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Projet de loi sur le cannabis

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption de l’amendement des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat

19 juin 2018


L’honorable Sénateur Marc Gold :

Honorables sénateurs, à titre de sénateur du Québec, je prends la parole pour vous expliquer pourquoi je voterai contre l’amendement, et ce, dans un esprit de transparence.

Premièrement, comme vous le savez, j’appuie fortement le projet de loi C-45. J’ai plaidé et voté contre plusieurs amendements, à la fois au sein du comité et à la Chambre, parce que je les jugeais incompatibles avec les objectifs du projet de loi. J’ai voté contre les autres amendements parce que je m’opposais fermement à l’idée de retarder l’entrée en vigueur du projet de loi.

Par ailleurs, j’ai appuyé l’amendement sur la culture à domicile dont il est question aujourd’hui et, à mon avis, le gouvernement a eu tort de le rejeter. Néanmoins, je comprends l’argument du gouvernement, qui a tout de même du mérite. Cependant, je ne suis pas convaincu que l’interdiction de la culture à domicile compromette nécessairement l’objectif de réduction du marché illicite, surtout dans le cas où des mesures sont prises pour que le prix du cannabis légal dans les régions plus éloignées soit comparable à celui des centres urbains.

Malgré les arguments solides qui ont été évoqués en faveur de l’interdiction provinciale et qui sont compatibles avec le projet de loi C-45, je suis d’accord avec le sénateur Carignan en ce qui concerne cet aspect du droit constitutionnel, notre sujet favori ces jours-ci. J’ai appuyé l’amendement en question, parce qu’il clarifie l’incertitude entourant l’interaction entre les lois fédérales et provinciales. De plus, il correspond, à mon sens, au juste équilibre qu’il faut établir entre l’exercice de la compétence législative fédérale et provinciale.

Deuxièmement, soyons clairs sur ce qui est ici en cause et sur ce qui ne l’est pas. Il ne s’agit pas d’une attaque envers la compétence provinciale. Ce n’est pas non plus un cas où le gouvernement fédéral impose une vision très centralisée du fédéralisme pour détruire les provinces. Au contraire, le projet de loi C-45 et l’approche du gouvernement fédéral comprennent un large éventail de moyens par lesquels les compétences provinciales sont reconnues. Cela a été bien expliqué lors du discours du sénateur Harder, et je ne le répéterai pas ici, sauf pour ajouter quelque chose. Le sénateur a mentionné à quel endroit, dans le texte de loi, se trouve cette référence aux pouvoirs législatifs des provinces. Il dit que cela n’existe pas. Il n’est pas nécessaire que cet aspect s’y trouve, compte tenu du paragraphe 92(13) de la Constitution. Il est donc clair que les provinces ont le pouvoir de légiférer, et elles l’ont fait de plusieurs façons.

J’aimerais dire également qu’il ne fait aucun doute que le pouvoir fédéral de légiférer en droit criminel est adéquat pour appuyer le projet de loi C-45 en ce qui concerne la décriminalisation de la possession ou de la culture à domicile d’un maximum de quatre plantes. Il n’est aucunement question de droit constitutionnel. Les deux champs de compétence sont là et sont respectés.

Alors, quel est l’enjeu? Il s’agit simplement d’un argument sur une branche de la doctrine de la prépondérance en droit constitutionnel. Dans ce cas-ci, le rejet de l’amendement vise simplement à éliminer une zone d’incertitude quant à la portée de la compétence provinciale.

Je continue de croire que l’amendement est une bonne idée. Alors, pourquoi est-ce que je m’oppose à l’amendement du sénateur Carignan? Je le fais pour deux raisons. La première, c’est la conviction que nous devons nous fonder sur des principes dans notre prise de décisions et nous assurer que nos positions sont cohérentes et constantes.

J’appuie le projet de loi C-45 et je crois toujours qu’un report de l’application de la loi est nuisible. Bien que le gouvernement n’ait pas accepté l’amendement, il a reconnu, dans une mesure encore plus grande qu’il ne l’a fait jusqu’à présent, la vaste gamme de règlements et de compétences provinciales qui seraient conformes à l’approche du projet de loi C-45.

Honorables sénateurs, nous avons bien fait notre travail. Nous avons été entendus. Nous nous sommes acquittés de nos responsabilités envers les citoyens et citoyennes que nous représentons. Nous ne sommes pas ici pour représenter les gouvernements provinciaux. Nous nous sommes acquittés de nos responsabilités envers les Canadiens, les Canadiennes, les Québécois et les Québécoises.

Cela m’amène à la deuxième raison, c’est-à-dire ma compréhension du rôle constitutionnel approprié que joue le Sénat en tant qu’institution législative indépendante et complémentaire au sein du système parlementaire.

Honorables sénateurs, il y a eu des circonstances où le Sénat a insisté sur ses amendements, et cela se reproduira peut-être encore à l’avenir. Cependant, lorsque je considère toutes les positions concurrentes en ce qui concerne ce message du gouvernement, j’en conclus qu’il ne s’agit pas d’une attaque contre la compétence provinciale. Ce n’est pas non plus une attaque contre les minorités vulnérables ni un cas où le projet gouvernemental est déraisonnable et sans fondement rationnel. Il s'agit d'un désaccord avec quelques gouvernements provinciaux au sujet d’une branche de la doctrine de la prépondérance en droit constitutionnel.

Selon moi, cela n’atteint pas un niveau tel que notre devoir constitutionnel de résister aux décisions stratégiques de la Chambre élue entre en jeu. Notre travail au Sénat est de fournir un examen objectif de la législation et de l’améliorer, le cas échéant. Notre rôle est aussi de bonifier le travail de la Chambre des communes dans le cadre du processus législatif. C’est ce que nous avons fait. À mon humble avis, il est maintenant temps d’accepter la décision légitime de la Chambre des communes. Je voterai contre l’amendement. Merci.

 

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