LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le lundi 20 octobre 2025
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 17 h 1 (HE), pour examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à la sécurité nationale et la défense en général, y compris les anciens combattants.
Le sénateur Hassan Yussuff (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.
Chers collègues, avant de commencer, je vais vous lire une note concernant l’utilisation des microphones et des oreillettes. Afin d’assurer le bon fonctionnement des délibérations du comité, tous les participants doivent suivre ces lignes directrices pour éviter les retours de son. Veuillez consulter les fiches qui se trouvent sur la table pour prendre connaissance des lignes directrices sur la prévention des incidents acoustiques. Veuillez garder l’oreillette loin de tous les microphones, en tout temps. Les microphones ne doivent pas la toucher. Ils seront activés et désactivés par les opérateurs de console derrière moi. Évitez de manipuler votre oreillette pendant que le micro est ouvert. L’oreillette doit rester sur l’oreille ou être placée sur l’autocollant désigné à l’endroit indiqué, peu importe où vous êtes assis.
Je suis accompagné aujourd’hui de mes collègues du comité. Soyez les bienvenus. Je vous invite à vous présenter, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Al Zaibak : Mohammad Al Zaibak, de l’Ontario.
Le sénateur McNair : John McNair, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Ince : Tony Ince, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, de l’Ontario.
La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.
La sénatrice Anderson : Margaret Dawn Anderson, des Territoires du Nord-Ouest.
La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.
La sénatrice Duncan : Patricia Duncan, du Yukon.
La sénatrice White : Judy White, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
La sénatrice Youance : Suze Youance, du Québec.
Le sénateur Carignan : Bonjour. Claude Carignan, du Québec.
[Traduction]
Le président : Merci, chers collègues.
Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’accueillir l’honorable Gary Anandasangaree, ministre de la Sécurité publique. Il se joint à nous pour nous donner une séance d’information sur les enjeux actuels liés au mandat de la sécurité publique. Le ministre est accompagné des fonctionnaires suivants.
Je vais présenter lentement chacun d’eux : Tricia Geddes, sous-ministre de Sécurité publique Canada; Erin O’Gorman, présidente de l’Agence des services frontaliers du Canada; Joanne Blanchard, présidente de la Commission des libérations conditionnelles du Canada; Daniel Rogers, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité; Anne Kelly, commissaire du Service correctionnel du Canada; et Mike Duheme, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada.
Merci à tous d’être ici aujourd’hui. Monsieur le ministre, nous allons commencer par vous inviter à faire une déclaration préliminaire, qui sera suivie d’une période de questions. Vous pourrez commencer dès que vous serez prêt.
L’honorable Gary Anandasangaree, c.p., député, ministre de la Sécurité publique, Sécurité publique Canada : Merci, sénateur Yussuff. Je vous remercie, honorables sénateurs, de cette invitation. Je suis absolument ravi d’être ici et de me joindre à vous sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Je tiens à saluer les nombreux amis que j’ai ici, les nombreuses personnes avec qui j’ai travaillé pendant de nombreuses années. Je tiens à vous remercier pour le travail que vous faites. Bien sûr, sénateur Yussuff, vous êtes l’une des personnes que je voyais à la télévision, quand j’étais jeune, comme un leader formidable du mouvement syndical. Merci pour votre leadership.
[Français]
Je vous remercie de m’avoir invité ici, honorables sénateurs.
[Traduction]
Avant de commencer, j’aimerais profiter de l’occasion pour remercier non seulement les membres du comité, mais aussi les collègues qui se joignent à nous cet après-midi, et qui représentent tous des organismes distincts, ainsi que notre sous‑ministre, Tricia Geddes.
[Français]
Je suis honoré de collaborer avec vous tous sur les nombreux enjeux importants qui relèvent de mon mandat.
[Traduction]
En tant que ministre de la Sécurité publique, ma priorité absolue est d’assurer la sûreté et la sécurité de tous les Canadiens. C’est une responsabilité que je ne prends pas à la légère.
Depuis ma nomination, je me suis concentré sur l’amélioration de la sécurité frontalière du pays, la lutte contre le crime organisé, le renforcement de notre cybersécurité, le retrait des armes à feu de nos rues, et la protection de nos collectivités à l’échelle du pays.
Dans le cadre de notre plan frontalier de 1,3 milliard de dollars, nous avons renforcé la sécurité à nos points d’entrée et, entre ces points, nous avons renforcé la surveillance au moyen de drones, de tours, d’hélicoptères et d’autres ressources pour permettre une surveillance 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
Grâce à ces mesures, il y a eu une réduction de 99 % des déplacements illégaux du sud du Canada vers les États-Unis depuis juin 2024. Ces chiffres démontrent un réel succès dans la dissuasion des mouvements transfrontaliers illégaux.
[Français]
L’Agence des services frontaliers du Canada a également augmenté le nombre de renvois du Canada de personnes interdites de territoire, qui a atteint un nombre record en 10 ans.
[Traduction]
Notre plan d’action national de lutte contre le vol de véhicules donne également des résultats positifs. En 2024, l’Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, a intercepté 2 277 véhicules volés dans les triages ferroviaires et les ports. En 2025, le nombre de vols d’automobiles continue de diminuer à l’échelle nationale, avec une baisse de 19 % au premier semestre de cette année.
Dans le cadre de ce travail, le projet de loi C-12 nous permettra de poursuivre des avancées. Il comprend des dispositions qui renforceraient la capacité du gouvernement de lutter contre le crime organisé transnational, le fentanyl illégal et le blanchiment d’argent, à partir de la frontière.
Pour mieux protéger nos frontières et notre sécurité nationale, le Canada doit maintenir ses relations étroites avec des alliés aux vues similaires. En septembre, j’ai rencontré mon homologue du Groupe des cinq au Royaume-Uni, et le mois prochain, j’accueillerai nos partenaires du G7 à une réunion des ministres de l’Intérieur à Ottawa où je soulignerai l’importance de la coopération multilatérale.
Nous continuons également à travailler avec tous nos partenaires pour mieux protéger notre cybersécurité et nos infrastructures essentielles. Dans le cadre de la stratégie de cybersécurité nationale de 2025, nous visons à renforcer la cyberrésilience nationale avec l’ensemble de la société canadienne.
Le projet de loi C-8, l’ancien projet de loi C-26 que votre comité a étudié, contribuera à promouvoir et à accroître la cybersécurité dans quatre grands secteurs, soit les finances, les télécommunications, l’énergie et les transports. Cette importante mesure législative protégera les Canadiens, les entreprises et les cybersystèmes dont ils dépendent.
Au cours des dernières années, il y a eu une augmentation préoccupante de la haine au Canada. Le Programme pour la sécurité communautaire du Canada aide les collectivités à risque de crimes motivés par la haine à accroître la sécurité de leurs lieux de rassemblement, y compris les synagogues, les mosquées et les églises. Depuis 2007, le gouvernement du Canada a investi plus de 40 millions de dollars dans plus de 950 projets qui aident à protéger ces communautés.
De plus, monsieur le président, en plus de nos investissements, notre gouvernement a mis en œuvre un plan exhaustif visant à retirer les armes à feu de nos rues et à injecter des ressources dans nos quartiers pour lutter contre la criminalité et prévenir la violence. Conformément à notre engagement d’assurer la sécurité de nos collectivités, nous avons lancé le Programme d’indemnisation pour les armes à feu de style arme d’assaut, un autre élément important de l’approche globale du gouvernement pour lutter contre la criminalité et la violence liée aux armes à feu. Cela fonctionne bien. À ce jour, le programme de rachat pour les entreprises a permis de retirer plus de 12 000 armes à feu de nos collectivités, avec une indemnisation de plus de 22 millions de dollars.
En terminant, permettez-moi de profiter de l’occasion pour renforcer l’indépendance de chacun des organismes représentés ici. Ils jouent un rôle important dans notre démocratie. Ils renforcent la primauté du droit et sont farouchement indépendants, sans ingérence politique. Je ressens le besoin de réitérer ce point aujourd’hui. Je tiens particulièrement à remercier le commissaire Duheme de son leadership et du travail que la GRC et chacune des agences font quotidiennement.
[Français]
Encore une fois, monsieur le président, je vous remercie de m’avoir invité. Je serai ravi de répondre à toute question à propos des sujets abordés aujourd’hui ou de toute autre initiative relevant de mon mandat.
Je vous remercie.
[Traduction]
Le président : Merci, monsieur le ministre. Nous allons maintenant passer aux questions. Je tiens à souligner que le ministre sera avec nous aujourd’hui jusqu’à 18 heures. Nous ferons de notre mieux pour que chaque sénateur ait le temps de poser des questions au cours de la première heure. Nous aurons une deuxième période de questions avec les fonctionnaires de 18 heures à 19 heures. Quatre minutes seront allouées pour chaque question, y compris la réponse. Je vous demande d’être brefs dans vos questions afin de permettre le plus grand nombre possible d’interventions. J’aimerais inviter notre vice-président, le sénateur Al Zaibak, à poser la première question.
Le sénateur Al Zaibak : Monsieur le ministre, merci de vous joindre à nous aujourd’hui avec votre équipe. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence et de votre temps.
Le rapport du SCRS publié en 2024 met en garde contre les campagnes de désinformation étrangères qui ciblent de plus en plus des parlementaires et des membres du personnel par l’entremise du harcèlement et de l’intimidation en ligne. Quelles mesures de protection concrètes Sécurité publique Canada a-t-il mises en place pour protéger les députés et les sénateurs contre ces opérations?
M. Anandasangaree : Le problème de la désinformation nous touche tous. Cela a une incidence sur notre démocratie et la confiance du public à l’égard de nos institutions. Nous avons un certain nombre de mesures ciblant la désinformation. Nous avons des campagnes de sensibilisation. Nous avons mis des ressources à la disposition des groupes communautaires dans le cadre d’un certain nombre de programmes qui aident les gens, surtout les jeunes, en ce qui concerne les méfaits en ligne.
Ce qui me préoccupe à l’heure actuelle, c’est que dans un contexte où la haine augmente à un rythme sans précédent, il faut se concentrer davantage et investir davantage. Le projet de loi C-9, qui a été présenté par le ministre Fraser, il y a deux semaines, définit la haine, ce qui, à mon avis, est un aspect important de la lutte contre la désinformation.
Nous avons un certain nombre de stratégies et, en ce qui concerne la sécurité publique et la justice, nous poursuivrons nos efforts. Nous nous ferons un plaisir de vous fournir plus tard des renseignements précis concernant votre question.
Le sénateur Al Zaibak : Monsieur le ministre, votre ministère a-t-il l’intention de publier un cadre national mis à jour sur l’ingérence étrangère qui intégrera les nouvelles menaces comme la désinformation amplifiée par l’IA et la manipulation interplateformes afin de donner aux Canadiens l’assurance que les réponses du gouvernement sont à la fois rapides et transparentes?
M. Anandasangaree : Comme vous le savez, notre comité a participé à l’étude du projet de loi C-70, qui crée un poste de commissaire chargé d’examiner les questions relatives à l’ingérence étrangère. Nous sommes sur le point de soumettre un nom à l’examen et à l’approbation des partis d’opposition. Une fois que ce sera fait, il y aura un vote au Parlement et aussi au Sénat. C’est la principale mesure concrète que nous prenons. Il y aura la création de la commission elle-même, qui veillera à ce que nous disposions des ressources nécessaires pour surveiller les questions entourant l’ingérence étrangère, les questions qui ont une incidence sur notre démocratie et tout type d’engagement des acteurs étrangers auprès des parlementaires, mais aussi au sein du gouvernement.
Le sénateur Al Zaibak : Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : Monsieur le ministre, le premier ministre a fait quelques annonces touchant la GRC au cours de l’été, notamment sur une réduction des budgets, en vous donnant pour directive de réduire les budgets de 2 %. Pourtant, la semaine dernière, on a annoncé une augmentation de 1 000 nouveaux postes.
Où allez-vous couper? En fait, 2 % de 6 milliards de dollars, c’est 120 millions de dollars, je crois, et 1 000 nouveaux policiers, c’est un autre montant de 100 millions. On parle donc de 220 millions de dollars à trouver dans le budget. À quel endroit allez-vous faire les réductions nécessaires pour embaucher 1 000 nouveaux policiers et couper 120 millions de dollars?
