidémocratiques vont désormais de pair. Lutter contre l’antisémitisme n’est donc pas un acte de plaidoyer particulier, mais un combat pour la santé physique, morale et civique du Canada lui-même.
Merci.
La présidente : Merci à vous deux pour vos exposés. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Chers collègues, vous disposerez chacun de cinq minutes pour vos questions et les réponses.
La sénatrice Bernard : Merci à vous deux d’être ici et de témoigner aujourd’hui. Je commencerai par M. Ahmed.
Vous avez mentionné que les entreprises de médias sociaux sont intouchables, qu’elles manquent d’action et qu’elles contribuent à la normalisation de l’antisémitisme, à sa « banalisation », si vous voulez. Selon vous, quelles mesures devraient être prises? Quelles recommandations feriez-vous à ce comité? Existe-t-il des exemples d’autres pays qui luttent contre la haine en ligne par l’intermédiaire des entreprises de médias sociaux?
M. Ahmed : Merci pour votre question.
Notre argument central au CCDH est que la haine et les mensonges à l’égard des Juifs sont en fait rentables pour les entreprises de médias sociaux. Ils créent des controverses qui augmentent l’engagement et incitent les gens à rester sur les plateformes. Les gens réagissent et cherchent à savoir combien de personnes les soutiennent. Cela crée des polémiques au sujet d’incidents individuels, certes, mais aussi au sujet des Juifs en général.
Si quelque chose est rentable, non seulement pour les distributeurs — les plateformes de réseaux sociaux —, mais aussi pour les producteurs, des études que nous avons menées montrent que les personnes qui ont propagé la haine antisémite après le 7 octobre ont vu leur nombre de nouveaux disciples quadrupler, de sorte que l’algorithme récompense également le producteur.
Bien entendu, sur la plupart des plateformes de réseaux sociaux actuelles, les personnes qui produisent du contenu peuvent partager une partie des revenus publicitaires grâce à la monétisation. Par conséquent, si cela est profitable pour les producteurs et les distributeurs, il faut imposer des coûts lorsqu’ils causent du tort à des personnes, à leur psychologie, à nos enfants et à nos communautés. Cela implique soit des coûts réglementaires, soit la possibilité d’intenter des actions en justice et des litiges.
D’autres pays ont adopté une législation. Par exemple, le Royaume-Uni a adopté la loi sur la sécurité en ligne et l’Union européenne a adopté la loi sur les services numériques. Toutes deux créent des mécanismes permettant à des régulateurs indépendants d’évaluer si les plateformes font respecter leurs conditions générales et les normes communautaires. Lorsque ce n’est pas le cas et que cela cause un préjudice réel, ils peuvent leur demander de prendre des mesures pour remédier à ces problèmes et, s’ils ne le font pas, ils peuvent finalement leur infliger une amende.
C’est la menace qui pèse sur leurs résultats financiers qui les incite réellement à agir, même lorsque les pressions négatives sur leur réputation ne le font pas. En fin de compte, les pressions économiques portent toujours leurs fruits.
La sénatrice Bernard : Avez-vous une recommandation précise à faire à ce comité dans le cadre de notre étude?
M. Ahmed : À l’heure actuelle, la Loi canadienne sur la protection de la vie privée a 30 ans et il n’existe aucune loi exigeant la transparence ou la responsabilité des entreprises de médias sociaux.
L’un des problèmes que nous rencontrons est qu’il est très difficile d’étudier les entreprises de médias sociaux.
Lorsque nous avons mené une étude sur l’augmentation, par exemple, de l’antisémitisme et d’autres formes de haine, notamment la haine envers les Afro-Américains, les personnes LGBTQ+ et les femmes sur la plateforme X après son rachat par Elon Musk, nous avons démontré que la haine avait explosé. Cette étude a été très largement citée. En conséquence, X nous a poursuivis en justice, affirmant que nous avions enfreint les conditions générales de leur plateforme, car celle-ci permet essentiellement de consulter son contenu, mais pas de l’étudier, ce qui est une affirmation étrange.
