LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 6 novembre 2025
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 10 h 30 (HE), à huis clos, avec vidéoconférence, pour étudier le projet de loi S-212, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada; et pour examiner un ordre du jour provisoire (travaux futurs).
La sénatrice Flordeliz (Gigi) Osler (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonjour. Je m’appelle Flordeliz (Gigi) Osler. Je suis une sénatrice du Manitoba et la vice-présidente du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Je vous rappelle à tous de bien vouloir parler clairement et lentement lorsque vous aurez la parole.
Avant de commencer, j’aimerais demander aux sénateurs de se présenter.
[Français]
Le sénateur Cuzner : Rodger Cuzner, de la Nouvelle-Écosse.
[Traduction]
La sénatrice Senior : Sénatrice Senior, de l’Ontario.
La sénatrice Hay : Katherine Hay, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Arnold : Dawn Arnold, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Boudreau : Bonjour. Victor Boudreau, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Muggli : Tracy Muggli, du territoire visé par le Traité no 6, en Saskatchewan.
La vice-présidente : Nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi S-212, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada.
Nous accueillons, pour notre premier groupe de témoins, en personne, Emily Gruenwoldt, présidente et cheffe de la direction, Santé des enfants Canada, et Raissa Amany, directrice exécutive, Young Canadians Roundtable on Health, et par vidéoconférence, Sara L. Austin, fondatrice et cheffe de la direction, Les Enfants d’abord Canada. Nous vous souhaitons la bienvenue.
Je vous remercie d’être avec nous. Vous disposez chacune de cinq minutes pour nous présenter votre déclaration préliminaire, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
Emily Gruenwoldt, présidente et cheffe de la direction, Santé des enfants Canada : Bonjour. C’est un honneur d’être ici aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-212, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada.
Je connais certains d’entre vous dans cette salle, mais pour ceux que je ne connais pas encore, je m’appelle Emily Gruenwoldt et je suis la présidente et cheffe de la direction de Santé des enfants Canada, la directrice générale du réseau Directeurs de pédiatrie du Canada et cofondatrice de l’organisme Inspiring Healthy Futures.
Santé des enfants Canada est une association nationale à but non lucratif qui représente des organismes de soins de santé pour enfants, ce qui comprend les 16 hôpitaux pour enfants du Canada, des hôpitaux communautaires, des centres de réadaptation et de soins à domicile et des agences de soins palliatifs pour enfants. Le réseau des Directeurs de pédiatrie du Canada regroupe les chefs de département de pédiatrie des 17 facultés de médecine du Canada. Enfin, Inspiring Healthy Futures est une collaboration nationale qui s’engage à améliorer de manière mesurable la santé et le bien-être des enfants et des jeunes dans tout le pays.
L’état actuel de la santé des enfants au Canada surprend souvent les Canadiens. Dans la province où vous vivez, sénatrice Osler, un enfant sur quatre vit dans la pauvreté, ce qui est bien supérieur à la moyenne nationale. Au Québec, dans la province de la sénatrice Petitclerc et du sénateur Brazeau, qui sont absents, les enquêtes relatives à la protection de l’enfance ont augmenté de près de 50 % depuis 1998, touchant désormais 23 enfants sur 1 000. Au Nouveau-Brunswick, sénateurs Boudreau, Arnold, Cuzner et McNair, quatre enfants sur dix vivent dans des foyers en situation d’insécurité alimentaire. En Ontario, sénatrices Senior, Moodie et Hay, plus de 30 000 enfants attendent des services de santé mentale, tandis que les jeunes transgenres courent un risque de suicide 16 fois plus élevé que leurs pairs. À l’échelle nationale, un enfant sur cinq souffre de douleurs chroniques, près d’un tiers souffre d’une maladie chronique et environ 100 000 vivent avec des problèmes médicaux complexes nécessitant des soins hospitaliers fréquents et une coordination entre plusieurs secteurs et systèmes.
Ces chiffres ne sont pas isolés. Ils racontent l’histoire d’un pays où les chances et les perspectives d’avenir d’un enfant dépendent trop souvent de l’endroit où il vit, de son identité ou des moyens financiers de sa famille. Les Canadiens aspirent à mieux.
Une stratégie nationale est fondamentale pour assurer à nos enfants un avenir meilleur. L’appel en faveur d’une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes n’est pas nouveau. Il est repris depuis des décennies par les chercheurs, les organismes de la société civile et les familles, car le Canada accuse du retard par rapport à des pays comparables dans les classements internationaux sur la santé et le bien-être des enfants et des jeunes. Les rapports de l’UNICEF classent systématiquement le Canada dans le tiers inférieur des pays riches pour ce qui est du bien-être des enfants, derrière des pays disposant de moins de ressources, mais d’une meilleure coordination. Les pays les plus performants ont un point commun : ils ont une stratégie nationale inscrite dans la loi et fondée sur les résultats, et les investissements, les politiques et la reddition de comptes sont axés sur l’atteinte de résultats mesurables pour les enfants. Le Canada dispose des ressources nécessaires pour faire de même. Ce qui manque, c’est la volonté politique et un plan cohérent et durable.
Grâce à Inspiring Healthy Futures, un partenariat entre Santé des enfants Canada, le réseau des Directeurs de pédiatrie du Canada, les IRSC et UNICEF Canada, plus de 2 000 voix ont contribué à la préparation d’un programme commun d’accélération des efforts, une feuille de route visant à améliorer le bien-être des enfants et des jeunes. En tête de ce programme figure une stratégie nationale.
Une stratégie nationale inscrite dans la loi définirait des résultats et des indicateurs nationaux clairs dans des domaines tels que la santé, l’apprentissage, la sécurité et l’inclusion. Elle garantirait une coordination à l’échelle du gouvernement, en reconnaissant que le bien-être des enfants dépend autant du logement, du revenu et de l’éducation que de l’accès aux soins de santé. Elle prévoirait des objectifs mesurables et la production de rapports transparents afin que les Canadiens puissent suivre les progrès réalisés; elle donnerait la priorité à la prévention et à l’intervention précoce, en réorientant les ressources en amont afin de réduire les soins d’urgence et les longues listes d’attente; elle intégrerait l’équité et la participation, en collectant des données ventilées et en veillant à ce que les enfants et les jeunes aient leur mot à dire dans les politiques qui les concernent; elle garantirait des investissements stables et pluriannuels liés aux résultats et à une responsabilité partagée; elle créerait une base de données unifiée et un tableau de bord public, permettant aux provinces et aux territoires d’apprendre les uns des autres; et elle assurerait la continuité, en veillant à ce que les progrès se poursuivent au-delà des cycles électoraux.
Sans cadre, il nous manque la coordination et la reddition de comptes nécessaires pour apporter des améliorations mesurables. Le projet de loi S-212 changerait cela. Grâce à l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie nationale, le Canada pourrait avoir des succès mesurables. En cinq ans, il pourrait voir les taux de mortalité infantile, de blessures et d’hospitalisations évitables baisser plus rapidement que la moyenne de l’OCDE, voir l’insécurité alimentaire diminuer d’un tiers — et des baisses plus marquées pour les enfants autochtones et ceux issus de familles à faible revenu —, et voir 90 % des enfants bénéficier de soins dans les temps d’attente recommandés cliniquement. Il s’agit là d’objectifs réalisables et mesurables qui auront des retombées économiques et sociales si nous nous engageons à suivre un plan commun.
Les enfants canadiens grandissent dans un pays qui possède les moyens de les aider à s’épanouir, mais qui ne dispose pas encore des systèmes nécessaires pour y parvenir. Beaucoup sont en bonne santé et résilients, mais beaucoup trop sont limités par des inégalités évitables et des aides fragmentées. Une stratégie inscrite dans la loi et coordonnée aiderait le Canada à passer de l’intention à l’action, en transformant des initiatives isolées en progrès mesurables et durables.
Au nom de Santé des enfants Canada, du réseau Directeurs de pédiatrie du Canada et de la coalition Inspiring Healthy Futures, j’exhorte le comité à adopter sans délai le projet de loi S-212 et à en promouvoir la mise en œuvre auprès des provinces, des territoires et des partenaires autochtones.
Je vous remercie.
La vice-présidente : Merci, madame Gruenwoldt.
Raissa Amany, directrice exécutive, Young Canadians Roundtable on Health : Bonjour, honorables sénateurs.
Avant de commencer, je tiens à souligner que le territoire sur lequel nous nous réunissons aujourd’hui est le territoire non cédé du peuple algonquin Anishinabe.
Je m’appelle Raissa Amany. Je suis la directrice exécutive de la Young Canadians Roundtable on Health. Nous sommes un organisme national dirigé par des jeunes, créé en 2013 sur la base d’une recommandation du rapport fondateur du projet Sandbox, qui appelait à la création d’un comité consultatif national composé de jeunes leaders afin de participer à la prise de décisions relatives à la santé des enfants et des jeunes. Depuis lors, nous sommes devenus un collectif de près de 55 jeunes leaders de tout le pays, tous résolus à améliorer la vie des enfants et des jeunes en misant sur la collaboration à l’échelle nationale, sur la recherche et sur la mobilisation stratégique.
Je suis ici aujourd’hui parce que les jeunes font face à des défis réels et croissants. Le Canada a le pouvoir d’obtenir des résultats solides pour les enfants et les jeunes, mais ils ne peuvent pas tous développer leur potentiel de manière égale. Comme Mme Gruenwoldt l’a mentionné, dans le rapport 19 de l’UNICEF, le Canada se classe 24e sur 36 pays à revenu élevé pour ce qui est de la santé physique des enfants et 33e pour ce qui est du suicide chez les adolescents. Partout au Canada, les jeunes continuent de faire face à des problèmes liés à l’insécurité alimentaire, à la pauvreté, à l’accès aux services de santé et à bien d’autres choses encore. Il ne s’agit pas de problèmes isolés. Ce sont les symptômes d’un problème structurel plus large. Nous ne donnons pas systématiquement la priorité aux jeunes lorsque nous concevons nos systèmes, investissons nos ressources ou fixons nos objectifs nationaux. Les solutions sont fragmentées et les résultats varient considérablement d’une collectivité à l’autre.
Le budget fédéral de cette semaine contient plusieurs investissements importants dans de nombreux secteurs qui auront une incidence sur la vie des jeunes. Cependant, il ne garantit pas que ces ressources contribueront directement à l’amélioration de la santé physique et mentale des enfants. En conséquence, la santé et le bien-être des enfants continuent d’être sous-financés et de ne pas faire partie des priorités, et le résultat est simple : les jeunes passent entre les mailles du filet. Sans un cadre unificateur centré sur les jeunes, les progrès seront inégaux et les inégalités s’aggraveront au sein des collectivités.
Le projet de loi S-212 offre une occasion précieuse de changer cette situation. Une approche coordonnée permettrait de réduire les diverses inégalités structurelles et sociales qui déterminent actuellement le bien-être des jeunes.
Il existe une expression qui dit « Rien sur nous, sans nous! », et c’est un principe qui met en évidence l’importance d’inclure les personnes directement concernées dans l’élaboration des politiques. À la Young Canadians Roundtable on Health, nous savons que l’engagement des jeunes est vraiment efficace lorsqu’il est utile, en particulier lorsque les jeunes ne sont pas intégrés au processus après que les décisions ont été prises, mais dès le début. Trop souvent, la participation des jeunes n’existe que sur papier, comme une case à cocher, un seul siège à une table ou une voix symbolique censée parler au nom des huit millions d’enfants du Canada. Les politiques sont plus solides lorsqu’elles sont élaborées en collaboration avec ceux qu’elles touchent le plus directement. La participation à cette stratégie doit donc être structurée, continue et accessible, et non occasionnelle ou symbolique. Les jeunes sont impatients et prêts à s’associer à l’élaboration de solutions qui reflètent leur expérience vécue.
