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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE, DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 24 novembre 2025

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants se réunit aujourd’hui, 16 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour examiner, afin d’en faire rapport, l’approvisionnement en matière de défense dans le contexte de l’engagement du Canada à accroître ses dépenses de défense.

Le sénateur Hassan Yussuff (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, chers collègues. Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.

Je m’appelle Hassan Yussuff, sénateur de l’Ontario, et je préside le comité. Je suis entouré aujourd’hui des autres membres du comité. Je leur souhaite la bienvenue et leur demande de se présenter.

Le sénateur Ince : Merci, monsieur le président. Je m’appelle Tony Ince, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Youance : Suze Youance, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Al Zaibak : Bonjour. Mohammad Al Zaibak, Ontario.

Le sénateur Anderson : Dawn Anderson, Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Cardozo : Andrew Cardozo, Ontario.

Le sénateur McNair : Bienvenue. Je m’appelle John McNair, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Dasko : Je m’appelle Donna Dasko, sénatrice de l’Ontario.

Le président : Je vous remercie, chers collègues. Nous nous réunissons aujourd’hui pour poursuivre notre étude de l’approvisionnement en matière de défense, dans le contexte de l’engagement du Canada à augmenter ses dépenses de défense.

Nous avons le plaisir d’entendre aujourd’hui trois groupes de témoins composés d’universitaires et de représentants des collectivités arctiques du Canada.

Pour le premier groupe, nous recevons, par vidéoconférence, Anessa Kimball, professeure au Département de science politique de l’Université Laval, et Ugurhan Berkok, professeur agrégé au Département de science politique et d’économique du Collège militaire royal du Canada. Nous vous remercions tous deux de vous joindre à nous aujourd’hui.

Nous commencerons par vous inviter à présenter vos observations préliminaires, après quoi, les sénateurs vous poseront des questions. Je vous rappelle que vous disposez chacun de cinq minutes pour votre exposé. Nous commencerons par la professeure Kimball.

Anessa Kimball, professeure, Département de science politique, Université Laval, à titre personnel : Je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants de me donner l’occasion de partager quelques réflexions sur l’approvisionnement en matière de défense dans le contexte de l’augmentation des dépenses de défense.

En ma qualité de professeure de science politique à l’Université Laval, je codirige le Réseau canadien sur la défense et la sécurité. Mes recherches portent sur l’économie des dépenses militaires et la coopération en matière de défense et de sécurité.

Je commencerai par souligner que les partenaires de l’OTAN ont d’abord convenu il y a 22 ans d’investir plus dans la défense et que c’est devenu un engagement officiel en 2014. Indépendamment de cela, le Canada et ses alliés se sont récemment engagés à atteindre un autre objectif de l’OTAN en matière de dépenses de défense, qui est de les porter de 2 % à 3,5 % du PIB d’ici 10 ans. Étant donné l’importance de cet investissement, il est essentiel que le Canada saisisse cette occasion pour accroître sa résilience en formant des partenariats stratégiques avec des partenaires soigneusement choisis. Le Canada doit résister aux forces inefficaces du protectionnisme économique et à d’autres types de structures de compensation qui risquent de réduire sa capacité à attirer l’investissement et les partenariats étrangers.

Les marchés publics en matière de défense ressemblent plus à des oligopoles qu’à des structures de libre marché, les États étant limités dans leur liberté d’action par des contraintes liées aux finances et à la réglementation publiques. Une prochaine stratégie d’investissement dans la défense devrait nommer les moyens par lesquels le Canada développera ses capacités de défense améliorées en développant une interdépendance stratégique avec des partenaires clés, tout en continuant d’être un partenaire crédible de l’Alliance transatlantique. Je décrirai plusieurs points que le Canada devrait prendre en considération dans la mise en œuvre de cette occasion générationnelle d’investir dans sa défense et je terminerai par quelques réflexions sur des solutions pour faire en sorte que ces investissements profitent aux Canadiens.

Premièrement, le Canada devrait acquérir les équipements de défense en mettant l’accent sur les résultats sur le plan des capacités, des actifs acquis et des capacités élargies, plutôt que de mesurer son succès aux prix payés et aux dépenses engagées.

Deuxièmement, définir les résultats permet de renouer avec le Programme des capacités de la Défense, ou PCD, de 2018 déjà adopté par le Canada et permet au public de constater que le gouvernement libéral tient ses promesses. Je n’ai vu aucune indication de l’alignement des dépenses de défense annoncées sur le Programme des capacités de la Défense même, qui n’a pas été mis à jour depuis décembre 2024.

Il s’agit d’un mécanisme important pour la transparence. Il est nécessaire d’acquérir des capacités de défense pour renforcer la résilience et elles doivent renforcer la possibilité pour le Canada d’agir de manière indépendante, mais aussi coordonnée avec des partenaires clés. L’approvisionnement doit viser à développer des capacités indépendantes dans des domaines essentiels où le NORAD est le seul fournisseur d’un actif ou d’une capacité donnée.

Deuxièmement, le Canada doit faire preuve de plus de prévoyance dans la planification financière de l’Agence de l’investissement pour la défense, l’AID. En ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations relatives à un meilleur calcul des coûts formulées dans le rapport de la vérificatrice générale sur les F-35, par exemple, les grands projets qui seront adoptés par l’Agence de l’investissement pour la défense, ou AID, devront probablement être réévalués en fonction de ce seul rapport. Alors que le Canada cherche à diversifier ses partenaires, les fluctuations de la monnaie de partenaires peuvent entraîner des erreurs d’estimation importantes au fil du temps. Les économistes spécialisés dans la défense doivent y prêter plus d’attention.

Le Canada a plus de 150 projets d’approvisionnement en matière de défense en cours, en plus des nouveaux grands projets en cours d’élaboration, sachant que l’AID n’a pour mandat de gérer que ceux de plus de 100 millions de dollars. Cela signifie qu’à l’heure actuelle, environ 90 projets ne pourraient pas bénéficier des gains d’efficacité de l’AID.

Enfin, le gouvernement devrait réfléchir à la manière de garantir que cet investissement considérable profite aux Canadiens. Tout d’abord, l’effectif de l’AID devrait être diversifié, venir des secteurs privé et public, et compter des personnes récemment formées. Le mandat de l’AID précise que son personnel vient actuellement de seulement cinq organismes publics, sans mentionner d’autres sources de compétences, comme les universités et les entreprises privées. Cela soulève la question de la diversité du personnel, car dans la plupart de ces organismes, il n’y a déjà pas un nombre suffisant d’employés issus des minorités visibles et des Premières Nations. Les fonctionnaires détachés à l’AID sont peu susceptibles de posséder les qualifications très particulières requises pour cette transition générationnelle vers l’innovation. La fonction publique n’est généralement pas perçue comme la principale source de main-d’œuvre innovante. Il conviendrait de se tourner d’abord vers le secteur privé, puis vers les universités pour former notre prochaine génération d’experts.

Deuxièmement, l’immigration et la mobilité de la main-d’œuvre sont nécessaires, car on parle beaucoup de partenariats internationaux. On pourrait, par exemple, envisager de conclure avec des partenaires internationaux de premier plan, comme la Suède, des accords de mobilité de la main-d’œuvre hautement qualifiée dans le domaine de la défense et de la sécurité. À l’instar de la mobilité de la main-d’œuvre dans le marché intra‑européen, le Canada devrait développer sa mobilité de la main-d’œuvre dans le domaine de la défense. Autrement dit, les synergies de l’AID doivent arriver jusque dans l’éducation et les universités, dans des programmes universitaires proposant des stages professionnels rémunérés et hautement qualifiés aux étudiants, qui pourront ensuite accéder à des emplois de qualité dans le secteur de la défense, sans oublier que le processus de décentralisation actuel a un impact négatif sur le marché du travail. Il convient de trouver l’équilibre voulu entre la diversification des partenaires, les exigences en matière d’avantages industriels et techniques et l’achat de produits canadiens, afin d’éviter les tendances protectionnistes.

Je tiens à remercier le comité du travail qu’il accomplit. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions des honorables sénateurs.

Le président : Je vous remercie, madame, de votre exposé. Nous allons maintenant entendre notre deuxième témoin, M. Ugurhan Berkok. Vous avez la parole et vous disposez de cinq minutes.

Ugurhan Berkok, professeur agrégé, Département de science politique et d’économique, Collège militaire royal du Canada, à titre personnel : Je remercie le comité de m’avoir invité à témoigner devant lui.

Mon exposé comportera quatre parties. Dans la première, je présenterai quelques projets sur lesquels j’ai travaillé au sujet de l’approvisionnement en matière de défense. J’ai travaillé sur le soutien en service, ou SES, qui est essentiel, en particulier pour les grandes plateformes.

Navires de guerre; partenariats public-privé, tels que — nous n’en avons pas dans nos forces armées, mais ils en ont en Grande-Bretagne. Certains fonctionnent bien, d’autres non. J’ai travaillé sur le programme d’approvisionnement en munitions, les avantages économiques du NORAD, et je termine actuellement un travail sur un programme européen de réarmement. Différents gouvernements européens participent à des achats en commun. J’ai beaucoup travaillé sur notre Politique des retombées industrielles et technologiques, les RIT, en participant à un projet sur les minéraux critiques, qui revêt une importance croissante.

Je commencerai par vous présenter ma vision de notre approvisionnement. Je donnerai d’abord un exemple.

Les Australiens en particulier — et je comprends qu’ils vivent dans une région du monde très dangereuse — accordent la priorité à la défense et ils ne s’engagent dans aucun investissement économiquement injustifié pour bâtir leurs plateformes. Cela ne signifie pas qu’ils n’investissent pas dans leurs capacités opérationnelles. Pour eux, c’est une question de vie ou de mort. Ils ont donc divisé leurs dépenses en trois catégories essentiellement. Les équipements de la première catégorie doivent, évidemment, être fabriqués et entretenus en Australie.

Le reste est divisé en deux catégories. L’Australie a, bien sûr, des politiques industrielles, et elle a également des capacités ou des plateformes qu’elle peut produire chez elle. Nous en tirons des enseignements.

Je passe à la politique industrielle de défense du Canada, qui va au-delà du Programme d’approvisionnement en munitions. Cette politique est, par définition et de manière avérée, très inefficace, mais nous la suivons à la lettre depuis 40 ou 50 ans.

Nous définissons d’abord les secteurs prioritaires, que nous appelons « capacités industrielles clés », et ils varient considérablement. Ils vont bien au-delà des besoins de la défense.

Ensuite, nous utilisons ce que l’on appelle des multiplicateurs pour orienter les investissements en matière de défense, en encourageant les investissements dans certains secteurs, comme le secteur de l’aérospatiale, où nous sommes à la pointe de la technologie. Le troisième problème est que nous n’encourageons pas à investir dans l’optique d’exportations. Ainsi, une fois un contrat terminé, les entreprises n’ont plus aucune incitation à continuer d’essayer d’exporter. Et à ce propos, le quatrième problème est que nous ne collectons pas de données pour évaluer les RIT.

Mon point suivant concerne ce que j’appelle le pivot du Canada vers l’Europe dans le processus d’approvisionnement en matière de défense. La famille royale suédoise est déjà venue au Canada au sujet d’une éventuelle production conjointe d’aéronefs de combat avec Saab, plus l’aéronef IDISR mondial, en ce qui concerne le renseignement, la surveillance et la reconnaissance.

Nous avons des secteurs de pointe dans lesquels nous pouvons exporter vers l’Europe, comme l’aérospatiale, l’IA, les technologies quantiques, les capteurs, les simulateurs et les systèmes optiques. Nous avons aussi des minéraux critiques que n’ont pas les Européens, ce qui nous donne un avantage comparatif, mais nous devons comprendre que les politiques protectionnistes en matière de RIT doivent être abandonnées pour que nous puissions aller de l’avant avec les Européens.

Si vous me le demandez, je peux vous parler de nos projets qui ont été couronnés de succès dans le passé.

Par exemple, Bombardier a réussi à vendre à la Grande-Bretagne l’aéronef doté d’un système de renseignement, surveillance et reconnaissance. Il s’agit du plus grand avion d’affaires à réaction, le Global Express, militarisé par Raytheon, aujourd’hui RTX. Notre projet de F-35 est, bien sûr, un autre succès, car il n’y avait pas de retombées industrielles et technologiques, mais nos entreprises aérospatiales...

Le président : Monsieur Berkok, pouvez-vous essayer de conclure, afin que nous puissions passer à des questions qui vous permettront d’approfondir un peu plus le sujet?

M. Berkok : Bien sûr. C’était mon dernier point. J’ai terminé.

Le président : Très bien. Je vous remercie.

Nous allons maintenant passer aux questions. Chers collègues, nos invités seront avec nous jusqu’à 17 heures aujourd’hui. Comme toujours, nous ferons de notre mieux pour que chaque sénateur ait le temps de poser ses questions. Nous accorderons donc quatre minutes, peut-être un peu plus aujourd’hui, étant donné notre nombre, pour chaque question, réponse comprise. Je vous demanderai de formuler des questions succinctes afin de permettre le plus grand nombre d’interventions possible.

Je cède la parole au vice-président de notre comité, le sénateur Al Zaibak, pour la première question.

Le sénateur Al Zaibak : Merci, monsieur le président. Merci, madame Kimball et monsieur Berkok, de vos exposés et vos témoignages.

Ma question s’adresse à Mme Kimball. Compte tenu de l’engagement pris par le Canada de consacrer 3,5 % de son PIB aux capacités militaires de base, quels sont les principaux obstacles économiques qui pourraient nous empêcher de traduire l’augmentation des dépenses en capacités déployables réelles?

Anessa Kimball : Je vous remercie de cette question. Le plus important à présent est que nous avons plusieurs grands projets que nous essayons de mettre en œuvre, et il existe une incertitude quant à la date à laquelle les échéanciers correspondront à l’engagement relatif aux 3,5 % que nous avons pris.

Par exemple, nous parlons notamment du fait que nous allons consacrer des sommes importantes aux sous-marins, mais il n’est pas certain que nous aurons dépensé cet argent ni produit ces sous-marins d’ici la date à laquelle nous devrions avoir investi 3,5 % du PIB dans les dépenses de défense. Une des principales difficultés concerne, en fait, la rapidité de notre système et la rapidité à laquelle nous prenons les décisions relatives aux produits que nous voulons développer.

Nous allons plus vite si nous achetons des produits prêts à l’emploi développés par d’autres pays, mais nous devons réfléchir à ce que nous pouvons créer chez nous, et je crains que nous nous concentrions tellement sur cet aspect que nous prendrons du retard par rapport à notre engagement envers l’OTAN.

Le sénateur Al Zaibak : Vous avez parlé de la nouvelle Agence de l’investissement pour la défense, l’AID. Pensez-vous qu’elle dispose de suffisamment de pouvoir et qu’elle soit assez indépendante pour corriger 50 ans de fragmentation structurelle?

Anessa Kimball : D’après ce que j’ai lu de son mandat, je dirai que cela dépendra beaucoup de la volonté de ses dirigeants de s’attaquer à certains de ces problèmes. Je ne suis pas certaine que l’AID aura tout le pouvoir nécessaire. Cela comptera un peu par rapport à la volonté des autres agences de négocier et de céder, et nous ne voulons pas que cela tourne à une lutte de pouvoir. Comme je l’ai dit, beaucoup de projets ne seront même pas concernés. Nous en aurons donc encore beaucoup qui se retrouveront, de toute façon, dans l’autre système inefficace. Il n’est pas certain que nous gagnions totalement en efficacité, mais nous supprimerons des étapes pour les grands projets.

Le sénateur Al Zaibak : Je vous remercie.

Le Canada dépend beaucoup de ses alliés pour les plateformes avancées, de la maintenance des F-35 aux technologies des sous-marins. Quel équilibre le Canada doit-il trouver entre le besoin d’interopérabilité avec ses alliés et son ambition de développer sa propre base industrielle de défense? Vous pouvez, l’un ou l’autre, répondre à cette question, je vous en prie.

M. Berkok : L’interopérabilité est considérée — en général, mais ce n’est pas le point de vue des forces armées — comme le simple fait de disposer du même équipement, ce qui est incorrect.

Ainsi, le meilleur exemple, si l’on remonte environ 35 ans en arrière, est celui du Japon, qui n’a pas participé à l’opération alliée visant à repousser les forces irakiennes qui cherchaient à envahir le Koweït. Le Japon a fourni pour cette opération 15 milliards de dollars américains, ce qui constituait un soutien très stratégique à l’interopérabilité.

En revanche, si l’on passe de l’interopérabilité stratégique à l’interopérabilité technologique, il faut disposer des mêmes aéronefs. En Afghanistan, nous n’avions pas le même équipement. Différents niveaux d’interopérabilité qui définiront l’acquisition du bon équipement.

En Afghanistan, nous étions dans un secteur complètement différent de celui de bon nombre d’Européens. Nous étions plutôt avec les Américains. Il fallait plus d’interopérabilité que le simple fait d’être là pour soutenir les opérations.

Le sénateur Cardozo : Je remercie les témoins de leur présence. Professeure Kimball, je vais d’abord vous interroger sur ce que j’appellerai le développement de l’industrie de la défense. Vous en avez parlé, et je comprends votre point de vue selon lequel, si nous nous concentrons uniquement sur le développement de l’industrie, cela prendra beaucoup de temps, et nous devons donc acheter du matériel prêt à l’emploi.

Je veux me concentrer sur la première partie, à savoir le développement de l’industrie, car je pense que c’est une occasion unique de développer véritablement cette industrie pour le bien des Canadiens.

Selon moi, le développement de l’industrie de la défense comprend au moins quatre éléments, soit la possibilité de créer des entreprises, la création de bons emplois canadiens, la création et la conservation de la propriété intellectuelle et, enfin, le développement des exportations.

Je comprends aussi votre point de vue sur le développement de l’éducation et de la formation au Canada, y compris les stages. Je pense que c’est un très bon point. Il est également important de veiller à la diversité dans l’embauche. Pouvez-vous nous en dire plus sur le développement à long terme de l’industrie de la défense au Canada?

Anessa Kimball : À l’heure actuelle, comme l’a dit M. Berkok, nous avons cerné les principales capacités, mais en réalité, le lien avec ce que nous attendons de ces capacités du point de vue de la défense reste parfois un peu nébuleux. À mon avis, il s’agit en partie, comme nous le disons, de décider des secteurs dans lesquels nous voulons agir et nous développer, et puis il y a d’autres secteurs dans lesquels nous avons beaucoup investi et où nous nous contentons de maintenir un peu notre place dans le système actuel.

Il s’agit en fait, à certains égards, de former et de s’assurer qu’il existe un lien entre les compétences que nous constituons, au fond, dans la prochaine génération et ce que nous attendons de la prochaine génération de Canadiens en tant qu’employés dans ce secteur.