Nous avons finalement obtenu gain de cause dans ce procès.
Cependant, il est nécessaire de disposer de voies d’accès aux données prévues par la loi, afin que les chercheurs et autres puissent accéder aux données des plateformes. Deuxièmement, la transparence est une bonne chose, mais c’est un peu comme documenter la fin du monde. Vous, en tant que politiciens et moi, en tant que défenseur et praticien, avons pour objectif commun d’éviter que des événements fâcheux ne se produisent. Il faut disposer de mécanismes réalistes.
En fin de compte, après neuf ans d’expérience dans ce domaine, je peux vous affirmer que les pressions liées à la réputation ne suffisent pas. Même les enquêtes menées par le Sénat et d’autres organismes ne suffisent pas. Il faut absolument disposer de moyens pour influer sur leurs résultats financiers, car ce sont des entreprises amorales qui ne réagissent qu’à la pression économique.
Le sénateur Arnot : Dans ce tour de parole, mes questions s’adressent à Mme Saperia.
D’après votre mémoire de 2024 présenté dans l’autre chambre, quelles modifications du Code criminel ou de la réglementation permettraient de prévenir le plus rapidement les menaces antisémites?
Mme Saperia : Merci pour cette question. Nous avons élaboré une série de recommandations politiques et juridiques. Je dis toujours que notre rôle est d’apporter des réponses, pas des solutions. Nous n’allons pas résoudre l’antisémitisme, le terrorisme ou l’extrémisme, mais si nous faisons preuve d’intelligence et de stratégie dans le choix des lois à mettre en place, nous pouvons compliquer la tâche des personnes mal intentionnées et permettre aux honnêtes citoyens de vivre en paix.
En ce qui concerne les recommandations juridiques que nous pouvons formuler, l’une d’elles consiste à appliquer les lois antiterroristes lorsque cela se justifie pour les crimes antisémites violents. Souvent, ces crimes sont traités comme des crimes haineux, mais ils peuvent remplir les critères d’un crime terroriste. Nous souhaitons donc que les forces de l’ordre y réfléchissent davantage.
La deuxième recommandation consiste à accélérer et à renforcer le processus d’inscription sur la liste des organisations terroristes. Il a fallu beaucoup de temps pour que Samidoun soit inscrit sur cette liste. Il a fallu que ses membres des drapeaux canadiens en public pour que cela crée une couverture politique suffisante, mais le processus aurait dû être plus rapide.
Nous avons découvert une faille concernant les organismes à but non lucratif, car Samidoun est un organisme à but non lucratif. À l’heure actuelle, au Canada, si vous êtes inscrit sur la liste des entités terroristes, votre statut d’organisme de bienfaisance est automatiquement révoqué. C’est très bien, mais votre statut d’organisme à but non lucratif ne l’est pas. Or, Samidoun bénéficie actuellement d’un statut d’organisme à but non lucratif au Canada alors qu’il figure sur la liste des organisations terroristes. Il s’agit là d’une lacune qui doit être corrigée.
C’est un sujet trop vaste, mais l’immigration est une pièce importante du puzzle. Il y a tellement de pièces défectueuses à l’heure actuelle. Je vais peut-être le laisser de côté pour plus tard et en faire un sujet en soi.
Je dirais également que nous devons repenser la signification du pluralisme. Nous savons que la DEI est un concept très populaire né d’intentions très nobles, mais malheureusement, il a été détourné à d’autres fins. Nous souhaitons que les initiatives de DEI financées par des fonds publics soient contrôlées afin de détecter tout contenu exclusionniste ou antisémite, afin de garantir leur conformité avec les valeurs constitutionnelles et les obligations en matière de droits de la personne du Canada.
J’ajouterais également que l’une des forces de notre organisation est de proposer des solutions législatives. Cependant, l’une des pièces du puzzle est en fait une application plus cohérente de la loi. Certains de mes collègues sont d’avis que « les lois sont bonnes, mais qu’elles ne sont pas correctement appliquées ».