Ce qui importe le plus ici, c’est que la stratégie contribue à garantir que les jeunes sont pris en compte dès le début de l’élaboration des politiques et sont considérés comme une priorité pour le gouvernement fédéral. Le projet de loi S-212 offre une occasion importante de renforcer l’approche du Canada pour soutenir les enfants et les jeunes. Nous ne voulons plus vivre dans l’ombre; l’avenir dépend de la santé de notre génération. Sans des enfants et des jeunes en bonne santé, tous les progrès que nous réalisons aujourd’hui seront perdus. Nous sommes les leaders d’aujourd’hui et de demain, et nous voulons nous assurer d’avoir un avenir solide et sain non seulement pour nous, mais aussi pour les générations futures.
Je vous remercie et je serai heureuse de répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci, madame Amany.
Sara L. Austin, fondatrice et cheffe de la direction, Les Enfants d’abord Canada : Bonjour, honorables sénateurs. C’est un privilège de me joindre à vous aujourd’hui pour défendre les droits de huit millions d’enfants au Canada. Je vous parle aujourd’hui depuis Calgary, en Alberta, sur le territoire du Traité n° 7.
Je m’appelle Sara Austin et je suis la fondatrice et cheffe de la direction de Les Enfants d’abord Canada. Nous sommes un organisme caritatif national dont la vision audacieuse et ambitieuse est de faire tous ensemble du Canada le meilleur endroit au monde où grandir.
Cette année marque notre 10e anniversaire, et bien que nous ayons accompli de grandes choses au cours de la dernière décennie, la réalité est que l’enfance au Canada est en crise. Le mois dernier, nous avons publié notre plus récent rapport Élever le Canada, soit la huitième édition de notre rapport annuel sur la situation des enfants au pays, qui met en évidence les 10 principales menaces qui pèsent sur eux dans notre pays. Les conclusions sont très préoccupantes. Le Canada est tombé au 67e rang de l’indice mondial KidsRights en raison de son incapacité croissante à juguler des problèmes importants comme la mauvaise santé mentale et physique, l’escalade des taux de violence et de maltraitance, le manque de participation des enfants et des jeunes aux décisions qui affectent leur vie et de nombreuses autres menaces à leur subsistance et leur développement quotidiens.
Malgré des décennies de prospérité et de progrès, les droits des enfants continuent d’être bafoués chaque jour, et les causes sont multiples : blessures évitables, crises de santé mentale non traitées, violence, maltraitance, pauvreté, discrimination et effets croissants des changements climatiques. Ces menaces touchent tous les enfants au Canada, mais elles nuisent de manière disproportionnée aux enfants et aux jeunes autochtones, noirs, ruraux, handicapés et 2ELGBTQIA+.
Au cours de la dernière décennie, Les Enfants d’abord Canada a constamment demandé au gouvernement fédéral d’adopter une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes avec des objectifs, des échéanciers et des plans d’investissement clairs. Ce n’est pas une nouvelle demande. Nous martelons ce message depuis 10 ans et nous avons réussi à rallier un nombre croissant de voix qui réclament des mesures.
J’ai eu le grand privilège de contribuer à la dernière stratégie nationale du Canada pour les enfants il y a plus de 20 ans, dans la foulée du programme mondial « Un monde digne des enfants » des Nations unies. Plus de deux décennies plus tard, nous n’avons toujours pas de plan coordonné à l’échelle nationale pour défendre les droits de nos enfants, et les conséquences nous rattrapent.
L’une des principales recommandations du rapport Élever le Canada 2025 est l’adoption urgente d’une stratégie nationale élaborée en collaboration avec les enfants et les jeunes. Cette recommandation a été approuvée par notre conseil des champions, qui comprend les directeurs généraux du SickKids, du CHEO, du Holland Bloorview, du IWK Health Centre, de notre conseil consultatif des jeunes, du Parlement des jeunes Canadiens, et de bien d’autres encore. Ils comprennent que la prospérité et la stabilité futures du Canada sont directement liées au bien-être de nos plus jeunes citoyens. Nous en faisons fi à nos risques et périls.
Lorsque Les Enfants d’abord Canada a été lancé en 2015, nous avons commencé par inviter des enfants et des jeunes de tout le pays à rédiger leur propre feuille de route pour le changement. Le résultat a été la création de la Charte canadienne des enfants, un document historique élaboré par des milliers de jeunes d’un océan à l’autre. Elle appelait le Canada à écouter d’abord les enfants, puis à agir avec eux, et non pour eux. Le projet de loi S-212 offre l’occasion de concrétiser enfin cette vision.
Les enfants d’aujourd’hui héritent d’un monde en proie à des crises croissantes, mais ils restent largement absents des décisions qui façonnent leur vie et leur avenir. Faisons en sorte que cela change. Faisons du projet de loi S-212 un pont entre les générations, un cadre qui voit les enfants non pas comme des bénéficiaires passifs de services, mais comme des partenaires avec qui forger l’enfance qu’ils méritent aujourd’hui et l’avenir dont ils hériteront demain.
Dans le budget fédéral de cette semaine, le gouvernement a fièrement annoncé des milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures pour assurer l’avenir de notre nation, mais il n’y a pas d’infrastructure plus vitale que la vie de nos enfants. Traitons les enfants comme la ressource naturelle la plus précieuse du Canada et cette stratégie nationale comme notre projet d’intérêt national le plus essentiel.
Une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes n’est pas seulement une bonne politique, c’est aussi un impératif moral et économique. Il est temps que le gouvernement fédéral démontre que les enfants sont une priorité nationale et qu’il les place au premier plan.
Je vous remercie. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
La vice-présidente : Je vous remercie toutes de vos déclarations préliminaires.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Pour ce groupe de témoins, les sénateurs disposeront de quatre minutes pour poser leurs questions et cela inclut les réponses. Veuillez mentionner si votre question s’adresse à une témoin en particulier ou à toutes les témoins.
La sénatrice Hay : J’ai l’impression d’être de retour au bercail. Madame Austin, je suis ravie de vous voir ici, et je vous félicite pour vos 10 ans et pour tout le travail que vous avez accompli. Madame Gruenwoldt, j’adore ce que vous faites, et madame Amany, votre travail est incroyablement important. Merci d’être ici.
Madame Austin, je vais commencer par vous poser une question, puis j’en poserai une à vous toutes. Sachant que vous avez une vision pour les jeunes, une stratégie et un endroit à Ottawa pour gérer le tout, en tant qu’ambassadrice pour les enfants et les jeunes, vous devez être heureuse de voir ce projet de loi, comme je vous ai entendue le dire. Comment voyez-vous une partie du travail que vous avez accompli s’intégrer dans ce projet de loi? Où pensez-vous que nous pouvons en faire plus pour réaliser le rêve que vous avez depuis 10 ans?
Mme Austin : Merci, sénatrice, pour cette question et pour l’occasion qui m’est donnée d’être ici aujourd’hui. Je suis vraiment ravie de voir une grande championne de la cause des enfants comme vous au sein du Sénat.
Quand je regarde ce projet de loi, l’un des éléments qui m’enthousiasment le plus dans la promesse qu’il contient, c’est qu’il met l’accent sur la voix des enfants et des jeunes. Je félicite la sénatrice Moodie pour les consultations approfondies qui ont été menées auprès des enfants et des jeunes. Les Enfants d’abord Canada est fier d’avoir soutenu ce processus en aidant à rassembler des enfants et des jeunes de tout le pays afin de les faire participer à des consultations, virtuellement et en personne, sur une longue période, souvent au plus fort de la pandémie à un moment où les enfants souffraient énormément. Je trouve vraiment louable qu’il y ait eu ces consultations approfondies pour faire participer les enfants et les jeunes dans ce processus et pour que leurs priorités, leurs points de vue et leurs droits soient respectés ici.
Je l’ai déjà dit à maintes reprises. Nous n’avons pas besoin d’une loi pour mettre en place une stratégie nationale, nous avons besoin d’une volonté politique. Toutefois, je pense que cette loi est utile et importante, car personne n’a vraiment pris les choses en main pendant ce temps. Je pense que l’intérêt de ce projet de loi est qu’il suscite des discussions comme celles que nous avons aujourd’hui. Il met ces questions au premier plan sur la Colline du Parlement, et je pense que c’est une étape nécessaire pour pouvoir aller jusqu’au bout.
Comme vous l’avez entendu de la bouche de chacune d’entre nous ici présente, cela fait maintenant 20 ans que nous le réclamons. Cela fait 20 ans que nous n’avons pas de stratégie pour les enfants. Quand je regarde notre classement actuel, 67e au classement mondial KidsRights Index, le rapport de l’UNICEF, je repense à l’annulation de la dernière stratégie en 2004. C’est à ce moment-là, à mon avis, que le déclin a commencé. Sans plan, sans objectifs et sans responsabilisation, il n’est pas surprenant que nous nous retrouvions dans cette situation. Cela ne signifie en aucun cas que notre premier ministre, les députés ou les sénateurs ne se soucient pas de nos enfants ni ne leur accordent la priorité, mais sans stratégie, sans plan, sans objectifs et sans responsabilisation, les choses déraillent. Nous en avons vu les conséquences pendant plus de vingt ans; il est temps de renverser la vapeur.
La sénatrice Hay : Merci, madame Austin. Je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit. Je tiens simplement à préciser qu’il faut une volonté politique en ce sens et que nous devons adopter ce projet de loi pour mieux les protéger à l’avenir.
Madame Amany, il est vraiment primordial de veiller à ce que les jeunes présents à la table ne le soient pas de manière purement symbolique ou pour la forme, et que ces jeunes représentent l’ensemble du Canada — pas seulement les jeunes Canadiens, mais tous les jeunes du Canada, d’un océan à l’autre. Vous faites un travail remarquable. Comment porteriez-vous véritablement la voix des jeunes jusque dans la gouvernance de première ligne de ce projet de loi?
La vice-présidente : Le temps de parole de la sénatrice Hay est écoulé. Je vais vous demander de réfléchir à votre réponse, et nous reviendrons vers vous au deuxième tour, où vous disposerez de quatre minutes pour y répondre. Merci beaucoup.
La sénatrice McPhedran : Merci à nos témoins d’être ici.
Madame Austin, j’ai été très heureuse d’avoir pu célébrer le 10e anniversaire des Enfants d’abord Canada avec vous à Calgary.
Ma question se veut également une invitation à réfléchir plus attentivement à la volonté politique nécessaire. Je vous invite à nous faire part de vos réflexions, peut-être même à nous raconter des moments précis dont vous vous souvenez où on a manqué de rigueur. Il y a tout plein de moments où la mise en œuvre achoppe. Les sénateurs et les militants savent très bien que c’est une chose d’adopter une loi, mais que c’en est une autre de la mettre en œuvre et d’apporter les changements positifs visés. Ma question est la suivante : vous souvenez-vous de moments décisifs ou de points de bascule où on avait l’occasion d’agir et on l’a laissée filer? C’est juste pour nous aider, dans l’étude de ce projet de loi, à nous demander s’il y a des moyens de nous prémunir, autant que possible, contre ce genre de dérapage dans ce cas-ci.
Mme Gruenwoldt : Je peux vous donner un exemple très récent dont nous parlons beaucoup et qui illustre bien comment les enjeux touchant les enfants sont relégués au second plan parmi tant d’autres priorités concurrentes.
À l’automne 2022, ceux d’entre vous qui sont parents ou grands-parents se souviendront de deux crises qui se sont produites simultanément. La première, c’est quand les Pharmaprix, Loblaws et autres ont manqué de Tylenol et d’Advil pour enfants. Lorsqu’un enfant est malade à la maison, il est très difficile de le soigner sans les médicaments en vente libre courants. Bon nombre de familles dont les enfants étaient très malades n’avaient pas de médecin traitant ni accès à des services de santé de première ligne, si bien qu’elles se sont naturellement tournées vers les services d’urgence à travers le pays, qu’il s’agisse d’hôpitaux communautaires ou d’hôpitaux pour enfants.
