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Projet de loi sur la Semaine de promotion de l’apprentissage des compétences essentielles

Deuxième lecture—Ajournement du débat

23 octobre 2018


L’honorable Sénatrice Diane Bellemare :

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour amorcer la deuxième lecture du premier projet de loi que je dépose en cette Chambre. Cela fait six ans que je suis ici, et c’est mon premier projet de loi. J’en suis très fière. Il s’agit du projet de loi S-254, Loi instituant la Semaine de promotion de l’apprentissage des compétences essentielles.

Avant de commencer mon discours, je tiens à souligner que ce projet de loi fort simple traite d’une réalité très complexe. Alors que nous entrons de plain-pied dans ce que le Forum économique mondial appelle la « quatrième révolution industrielle », le développement des compétences essentielles devient une priorité et une urgence pour le Canada et tous les pays du monde.

Développer ses compétences essentielles est désormais une nécessité pour tout individu qui désire s’épanouir tout au long de sa vie professionnelle sur le marché du travail. Pourtant, c’est un sujet que l’on n’aborde pas pendant les campagnes électorales, parce que c’est trop compliqué. Notre capacité à nous adapter aux changements incessants qui surviennent tout au long de notre vie active est directement liée au niveau de nos compétences fondamentales.

Hélas, le Canada est aux prises avec une pénurie de compétences essentielles qui menace sa prospérité. Cette situation est surtout attribuable au fait que le système d’apprentissage des compétences essentielles doit être plus cohérent. Il doit être assorti d’un plan d’action concerté.

Pour y arriver, le leadership politique à l’échelle du Canada est essentiel.

Ce projet de loi est le premier de deux qui visent à susciter la volonté collective nécessaire pour faire face à ce problème.

Revenons au projet de loi S-254, qui désigne la semaine qui commence le premier lundi du mois d’octobre de chaque année comme étant la Semaine de promotion de l’apprentissage des compétences essentielles. Il est vrai que la portée de telles lois qui visent à sensibiliser la population sur un sujet jugé important est hautement symbolique. Ces lois ne dictent pas la prise d’actions spécifiques de la part des gouvernements, et leur portée dépend beaucoup de l’impact persuasif qu’elles peuvent avoir auprès des groupes et des acteurs concernés pour les inciter à profiter d’un moment précis afin de collaborer pour promouvoir des messages positifs auprès de la population et d’autres acteurs.

Néanmoins, mis à part les symboles, une telle loi peut créer un point d’ancrage, un moment et un lieu, qui permettront à des particuliers, à des entreprises, à des syndicats, à des institutions et à des gouvernements que la question intéresse d’unir leurs efforts, de sensibiliser la population générale à cet enjeu, d’en souligner l’importance et de créer des synergies autour d’un problème particulier.

Ce projet de loi vise à souligner l’urgence, pour tous les Canadiens et Canadiennes, de parfaire leurs compétences afin d’affronter les défis de l’économie d’aujourd’hui et de demain. Il vise aussi à susciter le dialogue social entre les différents acteurs. Il s’inscrit également dans l’atteinte des objectifs de développement durable du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies.

Ce projet de loi est tout à fait constitutionnel, car il s’agit de la promotion de l’apprentissage des compétences essentielles. Il ne fait aucune intrusion dans les pouvoirs provinciaux, car il relève de l’information sur le marché du travail.

L’UNESCO, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, a établi un plan d’action intitulé l’Agenda pour l’avenir. Ce plan d’action incluait notamment l’institution de la Semaine internationale des apprenants adultes. Il s’agissait pour les pays signataires de la déclaration, y compris le Canada, de créer un festival annuel d’apprentissage en vue d’en promouvoir les gains sociaux et de rejoindre les individus pour qu’ils participent à de telles activités. En 1999, l’UNESCO a adopté une résolution qui a officiellement lancé la Semaine internationale des apprenants adultes afin de valoriser la notion élargie d’éducation tout au long de la vie. Une décennie plus tard, près de 40 pays, y compris le Canada, ont célébré l’apprentissage dans le monde. Au Canada, la Semaine des apprenants adultes a été célébrée pour la première fois à l’échelle nationale du 8 au 14 septembre 2002. La Commission canadienne pour l’UNESCO a participé à ces célébrations en collaboration avec le Conseil des ministres de l’Éducation du Canada et diverses organisations non gouvernementales.

Malheureusement, les promotions de cette semaine à l’échelle nationale ont été peu à peu délaissées au cours des dernières années, et les rapports d’activités de la commission publiés après 2013 ne font aucune référence à cet événement.