Quand on discute avec les policiers sur le terrain, leur discours est différent : ils affirment ne pas bénéficier du soutien politique nécessaire pour appliquer la loi comme ils le souhaitent.
S’agit-il d’une question de reproches et de divergences d’opinions? Peut-être, mais cela commence au sommet et se répercute ensuite vers le bas.
Je voudrais mentionner deux autres points. Premièrement, un collègue — qui se trouve d’ailleurs dans la salle avec moi, Ches Parsons — est un commissaire adjoint à la retraite de la GRC, où il a travaillé pendant 36 ans. Nous avons longuement discuté pour élaborer une proposition législative qui criminaliserait l’appartenance à un groupe terroriste.
Vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’il n’est pas illégal d’appartenir à un groupe terroriste. Il est illégal de donner de l’argent à un groupe terroriste et de commettre un attentat terroriste. Si je souhaitais rejoindre le Hamas demain, j’en aurais le droit. Si je souhaitais vous recruter pour devenir membre, cela ne serait pas non plus illégal. Nous voulons que cela soit corrigé.
Enfin, je pense qu’il y a matière à explorer les règles relatives aux investissements d’États étrangers et d’acteurs étrangers que nous savons hostiles d’une manière ou d’une autre, même s’ils ne sont pas en guerre, en ce qui concerne la manière dont ils peuvent investir dans notre secteur à but non lucratif.
Le sénateur Arnot : En 30 secondes, voici deux autres questions auxquelles vous ne pourrez pas répondre maintenant, mais vous pourrez le faire par écrit. Êtes-vous favorable à des accords pluriannuels dans le cadre du Programme pour la sécurité communautaire du Canada pour les institutions juives plutôt qu’à des subventions ponctuelles? Veuillez expliquer pourquoi.
De plus, quels indicateurs sur un ou deux ans vous permettraient de déterminer que l’approche du gouvernement fédéral réduit réellement la victimisation antisémite et ne se contente pas d’augmenter le nombre de signalements? Merci.
La présidente : Peut-être lors du deuxième tour.
La sénatrice Coyle : Ma question s’adresse à M. Ahmed. Vous avez commencé à nous parler un peu de X. Je sais que vous avez récemment publié un rapport intitulé A Home for Hate: How Antisemitism Thrives on X.
Vos conclusions dans ce rapport étaient très simples : X amplifie l’antisémitisme à grande échelle malgré les promesses d’Elon Musk de limiter la visibilité des discours haineux.
Vous avez également mentionné que c’était rentable. C’est payant tant pour le distributeur que pour le promoteur de la haine.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les conclusions de cette étude? Vous pourriez ensuite nous donner plus de détails sur vos recommandations, issues de cette étude, pour mettre fin à la propagation de l’antisémitisme en ligne. Quel rôle notre gouvernement devrait-il jouer pour y parvenir?
M. Ahmed : Oui. A Home for Hate est un rapport conjoint publié récemment avec le Jewish Council for Public Affairs, le JCPA, aux États-Unis. Nous avons étudié 670 000 publications sur X qui enfreignaient ses politiques sur l’antisémitisme et constaté qu’elles avaient été vues 193 millions de fois, malgré les promesses de X de limiter leur visibilité. Lorsque Elon Musk a racheté X, il a déclaré : « Je suis tout à fait favorable à la liberté d’expression, mais je souhaite limiter la liberté de portée des contenus haineux. »
En réalité, il a déclaré : « Si la haine n’avait aucune conséquence, cela créerait un véritable enfer. » Or, nos recherches montrent que c’est précisément ce qu’il a créé pour les Juifs sur la plateforme X. Les complots antisémites fonctionnent particulièrement bien sur X, représentant 59 % des publications dans notre échantillon de 679 000, mais récoltant 73 % des mentions « J’aime ». Le fonctionnement de toutes les plateformes de réseaux sociaux est tel que si vous obtenez un engagement élevé, vous obtenez une amplification élevée.