M. Anandasangaree : Merci de votre question.
[Traduction]
En ce qui concerne la GRC, l’annonce que le premier ministre a faite la semaine dernière concernait l’ajout de 1 000 membres à la GRC, avec de nouveaux fonds, soit 1,8 milliard de dollars sur 4 ans, provenant du budget de 2025. Il est également question de porter l’allocation hebdomadaire des recrues à 1 000 $ par semaine au lieu du montant d’environ 500 $ qu’elles reçoivent actuellement, je crois, afin d’attirer et d’encourager les recrues.
L’examen exhaustif que nous avons terminé, il y a environ 6 semaines, proposait des réductions de 2 % dans certains secteurs, particulièrement au quartier général, qui n’ont pas d’incidence sur les services de police de première ligne. Dès le départ, notre objectif a été de veiller à ce que les agents de première ligne ne soient pas touchés.
Si vous le souhaitez, je pourrais demander au commissaire de fournir plus de précisions. Sinon, je peux continuer et dire qu’il y a un certain nombre de domaines dans lesquels nous avons fait une proposition au Conseil du Trésor du Canada, ainsi qu’aux Finances, qui créent des gains d’efficience au sein de l’organisation sans avoir d’incidence sur les services fournis par la GRC.
[Français]
Le sénateur Carignan : Il est rare d’avoir un ministre avec nous. J’ai beaucoup de respect pour le commissaire, mais je continuerai à poser mes questions au ministre, si vous me le permettez.
Parlons de la question des contrats. Dans le plan déposé en 2024, on faisait référence aux services contractuels rendus par la GRC auprès des provinces et des municipalités. Ils avaient changé la cible de leur mission première, qui était de contrer le crime.
Est-ce que les contractuels, les municipalités et les provinces qui ont conclu des contrats avec la GRC doivent être rassurés sur le fait qu’ils ne seront pas les victimes des réductions des dépenses au sein de la GRC?
[Traduction]
M. Anandasangaree : La GRC remplit trois fonctions très importantes, soit les services de police fédéraux, les services de police contractuels et les services de police spécialisés, qui comprennent une protection étroite, par exemple.
L’examen exhaustif des dépenses n’envisage pas une réduction du personnel de première ligne. Le premier ministre s’est engagé à renforcer les services de police fédéraux. L’ajout de 1 000 nouveaux employés se centrera sur la police fédérale et renforcera la nature fédérale des services de police, y compris la cybersécurité, la cybercriminalité et les efforts de coordination, la lutte contre le terrorisme, ainsi que les domaines où la GRC pourrait jouer un rôle très important en tant que service de police fédéral et pour conseiller et assurer la coordination avec les provinces.
Pour ce qui est des services de police contractuels, par contre, la GRC est tenue par contrat d’offrir des services de police dans certaines administrations jusqu’en 2032. En regardant l’horizon de sept ans, nous nous attendons à pouvoir répondre aux demandes des provinces et des territoires en ce qui concerne leurs attentes lors du renouvellement. Tout le monde n’a pas manifesté le désir de renouveler le contrat. Une province a signalé qu’elle ne voudra peut-être pas le faire, mais nous avons l’intention, et reçu instruction du premier ministre, de travailler avec chacune des provinces et chacun des territoires pour faire le point avec eux. Nous nous attendons à entamer des négociations sur le processus de renouvellement au cours des prochains mois et, lorsque les contrats arriveront à échéance en 2032, à être en mesure de renouveler le contrat. Nous ne prévoyons pas, pour l’instant, une réduction des services de la GRC.
Le sénateur Cardozo : Je vous remercie de votre présence ici, monsieur le ministre, et merci à tous les fonctionnaires qui se sont joints à nous.
J’ai quelques questions sur la mise en œuvre. La première concerne le projet de loi C-21, sur les armes à feu, et l’état de la réglementation. Je crois savoir qu’un projet de règlements a été présenté en mars. Bien sûr, j’aimerais savoir où en sont les choses.
En ce qui concerne le projet de loi C-70 sur l’ingérence étrangère, j’ai entendu la réponse que vous avez donnée à mon collègue, le sénateur Al Zaibak, mais je voudrais faire un commentaire au sujet du rôle des comités sénatoriaux.
Dans les deux cas, certainement pour ce qui est du projet de loi C-70, si je me souviens bien, nous prenons notre travail au sérieux, comme vous en conviendrez. Nous aimons examiner les choses en profondeur. Je me souviens que, dans le cas du projet de loi C-70, beaucoup de pressions ont été exercées pour que nous l’adoptions rapidement parce qu’on s’attendait à des élections à l’automne. Aucun engagement formel n’avait été pris, mais nous avions l’impression que le commissaire à l’ingérence étrangère pourrait entrer en fonction d’ici septembre de cette année-là. Nous avons donc accéléré notre étude en juin. Un an et quatre mois plus tard, cette personne n’a pas encore été nommée.
Je vous en fais mention, car je crains que la prochaine fois, nous vous disions : « Rappelez-vous les deux autres fois où vous avez longuement laissé traîner les choses. Pourquoi devrions-nous nous hâter si vous ne donnez pas suite rapidement lorsque nous vous renvoyons un projet de loi? »
J’aimerais que vous nous disiez quand, selon vous, la nomination du commissaire à l’ingérence étrangère sera annoncée, et où en sont maintenant les règlements d’application du projet de loi C-21.
M. Anandasangaree : Merci, sénateur Cardozo. Permettez-moi de partager la frustration que vous exprimez, je crois, en ce qui concerne les délais et l’exécution. Je partage moi aussi cette frustration.
Le projet de loi C-21 soulève deux questions distinctes. Il y a un projet de règlements qui en est maintenant à l’étape finale de la consultation. Nous espérons que, dès que cette étape sera terminée, que les révisions nécessaires seront apportées, nous serons en mesure de promulguer ces règlements. Nous en sommes probablement à quelques semaines de cet objectif.
En toute franchise, le projet de loi C-70 a pris plus de temps que prévu. Je suis très heureux de la candidature que nous envisageons pour ce poste. Bien sûr, le nom du commissaire doit être soumis à l’opposition officielle conformément au projet de loi C-70. Dès que ce sera fait — je crois qu’un vote est nécessaire —, nous pourrons l’annoncer.
Dans les deux cas, plusieurs choses se sont produites. Je ne suis pas ici pour excuser ce retard. Nous en sommes là. Je peux vous assurer que je travaille aussi assidûment que possible pour y arriver. Un bon nombre d’entre vous qui me connaissent bien, connaissent mon style et le rythme auquel je travaille. Je m’engage envers vous à ce que cela soit fait dans les semaines à venir.
Le sénateur Cardozo : Merci. Pour ce qui est des consultations, il est vrai que plus il y en a, mieux c’est. L’autre facette du problème est que nous recevons des projets de loi qui n’ont pas fait l’objet de consultations avec les personnes compétentes. Je sais que cela pose un dilemme, mais bonne chance.
M. Anandasangaree : Merci.
La sénatrice Anderson : Merci, monsieur le ministre, de vos mises à jour. Lors du débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-21, sur les armes à feu, qui a eu lieu au Sénat le 7 décembre 2023, le sénateur Yussuff, parrain du projet de loi, a cité directement une lettre envoyée par l’ancien ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, aux premiers ministres des territoires. La lettre disait ceci :
En attendant le résultat d’une consultation en bonne et due forme auprès de votre gouvernement, je souhaite nommer un contrôleur des armes à feu résident dans votre territoire. J’aimerais avoir l’occasion d’entendre votre point de vue afin que le gouvernement tienne compte de la situation et des besoins uniques des Territoires du Nord-Ouest et des communautés qui y vivent.
Le sénateur Yussuff a ajouté qu’à son avis le ministre « [...] s’est engagé, en toute bonne foi, à répondre aux souhaits des habitants du Nord en ce qui concerne la question des contrôleurs des armes à feu [...] »
Cependant, il est décourageant de constater que près de deux ans se sont écoulés et qu’aucun CAF résident n’a été nommé au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Nunavut. Les bureaux sont toujours situés à Surrey, à Edmonton et à Winnipeg, ce qui tranche nettement avec l’engagement pris par le ministre de prendre connaissance et de tenir compte de la situation et des besoins uniques des collectivités de l’Arctique et du Nord, qui ne sont toujours pas satisfaits.
Monsieur le ministre, nous en sommes aujourd’hui à nous demander où en est cet engagement. Quelles mesures précises votre gouvernement a-t-il prises pour honorer la promesse faite par écrit aux premiers ministres des territoires et réaffirmée à la Chambre par le parrain du projet de loi, il y a près de deux ans?
M. Anandasangaree : Merci, sénatrice Anderson. Le rôle que j’ai joué en travaillant avec les territoires l’an dernier a certainement fait ressortir, à mes yeux, la nécessité d’avoir un CAF dans ces territoires. C’est l’une des choses dont j’ai entendu parler. Lorsque je suis entré en fonction, il y a environ quatre mois, c’est l’une des premières questions que j’ai posées à mon équipe. Il y a un processus en place pour ces nominations.
Je vais m’engager à terminer ces nominations en janvier 2026.
La sénatrice Anderson : Merci. Monsieur le ministre, la lettre de l’ancien ministre LeBlanc faisait état de la nécessité de consulter adéquatement les gouvernements territoriaux avant de nommer des CAF résidents. Pouvez-vous nous dire quelles consultations, le cas échéant, ont eu lieu avec les gouvernements du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, ainsi qu’avec les gouvernements et les organisations autochtones, depuis l’envoi de la lettre? Si aucune consultation n’a eu lieu, comment votre ministère justifie-t-il le manque continu de mobilisation à l’égard d’une question qui touche directement les utilisateurs autochtones et du Nord d’armes à feu et la sécurité des collectivités?
M. Anandasangaree : Sénatrice, si vous me le permettez, je vais demander à la sous-ministre d’apporter des précisions à ce sujet.
Tricia Geddes, sous-ministre, Sécurité publique Canada : Je vous remercie de la question.
Nous avons mené un certain nombre de consultations dans le Nord avec les gouvernements et les dirigeants autochtones. Je me ferai un plaisir de vous fournir une liste des dates et des personnes que nous avons consultées. En fait, c’est un peu la raison du retard. Nous voulions simplement que ces consultations soient exhaustives. Je me ferai un plaisir de vous fournir sous peu une liste des dates et des noms.
La sénatrice Anderson : Nous vous en saurions gré. Merci.
La sénatrice M. Deacon : Merci à tous d’être ici. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, voilà où nous en sommes. Je pense que nous répétons probablement cela de différentes façons autour de la table.
Je vais d’abord revenir sur le projet de loi C-21, comme l’a fait ma collègue. Il s’agit de l’exemption pour le tir sportif.
Lorsque le comité a étudié le projet de loi C-21 au cours de la dernière législature, le ministre de la Sécurité publique de l’époque nous avait assuré que des consultations auraient lieu afin d’établir clairement le processus d’exemption pour les tireurs sportifs d’élite. On nous a dit qu’il fallait une voie pour la prochaine génération.
Nous avons essayé de rester en contact avec le ministère au fil du temps, mais deux ans plus tard, cela ne s’est pas encore matérialisé. Il s’agit d’un nouveau gouvernement, mais savez‑vous si des consultations ont eu lieu ou sont sur le point de se tenir? Sinon, le gouvernement est-il d’avis qu’il faut une exemption pour le tir sportif en vertu de nos lois actuelles sur les armes à feu?
M. Anandasangaree : Je vous remercie, sénatrice, de cette question très importante. D’après ce que je comprends, nous avons entrepris des consultations. Il y a certainement des lacunes que nous essaierons de combler au cours des prochaines semaines. Comme vous le savez, l’une des choses que nous avons faites a été de lancer le programme de rachat d’armes à feu de type arme d’assaut. J’occupe ce poste depuis une période relativement courte, mais je dirais que tout ce qui a trait aux armes à feu devient très compliqué et assez long. Malheureusement, c’est l’un des problèmes que nous essayons de régler.
À la fin de cet exercice, nous aurons une meilleure idée des délais et nous nous ferons un plaisir de vous en informer.