Parallèlement à cela, il y avait une assez forte prévalence du VRS, de la COVID-19 et de la grippe, de sorte que les services d’urgence de partout au pays ont été submergés non seulement par les enfants malades qui n’avaient pas de Tylenol ou d’Advil, mais aussi par les familles confrontées à l’un de ces virus.
Pour nos hôpitaux pédiatriques et nos hôpitaux communautaires, cela a été la catastrophe. Les enfants attendaient dans les salles d’attente pendant 18, 19, 20 heures. Lorsqu’on a un enfant malade, il est extrêmement pénible de rester assis si longtemps dans une salle d’urgence. C’est terrible. On les voit souffrir et on est assis là, impuissant.
À l’époque, le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, était très attentif à la situation. Il appelait chaque semaine les directeurs généraux de nos hôpitaux pédiatriques pour vérifier auprès de chacun ce qu’il pouvait faire. Que pouvait faire le gouvernement fédéral pour soutenir les enfants et les familles au cœur de cette triple épidémie? Peu de temps après, en février 2023, il s’est présenté sur une tribune aux côtés du premier ministre Trudeau et a annoncé un financement de 2 milliards de dollars pour faire face à la crise pédiatrique et à la saturation des services d’urgence. Ce n’était pas des fonds désignés, je crois que c’est le terme, des fonds réservés à un usage particulier, si je comprends bien, de sorte que lorsqu’ils ont été transférés aux provinces, deux des treize provinces et territoires les ont utilisés pour renforcer les services de santé destinés aux enfants.
Je cite cet exemple où les enfants étaient la priorité établie, déclarée pour des investissements, mais où, à l’échelon provincial, les ressources n’ont pas été affectées au besoin désigné. C’est un exemple qui montre, à mon avis, que nous pourrions établir les priorités différemment.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup. Le temps est-il écoulé?
La vice-présidente : Vous continuerez au deuxième tour?
La sénatrice McPhedran : J’inviterai les témoins à me répondre au deuxième tour, s’il vous plaît.
La vice-présidente : Merci, sénatrice. C’est la marraine du projet de loi, la sénatrice Moodie, qui va poser la prochaine question.
La sénatrice Moodie : Je cède mon temps de parole aux autres témoins pour qu’ils répondent à la question de la sénatrice McPhedran.
La sénatrice McPhedran : Y a-t-il eu un moment où le potentiel était grand, puis quelque chose s’est produit et c’est tombé à l’eau? Vous pouvez nous donner des exemples qui datent de plus loin dans le temps, si vous le souhaitez.
Mme Austin : Sénatrice McPhedran, merci de vos bons mots. Je suis heureuse que vous ayez pu vous joindre à nous à Calgary pour nos célébrations de 10e anniversaire. Merci de nous avoir fait cet honneur.
Quand je repense aux moments clés où il y avait une occasion d’agir, je pense à la Charte des enfants, comme je l’ai mentionné tout à l’heure. C’est une initiative qui a mobilisé des enfants et des jeunes d’un océan à l’autre : ils ont exprimé leurs préoccupations, décrit ce que signifie d’être un enfant aujourd’hui, ou à l’époque, les défis réels auxquels ils étaient confrontés, et pas seulement les problèmes, mais aussi les solutions qu’ils envisageaient. Ils ont parlé des préjudices en ligne, de la réconciliation, de la mauvaise santé mentale, de la violence, etc. Ils ont établi une feuille de route. Ils ont créé une vision clairement articulée et très puissante. Ils se sont rendus sur la Colline du Parlement. Ils ont publié ce document après plus d’un an de consultations, ce qui a suscité un énorme battage médiatique, attiré beaucoup d’attention sur la Colline du Parlement et dans les médias nationaux, et donné lieu à des conversations d’un océan à l’autre.
Et pourtant, qu’est-il advenu? Ce document est toujours d’actualité. Les enfants en parlent, les acteurs de la société civile en parlent, mais il n’a jamais été... On a passé le flambeau au gouvernement, on lui a dit : « Voici la vision des enfants. Nous avons besoin que le gouvernement travaille en partenariat avec ces enfants pour la concrétiser. » Puis, rien n’est arrivé. Les enfants ont clairement énoncé les problèmes et proposé des pistes de solutions, mais le gouvernement n’y a jamais donné suite. Il y a eu beaucoup de beaux commentaires, des félicitations chaleureuses de la part du premier ministre lors de la Journée des enfants, à la réception du document, toutes sortes de grandes déclarations enthousiastes, mais aucune action concrète. Nous voici près d’une décennie plus tard.
La sénatrice McPhedran : Si vous me le permettez, dites-moi si je résume correctement votre réponse. Les parlementaires ont manqué à leur devoir.
Mme Austin : Je crois qu’on peut le dire, en effet.
La sénatrice McPhedran : Merci.
Mme Austin : Il s’agissait d’une invitation lancée par les enfants, et le gouvernement n’a pas su y répondre.
La sénatrice McPhedran : Madame Amany, voulez-vous dire quelque chose?
Mme Amany : Je n’ai rien à ajouter.
La sénatrice McPhedran : Très bien. Aviez-vous autre chose à ajouter, madame Austin? Je pense qu’il nous reste un peu de temps.
Mme Austin : Toutes les personnes présentes dans cette salle aujourd’hui, ainsi que d’autres témoins qui vont comparaître devant le comité, ont déjà été appelées à participer à des consultations. Nous avons rencontré des ministres. L’un des points importants à soulever au sujet de ce projet de loi, c’est qu’il faut une volonté politique. Certains ministres prennent le relais de temps à autre et nous invitent à discuter de la stratégie nationale. Vous nous avez invités à discuter de la création d’un poste de commissaire à l’enfance. Cependant, ces choses-là sont souvent remises à plus tard. Le Cabinet est remanié, nous perdons notre élan et nous retombons dans le même cycle. Voilà.
C’est l’un des véritables avantages à adopter un projet de loi, en supposant qu’il obtienne l’appui des sénateurs et des députés. Ce serait alors inscrit dans la loi, le projet ne serait plus vulnérable aux revirements politiques, aux changements de portefeuilles ou à tout ce à quoi nous avons assisté au cours de la dernière décennie.
La sénatrice McPhedran : Merci.
La vice-présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice Arnold : Merci à tous d’être ici parmi nous.
Je suis d’accord avec le fait qu’il faut une volonté politique. Je suis un grand admirateur de l’ancienne première ministre néo‑zélandaise Jacinda Ardern. Elle a réussi à le faire en Nouvelle-Zélande, mais cela n’a pas été de tout repos. Je pense que les témoins nous ont dit que c’était très complexe. Tout est très cloisonné.
Je voudrais vous donner un exemple plus tangible. Dans son rapport intitulé Comment tout s’est écroulé, Kelly Lamrock, défenseure des droits des enfants et des jeunes au Nouveau-Brunswick, souligne le manque de personnel, de planification des ressources humaines et la multiplication des postes de première ligne vacants. Par exemple, près des trois quarts des postes de psychologues pour enfants ne sont pas pourvus au Nouveau-Brunswick. Cela nuit à la prestation de services de base aux enfants et aux jeunes. Je sais que nous ne voulons pas être trop prescriptifs, mais je me demande si vous pensez que c’est important et que nous devrions également le mentionner d’une manière ou d’une autre.
Mme Gruenwoldt : Les pénuries de ressources humaines dans le domaine de la santé infantile et de la pédiatrie constituent un défi majeur au Canada. Le public est très peu sensibilisé à la complexité des soins aux enfants et aux jeunes et au haut degré de spécialisation des professionnels qui prodiguent ces soins.
Je peux vous dire que les Directeurs de pédiatrie du Canada viennent de terminer une campagne de collecte de données afin de mieux comprendre qui sont les personnes en formation dans les sous-spécialités pédiatriques, ainsi que les personnes qui exercent déjà, où elles se trouvent au pays et où nous estimons qu’il existe de graves lacunes actuellement ou qu’il y en aura dans un avenir proche. Il n’est pas exagéré de dire qu’il y a des régions où un seul sous-spécialiste sert une population infantile particulière et que si ce sous-spécialiste, un néphrologue pédiatrique, par exemple, décidait de déménager, de prendre sa retraite ou d’avoir un enfant, toute la région se retrouverait sans services dans cette sous-spécialité.
Le défi est complexe. Les sous-spécialités pédiatriques sont beaucoup moins bien rémunérées que leurs équivalents pour adultes, et il existe de nombreux autres obstacles à la participation à ces professions. La formation est plus longue, par exemple. Nous sommes profondément engagés dans la recherche de solutions, et cela s’applique à l’ensemble des professions du domaine de la santé infantile, parce que comme vous l’avez souligné, cela va au-delà de la profession médicale et touche également les infirmières, les travailleurs sociaux, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes et tous ceux qui dispensent des soins spécialement conçus pour les enfants et les jeunes. Ce ne sont pas de petits adultes, et leurs soins nécessitent des compétences pointues.
Mme Austin : Si vous me le permettez, Mme Gruenwoldt a très clairement parlé de la fragmentation des soins de santé. La protection de l’enfance serait un autre exemple très clair de fragmentation de la protection et des soins aux enfants à travers le Canada.
Chaque province ou territoire a une approche totalement différente, et pourtant, partout au pays, nous voyons des enfants passer entre les mailles d’un système de protection sociale en ruine, et certains enfants le paient de leur vie. L’exemple de l’Ontario est particulièrement tragique, puisque plus de 200 enfants sont décédés dans le système de protection de l’enfance, parce qu’ils ont échappé à toute surveillance. C’est un système tellement défaillant, tellement fragmenté. Il nous faut des normes plus cohérentes, une vision claire et une meilleure imputabilité. Les défenseurs des enfants et des jeunes de tout le Canada sont unis dans leur conviction qu’il faut un commissaire fédéral à l’enfance et à la jeunesse et une stratégie nationale pour assurer la cohérence des politiques, l’établissement de normes nationales et une bonne reddition de comptes en ce qui concerne la protection des droits des enfants dans notre pays.
La sénatrice Arnold : Merci.
La sénatrice Senior : Merci à tous. J’ai beaucoup apprécié les déclarations que vous avez présentées.
Je voudrais simplement poser une question sur l’importance des données désagrégées, non seulement pour le cadre, mais aussi pour la stratégie en soi et vous interroger sur le travail que vous accomplissez à cet égard aux différents endroits où vous siégez. Je pose cette question dans le contexte du genre, de la race, de l’identité autochtone, de l’identité de genre, LGBTQ+, etc. Je pense également au témoignage que nous avons entendu hier concernant une approche qui porte fruit chez les Premières Nations, les Métis et les Inuits. On déplorait une approche un peu trop hiérarchique et on se demandait dans quelle mesure l’approche ascendante utilisée par Services aux Autochtones Canada, ou SAC, était efficace. Je me demande si vous pourriez nous en parler, parce que j’entends cette préoccupation et je me demande quelle solution serait envisageable pour les populations que j’ai mentionnées. J’aimerais savoir comment vous en tenez compte dans votre travail et comment cela pourrait s’appliquer à l’élaboration d’une stratégie. J’aimerais avoir l’avis de chacune d’entre vous, s’il vous plaît.
Mme Gruenwoldt : Je vous remercie de cette grande question.
Je pense que l’un des points forts du projet de loi présenté, c’est qu’il met en évidence la nécessité de données plus robustes, plus accessibles, recueillies avec plus de rigueur sur l’ensemble des enfants.