Que vous soyez vu ou non par de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux n’a rien à voir avec votre crédibilité ou la valeur qui devrait être accordée à vos commentaires. Tout dépend en réalité du niveau d’engagement que vous obtenez. Cela dépend en partie du nombre de personnes qui ont une dent contre vous. Si un contenu offense les personnes juives et tous ceux qui les soutiennent, comme moi-même, les gens réagissent ou transmettent ces publications à d’autres personnes. Ils sont très indignés. Paradoxalement, cela amplifie encore le phénomène sur les plateformes basées sur l’engagement qui ne se soucient que d’une seule chose : vous garder sur la plateforme.
Il a également affirmé que les Notes de la Communauté garantissent que si quelqu’un tente de diffuser une fausse information, comme la négation de l’Holocauste, celle-ci peut être immédiatement corrigée. Cependant, nous avons constaté que seules 4 des 300 publications promouvant des théories antisémites comportaient une Note de la Communauté visible publiquement, dont seulement 2 sur 100 publications niant l’Holocauste.
Nous avons également constaté que X a favorisé la montée d’influences antisémites qui ne sont pas présentes sur d’autres plateformes. Seules 10 de ces influences antisémites ont récolté 32 % des mentions « J’aime » sur les publications de notre étude, soit 10 personnes pour un tiers de toutes les mentions « J’aime ». Elles bénéficient d’avantages uniques sur X. Neuf d’entre elles sur dix avaient plus d’abonnés sur X que sur toute autre plateforme. Cinq sur dix ont des publicités placées à côté de leur contenu, ce qui rappelle que l’enjeu est financier. Six sur dix avaient une coche bleue vérifiée, ce qui leur confère une meilleure visibilité sur la plateforme, et trois sur dix de ces antisémites proposaient des abonnements payants à leur contenu sur X, de sorte que l’on pouvait les payer pour obtenir davantage d’antisémitisme. Voilà ce que notre enquête a révélé.
En ce qui concerne mes recommandations pour le Canada, je suis au courant du débat sur le projet de loi C-63 lors de la dernière législature. J’étais en fait à Montréal la semaine dernière pour prendre la parole lors d’une conférence organisée par McGill, et j’ai discuté avec des membres de votre gouvernement, tant des représentants élus que des fonctionnaires, et il est clair qu’on souhaite mettre en place un mécanisme garantissant à la fois la transparence et la responsabilisation des entreprises de médias sociaux.
Je ne peux pas prétendre comprendre la politique canadienne, mais je vous invite à veiller à ne pas prendre de retard par rapport aux autres pays. Permettez-moi de faire une remarque. Sans vouloir en faire un plat, l’an dernier, le président Donald Trump a fait adopter une loi, la TAKE IT DOWN Act, qui criminalise les images intimes non consensuelles. Le Canada ne l’a même pas encore fait, vous êtes donc en retard par rapport aux États-Unis en matière de responsabilisation et de transparence des entreprises de médias sociaux.
Le sénateur K. Wells : Ma question s’adresse à M. Ahmed. Pour revenir sur ce que vous venez de dire, où classeriez-vous actuellement le Canada à l’échelle mondiale pour ses programmes, ses lois et sa sensibilisation pour lutter contre la haine en ligne?
M. Ahmed : Je ne peux pas me prononcer sur vos programmes visant à sensibiliser la population et à renforcer la résilience des communautés, mais je peux vous dire qu’en ce qui concerne vos mécanismes de transparence et de responsabilisation, nous n’étudions pas nécessairement la question de la vie privée, mais je connais la situation au Canada. Vous êtes très en retard. En réalité, de nombreux pays ont fait très peu d’efforts, tandis que quelques-uns avancent avec confiance, avec des législateurs audacieux qui tentent de légiférer et de réglementer dans un nouvel espace, celui du numérique.