Depuis ce temps, il semble également y avoir moins d’activités à l’échelle provinciale. Par exemple, dans ma province, la dernière édition de la Semaine québécoise des adultes en formation a eu lieu en 2014.

Un certain nombre d’organismes, comme Literacy Nova Scotia et l’ABC Life Literacy Canada, ont continué à déployer des efforts afin de célébrer la formation des adultes. De plus, une motion au sujet d’une semaine de l’éducation des adultes a été adoptée par l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse le 5 avril 2018, qui a proclamé la semaine du 1er au 7 avril la Semaine des apprenants adultes.

Malgré tout, les efforts sont dispersés à travers les provinces, et certaines ont été beaucoup plus actives que d’autres. On remarque aussi que les dates des célébrations n’ont pas été normalisées.

Néanmoins, plusieurs festivals d’apprentissage d’envergure existent toujours à travers le monde : la Lifelong Learning Week célébrée en Europe, le Festival of Learning du Royaume-Uni, le SkillsFuture Festival de Singapour, l’Adult Learners’ Week de l’Australie, et d’autres encore. Aux États-Unis, le Sénat américain a adopté une motion en 2017 qui vise à célébrer l’alphabétisation et l’apprentissage des compétences de base.

La résolution sénatoriale no 277 désignait la semaine du 25 au 29 septembre 2017 comme la Semaine nationale des apprenants adultes et de la littératie familiale.

Pourquoi propose-t-on de désigner la semaine du premier lundi d’octobre comme la Semaine de promotion de l’apprentissage des compétences essentielles? C’est parce que cette date est proche du mois de la rentrée scolaire. Aussi, les groupes que j’ai consultés, comme Collèges et instituts Canada et la Fédération des chambres de commerce du Québec, ont acquiescé à cette suggestion. Toutefois, cette date pourrait faire l’objet de consultations plus élargies dans le cadre de l’étude de ce projet de loi en comité, s’il se rend à cette étape, afin qu’elle permette de générer le maximum de synergies.

Chers collègues, il est très important de souligner que l’objectif principal du projet de loi S-254 est de susciter le leadership collectif dont nous avons besoin au Canada pour mettre en place des outils et une stratégie qui permettront de développer les compétences essentielles de tous les Canadiens.

À cet effet, Collèges et instituts Canada recommandait ce qui suit à l’issue de son Forum des leaders, tenu les 19 et 20 mars 2013, et je cite :

Faire du développement de la littératie et des compétences essentielles une priorité nationale. Le leadership doit émaner des instances gouvernementales, du secteur éducatif, des organismes d’alphabétisation, des employeurs et des syndicats.

Aussi, le Conseil consultatif en matière de croissance économique, dans son rapport intitulé Un pays qui apprend : outiller la main-d’œuvre du Canada avec les compétences de l’avenir, rapport remis au ministre des Finances en décembre 2017, recommandait de lancer de manière urgente un dialogue national concernant le développement des compétences.

Vous vous demandez peut-être pourquoi ce projet de loi met l’accent sur le développement des compétences essentielles plutôt que sur la formation des adultes. Les compétences essentielles, qu’on appelle aussi les compétences de base ou fondamentales, sont nécessaires à l’intégration au marché de l’emploi et évoluent dans le temps. Elles ne sont pas les mêmes aujourd’hui que celles d’hier et seront différentes à l’avenir. Conséquemment, une personne qui veut occuper un emploi décent tout au long de sa vie devra constamment parfaire ses compétences de base.

Ce projet de loi indique clairement que les compétences essentielles changent constamment et qu’elles sont nécessaires pour apprendre tout au long de la vie.

À l’instar des efforts entrepris sur la scène internationale, le gouvernement fédéral a déjà déployé des efforts pour définir les compétences essentielles qu’on attend d’une personne qui veut travailler et vivre décemment au XXIe siècle. Plusieurs sénateurs et sénatrices ont déjà expliqué que le Bureau fédéral de l’alphabétisation et des compétences essentielles, créé sous la bannière d’Emploi et Développement social Canada, distingue neuf compétences essentielles, soit la lecture, l’utilisation de documents, le calcul, la rédaction, la communication orale, le travail d’équipe, la capacité de raisonnement, les compétences numériques et la capacité d’apprendre tout au long de la vie. Ces compétences essentielles sont nécessaires à l’apprentissage de toutes les autres compétences.