La sénatrice M. Deacon : Merci. Et j’espère que dans le cadre de ce processus — je ne pense pas qu’il soit trop tard — nous avons des gens possédant une expertise dans ce domaine, et on nous a promis qu’ils seraient consultés, mais aucun d’entre eux n’a été contacté. Nous voulons nous assurer que la rétroaction sera équilibrée. Ce serait grandement apprécié.
J’aimerais aborder une autre question sous un angle différent. Je sais que le poste de président de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC est vacant depuis janvier. Je veux simplement savoir aujourd’hui pourquoi il y a un tel retard et quand le poste pourra être pourvu?
M. Anandasangaree : Je pense que nous allons choisir de nommer un président intérimaire afin que la commission puisse être mise sur pied pendant que nous faisons une recherche exhaustive pour trouver un président bilingue possédant les compétences requises. Je m’attends à ce que nous ayons un président intérimaire au cours des prochaines semaines.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
Le président : Il vous reste environ 20 secondes, s’il y a une réponse.
La sénatrice M. Deacon : Merci. Je réfléchis à voix haute. Le comité a consacré beaucoup de temps, d’efforts et de témoignages à l’étude du projet de loi sur la cybersécurité. J’ai bon espoir que la Chambre s’en servira dès le départ afin d’accélérer, respectueusement, le processus, car nous sommes très en retard. Merci.
La sénatrice White : Bienvenue monsieur le ministre. Je suis heureuse de vous voir et je vous remercie de votre témoignage d’aujourd’hui.
Ma question porte sur les communautés autochtones. Comme vous le savez, il y a des préoccupations et des demandes constantes concernant les services de police en particulier, les questions de racisme, de confiance, de pratiques culturellement appropriées et de responsabilisation. Quelles mesures concrètes votre bureau prend-il pour veiller à ce que les modèles de services policiers dirigés par des Autochtones soient élargis d’une manière acceptable pour les communautés? Je reconnais que ce ne sont pas toutes les communautés qui le souhaitent. En plus du financement et de la durabilité, pourriez-vous nous parler des échéanciers que vous avez, s’il vous plaît?
M. Anandasangaree : Permettez-moi de parler d’abord des services de police des Premières Nations et des Inuits. Nous avons conclu un certain nombre d’ententes. Il s’agit d’ententes tripartites prévoyant un partage des coûts de 52 %-48 % entre les provinces et le gouvernement fédéral. Nous avons aussi des fonds pour l’infrastructure.
À l’approche du nouvel exercice financier, nous commençons à manquer de fonds pour permettre un meilleur accès à ce programme. Cependant, nous sommes en pourparlers avec de nombreuses provinces et territoires, ainsi qu’avec des entités individuelles comme les conseils de bande, par exemple, pour pouvoir mettre en place des services de police des Premières Nations.
La situation dans le Nord est légèrement différente. Pour ce qui est du programme des services de police inuits, nous avons pu ajouter des ressources supplémentaires, une trentaine d’agents, je crois, dans le Nord. Nous continuerons de veiller à ce que les fonds soient disponibles.
Maintenant, je vais vous donner mon point de vue à ce sujet, en ce qui concerne l’orientation que nous devons prendre, et cela s’adresse vraiment à chacun des organismes représentés ici. L’une des questions essentielles pour moi est la suivante : qui fait le travail? Qui représente, disons, les communautés inuites et des Premières Nations du Nord?
Le commissaire en parlera probablement plus tard, mais je crois que nous avons environ 6 % d’Autochtones au sein de la GRC, par exemple. Je pense que nous devons faire beaucoup plus avec tous les organismes ici présents.
Mais si nous considérons le Nord comme un point de jonction critique — et ce n’est qu’un exemple —, il y a un besoin impérieux, mais aussi une occasion, de veiller à ce que le modèle des services policiers ne consiste pas à faire venir des gens du Sud dans le Nord pendant trois ans pour ensuite les renvoyer chez eux. Il s’agit de veiller à ce que les habitants du Nord, en particulier les Inuits, participent au système des services policiers et fassent partie intégrante de la GRC. C’est vers ce modèle que nous souhaitons nous diriger.
Au moment où nous recrutons 1 000 nouveaux agents à l’ASFC, la GRC, j’ai parlé avec M. Rogers de la présence du SCRS dans l’Arctique. Nous savons qu’il y a un travail essentiel à faire. Il faut une représentation très significative. Au cours des prochains mois, je vais m’attendre à ce que chacun des organismes me brosse un portrait de la situation.
Il reste encore beaucoup de travail à faire avec le service correctionnel. Nous savons qu’il y a une surreprésentation flagrante des Autochtones dans les pénitenciers, mais il n’y a pas de corrélation en ce qui concerne le personnel. Il y a bien un sous-commissaire aux affaires autochtones, mais je m’attends à ce que la dotation en personnel suive le rythme des services adaptés à la culture qui ne peuvent être offerts qu’avec le type de représentation que nous recherchons.
Le président : Vous pourrez poser une deuxième question et demander à la GRC d’y répondre. Je suis désolé, mais je n’essaie pas de vous mettre des bâtons dans les roues.
Le sénateur McNair : Merci, monsieur le ministre, d’être ici aujourd’hui et merci aussi à vos fonctionnaires. Le groupe de témoins que nous accueillons ici aujourd’hui donne une bonne idée de la profondeur et de l’étendue du ministère et des responsabilités qui lui incombent.
À l’instar de ma collègue, la sénatrice Deacon, je m’intéresse beaucoup au projet de loi C-8, la Loi sur la protection des cybersystèmes essentiels, dont est actuellement saisi le comité de la Chambre. Son prédécesseur, le projet de loi C-26, dont vous avez déjà parlé, a été présenté au comité lors de la dernière législature.
Nous avons entendu ici le commissaire à la protection de la vie privée et le commissaire au renseignement. Le commissaire à la protection de la vie privée a indiqué dans son témoignage qu’il s’attendait, ce qui a été répété régulièrement au gouvernement, à ce que son bureau soit consulté d’emblée au sujet des nouvelles initiatives, y compris les projets de loi. Il reconnaît bien entendu que les documents confidentiels du Cabinet doivent être gérés, mais plus son bureau est consulté tôt, mieux il peut donner son avis dès le départ.
Monsieur le ministre, je suis curieux de savoir si, après l’adoption du projet de loi 26, vous ou vos fonctionnaires avez rencontré les deux commissaires pour discuter du projet de loi et, ce qui est plus important encore, j’aimerais savoir si des amendements ont été apportés au projet de loi C-8 pour tenir compte de certaines de leurs préoccupations?
M. Anandasangaree : Merci, monsieur le sénateur. Nous avons consulté le commissaire à la protection de la vie privée, et le sous-ministre en a fait autant. Le projet de loi C-8 est un reflet de l’ancien projet de loi C-26. Il n’y a eu aucun changement, mais le projet de loi est actuellement à l’étude en comité. Il a franchi l’étape de la deuxième lecture et en est à l’étape de l’étude en comité, qui débutera au cours des prochaines semaines à la Chambre.
Je crois comprendre que le commissaire à la protection de la vie privée sera l’une des personnes qui témoigneront à ce moment-là, et les suggestions, le cas échéant, qu’il fera à cette occasion formeront les amendements que nous examinerons.
Je m’attends — étant donné que ce projet de loi a franchi toutes les étapes à la Chambre et au Sénat et qu’il revient sur une question technique — à ce qu’il soit adopté tel quel, mais s’il y a suffisamment de préoccupations, nous envisagerons certainement des amendements.
Le sénateur McNair : Monsieur le ministre, d’après ce que je comprends au sujet du projet de loi C-26, est-il exact que le commissaire à la protection de la vie privée a fait des recommandations à la Chambre et qu’un certain nombre d’entre elles ont été acceptées? D’accord. Merci.
La sénatrice Dasko : Je remercie le ministre et ses collaborateurs d’être ici aujourd’hui. J’ai examiné le Rapport public du SCRS 2024 paru au printemps dernier. Je suis inquiète, mais pas surprise, d’apprendre que l’espionnage, l’ingérence étrangère et le terrorisme ont augmenté au cours de la dernière année. Je suis particulièrement préoccupée et intéressée par ce que font les Russes au Canada.
Je vois que votre rapport traite de l’activité russe, que j’aimerais comprendre un peu mieux. J’ai appris par votre rapport que les Russes ciblaient l’opinion publique. Comme j’ai travaillé dans le domaine de l’opinion publique pendant ma carrière, j’aimerais savoir ce que cela implique et ce que vous avez constaté.
Je vois dans le rapport que la Russie « cherche à manipuler l’opinion publique... et à amplifier les clivages sociaux ». J’aimerais comprendre ce que cela veut dire. Elle le fait de toute évidence pour miner la confiance de la population dans le régime politique.
Pourriez-vous me dire ce que vous savez au sujet de ces activités? De plus, comment pouvons-nous régler ce problème?
M. Anandasangaree : Madame la sénatrice, il serait peut-être sage de ma part de ne pas entrer dans les détails des questions russes que vous soulevez. M. Rogers peut en parler. Mais permettez-moi de discuter de façon générale de ce que nous devons faire.
D’abord et avant tout, le registre de la transparence sera mis en place très bientôt. C’est la première étape essentielle. Ensuite, les campagnes de sensibilisation sont essentielles. Encore une fois, par l’entremise de Sécurité publique Canada, nous faisons d’importants investissements pour contrer les campagnes de mésinformation.
La nouvelle tendance à la méfiance envers les institutions cause beaucoup de problèmes. J’ai parlé plus tôt de la GRC. Qu’il s’agisse de l’exécutif, du législatif, du judiciaire ou des forces de l’ordre, chacune de ces branches exerce depuis longtemps ses fonctions conformément à la primauté du droit et aux principes démocratiques. Malheureusement, nous assistons à une érosion de la confiance qu’inspirent ces principes. Souvent, l’opinion est manipulée par des pays tiers, et ils le font souvent par l’entremise des médias sociaux. C’est pourquoi je dis que les entreprises de médias sociaux, les géants de la technologie, ont aussi une certaine responsabilité à cet égard.
Le travail que nous devons faire doit reposer sur une approche de collaboration en vertu de laquelle ceux d’entre nous qui croient à la démocratie et à la primauté du droit — je ne parle pas des particuliers, mais des pays — doivent collaborer beaucoup plus étroitement. C’est pourquoi le Groupe des cinq est important, tout comme le G7. Ce sont des groupes qui, à mon avis, mèneront à une action commune qui permettra de relever ces défis.
Monsieur Rogers, qu’en pensez-vous?
La sénatrice Dasko : [Difficultés techniques] clivages. Il existe de nombreux clivages sociaux au Canada, et je m’intéresse beaucoup à ceux sur lesquels les Russes mettent particulièrement l’accent pour exacerber les problèmes.
Le président : Veuillez répondre brièvement. Nous y reviendrons lorsque le ministre sera parti.
Daniel Rogers, directeur, Service canadien du renseignement de sécurité : Je serai heureux d’en parler plus longuement plus tard. Je suis d’accord avec le ministre. Il est très difficile de parler des renseignements précis sur ce que fait la Russie. Nous sommes aussi transparents que possible. Par exemple, lors des dernières élections, nous avons parlé publiquement de renseignements que nous avons trouvés en ligne et qui pourraient provenir d’États étrangers, et il s’agissait de campagnes de désinformation. Parfois, elles sont conçues pour affecter les systèmes d’IA ou d’autres systèmes qui pourraient être utilisés à ces fins.
J’ajouterais — et je serai heureux d’en parler plus tard — que ce que fait la Russie à l’égard du Canada est conforme à ce que nous voyons ailleurs dans le public. C’est généralement bien connu. La Russie exerce une présence très affirmée en Europe pour des raisons évidentes. Les types d’activités dans lesquelles nous voyons la Russie s’engager en Europe sont les mêmes que nous observons ici. Heureusement, nous ne sommes pas aussi ciblés que certains de nos alliés européens. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux, comme l’a dit le ministre, pour atténuer ces menaces sur le continent européen parce que cela pourrait présager ce à quoi nous pourrions nous attendre si la Russie choisit de nous cibler.