Dans le domaine de la santé, qui est celui que je connais le mieux, c’est un défi pour tous les gouvernements et tous les établissements de soins de déterminer quelles données sont recueillies, et comment, avec quelle rigueur, comment elles sont partagées entre les différents établissements et dans quelle mesure les familles peuvent trouver des données sur les soins prodigués à leurs enfants. Et même les indicateurs que nous suivons, sont-ils déterminés par les professionnels de la santé ou selon ce qui importe le plus aux familles, qui se soucient avant tout de savoir si leur enfant pourra pratiquer des sports récréatifs, s’il pourra aller à l’école? Ce sont là les paramètres les plus importants pour certaines familles, et ils diffèrent de ceux que les professionnels de santé cherchent à mesurer.
Il est également essentiel de disposer de meilleures données pour apprendre dans les systèmes de santé et pour pouvoir mieux répondre aux besoins, améliorer la qualité et la rigueur. Comment apprenons-nous? Diffusons-nous ces apprentissages à grande échelle? Sur quelles données nous basons-nous pour mesurer les résultats?
C’est un défi colossal partout dans le secteur de la santé. Je vais laisser à mes collègues le soin de parler des autres ministères ou secteurs.
Mme Amany : C’est une question très difficile. Je parle du point de vue des jeunes, et je ne représente pas les huit millions d’enfants et de jeunes qui vivent au Canada, mais quand je pense à mes pairs et aux données, c’est assez difficile, car nous avons besoin de données pour comprendre ce qui se passe dans la société, mais si l’on prend les données sur la sexualité et le genre et que l’on pense aux différents groupes qui méritent un traitement équitable, il est vraiment important de se demander si ces données sont exploitées. Les exploitons-nous parce que nous voulons des données à tout prix, ou serait-il utile de prendre le temps d’apprendre et d’analyser ces données pour comprendre ce qui se passe réellement sur le terrain? C’est ce que je veux dire.
Mme Austin : Je suis tout à fait d’accord pour dire que nous avons besoin de meilleures données, qui doivent bien sûr être ventilées. Lorsque nous avons commencé à produire le rapport Élever le Canada en 2008 dans l’optique de créer un rapport sur la situation des enfants au pays, la tâche la plus difficile a été de constater qu’il n’existait pas de données comparables sur la santé et le bien-être des enfants d’une année à l’autre. Nous ne disposons d’aucune norme nationale à cet égard. Nous avons beaucoup parlé de l’importance de recueillir des données ventilées avec Statistique Canada, ainsi qu’avec des hôpitaux et des organismes de bienfaisance pour enfants. Nous avons remporté une petite victoire avec l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes, ou ECSEJ, qui a commencé à amasser des données et qui dispose d’un point de référence avant la pandémie et d’un autre pendant celle-ci pour mesurer certains indicateurs relatifs à la santé et au bien-être des enfants, mais c’est loin d’être suffisant. Il s’agit d’un élément essentiel pour élaborer une stratégie nationale et être en mesure de voir si nous progressons.
Cela dit, nous avons déjà suffisamment de données pour montrer très clairement que nos enfants sont en situation de crise et que nous avons pris beaucoup de retard. De meilleures données contribueront à améliorer la voie à suivre, mais elles ne sont certainement pas nécessaires pour prendre les mesures qui s’imposent dès maintenant afin d’élaborer une stratégie qui nous permettra d’avancer.
La sénatrice Muggli : Je vous remercie tous d’être avec nous aujourd’hui. Je vous suis vraiment reconnaissante d’être ici.
Je viens de voir une nouvelle de dernière heure de CBC News, disant que la Cour suprême se prononce sur l’affaire des pronoms dans les écoles de la Saskatchewan. Je voudrais savoir si vous pensez qu’une stratégie nationale peut donner le ton ou fixer des attentes pour les provinces qui ont une certaine compétence en la matière afin qu’elles fassent des déclarations ou se prononcent sur des questions comme celles-ci. Bien sûr, l’enjeu ne concerne pas uniquement la Saskatchewan. J’aimerais entendre la réponse de Mme Amany.
Mme Amany : Je vous remercie. C’est une excellente question.
Il y a évidemment des défis dans toutes les provinces, et ces questions sont très complexes, qu’il s’agisse des pronoms ou des soins sexospécifiques, par exemple dans le domaine de la santé.
Du point de vue d’un jeune, il est assez difficile de discerner où nous allons à ce chapitre. Je ne peux pas vraiment me prononcer sur la manière dont la province va adopter ce cadre et l’appliquer sur son territoire. Cependant, ce qui est important ici, c’est d’écouter les jeunes pour connaître leurs besoins. Il ne faut peut-être pas nécessairement aller de l’avant maintenant avec la question des pronoms. Il faut simplement écouter la voix des jeunes et veiller à ce que cette diversité soit à la table.
La sénatrice Muggli : Si les autres témoins souhaitent ajouter quelque chose au sujet des questions de compétences entourant le cadre national, n’hésitez pas à le faire.
Mme Austin : J’aimerais ajouter que l’un des principaux avantages de la stratégie nationale est qu’elle porte une attention particulière aux grandes priorités ayant trait aux enfants et aux jeunes. Je vis dans la province de l’Alberta, où nous avons fait la une des journaux pour des sujets tels que l’interdiction de livres.
La vice-présidente : Madame Austin, je suis désolée de vous interrompre, mais nous entendons beaucoup de parasites. Veuillez vérifier que vous êtes bien branchée.
Mme Austin : Je vais réessayer. Est-ce mieux ?
La vice-présidente : C’est mieux, je vous remercie.
Mme Austin : L’un des avantages réels d’une stratégie nationale est qu’elle permettra à chaque province et territoire de cibler à nouveau les priorités, les besoins et les droits les plus criants des enfants.
Je vis dans la province de l’Alberta, où nous avons été distraits par les gros titres concernant l’interdiction de livres que nos enfants lisent. Quand on pense aux enjeux qui ont été abordés aujourd’hui, comme l’augmentation du taux de pauvreté chez les enfants, le fait qu’un enfant sur trois soit victime de maltraitance avant l’âge de 15 ans, l’insécurité alimentaire, et ainsi de suite, j’espère que la stratégie nationale nous permettra de nous entendre sur les priorités les plus urgentes dans la vie de nos enfants dès maintenant, et sur le plan d’action dont nous avons besoin pour la suite des choses.
Mme Gruenwoldt : L’un des points forts du projet de loi S-212 est qu’il reconnaît et met l’accent sur les droits de l’enfant. Quand je pense aux pronoms, cet enjeu porte directement sur leur identité en tant qu’êtres humains et sur le respect du droit qu’a cet enfant ou ce jeune à s’identifier comme il le souhaite. Je m’en tiendrai là.
La sénatrice Muggli : Je vous remercie.
Le sénateur Cuzner : Je voudrais revenir sur un point que la sénatrice McPhedran a soulevé, mais j’apprécie vos commentaires sur la collecte de données. Vous méritez des félicitations pour avoir fait avancer ce dossier.
M. Jean-Yves Duclos est un vrai gentleman. Le fait que le premier ministre et lui aient pris cet engagement était important pour plusieurs raisons. Or, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu, ce qui montre que, dans ce genre de situation, c’est bien souvent le gouvernement fédéral qui paie, mais la province qui décide.
Je suis favorable aux principes du projet de loi S-212, mais cet exemple montre qu’il doit y avoir des mécanismes de contrôle. On a dit ici que les élus vont et viennent, que les ministres changent, et ainsi de suite, mais il doit y avoir quelque chose que nous pouvons mener à bien.
Ma question s’adresse à Mme Austin. Vous avez parlé de la stratégie initiale de 2004. S’il y a jamais eu un moment pour aller de l’avant, c’était en 2004, lorsque les comptes étaient équilibrés. Il y avait des excédents. Un tiers de l’excédent serait consacré à des déductions fiscales, un tiers au remboursement de la dette et un tiers au soutien de nouveaux programmes. S’il y avait un moment propice à une initiative comme celle-ci, pourquoi a-t-elle été abandonnée? Je sais que vous me répondrez honnêtement. Y avait-il un problème avec la stratégie? Qu’est-ce qui a fait défaut?
Mme Austin : Je remercie le sénateur pour cette question.
Je ne peux pas prétendre savoir ce que pensaient nos dirigeants politiques à l’époque, mais nous avons connu un changement de gouvernement à ce moment-là. C’est sous le gouvernement libéral précédent que la stratégie a été élaborée. Je tiens à rendre hommage à la regrettée Landon Pearson pour son leadership dans cet effort. Elle était motivée par les objectifs mondiaux fixés à l’époque par les Nations unies. La sénatrice Pearson a mené les consultations nationales avec les provinces et les territoires, les enfants et les jeunes — tous les acteurs de la société civile — afin d’élaborer cette stratégie. Mais nous avons ensuite eu un changement de gouvernement, un nouveau premier ministre, de nouveaux mandats ministériels, et cette stratégie a été mise de côté. Elle a cessé d’être une priorité.
Plusieurs gouvernements se sont succédé depuis lors, mais aucun n’a repris le flambeau. Je pense que cela nous montre l’importance des lois. Il faut inscrire cette question dans la loi afin que la protection des droits de nos enfants et le maintien de cette question comme priorité nationale ne soient pas victimes de la volonté politique ou des changements successifs de gouvernement.
Mme Gruenwoldt : Pour revenir à vos commentaires précédents sur la question des 2 milliards de dollars, je tiens tout d’abord à saluer la Nouvelle-Écosse, qui a été l’une des deux provinces à utiliser ces fonds pour renforcer les capacités en matière de santé infantile.
Le sénateur Cuzner : Ce doit être mon influence.
Mme Gruenwoldt : Exactement, ce doit être votre influence. C’est peut-être en marge de la stratégie, mais dans le Transfert canadien en matière de santé, nous avons vu des accords assortis de conditions être conclus entre le fédéral et le provincial. L’une de ces conditions dans quelques provinces se rapporte aux fonds réservés à la santé des personnes âgées. Si nous pouvons affecter des fonds à cette fin, nous pouvons certainement faire de même pour la santé des enfants. Ainsi, ces 2 milliards de dollars auraient servi aux fins prévues. Cette annonce a coïncidé avec la renégociation des accords du Transfert canadien en matière de santé en 2023, ce qui a multiplié les occasions manquées.
Le sénateur Boudreau : Le sénateur Cuzner aurait vraiment voulu être originaire du Nouveau-Brunswick.
Blague à part, il y avait en fait quelques questions auxquelles je voulais m’attarder, mais Mme Austin a dit une chose au début, qu’elle vient de répéter, mais un peu différemment. Plus tôt, vous avez dit que nous n’avons pas besoin de législation, mais de volonté politique.
J’ai été politicien provincial pendant 14 ans avant d’arriver ici. Les politiciens doivent gérer des milliers de priorités difficiles à concilier au quotidien, en essayant d’obtenir une part de l’attention et des fonds limités du budget. De nombreux défenseurs des jeunes et des enfants font un travail remarquable. La question s’adresse aux trois témoins, mais les propos de Mme Austin m’ont interpellé. Pouvons-nous mieux défendre les intérêts de nos enfants et de nos jeunes afin d’accroître le sentiment d’urgence? Ou y a-t-il trop de défenseurs, de sorte que le message est dilué? Il semble assez facile de convaincre les gens qu’il faut faire mieux pour nos enfants et nos jeunes, mais nous en sommes là, et nous voyons les classements mondiaux du Canada, qui devrait figurer au moins parmi les 10 premiers. Pouvons-nous mieux défendre les besoins de nos enfants et de nos jeunes en déployant des efforts concertés afin d’accroître le sentiment d’urgence?
Mme Austin : Je remercie le sénateur. Je suis ravie de votre question.