Depuis les deux dernières décennies, les compétences essentielles sont omniprésentes dans les politiques et initiatives des gouvernements et des différentes organisations internationales. Tous les pays de l’Union européenne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, de nombreux pays asiatiques, comme la Chine, et des pays d’Amérique du Sud ont mis en œuvre des stratégies de développement des compétences. Plusieurs ciblent spécifiquement les compétences essentielles, qu’on appelle aussi dans ces pays les compétences de base ou fondamentales.

Dans la littérature internationale, on note que les experts ainsi que les gouvernements abordent les compétences essentielles comme un actif fondamental du capital humain, mais aussi comme étant nécessaires pour mener une vie citoyenne de qualité et occuper un emploi décent.

L’acquisition des compétences essentielles permet aux gens d’apprendre tout au long de leur vie et de s’adapter aux changements. Sans ces compétences de base, il est beaucoup plus difficile de s’adapter à l’évolution constante du marché du travail.

Comme l’ont indiqué de nombreux observateurs et intervenants économiques, parmi lesquels la Chambre de commerce du Canada et la Fédération des chambres de commerce du Québec, le Canada est aux prises avec une pénurie de compétences, et il est temps d’agir.

L’urgence de l’action en matière de compétences essentielles est à la hauteur de l’importance des défis économiques et sociaux que l’ensemble des provinces et territoires canadiens ont à relever pour assurer la prospérité économique actuelle et future de leurs citoyens.

André Beaudry, vice-président de partenariats canadiens à l’Association des collèges communautaires du Canada, qui est maintenant Collèges et instituts Canada, affirmait ceci lors du Forum des leaders de 2013 :

Pour être un leader mondial en matière d’innovation et de productivité, le Canada se doit d’exploiter le plein potentiel de tous ses citoyens. La pénurie de compétences qui le frappe ne sera jamais résorbée si l’on ne remédie pas à la pénurie de compétences essentielles.

Le développement des compétences des travailleurs se trouve au cœur des défis économiques, sociaux et environnementaux que doivent surmonter le Canada, les provinces et les territoires. Notre capacité d’acquérir de futures compétences dépend de notre maîtrise de compétences essentielles en littératie et en numératie, et de notre capacité de travailler dans un milieu numérique.

Bref, il est urgent de s’attarder au développement des compétences essentielles, au moins pour trois raisons principales. Premièrement, les compétences essentielles sont à la base de notre capacité individuelle de nous adapter aux changements, qu’ils soient de nature technologique, économique ou même environnementale, et de pouvoir occuper un emploi décent tout au long de la vie.

Deuxièmement, la performance des Canadiens et des Canadiennes en la matière laisse à désirer. L’interpellation que j’ai lancée sur ce sujet et à laquelle ont participé le sénateur Cormier et la sénatrice Gagné montre que, en moyenne, près d’un Canadien sur deux en âge de travailler ne possède pas les compétences minimales pour se trouver un emploi décent. Bref, cela veut dire qu’une personne sur deux qui perd un bon emploi aujourd’hui risque de se retrouver dans un emploi précaire comme chez McDonald’s ou, encore, dans un commerce de détail.

Certaines provinces, comme le Québec et les provinces des Maritimes, font face à des pénuries de compétences encore plus graves que la moyenne canadienne. De plus, comme l’indique une étude récente de l’Institut C.D. Howe, dont j’ai parlé dans mon interpellation, on observe une détérioration du niveau des compétences de base depuis le début de l’an 2000 au sein de la population canadienne de tout âge.

Troisièmement, comme l’indiquent certaines études économiques, la survie de la classe moyenne et le maintien du niveau de vie au Canada en dépendent.

De plus, en raison d’une faible maîtrise des compétences essentielles, un segment considérable de la population — notamment des personnes vulnérables, y compris des jeunes, des immigrants et des Autochtones — ne peut pas trouver de travail décent.

Bref, si le Canada ne règle pas la question des compétences essentielles, le chômage prévaudra tandis que la pénurie de main-d’œuvre qualifiée s’accentuera, ce qui rendra le Canada moins concurrentiel au sein de l’économie mondiale et mettra en péril la prospérité du pays.

Le développement des compétences essentielles n’est donc pas une simple problématique de nature éducationnelle, mais un véritable défi économique et social.

Toutes ces raisons expliquent pourquoi il est si urgent d’adopter une semaine pour la promotion de l’apprentissage des compétences essentielles. Nous devons tenir sur cette question un débat national qui mènera à une action collective.

En effet, il n’existe pas au Canada de système organisé de perfectionnement des compétences essentielles qui permette de relever ce défi.