Il ne s’agit pas seulement d’investir et de soutenir la création et le maintien d’emplois. Il ne s’agit pas seulement de soutenir un secteur d’exportation particulier. Il faut vraiment intégrer ces sujets dans les programmes universitaires, et c’est là qu’à mon avis, il y a actuellement un décalage.

Le sénateur Cardozo : Comment devons-nous nous y prendre, selon vous? Les programmes universitaires sont provinciaux. Pensez-vous que les universités puissent développer davantage ces programmes? Comment cela se fera-t-il?

Anessa Kimball : C’est là que les trois types d’acteurs — le gouvernement fédéral, les entreprises, les provinces et les universités — doivent se parler.

À l’heure actuelle, comme il existe un léger conflit en matière d’éducation, les entreprises ont apparemment tendance à s’associer avec des universités de la même province, ce qui n’encourage pas vraiment la mobilité de la main-d’œuvre. Par exemple, la plupart des étudiants québécois se tournent vers des entreprises québécoises, alors que nous devrions plutôt chercher des moyens de favoriser la mobilité interprovinciale de cette main-d’œuvre.

C’est là que se situe actuellement le problème. Les universités ontariennes ne collaborent pas vraiment avec les entreprises québécoises, et vice-versa. Les entreprises ontariennes ne collaborent pas avec les universités québécoises.

Comment associer ces deux solitudes, en quelque sorte?

Le sénateur Cardozo : Que pensez-vous de la création et de la conservation de la propriété intellectuelle au Canada? Nous n’avons pas de très bonnes politiques en matière de propriété intellectuelle, de PI.

Anessa Kimball : Oui, je ne connais pas vraiment ce domaine, mais je suis d’accord avec vous, nous n’avons pas de très bonnes politiques en matière de PI, et cela fait partie de nos défis. Je cède la parole à M. Berkok, s’il a plus à dire à ce sujet.

Le sénateur Cardozo : Très bien, je vous en prie, professeur. Je pense avoir un peu de temps. Vous avez la parole.

M. Berkok : Je ne peux pas vraiment parler de PI. Je n’ai pas travaillé sur ce sujet, mais je peux en parler un peu — je ne sais pas de combien de temps je dispose. Nous n’avons pas besoin de développer toutes les industries qui alimentent nos capacités.

Permettez-moi de vous faire part d’une conversation vraiment surprenante que j’ai eue avec le vice-amiral Topshee la semaine dernière à une conférence. Je ne remets pas en question notre secteur de la construction navale, mais nous n’aurions jamais dû être dans ce secteur pour commencer. Premièrement, les frégates, maintenant appelées destroyers, nous coûtent 40 % moins cher que si nous les achetions à nos alliés. Nous n’avons pas besoin d’aller trop peu, en Europe ou en Corée.

Dans certains domaines, le coût nous incitera à ne pas nous lancer dans tous les secteurs. De l’aérospatiale aux différentes technologies quantiques, nous devrions nous lancer dans tous les domaines où nous avons un avantage.

Le sénateur Cardozo : Merci de votre réponse. J’espère sincèrement que nous resterons ambitieux en matière de développement de notre industrie et que nous n’achèterons pas trop de produits prêts à l’emploi.

[Français]

Le sénateur Carignan : J’aimerais savoir ce que vous pensez des seuils d’approbation ou d’acquisition de l’agence. Je crois qu’ils sont autour de 100 millions de dollars. Est-ce que c’est suffisant? Est-ce que cela devrait être plus, moins et pourquoi?

Anessa Kimball : D’après moi, le seuil minimal de 100 millions de dollars a été un peu choisi au hasard à la limite, mais déjà, on tranche un peu dans les capacités de défense. Ils ont probablement regardé ce qu’ils ont comme projets en se demandant quelle serait la capacité maximale visée pour cette agence, ils ont déterminé qu’il y aurait au maximum une soixantaine de projets, et ont aligné ces montants.

Sachant qu’on prévoit de gros projets dans l’avenir, il y a plein de petits projets — qui pourraient être très importants — qui ne seront pas couverts. Alors, je ne suis pas sûr de savoir quel est le gaspillage qu’on aurait avec les autres centaines de projets qui ne sont pas inclus dans le seuil minimal pour l’Agence de l’investissement pour la défense. Telle est ma question.

M. Berkok : Très bon. Le palier est très bas, parce que si on retourne au début des années 2000, le vaisseau de ravitaillement — qu’on n’a toujours pas — en ce temps-là, il y avait un vaisseau hollandais disponible pour 600 millions de dollars canadiens. Donc, si on y pense, 100 millions de dollars, c’était le chiffre d’autrefois.

Le sénateur Carignan : Ce que vous dites, c’est que la majorité des infrastructures moyennes et importantes vont tomber sous le seuil de cette agence, donc il y a peu d’achats, sauf les achats de routine qui vont être en bas de 100 millions de dollars?

M. Berkok : Je suis d’accord.

Le sénateur Carignan : Les lunettes d’approche de vision nocturne ont été contestées par des fournisseurs canadiens notamment, parce que le design de la soumission a été fait pour favoriser une autre entreprise externe. C’était cela le 100 millions de dollars. Il s’agit de lunettes de vision nocturne. Est‑ce trop bas? C’est bas, mais est-ce trop bas?

M. Berkok : Je trouve toujours qu’il y a une grosse différence entre, par exemple, l’approvisionnement en vaisseaux de guerre et d’autres types d’approvisionnement. On ne peut pas avoir un seul palier pour tous les approvisionnements.

Anessa Kimball : Lorsqu’on parle de lunettes de vision nocturne, c’est au niveau de l’individu, du soldat, tandis que quand on parle de gros projets, on parle des investissements dans les navires et les avions de chasse. Ce sont des projets comparables. Ce sont des projets qui vont quand même occuper des tranches larges de budget. Je dirais que cela dépend de notre ambition. Si on en beaucoup, cela veut dire qu’on aura probablement beaucoup de projets qui seront en dessous de cette limite. Cependant, cela dépend de comment se dessinera l’avenir des acquisitions pour la défense au Canada.

Le sénateur Carignan : Merci.

[Traduction]

Le sénateur McNair : Le fait de confier la responsabilité des achats à une seule personne, le secrétaire d’État, est-il un pas dans la bonne direction, vers un modèle centralisé, qui s’éloigne de ce que nous avons connu généralement ces dernières années, à savoir un modèle décentralisé? Quelles mesures immédiates, à court terme et à plus long terme, recommanderiez-vous au secrétaire d’État de prendre pour lancer la réforme du processus d’approvisionnement en matière de défense du Canada?

M. Berkok : Cette question s’adresse-t-elle à l’un de nous en particulier?

Le président : Oui, à vous deux.

M. Berkok : Je ne suis pas certain que le terme « décentralisé » que vous utilisez corresponde au phénomène dont nous parlons. En fait, ce que vous appelez décentralisation, c’est Innovation, Sciences et Développement économique Canada et Services publics et Approvisionnement Canada. Bien sûr, il y a le Conseil du Trésor du Canada et le ministère de la Défense nationale. Ce sont des filtres différents, si je puis dire.

En fait de décentralisation, un projet particulier doit passer par trois ou quatre étapes avant d’être enfin approuvé. Si vous utilisez le mot « décentralisé », par exemple, en ce qui concerne la construction navale, nous en sommes à un stade où, en incluant bientôt Hamilton, nous aurons quatre constructeurs navals dans le pays.

D’après de nombreuses études, la politique des RIT doit être sérieusement revue et améliorée, ou nous devons changer de politique industrielle. Je ne sais pas ce que le ministère de la Défense proposera à cet égard, peut-être vers la fin décembre, d’après ce qu’on m’a dit.

Dans mes observations préliminaires, j’ai mentionné les problèmes que je vois dans la politique des RIT. Il est possible de l’améliorer.

Le sénateur McNair : Merci, monsieur Berkok. Professeure Kimball.

Anessa Kimball : Je dirai la même chose au sujet de la politique des RIT, à savoir qu’elle est inefficace.

Nous avons deux forces contraires en présence : d’un côté, on cherche à centraliser pour plus d’efficacité et, de l’autre, on a le contrôle. En centralisant, nous essayons de réduire le contrôle et de gagner en efficacité dans l’approvisionnement et, espérons-le, en rapidité et, peut-être, de le rendre moins coûteux. Nous ne savons pas encore vraiment.

En fin de compte, en supprimant ou en réduisant le contrôle, nous courons aussi le risque d’accroître l’inefficacité. Il sera difficile de trouver le juste équilibre et ce sera un défi pour cette agence d’investissement. J’espère qu’elle aura des critères clairs pour l’évaluation des coûts et qu’elle s’efforcera de trouver une solution plus claire que ce qu’on avait auparavant.

Le sénateur McNair : Merci.

La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins de leur présence. Ma question s’adresse à la professeure Kimball.

Vous avez mentionné que les résultats, à proprement parler, sont importants dans le processus. Je ne suis pas certain de bien comprendre ce que vous dites et ce que sont ces résultats. J’aimerais approfondir cette question.

On suppose que les forces armées définissent leurs besoins. Ensuite, dans le cadre du processus de définition des objectifs, elles déterminent les types de produits que nous devons acheter. À la fin de ce processus, nous les avons et nous répondons, sans doute, à ces besoins.

Je ne suis pas certaine de comprendre ce que sont les résultats. Sont-ils liés à des objectifs militaires ou à des mesures sociétales ou économiques sur lesquelles nous devrions nous concentrer?

Pouvez-vous en dire plus à ce sujet, afin que je comprenne ce que vous entendez par « résultats »?

Anessa Kimball : Oui. Cela nous ramène à l’observation selon laquelle, dans ces discussions, nous avons tendance à nous concentrer sur ce chiffre, c’est-à-dire sur le montant de nos dépenses. Je préfère me concentrer sur ce que nous obtenons en dépensant par rapport à nos besoins, définis dans le Programme des capacités de la Défense, mais aussi par rapport à ce que nous achetons en fonction de ce que nous pensons fournir à nos partenaires et alliés dans le cadre de différentes missions internationales.

Je pense qu’il y a un décalage dans cette réflexion globale, par exemple, par rapport à ce dont l’OTAN pourrait avoir besoin d’une année donnée de la part du Canada dans le cadre des nombreuses missions qu’elle mène. À tout moment, l’OTAN mène au moins six à huit missions ou opérations. Nous en savons beaucoup sur celles auxquelles le Canada participe, comme la présence avancée renforcée, mais il y en a plusieurs autres. Il est donc important d’avoir une meilleure idée de cela.

Je dirai même qu’il faut remonter plus loin encore pour s’assurer que nous aidons à garantir les capacités sur lesquelles l’OTAN et le Canada se sont entendus même au Sommet de Prague en 2002. Nous avons imaginé alors un monde dans lequel nous disposerions, 25 ans plus tard, de cet ensemble de capacités. Nous sommes aujourd’hui près de 25 ans plus tard, et je ne suis pas certaine que nous ayons réellement réorganisé tout cela.

Dans une certaine mesure, les résultats en matière de défense, ce sont l’avion à réaction, le char, mais aussi ce dont nous avons besoin par rapport à ce dont nous avons dit avoir besoin. Nous avons défini nos besoins. Est-ce que nous y répondons réellement?

La sénatrice Dasko : Que penser du fait que nos besoins, les situations et les circonstances ont changé, car ils ont changé, n’est-ce pas?

Anessa Kimball : Absolument, tout cela a changé. Il y a des choses dont nous parlons depuis plusieurs années et qui sont, selon moi, cohérentes, dont nous avons besoin, mais dans lesquelles nous n’avons tout simplement pas investi. Il s’agit, par exemple, de choses qui concernent les technologies satellitaires et spatiales. Il y a 20 ans, nous savions que nous devions investir dans ces domaines, et pourtant, il a fallu attendre 2025 pour annoncer que nous investissons dans une capacité de lancement spatial indépendante.

Cela fait partie des domaines dans lesquels nous devons essayer de mieux nous adapter.

La sénatrice Dasko : Je suis d’accord. Merci.

Le président : Monsieur Berkok, vous pouvez bien sûr intervenir.

M. Berkok : Je voulais seulement mentionner les travaux récents, en partie parce qu’un de mes collègues se trouve être le plus connu des économistes de la défense. Je suis certain que tout le monde a entendu parler de ce que les économistes de la santé appellent les années de vie pondérées par la qualité, les AVAQ. L’espérance de vie renvoie à la durée de vie, tandis que les années de vie ajustées en fonction de la qualité renvoient à l’état de santé au cours de ces années.

Dans la défense, d’abord, cela ressemble à la lutte contre les incendies. S’il n’y a pas de combats, il n’y a pas de résultats. En tout cas, c’est comme les assurances. La lutte contre les incendies est une assurance. La défense est une assurance. Nous essayons de créer une force de dissuasion. Il existe, en fait, des cas exceptionnels où les résultats de la défense ont été mesurés.

Si quelqu’un est intéressé, je peux fournir plus de détails à ce sujet.

Les résultats de la défense à proprement parler, ce sont les victoires — c’est horrible à dire — remportées sur l’adversaire. Ce peut être le fait de détruire ses équipements et ses capacités.

Jusqu’au moment du combat, on ne peut pas mesurer ces résultats particuliers de la défense. Lorsque l’on parle de capacités, il ne s’agit pas de résultats, mais d’intrants.

Henry Kissinger a déclaré que nous ne saurions jamais si nous avions dissuadé les Soviétiques de faire quoi que ce soit.

C’est un terme très délicat, car il est difficile à mesurer.

Le président : Nous passons maintenant à notre deuxième série de questions.

Le sénateur Cardozo : Je veux poursuivre la discussion avec les deux professeurs.

Professeure Kimball, vous avez parlé dans vos observations préliminaires de ce que j’appellerai, au sens large, la création d’un vivier de talents et de compétences, si nous voulons développer cette industrie. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont nous devrions procéder?

Combien d’universités ou de collèges proposent actuellement des programmes que nous pourrions encore développer?

Anessa Kimball : Oui. Pour créer ce vivier, il faut, en fait, déterminer les types de compétences analytiques et méthodologiques que nous voulons que ces personnes possèdent en arrivant sur le marché. Il faut littéralement réfléchir aux types de cours que nous voulons dans nos programmes universitaires.

Je vous donnerai un exemple d’actualité. Si vous cherchez au Canada combien d’universités offrent un cours sur l’économie de la défense, l’économie des dépenses de défense et de sécurité, vous en trouverez moins de cinq.

Pour un pays qui va investir 3,5 % de son PIB dans la défense au cours des 10 prochaines années, c’est surprenant.

Certains de nos alliés de l’OTAN prennent la question plus au sérieux et des universités entières y sont consacrées à ces sujets. Il y a même des chaires de recherche. Au Canada, nous n’avons tout simplement pas investi sérieusement dans ce type de sujets, l’économie et la gestion de la défense. Seuls quelques universités et le Collège militaire royal s’y intéressent. Je pense qu’il faut notamment commencer par là.

Le sénateur Cardozo : D’une part, des études sur l’industrie de la défense et, d’autre part, la formation d’ingénieurs qui travailleront dans cette industrie?

Anessa Kimball : Oui.

M. Berkok : Merci. Je voulais ajouter quelque chose.

Premièrement, permettez-moi de parler des ingénieurs. Vous avez mentionné et utilisé le mot « ingénieur ». On n’a pas besoin d’ingénieurs militaires, on peut toujours embaucher des ingénieurs civils pour travailler dans la défense.

En ce qui concerne les cours d’économie de la défense, ma collègue, Mme Kimball, a mentionné qu’il y en a au plus deux dans le premier cycle. Je suis fier de dire que nous en avons deux au Collège militaire royal.

J’ajouterai que ce n’est pas seulement les cours que nous proposons dans des universités. Ainsi, je sais, depuis ce matin, que nous allons rencontrer le 17 décembre le chef de cabinet de la sous-ministre adjointe, au ministère de la Défense. Depuis le Collège militaire royal, et peut-être avec d’autres collègues, des collègues intéressés d’autres universités, je vais diriger le projet de cours qui sera offert au ministère de la Défense sur l’approvisionnement, notamment en réponse au fait qu’il doit détacher 50 fonctionnaires à la nouvelle Agence de l’investissement pour la défense, qui relève de Services publics et Approvisionnement Canada. Ce cours sera sanctionné par un certificat.

Il y a au moins un manque, mais je suppose que le cours que nous allons offrir pourrait le combler en partie.

En ce qui concerne la gestion de la défense, je ne connais aucune université qui propose ce type de cours. Le Collège militaire royal en propose peut-être, dans son département de gestion. Je parle ici en tant que professeur au Collège militaire royal.

Le sénateur Cardozo : Professeure Kimball, je ne suis pas certain de bien vous citer, mais vous avez parlé de nous concentrer sur certains secteurs de l’industrie de la défense.

Selon vous, quels sont nos points forts et quels sont les domaines que nous devrions développer en priorité à court terme, dans les deux à cinq prochaines années?

Anessa Kimball : Cela dépendra en partie des pays que le gouvernement doit trouver pour les partenariats stratégiques. En général, nous parlons de nos points forts, et c’est sur cela que nous devrions communiquer. En réalité, il faut un mélange de coopération et de bons partenariats. Nous voulons des domaines dans lesquels nous sommes forts, mais aussi des domaines dans lesquels nous avons besoin de soutien.

Je suis un peu inquiète de voir que nous parlons de nos points forts, mais moins des domaines dans lesquels nous avons besoin de soutien. La coopération est possible lorsque l’on a quelque chose à apporter, mais aussi des besoins.

Nous nous intéressons à l’IA, à la cybersécurité, entre autres. Je soulignerai aussi que certains des domaines dont nous parlons sont lourds de conséquences environnementales, mais nous n’en parlons pas. Nous mettons de côté les conséquences environnementales.

C’est une préoccupation majeure, si nous essayons d’inciter les jeunes à étudier la défense. Ils s’intéressent aux changements climatiques et à l’environnement, et ils sont certainement préoccupés par ce type de questions. Il y a là un risque de tomber dans un piège.

Le sénateur Cardozo : Ai-je raison, professeur Berkok, de dire — je vous paraphrase, ou en utilisant un autre exemple — que nous n’avons pas besoin de construire tout l’aéronef ou l’avion à réaction, mais nous pouvons nous spécialiser dans des parties de celui-ci?

M. Berkok : C’est exact. Je vous ai donné l’exemple de Raytheon, aujourd’hui RTX, la société américaine. L’aéronef qu’elle produisait, le Sentinel, a été utilisé par la Grande-Bretagne de 2007 à 2021. La cellule était celle de notre avion Bombardier. Nous savons que Bombardier a investi des milliards, mais qu’il a réussi à produire un avion à fuselage étroit; c’est à présent l’Airbus 220. Nous avons cette capacité, ce créneau particulier. Ensuite, Saab a proposé à Bombardier un partenariat stratégique pour ce même type d’aéronef.