Qu’il s’agisse des témoins d’aujourd’hui, de sénateurs qui ont déjà exercé des mandats — pensez à la sénatrice Hay et au travail remarquable qu’elle a accompli à Jeunesse, J’écoute, ainsi qu’à beaucoup d’autres qui répètent le même discours —, il ne manque pas de voix fortes et unies. Notre secteur au service des enfants et des jeunes est uni sur ce front depuis de nombreuses années, comme vous l’avez tous entendu. Nous avons mené des campagnes très bruyantes et parfois musclées. Nous repensons à la pandémie. Nous avons mené une campagne appelée CODEPINK parce que la vie des enfants était littéralement en jeu. Ils mouraient faute d’accès aux soins médicaux, qu’il s’agisse de soins physiques ou mentaux.
Je ne sais pas ce que nous pouvons faire de plus pour les enfants ni ce que l’on peut attendre des enfants eux-mêmes. Ils sont les seuls membres de notre société à ne pas être émancipés. L’honorable sénatrice McPhedran tente de changer la donne avec son projet de loi visant à abaisser l’âge du droit de vote à 16 ans et à élargir le droit de vote afin de donner aux jeunes une plus grande voix. Lorsque nous avons un quart de notre population et 100 % de notre avenir qui n’a pas de voix politique directe pour demander des comptes à nos dirigeants, il est malheureusement très facile de les écarter des priorités. Cela ne veut pas dire que les dirigeants politiques ne se soucient pas de nos enfants, mais en fin de compte, ces derniers ne votent pas. Ils n’ont pas leur mot à dire pour demander des comptes aux dirigeants.
Il incombe simplement au gouvernement de respecter les engagements pris en 1991 lorsque le Canada a ratifié la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Les droits n’ont aucune importance sans responsabilité, ce qu’apporterait cette stratégie nationale, en plus de la volonté politique nécessaire pour faire avancer les choses.
Mme Gruenwoldt : Lorsque nous avons créé Assurer un avenir en santé, nous avons réuni des organisations de tous les secteurs, car, même si nous étions d’accord sur le principe, nous ne l’étions pas dans la pratique. L’idée était de réfléchir à la manière de rassembler les organisations qui s’occupent des enfants, qu’il s’agisse d’éducation, de services sociaux, de justice, de santé ou autre, afin de créer un programme commun de défense des droits. Le fait que toutes nos petites organisations essaient individuellement de faire bouger les choses sur des mesures très précises ne nous menait nulle part. Le rapport de l’UNICEF montrait que nous reculions d’année en année. Cette approche plus consolidée et plus cohérente nous a aidés à nous rassembler en tant que communauté, et j’espère qu’elle changera la donne. Elle nous a aidés à réaliser l’étude sur la santé des enfants à la Chambre des communes, et nous sommes ici aujourd’hui. J’espère que notre action collective, grâce à ce plaidoyer commun, donnera des résultats.
La vice-présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous avons environ neuf minutes pour un deuxième tour. Je vais donc vous demander de faire un tour rapide, où chacun devra être concis dans ses questions et ses réponses. La sénatrice Hay est la première, ce qui laisse à notre témoin le temps de répondre à la question précédente.
Mme Amany : La question portait sur la manière dont nous pouvons faire participer les jeunes à la gouvernance. Ayant travaillé pendant très longtemps dans ce domaine pour favoriser la mobilisation des jeunes, je pense que tout repose sur une participation intentionnelle. C’est fondamental. Il faut une responsabilité intentionnelle et un cadre pour réellement mobiliser les jeunes dans ce domaine. Nous constatons beaucoup de gestes symboliques lorsqu’il s’agit des jeunes dignes d’équité. Ce sont souvent les mêmes personnes qui sont amenées dans ces espaces, comme moi-même. Je me mettrais aussi dans cette catégorie, étant donné que beaucoup d’entre nous comptent sur les mêmes personnes pour parler de ce qui se passe réellement sur le terrain. Je ne peux pas parler au nom de certains groupes méritant un traitement équitable. Ce doit être significatif et intentionnel, mais d’une manière qui permet de créer des relations, car nous ne pouvons pas simplement venir frapper aux portes et dire : « Voulez-vous venir présenter votre point de vue? » Nous ne pouvons pas agir ainsi. Il faut une stratégie. Les jeunes sont désireux de s’impliquer dans ce dossier et ils ont des idées brillantes. Je ne peux évidemment parler que de certains aspects, mais il y a de nombreux groupes de jeunes qui s’adressent également à moi au sein de mon organisation, et nous essayons de renforcer mutuellement notre travail.
La sénatrice Moodie : Franchement, chers collègues, cette idée n’est pas nouvelle. On songe à une stratégie depuis un certain temps déjà. Le Canada est à la traîne. Plus de la moitié des 38 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, ont des documents stratégiques qui décrivent la façon dont leur gouvernement produit des résultats positifs pour les enfants dans plusieurs domaines du bien-être. Pour que cela figure au compte rendu, pouvez-vous nous indiquer qui sont certains des principaux leaders internationaux dans ce domaine? De qui devrions-nous nous inspirer?
Mme Austin : Je citerais les pays qui figurent parmi les 10 premiers du classement mondial de l’UNICEF comme étant des exemples évidents de nations qui ont mis en place des stratégies nationales, qui ont nommé des commissaires à l’enfance et à l’adolescence et qui ont fait des droits et du bien-être...
La vice-présidente : Madame Austin, nous entendons à nouveau beaucoup de parasites. Nous allons passer à l’un des témoins présents en personne et nous allons essayer de vous aider à résoudre vos problèmes techniques.
Mme Gruenwoldt : Madame Austin commençait à évoquer les pays les plus performants selon le rapport de l’UNICEF, à savoir les Pays-Bas, le Danemark et la France, qui occupent respectivement les première, deuxième et troisième places. Ces pays ont toujours donné la priorité aux enfants et aux jeunes dans leurs politiques, ont réalisé des investissements soutenus en amont, plutôt que de se contenter de solutions de fortune, et ont mis en place des structures de direction qui sont tenues responsables des résultats.
L’un des indicateurs clés dont nous parlons beaucoup dans le rapport de l’UNICEF — je sais que vous allez bientôt accueillir Lisa Wolff — est que les pays les plus performants dépensent près du double de ce que nous dépensons par rapport au PIB. Les Pays-Bas, par exemple, investissent 3,68 % de leur PIB dans des programmes, des politiques et des services destinés aux enfants et aux jeunes. Or, le Canada y consacre 1,68 % de son PIB.
La vice-présidente : Madame Austin, pouvons-nous réessayer brièvement? S’il y a des parasites, nous devrons vous demander d’envoyer vos commentaires par écrit.
Mme Austin : Merci. Je vous en suis reconnaissante.
Je ne répéterai pas ce que Mme Gruenwoldt vous a déjà dit. Le seul autre exemple que je citerais est celui de l’Australie, moins pour sa stratégie nationale que son cadre de commissaire à l’enfance et à l’adolescence, compte tenu des défis comparables que ce pays relève entourant la diversité de la population et les droits uniques des enfants autochtones là-bas. C’est un autre exemple important d’un pays qui a donné la priorité aux droits des enfants et les a consacrés en créant un commissaire à l’enfance et à l’adolescence.
La sénatrice McPhedran : Merci, madame Austin, d’avoir souligné l’importance des électeurs.
Avant de poser ma brève question, je tiens à reconnaître que les défenseurs, aussi formidables soient-ils, ne constituent pas un grand nombre d’électeurs. J’ai entendu des expressions telles que « échapper à toute surveillance » et « les parlementaires ont manqué à leur devoir ». C’est ce qui en ressort, et c’est en partie ce que mon collègue, le sénateur Cuzner, voulait dire. La question est la suivante : pensez-vous que le vote des citoyens âgés de 16 et 17 ans changerait réellement la donne? Je m’intéresse sérieusement à ce volet de la stratégie.
Mme Amany : C’est une excellente question.
Je ne peux pas parler au nom de tous les jeunes ici au Canada, mais nous voyons tous les jours que les jeunes apportent du changement dans leur communauté. Ils n’ont parfois que 10 ou 12 ans. Je pense aux jeunes de 16 et 17 ans qui peuvent réellement faire bouger les choses, et je le crois vraiment, puisque la majorité d’entre eux sont en mesure d’apporter des changements dans les communautés et de créer des organismes de bienfaisance et à but non lucratif. Ils ont clairement la capacité de comprendre ce qui se passe dans leur environnement et quel est le véritable problème, et ils sont capables de prendre leurs propres décisions concernant leur allégeance politique. Je réponds oui à votre question.
Mme Gruenwoldt : C’était une réponse très intelligente, et quand je pense à la participation à l’initiative Assurer un avenir en santé, les jeunes avaient des idées réfléchies et percutantes qui ont été intégrées dans notre cadre final. Je soutiens donc votre suggestion.
La sénatrice Senior : Je réfléchis aux efforts pour créer d’autres stratégies nationales comme le Plan d’action national visant à mettre fin à la violence fondée sur le genre et un programme national de garde d’enfants, ce qui a pris beaucoup de temps. C’est la volonté politique qui a permis de les mettre en place, car après de nombreuses tentatives infructueuses, les bonnes personnes étaient au bon endroit au bon moment pour concrétiser ces initiatives. C’est un élément qu’il ne faut pas oublier, et nous devons continuer de nous appuyer sur ce qui a déjà été créé et sur ce qui a déjà été fait. Dépoussiérez les dossiers s’il le faut, mais je pense que c’est inévitable. Je voulais seulement conclure sur une note d’espoir, car il a fallu 50 ans pour que le programme de garde d’enfants soit mis sur pied, ce qui est regrettable, mais il a été créé et continuera d’exister, car il y a beaucoup plus à faire. Il a fallu également beaucoup de temps pour instaurer le Plan d’action national visant à mettre fin à la violence fondée sur le genre. Vous avez raison de dire que les provinces détournent les fonds à d’autres fins, mais c’est là qu’il faut un effort national de défense des intérêts. Il faut que les provinces, les territoires et les localités déploient des efforts pour les tenir responsables. Je n’ai pas de question. Je voulais simplement faire ces observations.
La vice-présidente : Je vous remercie.
Voilà qui nous amène à la fin de notre rencontre avec le premier groupe de témoins. J’aimerais remercier Mmes Gruenwoldt, Amany et Austin de leur témoignage d’aujourd’hui.
Pour notre prochain groupe de témoins, nous accueillons Olivia Lecoufle, membre du conseil d’administration, Coalition canadienne pour les droits des enfants. Elle n’assiste pas à la réunion par vidéoconférence. Nous recevons, par vidéoconférence, Michael Braithwaite, président et chef de la direction, Jack.org, et Lisa Wolff, ancienne directrice, Politiques et recherche, UNICEF Canada.
Merci à vous tous de vous joindre à nous aujourd’hui. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire vos remarques liminaires, qui seront suivies des questions des membres du comité.
[Français]
Olivia Lecoufle, membre du conseil d’administration, Coalition canadienne pour les droits des enfants : Honorables sénatrices et sénateurs, membres estimés du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, je suis honorée d’assister à cette réunion afin d’apporter mon soutien et mon expertise à l’étude du projet de loi S-212, Loi concernant une stratégie nationale pour les enfants et les jeunes au Canada.
[Traduction]
C’est avec beaucoup d’humilité, compte tenu de toutes les connaissances qui ont été communiquées dans la salle ce matin, que je comparais aujourd’hui en tant que membre du conseil d’administration de la Coalition canadienne pour les droits des enfants, ou CCDE.
