Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Adoption de la motion concernant les conditions du débat à l'étape de la troisième lecture
8 juin 2016
L’honorable Sénatrice Denise Batters :
J'aimerais intervenir brièvement sur ce point, honorables sénateurs, pour faire savoir à ceux qui n'ont pas eu l'avantage de siéger au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, comme j'ai eu l'honneur de le faire, que nous avons entendu l'opinion de constitutionnalistes, de professeurs de droit et d'avocats chevronnés, qui nous ont présenté les arguments des deux camps sur la question de la constitutionnalité du projet de loi C-14.
Lors de l'étude préalable et exhaustive qu'a menée le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et pendant les audiences de cette semaine, nous avons entendu plusieurs constitutionnalistes chevronnés qui sont absolument convaincus que le projet de loi est constitutionnel et conforme à la Charte.
Des experts juridiques et constitutionnels ont déclaré à notre Comité des affaires juridiques qu'il serait constitutionnel pour le Parlement de resserrer les critères d'admissibilité à l'aide au suicide, comme dans le projet de loi C-14. Le professeur Dwight Newman a d'ailleurs déclaré à ce sujet :
L'arrêt Carter n'a pas un caractère législatif. Ce n'est tout simplement pas le rôle de la Cour suprême, et le Parlement n'a pas à s'assujettir à la Cour suprême comme s'il s'agissait d'un corps législatif. Le vocabulaire employé par la Cour suprême dans cet arrêt n'a donc pas à être entièrement déterminant.
Il a dit ensuite ce qui suit :
La déclaration de la cour n'est pas une loi, et c'est au Parlement qu'il incombe en fin de compte d'élaborer une loi qui réponde aux objectifs qui semblent le plus valables au Parlement.
Dans son témoignage, le professeur Hamish Stewart a déclaré que la formulation actuelle du projet de loi C-14 fournissait « des mesures de sauvegarde constitutionnellement valables pour garantir que les gens qui, comme l'a dit la cour, seraient tentés de se donner la mort dans un moment de faiblesse en seront dissuadés ». Selon M. Stewart, la Cour suprême a rejeté l'interdiction générale relative à l'aide médicale à mourir parce qu'elle était excessive, mais les restrictions qui figurent dans le projet de loi pourraient être justifiées par l'article 1 de la Charte « si le gouvernement peut convaincre le tribunal que c'est le mieux qu'on puisse faire pour distinguer entre les personnes vulnérables et les personnes non vulnérables qui veulent obtenir une aide médicale à mourir ». M. Stewart soutient que les dispositions du projet de loi C-14 survivraient à une contestation constitutionnelle.
Nous avons aussi entendu, cette semaine, des témoignages semblables de la part du professeur McMorrow, et de Me Chipeur, expert en droit constitutionnel. Rappelons aussi, honorables sénateurs, que la ministre de la Justice et les fonctionnaires du ministère fédéral de la Justice ont défendu la validité constitutionnelle du projet de loi devant le Comité sénatorial des affaires juridiques, à deux reprises, ainsi que devant le Sénat formé en comité plénier.
La semaine dernière, le nouveau sénateur Sinclair, un ancien juge, nous a également affirmé que, à son avis, le projet de loi est conforme à la Constitution.
(1920)
Honorables sénateurs, j'aimerais vous lire un extrait très important du projet de loi C-14. Le sénateur Joyal veut le supprimer, mais en réintégrer quelques infimes parties ici et là dans le projet de loi. Vous pourrez donc constater quelles seront les conséquences de cet amendement.
Il vise à éliminer toute la sous-section intitulé « Problèmes de santé graves et irrémédiables », qui se lit comme suit :
(2) Une personne est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables seulement si elle remplit tous les critères suivants :
a) elle est atteinte d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap graves et incurables;
b) sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
c) sa maladie, son affection, son handicap ou le déclin avancé et irréversible de ses capacités lui cause des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge acceptables;
d) sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l'ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu'un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie.
Honorables sénateurs, pour ce qui est de la constitutionnalité du projet de loi, je pense que le gouvernement fédéral a réussi à établir un fragile équilibre et qu'il l'a fait de façon appropriée. Je m'oppose à l'amendement du sénateur Joyal, car j'estime que le projet de loi C-14 respecte la Constitution, la Charte et l'arrêt Carter.