Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat
9 juin 2016
L’honorable Sénatrice Denise Batters :
Merci, honorables sénateurs. Je veux traiter brièvement de cet amendement. Je veux relever quelques points.
Premièrement, le terme « psychiatre » n'est pas défini dans l'amendement du sénateur Carignan, pas plus qu'il ne l'est dans le projet de loi. En outre, je constate que le mot « psychologue » n'est pas inclus parmi les catégories de professionnels de la santé qui pourraient être consultés dans le cadre de cette évaluation.
Par ailleurs, chers collègues, le gouvernement libéral fédéral a précédemment ignoré des recommandations d'amendement visant à exiger une évaluation psychiatrique pour les personnes qui, outre leur maladie physique grave, sont également atteintes de maladie mentale, et je me demande donc pourquoi le sénateur Carignan croit que le gouvernement libéral accepterait cette exigence d'évaluation psychiatrique pour toutes les personnes qui ne sont pas en fin de vie. Je me demande si le sénateur Carignan a reçu du gouvernement libéral l'assurance qu'il appuierait cet élément de l'amendement. A- t-il reçu des sénateurs libéraux l'assurance qu'ils appuieront ce point? Je me demande s'il a obtenu une assurance auprès des sénateurs qui représentent le gouvernement ici, s'il a leur approbation pour ce volet particulier.
De plus, je veux signaler à mes honorables collègues que ce sont des juges de l'Alberta qui, le mois dernier, ont autorisé le suicide assisté d'une patiente qui était atteinte uniquement d'une maladie psychologique non terminale. Nous avons entendu un témoignage au sujet de ce cas particulier lors d'une séance du Comité des affaires juridiques cette semaine. L'avocat de cette patiente nous a expliqué que trois médecins avaient approuvé le suicide assisté de cette patiente. Dans ce cas, il s'agissait d'un trouble psychiatrique extrême dont, malgré mes années d'expérience dans le domaine de la santé mentale, j'ignorais jusqu'à l'existence. Le seul psychiatre qui a approuvé le suicide assisté de cette patiente ne l'avait jamais rencontrée, il avait uniquement étudié le dossier. Le médecin qui était disposé à fournir le service de suicide assisté n'avait pas lui non plus rencontré la patiente et il avait procédé à la consultation grâce à l'application FaceTime. Un seul de ces trois médecins avait rencontré la patiente, et les juges ont quand même approuvé ce suicide assisté le mois dernier.
En terminant, je rappelle à mes honorables collègues que l'alinéa (1.2)b) de l'amendement proposé par le sénateur Carignan commence ainsi :
b) deux médecins indépendants confirment que la personne a été informée, à la fois :
Il énumère ensuite une liste de critères. Vient alors le sous-alinéa (iv) :
(iv) des risques associés à l'aide médicale à mourir;
Je me demande ce que cela peut bien vouloir dire. Quels sont les « risques associés à l'aide médicale à mourir »? La mort?
Je vous remercie.
Son Honneur le Président : Sénatrice Batters, accepteriez-vous de répondre à une question?
La sénatrice Batters : Oui.
L'honorable Lillian Eva Dyck : Je vous remercie, sénatrice Batters. Vous posez justement certaines des questions que j'avais moi aussi en tête.
Nous venons toutes les deux de la Saskatchewan. Je sais, et vous le savez aussi, que les psychiatres ont du mal à répondre à la demande. Il n'y en a probablement pas assez pour répondre aux besoins de toute la province — surtout dans le Nord. Croyez-vous que quelqu'un d'autre qu'un psychiatre pourrait confirmer qu'un patient est mentalement capable? Vous avez par exemple parlé des psychologues. Y a-t-il d'autres professionnels qui pourraient, selon vous, jouer ce rôle à la place des psychiatres?
La sénatrice Batters : Je ne sais hélas que trop bien que le pays en général et la Saskatchewan en particulier manquent de professionnels de la santé mentale et de psychiatres. Voilà pourquoi j'ai proposé que l'on puisse s'adresser à un psychologue.
Je conviens que ce genre d'évaluation est nécessaire pour confirmer qu'une personne est vraiment consentante. La seule chose qui compte, pour moi, c'est que les gens reçoivent les soins dont ils ont besoin et que les mesures de sauvegarde les plus strictes possibles soient en place, parce qu'il est impossible de revenir en arrière avec l'aide médicale à mourir. Il faut faire les choses dans les règles, mais je tiens malgré tout à ce que les gens qui ont besoin de ce service y aient accès sans problème, si c'est vraiment ce qu'ils veulent — si ce n'est pas leur maladie mentale qui leur fait voir la vie en noir alors qu'au fond ils ne sont pas certains de ce qu'ils veulent. Cela étant dit, je ne crois pas que ce soit une bonne idée de trop élargir les critères. Nous devons nous doter des mesures de sauvegarde les plus strictes possibles.
Son Honneur le Président : Sénatrice Batters, acceptez-vous de répondre à une autre question?
La sénatrice Batters : Oui.
La sénatrice Batters : Je conviens qu'il s'agit d'une importante mesure de protection supplémentaire. C'est la raison pour laquelle je veux m'assurer qu'elle est efficace et qu'elle sera acceptée par l'autre endroit.
Hier, le Sénat a adopté un amendement, mais, avant même qu'il soit mis aux voix, la ministre de la Justice a dit qu'il serait rejeté par le gouvernement fédéral et renvoyé au Sénat. Je veux être sûre qu'une mesure de protection aussi importante, concernant particulièrement une question telle que la maladie mentale — cela est important pour moi, car j'y ai consacré beaucoup de temps et d'efforts ces dernières années — qu'elle est aussi efficace que possible. C'est aussi la raison pour laquelle, sénateur Carignan, je veux savoir si vous avez obtenu certaines assurances des sénateurs libéraux, des sénateurs qui représentent le gouvernement et qui siègent au caucus et du gouvernement fédéral libéral vous permettant de croire qu'ils accepteront cette disposition.
Le sénateur Carignan : Il faut être imaginatif dans la formulation des questions. Évidemment, sénatrice Batters, le Sénat a l'autorité d'adopter des projets de loi et de les amender, et je ne crois pas qu'il soit pratique courante de demander à l'autre endroit s'il acceptera ces amendements ou pas.
Ne croyez-vous pas qu'il serait plus prudent, pour nous, d'essayer de rédiger un projet de loi qui serait complet, qui ferait l'équilibre entre les droits des personnes qui ont accès à l'aide médicale à mourir et la protection des gens les plus vulnérables, et d'adopter ce projet de loi dans un système complet? Nous aurons ensuite l'occasion de renvoyer le projet de loi à l'autre endroit, et ses membres auront, à ce moment-là, l'occasion de l'évaluer à son mérite.
La sénatrice Batters : Oui, sénateur Carignan, je veux être sûre que nous avons des mesures de protection adéquates. Je comprends que vous ne puissiez pas obtenir d'assurances de l'autre endroit, mais je suis certaine que vous avez essayé d'en obtenir auprès de sénateurs. Je me demande si les libéraux du Sénat et les sénateurs qui représentent le gouvernement vous ont donné l'assurance qu'ils appuieront cette partie de votre amendement. Je suppose que vous en avez discuté avec eux, puisque vous avez appuyé l'amendement hier soir.
De plus, pour que l'amendement soit bien ficelé, je veux m'assurer que la définition de « psychiatre » existe, parce qu'on ne la trouve ni dans l'amendement ni dans le projet de loi.