Le sénateur Kutcher : Merci, monsieur le ministre. C’est un plaisir de vous revoir. Je suis désolé de mon retard. Je sais qu’Air Canada ne relève pas de votre compétence, mais si vous pouviez leur dire, s’il vous plaît, en mon nom, que le dicton « Mieux vaut tard que jamais, et vos bagages sont partis en Nouvelle-Zélande » ne devrait vraiment pas être au centre de leurs campagnes de marketing.
La sénatrice White : Bon lundi.
Le sénateur Kutcher : Ma question porte sur le débordement de l’extrémisme américain qui se propage jusqu’ici. Ma collègue a parlé de la désinformation en provenance de la Russie. Nous étudions évidemment la question, mais nous sommes aussi de plus en plus exposés à l’extrémisme américain. J’ai de grandes inquiétudes à ce sujet, et j’aimerais simplement soulever deux questions.
Donc, j’ai une question, monsieur le président, mais elle est en deux parties.
Tout d’abord, parlons des clubs de combat néonazis, le Patriot Front, le Nationalist-13, les Hammerskins, ces groupes qui ont commencé à recruter, à venir ici et à établir des liens avec des clubs canadiens, dont certains, malheureusement, comptent des membres très actifs qui appartiennent aux Forces armées canadiennes. Les mouvements suprémacistes blancs et néo‑fascistes ciblent vraiment le tissu même de notre société. J’aimerais que vous m’en disiez davantage à ce sujet.
Ensuite, l’extrémisme américain est également caractérisé par la désinformation. On oublie souvent à quel point la désinformation est toxique. Or, la désinformation transcende les ministères. Nous avons déjà parlé de la désinformation dans le domaine de la santé. C’est généralement la voie de prédilection qui mène à l’attaque contre les institutions démocratiques. Que fait-on, le cas échéant, de concert avec le portefeuille de la Santé pour lutter vraiment efficacement contre la désinformation en matière de santé, qui se traduit par des attaques contre les institutions démocratiques?
M. Anandasangaree : Merci, monsieur le sénateur Kutcher. Chaque fois que nous ne parlons pas de l’aide médicale à mourir, j’aime discuter avec vous de sujets comme celui-ci.
L’extrémisme soulève un tas de problèmes. C’est ce que nous constatons, surtout chez des personnes de plus en plus jeunes. Nous constatons une tendance dans le nombre d’arrestations liées aux opérations de sécurité nationale de la GRC, qui ont entraîné la détention ou l’arrestation de nombreux jeunes. Le commissaire et M. Rogers peuvent tous les deux vous en dire plus. Compte tenu du temps dont nous disposons, je les inviterai à prendre la parole lorsque j’aurai quitté la réunion.
À mon avis, nous devons investir davantage. Le Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence, ou Centre canadien, lutte contre la radicalisation. Nous investissons dans cet organisme, afin d’exercer une incidence directe dans le cadre de notre travail auprès des jeunes qui, malheureusement, se retrouvent dans ces limbes, et nous essayons de les en faire ressortir.
Ce qui m’inquiète le plus à l’heure actuelle, c’est la nature des médias sociaux, où nous avons tous tendance, peu importe notre âge, à tomber dans le piège des messages qui n’ont plus rien à voir avec les échanges individuels. Les échanges y sont beaucoup plus synchronisés avec les algorithmes des plateformes de médias sociaux qui nous orientent dans certaines directions. Nous connaissons probablement tous le type de contenu vers lequel ces échanges nous mènent et le genre de rage qu’il peut facilement susciter en fonction des algorithmes qui le définissent.
Je ne crois pas avoir de réponse à cette question, mais je peux vous dire que nous avons fait un travail très important pour contrer la radicalisation des jeunes, et pour lutter contre la désinformation en général. Il reste encore beaucoup de travail à faire. Je ne crois pas que les gouvernements puissent agir seuls. Il faut que la société civile, mais aussi les géants de la technologie, contribuent à cet effort.
[Français]
La sénatrice Youance : Monsieur le ministre, nous apprécions votre présence ainsi que celle de votre équipe. Je vous félicite pour l’effort et la transparence des risques publiés dans votre plan ministériel.
En matière d’ingérence étrangère et de menaces économiques à la sécurité nationale, les données mesurées portent sur les trois dernières années. Cependant, depuis son entrée en fonction, le président américain, qui maintient des agents frontaliers américains dans nos aéroports canadiens, nous menace publiquement et devant ses militaires d’annexer le Canada. Comment voyez-vous la poursuite des efforts conjoints en vue d’élargir le précontrôle avec les États-Unis dans nos aéroports dans ce contexte de menace à notre intégrité?
[Traduction]
M. Anandasangaree : Je pense qu’il vaut la peine de répéter que le Canada ne deviendra jamais le cinquante et unième État des États-Unis. Le premier ministre a été très clair à ce sujet. Nous avons été très clairs, y compris le ministre LeBlanc, qui passe beaucoup de temps aux États-Unis.
Ce qui est important, c’est que lorsque le président américain a identifié les problèmes liés au fentanyl comme étant une source d’irritation, si je peux utiliser un tel euphémisme, nous avons réagi immédiatement en adoptant un plan de mesures frontalières de 1,3 milliard de dollars et en prenant un certain nombre de mesures à la frontière. Le projet de loi C-2 et le projet de loi C-12 sont, encore une fois, des réponses aux défis posés par l’administration en place au sud de la frontière. Cela a mené à une évaluation interne selon laquelle ni les États-Unis ni le Canada ne sont responsables de problèmes comme le fentanyl. Nous sommes tous les deux touchés, et il existe un fil conducteur en ce qui concerne la provenance de ces précurseurs et du fentanyl. Ils ne viennent ni de chez eux ni de chez nous. En fait, ils proviennent d’autres régions de l’Asie.
Nos investissements et le travail que nous avons consacré au projet de loi nous permettront d’améliorer l’application de la loi et d’éliminer la libre circulation du fentanyl dans nos rues.
Pour ce qui est de la question plus générale de chaque poste frontalier, la plus grande menace pour nous consiste à veiller à disposer des ressources humaines nécessaires. Compte tenu de l’immensité du pays, de la diversité des points d’entrée — qu’il s’agisse des aéroports ou des ports physiques comme le port de Montréal, les chemins de fer et d’autres ports qui commencent à entrer en service —, nous devons adopter une approche intégrée en matière d’application de la loi et de protection des frontières. La présidente O’Gorman et le commissaire Duheme peuvent en parler.
Pour nous, il s’agit de veiller à disposer d’un système intégré dans lequel chaque point d’entrée devient une cible pour nous afin de pouvoir intercepter à la frontière non seulement les articles illicites qui arrivent, mais aussi les articles en partance, comme les voitures volées, par exemple.
[Français]
La sénatrice Youance : En ce qui a trait au projet de loi C-12, le journal Le Devoir rapportait qu’il y avait eu une manifestation. Les gens s’opposent au projet de loi C-12 et au maintien de l’Entente sur les pays tiers sûrs avec les États-Unis. Comment peut-on concilier la protection des réfugiés conformément aux normes internationales, les décisions que prend le président Trump et cette entente?
[Traduction]
M. Anandasangaree : Je vais vous résumer simplement où se trouve la solution : la Charte canadienne des droits et libertés. Il est important pour nous de veiller à ce que le projet de loi soit conforme à la Charte. Notre engagement à l’égard de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés est aussi d’une importance cruciale. Ce sont des normes non négociables pour nous. Bien que je reconnaisse la légitimité des préoccupations soulevées par certains segments de la société qui défendent des droits — et j’ai un profond respect pour eux —, je tiens également à dire que ces deux points d’ancrage très importants nous ont guidés dans l’élaboration du projet de loi.
Le sénateur Ince : Merci, monsieur le ministre, et merci à tous les autres d’être venus. Ma question porte davantage sur la justice; cependant, comme nous ne devrions pas travailler en vase clos, elle touche aussi votre domaine de compétence. Elle concerne l’iniquité et la surreprésentation de certains groupes au sein de notre société.
Avez-vous entendu parler de l’African Nova Scotian Justice Institute et de sa stratégie?
M. Anandasangaree : Je les ai rencontrés à plusieurs reprises, notamment en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Ince : Ils veulent en faire une stratégie nationale. Je vais simplement vous demander ce que vous en pensez. Envisagez-vous de mettre en œuvre l’une ou l’autre des quelque 120 recommandations de cette stratégie?
M. Anandasangaree : Merci, sénateur. Je vous sais vraiment gré de la question, parce que je suis un grand admirateur du travail de l’African Nova Scotian Justice Institute. Je les ai rencontrés à plusieurs reprises, surtout au moment où nous élaborions les évaluations de l’incidence de l’origine ethnique et culturelle qui sont maintenant utilisées dans de nombreuses régions du pays. Dans mon portefeuille précédent, lorsque j’étais secrétaire parlementaire de M. Lametti, nous avons travaillé au financement de la première série d’études sur l’incidence de l’origine ethnique et culturelle.
Je serais tout à fait disposé à vous faire part de notre stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires et à vous offrir une séance d’information sur le rôle très important que nous jouons à l’appui du ministre de la Justice. À mesure que nous élaborons des mesures législatives et qu’elles sont présentées, le ministre Fraser et moi-même nous posons la question suivante : quelle est l’incidence sur les Canadiens autochtones et noirs? Nous sommes très sensibles aux difficultés et à l’incidence disproportionnées auxquelles ils sont confrontés. Je tiens à souligner, par exemple, cette situation dans le système correctionnel. Vous avez peut-être pris connaissance du rapport de la vérificatrice générale sur le racisme systémique dans les établissements correctionnels et dans l’ensemble des services correctionnels. Il renferme des recommandations importantes qui orientent notre travail. Je pense qu’au fil du temps, c’est vers ces objectifs que nous devons nous tourner.
L’un des grands défis, comme vous le savez, c’est le manque de données désagrégées, qui sont d’une importance cruciale pour nous, et le partage des pouvoirs entre les administrations fédérale, provinciales et municipales. À l’heure actuelle, il est pratiquement impossible pour nous d’obtenir des données détaillées sur ce qui se passe aux différents paliers, de savoir combien d’arrestations ont lieu, combien de personnes sont condamnées, quelles sont les peines imposées, et si les conséquences des peines sont disproportionnées. Je pense que la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires nous permet d’obtenir du financement qui débouche sur les données détaillées que nous recherchons.
Cela dit, et pour avoir travaillé dans ce domaine tout au long de ma vie adulte, c’est frustrant, et il arrive que les décisions du gouvernement aient des conséquences imprévues. Je fais très attention de veiller à ce que tout ce que je fais et tout ce que fait le ministère n’ait pas de répercussions disproportionnées sur les communautés marginalisées en particulier.
La sénatrice Hay : Merci, monsieur le ministre. C’est un drôle de mandat qu’on vous a confié, n’est-ce pas? Je parlais à quelqu’un de ma circonscription qui a communiqué avec moi à Mississauga, en Ontario, et souvent la perception correspond à la réalité d’une personne. C’était une conversation très chaleureuse et très intéressante, et la question portait sur les projets de loi C-2 et C-12. La personne a exprimé avec beaucoup de respect sa crainte de voir que le Canada devient un État policier. C’est ce qu’elle m’a dit à peu près en ces mots. Elle a exprimé des préoccupations très réelles concernant la protection de la vie privée et les droits. Vous avez parlé plus tôt de la Charte canadienne des droits et libertés. Que répondriez-vous à mon concitoyen de Mississauga, en Ontario?
M. Anandasangaree : Merci, sénatrice. Lorsque le comité sera saisi du projet de loi C-12, je serai heureux de vous en dire plus.
Permettez-moi de souligner les deux principaux problèmes qui se trouvent dans le projet de loi C-2 et qui ne sont pas dans le projet de loi C-12. La raison pour laquelle nous présentons le projet de loi C-12, qui est un reflet presque exact du projet de loi C-2, c’est pour nous assurer d’un consensus et de pouvoir avancer dans les domaines sur lesquels il y a consensus.