Le partenaire canadien, Bombardier, produira la cellule et le suédois Saab produira tout l’équipement nécessaire pour ce qui est des capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, et il s’agit d’un projet d’approvisionnement à venir au Canada.

Lorsque vous côtoyez des gens, vous apprenez. Les Suédois disent qu’ils vont transférer la technologie. Il ne faut pas laisser passer ce genre d’occasions.

Le sénateur Cardozo : Merci.

Le sénateur McNair : En ce qui concerne les F-35, je suis curieux de savoir quels sont, selon vous, les avantages ou les inconvénients d’exploiter une flotte de chasseurs dite mixte comprenant des F-35 et d’autres types d’avions de chasse. Vous avez mentionné l’avion de chasse suédois. Les inconvénients l’emportent-ils sur les avantages?

M. Berkok : Je suppose que vous me posez la question? Puis-je répondre?

Le sénateur McNair : Bien sûr.

M. Berkok : Je dirai simplement ceci : j’ai un ami qui vient de retourner à la vie civile. Il pilotait les Airbus que nous avons dans les forces armées, les avions ravitailleurs ou de transport. Quand il parlait des avions de combat, il parlait de « terrain de jeu ». Il entendait par là l’infrastructure, le personnel, les techniciens et les autres éléments nécessaires pour faire voler ces appareils. Les forces armées s’inquiètent à juste titre du fait qu’il sera plus coûteux d’exploiter deux flottes, ce qui est parfaitement vrai.

Nous devons examiner la coexistence de ces flottes sous plusieurs angles pour arriver à une évaluation complète. Il y a le NORAD. Il est tout à fait logique que les F-35 volent avec des aéronefs américains. Du point de vue de l’interopérabilité opérationnelle, il est essentiel que nous volions avec des F-35.

De même, en ce qui concerne les autres interventions, les opérations de soutien de la paix ou toute autre opération à l’étranger, cette nécessité d’interopérabilité peut être plus importante parce que tout le monde n’aura pas de F-35. Certains auront d’autres aéronefs. C’est le point de vue des forces armées dans le cas présent.

Sur le plan économique, le F-35 est la meilleure chose qui soit arrivée à notre secteur de l’aérospatiale. La ministre Joly a déclaré que les retombées économiques ne suffisaient pas. Elle n’a pas pris en compte la qualité des retombées économiques. Une quarantaine d’entreprises canadiennes fabriquent au Canada et expédient des pièces Lockheed Martin. Les gens ne pensent qu’aux résultats finaux en matière d’équipement, alors que les entreprises canadiennes ont réussi à remporter tous ces contrats haut la main, preuve qu’elles sont à la pointe de la technologie.

D’un autre côté, je suis partagé. Il y a trois jours, vendredi dernier, le même ami m’a demandé de confirmer que je n’étais pas favorable au Gripen. Je n’ai pas à être favorable à quoi que ce soit. Nous devons examiner la situation de manière objective. Si nous n’achetons pas le Gripen, nous pouvons développer avec Saab, Bombardier, et le Gripen, un aéronef de sixième génération. Ce n’est pas le Gripen ou le F-35, mais plutôt le Gripen 6.0, si je puis dire. Beaucoup d’éléments entreront en ligne de compte.

Pour l’instant, personne ne peut nier que cela reviendra plus cher si nous achetons moitié-moitié. J’ai lu dans la presse que nous devrions en acheter 44, soit la moitié, puis acheter quelques Gripen.

Anessa Kimball : En ce qui concerne les coûts, M. Berkok a raison de dire qu’il sera plus coûteux d’exploiter une flotte mixte. Ce qui est intéressant, c’est que l’un des arguments de vente de Saab est que le Gripen coûte moins cher à utiliser. Son coût d’exploitation et de maintenance est moins élevé sur toute la durée de vie de l’aéronef.

Encore une fois, Saab fabrique beaucoup de produits remarquables. Le Canada et Saab peuvent collaborer dans de nombreux domaines, et je ne vois absolument aucune raison pour laquelle le Canada ne pourrait pas faire appel à ses travailleurs hautement qualifiés pour produire des Gripen destinés à d’autres pays. D’autres alliés de l’OTAN, par exemple, utilisent des Gripen. Le Canada pourrait envisager de louer des Gripen à des partenaires d’Europe centrale et orientale qui n’ont pas les moyens de les acheter, ce qui constituerait une partie de notre contribution. Je ne sais pas. Il n’y a que les experts en politique pour avancer l’idée qu’il faille choisir l’un ou l’autre et qu’il y ait en quelque sorte un échange. Ce ne sont certainement pas les économistes, car nous dirions qu’une coopération serait dans bien des domaines au cours des cinq à dix prochaines années, au lieu de mettre ces appareils en concurrence.

Le sénateur McNair : Je vous remercie.

Le président : Merci.

[Français]

La sénatrice Youance : Professeur Kimball, vous avez mentionné l’occasion que le Canada doit saisir de renforcer ses alliances et d’atteindre la résilience. À quel niveau parlez-vous de résilience? Est-ce en matière de capacité de défense du Canada ou dans les politiques d’approvisionnement? Dans quelle mesure peut-on intégrer la résilience dans les politiques d’approvisionnement au-delà de considérations budgétaires?

Anessa Kimball : Quand on parle de la résilience en matière de défense et d’acquisition, on parle des chaînes d’approvisionnement, des chaînes de valeur et de choisir nos partenaires de façon stratégique. Peut-être identifiera-t-on certains États avec qui l’on veut explorer une plus grande collaboration, notamment la Corée du Sud avec qui on a une empreinte de défense très minimale. La Corée du Sud a des capacités qui sont très intéressantes pour le Canada. On a tendance de nous tourner vers les Européens. C’est maintenant le moment d’ouvrir de façon plus large nos occasions de partenariat.

La résilience commence avec l’infrastructure et va jusqu’à s’assurer que notre secteur de défense sera résilient si jamais il y a une rupture complète avec les Américains. On a une forte dépendance envers ces derniers. Même dans nos grands projets d’acquisition en défense, il existe une intégration. Dans cette optique, j’ai évoqué l’idée d’identifier ce que le NORAD a et que le Canada n’a pas. Il faut réfléchir à cela, car il se peut que nous soyons complètement bloqués de tout accès en cas de cessation de notre collaboration avec les Américains. Où en sommes-nous? Il me semble qu’il y a plusieurs secteurs où nous serions à risque sans le soutien ou à tout le moins l’accès aux informations satellites fournies par nos alliés et nos partenaires, comme le Groupe des cinq.

La sénatrice Youance : Merci.

Dans quelle mesure les partenariats seront-ils durables? Ne vont-ils pas se retourner contre nous comme les États-Unis l’ont fait?

Anessa Kimball : Cela dépend beaucoup de la manière dont on bâtira nos partenariats avec nos alliés.

J’examine la conceptualisation de nos accords en défense et en sécurité. Il y a des moyens d’essayer de protéger nos intérêts, notamment en s’assurant qu’il y a des dispositions à la révision. Aux deux ou trois ans, on révisera le tout, et si jamais on doit y apporter des modifications, on les apportera. On vient de signer un accord avec l’Australie et l’Inde. Il comprend ce type de dispositions.

On a besoin de bâtir cette confiance. Ce n’est pas dès le lendemain qu’on créera la confiance, ce sera pas à pas, projet par projet.

La sénatrice Youance : J’ai une petite question pour M. Berkok.

Vous avez mentionné le partenariat public-privé. Lequel serait nécessaire pour soutenir une base industrielle de défense robuste et adaptable pour le Canada?

M. Berkok : Merci de la question.

Le mot privé n’est pas vraiment désirable dans ce pays. Pourtant, il y a six, sept ou huit ans, je suis allé en Angleterre, j’ai examiné de près le programme d’avions ravitailleurs, et le général à qui j’ai parlé m’a dit que cela marche trop bien. Cela étant dit, la même méthode de partenariat ne marche pas trop bien avec leurs vaisseaux de ravitaillement. Cela dépend donc des conditions. Avec les avions ravitailleurs, il m’a dit que cela fonctionne très bien. Je peux toujours vous fournir le rapport que j’ai remis au ministère de la Défense.

La sénatrice Youance : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, voilà qui conclut notre temps avec ce groupe. Je tiens à remercier la professeure Kimball et le professeur Berkok d’avoir pris le temps de nous rencontrer aujourd’hui. Merci de nous avoir fait profiter de votre temps et de vos connaissances.

Si vous avez quoi que ce soit à transmettre, n’hésitez pas à le faire. Nous serons heureux de recevoir vos suggestions, vos documents ou vos articles.

M. Berkok : Merci.

Anessa Kimball : Merci beaucoup.

Le président : Pour ceux qui se joignent à nous aujourd’hui en direct, nous sommes réunis pour entendre des témoins dans le cadre de notre étude sur le processus d’approvisionnement en matière de défense dans le contexte de l’engagement du Canada à augmenter ses dépenses de défense.

Dans le prochain groupe, nous avons le plaisir de recevoir Philippe Lagassé, professeur agrégé à la Norman Paterson School of International Affairs de l’Université Carleton. Je vous remercie de votre présence. Nous accueillons également Jill Scott, rectrice du Collège militaire royal du Canada. Nous avons aujourd’hui une réunion d’anciens élèves. Je vous remercie de votre présence.

Je commencerai par vous inviter à présenter vos observations préliminaires, puis les sénateurs vous poseront des questions. Vous disposez chacun de cinq minutes pour votre exposé.

Nous commencerons par Mme Scott. Vous avez la parole, je vous en prie.

[Français]

Jill Scott, rectrice, Collège militaire royal du Canada : Bonsoir tout le monde. Merci de l’invitation. Je suis ravie d’être ici parmi vous.

Je tiens d’abord à souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

[Traduction]

À titre d’information, en tant que rectrice du Collège militaire royal du Canada, j’occupe le poste de conseillère spéciale auprès du ministre de la Défense nationale et j’assume la responsabilité globale des activités académiques et de recherche du collège, au service des Forces armées canadiennes, et du ministère de la Défense nationale, le MDN.

Avant cette nomination, j’ai occupé pendant plus de 10 ans des postes administratifs de haut niveau dans de grandes universités de recherche. En tant que professeure titulaire, j’ai à mon actif de nombreuses publications universitaires, ainsi que des résultats exceptionnels dans l’enseignement et la supervision des étudiants aux études supérieures. Je prends ma citoyenneté très au sérieux et je suis fière de servir le CMR, le MDN et le Canada.

Pour ceux qui ne connaissent pas le CMR, il s’agit d’une unité militaire et d’une université de défense dont la mission particulière est de former des officiers pour les FAC grâce à un programme de quatre ans reposant sur quatre piliers : les études; la condition physique et le bien-être; le bilinguisme et le leadership militaire. Il propose 22 programmes de premier cycle, 14 programmes d’études supérieures ainsi que plusieurs diplômes militaires professionnels. Les activités éducatives du CMR sont axées de manière unique sur le développement de forces prêtes, résilientes et pertinentes.

Ce qui est moins connu, c’est que le CMR possède un secteur de recherche dynamique qui compte la plus forte concentration au Canada d’experts en défense issus des milieux universitaires, dont cinq titulaires de chaires de recherche du Canada. Ces experts investissent annuellement 20 millions de dollars dans la recherche fondamentale et appliquée dans des domaines variés, tels que l’informatique quantique, la cybersécurité, l’intelligence artificielle, ou IA, les drones, la télédétection dans les régions arctiques et les infrastructures en milieu pergélisol, mais aussi la santé mentale et l’inclusion des genres dans les forces armées, l’intégrité électorale, la sécurité et le renseignement et, bien sûr, l’approvisionnement en matière de défense. Le Collège militaire royal contribue de manière significative à l’innovation pour les FAC et le secteur de la défense et de la sécurité du Canada, et le moment est venu d’amplifier et d’accélérer ces travaux.

On a beaucoup parlé de souveraineté en matière de défense, mais il faut aussi se préoccuper de la souveraineté en matière de recherche de défense. Cela signifie garantir la protection et le maintien de nos propres capacités à développer des innovations en matière de défense, que ce soit dans les domaines technologique, politique ou social. Nous ne voulons pas externaliser cette capacité.

Bien que votre comité s’intéresse à l’acquisition de matériel de défense, nous ne pouvons ni ne devrions acheter tout ce dont nous avons besoin. Un secteur de la défense et de la sécurité solide exige également d’investir dans un vivier de talents et dans la relève scientifique en matière de défense. Nous pouvons acquérir des drones, des avions, des chars et des sous-marins, mais nous voulons exercer notre souveraineté en matière de conception des outils de haute technologie de nouvelle génération en développant l’IA qui les sous-tend. Cela garantira que notre éthique et nos valeurs sont intégrées au code.

Les investissements en recherche peuvent parfois porter leurs fruits rapidement, mais les percées les plus importantes prennent souvent des décennies. Il est essentiel de planifier à la fois à court et à long terme et de veiller à investir de manière stratégique. La recherche fondamentale et la recherche appliquée sont tout aussi importantes. La recherche appliquée produit des résultats précis, mais c’est la recherche guidée par la curiosité qui engendre les innovations les plus disruptives.

Aujourd’hui, la sécurité de la recherche est primordiale. C’est pourquoi nous collaborons à un projet informatique ultrasécurisé. Le CMR est la seule université habilitée à mener des recherches classifiées. Nous répondons aux exigences, mais il faut accroître les investissements. En ce moment, nous avons besoin de collaborations multi-institutionnelles, multidisciplinaires et multifacettes de grande envergure entre l’industrie, le gouvernement et les universités, à l’échelle nationale et avec des partenaires internationaux de confiance. Le Collège militaire royal peut travailler avec Recherche et développement pour la défense Canada et d’autres organismes afin de bâtir et de faciliter ces partenariats, conformément aux priorités énoncées dans nos documents stratégiques.

Le Collège militaire royal a déployé des efforts considérables ces dernières années pour se positionner à l’avant-garde en matière de diversité et d’inclusion. En tant qu’université de la défense, le CMR ne se contente pas d’appliquer l’analyse comparative entre les sexes Plus; des chercheurs étudient comment instaurer un changement durable au sein de la culture institutionnelle militaire pour tous les groupes qui aspirent à l’équité et les Autochtones du Canada. À mesure que notre organisation de la défense prend de l’ampleur, nous devons intégrer profondément ces valeurs au sein des FAC.

Enfin, alors que nous nous engageons à consacrer 2 %, 3,5 % ou 5 % du produit intérieur brut, ou PIB, aux dépenses de défense, nous devons veiller à ce que cela contribue à la croissance et au développement économiques dans les secteurs les plus importants pour les Canadiens : le logement, la santé, les infrastructures et le bien-être social.

Cela implique de promouvoir les technologies à double usage, d’investir dans des projets à faible niveau de maturité technologique, mais aussi dans les technologies à triple usage qui soutiennent le secteur de la défense, la croissance économique et le bien-être social.

En résumé, nous ne pouvons pas acquérir tout ce dont nous aurons besoin pour renforcer la défense de notre pays. Le moment est venu d’investir dans la recherche au service de l’innovation, et le CMR peut nous y aider. Merci.

Le président : Merci, madame Scott.

Nous allons maintenant entendre la déclaration de M. Lagassé.

[Français]

Philippe Lagassé, professeur agrégé, Université Carleton, à titre personnel : Merci, monsieur le président.

J’apprécie cette occasion de me présenter devant le comité pour discuter des acquisitions militaires.

Le système d’approvisionnement doit être réformé. Il y a un consensus à ce sujet. Qu’est-ce que cela veut dire « réformer le processus d’acquisition »? Tout simplement que le gouvernement doit être beaucoup moins réticent à prendre des risques.

Il y a trop de ministres, de départements et d’incitations concurrentes en jeu. Il convient d’adopter des méthodes agiles et une nouvelle approche des technologies émergentes. De manière plus générale, le système d’approvisionnement comporte tout simplement un excès de processus.

[Traduction]

Le gouvernement a récemment créé l’Agence de l’investissement pour la défense, l’AID, afin de contribuer à résoudre ces problèmes de processus. L’agence cherche à réduire le nombre de ministères impliqués dans les achats militaires et à accélérer l’ensemble des processus. La création de l’agence et ses efforts pour réduire les processus constituent un bon début, mais son action est limitée puisque ses acquisitions doivent dépasser 100 millions de dollars.

Par ailleurs, l’agence a été créée en tant qu’organisme de service spécial au sein de Services publics et Approvisionnement Canada. Elle n’a donc pas ses propres pouvoirs ni son propre statut issus de la loi.

Enfin, l’agence relève du secrétaire d’État (Approvisionnement en matière de défense), et non d’un ministre de premier rang. Tout cela augure bien, mais nous devrions nous attendre à plus.

Je tiens également à souligner l’importance d’être attentifs aux aspects politiques et de planification de l’équation des achats. Il est tentant de réduire l’objectif des achats de défense à l’achat de ce dont l’armée a besoin. Cependant, cela omet un élément essentiel. Les achats de défense consistent à acheter ce dont l’armée a besoin pour atteindre les objectifs politiques du gouvernement. Ces objectifs peuvent concerner ce que le gouvernement attend des forces armées et, plus largement, les objectifs que le gouvernement attribue aux acquisitions de défense, notamment la politique industrielle, la croissance économique et les partenariats internationaux.

[Français]

Une réforme significative des acquisitions militaires doit également impliquer un leadership ministériel plus fort. À bien des égards, les achats en défense sont ce qu’ils sont, parce que les gouvernements successifs n’ont pas voulu les changer. En d’autres mots, on a le processus d’acquisition que l’on veut. Nous devrions demander aux ministres d’exercer leur autorité de manière plus décisive et peut-être de leur donner les moyens de prendre des décisions en se basant sur leur jugement de ce qui est dans l’intérêt national.

[Traduction]

Bien que l’on dise souvent que les achats sont trop politisés au Canada, la politique n’est pas toujours une question de partisanerie. Je souligne au passage que je me trouve en ce moment dans la chambre haute.

Faire des achats dans le domaine de la défense un instrument de politique gouvernementale est également une forme de politique. Les gouvernements canadiens ont eu tendance à éviter de politiser les acquisitions militaires dans ce sens, c’est-à-dire comme un outil de diplomatie, de construction nationale et, en fait, de realpolitik.

Comme il a été indiqué précédemment, certains signes indiquent un changement, notamment l’annonce dans le budget de 2025 de l’Agence de l’investissement pour la défense et la stratégie industrielle de défense promise, mais les ministres devront faire preuve de plus d’audace, surtout s’ils souhaitent que les Forces armées canadiennes soient plus autonomes et souveraines. Pour y parvenir rapidement et efficacement, le premier ministre et le Cabinet devront mieux utiliser leur pouvoir décisionnel.