Personne n’a à s’excuser d’avoir pris le temps de bien comprendre la situation, puis d’avoir mis en place un cadre initial sur lequel nous devons nous appuyer pour progresser. Cependant, maintenant que nous disposons d’un nombre croissant de données probantes provenant d’autres pays sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, nous nous attendrions à ce que des pays comme le Canada soient parmi les premiers à suivre le mouvement. À l’heure actuelle, il ne semble pas y avoir de plans pour être parmi les premiers à suivre le mouvement. Je pense que cela doit changer.
Le sénateur K. Wells : Quels sont, selon vous, les pays qui sont actuellement les plus audacieux, les chefs de file dans ce domaine?
M. Ahmed : L’Union européenne, le Royaume-Uni, l’Australie, qui a nommé depuis quelques années une commissaire à la sécurité électronique, Julie Inman Grant, et qui a fait de réels progrès. Des pays en développement, et même des pays comme le Brésil ont adopté des lois en la matière. Certains États américains sont allés plus loin que l’administration fédérale américaine et, bien sûr, que le Canada, qui n’a rien adopté en la matière.
Le sénateur K. Wells : En matière de responsabilisation, vous avez mentionné l’importance des amendes. Connaissez‑vous d’autres ressorts ou pays qui, en plus des amendes, ont envisagé des sanctions pénales pour les actionnaires, surtout lorsqu’il s’agit de propagation de la haine en ligne?
M. Ahmed : Les amendes constituent un garde-fou. Si des personnes enfreignent la loi de la manière la plus flagrante qui soit, en théorie, elles peuvent se voir infliger une amende pouvant atteindre, par exemple, dans le cadre du Règlement sur les services numériques de l’Union européenne, 6 % de leur chiffre d’affaires mondial — pas de leurs bénéfices, mais de leur chiffre d’affaires. Il s’agit d’une somme considérable.
Au Royaume-Uni, l’Online Safety Act prévoit effectivement des sanctions pénales pour les dirigeants qui ne veillent pas à ce que leurs plateformes respectent la loi, ce qui est tout à fait logique. Pensez à la santé et à la sécurité dans tous les autres domaines. Nous déployons beaucoup d’efforts non seulement pour lutter contre l’antisémitisme, mais pour préserver la santé mentale des enfants. Je suis moi-même parent. Quand je pense que des plateformes amplifient chaque jour les troubles alimentaires et les contenus incitant à l’automutilation chez les enfants, si les plateformes ne prennent pas de mesures pour y remédier, je pense que n’importe quel parent vous dirait que, si une plateforme nuit aux enfants ou aux personnes juives et qu’elle ne prend pas de mesures après avoir été avertie à plusieurs reprises, à ce moment-là, il faut pouvoir prendre des mesures assez importantes à son encontre, et les sanctions pénales sont une option.
Le sénateur K. Wells : Merci. Madame Saperia, vous avez mentionné que vous aviez déjà rédigé des mémoires. Pourriez‑vous les envoyer à notre greffière pour information?
Si vous avez eu l’occasion de consulter le projet de loi C-9 qui a été déposé, si votre organisation a rédigé un mémoire à ce sujet, nous serions également heureux de le recevoir. Ou, pour l’instant, dans le peu de temps dont nous disposons, pourriez‑vous nous dire si vous pensez que les dispositions législatives actuelles fournissent des outils efficaces?
Mme Saperia : Je suis heureuse d’en parler très brièvement.
Nous appuyons le projet de loi C-9 en principe, mais nous estimons que des modifications importantes sont nécessaires pour garantir qu’il atteigne ses objectifs sans causer de préjudice injustifié.
Je dirais que l’une des modifications les plus importantes que nous souhaitons est le maintien du consentement du procureur général pour les poursuites privées, alors que sa suppression pour les poursuites publiques serait appropriée.
De plus, nous estimons que la définition de la haine doit être parfaitement conforme à l’arrêt Keegstra plutôt que d’en être une sorte de dérivation. Je serais ravie de vous remettre un mémoire écrit à ce sujet, mais je dirais que ce sont là les modifications les plus importantes.