Je demanderais aux gens de réfléchir à la question qui fait l’objet du désaccord et au fait que quelqu’un pourrait dire que nous vivons dans un État policier. Peut-être que le projet de loi C-2, dans sa forme actuelle, ne saisit pas l’intention véritable derrière ce qu’on appelle l’accès légal. Nous sommes le seul pays du Groupe des cinq où il n’y a pas de régime d’accès légal. Nous sommes très en retard sur le plan de la technologie. À une certaine époque, si vous aviez le numéro de téléphone de quelqu’un, du sénateur Yussuff par exemple, vous pouviez consulter un livre appelé Bauer’s, y chercher son adresse et aller frapper à sa porte. Malgré l’état actuel de la technologie, cela n’existe plus. Nous sommes très en retard.
Je peux vous nommer des dizaines d’organisations qui travaillent avec les enfants, dans la lutte contre l’exploitation des enfants par la production de pornographie juvénile et toute une gamme d’autres contenus très discutables où ces outils sont nécessaires. Nous sommes conscients que le projet de loi C-2 ne fait pas état du consensus sur la signification de l’accès légal. J’ai parlé à des experts en droits civils. J’ai parlé au Conseil canadien des affaires, qui a exprimé certaines préoccupations. J’ai parlé à un certain nombre de responsables de l’application de la loi, y compris le commissaire, qui m’a beaucoup éclairé. Je m’attends à ce qu’au cours des prochains mois, nous puissions dégager un certain consensus à cet égard.
Je vous répondrai qu’il est impossible de ne pas avoir de régime d’accès légal au Canada. Il est essentiel que les organismes d’application de la loi puissent exercer leurs fonctions pour assurer la sécurité de la population. En même temps, nous pouvons le faire d’une manière qui n’empiète pas sur les libertés civiles individuelles. J’admets que le projet de loi C-2 ne permettait probablement pas d’atteindre cet équilibre, mais je m’engage à ce qu’une version révisée de celui-ci le fasse, et surtout, à ce qu’il y ait consensus.
Le président : Cela nous amène à la fin du témoignage du ministre. Je profite de l’occasion pour vous remercier d’être venu et d’avoir invité vos fonctionnaires à vous accompagner. Comme vous pouvez le constater, les membres du comité prennent ce travail très au sérieux et ils n’ont jamais oublié les engagements qui ont été pris et qui doivent être rigoureusement suivis.
Nous comprenons que l’appareil gouvernemental bouge lentement, mais je pense qu’une partie du suivi dont vous avez parlé serait très utile pour informer le comité dans son ensemble, y compris les membres qui ont posé ces questions. Je tiens également à vous remercier de votre travail au nom de tous les Canadiens. La sécurité du pays n’est pas une mince affaire, et c’est pourquoi vous méritez des remerciements.
Au cours de la dernière heure, nous avons eu le plaisir d’entendre le ministre de la Sécurité publique, l’honorable Gary Anandasangaree, relativement au sujet à l’étude. Nous allons maintenant poursuivre nos questions avec Mme Geddes, Mme O’Gorman, Mme Blanchard, M. Rogers, Mme Kelly et M. Duheme.
Avant de poursuivre, je vais demander à mes collègues d’indiquer précisément à qui vous posez votre question. Ce sera très utile.
Cela nous amène à la prochaine session. Le sénateur Al Zaibak posera, en tant que vice-président de notre comité, la première question.
Le sénateur Al Zaibak : Merci. Ma question s’adresse à Daniel Rogers.
Le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, a souligné l’intensification des menaces de sabotage et d’ingérence étrangère. Comment votre ministère assure-t-il la coordination entre le SCRS et la Gendarmerie royale du Canada, ou la GRC, et Affaires mondiales Canada pour détecter et contrer la désinformation parrainée par la Russie qui cible les institutions démocratiques canadiennes, en particulier la Colline parlementaire?
M. Rogers : Je vous remercie de la question, et je serai heureux d’y répondre.
Je vous remercie de nous avoir fait part de cette préoccupation, à laquelle, bien sûr, nous accordons beaucoup d’attention. Vous avez raison de dire que nous assurons une coordination efficace, je crois, non seulement avec la GRC et Affaires mondiales, mais aussi avec d’autres organismes comme le Service canadien du renseignement de sécurité et d’autres éléments de notre communauté de la sécurité et du renseignement.
Ce que nous essayons de faire pour être efficaces dans ce domaine, c’est d’accroître la transparence. Vous avez parlé de la désinformation en particulier, et nous avons constaté que l’un des moyens de contrer la désinformation consiste à sensibiliser le public, et nous l’avons fait dans le contexte de la dernière élection générale où, chaque semaine, le SCRS et le Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, de concert avec la GRC et Affaires mondiales, présentaient directement aux Canadiens une séance d’information technique sur ce que nous constations en temps réel afin qu’ils puissent prendre des mesures à l’égard de l’information que nous partagions.
Bien sûr, certains renseignements ne peuvent pas être communiqués de façon aussi concrète. Dans ces cas, le SCRS fait son travail comme il se doit. Nous avons ce que l’on appelle un cadre de vision unique avec la GRC qui nous permet d’échanger des renseignements qui pourraient faciliter une enquête de la GRC lorsqu’un problème entre dans le domaine de l’application de la loi, et nous avons également la capacité d’envisager nous-mêmes des mesures de réduction de la menace, ce qui nous permet d’agir directement pour atténuer la menace, et nous le faisons dans les cas où nous le pouvons.
La seule autre chose que je dirais peut-être en réponse à votre question et à la question précédente, c’est que même si nous notons que la Russie et certains de ses comportements irresponsables constituent une menace en matière de sabotage et de désinformation, nous calibrons nos priorités internes en fonction de ce que nous voyons se diriger vers le Canada. Nous surveillons de près ce qui se passe en Europe, où la Russie est très active, pour essayer d’anticiper les menaces avant qu’elles n’arrivent ici.
Le sénateur Al Zaibak : Bien que le SCRS ait mis en lumière ces menaces de la Russie et de la Chine et qu’il se soit surtout concentré sur ces deux pays, il a prévenu que d’autres acteurs, comme le Corps des Gardiens de la révolution islamique, ou CGRI, ont tenté d’intimider ou de sonder des membres de la communauté irano-canadienne.
Que fait votre organisme pour surveiller et perturber ces opérations, en particulier les menaces dirigées contre des militants, des journalistes ou des parlementaires en sol canadien?
M. Rogers : Je vous remercie encore une fois de la question et d’avoir souligné un enjeu important.
Comme je l’ai dit, le SCRS prend des mesures. Le cœur de notre mandat va exactement dans ce sens. Nous sommes ici pour recueillir des renseignements sur les menaces à la sécurité du Canada. Bien entendu, l’oppression transnationale de l’Iran contre la communauté irano-canadienne est au cœur de ce mandat. Nous réaffectons les priorités lorsque nous voyons des renseignements qui montrent qu’il y a une menace contre un particulier. Selon la nature de la menace, nous prenons des mesures très précises. Si la menace relève, par exemple, de la désinformation, nous pourrions en parler publiquement pour essayer de la contrer.
Dans d’autres cas plus flagrants où nous observons des menaces à la sécurité physique ou au bien-être d’une personne, c’est là que nous travaillons en étroite collaboration avec la GRC, qui peut fournir des services de protection aux personnes menacées. Nous l’avons fait dans certaines circonstances pour veiller à ce que les gens restent en sécurité au Canada.
Il y a d’autres types de renseignements qui peuvent ne pas être considérés comme une menace à la sécurité nationale et qui sont mieux traités par l’entremise des activités communautaires de sensibilisation et de mobilisation, que nous menons avec Sécurité publique Canada et d’autres forces policières ayant compétence en la matière.
Le sénateur Kutcher : Ma question va dans le même sens, et je pense que nous allons passer un certain temps sur cette problématique de la désinformation.
Nous avons clairement affaire à des acteurs étatiques et à des acteurs non étatiques malveillants, et puis, il y a ceux qui répercutent les positions des deux. Je les classe dans des catégories différentes : les bots et les personnes utiles. Les recherches sont très claires à ce sujet. Elles nous montrent que nous devons réagir efficacement, avec célérité et à grande échelle, tant pour prévenir ce genre de choses que pour démystifier les messages. Pour être efficace, il faut d’abord s’appuyer sur les organisations de la société civile. Nous l’avons constaté aux États-Unis avec ce lien absurde établi entre le Tylenol et l’autisme. La société civile s’est rapidement mobilisée et a riposté avec force, mais cela s’est fait à l’échelle nationale.
Premièrement, élaborez-vous des stratégies précises susceptibles de vous permettre de déboulonner efficacement, globalement et immédiatement toute désinformation? Deuxièmement, sur quelles organisations de la société civile vous appuyez-vous pour y parvenir? Le problème pour vous, évidemment, c’est qu’en tant que représentants du gouvernement, vous êtes toujours les méchants.
M. Rogers : Je vous remercie de la question. Je n’irai pas jusqu’à dire que nous sommes toujours vus comme des méchants, mais je sais que certains nous perçoivent ainsi.
Tout d’abord, cette notion est bien comprise. Je pense que le projet de loi C-70, qui a conféré au SCRS la possibilité de faire ce qu’on appelle des divulgations au titre de la résilience, visait en partie à nous permettre de partager plus efficacement le renseignement avec d’autres éléments de la société hors gouvernement fédéral pour que nous soyons davantage prémunis contre la désinformation ou, comme vous l’avez dit, pour bloquer certaines informations en amont.
Le défi pour nous, au SCRS, ou peut-être pour l’appareil gouvernemental en général, réside dans le fait que seule une petite partie des informations circulant en ligne, qu’elles soient vraies ou fausses, relève du mandat d’une agence de sécurité nationale. Je pense qu’il y a une limite à ce que les Canadiens attendent d’une agence de sécurité dans cet espace en ligne. Je ne pense pas que quiconque s’attende à ce que nous démêlions le vrai du faux. Il existe un certain nombre d’éléments au sein du gouvernement qui s’occupent de cela.
Dans le cadre du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections, groupe qui est mis en place lors des scrutins, nous pouvons compter sur le mécanisme d’intervention rapide d’Affaires mondiales, qui effectue des enquêtes en ligne afin de repérer les fausses informations qui sont répercutées ou d’essayer de déterminer leur origine, parfois à l’aide de nos services du renseignement, et ce, de manière tout à fait publique.
Nous soutenons cette initiative et nous sommes heureux de partager et de déclassifier des renseignements avec ces autres éléments du gouvernement ou avec le secteur privé quand la chose est possible. Comme certains d’entre vous l’ont mentionné, nous repoussons les limites de ce que nous pouvons faire dans nos rapports publics.
Au cas où cela vous intéresserait, sachez que la coordination dans ce domaine est principalement assurée par ma collègue de Sécurité publique Canada, car le coordonnateur de la lutte contre l’ingérence étrangère relève de son ministère. Comme Sécurité publique reçoit nos informations pour les utiliser, ma collègue, Tricia Geddes, sera peut-être en mesure de vous en dire plus.
Tricia Geddes, sous-ministre, Sécurité publique Canada : Merci beaucoup, monsieur Rogers. Nous travaillons en étroite collaboration dans ce dossier. Sécurité publique abrite effectivement le coordonnateur national de la lutte contre l’ingérence étrangère depuis deux ans environ. En fait, le titulaire du poste a essentiellement pour rôle, voire pour seul objectif, de contrer ce genre de problèmes et d’accroître la transparence pour les Canadiens. Aujourd’hui, le coordonnateur se trouve à Toronto où il anime un séminaire sur la répression transnationale à l’intention des forces de l’ordre locales afin de les amener à mieux comprendre la mésinformation et la désinformation, et de parler des activités que vous avez évoquées plus tôt, sénateur, soit ces tentatives délibérées visant à s’en prendre aux diasporas du Canada.
M. Rogers vous a brièvement parlé du mécanisme d’intervention rapide d’Affaires mondiales. Nous avons pu constater que celui-ci a donné d’excellents résultats lors d’élections. Vous vous demandez certainement ce sur quoi nous devrions insister entre deux élections, car la situation évolue rapidement, et nous estimons d’ailleurs avoir besoin de ce genre de recadrage pour repérer ce qui est préoccupant et, comme vous le disiez, pour être en mesure de réfuter et de déboulonner publiquement les arguments fallacieux invoqués.