[Français]

Enfin, on doit se demander quel type d’armée est nécessaire pour mettre en œuvre la politique. Cet aspect soulève des questions complexes telles que la gestion des flottes, les chaînes d’approvisionnement, la garantie de la conjonction, l’intégration et l’interopérabilité entre les systèmes et l’optimisation des effets, le tout dans le cadre d’une enveloppe budgétaire définie avec des ressources humaines limitées.

Cet aspect des achats de défense ne peut pas être accéléré de manière excessive. Pour procéder à des achats intelligents, nous devons planifier de manière réfléchie et agir rapidement par la suite. Les raccourcis et la vitesse à la phase de planification peuvent retarder considérablement les choses.

[Traduction]

Nous devons planifier de manière réfléchie, puis agir rapidement. La nécessité de planifier de manière réfléchie est particulièrement importante au Canada. Le public soutient actuellement les augmentations importantes des dépenses de défense. Cependant, si une planification précipitée ou imprudente entraîne une série de controverses en matière d’approvisionnement, le public pourrait se montrer réticent à l’égard des dépenses de défense. Si cela se produit, nous pourrions disposer d’un système d’approvisionnement plus rapide, mais avec beaucoup moins de choses à acheter. Merci.

Le président : Merci, monsieur Lagassé. Nous allons maintenant passer aux questions de mes collègues. Je cède la parole à notre vice-président, le sénateur Al Zaibak.

Le sénateur Al Zaibak : Ma question porte sur la faiblesse — ou l’échec perçu — du Canada en ce qui concerne l’approvisionnement, qui a souvent été attribuée à un manque de clarté de la hiérarchie des responsabilités entre les divers ministères.

À votre avis, quelles sont les réformes précises à apporter au cadre de gouvernance pour que la responsabilité de l’exécution des grands projets militaires soit attribuée à une seule instance? La création de l’AID pourrait être un bon début mais, comme vous l’avez dit, elle n’a peut-être pas les pouvoirs nécessaires.

M. Lagassé : Je pense que le problème à cet égard vient de ce qu’il y a plusieurs ministères et ministres responsables dont les objectifs divergent. Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes cherchent à obtenir le meilleur matériel possible pour les forces armées, selon la politique en matière de défense. Services publics et Approvisionnement Canada cherche à établir un mécanisme de passation des marchés le plus juste possible pour répondre à cette attente, et les entreprises canadiennes cherchent à tirer profit de ces marchés. Enfin, le Conseil du Trésor et le Secrétariat du Conseil du Trésor cherchent à réduire les risques au minimum.

La question est de savoir comment concilier ces diverses motivations de façon plus efficace. Je crois que vous avez raison. La création de l’AID constitue un premier pas dans la bonne direction, mais il faut renforcer le cadre législatif. Ma recommandation serait de jeter un œil du côté de la Loi sur la production de défense, qui mérite vraiment qu’on s’y attarde. La dernière fois que nous avons réussi à atteindre les niveaux de dépenses de défense et de mobilisation de l’industrie visés en ce moment, c’était avant la guerre de Corée.

La Loi sur la production de défense de 1950 propose un modèle de hiérarchie des responsabilités et d’octroi de pouvoirs au ministre responsable de la production de défense qui pourrait certainement nous inspirer aujourd’hui.

Pour revenir à votre question, sénateur, si nous voulons avoir un ministre responsable qui a le pouvoir d’agir, nous pourrions envisager de modifier la Loi sur la production de défense pour désigner un ministre responsable et lui donner les pouvoirs nécessaires pour concilier toutes ces motivations et tous ces plans.

Le sénateur Al Zaibak : Merci. Merci à vous deux. Vous nous avez offert des angles de vue fort intéressants.

Ma question à l’intention de Mme Scott portera sur les investissements et l’approvisionnement. Il faut beaucoup de temps avant de voir les résultats des investissements dans la recherche-développement, comme vous l’avez souligné à juste titre, et il y a une distinction à faire avec les investissements dans les technologies canadiennes et dans les industries, y compris celles de la défense, qui ont passé le stade de la recherche-développement et qui doivent passer aux étapes de la commercialisation, de la productisation et de l’expansion.

Quels sont les objectifs de nos pratiques d’approvisionnement en matière de défense actuellement, et comment pouvons-nous saisir l’occasion pour promouvoir les technologies canadiennes à ce stade?

Mme Scott : Je peux répondre à une partie seulement de votre question. De toute évidence, nous ne pouvons pas seulement faire de la recherche. Nous devons aussi nous assurer d’avoir les plateformes et les capacités nécessaires pour perfectionner les innovations et en arriver aux étapes de l’utilisation, de la fabrication et de l’exploitation.

C’est clair qu’il faut investir davantage à ce stade. Il faut favoriser une collaboration efficace entre les scientifiques militaires et l’industrie, investir au stade de l’incubation et soutenir la création de ce type de partenariats, à l’échelle nationale, locale ou internationale. L’industrie doit jouer un rôle de premier plan et il doit y avoir un va-et-vient. Le processus ne doit pas être à sens unique. Les meilleures innovations sont le fruit d’un processus itératif.

Ces partenariats doivent être solides et notre système d’approvisionnement fait face à de réels défis pour ce qui est de favoriser ce genre de dialogue.

Le sénateur Al Zaibak : Merci. Nous allons prendre bonne note de vos recommandations sur la manière de relever ces défis. Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : J’aimerais poser une question sur une autre étape en matière de technologie. On a vu que le gouvernement canadien n’était pas très bon pour acquérir du matériel militaire. Je pense qu’il est encore pire quand c’est le temps d’aller dans les technologies. Je pense que le gouvernement fédéral, comme plusieurs gouvernements provinciaux, a beaucoup de difficultés à acquérir des systèmes de technologie. Je suis inquiet par rapport à la défense en particulier.

J’aimerais vous entendre sur les risques que vous voyez par rapport à plusieurs choses, notamment l’acquisition de technologies, l’intégration de celles-ci, la création de l’agence pour les projets de plus de 100 millions de dollars et les dépenses de 100 millions de dollars et moins qui suivront le processus habituel. Certains projets technologiques seront de moins de 100 millions de dollars. Comment cela va-t-il s’intégrer avec ceux qui seront achetés par l’agence? Je suis très inquiet. Comment voyez-vous cela? Avez-vous la même inquiétude? Si oui, quelle sorte de solution y a-t-il? Peut-on avoir un chef de la technologie dans l’agence ou quelque chose qui permettra une meilleure intégration? L’achat de sous-marins, c’est une chose, mais le fait de savoir comment la technologie s’intègre avec les F-35 et tout l’ensemble des systèmes, c’est autre chose. Je suis inquiet. J’aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lagassé : Je suis d’accord avec vous, sénateur Carignan. C’est un enjeu important. Un des grands défis de la part des Forces armées canadiennes avec les processus actuels que nous avons est que l’énoncé de besoins est créé et que cela prend parfois jusqu’à 10 ans pour se doter de capacités. Les énoncés de besoins ne sont pas mis à jour avec la technologie qui est à la fine pointe.

En ce qui a trait aux questions d’intégration, on a une grande dépendance face au fait que les États-Unis développent leur technologie et leurs systèmes. Nous nous dotons de capacités américaines, ce qui assure une intégration entre les systèmes, parce que le système a déjà été fait par les États-Unis. Il faut reconnaître que quand on va tenter de diversifier nos capacités, cela augmentera les défis que vous avez mentionnés. Je suis entièrement d’accord que cela prendra de la planification de la part du ministère ou de l’agence pour s’assurer que lorsque l’on développera certaines technologies, non seulement on sera en mesure de les acheter rapidement et souvent pour s’assurer qu’on reste à la fine pointe, mais on envisagera une façon d’intégrer les technologies qu’on développe ici au Canada avec celles de nos alliés. C’est un défi qui est quand même assez important. Comme vous le notez, cela deviendra encore plus difficile.

Je noterais par contre qu’on devrait être en mesure d’adopter des méthodes d’acquisition qui nous permettent de nous doter de capacités en technologie, surtout en informatique, plus rapidement. Ça existe. On les connaît. J’espère que cette nouvelle agence intégrera ces nouvelles méthodes pour se doter de nouvelles technologies plus facilement et plus rapidement.

Le sénateur Carignan : Même si c’est en bas de 100 millions de dollars?

M. Lagassé : Éventuellement, l’agence s’agrandira pour également s’occuper des acquisitions en bas de 100 millions de dollars. Je tiens pour acquis qu’elle s’intégrera de façon plus prononcée et que toutes les acquisitions militaires vont se retrouver avec l’agence. Même si n’est pas le cas, j’espère que si on est en mesure de modifier les réglementations et les processus pour permettre au ministère de la Défense nationale d’utiliser ces nouvelles méthodes, on le permettra également à l’agence dans les deux cas. C’est davantage une question de processus qu’on doit adapter et non pas nécessairement du ministère ou de l’agence.

Le sénateur Carignan : Merci.

Mme Scott : J’ajouterais à la discussion qu’il faut garder en tête que si on voit des défis avec des équipements, cela fait 30 ans qu’on n’a pas investi de façon importante dans notre équipement militaire. Il s’agit d’une culture qui met un frein sur les dépenses de toutes les sortes. C’est sûr que c’est pour assurer la comptabilité, mais cela prendra du temps pour changer cette culture. C’est vraiment une culture qui a une aversion pour le risque. Je crois que cela prendra du temps. Il faudrait travailler de façon assidue pour changer cela.

Le sénateur Carignan : Le fait que l’agence et l’approvisionnement ne sont pas la même entité et vont nécessairement acquérir ou investir dans la technologie, est-ce que cela poserait problème? Pensez-vous qu’ils pourront trouver des solutions d’intégration de fonctionnement pour s’assurer que les technologies puissent s’imbriquer l’une dans l’autre?

Mme Scott : C’est une bonne question. Je ne suis pas sûre d’être experte sur cette question.

Le sénateur Carignan : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Cardozo : Je vais débuter avec Mme Scott. Pouvez-vous nous parler des compétences et de l’expertise à développer? Vous avez mentionné que le CMR se concentre sur la formation des officiers-cadres et la recherche.

Pensez-vous que vous aurez un plus grand rôle à jouer à mesure que l’industrie de la défense prendra de l’expansion au Canada? Que pourrions-nous faire d’autre pour élargir la formation à plus de personnes à l’échelle du pays? Vous avez entendu les témoins précédents. Il y a le volet recherche, mais il faudra aussi former ceux qui vont construire et fabriquer les équipements dont nous voulons nous munir.

Mme Scott : Je vous ai déjà parlé des capacités précises du Collège militaire royal. C’est une petite institution, certes. Elle est beaucoup moins importante en taille que les grandes institutions postsecondaires du pays.

Si on parle de capacité pure, c’est clair que nous n’aurons pas le choix de trouver des partenaires.

Je trouve important de rappeler que le collège est la seule université de défense et la seule institution qui relève vraiment du fédéral. Le collège fait partie du MDN. Cela lui donne, si on veut, une orientation qui sera importante quand viendra le temps de faire ces investissements.

Nous devrons être en mesure de renforcer les capacités dans les différents secteurs. Il faudra établir des collaborations, autant dans le domaine de la recherche que dans le cadre des différents programmes que nous voulons mettre en place.

M. Berkok a parlé de façon éloquente des défis liés à l’éducation en matière d’approvisionnement de défense. Des discussions sont en cours en vue de la création de programmes de diplôme axés sur l’approvisionnement de défense, étant entendu que ce n’est pas le genre de programmes qui peuvent être formatés… On ne peut pas dire à quelqu’un qu’il y a telle ou telle connaissance à acquérir et que nous allons la lui transmettre.

Nous parlons ici de certificats et de diplômes d’études supérieures, ce genre de choses qui mènent à d’autres projets plus importants. Il faut avoir un nombre suffisant de chercheurs qui réfléchissent à cela et élaborent ce programme, mais qui profitent de l’occasion pour le faire de manière à élargir notre base de connaissances dans ces domaines et ces secteurs.

Le rôle du Collège militaire royal consiste à former, mais également à faciliter les partenariats de ce genre et à jouer le rôle de guide, en raison de la densité et de l’intensité de l’expertise dont nous disposons. Je dirais que, même si nous offrons 22 programmes de premier cycle et 14 programmes d’études supérieures, tous ne sont certainement pas orientés vers la défense. Il s’agit néanmoins d’une université axée sur la défense. C’est l’atmosphère dans laquelle nous vivons.

Qu’il s’agisse du génie civil et des travaux sur le pergélisol — des routes résistantes au pergélisol — ou des évaluations environnementales et des travaux particuliers avec l’armée, il y a là des capacités vraiment importantes qui peuvent apporter une valeur ajoutée.

Je ne parle pas particulièrement et uniquement de l’approvisionnement, mais nous devons penser aux groupes d’experts et à ces autres formes de capacités en même temps que nous réfléchissons aux questions d’approvisionnement.

Le sénateur Cardozo : Je me concentre sur le développement de l’industrie. Diriez-vous qu’il existe une certaine transférabilité des compétences? Par exemple, nous constatons déjà que l’industrie automobile subit des compressions en raison des droits de douane. Y a-t-il des possibilités pour certains de ces travailleurs d’exercer dans l’industrie de la défense, par exemple dans la construction de véhicules blindés légers? N’y a-t-il pas un lien direct entre ces deux secteurs?

Mme Scott : C’est une excellente question. Il ne faut pas sous-estimer les défis que représente le fait de prendre un secteur — ici, le secteur automobile, qui connaît actuellement certaines difficultés — et de dire qu’il doit certainement exister un moyen de réorienter ce secteur vers les technologies de défense.

C’est un énorme défi. Je ne dis pas que c’est impossible, mais il faut être réaliste quant au temps requis pour mener à bien une telle réorientation. On peut parler de perfectionnement et de reconversion professionnelle, mais, en réalité, c’est plus difficile qu’il n’y paraît. Il faut faire preuve d’un peu de réalisme.

Le sénateur Cardozo : Deuxième tour.

[Français]

La sénatrice Youance : Ma première question s’adresse à Mme Scott.

Vous y avez répondu en partie en répondant au sénateur Cardozo. Vous avez mis de l’avant comment le collège peut se positionner, les défis d’une réorientation de notre industrie de véhicules, et cetera. Dans quelle mesure cette réorientation ou cette innovation locale dans les chaînes d’approvisionnement de défense peut-elle être compétitive à l’international? Deuxièmement, est-ce que le Canada pourrait tirer des enseignements d’expériences internationales réussies en matière de coopération industrielle et de technologie en défense?

Mme Scott : Ce sont de grandes questions. La question sur l’innovation locale et comment est-ce qu’on peut —

La sénatrice Youance : Être compétitif.

Mme Scott : — être compétitif au niveau national et même international. À vrai dire, je ne sais pas si je suis l’experte sur cette question. Mon expertise se situe plutôt vers le secteur postsecondaire et universitaire sur la recherche.

La sénatrice Youance : Pourriez-vous répondre au niveau de la recherche?

Mme Scott : Au niveau de la recherche, il est sûr qu’il y a beaucoup de choses à ajouter. On bâtit sur des forces. Par exemple, si on regarde nos contributions au niveau international, le Canada a vraiment beaucoup à offrir. Il s’agit de réorienter l’entreprise de recherche de plusieurs universités vers la défense. D’après mes discussions des derniers mois, je constate qu’il y a une réelle ambition d’embarquer de façon intensive et ambitieuse dans ce moment très important pour le Canada.

La sénatrice Youance : Merci.

Pour monsieur Lagassé, encore une fois, vous avez répondu un peu à ma question. Toutefois, dans quelle mesure la création de l’Agence de l’investissement pour la défense permettra-t-elle d’améliorer l’efficience et l’efficacité du processus d’approvisionnement? J’aimerais une réponse plus précise sur le processus de transparence des décisions. Comment le gouvernement peut-il concilier transparence démocratique et efficacité stratégique dans les décisions d’approvisionnement?

M. Lagassé : Merci, sénatrice Youance.

La création de l’agence en soi n’augmente pas nécessairement la transparence. Je vous dirais même qu’en absence d’autres mesures ou même au niveau gouvernemental en général, cela demeure un défi. Comme vous dites, cela demeure un problème.

Je vais vous donner l’exemple de votre propre comité. Je crois sincèrement qu’en tant que membres de ce comité, vous devriez avoir des cotes de sécurité pour être notamment en mesure d’évaluer certains projets et pour que les généraux et les fonctionnaires qui se présentent devant vous, à huis clos dans certains cas, soient en mesure de vous expliquer les raisons pour lesquelles certains choix ont été faits. Pourquoi a-t-on développé un énoncé de besoins qui nous amène dans une certaine direction? Ce ne serait plus simplement de vous dire que vous devriez nous faire confiance, que ce sont des énoncés de besoins et qu’il faut simplement les accepter. Cela n’est pas un processus démocratique. Vous êtes la Chambre haute : vous êtes donc en mesure d’étudier ces questions d’une manière moins partisane. C’est une occasion importante pour vous d’avoir des cotes de sécurité, d’être en mesure de comprendre pourquoi ces choix sont faits et les raisons qui expliquent que les processus suivent ces méthodes. C’est une manière de faire.

Il faudrait aussi songer à adopter le modèle britannique où le dirigeant principal de l’administration de cette agence est imputable personnellement devant le Comité des comptes publics pour ce que fait l’agence, contrairement à un dirigeant principal de l’administration qui doit répondre, mais où le ministre est imputable. Il y a plusieurs autres processus.

C’est une très bonne question. On doit changer pour s’assurer non seulement d’une plus grande transparence de la part du gouvernement, mais également d’améliorer votre rôle en tant que parlementaires dans ces processus.

La sénatrice Youance : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui.

Ma question s’adresse à M. Lagassé. Vous avez souligné l’importance de planifier nos besoins de manière réfléchie et de nous concentrer sur ceux-ci. Cependant, le gouvernement a augmenté ses dépenses de 1,4 % du PIB à 2 % — soit de 40 à 60 milliards de dollars — en l’espace d’environ un an.

Comment est-il possible de planifier de manière réfléchie? La planification réfléchie a-t-elle déjà été effectuée par le passé? Comment pouvons-nous y parvenir?

Une question connexe se poserait comme suit : vous avez parlé de l’importance de la politique gouvernementale et de la planification pour déterminer les objectifs et les besoins. Encore une fois, comment cette politique et cette planification de la part du gouvernement se rapportent-elles au fait que nous augmentons les dépenses de défense en raison de notre engagement envers l’OTAN? Nous passons donc de 2 % du PIB — notre objectif actuel — à 3,5 % du PIB. Y a-t-il un lien entre nos besoins et ces objectifs?

M. Lagassé : Merci, sénatrice. Je vais commencer par la première question. Y a-t-il un plan dans un délai aussi court?

Je vous dirais qu’il y a de bonnes nouvelles à ce sujet. Si vous regardez le budget de 2025, certains des postes désignés pour les nouvelles dépenses en capital — notamment les véhicules blindés, les camions et les armes de précision — correspondent à des projets lancés en 2017 dans le cadre de la première politique de défense du ministère précédent « Protection, Sécurité, Engagement ». Ces projets se sont finalement révélés être sous-financés dans le cadre de l’allocation budgétaire proposée par le ministère précédent.