En ce sens, le Conseil consultatif en matière de croissance économique, créé par le ministre des Finances, Bill Morneau, et présidé par Dominic Barton, a exprimé ses préoccupations en ces termes en 2017 :

Au Canada, l’infrastructure de perfectionnement des compétences n’est simplement pas outillée pour relever les défis à venir. Notre système actuel repose principalement sur deux piliers. Le premier soutient le perfectionnement des compétences avant l’entrée sur le marché du travail, de la maternelle à la 12e année et au cours de l’éducation postsecondaire. Le second pilier soutient les personnes lorsqu’elles quittent la population active en apportant une aide aux chômeurs et aux retraités. Il reste ainsi une importante lacune en matière de soutien institutionnel et de formation durant les années les plus productives des Canadiens — et c’est à cette phase que les travailleurs seront les plus touchés par tourmente du marché du travail. Même si notre système nous a bien servis dans un climat relativement stable jusqu’à présent, il n’est pas conçu pour s’attaquer aux perturbations imminentes sur le marché du travail.

Une analyse comparée des systèmes de développement des compétences dans le monde effectuée par le professeur Matthias Pilz, de l’Université de Cologne, en Allemagne, permet de différencier les systèmes de développement des compétences selon qu’ils sont décentralisés ou centralisés, dominés par l’État, par les entreprises ou par les individus, ou standardisés ou non. Selon cette étude, il y a de nombreuses similitudes entre les systèmes canadien et américain. Ces deux systèmes sont fort différents des systèmes allemand, français, indien, chinois, japonais et mexicain. Les systèmes canadien et américain sont décentralisés et individualisés, c’est-à-dire que, dans les deux cas, ni l’État ni l’entreprise n’exercent un leadership en la matière.

Au Canada, le système de développement des compétences tout au long de la vie est associé aux réseaux provinciaux de l’éducation, aux réseaux des groupes communautaires qui s’occupent d’employabilité ainsi qu’à l’initiative personnelle et au marché privé des entreprises de formation. Les réseaux de l’éducation et les collèges font un excellent travail auprès des jeunes et interviennent au sein d’entreprises. Les groupes communautaires font également un travail nécessaire et excellent, et prennent en charge les besoins les plus criants. Cependant, ces institutions ne suffisent pas à la tâche.

Les entreprises, par ailleurs, investissent peu par rapport aux entreprises ailleurs dans le monde. Les dernières données accessibles du Conference Board du Canada montrent que les entreprises canadiennes investissent encore moins que les entreprises américaines aux États-Unis.

En fait, comme le soulignait Daniel Munro, du Conference Board du Canada, et je cite :

D’après les sondages d’organisations canadiennes menés pour le rapport Training and Development Outlook du Conference Board, les dépenses des employeurs en matière de formation et de perfectionnement ont diminué d’environ 40 p. 100 au cours des deux dernières décennies. Lorsque les employeurs pensent qu’ils peuvent confier le perfectionnement des compétences à des systèmes d’éducation officiels et externes, ils se sentent moins pressés d’investir leurs ressources limitées dans la formation.

En plus d’être fortement décentralisé, notre système de développement des compétences n’est pas standardisé. En d’autres mots, il n’existe pas de langage commun pour décrire la nature, le contenu et les niveaux de compétences essentielles. Il n’existe pas de normes ou de cadres de référence permettant une formation qualifiante, une évaluation et une reconnaissance des résultats. Par conséquent, mis à part les formations prévues par les ordres professionnels et le milieu éducatif, les apprenants ne bénéficient pas d’une reconnaissance pour leur investissement dans la formation. En outre, lorsqu’une attestation est remise, il existe peu d’équivalences officielles entre les diverses attestations de formation à l’intérieur du Canada, voire à l’intérieur d’une même province.

En fait, notre système d’éducation et de perfectionnement des compétences ne donne pas aux individus la possibilité d’établir un plan d’apprentissage cohérent et reconnu, et il ne permet pas aux entreprises d’offrir aux employés de la formation transférable et reconnue, indifféremment de la province ou du territoire.

Une autre étude d’analyse comparée des investissements que consacrent les entreprises multinationales à la formation, effectuée par Robert Lerman et intitulée Why Firms Do and Don’t Offer Apprenticeships, documente le fait que les entreprises investissent davantage dans l’apprentissage en entreprise quand l’information sur un tel mode de formation est répandue, qu’il existe des standards de compétences et que les gouvernements y participent financièrement. Seraient-ce autant de facteurs qui expliquent pourquoi les entreprises canadiennes investissent si peu dans la formation de leur main-d’œuvre?