Nous avons abordé cette question avec une grande circonspection, car les Canadiens redoutent depuis longtemps tout contrôle excessif de leurs activités sur Internet. Nous sommes prudents à cet égard, mais en même temps, il est assez facile de reconnaître un bot, par exemple, quand il s’agit d’un acteur russe, et nous sommes en mesure de le détecter assez facilement et de communiquer aux Canadiens ce qui, selon nous, est la vérité dans les circonstances. Beaucoup de travail est en cours et il reste encore beaucoup à faire.
La sénatrice Dasko : Merci. Je vais enchaîner sur le même thème. Monsieur Rogers, comme le ministre a promis que vous répondriez à cette question, j’y reviens.
Ma question porte sur l’activité de la Russie au Canada et sur la façon dont ce pays a manipulé les clivages sociaux. J’aimerais vraiment que vous nous en donniez des exemples, car je veux comprendre ce que font les Russes précisément, et en quoi ils ont ciblé l’opinion publique. Pourriez-vous nous donner quelques exemples?
Je vous serais également reconnaissante de bien vouloir nous rappeler ce que vous avez réellement découvert lors des élections et comment cela a été signalé. Dans votre rapport, j’ai trouvé intéressant que vous ayez identifié l’influence russe dans l’Arctique. Il en est question dans le rapport. Je me demande si vous pourriez également commenter ce point.
Commençons par les clivages sociaux et la manipulation de l’opinion publique.
M. Rogers : L’exemple précis auquel j’ai fait allusion plus tôt, et que je peux expliciter, répond du même coup à quelques‑unes de ces questions, dans la mesure où ce que nous avions identifié lors des dernières élections générales a été rendu public dans le rapport post-intervention du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections. Il s’agissait d’une activité associée à la Fédération de Russie et qui visait à répercuter des récits négatifs concernant le candidat de l’époque, M. Carney. Nous avons constaté une propagation non authentique ou la répercussion de récits négatifs contre ce candidat, et nous en avons parlé à ce moment-là, précisément parce que la communication de renseignements relevait du mandat du groupe de travail. Par la suite, nous en avons fait état dans le rapport général post-intervention. C’est l’un des exemples où l’on constate que ce genre de désinformation est pratiquée à une fin précise.
Il peut arriver que des informations doivent demeurer confidentielles, car elles proviennent de sources uniques et qu’il faille encore les corroborer. Nous ne sommes pas encore tout à fait en mesure de les rendre publiques en toute confiance, mais elles sont semblables à ce qui est déjà connu.
Nous partageons un écosystème médiatique avec nos homologues américains, ce qui pourrait nous aider, car nous avons été témoins des menaces de désinformation russes rendues publiques par nos homologues américains. Par exemple, quand, plus tôt cette année, le FBI a porté des accusations en lien avec l’écosystème médiatique, cela a été largement médiatisé et nous pouvons maintenant fournir des informations à ce sujet. Il y a aussi des affidavits en ligne. Certaines de ces déclarations publiques sous serment contiennent des liens qui renvoient à des Canadiens, et c’est le genre d’activités que nous allons essayer de retracer avec le FBI afin de déterminer si des Canadiens ou le Canada sont concernés, ou si les Canadiens pourraient être touchés, ne serait-ce que par procuration ou par association.
La sénatrice Dasko : En ce qui concerne l’Arctique, avez‑vous quelque chose de précis à ajouter au sujet du rapport qui en fait mention?
M. Rogers : La Russie est particulièrement tournée vers l’Arctique. Contrairement à bien d’autres, elle est très active en matière de militarisation de l’Arctique, et il en a déjà été publiquement question.
En ce qui nous concerne, je ne pense à aucune campagne d’information spécifique concernant la Russie et l’Arctique que je pourrais mentionner pour l’instant. Je dirais que le SCRS est conscient des intérêts de la Russie dans l’Arctique et que, à en croire certaines informations ponctuelles, il convient que nous soyons vigilants et attentifs. Encore une fois, nous nous efforcerons de rendre ces informations publiques dès que possible. Parfois, elles sont transmises par d’autres partenaires étrangers et nous ne sommes pas habilités à les divulguer, mais si une menace réelle existe et que nous ne pouvons pas la rendre publique, nous pouvons exercer les pouvoirs qui nous sont conférés, comme la divulgation d’informations sur la résilience, afin de réduire la menace par des mesures d’atténuation des risques ou par la divulgation d’informations sur la résilience afin de sensibiliser les personnes susceptibles d’être touchées par ces activités et d’essayer de les contrer.
La sénatrice Dasko : Merci.
Le sénateur McNair : J’aimerais revenir à l’annonce récente du plan visant à accroître la sécurité à la frontière et à engager 1 000 gendarmes et 1 000 douaniers. D’après ce que j’ai compris, lors de la réunion du 9 octobre du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, le commissaire Duheme a indiqué que la GRC étudie des options pour offrir plus de formation en ligne et déterminer si une nouvelle installation de formation est nécessaire.
Au cours de cette même réunion, je crois comprendre que la présidente O’Gorman a indiqué qu’entre 200 et 300 agents des services frontaliers pourront être formés chaque année.
Je voudrais tout d’abord savoir, du point de vue de la GRC, quels facteurs détermineront si un nouveau centre de formation de la GRC est nécessaire. Et pour les deux organisations, quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés pour respecter vos engagements en matière de personnel? Quelles mesures prenez‑vous pour atteindre ces objectifs? Dans quelle mesure parvenez‑vous à recruter des candidats qualifiés? Enfin, êtes‑vous en mesure d’attirer et de retenir le personnel nécessaire?
Mike Duheme, commissaire, Gendarmerie royale du Canada : Pour la première partie de votre question, celle concernant les nouvelles installations, le plan consiste à réduire la durée de l’instruction à la Division Dépôt de quatre à cinq semaines grâce à des cours en ligne. L’objectif pour l’année prochaine est de former 45 troupes à la Division Dépôt, soit 32 stagiaires par troupe. L’idée est qu’en supprimant quatre à cinq semaines, cela nous donnera plus de temps pour former des troupes supplémentaires.
Pour la première phase des 1 000, nous voulons augmenter le nombre de cadets passant par la Division Dépôt, les muter dans des postes opérationnels et intégrer des gens d’expérience dans le programme de la police fédérale. Il faudrait investir un peu dans les installations, mais nous avons besoin d’une installation qui ne soit pas aussi complexe que celle de la Division Dépôt pour donner de la formation à la police fédérale. La Division Dépôt est parfaite pour préparer nos gendarmes aux opérations de première ligne, mais dans le cas de la police fédérale, à cause de la nature de sa mission, le dépôt ne sert pas à dispenser l’instruction. Celle-ci est plus probablement dispensée en ligne, dans des salles de classe à distance.
Pour nous, le premier volet du plan consiste à recruter des cadets, à pourvoir les postes et à libérer les plus expérimentés pour qu’ils aillent grossir les rangs de la police fédérale. S’agissant de recrutement, l’an dernier, nous avons reçu un peu plus de 20 000 demandes. Il est sain que les gens veuillent devenir policiers et il est bon de savoir qu’ils se tournent vers la GRC.
En augmentant le nombre de troupes au dépôt et en allégeant au maximum tout le processus, de l’inscription jusqu’à l’admission au dépôt, l’intégration d’un plus grand nombre de volontaires sera facilitée.
Je dois aussi préciser que, ces dernières années, des policiers expérimentés se sont joints à l’organisation, jusqu’à 176 par année. Nous bénéficions de l’apport de policiers chevronnés venant d’autres services et qui sont prêts à intégrer la GRC pour faire partie de la police fédérale.
Erin O’Gorman, Présidente, Agence des services frontaliers du Canada : L’instruction chez nous dure 18 semaines, dont quatre en ligne. Nous avons déjà préqualifié 400 candidats que nous allons pouvoir inviter au centre de formation de Rigaud.
Les étudiants sont l’une de nos meilleures sources de recrutement. Nous en embauchons pour la sécurité dans les aéroports et, s’ils réussissent leur formation et sont d’accord, ils peuvent revenir à Rigaud où nous offrons un programme de transformation. Nous nous attendons donc à ce que cela se poursuive.
Nous faisons aussi du recrutement local. Toutes les organisations nationales font face au même défi, soit que toute recrue veut retourner dans sa collectivité d’origine. Nous pensons aux communautés autochtones et au Nord. Cela contribuera à la diversité et nous aidera à renvoyer des gens dans leurs communautés pour surveiller nos points d’entrée les plus éloignés.
Notre taux de rétention est assez élevé et nous espérons le maintenir. Nous offrons une formation régionale sur le transport maritime et les armes à feu. Nous faisons de la formation sur les armes à feu à Rigaud, mais nous pouvons le faire à divers endroits au pays. Nous l’utilisons également pour les personnes qui doivent obtenir une recertification en matière d’arme à feu.
L’augmentation de l’allocation sera certainement utile et nous permettra peut-être de cibler, comme c’est le cas actuellement, les gens qui sont à mi-carrière. Nous avons accueilli des gens qui avaient un emploi et qui étaient d’anciens cadres dans divers secteurs. Il y a donc beaucoup de pièces mobiles, mais on ne s’attend pas à un gros défi sur ce plan.
Nous disposons d’espaces inutilisés à Rigaud que nous allons devoir ouvrir, ce qui se fera en temps opportun.
Le sénateur Cardozo : La sous-ministre, le commissaire Duheme ou M. Rogers pourraient-ils me dire comment ils voient les choses dans le long terme? Que pensez-vous des 5 ou 10 prochaines années, dont nous ne savons bien sûr rien, mais dans quelle mesure faites-vous de la prospective? Avez-vous un groupe de personnes intelligentes qui s’assoient dans une pièce et réfléchissent à tous les scénarios les plus fous susceptibles de surgir dans les prochaines années? Comment vous préparez-vous à l’inconnu?
Mme Geddes : C’est une excellente question. Je vais commencer, et je suis sûre que mes collègues voudront aussi se joindre à moi.
Je vous dirai que beaucoup d’employés de Sécurité publique Canada travaillent dans le domaine de la prospective. Nous avons besoin de beaucoup d’analyses. Quand nous élaborons des politiques et réfléchissons aux besoins de programmation, nous travaillons sur des horizons de 10 à 15 ans. Dans le cas d’une réforme législative, par exemple, nous sommes conscients qu’il faut souvent attendre un an voire deux pour être en mesure de présenter un projet de loi. Nous devons veiller à ce que la loi ne soit pas obsolète au moment de son entrée en vigueur. Je dirais que c’est ce que nous faisons au ministère de la Sécurité publique, car l’élaboration de toute politique passe nécessairement par ce travail de prospective. C’est un défi.
Je pense qu’il faut vraiment pousser la fonction publique à se montrer novatrice dans sa façon de penser. Compte tenu de nos cycles actuels, de la vitesse à laquelle se développent toutes les menaces émergentes et des priorités qui changent constamment, nous devons nous efforcer de penser de manière plus novatrice.
Au ministère, je me suis fixée pour objectif de chercher à obtenir le plus d’engagement externe possible, parce que certaines des idées les meilleures et les plus brillantes proviennent souvent de discussions avec des membres de la société civile et de nos partenaires partout dans le monde. Nous faisons constamment ce genre d’analyse pour savoir où nous allons les uns et les autres, et pour déterminer comment tirer le maximum de nos actions.
Je dirais que nous avons tendance à travailler en étroite collaboration avec les universitaires et les groupes de réflexion qui sont pour nous des sources d’inspiration.
Messieurs Duheme et Rogers, je sais que vos services aussi font du travail de prospective.
M. Duheme : C’est un défi, sans aucun doute, d’autant que l’environnement évolue. Si vous m’aviez dit il y a trois ans que les extrémistes viseraient idéologiquement des jeunes de 14 à 17 ans, je vous aurais contredit, mais c’est ce que nous avons constaté.
Nous entretenons de très bonnes relations avec les pays membres du Groupe des cinq et nous apprenons. Ce que nous voyons ici n’est pas différent de ce qu’ils voient. C’est un défi.
Nous prévoyons que la technologie évoluera tellement vite qu’elle en viendra à poser des problèmes d’application de la loi et des lois connexes. Je suis sûr que M. Rogers pourra également vous en parler.