Les militaires gèrent un certain nombre de ces projets — ce qu’ils appellent leur « liste des capacités clés » — dans lesquels ils précisent les lacunes dans les dépenses d’investissement actuelles. Certaines des dépenses à court terme correspondent à certains de ces domaines clairement indiqués, qui manquaient de financement.

Les 11 milliards de dollars supplémentaires prévus dans le budget de 2025 sont destinés à l’infrastructure numérique des Forces armées canadiennes. Ce besoin est bien compris. Les Forces armées canadiennes utilisent encore des réseaux cloisonnés et de vieux systèmes hérités. Il est également bien compris que cela doit être fait.

Il y a beaucoup de planification. L’armée planifie toujours trop. Elle est toujours prête à en faire plus si on lui donne plus d’argent. Certains d’entre vous se souviennent peut-être que la ministre Anand est intervenue dans les médias et a tenté de pousser le gouvernement à atteindre les 2 % au cours des dernières années du mandat de Trudeau. Un plan était déjà en place.

En ce qui concerne votre deuxième question, à savoir comment nous allons planifier tout cela à l’avenir et ce qui se cache derrière tout cela, vous soulevez un point important. Nous ne pouvons pas simplement passer de 1,4 % du PIB à 2 % au cours des cinq prochaines années sans une nouvelle politique de défense. Cette politique de défense devrait clairement énoncer ce que nous espérons réaliser avec ces fonds et dans quels domaines.

Au cours des derniers mois du mandat ministériel précédent, il était entendu qu’une stratégie de sécurité nationale était en cours d’élaboration. Beaucoup de choses ont changé depuis novembre 2024. J’espère que la stratégie de sécurité nationale est en cours de révision.

Une fois cette stratégie publiée, je crois qu’il incombe au gouvernement de commencer à élaborer une nouvelle politique de défense découlant de cette stratégie de sécurité nationale. Cette politique indiquera clairement où nos dépenses supplémentaires doivent être consacrées et quelles capacités doivent être renforcées au Canada. Ainsi, un fondement politique clair sera établi pour ces dépenses. De cette manière, des indications et des initiatives claires guideront l’affectation des fonds consacrés à la défense.

La sénatrice Dasko : Merci. J’ai une question à vous poser à tous les deux. Elle concerne le débat d’approvisionnement actuel entre le F-35 et le Gripen.

Comment pensez-vous que nous devrions envisager ce choix? Quels critères devrions-nous prendre en compte lorsque nous devons choisir entre ces deux produits?

M. Lagassé : En fin de compte, il s’agit de choisir entre deux séries de considérations différentes.

Si vous souhaitez optimiser l’efficacité et l’efficience de vos forces armées, il est recommandé d’opter pour une flotte unique de F-35.

Si, en revanche, vous souhaitez trouver un équilibre entre l’efficacité et la diplomatie d’alliance, les investissements économiques au Canada et le renforcement des capacités souveraines, vous pouvez opter pour une flotte mixte. Je tiens à souligner ici que j’espère qu’il s’agira d’une flotte mixte et non du remplacement du F-35 par un autre avion de combat, car cela serait trop coûteux pour les Forces armées canadiennes. Nous nous entraînons déjà sur le F-35 et en avons déjà acheté 16. C’est, à mon avis, le véritable compromis auquel nous sommes confrontés. Souhaitons-nous maximiser l’efficacité et l’efficience militaires ou estimons-nous que l’efficacité et l’efficience militaires doivent inclure la prise en compte de nouveaux partenariats plus solides avec les membres récemment admis dans l’alliance de l’OTAN? Souhaitons-nous également renforcer l’industrie canadienne? C’est finalement au gouvernement qu’il appartient de choisir la meilleure ligne de conduite.

Mme Scott : Je ne suis pas sûre d’avoir grand-chose à ajouter à ce sujet. J’espère qu’à l’avenir, ces débats pourront s’appuyer davantage sur des données factuelles.

La sénatrice Dasko : Merci.

Le président : Ceci conclut notre première série de questions. Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions avec le sénateur Al Zaibak.

Le sénateur Al Zaibak : Monsieur Lagassé, selon vous, quels seront les facteurs qui détermineront le succès ou l’échec de l’Agence de l’investissement pour la défense au cours de ses 12 premiers mois d’existence, et quels indicateurs devrions-nous utiliser, en tant que parlementaires, pour mesurer les progrès accomplis?

M. Lagassé : La première mesure consisterait à examiner la manière dont elle gère le projet canadien de sous-marins de patrouille, qui est le projet phare qui lui a été confié, le degré de transparence dont elle fait preuve autour de cette acquisition, si elle avance au rythme promis et si elle offre à la fois les capacités et les investissements économiques qu’elle envisage.

De manière plus générale, je voudrais voir quels changements sont apportés au règlement et aux processus d’approvisionnement afin de permettre à l’Agence de l’investissement pour la défense d’accélérer les choses, comme elle s’est engagée à faire. Si vous constatez qu’il s’agit simplement de déplacer des lignes et des cases au sein du gouvernement, sans véritable changement au niveau des autorités, des processus et des règlements sous-jacents, cela sera un indicateur négatif. J’encourage le comité à surveiller de près tout changement au projet de loi ou toute modification du règlement, des procédures et autres éléments de cette nature.

Il y a un grand nombre de documents internes au gouvernement du Canada qui détaillent la manière dont l’approvisionnement dans le domaine de la défense est réalisé et les procédures à suivre, y compris la directive sur l’approbation des projets. Si rien de tout cela n’est simplifié, je vous suggère de demander une reddition de comptes aux ministres.

Le sénateur Al Zaibak : Merci.

Du point de vue de l’approvisionnement dans le domaine de la défense, dans quelle mesure pensez-vous que le ministère de la Défense nationale, les Forces armées canadiennes et l’industrie canadienne de la défense pourraient tirer profit des récents partenariats en matière de sécurité et de défense conclus avec l’Union européenne, la Finlande, l’Allemagne, l’Indonésie, la Pologne et la Suède?

Mme Scott : Nous devrions notamment nous demander : quelle est la taille de l’Europe? L’Europe s’agrandit. Nous nous demandons : dans quelle mesure le Canada est-il européen? Je pense qu’il est important de s’appuyer sur ces partenariats.

Le Collège militaire royal du Canada est désormais en mesure de participer pleinement au programme de recherche Horizon Europe, et nous avons plusieurs projets en cours dans ce domaine. C’est un début modeste, mais nous allons résolument de l’avant.

Le sénateur Al Zaibak : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Lagassé?

M. Lagassé : En bref, sénateur, la question est la suivante : si vous souhaitez développer la base industrielle de défense canadienne, vous avez fondamentalement besoin d’acheteurs. Je ne saurais trop insister sur ce point. Si vous voulez que l’industrie investisse et tire profit des investissements réalisés par le gouvernement, elle a besoin d’un acheteur. Cet acheteur de choix doit être en premier lieu le gouvernement du Canada, mais, grâce à ces partenariats, nous pouvons espérer que nos alliés achèteront également.

Cependant, cela exigera un engagement diplomatique beaucoup plus important pour garantir que ces partenariats aboutissent à des résultats concrets. Cela impliquerait, selon moi, d’investir beaucoup plus dans la Corporation commerciale canadienne, afin qu’elle puisse remplir sa mission de vente de produits canadiens à nos alliés et, surtout, cela impliquerait de démontrer que nous achetons d’eux et qu’ils achètent de nous. Il doit y avoir une certaine réciprocité dans ce domaine. C’est l’une de mes préoccupations. Nous recherchons tous des alliés qui souhaitent acheter nos produits, mais nous ne voulons pas nécessairement adapter nos processus pour faciliter l’achat de leurs produits.

Le sénateur Al Zaibak : Il est très important d’avoir des acheteurs, le Canada étant le premier acheteur. Qu’en est-il des investissements? Avez-vous des inquiétudes quant au fait que ces partenaires investissent dans notre industrie de défense stratégique au Canada? Une fois qu’ils ont investi, ils deviennent également des acheteurs logiques et naturels.

M. Lagassé : Oui. Il s’agit de déterminer le genre de partenariats que vous souhaitez établir.

Comme vous le savez, la base industrielle de défense canadienne est actuellement largement orientée vers la vente aux États-Unis. Cela est logique, car ils ont été notre plus proche allié. C’était le marché le plus rentable pour nous. De même, lorsque nous avons acheté autant de capacités américaines, le rendement de cet investissement a été, comme l’a souligné le groupe de témoins précédent, par exemple dans le cas du F-35, de renforcer l’industrie canadienne afin de vendre à d’autres alliés.

Vous avez raison de souligner que nous devons toujours garder à l’esprit ce que nous souhaitons accomplir exactement. Si nous cherchons à développer une capacité souveraine avec une habilité souveraine et un contrôle souverain sur tous les aspects de ce que nous essayons de réaliser, c’est une équation différente de celle qui consiste à construire exclusivement pour l’exportation. Je pense que les investisseurs et l’industrie doivent savoir exactement ce que nous attendons d’eux.

Le marché américain restera toujours le marché le plus intéressant pour notre base industrielle de défense. Nous devons leur démontrer concrètement que le gouvernement canadien et d’autres alliés sont tout aussi disposés à acheter si nous voulons qu’ils développent une capacité souveraine.

Le sénateur Cardozo : Monsieur Lagassé, j’aime ce que j’appellerais l’élaboration rationnelle des politiques ou la prise de décisions rationnelle que vous avez décrites. Étant moi-même un étudiant à vie en sciences politiques, je trouve cela très agréable à entendre, mais c’est quelque chose que nous avons lu il y a 40 ou 50 ans. Je comprends vos objectifs, et je ne les critique pas, mais avons-nous déjà eu un processus décisionnel aussi rationnel dans l’industrie de la défense qui, comme vous l’avez également souligné, est parfois influencée par la politique?

M. Lagassé : Nous l’avons eu en période de conflit. Allan Levine vient de publier un excellent ouvrage intitulé The Dollar a Year Men, qui décrit en détail comment le Canada a renforcé ses capacités de défense pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est toujours utile d’avoir un objectif et un sentiment d’urgence.

Vous avez raison de souligner qu’en l’absence d’un soutien public plus clair et d’une menace existentielle, il devient plus difficile de concilier tous ces éléments, car divers groupes d’intérêt et d’incitation, entre autres, s’impliquent dans le processus.

Vous avez raison. Un des plus grands défis consiste à garantir une certaine cohérence dans nos objectifs et à définir une orientation politique claire indiquant ce que nous attendons de l’industrie.

Je suggère que nous pouvons le faire. Il s’agit simplement de veiller à ce que les gouvernements successifs continuent de soutenir nos objectifs. C’est probablement le défi que je confierais à ceux d’entre vous qui siègent à la chambre haute. Quelle que soit la couleur politique du gouvernement, en tant que chambre haute, continuez à contribuer à la cohérence de la stratégie et à l’orienter dans une direction particulière.

Le sénateur Cardozo : Vous avez été membre de la Commission indépendante d’examen des acquisitions de la Défense. Quels enseignements pouvez-vous nous donner sur la façon dont les choses se sont déroulées? Y a-t-il des exemples positifs ou négatifs de ce qui a bien ou mal fonctionné dans le processus auquel vous avez participé?

M. Lagassé : La Commission indépendante d’examen des acquisitions de la Défense conseille le ministre sur tous les projets d’approvisionnement de la Défense et de la Garde côtière dont la valeur dépasse 100 millions de dollars. J’ai participé à plus de 100 projets et j’ai conseillé le ministre sur 50 d’entre eux. Je dirais que les bons exemples sont ceux où l’on a une indication précise de ce que le gouvernement espère réaliser et où les ministres comprennent les implications de leur orientation politique.

Je m’inquiète d’une éventuelle tension qui se profile — et nous le constatons déjà dans le dossier des chasseurs et peut-être, dans celui du système aéroporté de détection lointaine —, où l’armée tentera de préserver cette politique, ce processus de définition des besoins, et d’interpréter la politique d’une certaine manière. Si le gouvernement ne peut pas faire valoir ses intentions clairement et si les ministres ne sont pas disposés à le faire, l’armée et le processus d’examen des exigences pourraient prendre une direction différente de celle prévue par le gouvernement. Je dirais que le plus grand défi dans ce processus survient lorsque les ministres ne sont pas pleinement engagés dans l’orientation politique qu’ils proposent et, par conséquent, ne comprennent pas parfaitement ce qu’ils demandent aux Forces armées canadiennes de faire. Un risque tout aussi important est de ne pas avoir l’appui des militaires pour ce que le gouvernement espère accomplir, et je crains que nous en voyions déjà des signes. J’espère simplement que nous trouverons un moyen de concilier l’intention du gouvernement et l’interprétation que les militaires font de leur mission, afin de ne pas compromettre les investissements massifs qui se font dans le domaine de la défense.

Le sénateur Cardozo : Et quelle est votre opinion sur l’avion-chasseur?

M. Lagassé : En ce qui concerne le chasseur, j’ai également fait partie d’un groupe de 2012 à 2014 chargé d’examiner toutes les évaluations et les options relatives à cet appareil. Je suis donc quelque peu réticent à me prononcer à ce sujet. Ayant notamment conseillé les ministres à ce sujet, je préfère ne pas en dire plus.

Je préciserai simplement qu’il appartient au gouvernement de nous indiquer quels sont ses objectifs. S’il vise une efficacité et une efficience militaires maximales, c’est une chose.

Si l’objectif est d’obtenir des avantages économiques et des partenariats stratégiques, c’est une autre perspective.

Je recommanderais fortement que le gouvernement canadien s’engage à respecter ses engagements et envisage éventuellement l’acquisition d’une flotte supplémentaire, plutôt que d’annuler l’achat actuel de F-35 simplement parce que — et ce n’est pas une question de qualité des chasseurs — la flotte de CF-18 arrive en fin de vie. Elle doit être remplacée. Tout retard dans ce processus aura de graves conséquences. Je préférerais donc que le Canada acquière 88 F-35, qu’il choisisse ou non de compléter cette flotte avec d’autres chasseurs, ce qui est une possibilité, selon les objectifs du gouvernement.

Le président : Merci. J’ai quelques questions. Madame Scott, vous représentez manifestement la seule et unique école militaire que nous avons dans le pays.

Compte tenu des investissements considérables que le gouvernement s’apprête à faire en ce qui concerne nos dépenses, cela signifie également que nos connaissances et nos atouts universitaires devront être fortement soutenus.

Le collège n’a pas été très bien loti en ce qui concerne l’engagement du gouvernement à son égard. Les budgets précédents ont réduit cet engagement. Devons-nous repenser notre position, étant donné que le gouvernement en fait désormais une priorité en matière de dépenses, mais reconnaît également que le monde est très différent de ce que nous avions imaginé?

Étant donné qu’il s’agit d’un élément important du mode de formation, de recrutement et de perfectionnement des connaissances du ministère de la Défense, comment pouvons-nous faire valoir que nous devons agir de manière à garantir la pérennité du collège et lui apporter le soutien nécessaire pour l’aider à accomplir le travail qui lui incombe?

Mme Scott : Merci pour votre question. Tout d’abord, le Collège militaire royal est l’un des trois campus qui remplissent cette mission. Il y a le Collège militaire royal à Kingston, le Collège militaire royal de Saint-Jean et aussi le Collège des Forces canadiennes à Toronto. Ils ont tous des missions particulières, mais je tiens à m’assurer que les gens comprennent bien que nous avons des collèges militaires canadiens.

Comme vous le savez, il y avait la Commission d’examen des collèges militaires du Canada, qui a été mise sur pied et qui a commencé ses travaux en janvier 2024. Elle a présenté un rapport en mars de cette année. Nous sommes en période de transition et de renouveau.

Je suis très optimiste quant à l’avenir des collèges militaires canadiens. Une attention toute particulière a été accordée au programme de formation des officiers de la Force régulière, des élèves marins et des élèves officiers qui deviendront des officiers des Forces armées canadiennes.

Bien que cela constitue le cœur de notre mission, le noyau de notre mission, notre raison d’être, et que ce soit extrêmement important, nous devons réfléchir à ce que nous pouvons faire d’autre avec ces établissements et quelles sont leurs capacités critiques au-delà de la simple formation de premier cycle.

Si nous considérons l’histoire, nous avons souvent pensé à la mission de recherche, qui, soit dit en passant, a débuté juste après la Deuxième Guerre mondiale. Certains dirigeants particulièrement clairvoyants et visionnaires ont compris que nous avions besoin d’une formation axée sur la recherche pour nos officiers, mais je pense que, trop souvent, on a considéré que cela servait uniquement à enrichir la formation et l’éducation.

Nous devons vraiment penser aux capacités existantes en matière d’innovation et de recherche qui peuvent être mobilisées pour apporter un soutien constructif en cette période particulière.

Au-delà de cela, je pense que l’un des aspects auxquels nous n’avons peut-être pas accordé suffisamment d’attention est le Programme de formation des officiers — Force régulière, le PFOR, volet universitaire civil, qui forme autant d’officiers pour les Forces armées canadiennes que les collèges militaires canadiens.

Lorsque nous parlons de régénération des forces et que nous abordons la question de l’approvisionnement dans le domaine de la défense dans ce contexte plus large, nous ne pouvons pas oublier l’énorme défi que représentent la formation et le recrutement de toute une nouvelle génération, non seulement de dirigeants pour les Forces armées canadiennes, mais aussi de soldats. Nous devons penser de manière critique à l’élargissement de cette mission également.

Le président : Pour ma deuxième question, je suppose que vous pourriez tous les deux y réfléchir.

Dans le cadre de notre approvisionnement, les collectivités éloignées ont de grandes attentes quant à ce que cela pourrait leur apporter, compte tenu de la manière dont nous envisageons cet investissement. Étant donné le défi que constitue le changement climatique et l’importance accrue que nous accordons à la défense du Nord, comment pouvons-nous garantir aux collectivités éloignées que le travail, les efforts et les investissements qui seront consentis les placeront au centre de notre démarche, sachant que nous devons adopter une approche très différente de celle que nous avons suivie par le passé? Oui, les avions militaires et les sous-marins sont importants, mais, dans le contexte du soutien dont nous aurons besoin dans le Nord, ce sera probablement l’un des moments les plus importants de notre histoire, compte tenu des défis posés par le changement climatique. Comment renforcer cette relation avec les collectivités du Nord, étant donné qu’elles ont de grandes attentes quant aux retombées de cet investissement pour leurs collectivités?