Depuis plus de 30 ans, la CCDE est le principal regroupement national d’organisations et de personnes qui s’engagent à faire respecter les droits des enfants et à mettre en œuvre intégralement la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies, ou CDE, au Canada. Notre travail s’inspire de la CDE, et nous poursuivons notre mission par l’entremise de diverses mesures, y compris le suivi des progrès réalisés par le Canada dans la mise en œuvre de la CDE et la reddition de comptes à ce sujet.
Mon expérience professionnelle comprend 14 années d’expérience en tant que conseillère en droits et protection de l’enfance pour Aide à l’enfance Canada, une organisation non gouvernementale de renommée mondiale dans le domaine des droits de l’enfant. J’ai conçu et mis en œuvre des programmes internationaux financés par le Canada dans les domaines de la protection, de l’éducation, de la santé, de l’autonomisation économique et de la gouvernance des droits de l’enfant.
[Français]
Je commencerai par reconnaître que le Canada est un État de droit qui reconnaît que les droits de la personne sont inaliénables, universels, indivisibles et interdépendants.
Le Canada a ratifié plusieurs instruments internationaux qui reconnaissent que les enfants ont des droits spécifiques, notamment la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
[Traduction]
Par conséquent, le Canada a la responsabilité de faire respecter ces droits, d’un bout à l’autre du pays. Or, comme mes collègues l’ont mentionné plus tôt et comme le montrent les conclusions du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, de nombreuses lacunes persistent.
La CCDE appuie sans réserve le projet de loi que vous étudiez actuellement pour de nombreuses raisons.
[Français]
Premièrement, le Comité des droits de l’enfant, qui est composé d’experts en droits de l’enfant provenant de différents horizons et habilité à surveiller la mise en œuvre de la convention par ses États parties, a recommandé à plusieurs reprises que le Canada adopte, et je cite :
[…] une stratégie nationale qui fournisse un cadre global de mise en œuvre au niveau fédéral et au niveau des provinces et des territoires, qui énonce dûment les priorités, les objectifs et les responsabilités respectives des différentes autorités aux fins de la mise en œuvre globale de la Convention, et qui permettra aux provinces et aux territoires d’adopter en conséquence leurs propres plans et stratégies spécifiques.
Nous pensons que c’est précisément ce que propose de faire le projet de loi.
[Traduction]
Deuxièmement, nous croyons fermement qu’une stratégie nationale est une pratique exemplaire de bonne gouvernance en matière de droits des enfants et mène à de meilleurs résultats pour les enfants. Le Canada n’est pas le seul pays à avoir de multiples ordres de gouvernement et secteurs responsables des besoins des enfants. C’est en fait le cas de tous les pays de l’OCDE. Or, contrairement à bon nombre de ses pairs, quand il est question des enfants, le Canada n’a pas de plan intégré pour relier ces ordres, faire le pont entre ces secteurs et fournir des directives claires pour classer par ordre de priorité les enjeux, mobiliser les ressources et mesurer la reddition de comptes.
Enfin, nous appuyons la stratégie nationale que vous étudiez parce qu’elle est fondée sur des droits. Il est essentiel d’ancrer cette stratégie dans les droits des enfants canadiens pour en assurer le succès, car cela garantit qu’elle est conforme aux engagements du Canada, d’autant plus qu’elle reconnaît l’importance de consulter directement les enfants et les jeunes.
À cette étape-ci de l’étude, la CCDE recommande d’apporter un amendement au projet de loi pour ajouter une référence à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, plus particulièrement l’article 7, et d’inclure des références aux enfants handicapés dans l’ensemble du document.
Honorables sénateurs, je conclurai en soulignant l’urgence d’adopter une stratégie de la sorte à une période où les ressources publiques sont soumises aux pressions accrues causées par des crises multiples, tant au niveau national qu’international, à un moment où les besoins sont grandissants et les écarts se creusent. Une stratégie nationale est très nécessaire pour protéger les gains réalisés pour les enfants de toutes les identités et capacités et pour combler efficacement ces lacunes afin qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte, qu’il soit né au Nouveau-Brunswick, en Saskatchewan, au Nunavut ou ailleurs au pays.
Je vous remercie. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci.
Michael Braithwaite, président et chef de la direction, Jack.org : Bonjour, honorables sénateurs. Je suis Michael Braithwaite, et je suis ici au nom de Jack.org, l’organisation nationale canadienne qui habilite les jeunes leaders à révolutionner la manière de penser, de parler et d’agir en matière de santé mentale. Chaque année, nous appuyons plus de 175 000 jeunes par l’entremise de programmes qui renforcent les capacités, le leadership et les liens avec la communauté. Notre mission est simple : veiller à ce que chaque jeune au Canada ait les connaissances et le soutien dont il a besoin pour s’épanouir sur les plans mental, physique et social.
Le budget prépare le terrain. Le projet de loi S-212 nous donne le cadre. Jack.org peut aider à mettre en œuvre les mesures.
Le projet de loi prévoit une stratégie nationale coordonnée et mesurable pour les enfants et les jeunes, un cadre fondé sur les droits, l’équité et la reddition de comptes. Cela correspond exactement à ce que nous voyons tous les jours. Les jeunes nous disent que le système est fragmenté. L’accès au soutien en santé mentale varie selon la région géographique, le revenu et l’identité. Trop souvent, l’aide n’arrive qu’après la crise.
Chez Jack.org, nous travaillons en amont, en formant les jeunes à s’entraider mutuellement avant les crises grâce à nos Présentations Jack, à nos Sections Jack et à nos plateformes d’éducation numériques, Be There et edHUB. Ce sont des programmes éprouvés et évolutifs qui sont déjà offerts dans toutes les provinces et tous les territoires. Ils touchent des dizaines de milliers de jeunes chaque année et s’appuient sur des données en temps réel sur leur incidence et sur les changements de comportement. Le projet de loi S-212 est une occasion de travailler avec Jack.org et nos partenaires et de continuer à communiquer ces leçons à l’échelle nationale.
Une véritable prévention commence par l’engagement, non seulement par des services, mais aussi par des partenariats. Chez Jack.org, chaque programme est créé conjointement avec les jeunes. Les jeunes cernent les problèmes, conçoivent les initiatives et apportent les solutions. Ce modèle transforme la prévention en participation. Il donne aux jeunes un sentiment d’appartenance, renforce leur leadership et veille à ce que l’éducation en matière de santé mentale tienne compte des réalités des diverses communautés. C’est un exemple concret qui montre comment la création conjointe favorise à la fois l’engagement et une incidence mesurable.
Mettre l’accent sur la prévention n’est pas seulement la bonne chose à faire; c’est la chose intelligente à faire. Le coût annuel des problèmes de santé mentale au Canada est estimé à plus de 50 milliards de dollars en frais de soins de santé, en perte de productivité et en baisse de la qualité de vie. La prévention et l’intervention précoce ne sont pas seulement des impératifs moraux; elles sont aussi des impératifs économiques.
Une génération en meilleure santé signifie un pays plus fort et plus productif, et le budget fédéral de cette semaine concrétise cette possibilité. Il prévoit d’effectuer des investissements fédéraux soutenus qui ont une incidence directe sur le bien-être des jeunes, de rendre le Programme national d’alimentation dans les écoles permanent, d’élargir les possibilités d’emploi et de leadership pour les jeunes grâce à la Stratégie emploi et compétences jeunesse, et de protéger des soutiens critiques tels que la garde d’enfants, l’aide aux étudiants et la Prestation canadienne pour les personnes handicapées. Le projet de loi S-212 donne de la cohérence à ces investissements, une stratégie nationale pour regrouper ces efforts afin de garantir que les ressources parviennent à tous les jeunes de manière équitable et de mesurer l’incidence sur leur vie, et pas seulement sur des postes budgétaires.
Dans le cadre de nos programmes, Jack.org montre déjà à quoi ressemble la mise en œuvre. Nous le constatons dans l’engagement des jeunes : les jeunes autochtones, noirs, francophones, issus de milieux ruraux, nouveaux arrivants et 2ELGBTQIA+ changent les choses dans leur propre communauté. Nous le constatons dans la formation fondée sur des données probantes : 90 % des diplômés du programme Be There appliquent ce qu’ils ont appris et 83 % ont utilisé les compétences acquises pour soutenir un pair. Nous le constatons dans la portée nationale avec des partenariats locaux. Les programmes offerts d’un océan à l’autre s’adaptaient à chaque communauté et à chaque culture.
À Jack.org, nous sommes prêts à contribuer à réaliser cet objectif. Nos programmes rejoignent déjà plus de 175 000 jeunes chaque année dans toutes les provinces et tous les territoires. Nous avons les données, les modèles de formation et le réseau national pour contribuer à mettre en œuvre cette stratégie, en collaboration avec nos partenaires fédéraux, les organisations autochtones et les groupes communautaires, afin de garantir que le financement prévu dans le budget se traduise par des résultats concrets. Nous sommes prêts à mettre en œuvre les volets d’une stratégie nationale axée sur l’engagement des jeunes, à former et à soutenir des jeunes leaders dans toutes les régions et à fournir les outils d’évaluation et de reddition de comptes qui montrent que ces efforts portent fruit.
Les investissements sont là. La vision est devant vous. Ce qu’il faut maintenant, c’est une mise en œuvre coordonnée et responsable, et c’est ce que propose le projet de loi S-212. Jack.org est prêt à aider le gouvernement, les communautés et les jeunes à concrétiser cette promesse, car les jeunes n’attendent pas le changement; ils apportent déjà les changements.
Je vous remercie de votre temps et de votre leadership dans le cadre de ce travail essentiel.
La vice-présidente : Merci, monsieur Braithwaite.
Lisa Wolff, ancienne directrice, Politiques et recherche, UNICEF Canada, à titre personnel : Bonjour, honorables sénateurs. Je suis Lisa Wolff, ancienne directrice des Politiques et de la recherche à UNICEF Canada. Je me joins à vous depuis la région du Grand Toronto, du traité Williams. C’est un honneur de me joindre à vous aujourd’hui et de vous faire part de mes réflexions dans le cadre de votre étude du projet de loi S-212. Il est encourageant de voir qu’il y a autant de défenseurs des droits des enfants à votre comité.
Les enfants représentent près d’un cinquième de la population canadienne, mais ils sont souvent oubliés dans les décisions gouvernementales ou leurs intérêts sont subordonnés à ceux d’autres groupes.
Depuis des décennies, l’économie canadienne connaît une croissance constante, ce qui a produit une richesse inégalée. Depuis des décennies, les Bilans de l’UNICEF sur la situation des enfants dans les pays à revenu élevé font état d’une stagnation ou d’un déclin des indicateurs critiques de l’état de santé et du bien-être général des enfants au Canada. Où sont les dividendes pour les enfants?
Le Canada figure parmi les 10 pays les plus riches de l’OCDE et de l’Union européenne, mais le dernier Bilan de l’UNICEF publié plus tôt cette année a relevé que le Canada se classait au 19e rang sur 36 pays dans un indice comparatif des indicateurs de santé mentale et physique et de développement des compétences chez les enfants. Pour les indicateurs comme la mortalité infantile, le Canada se classe encore plus bas, au 25e rang. Nous sommes au 24e rang pour le taux de surpoids chez les enfants et au 33e rang pour le taux de suicide chez les adolescents. La proportion d’enfants qui ont un niveau de compétence de base en lecture et en mathématiques a considérablement diminué au cours de la dernière décennie, si bien qu’un tiers des enfants âgés de 15 ans ne possèdent pas ces compétences. Par ailleurs, le nombre d’enfants qui déclarent avoir un niveau élevé de bonheur a diminué de 10 points de pourcentage ces dernières années.