Tout à l’heure, le ministre vous a parlé d’accès légal. Nous ne faisons pas un bon travail pour expliquer cette situation, parce qu’il ne s’agit pas d’un pouvoir discrétionnaire permettant d’aller chercher ce que l’on veut. Le seuil est très, très élevé, et c’est prévu dans un cadre juridique. Quand nous lançons une enquête, nous devons veiller à ce que tout ce qui est obtenu le soit légalement. La dernière chose que vous voulez, est obtenir quelque chose illégalement et vous venez de gaspiller un million de dollars d’investissement.
Le problème, est que l’environnement évolue très rapidement et que nous devons faire preuve d’un peu plus de souplesse.
M. Rogers : Je serai bref et dirai que la prospective est un aspect important de ce que nous faisons.
Pour compléter les réponses, il y a deux choses que nous reconnaissons. Premièrement, la prospective ne peut pas tout régler. Une organisation comme la nôtre a besoin d’un certain niveau de préparation et d’agilité dans l’environnement dans lequel nous évoluons, car il est très difficile d’avoir une grande confiance en vos prévisions.
Pour nous, au SCRS, et pour moi en particulier, il est question de veiller à ce que nous soyons le mieux équipés possible et que nous puissions prendre des décisions claires et opportunes quant à l’établissement des priorités afin de réaffecter les ressources là où nous en avons besoin en fonction de la menace perçue. Pour moi, cela signifie un effectif compétent évoluant dans un milieu de travail sain constitué de gens formés et possédant les compétences nécessaires pour s’adapter aux diverses priorités que nous pouvons prévoir, notamment en ce qui concerne la gestion des données et la technologie, afin que nous puissions apporter les changements qui s’imposent.
Je me hasarderais à dire que très peu d’entre nous sont en mesure de prédire avec certitude ce qui se passera dans cinq ans, peu importe notre travail de prospective. Par conséquent, nous devons nous équiper pour nous assurer de pouvoir changer de cap.
La sénatrice Hay : J’aimerais revenir un peu sur ce que le ministre a dit au sujet de la nécessité d’adopter des mesures de contrôle efficaces à la frontière relativement à l’accès légal et à la technologie, étant donné qu’on en parle un peu ici. Nous parlons ici d’une technologie du prochain siècle ou de la prochaine décennie, ce qui, en termes technologiques, équivaut à un siècle.
Je suis curieuse. Vous travaillez dans le domaine de la collecte de données depuis longtemps déjà, et cela n’a donc rien de nouveau, mais avec les nouvelles technologies et ce genre de sophistication, comme l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique, je suis certaine que vous en êtes déjà là. Je ne veux pas mettre la charrue devant les bœufs, mais j’aimerais savoir quel genre de garde-fous vous envisagez pour protéger la gouvernance des données et la souveraineté du Canada, en particulier face aux États-Unis et à certaines de leurs règles et règlements en matière de données, qui sont plutôt effrayants.
Je vous laisse le soin de décider qui va répondre à cette question, que vous pourrez reporter si vous le souhaitez.
Mme Geddes : Eh bien, nous avons tous un rôle à jouer sur ce plan. Je peux vous dire que la souveraineté des données et la façon dont nous pensons à la protection des données des Canadiens est tout à fait d’actualité pour nous.
Nous sommes en train de discuter de la façon de nous y prendre notamment du point de vue des Autochtones. Je songe aux nombreuses entreprises qui œuvrent au Canada, et qui sont capables de générer et de protéger les données dont nous avons besoin. Notre premier choix à cet égard consistera à nous intéresser d’abord à la situation du Canada et de voir comment tirer parti de ce que ces entreprises ont à proposer. Ce ne sera pas possible sur tous les plans, puisque nous avons affaire à une industrie naissante. Nous réfléchissons donc très attentivement à la façon dont nous gérons nos données.
Les investissements étrangers au Canada sont une priorité. Pensez à la façon dont nous protégeons les données sur les Canadiens. C’est l’une des choses que nous tenons le plus à protéger.
Alors, quelles mesures de protection allons-nous appliquer à cet égard? Nous réfléchissons constamment à la façon dont nous pouvons atténuer les menaces qui pèsent sur ces données, notamment parce qu’il est possible de les exporter de notre pays sans notre permission. Nous envisageons un certain nombre de mesures de protection dont il devra être question dans nos discussions avec ces entreprises, compte tenu de la nécessité de conserver ces données au Canada.
Si je devais dire ce qui me préoccupe le plus dans ce contexte, mis à part la nécessité d’empêcher l’exportation de nos données, je mentionnerais notre capacité à partager des données au sein de nos propres organisations et du gouvernement du Canada. En ce qui concerne plus particulièrement notre communauté de la sécurité nationale, pour protéger les Canadiens, nous devons pouvoir exploiter les données mises à notre disposition. Nous devons trouver des façons d’y parvenir, mais dans les limites très étroites de la loi, afin que les gens aient l’assurance qu’il existe des garde-fous, que les données ne seront pas diffusées hors du pays, mais qu’il sera possible d’en tirer parti. Si IRCC dispose de données dont la GRC a besoin pour appliquer la loi, comment nous assurer que l’accès à ces données demeure souple et opportun et ne dépende pas de lois qui, disons-le, peuvent remonter à 10, 15 ou 20 ans, pour être en mesure de transmettre une seule donnée d’un endroit à l’autre?
C’est ce qui me préoccupe le plus, mais si l’on parle des services du renseignement, il y en a probablement d’autres.
M. Rogers : Merci. Je vais essayer d’être bref. Je suis d’accord avec la sous-ministre, et votre question me fait penser à deux choses. D’abord, la valeur des données augmente très vite dans le temps, car des choses comme l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine permettent de mieux les exploiter.
Mes collègues vous ont parlé du point de vue de la sécurité. Il est important que nous puissions utiliser ces données pour nos propres enquêtes. Je dirais que les questions qui se posent dans le contexte du projet de loi C-2 et dans d’autres débats parlementaires sont très importantes pour nous. Il n’appartient pas au SCRS de décider comment les Canadiens veulent que nous l’utilisions, mais je pense qu’il nous incombe d’expliquer la façon dont cela pourrait être utilisé et les restrictions éventuelles qui pourraient nous limiter. C’est sur cela que j’investirais mes efforts.
En corolaire, et il convient d’y réfléchir, il faut savoir que d’autres pays utiliseront les données accessibles dont certaines seront canadiennes. Nous serons relativement avantagés ou désavantagés selon notre propre capacité d’utiliser ces données de la même façon. Tandis que des données sur les Canadiens tomberont entre des mains étrangères ou de sociétés privées, la capacité de ces acteurs à analyser les tendances, à déterminer les tendances et à élaborer des algorithmes sophistiqués touchant à la sécurité ou à d’autres risques sera comparée aux nôtres, et nous pourrons ou non utiliser ces données dans l’intérêt des Canadiens en fonction des autorisations que nous obtiendrons.
La sénatrice White : Merci. Ce fut une discussion fascinante. J’ai beaucoup de questions à poser, mais je vais revenir aux communautés autochtones. Un certain nombre de nos communautés continuent à faire face à des défis critiques en matière de sécurité, comme l’inadéquation des services de police, l’insuffisance des ressources et la lenteur des temps de réaction. La drogue entre en contrebande par Postes Canada. Il y a un équilibre entre la protection des renseignements personnels et les mesures de lutte. Alors, justement, quelles mesures précises vos ministères respectifs prennent-ils pour tenter de régler ces problèmes urgents dans nos communautés? J’adresse cette question à tous nos témoins.
M. Duheme : Merci de votre question, sénatrice White. Pour notre part, nous estimons très sincèrement que les détachements répartis dans tout le pays doivent être représentatifs des collectivités que nous desservons. C’est plus facile à dire qu’à faire. Le modèle que nous appliquons fait que les gens sont affectés pour des périodes de deux ou trois ans.
Je vais vous parler de deux ou trois choses que nous faisons pour essayer de parvenir à une représentation plus équitable dans ces régions. Vous avez entendu le ministre tout à l’heure. Nous comptons environ 6 % d’Autochtones dans nos rangs, ce qui est bon comparativement à d’autres ministères, mais notre défi, tout comme dans les autres ministères, c’est que tout le monde court après les mêmes profils, ce qui complique les choses.
Nous avons adopté un programme appelé Programme d’expérience précadet diversifié et inclusif, l’ECDI. Nous cherchons à recruter 32 participants issus de milieux divers, qui s’intéressent aux services de police dans les communautés autochtones, noires ou racisées, et qui souhaitent devenir policiers. Nous leur dispensons une instruction de quatre semaines pour les exposer à la formation donnée à la Division Dépôt. Ils reçoivent un uniforme, font des exercices et de la théorie, ainsi qu’un peu de conduite pour les exposer au travail policier. Je dirais que ce programme nous a vraiment aidés. Les gens qui s’intéressent au travail de la police bénéficient d’une procédure d’intégration accélérée. Nous ne sautons aucune étape, mais chaque étape est accélérée parce que c’est le genre de personnes que nous voulons pour représenter les collectivités que nous servons. C’est l’une de nos initiatives. Je vais m’arrêter là pour voir s’il y a autre chose.
Mme Geddes : Je suis heureuse d’intervenir. Je sais que le ministre a parlé un peu de notre Programme des services de police des Premières Nations. Soyons francs, le vérificateur général et d’autres ont dit que les fonds ne sont pas versés assez rapidement aux collectivités et nous avons travaillé très fort au cours de la dernière année ou des deux dernières années pour essayer d’accélérer le processus et de relâcher les conditions d’obtention du financement, partant du principe que les collectivités elles-mêmes savent comment gérer les fonds consacrés à la sécurité communautaire.
Je ne pense pas que nous ayons abouti. Nous avons encore beaucoup à faire, et on nous dit que le bassin de ressources est limité dans ce secteur. Nous devons veiller à ce que la prestation des services soit aussi efficace que possible, et c’est pourquoi nous devons travailler en étroite collaboration avec nos partenaires provinciaux. Ce n’est pas seulement un programme fédéral, comme vous le savez. Nous travaillons en étroite collaboration avec les provinces et les collectivités elles-mêmes pour veiller à ce que les délais soient respectés.
Nous avons fait de grands progrès, et les engagements que nous prenons envers les collectivités en vue de les équiper pour qu’elles puissent répondre à leurs propres besoins sont au cœur du travail que nous faisons en ce moment. Je sais que le ministre souhaite — et nous travaillons en étroite collaboration avec lui — faire appel à différents types d’agents de sécurité communautaire dans le Nord, en particulier. C’est une question qui nous intéresse beaucoup en ce moment. Nous travaillons également en étroite collaboration avec les jeunes autochtones et cherchons des moyens de leur verser directement les fonds destinés à notre programme de sécurité publique afin de renforcer leur communauté ainsi que les communautés autochtones. Merci.
[Français]
La sénatrice Youance : Merci à toute l’équipe.
On a parlé de différents enjeux de sécurité nationale, d’ingérence étrangère et d’extrémisme. On a parlé d’enjeux qui sont encore inconnus, compte tenu de l’évolution de la géopolitique et de la technologie. On pourrait ajouter les enjeux liés au renforcement de la résilience du Canada face aux changements climatiques.
Comment naviguez-vous à l’intérieur de tous ces enjeux? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de mesures prises par le gouvernement pour respecter les droits et libertés individuels tout en faisant face aux menaces sur le plan de la sécurité nationale? Et comment se déroule la coordination des différentes institutions fédérales qui sont liées à la sécurité nationale?
M. Rogers : Je vous remercie pour la question. Je crois que c’est une question très importante.
[Traduction]
L’ingérence étrangère dans tous ces domaines est une priorité clé du service. La prémisse de votre question est que nous n’arriverons pas à nous seuls à la combattre. Nous ne sommes pas un gros joueur, mais peu importe nos ressources, ces menaces se manifestent dans des endroits d’où nous sommes absents et elles dépendent des réponses de nos partenaires partout au pays qui doivent être mieux équipés pour faire face à ces menaces par eux-mêmes ou pour demander notre aide ou l’aide de la GRC quand ces menaces se manifestent et que nous n’en avons pas connaissance.