M. Lagassé : Merci, monsieur le président. Je tiens simplement à souligner qu’une partie du portefeuille d’investissements dans le domaine de la défense que nous envisageons pour l’avenir concerne les infrastructures. Bon nombre des infrastructures qui seront nécessaires pour assurer un fonctionnement efficace dans les régions nordiques auront également des usages civils, ou devraient avoir des usages civils.

Si nous parvenons à rendre le transport vers ces collectivités plus efficace et plus fluide, cela constituera un avantage net pour elles. Il est important de toujours garder cela à l’esprit lorsque nous renforçons ces capacités.

Cela étant dit, il est également essentiel, au fur et à mesure que nous avançons, de procéder à des évaluations environnementales appropriées de nos activités dans le cadre de notre empreinte d’infrastructure de défense. Nous avons, par exemple, de nombreuses bases dans tout le pays qui, si elles devaient être fermées, exigeraient des efforts de décontamination considérables, et nous devons être conscients, à l’avenir, de l’empreinte environnementale que nous laissons dans ces collectivités arctiques lorsque nous investissons massivement dans les infrastructures de défense.

Mme Scott : Au Collège militaire royal, nous avons un titulaire de chaire de recherche du Canada, M. Ryley Beddoe, qui collabore particulièrement avec le ministère des Transports des Territoires du Nord-Ouest sur la question des infrastructures routières et du pergélisol. Nous avons donc plusieurs chercheurs qui s’intéressent activement au Nord.

En ce qui concerne le Nord, les collectivités autochtones et la souveraineté nationale, nous devons envisager les choses de manière très différente. Nous avons une connaissance approfondie des éléments nécessaires à la construction de collectivités éloignées saines. Dans quelle mesure contribuons-nous à faire participer les communautés éloignées à la définition de ce qu’est vraiment la bonne santé? Ce sont là des questions très importantes.

Quelles que soient les mesures que nous prendrons, il ne s’agit pas de laisser les personnes croire qu’elles savent ce qui est le mieux, mais plutôt de les amener à collaborer. Il est essentiel pour notre souveraineté nationale que nous intégrions la réconciliation dans toutes nos réflexions sur la défense et le Nord. C’est un long processus.

Le président : Au nom de notre comité, je vous remercie d’avoir pris le temps de nous rencontrer aujourd’hui. Si vous avez d’autres observations à partager avec le comité, n’hésitez pas à le faire. Notre étude se poursuivra jusqu’à la nouvelle année. Toutes les observations que vous nous ferez parvenir seront très importantes pour le rapport final que nous rédigerons après avoir entendu et examiné les autres témoins devant le comité.

Merci également pour le travail que vous avez accompli par le passé afin de contribuer à faire avancer les politiques de notre gouvernement. Vous conviendrez probablement avec moi que, si nous pouvions éliminer la politique de notre stratégie de défense dans ce pays, ce serait un grand pas en avant, mais, dans le contexte de l’élection de nos politiciens, beaucoup de choses que nous faisons dans ce pays restent politiques. En tant que chambre haute, nous ferons de notre mieux pour demander des comptes à l’autre chambre, mais, en réalité, ce sont les Canadiens qui ont le dernier mot sur ce qui se passe dans ce pays. Je vous remercie d’être venus.

Pour le prochain groupe, nous avons le plaisir d’accueillir par vidéoconférence depuis les Territoires du Nord-Ouest, le grand chef Frederick Blake du Conseil tribal des Gwich’in. Le chef est accompagné de David MacMartin, consultant en relations gouvernementales.

Nous accueillons également M. Ben Hendriksen, maire de la ville de Yellowknife, et M. Peter Clarkson, maire de la ville d’Inuvik. Nous commencerons par entendre vos déclarations liminaires, suivies de questions de la part des membres de notre comité. Je vous rappelle que vous disposez chacun de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Nous commencerons par le grand chef Frederick Blake.

Frederick Blake, grand chef, Conseil tribal des Gwich’in : Bonsoir, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis le grand chef du Conseil tribal des Gwich’in, ou CTG. Je vous remercie de m’avoir invité à participer à votre étude sur l’approvisionnement dans le domaine de la défense, dans le contexte de l’engagement pris par le Canada d’augmenter ses dépenses en matière de défense.

Il s’agit d’une question extrêmement importante tant pour le Canada que pour la nation Gwich’in. Les dépenses militaires du Canada dans le Nord offrent une occasion unique aux Gwich’in de contribuer de manière notable et durable à la réconciliation économique. Cela fait parfaitement suite à l’intervention de Mme Scott.

Je commencerai par mettre en évidence certains aspects de l’histoire et des traditions des Gwich’in qui sont pertinents pour votre étude, ainsi que le potentiel d’optimisation de l’impact des dépenses d’approvisionnement en matière de défense que le Canada est en train de réaliser.

La nation Gwich’in est la Première Nation la plus septentrionale du Canada. Notre territoire traditionnel s’étend sur le nord des Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et l’Alaska. Il reflète la route migratoire de 2 400 kilomètres du troupeau de caribous de Porcupine. Les caribous de Porcupine sont au cœur de la culture, de l’histoire et de l’identité des Gwich’in. Ils sont également au centre du logo du Conseil tribal Gwich’in qui figure sur le texte de mon allocution d’aujourd’hui et sur le drapeau du CTG.

La relation entre les Gwich’in, le caribou de Porcupine et notre territoire traditionnel existe depuis des milliers d’années. La tradition gwich’in se caractérise par une approche stratégique de l’organisation et de la gestion de la chasse et de la récolte du caribou de Porcupine. Elle se distingue par des rôles de leadership clairement définis et un travail d’équipe. Cela se concrétise par une répartition claire des rôles entre les participants à la chasse.

Cette approche s’apparente au format des ordres de l’OTAN, qui guide l’approche stratégique des Forces armées canadiennes pour l’organisation et la mise en œuvre d’opérations majeures. La combinaison de ces traditions gwich’in et de ces approches stratégiques des opérations majeures des FAC, qui mettent l’accent sur le travail d’équipe et le partenariat, offre une bonne voie à suivre pour progresser vers la réconciliation économique grâce à la mise en œuvre du programme d’approvisionnement en matière de défense axé sur le Nord du Canada.

Cette approche devrait reposer sur les relations établies par le traité entre les Gwich’in et la Couronne et le Canada. Elle a débuté avec la signature du Traité no 11 à Tsiigehtchic et Fort McPherson en 1921, puis a évolué vers l’Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in, ou l’ERTGG, un traité moderne signé en 1992. Le Conseil tribal des Gwich’in est l’entité qui représente les droits des Gwich’in issus du traité moderne.

Cette approche devrait également reposer sur les éléments clés du cadre stratégique du Canada.

L’un des piliers sur lesquels repose la politique étrangère du Canada dans l’Arctique est de veiller à ce qu’elle profite aux peuples autochtones du Nord. Le CTG a contribué à l’élaboration du cadre stratégique du Canada pour l’Arctique et le Nord, en préconisant des investissements dans les collectivités rurales et nordiques.

Le changement climatique a des répercussions sur les infrastructures essentielles de nos collectivités, causant l’érosion des routes et des cimetières à Tsiigehtchic, Fort McPherson et Aklavik. Il faut investir pour remédier à cette situation.

Les principales occasions qui se présentent pour les Gwich’in concernant l’approvisionnement dans le domaine de la défense proviennent de deux sources principales : le projet de modernisation du NORAD annoncé en 2022 et la nouvelle vision de 2024 pour la défense du Canada, intitulée « Notre Nord, fort et libre ».

Les trois projets d’infrastructure et de capacités de soutien prévus à Inuvik sont les plus importants. Ils comprennent la modernisation de l’infrastructure de la base du NORAD dans le Nord, la modernisation des projets d’infrastructure pour les avions-chasseurs et les projets de capacités de transport stratégique par avion-citerne.

Les projets d’Inuvik offrent des possibilités à double objectif, telles que la modernisation du réseau électrique, le plan de traitement des eaux usées, les installations de ravitaillement en carburant et la modernisation de la piste d’atterrissage.

Il existe des occasions immédiates en matière d’approvisionnement dans le domaine de la défense pour les Gwich’in, dont le développement devrait reposer sur plusieurs principes clés, comme suit :

Premièrement, il convient de se concentrer sur les détenteurs de droits issus de traités modernes et de travailler avec le Conseil tribal des Gwich’in et le territoire des Gwich’in.

Deuxièmement, il faut donner la priorité au Conseil tribal des Gwich’in dans le territoire des Gwich’in lors de l’approvisionnement. Cela nécessitera une coordination entre le Canada et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Par exemple, le ministère de la Défense nationale communique avec les Gwich’in pour étudier les questions d’approvisionnement liées à la modernisation de la piste d’atterrissage d’Inuvik.

En revanche, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a cherché à mettre en œuvre un projet de remplacement de l’aérogare d’Inuvik dans le cadre d’un appel d’offres public, sans accorder de préférence aux entreprises gwich’in. Nous sommes en pourparlers avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest à ce sujet.

Il faut que les gouvernements adoptent une approche cohérente en accordant la préférence aux Gwich’in pour les projets dans le territoire des Gwich’in. Cela témoignera de l’esprit et de l’intention de nos deux traités et contribuera à la réconciliation économique.

Troisièmement, il convient d’adopter une approche de partenariat axée sur le développement. Les projets d’approvisionnement en matière de défense s’inscrivent dans une perspective à long terme. Ils offrent l’occasion de travailler en partenariat afin de créer de nouvelles capacités commerciales à long terme pour les Gwich’in.

Ce partenariat peut et devrait s’étendre à des partenariats avec d’éventuels soumissionnaires du secteur privé dans le cadre de projets d’approvisionnement en matière de défense. L’un des principaux objectifs des Gwich’in est de collaborer avec le Canada et d’éventuels partenaires du secteur privé afin de créer de nouvelles capacités durables pour les Gwich’in et les entreprises gwich’in.

Quatrièmement, il faut mettre l’accent sur les investissements dans les infrastructures à double usage. Le ministère de la Défense nationale est disposé à se concentrer sur cet aspect. Nous sommes impatients de collaborer avec le Canada afin de promouvoir les investissements à double usage qui soutiendront à la fois les investissements dans la défense et permettront de répondre efficacement aux effets du changement climatique.

Nous vous remercions de nous avoir donné l’occasion de présenter nos points de vue et nos idées sur la manière de garantir que les investissements dans le domaine de l’approvisionnement de la défense contribuent pleinement à la réconciliation économique.

Nous saluons l’approche très positive et respectueuse adoptée par le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes, qui ont pris l’initiative de nous consulter dans le cadre de la planification de leurs processus d’approvisionnement.

Nous sommes ravis de cette occasion. Nous sommes également optimistes quant au fait qu’en travaillant de concert dans le respect mutuel, nous pourrons réaliser de véritables progrès vers la réconciliation économique.

Mahsi’cho. Merci.

Le président : Merci, grand chef Blake, pour votre discours. Nous reviendrons vers vous dans un instant, après avoir entendu les autres déclarations.

C’est maintenant au tour de M. Ben Hendriksen, maire de Yellowknife. Monsieur le maire, vous avez la parole.

Ben Hendriksen, maire, ville de Yellowknife : Merci beaucoup et bonsoir aux membres du comité à Ottawa.

Je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Je m’appelle Ben Hendriksen et je suis maire de Yellowknife, la capitale des Territoires du Nord-Ouest, une ville qui se trouve au carrefour de la résilience et de la souveraineté du Nord canadien.

Notre ville entretient une longue tradition d’accueil et de collaboration avec les Forces armées canadiennes, la Force opérationnelle interarmées du Nord, la Réserve de l’Armée canadienne et les Rangers canadiens.

Je me joins à vous aujourd’hui depuis le territoire du chef Drygeese, terre ancestrale de la Première Nation des Dénés Yellowknives. C’est avec respect pour cette terre, pour les peuples autochtones dont je partage le territoire et pour toutes les personnes que je représente en tant que maire que je vous adresse ces quelques mots.

Yellowknife connaît bien les défis liés au changement climatique, à l’incertitude géopolitique et à la transformation économique. Notre histoire est marquée par un renouveau constant. Dans mon discours sur l’état de la ville en septembre, j’ai évoqué la nécessité d’élaborer une nouvelle stratégie pour assurer la prospérité du Nord, fondée sur les infrastructures stratégiques, la diversification économique et la résilience des collectivités. Je suis convaincu que les investissements du Canada dans le domaine de la défense doivent refléter ces mêmes principes.

Comme l’a récemment déclaré à plusieurs reprises la vice‑première ministre et ministre des Finances des Territoires du Nord-Ouest :

Il ne saurait incomber à 45 000 Canadiens de soutenir la sécurité dans l’Arctique ou de libérer les richesses du Nord.

En décembre dernier, le conseil municipal de Yellowknife a approuvé à l’unanimité une résolution accueillant favorablement les investissements du ministère de la Défense nationale à Yellowknife. Le Corridor économique et de sécurité de l’Arctique, que notre conseil a également approuvé à l’unanimité par une résolution plus tôt cette année, représente une occasion de développement national qui aligne les priorités en matière de défense avec la résilience climatique, le partenariat et le leadership autochtones, ainsi que la souveraineté économique.

En tant que citoyen de Yellowknife, je me réjouis de constater le leadership des gouvernements autochtones dans ce projet, la collaboration transfrontalière avec le Nunavut et le sentiment d’urgence du gouvernement fédéral.

Récemment, j’ai également signé un protocole d’entente avec le maire de la ville d’Inuvik, protocole engageant nos deux collectivités des Territoires du Nord-Ouest à collaborer, alors que nous constatons toutes deux un afflux d’attention et d’investissements dans le domaine de la défense. L’investissement ne se résume pas à une question d’argent. Il s’agit de son impact sur les collectivités où le Canada souhaite affirmer sa souveraineté et assurer sa sécurité. À l’heure où les mines de diamants qui ont alimenté l’économie de Yellowknife et des Territoires du Nord-Ouest pendant des décennies arrivent en fin de vie, les occasions d’exploration et d’exploitation minières de minéraux critiques sont également réelles.

Yellowknife est le centre logistique de la région de North Slave et le point de départ vers le reste de notre territoire et l’ouest du Nunavut. Yellowknife n’est pas seulement éloignée; nous sommes prêts.

Aujourd’hui, j’aimerais vous présenter six avantages que Yellowknife et le Nord présentent pour l’approvisionnement en matière de défense.

Tout d’abord, les avantages économiques et stratégiques. Yellowknife bénéficie d’une économie stable. Nous avons des revenus par ménage supérieurs à la moyenne et un faible taux de chômage. La ville est déjà une plaque tournante pour la logistique et l’exploitation minière dans l’Arctique, ce qui signifie que les chaînes d’approvisionnement, l’expertise et les infrastructures sont déjà en place. Le Nord est riche en minéraux critiques, puisqu’il possède 25 des 34 minéraux essentiels du Canada. Cela fait du Nord un acteur clé dans la transition écologique du Canada et dans les partenariats mondiaux.

Deuxièmement, son emplacement stratégique et son importance nationale font de Yellowknife la plaque tournante logistique du Nord et de l’Arctique. Elle est située sur les rives du Grand lac des Esclaves, en plein cœur du Nord canadien. De là, on peut accéder toute l’année à un aéroport ouvert 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et à des routes utilisables par tous les temps. L’aéroport se trouve à seulement cinq minutes du centre-ville et relie directement Edmonton, Calgary, Toronto et Vancouver. Les routes saisonnières d’hiver étendent encore davantage cette portée.

Les Territoires du Nord-Ouest constituent un centre stratégique pour les opérations militaires et les communications par satellite. Nous hébergeons des infrastructures essentielles, telles que le Système d’alerte du Nord et la seule route menant à l’océan Arctique, bien que nous espérions que cela change avec le temps et la construction de nouvelles routes vers le nord. L’emplacement de Yellowknife soutient non seulement les priorités régionales, mais aussi les priorités nationales en matière de défense, notamment la souveraineté, la cybersécurité et les relations diplomatiques.

Troisièmement, l’environnement froid authentique. Lorsque nous parlons de tester des équipements destinés à être utilisés dans l’Arctique, il faut des conditions réelles. Yellowknife et le Nord offrent cela. Même si, à mon avis, les hivers ici sont plus beaux que partout ailleurs dans le monde, ils sont incontestablement froids, avec des températures extrêmes et un terrain difficile. Ces paysages variés offrent des conditions idéales pour mettre au point et à l’essai de l’équipement, des véhicules et des technologies.

Quatrièmement, les infrastructures et les services de soutien. Yellowknife a mis en place les infrastructures et l’expertise requises pour les opérations en région éloignée. La ville dispose de services de communication, des services de santé et des services d’urgence. Elle abrite des entreprises spécialisées dans la logistique, le transport, l’ingénierie et les services environnementaux. Ces entreprises soutiennent déjà les opérations minières et arctiques; elles possèdent donc les compétences nécessaires pour déplacer des personnes et du matériel en toute sécurité et efficacement dans les conditions nordiques.

Cinquièmement, la main-d’œuvre qualifiée et les capacités de formation. Cette région possède plus de 80 ans d’expérience dans le domaine de l’exploitation et de l’exploration minières. Cela signifie qu’elle dispose d’une main-d’œuvre qui sait travailler dans des conditions difficiles. L’Aurora College et la N.W.T. Mine Training Society proposent des programmes de formation spécialisés, garantissant un approvisionnement constant en travailleurs qualifiés pour les postes techniques et logistiques. Plus de 800 personnes ont trouvé un emploi dans le secteur minier grâce à ces programmes. Cette expérience se répercute directement sur les projets d’approvisionnement de la défense et sur le bien-être des habitants du Nord.

Sixièmement, pour conclure, il y a les partenariats avec les Autochtones et la collaboration intergouvernementale. Yellowknife a une solide expérience de la collaboration avec les gouvernements et les organisations autochtones. Ces partenariats ne sont pas seulement une bonne pratique, ils sont essentiels au développement durable et s’inscrivent dans les engagements du Canada pour la réconciliation. Les coentreprises avec le groupe Det’on Cho et la Tlicho Investment Corporation à Yellowknife montrent comment la participation des Autochtones stimule la croissance économique et renforce les liens communautaires. Les traités modernes et les accords d’autonomie gouvernementale contiennent des droits, des compétences et des pouvoirs qui doivent être respectés et mis à profit pour promouvoir la résilience et la durabilité économiques.

Pour concrétiser ces possibilités dans le Nord, nous avons besoin d’investissements dans les infrastructures de base, sur lesquels le Canada pourra ensuite s’appuyer de concert avec les collectivités nordiques. Sans investissements dans ces infrastructures, sans production d’électricité à l’échelle territoriale et sans garantie que les services publics soient abordables pour les habitants du Nord, bon nombre des éléments que j’ai décrits comme de réelles opportunités risquent de rester lettre morte.

Les achats de défense axés sur le Nord doivent garantir que les habitants du Nord du Canada voient les avantages au sein de leurs collectivités et pas seulement en marge de celles-ci. Merci de m’avoir accordé votre attention cet après-midi. Je serai heureux de répondre à vos questions. Màhsi’ cho.