Dans les dernières secondes qu’il nous reste, j’ai trouvé très intéressant d’entendre certains dirigeants de la communauté hindoue expliquer que la croix gammée est un symbole sacré pour eux et qu’elle est confondue avec la Hakenkreuz nazie. Dans la mesure où le projet de loi peut en tenir compte, même avec une terminologie appropriée, cela ferait vraiment une différence.
Le sénateur Housakos : Merci, madame Saperia, d’être venue témoigner devant nous.
En ce qui concerne la haine religieuse et l’antisémitisme, les mots ne suffiront pas à eux seuls à les vaincre. Vous l’avez mentionné plus tôt dans votre présentation, et je suis d’accord avec vous, il faut une volonté politique pour s’attaquer à ce problème. Je l’ai dit et je le répète : je ne crois pas que le gouvernement fédéral actuel ait la volonté politique de s’attaquer à ce problème, alors qu’un député libéral de ce gouvernement a déclaré publiquement il y a quelques jours que l’Agence des services frontaliers du Canada devrait arrêter les membres des Forces de défense israéliennes qui tentent d’entrer au Canada. Ou lorsque Samidoun, l’opposition, qui crie depuis des années — et qui, d’ailleurs, prône la haine de nos valeurs dans ce pays — est enfin inscrite sur la liste des organisations terroristes, mais conserve son statut d’organisme à but non lucratif dans ce pays, c’est honteux. Le gouvernement ne peut pas prétendre qu’il lutte sérieusement contre l’antisémitisme s’il ne prend pas de mesures pour atténuer ce problème.
Enfin, nous avons un gouvernement qui excelle dans l’art de la politique de la diaspora, et j’aimerais avoir votre avis sur ce sujet. Il a su diviser les hindous et les sikhs, les musulmans et les juifs, les Arméniens et les Azerbaïdjanais sur la base de la politique étrangère. En ce qui concerne la politique de la diaspora et l’absence de leadership politique, quel rôle ces éléments ont-ils joué dans la montée de l’antisémitisme au Canada?
Mme Saperia : Je pense que chaque secteur de la société a un rôle à jouer. Mon organisation est une organisation à but non lucratif, qui fait partie de la société civile. Je pense que la société civile est là pour aider à stimuler l’élaboration de lois et de politiques. Nous avons un rôle important à jouer.
Le gouvernement a un rôle encore plus important, celui de diriger le navire. Si nous imaginions un scénario hypothétique dans lequel nous verrions un autre groupe identifiable être victime du même degré de haine et de violence que celui dont est victime la communauté juive, mais en remplaçant les Juifs par un autre groupe, il est difficile d’imaginer que l’on n’en ferait pas davantage.
Je ne pense pas qu’il s’agit forcément de mauvaise foi ou de mauvaises intentions, mais il est vrai que l’Occident et la démocratie libérale ont vraiment du mal à gérer les limites de la liberté d’expression et la véritable glorification du terrorisme et des groupes terroristes.
Le sénateur Housakos : Je voudrais revenir sur la politique de la diaspora. C’est une pratique courante depuis des décennies chez tous les partis politiques de ce pays, et lorsque je parle de politique de la diaspora, cela renvoie au principe même du multiculturalisme, mais je n’ai jamais vu cela atteindre un tel degré où, depuis 10 ans, cela dicte notre politique étrangère, cela dicte la manière dont les maires et les municipalités dictent l’intervention des forces de police dans nos rues.
Dans ma propre ville de Montréal, où vit une importante communauté juive, j’ai des amis dans les forces de police qui me disent : « Sénateur, nous ne pouvons pas faire certaines choses parce que les responsables politiques de la mairie veulent que nous maintenions la paix au lieu d’appliquer le Code criminel », par exemple.
Encore une fois, cela ne sert qu’à gagner des voix et à servir des intérêts politiques. La question que je pose à nos deux invités est la suivante : avez-vous constaté que la politique de la diaspora joue aujourd’hui un rôle dans les décisions qui sont prises, tant à l’échelle fédérale que municipale et provinciale?