À cet égard, les statistiques précises de l’année dernière figurent dans notre rapport public, mais nous avons pris un certain nombre d’engagements et fait des divulgations en matière de résilience auprès des provinces, des groupes autochtones, du secteur privé et du milieu universitaire afin de les informer de la manière la plus détaillée possible sans leur donner d’informations très spécifiques et classifiées sur les éléments à surveiller. Nous les avons également informés des types de tendances que nous observons, de la manière de communiquer avec nous advenant que quelque chose ou des questions relevant du mandat du SCRS par opposition à celui de la GRC ou de Sécurité publique Canada les préoccupent. On peut penser, par exemple, aux groupes communautaires qui se sentent particulièrement exposés à la répression transnationale, comme les Canadiens d’origine iranienne ou d’autres. Cela peut même inclure des groupes autochtones qui s’inquiètent des investissements économiques susceptibles d’affecter leur communauté, mais qui pourraient être influencés d’une manière ou d’une autre par un gouvernement étranger et aller à l’encontre de leurs propres intérêts. C’est précisément en raison de cette grande diversité que nous mettons la priorité sur une mobilisation à l’échelle nationale.
[Français]
M. Duheme : J’aimerais compléter la réponse de mon collègue.
Il y a une chose dont on s’est rendu compte au cours des deux dernières années et on en parle maintenant, ce qui est très important. On en parle surtout par rapport au gouvernement fédéral, mais cela a également un impact à l’échelle des provinces et des municipalités, parce que l’ingérence étrangère se faufile n’importe où. Je crois que c’est une bonne chose d’en discuter et de prendre des mesures.
M. Rogers en a parlé un peu, mais il y a une bonne coordination qui se fait avec le ministère de la Sécurité publique et le SCRS quand vient le moment du transfert des dossiers. Souvent, l’ingérence étrangère peut se manifester en tant que renseignements pour lesquels le SCRS a la responsabilité. Avant même que cela devienne un acte criminel, on en discute, et c’est à ce moment-là que le transfert se fait. On a fait beaucoup de chemin. Toutefois, il en reste encore beaucoup à faire, parce que les choses bougent très rapidement.
[Traduction]
Le sénateur Ince : Ma question s’adresse au commissaire Duheme. Le ministre a parlé des services de police communautaires et de la collaboration entre provinces, territoires et municipalités. Voici ma question : quels seraient les avantages ou les inconvénients, pour la Police fédérale et la sécurité nationale, de renouveler les contrats?
M. Duheme : Je vous remercie de la question. Il y a un avantage — nous faisons l’envie de plusieurs pays en raison du faible nombre de corps policiers que nous avons au Canada. On en dénombre en effet 194 ou 196, comparativement à des dizaines de milliers chez notre voisin du Sud. La Gendarmerie royale du Canada, ou GRC, a trois mandats, comme le ministre l’a mentionné, et nous ne couvrons que 70 % environ du territoire et 22 % de la population. Nous pourrions tout à fait mobiliser les effectifs voulus en cas de catastrophe, comme un feu de forêt ou un événement causant un grand nombre de victimes. Nous pourrions très rapidement faire appel à des gens ayant suivi la même formation, portant les mêmes uniformes et ayant le même équipement. Nous l’avons vu lors du G7. Notre force réside dans notre capacité à échanger des données, à échanger du renseignement criminel grâce à une seule banque de données gérée par un service de police qui est présent sur 70 % du territoire. Je pense que cela en dit long sur la façon dont nous sommes structurés à l’heure actuelle.
Il se pose évidemment des questions au sujet de la police fédérale et des contrats, mais au sein de l’organisation — et cela rejoint la conversation que j’ai eue avec le ministre — nous devons mieux définir le rôle de la police fédérale au Canada et à l’échelle internationale. Je vais vous donner un exemple rapide. Par le passé, des fonds affectés à la police fédérale servaient à d’autres fins qu’à assurer le mandat de la police fédérale, ce que nous voulons corriger. Nous travaillons aussi sur le déblocage des fonds qui entrent, parce que le gouvernement du Canada injecte beaucoup d’argent pour appuyer les forces de l’ordre et la police au Canada. Nous voulions donc démêler tout cela pour nous assurer d’avoir une image précise et réaliste de ce que les provinces et les territoires paient réellement au titre des services de police contractuels.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse notamment à la GRC. En 2022 environ, dans un reportage de Radio-Canada, on a vu des antennes chinoises dans des tours de télécommunication sur des communications réservées avec des réseaux spécifiques liés à la sécurité nationale. Par la suite, soit en 2023, un rapport a recommandé de tenir davantage compte de la sécurité nationale dans le processus d’approvisionnement à la GRC.
J’ai été extrêmement surpris de voir qu’on avait acheté des drones chinois pour protéger les frontières; je ne suis pas sûr que la sécurité nationale ait été prise en compte lors de l’acquisition de ces drones chinois.
Pouvez-vous nous rassurer sur les façons dont les éléments relatifs à la sécurité nationale sont pris en compte dans l’approvisionnement, d’autant plus qu’on a annoncé qu’on allait investir des dizaines de milliards de dollars dans l’approvisionnement? Je veux m’assurer que les éléments liés à la sécurité nationale sont pris en compte et qu’on n’aura pas de répétition.
M. Duheme : Merci pour la question.
Premièrement, en ce qui concerne les boîtes de transmission, il n’y avait rien dans ces boîtes...
Le sénateur Carignan : Je connais toute l’histoire; je connais mes dossiers.
M. Duheme : Au sujet des drones chinois qui ont été achetés... Il faudrait que je fasse le suivi, mais je suis certain qu’on les a achetés avant les restrictions imposées au chapitre des acquisitions.
Je ne crois pas que ce soit des entités fédérales qui les ont achetés; je crois que ce sont plutôt des gens qui font du travail de police en première ligne, mais je ne voudrais pas vous induire en erreur. Je serais très heureux de faire le suivi de ce que nous nous sommes procuré et du moment où nous nous l’avons fait.
Ma compréhension est que nous nous sommes procuré ces drones avant les restrictions et que tous les gens qui s’occupent des achats et des acquisitions connaissent les paramètres définis en matière d’acquisition.
Le sénateur Carignan : Donc, il y a des directives qui sont maintenant en place?
M. Duheme : Il y a des directives en place.
Le sénateur Carignan : Toujours sur les drones, il y a un projet pilote en Alberta où l’on utilise des drones pour appuyer les premiers répondants lorsqu’il y a des appels. Il permet d’appuyer les agents lorsqu’ils se rendent sur les lieux, parce qu’il y a déjà un drone qui est passé et qu’il a étudié la sécurité et le risque que représentait l’appel.
Est-ce que vous envisagez d’étendre l’utilisation de drones pour soutenir les premiers répondants au moment des appels? Deuxièmement, est-ce que vous envisagez d’embaucher plus de civils pour soutenir les opérations des policiers? Si l’on utilise des drones, il faut des techniciens pour opérer ces drones, mais ils n’ont pas nécessairement besoin d’une formation policière. Est-ce que l’utilisation de civils et de techniciens est envisagée pour optimiser l’efficacité des services de police de la GRC?
M. Duheme : Selon le temps alloué, c’est oui et oui, mais je peux en dire plus.
Premièrement, vous connaissez bien votre dossier. Oui, les drones sont utilisés fréquemment en Alberta, mais pas juste en Alberta, en Saskatchewan aussi. On a un centre de politique à Ottawa et lorsque les provinces, ou « les divisions », comme on les appelle, les utilisent, on essaie de recentrer les efforts pour que toutes les divisions soient pareilles.
Fait intéressant : c’est surtout lorsqu’on fait des recherches pour retrouver une personne qui s’est perdue qu’un drone nous fait gagner énormément de temps, notamment parce qu’on a besoin de moins de personnel. Fait cocasse : en Alberta, on avait envoyé un drone à un endroit avant que la police arrive et la personne s’est mise à genoux avec les mains dans les airs, donc il y a un impact.
Nos groupes de tactiques d’intervention comme le SWAT les utilisent régulièrement avant d’entrer dans une maison. Ils peuvent notamment utiliser un petit drone pour s’assurer que tout est sécuritaire avant d’entrer quelque part.
La proportionnalité de l’utilisation est différente dans les provinces, je vous l’accorde.
Pour répondre à la deuxième question, je suis d’avis que, pour toutes les tâches que l’on fait, on doit avoir un policier ou une policière pour remplir ces tâches. Par contre, si l’on parle seulement de faire naviguer un drone, si on n’est pas dans l’action, mais à l’écart, on n’a pas besoin de policier.
Oui, il faut un équilibre. Avec le budget qui a été octroyé pour sécuriser les frontières, on a formé des gens qui ne sont pas des policiers, notamment pour faire l’analyse de vidéos; c’est là où l’on se dirige.
Le sénateur Carignan : On a combien de personnes qui ne sont pas des policiers?
M. Duheme : Qui se consacrent aux drones?
Le sénateur Carignan : Non, qui sont des membres du personnel civil, pas des policiers de la GRC. Je sais que vous avez environ une dizaine de...
M. Duheme : Nous avons à peu près 19 000 policiers et policières, et nous avons également 12 000 employés qui sont des membres de la fonction publique et des membres civils combinés.
Le sénateur Carignan : Cela inclut ces employés?
M. Duheme : Qui inclut cela.
Le sénateur Carignan : Merci.
[Traduction]
Le président : Merci.
La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup. À quelques pas d’ici se déroule le Forum 2025 auquel participent des militaires et des civils de la Défense. La conférence est axée sur la santé, la recherche sur les anciens combattants et différents aspects de l’univers militaire. Ce matin, la ministre des Anciens Combattants et ministre associée de la Défense a prononcé le discours d’ouverture de la conférence. Elle a parlé de collaboration, du travail du Groupe des cinq et de diverses choses. Mais cela a donné lieu à une discussion qui semble un peu plus omniprésente, et vous y avez fait allusion tout à l’heure, commissaire Duheme, au sujet du Groupe des cinq. La question est de savoir si le Groupe des cinq, qui a été un atout important pour le Canada, demeure notre meilleur atout. Le Groupe des cinq est-il encore pertinent?
M. Duheme : Cet été, j’ai participé à une réunion avec le Groupe des cinq, à San Diego, et j’estime que celui-ci a une vraie valeur pour nous. En général, ce sont les gens assis à la table qui font la différence. Il y a des discussions sur la façon dont nous pourrions amener d’autres pays à se joindre au Groupe des cinq, et l’exemple dont nous avons parlé concernait la cybercapacité. Les Néerlandais sont très bons en cybernétique, tout comme les Français. Devrions-nous faire participer les Allemands? Je crois qu’il y a une loi concernant le Groupe des cinq. L’origine du groupe remonte à bien des années, et la question est maintenant de savoir comment admettre d’autres pays au sein du Groupe des cinq autour de thèmes précis et pour leurs points forts dans différents domaines, surtout en cybersécurité.
Je ne pense pas que vous devriez avoir une organisation, une structure quelconque en place sans l’examiner chaque année ou tous les deux ans parce que, comme nous l’avons mentionné plus tôt, l’environnement évolue si rapidement. Vous voulez que les experts en la matière et les pays qui ont l’expertise là-bas la partagent.
La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup.
Le président : Cela nous amène au terme des témoignages de ce groupe. Je tiens à vous remercier toutes et tous — madame Geddes, madame O’Gorman, madame Blanchard, commissaire Duheme et monsieur Rogers. Monsieur Rogers, j’allais vous poser une question sur les jeunes et la cybersécurité, mais nous n’avons pas le temps. De plus, je tiens à dire au commissaire Duheme et à vous tous, au vu de vos responsabilités et de votre travail, que la sécurité du pays n’est pas une mince affaire. Nous pouvons tous ergoter sur ce qui pourrait nous poser un problème, mais nous savons que ce n’est pas une tâche facile dans ce vaste travail visant à assurer la protection du pays.
Commissaire Duheme, je tiens à ce que vous sachiez que nous appuyons sans réserve le travail difficile que vous faites au nom de notre grand pays. Merci à tous d’avoir pris le temps de venir nous faire part de vos réflexions et de votre expérience. Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, voilà qui met fin à notre réunion d’aujourd’hui. Notre prochaine réunion aura lieu le lundi 27 octobre, à 16 heures, dans la salle C128. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)