Le président : Merci pour votre déclaration, monsieur Hendriksen.

Enfin, si vous êtes prêt, monsieur Peter Clarkson, la parole est à vous.

Peter Clarkson, maire, ville d’Inuvik : Je suis prêt. Je tiens à remercier le comité sénatorial de m’offrir l’occasion de vous parler des achats du ministère de la Défense nationale, le MDN.

Je vais d’abord situer brièvement le contexte pour vous, pour faire suite à ce qu’ont dit le grand chef Blake et le maire Hendriksen. Inuvik est une collectivité autochtone des Territoires du Nord-Ouest située à 2 degrés au-dessus du cercle arctique et qui compte environ 3 300 habitants. Inuvik abrite les nations Gwich’in et Inuvialuit, d’autres Autochtones et Métis de tout le Canada, ainsi que d’autres personnes venues de partout au Canada et du monde entier.

Inuvik occupe une position stratégique pour la sécurité de l’Arctique et a abrité une base militaire de 1966 à 1986, avec environ 200 militaires et leurs familles.

Depuis le début des années 1990, Inuvik dispose d’une base avancée du NORAD pouvant accueillir 250 personnes, d’un hangar pour les CF-18 et d’un bâtiment opérationnel.

En mars 2025, le ministre de la Défense de l’époque, Bill Blair, a désigné Inuvik, Yellowknife et Iqaluit comme centres de soutien opérationnel dans le Nord. L’opération NANOOK du ministère de la Défense nationale, qui s’est déroulée en février et mars derniers, était basée à Inuvik et a réuni plus de 750 militaires du Canada, des États-Unis, de la Suède et d’autres pays pendant six semaines. Il s’agit de la plus grande opération NANOOK jamais tenue dans l’Arctique.

Au vu de certaines de ses capacités et de ses récentes réussites en matière d’infrastructures, Inuvik dispose des entreprises et des entrepreneurs locaux nécessaires pour gérer et mener à bien certains des projets de modernisation des infrastructures du NORAD. Le centre de soutien opérationnel nordique d’Inuvik constituera un développement infrastructurel majeur dans l’Arctique. Il sera stratégiquement situé à Inuvik, un centre régional offrant des services de soutien et un accès routier, à proximité de la mer de Beaufort, de la Russie et de l’Alaska. La frontière russe se trouve à 2 000 kilomètres d’Inuvik et à 6 200 kilomètres de Moscou par la voie des airs. Pour comparer, vous devrez faire 6 600 kilomètres en voiture pour vous rendre d’Inuvik à Ottawa.

La modernisation des infrastructures du NORAD à Inuvik nécessitera des travaux de génie civil de plusieurs milliards de dollars pour la construction d’aires de trafic, de plateformes de construction, de routes d’accès, de hangars pour avions, d’entrepôts, de dépôts de munitions, d’installations de sécurité, de réservoirs de stockage de carburant, de logements supplémentaires pour les militaires, d’installations de soutien, de camps de travail et d’autres infrastructures connexes.

C’est pourquoi nous pensons qu’il est important de se doter de politiques d’approvisionnement efficaces au MDN. La sécurité et la souveraineté de l’Arctique dépendent des Canadiens qui vivent dans l’Arctique, y travaillent et y élèvent leurs familles. Les entreprises et les entrepreneurs du Nord basés dans l’Arctique emploient des personnes, contribuent aux collectivités et doivent avoir accès aux projets d’infrastructure du MDN. Les politiques d’approvisionnement du MDN doivent tenir compte de la manière dont les entreprises du Nord peuvent se voir attribuer des contrats du MDN. Les politiques d’approvisionnement du MDN doivent prévoir la comptabilisation du coût complet des projets d’infrastructure dans l’Arctique. Les entreprises et les entrepreneurs locaux emploient des personnes et réduisent la nécessité de faire venir et repartir les travailleurs par avion et de les loger dans des camps de travail. Les entreprises et les entrepreneurs locaux peuvent également effectuer d’autres travaux d’entretien des infrastructures du MDN. Les entreprises et les entrepreneurs locaux contribuent à la collectivité en payant des taxes municipales pour soutenir leurs collectivités.

Inuvik compte des entrepreneurs en mécanique, en électricité et en génie civil qui ont travaillé à la réalisation de plusieurs projets d’installations et d’infrastructures. Parmi les réussites récentes, citons l’autoroute Inuvik-Tuktoyaktuk, à un coût de 300 millions de dollars, le prolongement de la piste d’atterrissage d’Inuvik, à un coût de 240 millions de dollars, qui était un partenariat entre les sociétés de développement Gwich’in et Inuvik, le projet de lutte contre l’érosion côtière Inuvik-Tuktoyaktuk, à un coût de 53 millions de dollars, ainsi que les stations terrestres d’Inuvik, la décontamination du site du réseau DEW et plusieurs projets de logement.

Nous devons changer notre façon de faire en 2025 et au-delà en ce qui concerne les achats du MDN dans l’Arctique, car la situation a changé depuis la construction des réseaux DEW dans les années 1950 et des bases d’opérations avancées dans les années 1990. Comme le grand chef Blake l’a dit, le MDN et les collectivités doivent déterminer ensemble comment les projets d’approvisionnement et d’infrastructure peuvent profiter aux collectivités locales. Il faut explorer et discuter de la possibilité de créer des installations à double usage ou à usage multiple. Les projets pourraient inclure des options de camps de travail transformés en logements après la construction, l’amélioration des installations d’eau potable et d’égouts, des entrepôts communs aux administrations municipales, aux Rangers, à la Garde côtière auxiliaire et aux services de recherche et de sauvetage terrestres. Le prolongement du gazoduc d’Inuvik à l’aéroport serait un très bon projet commun pour toutes les infrastructures du MDN.

Je crois sincèrement qu’il est possible de travailler ensemble pour assurer la durabilité et la sécurité des collectivités arctiques, et nos échanges avec le MDN jusqu’à présent montrent sa volonté de collaborer. Les futurs processus d’approvisionnement du MDN dans l’Arctique doivent tenir compte des capacités à long terme de la région et de la collaboration avec les entrepreneurs locaux et leurs entreprises. Le Canada a besoin de collectivités durables pour les entreprises de l’Arctique afin d’assurer la sécurité à long terme de la région. Le ministère de la Défense nationale doit veiller à ce que ses appels d’offres pour les marchés publics dans l’Arctique prévoient le recours à des entrepreneurs et à des entreprises du Nord, avec des clauses claires et des objectifs réalisables. La sécurité et la souveraineté de l’Arctique nécessitent des collectivités et des entreprises durables tout au long de l’année, et pas seulement pendant les phases de construction. Des gens doivent vivre dans l’Arctique, y travailler, y élever leurs familles et y prospérer. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci à tous pour vos déclarations. Nous allons passer aux questions de nos collègues. Ce groupe restera avec nous jusqu’à 19 h 20. Pour tirer le maximum de ce temps, les membres poseront leurs questions et nous vous laisserons le temps de donner la réponse appropriée.

Nous commencerons par le sénateur Al Zaibak, notre vice‑président.

Le sénateur Al Zaibak : Merci à tous pour vos déclarations et vos recommandations.

En supposant que vous ayez eu l’occasion de faire part de ces recommandations, de présenter des propositions et des suggestions précises et de les communiquer à notre premier ministre et aux ministres du Cabinet, je me demande quel genre de réaction, de réceptivité et de coopération concrète vous avez reçu jusqu’à présent de la part de nos élus.

M. Hendriksen : Allez-y, grand chef. Je pense que vous méritez de commencer.

M. Blake : Merci pour cette question, monsieur Al Zaibak.

Nos discussions avec le MDN nous ont permis de constater son ouverture à un partenariat, ce qui est prometteur. Ces dirigeants y sont très favorables. C’est une occasion d’accélérer le processus. Ce qui les intéresse le plus — je crois que c’est Philippe Lagassé qui l’a mentionné lors de la discussion avec le groupe précédent —, c’est que le processus est assez long à l’heure actuelle. Quoi qu’il en soit, tout ce qui peut accélérer ce processus est utile. D’après notre expérience, la meilleure façon d’y parvenir est de conclure des partenariats, qu’il s’agisse de partenariats négociés ou autochtones. Je sais que les ministres sont ouverts à cette idée. Nous avons eu de nombreuses discussions fructueuses et nous attendons avec impatience la suite des événements.

Le président : D’autres témoins souhaitent-ils commenter ou compléter les propos du grand chef?

M. Clarkson : Brièvement, j’ai rencontré le ministre McGuinty du MDN lorsqu’il était à Inuvik cet été pour rencontrer les Inuits. J’ai eu des discussions avec notre députée, Rebecca Alty. Ils sont certainement favorables à faire de leur mieux pour travailler avec les entreprises locales, les gouvernements et les sociétés de développement autochtones afin de faire avancer les choses dans l’Arctique, car ils en saisissent l’importance. Ce sont des commentaires bienvenus de leur part à tous les deux.

M. Hendriksen : J’ajouterais un sentiment similaire. Chacune des discussions que j’ai eues avec mon ex-collègue et actuelle ministre Alty, qui était ma prédécesseure à ce poste, s’est révélée constructive, tout comme celles que j’ai eues avec tous les autres membres de la Force opérationnelle interarmées (Nord) du MDN, etc. Tous les commentaires étaient positifs, sans exception.

Comme je l’ai dit dans ma déclaration, je tiens également à souligner que les accords modernes sur les revendications territoriales comportent également des obligations. De nombreuses mesures sont bonnes à prendre de toute façon, mais de nombreux traités engendrent des obligations et je n’ai aucun doute que le gouvernement en est conscient, lui aussi.

Le sénateur Al Zaibak : C’est encourageant à entendre.

Je vais passer à la modernisation du NORAD, qui nécessitera de nouveaux sites radar, des réseaux de communication, des logements et des liaisons de transport. Ma question est la suivante : quels obstacles réglementaires, logistiques ou financiers le Canada doit-il surmonter pour que ces projets soient réalisés dans les délais prévus et en partenariat avec vos collectivités?

M. Hendriksen : Je peux répondre en premier, messieurs.

Du point de vue de Yellowknife — je dirais que c’est le cas partout, mais certainement du point de vue de Yellowknife —, en matière d’infrastructures générales, nous sommes comme le reste du pays. Nos infrastructures ont été construites dans les années 1960 et 1970. Elles ont suivi le rythme de notre collectivité jusqu’à présent. En ce qui concerne l’augmentation de la capacité, ce que recherche le gouvernement, les habitants de Yellowknife sont évidemment intéressés par la possibilité de participer au débat sur la sécurité et la souveraineté.

Il y a des enjeux liés à l’eau et aux égouts à Yellowknife. C’est difficile à expliquer devant un comité sénatorial. Notre aéroport est situé à cinq kilomètres de la ville. Il n’est pas alimenté en eau potable pour le moment. Nos canalisations d’eau et d’égouts ne s’y rendent pas. Des investissements considérables s’imposent pour que l’aéroport dispose des infrastructures nécessaires.

Le double avantage d’une infrastructure à double usage est que notre ville regorge de grands terrains que nous n’avons pas pu aménager pour le logement ou l’industrie légère au fil des ans, principalement parce que nous n’avons pas pu financer les infrastructures qui s’y rattachent. C’est là que la double infrastructure est importante du point de vue de la souveraineté et de la sécurité. Il est important d’avoir des discussions et des échanges, qui ont jusqu’à présent été positifs, sur les doubles avantages pour les collectivités dans lesquelles nous vivons. Dans notre cas, l’eau et les égouts sont les principaux enjeux, ainsi que l’ouverture de terrains pour le logement. Les obstacles sont liés à des enjeux fonciers.

Les gens regardent le Nord et s’imaginent un territoire sans limites. Quand nous parlons de géographie, nous sommes sur le Bouclier canadien et entourés de lacs, de granit, de revendications territoriales et de terres domaniales, qui sont des terres de la Couronne appartenant au gouvernement territorial. La municipalité comme telle possède très peu de terrains. Nous travaillons avec nos partenaires du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement de la Première Nation dénée Tłı̨chǫ et le gouvernement fédéral pour discuter de ces enjeux. Il ne s’agit pas seulement de défis, mais aussi de réelles occasions de combler des besoins, de saisir le moment et de répondre à la demande refoulée de Yellowknife.

Le président : Quelqu’un d’autre souhaite-t-il faire un commentaire?

M. Clarkson : À Inuvik, je dirais qu’il n’y a pas d’obstacles réglementaires. Le projet se situe à l’aéroport et constitue une extension de la base d’opérations avancées actuelle. Je rappelle que le MDN a participé au prolongement de la piste de l’aéroport. Ce projet serait juste voisin à cette zone et le terrain serait disponible à cette fin.

M. Blake : Merci. Si je peux me permettre d’ajouter, comme je l’ai dit, nous avons beaucoup de similitudes dans notre façon de mener nos activités, en tirant les leçons de notre collaboration passée avec le MDN pour améliorer nos méthodes. Nous nous associons aussi avec le secteur privé, qui possède une grande expérience dans bon nombre de ces projets, que ce soit dans le Sud. Je sais qu’il y a eu plusieurs projets de ce type dans le Sud. Nous cherchons à nous associer à quelqu’un qui a beaucoup d’expérience dans ce domaine et qui a remporté de nombreux appels d’offres. Je tenais à le dire.

Le sénateur Cardozo : Merci à nos trois témoins. Je commencerai par une question générale sur l’acquisition de compétences qui, selon vous, pourrait découler du développement de cette industrie dans le Nord et sur votre territoire. Sera-t-il nécessaire de mettre à niveau les compétences des gens dans certains domaines? De quelles installations disposez-vous? Les gens auront-ils besoin de suivre une formation dans les collèges et les universités du Sud? Dans quelle mesure?

J’essaie de mieux comprendre comment cette politique de défense peut améliorer les possibilités d’emploi pour les gens de tout le pays, en l’occurrence dans le Nord.

Je vais demander au grand chef Blake de commencer, puis aux maires Hendriksen et Clarkson.

M. Blake : Excellente question.

En ce qui concerne l’acquisition de compétences, le MDN nous a donné une bonne idée des besoins. Il est également disposé à travailler avec nous, à venir dans les écoles pour informer nos élèves des besoins et les encourager à se lancer dans ces domaines. Comme je l’ai dit à propos du secteur privé, il s’agit de trouver des partenaires qui sont prêts à faire de même, tout en veillant à ce que bon nombre de nos entrepreneurs et toute personne qui souhaite travailler détiennent l’habilitation de sécurité nécessaire pour travailler sur ces bases. C’est ce que nous envisageons. Nous voulons nous assurer de tirer le maximum de cette occasion, et je sais que le MDN souhaite la même chose.

M. Hendriksen : Merci, sénateur. Plusieurs choses m’ont traversé l’esprit en entendant votre question. Tout d’abord, cela ne relève évidemment pas de la compétence municipale, mais le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest travaille depuis plusieurs années à la transformation potentielle du Collège Aurora en une université polytechnique, ce qui permettrait de renforcer les capacités au sein même du territoire. Le gouvernement fédéral pourrait collaborer avec le gouvernement territorial dans ce dossier. Il y a un campus à Yellowknife. Le campus principal se trouve à Fort Smith, mais il y a un campus satellite à Yellowknife, ainsi qu’à Inuvik.

Deuxièmement, comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, au fil des ans, la Mine Training Society a permis à environ 800 personnes d’acquérir les compétences nécessaires pour travailler dans les mines de diamants, qui sont actuellement en train de fermer ou qui fermeront au cours des prochaines années.

Lorsque nous parlons de défense, une partie de la souveraineté et de la défense consiste à veiller à ce que nos collectivités du Nord soient fortes. Si des gens vivent ici, rien ne montre mieux la souveraineté que la présence de Canadiens sur le territoire canadien. L’industrie minière est l’un des moteurs du Nord depuis des années. Comme je l’ai dit, l’exploitation des minéraux critiques recèle un énorme potentiel, non seulement sur le plan minier, mais aussi pour les compétences. Plus largement, en ce qui concerne l’activité économique, nous assistons à la transition des habitants du Nord des mines de diamants vers la stratégie industrielle de défense ou vers de nouveaux débouchés miniers qui existent également. Comme territoire, nous avons la capacité et l’expérience nécessaires pour le faire. Enfin, nous sommes en discussion avec la Force opérationnelle interarmées (Nord), le NORAD, les Forces armées canadiennes de manière plus générale, la Force de réserve et les Rangers canadiens. Bien entendu, il y a toujours un intérêt à travailler avec les habitants du Nord pour les intégrer dans les forces armées et leur trouver des ouvertures, que ce soit au niveau plus concret des réservistes et des Rangers ou à un niveau plus général, car personne ne peut affirmer la souveraineté mieux que les habitants du Nord eux‑mêmes. Ces possibilités existent bel et bien.

Le sénateur Cardozo : Merci. Monsieur Clarkson, allez-y?

M. Clarkson : Oui. Je pense qu’il y a des possibilités pour toutes sortes de formations. Il faudra beaucoup d’opérateurs de machinerie lourde et de chauffeurs de camion de classe 1. Ils devront déplacer des montagnes pour construire les fondations sur lesquelles seront posés les tabliers des immeubles, puis les routes d’accès. Ce sera un domaine, certainement celui des opérateurs de machinerie lourde et des chauffeurs de classe 1. Je pense que tous les métiers seront nécessaires. Il y aura un besoin de plombiers, d’électriciens, de charpentiers, de métallurgistes. En collaborant avec les groupes autochtones et avec le Collège Aurora, certaines entreprises privées pourront lancer ce processus et former des gens aux métiers, ce qui constituera un grand pas en avant pour employer de plus en plus de gens de la région, non seulement d’Inuvik, mais de toute la région, car Inuvik a tendance à être un centre régional où les gens viennent travailler quand il y a du travail. Il y a beaucoup à faire. Avec un peu de planification et de réflexion, et le temps le permet, je pense que beaucoup de choses pourraient être réalisées.

Le sénateur Cardozo : Merci, monsieur le maire. Grand chef, vouliez-vous ajouter quelque chose? Vous avez levé la main.

M. Blake : Oui. Je voulais mentionner une chose en parlant avec le MDN : ce projet devrait se poursuivre jusqu’en 2040 environ. Toute cette formation devrait également inclure la maintenance continue afin de garantir que notre future génération, qu’il s’agisse d’électriciens ou de plombiers, soit en mesure d’occuper bon nombre de ces emplois.

Je tiens également à souligner une chose : je ne sais pas si beaucoup d’entre vous se sont déjà rendus à Inuvik, mais les défis y sont nombreux. Nous allons être confrontés à un problème de capacité. Même pour bon nombre de ces possibilités de formation, je tiens à mentionner que dans les collectivités environnantes, les centres d’apprentissage pour adultes ont été supprimés de nos collectivités. Je pense donc qu’à titre de gouvernements autochtones, nous allons devoir jouer un rôle important pour veiller à ce que les métiers soient pris en charge par nos gouvernements afin de garantir que nos populations aient cette possibilité. Je tenais à le dire.