Mme Saperia : Malheureusement, je pense effectivement que notre société est structurée autour de la prééminence de certaines identités sur d’autres. Je ne pense pas que ce soit uniquement la faute du gouvernement; on l’observe dans de nombreuses institutions aujourd’hui. Nous nous sommes éloignés de l’intention initiale, qui était de créer une société pluraliste et diversifiée. Aujourd’hui, on assiste à une lutte entre différents groupes de la diaspora, différents groupes identifiables.
Même en ce qui concerne l’immigration au Canada, les gens qui arrivent aujourd’hui, au lieu d’acquérir les connaissances civiques suffisantes pour comprendre : « ce que signifie immigrer au Canada. Quelles sont les valeurs canadiennes », on leur apprend plutôt à déclarer à quel groupe ils appartiennent, à quelle minorité ils appartiennent, puis à affirmer et à réaffirmer cet élément de leur identité, ce qui est très bien, mais pas au détriment des valeurs canadiennes plus larges que nous devons partager.
La présidente : Monsieur Ahmed, souhaitez-vous réagir?
M. Ahmed : Non.
La présidente : Très bien, parfait.
Le sénateur Arnot : Monsieur Ahmed, vous avez évoqué des répercussions financières pour les grandes plateformes de médias sociaux. Avez-vous dressé une liste de ces répercussions et un régime pour les appliquer?
M. Ahmed : Nous serions heureux de vous envoyer une analyse de ce que d’autres pays ont fait et de la manière dont ils ont mis en place des amendes à titre de garde-fou.
Permettez-moi d’être tout à fait clair. Les amendes ne devraient pas être votre première option. Votre première option devrait être de travailler avec les plateformes pour mettre en place des mesures d’atténuation. Voyez-vous, monsieur, elles prétendent toutes le faire. Même X affirme ne pas vouloir créer un enfer de haine sans conséquences, vouloir limiter la portée des contenus haineux, ce qui est son droit fondamental en tant qu’éditeur. C’est lui qui décide qui bénéficie de la plus grande visibilité et qui n’en bénéficie pas.
Cependant, il se trouve que le fonctionnement des systèmes sur leurs plateformes a pour effet de renforcer la haine et les mensonges qui la sous-tendent. En matière d’antisémitisme, nous savons que les mensonges sont inextricablement liés à la haine, qu’il s’agisse du libelle de sang il y a 2 000 ans, des protocoles des Sages de Sion qui ont sous-tendu l’idéologie d’Hitler, ou de la théorie du grand remplacement au XXIe siècle qui a conduit au massacre de la synagogue Tree of Life à Pittsburgh.
Nous savons que ces mensonges jouent un rôle important dans la transmission et la préradicalisation de la haine.
Les plateformes peuvent donc réduire la viralité de ces contenus si elles le souhaitent, et nous avons observé que d’autres pays collaborent avec elles pour évaluer si elles ont mis en place des garde-fous. Personne ne souhaite un régime basé sur le contenu où l’on peut poursuivre quelqu’un pour avoir hébergé du contenu. Il est important de s’assurer qu’elles ont mis en place des processus systémiques pour réduire la prévalence et la viralité de la haine, de même que pour empêcher qu’elle ne soit pas rentable.
Lorsqu’elles ne le font pas, lorsqu’elles ne prennent pas de mesures adéquates et raisonnables pour faire respecter les normes de leur propre communauté et leurs règles, et que cela entraîne des préjudices personnels dans le monde réel, des pays ont déclaré qu’ils étaient en mesure de prendre des mesures économiques punitives à leur encontre, des sanctions à leur encontre.
C’est ainsi que fonctionnerait un tel régime, mais nous serions ravis de vous envoyer une version plus complète de notre cadre STAR, qui est notre cadre législatif et réglementaire pour les entreprises de médias sociaux et les entreprises d’intelligence artificielle, ainsi qu’une analyse comparative de la manière dont d’autres pays ont procédé.