Ces résultats ne sont pas attribuables à notre contexte géographique ou géopolitique ou au fait que les familles et les enfants canadiens soient intrinsèquement différents des autres. Ces résultats sont attribuables à un échec des politiques publiques. Le Canada a des soutiens correctifs adaptés aux enfants inadéquats, notamment une politique relative aux enfants, une stratégie pour les enfants et des outils de suivi du budget. Ces outils d’aide à la prise de décision aideraient le gouvernement à accorder plus d’attention — et, idéalement, une plus grande priorité — aux besoins et aux droits des enfants et à améliorer les conditions de vie des enfants au Canada.
Dans d’autres pays à revenu élevé où les enfants grandissent en meilleure santé et plus heureux, il y a généralement des objectifs politiques ambitieux énoncés dans les stratégies pour les enfants et de bons outils politiques pour atteindre de meilleurs résultats pour les enfants. Plus de la moitié de ces pays — soit plus de 20 — ont des stratégies intégrées pour les enfants qui fournissent une volonté et une orientation pour l’allocation du budget gouvernemental et une cohérence des politiques au sein du gouvernement. Bon nombre d’entre eux sont des États fédéraux aussi, et ils y parviennent.
La stratégie pour les enfants et les jeunes proposée dans le projet de loi S-212 peut renforcer les ambitions du Canada pour nos enfants et atteindre de meilleurs résultats pour eux et avec eux. Ce projet de loi, à l’instar de nos enfants, mérite votre soutien.
Merci de votre attention.
La vice-présidente : Merci, madame Wolff.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Pour ce groupe de témoins, les sénateurs disposeront de quatre minutes pour leurs questions, ce qui inclut les réponses. Veuillez préciser si votre question s’adresse à un témoin en particulier ou à tous les témoins.
La sénatrice Hay : Merci à vous tous d’être ici.
J’ai une question pour vous tous. Elle est courte. Quand vous avez lu ce projet de loi, la santé mentale n’est pas explicitement mise en évidence dans le libellé actuel du projet de loi S-212. Nous avons donc une occasion à saisir. J’aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Devrions-nous, oui ou non, l’inclure, ou peut-être donner un peu de contexte? J’aurai ensuite une question complémentaire sur les jeunes.
Mme Wolff : Merci, sénatrice Hay. C’est une question très importante.
Je crois comprendre que le projet de loi prévoit un cadre qui définit les éléments qu’une stratégie devrait examiner et inclure. Je vois la nécessité d’élaborer une stratégie qui comporte des mesures stratégiques précises assorties d’objectifs et de résultats escomptés, mais aussi un ensemble de mécanismes de bonne gouvernance, comme une perspective politique axée sur les enfants. Je m’attends à ce que dans l’élaboration de la stratégie, plutôt que dans ce projet de loi, la santé mentale soit considérée comme l’un des secteurs clés dans lesquels les enfants éprouvent des difficultés. Je m’attends à ce que ce soit intégré lors de l’élaboration de la stratégie plutôt que d’être précisément mentionné dans le projet de loi.
Mme Lecoufle : Je suis très convaincue que ce sera intégré dans la stratégie, mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’apporter un amendement au projet de loi. Je crois qu’il y a sans cesse tant de résistance à l’idée d’avoir une stratégie que, à mon avis, ce document est suffisant, sauf peut-être l’amendement concernant l’inclusion des enfants handicapés. Une révision est nécessaire.
Je crains que si nous commençons à énumérer plus d’enjeux, cela donne lieu à plus de débats et d’échanges à un moment où ce que nous voulons, c’est la volonté politique de faire avancer ce dossier. Je suis ravie de constater que le libellé du projet de loi prévoit de consulter de manière approfondie les personnes les plus concernées, y compris les enfants et les jeunes. Il est évident que cela posera alors un problème.
À mon avis, comme nous l’avons entendu plus tôt ce matin, il est très urgent de faire adopter le projet de loi le plus rapidement possible — afin que nous puissions commencer à cerner les problèmes, à créer des indicateurs et à les mettre en pratique —, alors je m’abstiendrais d’y apporter trop d’amendements.
La sénatrice Hay : Monsieur Braithwaite, vous œuvrez dans le domaine de la jeunesse et de la santé mentale, et avec tout le respect que je vous dois, je ne veux pas donner de l’espoir qu’une stratégie sera mise en place et que la santé mentale s’améliorera. Vous pourriez peut-être simplement nous donner votre opinion puisque vous travaillez dans le domaine de la jeunesse et de la santé mentale. Pensez-vous qu’il suffit de supposer que la situation s’améliorera?
M. Braithwaite : Absolument pas. Je ne pense pas que nous puissions faire des suppositions ici. Je ne pense pas que nous puissions prendre le risque que cela devienne optionnel ou simplement secondaire. C’est l’un des problèmes les plus urgents auxquels les jeunes sont confrontés à l’heure actuelle. Il doit être à l’avant-plan dans ce projet de loi, et un amendement doit être apporté.
La sénatrice McPhedran : Merci aux témoins d’être ici aujourd’hui.
La sénatrice Muggli a fait référence à l’utilisation de la disposition de dérogation en Saskatchewan pour empêcher les élèves du secondaire à changer leur nom ou leur identité de genre sans la permission de leurs parents. D’après le projet de loi dont nous sommes saisis, devons-nous aborder la diversité de genre de manière plus explicite, étant donné que l’orientation sexuelle et la diversité de genre sont deux concepts différents?
Mme Wolff : Je ne pense pas que le Canada devrait recourir à la disposition de dérogation étant donné qu’il a ratifié la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Il s’agit d’une loi internationale que nous sommes tenus d’appliquer. De plus, la Cour suprême a elle-même reconnu que les tribunaux doivent en tenir compte. Elle ne devrait pas entrer en concurrence avec des lois subordonnées. Les enfants ont le droit à ce que leur intérêt supérieur soit pris en considération dans toutes les politiques et tous les textes législatifs. Lorsque nous examinons la question sous l’angle de l’intérêt supérieur de l’enfant, nous devons nous demander si nous exposons un certain groupe d’enfants à davantage de discrimination, à un risque de violence et à une atteinte à leur identité et à leur droit à une identité. En adoptant cette perspective avant tout, nous pourrions parvenir à des orientations de politiques différentes dans des questions comme celle-ci.
Je suis très heureuse de constater que le projet de loi reconnaît la nécessité de respecter les droits des enfants et notre obligation de placer leur intérêt supérieur au premier plan dans les politiques.
M. Braithwaite : Je pense que Mme Wolff l’a bien dit. Les personnes les plus touchées sont les mieux placées pour répondre à certaines de ces questions. Il faut en tenir compte et donner la parole aux jeunes, comme le fait le projet de loi, n’est-ce pas? Comme l’ont dit les témoins précédents, nous l’avons vu plus tôt ce matin, ils parlent de leurs besoins réels, de ce qu’ils voient, de ce qu’ils entendent et de ce qu’ils ressentent. Nous devons toutefois veiller à ce que la voix des jeunes ait un réel poids tout au long du processus, de même qu’après, lors de la mise en œuvre. Non seulement pendant le processus, mais aussi par la suite.
Mme Lecoufle : Je suis tout à fait d’accord avec mes deux collègues.
La vice-présidente : La prochaine intervenante est la sénatrice Moodie, qui est la marraine du projet de loi.
La sénatrice Moodie : En réfléchissant aux possibles avantages d’une stratégie, en définissant clairement nos objectifs et en évaluant rigoureusement l’efficacité de nos interventions pour atteindre les objectifs en question, nous pourrions nous assurer que chaque dollar est bien dépensé et qu’aucun enfant n’est laissé pour compte ce faisant. En réfléchissant à la manière de le faire valoir au gouvernement, je pense que cela correspondrait mieux à l’une de ses principales priorités, qui a été énoncée par notre premier ministre dans sa lettre de mandat, à savoir que le gouvernement doit consacrer moins d’argent au fonctionnement de l’appareil gouvernemental. Que pensez-vous de cette idée quant à la manière dont nous pourrions et devrions présenter une stratégie pour les enfants au gouvernement actuel?
Mme Wolff : Une fois encore, ce que nous sommes appelés à faire conformément à nos obligations aux termes de la Convention relative aux droits de l’enfant, c’est de comprendre les dépenses que nous consacrons aux enfants. Est‑ce juste? Est-ce proportionnel? Ensuite, nous nous demandons si ces dépenses nous permettent d’obtenir les résultats escomptés. Adopter, sans réfléchir, une approche consistant simplement à réduire les budgets a souvent, à vrai dire, des conséquences disproportionnées sur les enfants.
Nous avons besoin d’une approche concertée de suivi des dépenses publiques afin de mesurer, encore une fois, les dépenses consacrées aux enfants, comme le font un certain nombre d’autres pays. Souvent, de tels outils font partie de leurs stratégies nationales pour les enfants. Ils savent ce qu’ils dépensent pour les enfants, à quoi sont consacrées les sommes et quels types de résultats en découlent.
Il existe de nombreuses preuves que les enfants ne bénéficient pas proportionnellement des dépenses du Canada dans l’état actuel des choses. Nous aimerions donc qu’une stratégie pour les enfants comprenne des outils clairs pour le mesurer, ainsi que des ressources claires et un budget définis pour les priorités de la stratégie. C’est quelque chose qui a fait défaut dans les précédentes tentatives d’élaboration de stratégies pour les enfants, qui n’étaient que des listes de priorités sans ressources, sans objectifs et sans mécanismes de reddition de comptes.
Oui, il peut être beaucoup plus efficace de fixer des objectifs et des cibles quant aux résultats escomptés pour les enfants, surtout si des politiques judicieuses sont appuyées dans le cadre d’une stratégie pour les enfants qui améliorera leur vie.
Mme Lecoufle : Je suis encore une fois d’accord avec Mme Wolff. Il est donc facile de prendre la parole après elle, à bien des égards.
Oui, la théorie du changement selon laquelle une bonne gouvernance s’accompagne d’une plus grande efficacité et signifie que les investissements effectués rapportent davantage, ou du moins que l’on peut en tirer des enseignements, a été démontrée. Elle a certainement été établie dans divers documents, de l’OCDE notamment. C’est sans aucun doute un argument qui peut être utilisé, mais dans une certaine mesure, il incombe également au gouvernement et à cette institution de veiller à ce que les droits de chacun soient respectés. Les enfants font partie de notre nation. Ils sont des êtres humains. Toutes les discussions et tous les indicateurs montrent que leurs droits ne sont pas respectés ou qu’ils ne le sont pas universellement dans le pays. C’est la raison d’être de la stratégie. Il n’y en a pas d’autres. La stratégie est un outil pour atteindre cet objectif. Oui, elle permet de réaliser des économies, mais elle favorise aussi la reddition de comptes et permet de repositionner le Canada comme il se doit, c’est-à-dire comme un pays qui respecte la primauté du droit et qui se donne les moyens d’assurer une bonne gouvernance. Ce que la stratégie apporte, et qui est très important, c’est qu’elle prévoit déjà la consultation des enfants, ainsi que tous les mécanismes de reddition de comptes qui contribuent à améliorer la gouvernance, car les personnes touchées peuvent alors participer.
Le sénateur Boudreau : Ma question s’adresse à Mme Wolff. Nous avons beaucoup entendu parler du Bilan Innocenti de l’UNICEF de 2025, qui classe malheureusement le Canada au 19e rang pour le bien-être des enfants. C’est très décevant et triste. Vous avez mentionné que de tels résultats étaient attribuables à un échec des politiques publiques. En sachant qu’il n’existe pas de solution miracle et qu’il faudra de multiples initiatives et changements de politiques pour améliorer ce classement médiocre et le sort de nos enfants, si vous deviez choisir les trois initiatives ou changements aux politiques qui pourraient améliorer notre classement le plus rapidement, quels seraient-ils?