La sénatrice M. Deacon : Merci à nos invités d’être parmi nous. Il est remarquable de voir la promotion et le partage de vos domaines, combinés à la nécessité de collaborer et de veiller à ce que les membres de vos collectivités y participent. Monsieur Hendriksen, j’ai hâte de vous voir en février à Yellowknife. Il est difficile de croire que cela fait plus de trois ans que notre comité a mené son étude. J’y reviendrai dans un instant au sujet de la souveraineté. Cela fait déjà trois ou quatre ans.

À cet égard, il ne fait aucun doute que les marchés publics dans le Nord doivent aller au-delà des équipements coûteux, tels que la modernisation du NORAD et les brise-glaces. Il faut équiper les collectivités nordiques, comme vous le dites, et d’autres organismes nationaux avec le matériel et l’équipement appropriés pour assurer la souveraineté et répondre à des préoccupations, notamment la recherche et le sauvetage.

Dans un rapport précédent, notre comité a recommandé au gouvernement de créer une table ronde permanente sur la recherche et le sauvetage dans l’Arctique, composée de représentants des administrations fédérale, territoriales et autochtones, ainsi que d’organismes locaux, y compris nos Rangers canadiens.

Alors que nous discutons ici dans cet esprit, je me demande si nos témoins ont reçu les bons messages du gouvernement à cet égard et s’ils prennent au sérieux ces autres aspects de la souveraineté dans l’Arctique. M. Hendriksen, d’abord.

M. Hendriksen : Je n’ai pas grand-chose à ajouter à cette question. Je ne sais pas ce que cela vous inspire, madame Deacon, mais je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce sujet.

La sénatrice M. Deacon : Très bien. Merci.

M. Clarkson : Je peux certainement ajouter quelque chose. Lors de l’opération NANOOK, qui s’est déroulée ici pendant six semaines en février et mars, le MDN a largement fait appel aux Rangers canadiens de tout le pays. Les Rangers ont mené de nombreuses activités sur le terrain, se déplaçant en motoneige et installant des camps, mais ce sont les Rangers qui ont dirigé ces opérations. Ils ont formé de nombreux réservistes et d’autres membres de l’armée, qui dépendaient donc énormément d’eux.

L’un des projets polyvalents dont nous discutons avec le MDN est un garage chauffé, un entrepôt frigorifique et une cour clôturée dont la ville a besoin, mais les Rangers ont également besoin d’une base pour mener leurs opérations. S’ils s’équipent d’une série de motoneiges et de toboggans pour aller s’entraîner sur le terrain, ils ont besoin d’un endroit à cette fin, et le MDN s’est montré très réceptif à l’idée d’un modèle d’utilisation partagée qui soutiendra les Rangers, les opérations de recherche et de sauvetage au sol et la Garde côtière auxiliaire canadienne, car nous avons ces trois entités ici à Inuvik. Je pense que le MDN a compris qu’ils sont sur le terrain et qu’ils jouent un rôle précieux dans la sécurité de l’Arctique.

Si nous dépensons des milliards de dollars pour des F-35, peut-être devrions-nous également investir pour doter les Rangers canadiens de capacités, d’un lieu de rencontre, d’un bureau et d’un endroit où entreposer leur matériel, plutôt que de le disperser dans toute la ville.

Nous recevons des messages positifs à ce sujet, et nous allons travailler avec nos Rangers locaux, la Garde côtière auxiliaire, les services de recherche et de sauvetage au sol et le MDN pour déterminer s’il s’agit d’une installation à usage partagé viable avec la municipalité et ces autres groupes.

Pour nous, cela semble évident, et nous devrions travailler ensemble, car tout le monde y gagnerait.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

M. Blake : Merci, madame Deacon. Excellente question.

Au fil des ans, le MDN a accompli un travail remarquable en collaboration avec le 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens, ou 1 GPRC basé à Yellowknife, et toutes les collectivités qui accueillent des Rangers canadiens. Je ne dis pas cela uniquement parce que je suis moi-même Ranger, mais parce que j’ai pu voir de mes propres yeux les opérations NANOOK qu’ils ont menées au fil des ans. J’ai eu l’occasion de participer à l’une d’elles en 2005, au pôle Nord magnétique. Nous étions à 60 kilomètres de là.

Dans nos collectivités, ils sont les premiers à être appelés pour la recherche et le sauvetage, car dans beaucoup de nos petites collectivités, nous n’avons que les services d’incendie, et les Rangers canadiens sont toujours appelés lorsqu’une personne est portée disparue ou pour aller vérifier si elle va bien et est en sécurité.

À l’avenir, je pense que nous devons améliorer la communication, comme vous l’avez dit, avec les dirigeants de la table ronde, que ce soit dans la région ou dans les collectivités, afin de nous assurer que nous disposons de bons plans de recherche et de sauvetage.

Je sais que le MDN est également très ouvert à cela.

Mahsi.

[Français]

La sénatrice Youance : Vous avez un peu abordé le sujet de ma question. Le Nord présente une situation unique où les actions en défense et l’approvisionnement doivent s’articuler autour de trois axes : la capacité nationale, les missions internationales de secours et l’alerte climatique. Dans quelle mesure les actions entreprises, comme l’opération NANOOK durant les mois de février et mars, engendrent-elles des retombées concrètes pour vos communautés et quelles sont-elles? La question s’adresse à tous nos témoins.

[Traduction]

M. Hendriksen : Je vais me lancer le premier cette fois-ci. L’impact de l’opération NANOOK dans le Nord en général — encore une fois, je parlerai plus précisément de Yellowknife —, il est toujours impressionnant de voir la mobilisation à Yellowknife comme point de départ. C’est probablement différent de ce que voient Peter Clarkson et le grand chef à Inuvik. Nous ne le voyons pas d’aussi près, car ils ont tendance à se disperser dans les environs de Yellowknife, mais nous voyons l’action à l’aéroport. Nous voyons la mobilisation à Yellowknife avant qu’ils ne se dispersent.

Oui, c’est un apport important pour Yellowknife, qui montre l’importance de la ville en tant que lieu stratégique au sein des Territoires du Nord-Ouest et du Canada. Le Nord est unique, mais pour les habitants du Nord, c’est aussi leur foyer. La présence de l’armée et la mobilisation de l’opération NANOOK chaque année, ainsi que les discussions sur le renforcement des capacités dans le Nord et l’importance croissante de ces opérations d’entraînement, sont autant d’éléments dont nous devons être conscients dans nos collectivités.

Même à Yellowknife, qui est la plus grande localité, nous ne sommes qu’un peu plus de 20 000 habitants, et donc 20 000 habitants dans une localité ou une ville n’importe où ailleurs dans le pays, ils ont tendance à ne pas voir un afflux de personnes aussi important, sans parler de ce que vit Inuvik.

Les retombées pour notre collectivité sont importantes, mais à l’avenir, si l’on considère les investissements à long terme, celles-ci auront encore plus d’impact sur le plan des capacités à long terme et pas seulement sur le plan des retombées annuelles.

M. Clarkson : Il est certain que la dernière opération NANOOK, qui a duré six semaines, a eu d’énormes retombées pour Inuvik et la région.

Rien que pour les installations municipales, ils ont loué une partie de notre complexe récréatif et d’autres installations pendant les six semaines, et je pense que le loyer s’est élevé à plus de 90 000 $ pendant cette période. Ils ont également séjourné dans des hôtels. Ils ont séjourné au camp Gwich’in et au camp Inuvialuit. Ils ont loué des véhicules.

Pratiquement tous les secteurs de l’économie locale ont profité de cette opération. Tous les Rangers d’Inuvik ont été employés pendant cette période. Ils ont loué des motoneiges et du matériel lourd pour transporter et décharger des marchandises.

Ce fut un exercice de grande envergure, mais il y a eu beaucoup de retombées économiques pendant cette période, et toute la région en a largement profité.

M. Blake : Merci. Je ne veux pas me répéter, mais je crois que c’est en mars que l’opération NANOOK a eu lieu, comme le maire Clarkson l’a mentionné, et le MDN apporte une contribution énorme à toutes les collectivités où il se rend. Nous l’avons vu à Inuvik, par exemple.

Comme vous l’avez mentionné, ils ont loué le camp de mieux-être Gwich’in. Ils y ont tenu toute une série d’entraînements. Ils ont également contribué à l’opération de recherche et sauvetage d’un de nos membres.

De plus, dans le cadre de l’entraînement, beaucoup d’information est communiquée. Beaucoup de nos Rangers transmettent leurs connaissances traditionnelles aux militaires, ce qui les aide à survivre dans la nature sauvage ou dans la toundra. J’ai pu constater de mes propres yeux les aspects positifs de ces opérations, qui sont bien accueillies dans beaucoup de nos collectivités et dans tout l’Arctique. Merci.

[Français]

La sénatrice Youance : Merci. Vous avez mentionné que vos communautés partagent des liens culturels entre l’Alaska et le Yukon. Est-ce que ce territoire transnational amène des défis particuliers sur le plan des actions de politique canadienne et américaine en matière de défense?

[Traduction]

M. Blake : Merci, sénatrice Youance. En ce qui concerne les politiques, comme beaucoup de nos partenariats prometteurs, par exemple, nous sommes tous signataires du PCMA, qui est l’accord sur la préservation de la harde de caribous de la Porcupine.

Nos partenaires du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, y compris les Inuvialuit, travaillent tous ensemble pour préserver le caribou de la Porcupine. L’Alaska ne veut pas participer. Il en va de même pour tous les autres partenariats que nous essayons de mettre en place.

L’essentiel pour les Gwich’in, c’est que notre priorité absolue est le caribou de la Porcupine. Nous travaillons ensemble pour faire pression afin de protéger, par exemple, les terres 1002 qui, comme nous le savons tous, ont récemment fait l’objet d’une annonce du président Trump selon laquelle il allait ouvrir nos aires de mise bas à l’exploitation pétrolière et gazière. C’est le plus grand défi à relever.

Je sais que le MDN travaille également en étroite collaboration avec les Rangers de l’Arctique au Yukon. Ils ont leurs propres opérations là-bas. Je tenais à vous en faire part. Merci.

Le sénateur Cardozo : Cela aurait peut-être dû être ma première question, mais pourriez-vous nous dire de quel aspect de la défense vous parlez exactement? Je pense à la souveraineté et à la défense de l’Arctique. Inuvik et la nation Gwich’in sont plus proches de la mer de Beaufort. Une partie de ce que vous feriez en matière de défense concernerait-elle la défense du Nord? Envisagez-vous la création de bases militaires ou aériennes à long terme, ou de bases navales sur la côte?

J’ai une autre question, si vous me le permettez : comment prononcez-vous « Arctique »? Prononcez-vous le « c » ou non? Allez-y.

M. Blake : Merci. C’est « Arctique ». Avec la souveraineté de l’Arctique...

Le sénateur Cardozo : Vous ne prononcez pas le « c »? C’est bien ça?

M. Blake : Oui, nous le prononçons. « Arctique », oui. C’est peut-être mon accent.

En ce qui concerne la défense du Nord, nous avons en fait une base. Je suis sûr que le maire Clarkson en parlera. Nous avons une base à Inuvik.

Le sénateur Cardozo : Très bien.

M. Blake : Elle est limitée. Les Rangers mènent des opérations à l’extérieur de Tuktoyaktuk, qui se trouve sur la côte, ou d’Aklavik. Ils se déplacent partout. Nous avons beaucoup de zones à couvrir et c’est le travail des Rangers. Ils peuvent présenter une proposition, par exemple à Aklavik, pour mener une opération avec les Rangers dans une collectivité afin de se rendre à l’île Herschel, qui se trouve près de la frontière du Yukon, dans l’océan Arctique.

Tout est une question de souveraineté. Comme vous le savez tous, la Russie et d’autres pays tentent de revendiquer des parties de l’Arctique, qui sont manifestement canadiennes. C’est là tout l’intérêt des Rangers : ils sont les yeux et les oreilles du territoire et communiquent ces informations au 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens à Yellowknife.

J’espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Cardozo : Pensez-vous qu’il y aura un jour une base aérienne dans cette région, une base aérienne importante où des chasseurs CF-18 pourraient atterrir? Pensez-vous le voir un jour?

M. Blake : C’est déjà le cas. Peter Clarkson voudra peut-être en parler, puis je compléterai.

M. Clarkson : Oui. Les CF-18 atterrissent à Inuvik depuis le début des années 1990.

Le sénateur Cardozo : Merci.

M. Clarkson : Il y a un hangar pour eux.

Nous verrons aussi... Je ne pense pas que nous verrons un jour une base comme celles des années 1960 ou 1980, où les familles déménageaient et travaillaient dans une région.

Je pense que l’armée est en train de changer, ou a changé, et qu’Inuvik sera donc principalement un avant-poste ou un centre de soutien opérationnel nordique pour l’armée de l’air. C’est ce qu’elle deviendra.

Les infrastructures qu’on envisage de construire sont destinées aux futurs F-35 et aux C-130, qui seront les avions ravitailleurs basés à Inuvik. Il faudra environ 30 personnes pour faire fonctionner cet avion-citerne qui décollera pour ravitailler en carburant les CF-18, les F-35 ou même les F-16 que les Américains ont quelque part dans les environs de la mer de Beaufort. On nous a dit que cela se fera à Inuvik.

En ce qui concerne le déménagement des familles et la construction de maisons, je ne pense pas que ce soit le modèle privilégié par l’armée. Elle fonctionnerait par roulement des effectifs. Actuellement, à Inuvik, sur la base d’opérations avancées, entre 8 et 10 militaires sont présents 365 jours par an. Ils se relaient, comme dans un camp de travail. Ils ne vivent pas ici à plein temps. Nous entretenons de bonnes relations avec eux. Beaucoup d’entre eux viennent s’entraîner dans notre service d’incendie.

Je pense que c’est le genre d’opération militaire et de soutien qu’Inuvik fournirait. C’est pourquoi la piste a été prolongée de 50 %, afin que ces avions plus gros, comme les F-35, les C-130 et les C-17, puissent atterrir en toute sécurité.

Le sénateur Cardozo : Merci pour cette explication.

M. Hendriksen : Tout d’abord, je suis également d’accord avec le grand chef, « Arctique ».

En ce qui concerne l’aspect général — souveraineté, sécurité —, une grande partie de ce que dit M. Clarkson s’applique à Yellowknife. Nous sommes actuellement une base d’opérations avancées, tout comme Inuvik.

Nous avons été désignés, avec Inuvik et Iqaluit, comme centres de soutien opérationnel dans le Nord. Les discussions dont il est question aujourd’hui portent en grande partie sur ce travail et sur l’armée de l’air.

Bien sûr, Yellowknife accueille également la Force opérationnelle interarmées (Nord). La présence militaire est déjà très importante dans la ville.

Un autre élément que je tenais à mentionner est lié à la question précédente concernant la souveraineté, la sécurité et les relations internationales, et comment tout cela fonctionne.

Contrairement à Inuvik, Yellowknife est loin de la frontière américaine. Une partie du travail que la ville essaie de faire en matière de souveraineté consiste à établir également ces liens transfrontaliers.

Yellowknife et Inuvik font partie d’un groupe appelé le Forum des maires de l’Arctique, qui regroupe des maires de l’Alaska, du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. De plus, tous les pays nordiques font partie d’un programme de coopération urbaine et régionale de l’Arctique qui regroupe des maires de l’Arctique européen et de l’Arctique canadien.

Nous organisons également tous les deux ou trois ans une tournée des ambassadeurs dans le Nord, ce qui nous donne l’occasion de montrer aux visiteurs étrangers ce qu’est vraiment le Nord canadien du point de vue de la souveraineté, puis de renforcer la sécurité réelle grâce aux centres de soutien opérationnel du Nord et aux bases d’opérations avancées, mais aussi, je pense, la souveraineté et la sécurité douces, qui font partie intégrante de l’importance de ces conversations.

Le sénateur Cardozo : C’est très instructif. Merci pour ces réponses.

Le président : Merci beaucoup, grand chef Blake et messieurs Hendriksen et Clarkson d’avoir pris le temps de participer à notre réunion ce soir. C’est une part importante du travail auquel nous espérons contribuer, dans le cadre de notre étude sur les marchés publics.

Si vous avez d’autres réflexions qui vous viennent à l’esprit un peu plus tard et que vous souhaitez nous en faire part, n’hésitez pas à le faire.

Grand chef, je vois que vous avez levé la main. Je veux m’assurer de vous donner la parole avant de conclure. Allez-y, je vous en prie.

M. Blake : Merci. Pour répondre à la dernière question, j’aimerais simplement ajouter que la collectivité et la région du delta du Mackenzie à Inuvik sont très ouvertes à tout investissement des forces armées. Elles cherchent à se développer, à pratiquement doubler leur présence actuelle, et je ne vois aucune opposition à cela.

En ce qui concerne les centres de soutien opérationnel du Nord, les investissements dans la collectivité, ils prévoient environ 250 à 500 personnes supplémentaires à la base, et nous devons examiner les services que nous devons offrir.

De plus, il faudrait que l’entraînement et les essais de drones se fassent à l’extérieur de la base militaire, c’est donc un sujet dont nous discutons avec le ministère de la Défense nationale. Par exemple, Fort McPherson pourrait mettre en place un dispositif pour tester les drones, car cela ne peut pas se faire trop près des installations qui s’y trouvent. Je tenais simplement à vous en faire part. Je tiens également à vous remercier tous pour cette occasion qui m’est donnée de m’exprimer, et je vous remercie également pour votre service à la nation.

Je sais qu’on n’entend pas cela souvent, mais étant moi-même un dirigeant, je suis conscient des défis auxquels nous sommes tous confrontés, et je tenais à vous en remercier.

Le président : Merci encore à vous trois d’avoir pris le temps de venir et d’avoir préparé un exposé aussi réfléchi.

Je suis sûr que lorsque nous rédigerons notre rapport et nos conclusions, nous veillerons à ce que vous ayez la possibilité de le consulter. Comme pour notre étude sur l’Arctique, lorsque nous avons eu l’occasion de vous rendre visite, j’espère que cette relation se poursuivra et que nous continuerons à discuter de la grandeur de notre pays et de la façon dont nous faisons les choses différemment en ce qui concerne le Nord.

Cela conclut notre discussion avec ce groupe. Je tiens à vous remercier encore une fois pour votre temps. Nous avons apprécié notre discussion. Cela conclut l’ordre du jour de ce soir et notre réunion. Notre prochaine réunion aura lieu le lundi 1er décembre, à l’heure habituelle, soit 16 heures.

Bonne soirée à tous et merci encore de votre participation.

(La séance est levée.)

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