Le sénateur Arnot : Nous serions ravis de recevoir cette analyse. Merci beaucoup.
M. Ahmed : Oui, monsieur.
La sénatrice Coyle : Madame Saperia, je voudrais confirmer que j’ai bien entendu certaines choses, car j’ai entendu des mentions, sans plus de détails.
Votre remarque sur le fait que notre société privilégie certains groupes par rapport à d’autres — je crois que vous venez de faire cette déclaration — pose un problème et contribue à l’antisémitisme, par exemple.
Vous avez mentionné l’audit. Je crois que vous avez parlé d’auditer les efforts en matière de DEI, et je suppose que vous voulez dire les auditer pour confirmer qu’ils ne favorisent pas ou ne devraient pas favoriser certains groupes par rapport à d’autres. J’aimerais en savoir un peu plus à ce sujet.
Ma prochaine question, car je n’ai pas bien compris, vous avez mentionné que l’immigration était un facteur, mais je n’ai pas entendu de quelle manière. Pourriez-vous aborder ces deux points?
Mme Saperia : Bien sûr. En ce qui concerne l’audit, je suggérais que les initiatives DEI financées par des fonds publics subissent un audit pour détecter toute exclusion ou discrimination.
Lorsque vous privilégiez une identité donnée par rapport à d’autres, en considérant certaines comme privilégiées, d’autres comme oppresseurs et d’autres encore comme victimes, il s’agit souvent d’un jeu à somme nulle où quelqu’un gagne, mais quelqu’un d’autre perd.
L’antisémitisme est devenu rationalisé et même banalisé dans ces espaces, car on y trouve un cadre idéologique qui ne traite pas toutes les minorités sur un pied d’égalité et qui ne peut pas gérer la complexité ou la double identité.
Être juif et appartenir à un groupe historiquement persécuté, et pourtant, les Juifs sont également associés à la richesse, au pouvoir, à la race blanche, ou choisissez votre terme.
Nous devons changer tout ce cadre idéologique, et c’est vraiment difficile à faire. Je ne prétends pas qu’il existe une réponse facile, car ce cadre est profondément ancré dans bon nombre de nos institutions, y compris nos établissements universitaires.
Même en commençant par les institutions financées par des fonds publics, le gouvernement pourrait au moins avoir le droit de les examiner.
En ce qui concerne votre question sur l’immigration, nous examinons certains aspects très précis du système d’immigration, sur la base de nos conversations avec des travailleurs de première ligne qui sont actuellement confrontés à des difficultés avec notre système d’immigration.
Je préfère vous répondre par écrit. Cependant, en ce qui concerne la question posée précédemment sur la politique de la diaspora, on n’en fait pas assez aujourd’hui pour sensibiliser les nouveaux immigrants aux valeurs canadiennes et leur expliquer ce que l’on attend d’eux. On ne procède pas non plus à une sélection suffisante avant l’arrivée des immigrants. Il ne s’agit pas de savoir d’où vous venez, quelle est votre religion ou la couleur de votre peau. Tout cela n’a aucune importance. Il s’agit de valeurs communes. Soit on fait l’effort de ne pas accueillir des personnes provenant de pays où ce type de haine est enseigné dans les programmes scolaires dès le plus jeune âge, soit, si on les accueille, on doit faire un bien meilleur travail pour leur enseigner autre chose et leur donner les moyens de s’intégrer dans un projet canadien plus large, plutôt que de simplement les identifier en fonction du groupe minoritaire auquel ils appartiennent, quel qu’il soit, mais dans le cadre d’un projet canadien plus vaste.
La présidente : Merci à vous deux pour vos exposés. Je tiens à souligner l’importance de votre contribution à notre étude. Nous vous sommes très reconnaissants de votre aide.
Chers collègues et invités, la partie publique de notre réunion est maintenant terminée. Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, puis la reprendre à huis clos pour discuter d’un projet de rapport.
(La séance se poursuit à huis clos.)