Mme Wolff : Des progrès ont récemment été accomplis dans la mise en place de politiques qui nous permettront d’obtenir de meilleurs résultats, comme l’amélioration des prestations de revenu pour enfants et le lancement d’un véritable programme de garderies, et donc de réduire la pauvreté. J’ajouterais à ces mesures une stratégie concertée pour la santé mentale des enfants plus âgés qui ne bénéficient pas de ces politiques destinées aux jeunes enfants, car ils ont dépassé l’âge requis. Quand je parle de ces politiques, concernant les prestations de revenu pour réduire la pauvreté, les services de garde pour donner aux enfants un bon départ dans la vie, ainsi que les soins de santé physique et mentale, ce sont des politiques qui, comme l’ont montré d’autres pays, mènent à de meilleurs résultats. Elles ont une incidence sur un large éventail de résultats pour les enfants au chapitre de la santé, de l’acquisition de compétences et du bonheur. Dès le départ, nous concentrons nos investissements sur les enfants plutôt que de payer pour remédier à la situation plus tard. Ce sont les initiatives que je mentionnerais et que j’aimerais voir figurer dans une stratégie.
Le sénateur Boudreau : Je vais mettre le reste de mon temps à la disposition de mes collègues.
La sénatrice Burey : Bonjour. Je vous remercie tous de votre présence.
Je vais revenir sur la question de la santé mentale des enfants. Je me répète peut-être, mais nous savons que, dans nos systèmes de santé — et partout dans notre société —, la santé mentale, la consommation de substances et la dépendance ne sont tout simplement pas considérées comme des composantes de la santé en général et du bien-être. Nous avons dû réfléchir à la manière d’améliorer les choses au chapitre de la santé mentale et du bien-être mental. Je commencerai par M. Braithwaite. Pour que cela figure au compte rendu, pourquoi pensez-vous qu’il est important que la santé mentale soit spécifiquement mentionnée dans un projet de loi qui porte sur une stratégie pour les enfants?
M. Braithwaite : Je vous remercie de la question.
Je pense que, pour dire les choses simplement, la santé mentale fait partie intégrante de notre système de santé. Elle est considérée comme étant secondaire et nous n’investissons pas autant que nous le devrions dans ce volet de la santé et nous ne lui accordons pas toute l’attention voulue. Le risque que la santé mentale soit reléguée au second plan dans le projet de loi ou qu’elle soit simplement considérée comme un élément secondaire si nous ne modifions pas le texte et ne la mentionnons pas spécifiquement est un risque que nous ne pouvons pas nous permettre de prendre maintenant.
Des jeunes de partout au Canada nous disent que la santé mentale est plus importante que jamais. Nous voyons des jeunes qui entrent sur le marché du travail avoir beaucoup de difficulté dans leur premier emploi ou à trouver un emploi. Compte tenu de la situation mondiale actuelle, la productivité des jeunes sur le marché du travail est en baisse. Si nous n’effectuons pas de tels investissements dès le départ, si nous n’en faisons pas une priorité dans le cadre du projet de loi, si ce n’est pas inscrit dans le projet de loi, nous courons un grand risque que l’on ne s’occupe pas de la santé mentale des jeunes au Canada et qu’on ne lui accorde pas l’attention qu’elle mérite, et il faut y remédier.
Nous devons également miser sur la prévention en santé mentale. Je pense que trop souvent, nous aimons un peu trop les crises. Nous devons travailler — comme l’indique le projet de loi, ce qui est formidable — à l’intervention précoce et à la prévention en santé mentale chez les jeunes afin d’éviter que les gens ne tombent en crise, ne soient hospitalisés et ne nécessitent des soins d’urgence. Comme l’a souligné votre collègue, non seulement la prévention est bénéfique pour les jeunes, mais elle est aussi très rentable.
La vice-présidente : Merci, sénateurs. Voilà qui met fin à la première série de questions. Nous passons maintenant à la deuxième. Vous disposez de quatre minutes, ce qui inclut les questions et les réponses.
La sénatrice Hay : J’aime beaucoup jack.org. Cette organisation met l’accent sur le leadership des jeunes dans la promotion de la santé mentale et, bien sûr, dans sa stratégie. Monsieur Braithwaite, quel mécanisme le projet de loi S-212 devrait-il inclure pour garantir que les jeunes aient leur mot à dire dans l’élaboration des politiques plutôt que d’être simplement consultés à ce sujet?
M. Braithwaite : J’adore cette question, sénatrice Hay. Merci beaucoup.
Je pense que vous avez tout dit. Il faut faire participer les jeunes, pas seulement les inviter.
Je proposerais qu’un réseau national soit mis en place et que ce réseau et ce conseil... Nous ne voulons pas seulement connaître leur opinion, nous voulons aussi leur donner un réel pouvoir décisionnel. Bien souvent, nous mobilisons les jeunes, mais nous devons en réalité les faire participer à l’élaboration du processus et à sa mise en œuvre. C’est ce qui a fait le succès de jack.org. Lorsque nous parlons d’une « initiative menée par les pairs », tout ce que nous faisons est conçu en collaboration avec les jeunes, qui montrent la voie et qui dictent la marche à suivre. Ils participent à chaque étape du processus, comme ils doivent le faire dans ce cas-ci. Les jeunes sont les mieux placés pour faire avancer leur cause.
La sénatrice Moodie : Je nous invite à réfléchir à la manière dont le Canada devrait mesurer la santé et le bien-être de ses enfants. Quels principaux indicateurs les pays chefs de file dans ce domaine ont-ils utilisés pour comprendre les progrès qui ont été réalisés en matière de santé et de bien-être? Il va sans dire que le gouvernement du Canada décidera des indicateurs à utiliser à l’issue des consultations, mais quels conseils pourrions-nous donner à cet égard?
Mme Wolff : Merci, sénatrice Moodie.
J’espère qu’une stratégie pour les enfants comprendra certains résultats à atteindre, puis — théorie du changement — le type de politiques qui, selon nous, permettront de les atteindre.
Dans les Bilans Innocenti de l’UNICEF — qui existent depuis trois décennies —, les équipes de recherche ont examiné les pays à revenu élevé et les types d’indicateurs qui permettent d’évaluer les résultats obtenus pour les enfants.
Nous pouvons envisager des éléments comme, par exemple, le bonheur. Car quelle est l’une des choses les plus importantes pendant l’enfance? Dans quelle période de sa vie devrait-on être heureux? C’est durant l’enfance. La satisfaction à l’égard de la vie est donc un bon indicateur global. C’est en quelque sorte un indicateur indirect du bien-être, car il englobe de nombreux éléments qui y contribuent. Demander simplement à nos jeunes comment se passe leur vie, quelle évaluation ils en font et dans quelle mesure ils sont heureux est un bon point de départ. Toute une recherche scientifique est effectuée derrière cela. Donc, il y a la satisfaction à l’égard de la vie. Dans notre pays, un quart des jeunes déclarent ne pas être très satisfaits de leur vie à un moment où ils devraient être heureux, ce qui peut signifier beaucoup de choses. Sont-ils bien nourris et logés? Sont-ils victimes de discrimination? Sont-ils victimes de violence? Sont-ils en bonne santé mentale?
Les autres éléments que nous examinons dans le Bilan Innocenti de l’UNICEF, les indicateurs fondamentaux qui en disent long sur ce qui se passe, sont notamment le taux de surpoids, les compétences scolaires au niveau de base et la mortalité infantile. Dans un pays riche, il y a encore des enfants qui meurent à un tout jeune âge. Des enfants n’atteignent pas l’âge adulte et, en fait, le Canada a l’un des pires taux. Cette situation peut être modifiée par des changements de politique et des ressources. Ce sont là des indicateurs importants que nous pouvons prendre en compte.
Mme Lecoufle : Je pense que la question des indicateurs est vraiment très importante et je suis très enthousiaste et optimiste à l’idée que l’on aboutisse à un travail sérieux. On a besoin d’un équilibre dans les indicateurs que l’on peut comparer avec d’autres pays, mais cela donne aussi l’occasion de vraiment changer la façon dont les choses sont surveillées. Je pense que c’est à cet égard qu’un processus d’élaboration conjointe avec les jeunes pourrait s’avérer très efficace pour définir des indicateurs qui répondent vraiment aux objectifs. Il faut avoir des objectifs à long terme, puis des objectifs davantage liés à la période couverte par la stratégie et qui peuvent évoluer.
Je voulais également souligner un projet important qui a pris plusieurs années et qui, à mon avis, est très intéressant. Il s’agit de Global Child. Il est basé au Canada, mais il est en fait utile pour tous les pays. Dans le cadre de ce programme, des indicateurs ont été élaborés, de sorte que les pays peuvent mieux rendre des comptes au sujet de la CDE. Ces indicateurs existent. Il en découle une riche expérience. Il s’agit également de mener des consultations approfondies auprès des enfants afin de savoir si ces indicateurs sont pertinents.
Il existe donc de nombreux indicateurs, mais comme Mme Wolff l’a mentionné, on doit d’abord définir les objectifs, puis déterminer comment on les mesurera. Il ne faut pas procéder à l’inverse, en pensant d’abord aux indicateurs, puis aux objectifs.
[Français]
Le sénateur Boudreau : Ma question s’adresse à Mme Lecoufle. Le Canada a signé la Convention relative aux droits de l’enfant depuis 1991, mais il n’atteint toujours pas l’ensemble des objectifs.
Pouvez-vous nous parler des objectifs que le Canada n’atteint toujours pas, afin de mieux comprendre les défis?
Mme Lecoufle : Cette question a déjà été fort bien abordée par nos collègues dans le groupe précédent, notamment grâce au travail de l’organisation de Mme Sara Austin, qui a développé plusieurs priorités pour montrer à quel point certains droits des enfants n’étaient pas respectés.
Nous avons également vu Mme Emily Gruenwoldt expliquer la crise de la santé, en plus de notre collègue de Jack.org, qui a parlé de la santé mentale.
Donc, je pense que si on regarde la Convention relative aux droits de l’enfant et qu’on prend le tout article par article, on peut constater qu’en éducation, le niveau scolaire baisse et qu’en santé, des enfants continuent de mourir. De plus, des adolescents continuent de souffrir, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Au chapitre de la protection, on a parlé de la crise des systèmes de protection de l’enfance dans chacune des provinces, et notamment de la surreprésentation de certaines populations dans les systèmes de protection, notamment les enfants autochtones.
Quand on utilise la Convention relative aux droits de l’enfant comme une grille d’analyse des droits établis, on peut constater que ces droits sont violés pour certains enfants et qu’on n’a pas encore atteint le niveau de réalisations souhaité.
Un autre droit que je trouve intéressant, c’est le droit à la participation. Au Canada, on n’a pas encore de structures permettant aux enfants d’être effectivement représentés dans les prises de décisions. Il y a des tentatives, c’est un peu en émergence, mais ce n’est pas encore solidement installé.
Donc, les requêtes parallèles dont on parlait, notamment les projets de loi dont on est en train de discuter, comme celui visant à abaisser l’âge de voter, ou encore les discussions autour de l’idée d’avoir une personne responsable des enfants à l’échelle nationale, sont d’autres outils qui permettraient aux enfants d’avoir plus de droits à la participation — c’est un droit qui est inscrit dans la convention.
Les exemples qui montrent à quel point nous ne respectons pas forcément les droits des enfants au Canada sont nombreux et nous avons la chance, grâce à tous nos partenaires, que tout cela soit bien documenté.
Le sénateur Boudreau : Merci.
[Traduction]
La vice-présidente : Sénateurs, je crois que ceci conclut la deuxième partie de notre réunion. Je tiens à remercier tous nos invités pour leurs témoignages.
Sénateurs, acceptons-nous de poursuivre à huis clos pour discuter des prochaines réunions du comité?
Des voix : D’accord.
La vice-présidente : C’est accepté.
(La séance se poursuit à huis clos.)