Chers collègues, comme j’ai été, dans ma vie antérieure, présidente-directrice générale de la Société québécoise de développement de la main-d’œuvre et que j’ai eu la responsabilité de mettre en œuvre, en 1996, la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d’œuvre, au Québec, qui exige que les entreprises investissent 1 p. 100 de leur masse salariale dans la formation de leurs employés, et comme j’ai eu aussi la responsabilité de mettre en œuvre un régime d’apprentissage dual, au Québec, cette problématique m’a interpellée, parce que son établissement a été très difficile au Québec. Mon expérience concrète ainsi que mes lectures me permettent d’appuyer l’hypothèse selon laquelle les entreprises investissent davantage, quand on parle de formation et d’apprentissage, lorsque l’apprentissage est standardisé et que le gouvernement investit également dans la formation de la main-d’œuvre.

Au Canada, les investissements en formation continue ne sont pas standardisés au moyen d’un cadre de référence des compétences, ce qui signifie qu’une grande proportion de ces investissements ne sont pas reconnus ni certifiés. Cela a évidemment un impact sur l’investissement privé.

Je vous pose une question. Accepteriez-vous d’investir dans une chose qui n’a aucune valeur reconnue, qui ne donne aucune accréditation? Dépenseriez-vous pour ce genre d’activités? J’en doute. Voilà pourquoi on n’investit pas assez dans l’apprentissage au Canada.

Au Canada, contrairement au système d’éducation, les investissements publics en matière de développement des compétences sont faibles. Mis à part les fonds consacrés aux chômeurs qui ont cotisé suffisamment à l’assurance-emploi, les investissements publics qui visent à développer les compétences essentielles chez les jeunes chômeurs, les peuples autochtones, les immigrants et les personnes qui travaillent sont insuffisants. Faut-il alors se surprendre de la faiblesse de nos résultats en la matière?

Que dire encore sur les raisons qui motivent l’adoption d’une Semaine de promotion de l’apprentissage des compétences essentielles?

La responsabilité personnelle est souvent perçue et souvent évoquée en matière de formation continue, comme en fait foi la motion adoptée par le Sénat américain.

En réalité, au XXIe siècle, il est de plus en plus évident que le développement des compétences essentielles tout au long de la vie est une responsabilité partagée et un bien public, au même titre que l’éducation. Au XXIe siècle, le développement des compétences repose bien sûr sur les réseaux de l’éducation, qui doivent apprendre aux enfants et aux jeunes comment apprendre, mais le développement des compétences tout au long de la vie déborde du cadre de l’école. Il repose sur une volonté collective qui reconnaît qu’il y a diverses manières d’apprendre. On peut apprendre en travaillant, on peut apprendre de manière informelle et on peut apprendre par soi-même. Toutefois, l’efficacité de tous ces efforts s’appuie sur l’existence d’un cadre de références sur les compétences qui permettra d’attester des résultats de ces efforts plutôt que du processus suivi.

Un changement de paradigme s’impose en matière de formation continue afin que les investissements en la matière soient qualifiants, transférables et, donc, reconnus. L’adoption d’une Semaine de promotion de l’apprentissage des compétences essentielles suffira-t-elle à relever ce défi? Bien sûr que non. Les provinces, les territoires et le Canada dans son ensemble devront faire beaucoup plus que consacrer une semaine aux compétences essentielles. Ils devront se concerter pour élaborer une stratégie commune. Comme l’ont souligné mes collègues, les sénateurs Gagné et Cormier, il sera nécessaire d’adopter une stratégie concertée en la matière. C’est pour cette raison que je déposerai incessamment un deuxième projet de loi qui abordera l’élaboration d’un cadre national de références sur les compétences essentielles, dans le respect des compétences constitutionnelles provinciales. Ce deuxième projet de loi répondra également à la problématique soulevée par le comité consultatif du ministre des Finances, qui conclut ce qui suit, et je cite :

Afin de confronter les grandes perturbations à venir sur le marché du travail, il faut intégrer un troisième pilier au système actuel d’éducation et de soutien en cas de chômage : un pilier centré sur la mise à niveau continue des compétences des travailleurs adultes. Le défi est grand et ne pourra pas être relevé du jour au lendemain.

Chers collègues, entre-temps, je vous demande de transmettre rapidement ce projet de loi à un comité, où nous pourrons l’étudier.

Je vous remercie de votre attention, et je remercie mon équipe, les employés de la Bibliothèque du Parlement et les légistes qui m’ont aidée à préparer ce projet de loi. Merci beaucoup.

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