Le Sénat
Motion tendant à exhorter le gouvernement à mettre fin aux relations diplomatiques avec l’Iran—Ajournement du débat
14 juin 2018
L’honorable Sénateur Leo Housakos :
Que, à la lumière du changement considérable que le gouvernement du Canada a récemment adopté à l’égard de sa politique étrangère concernant l’Iran, lequel changement ne reflète pas la récente décision du Sénat de rejeter les principes du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne, qui prévoyait notamment l’établissement d’un rapport annuel sur les violations des droits de la personne commis par l’Iran, le Sénat :
a)condamne fermement le régime iranien actuel parce qu’il continue de commanditer le terrorisme dans le monde entier et notamment de fomenter des attaques violentes à la frontière de Gaza;
b)condamne les récentes déclarations du chef suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, appelant au génocide contre le peuple juif;
c)demande au gouvernement :
(i)d’abandonner son plan actuel et de cesser immédiatement toute négociation ou discussion avec la République islamique d’Iran en vue du rétablissement des relations diplomatiques;
(ii)d’exiger que le régime iranien libère immédiatement tous les Canadiens et les résidents permanents du Canada qui sont actuellement en détention en Iran, dont Maryam Mombeini, veuve du professeur Kavous Sayed-Emami, et Saeed Malekpour, qui est emprisonné depuis 2008;
(iii)d’inscrire immédiatement la Brigade des Gardiens de la révolution islamique dans la liste des entités terroristes établie en vertu du Code criminel du Canada;
(d)se tient solidaire du peuple iranien et reconnaît que, comme tous les autres peuples, il a un droit fondamental à la liberté de conscience et de religion, à la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de presse et d’autres formes de communication, à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet d’une motion qui, je crois, est très importante pour rectifier un faux pas du gouvernement libéral et rectifier un faux pas effectué par le Sénat il y a un mois à peine.
Chers collègues, il y a quelques jours, nous avons vu le gouvernement changer complètement son fusil d’épaule à l’égard d’une politique très importante. Il y a à peine un mois, ici même, le leader du gouvernement a fait valoir avec insistance que l’ancien projet de loi S-219, proposé par notre collègue le sénateur Tkachuk, engagerait le Canada sur une voie unilatérale, de sorte qu’il serait déphasé par rapport à la communauté internationale.
Le projet de loi S-219 proposait le maintien des sanctions déjà mises en place par le Canada contre le régime iranien jusqu’à ce que deux rapports annuels consécutifs concluent qu’il n’y a aucune preuve crédible établissant que le régime soutient le terrorisme international ou incite à la haine, et que l’Iran a réalisé des progrès considérables dans le respect des droits de la personne.
Le sénateur Harder a également fait valoir que l’adoption d’un tel projet de loi déphaserait le Canada par rapport à ses alliés. Plus précisément, il a affirmé ce qui suit :
[...] en prenant des mesures qui ne correspondent pas à celles de nos alliés et partenaires, ce projet de loi aurait un effet très limité sur le respect des droits de la personne de l’Iran et son soutien du terrorisme.
L’approche du gouvernement a été précisée dans une lettre envoyée à la sénatrice Andreychuk, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Dans cette lettre, le gouvernement affirme que :
Le gouvernement estime que c’est par le dialogue — et non par le retrait et l’isolement — qu’il peut le mieux promouvoir les intérêts du Canada […].
Il dit également ceci :
[…] le projet de loi S-219 limiterait la capacité du gouvernement du Canada d’entreprendre et de finalement conclure un processus complexe visant le rétablissement des relations diplomatiques avec l’Iran.
Quel revirement en un mois! Plus tôt cette semaine, le gouvernement libéral semblait condamner le régime iranien parce qu’il « continue de commanditer le terrorisme dans le monde entier ». Le gouvernement semblait également prêt à abandonner son plan actuel consistant à entretenir le dialogue avec l’Iran. Le voilà prêt à cesser toute négociation ou discussion en vue du rétablissement des relations diplomatiques et à inscrire immédiatement le Corps des Gardiens de la Révolution islamique dans la liste des entités terroristes établie en vertu du Code criminel du Canada.
La seule question que j’ai est la suivante : pourquoi cela a-t-il pris autant de temps?
Quand le gouvernement a dit, dans sa lettre à la sénatrice Andreychuk, qu’il voulait le rétablissement des relations diplomatiques avec l’Iran, cela faisait déjà des décennies que l’Iran soutenait le terrorisme international. Comme les sénateurs de ce côté-ci de la salle l’ont dit lors du débat sur le projet de loi S-219, l’idéologie islamiste révolutionnaire a mené l’Iran à appuyer le terrorisme international ainsi que des groupes terroristes, dont Al-Qaïda, le Hamas et des dizaines d’autres. Cette idéologie est le fondement même de sa politique internationale.
Le régime iranien est, depuis quatre décennies, le principal appui du Hezbollah, qui est probablement l’entité terroriste la plus puissante du monde. Le Hezbollah est si puissant qu’il constitue un État dans l’État au Liban. Le Hezbollah n’est pas seulement déterminé à détruire la seule démocratie au Moyen-Orient, l’État d’Israël, il participe également activement à la guerre civile en Syrie et est un proche allié du régime de Bachar al-Assad.
Ensemble, l’Iran, le Hezbollah et le régime Assad forment une troïka terroriste dans la région.
Une vaste gamme de documents de sources ouvertes nous apprennent que l’Iran a financé le Hezbollah. Il lui a fourni des armes, notamment des missiles à longue portée qui sont maintenant capables de frapper la plupart des régions d’Israël. L’Iran a fourni à ce groupe terroriste des conseils et du leadership, une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Ce qui est choquant, en ce qui concerne notre débat d’aujourd’hui, c’est que le gouvernement du Canada est au courant de tout cela depuis bien longtemps. C’est en partie pour cette raison, honorables sénateurs, que l’ancien gouvernement conservateur a rompu, à juste titre, ses relations diplomatiques avec le régime iranien.
Il est important de reconnaître à quel point il est inhabituel, dans la communauté internationale, de rompre des relations diplomatiques. Il y a quelques pays avec lesquels le Canada a rompu toute relation, mais le fait qu’il a pris de telles mesures dans ce cas-ci témoigne de la menace que pose le régime sur la paix et la sécurité internationales.
(1700)
Étant donné la nature du régime iranien, il n’est guère surprenant que le « dialogue » que le gouvernement actuel voulait tenir avec l’Iran se soit avéré un échec.
Essentiellement, un régime qui cherche à renverser l’ordre international ne va pas soudainement changer sa stratégie ou ses tactiques parce qu’un très lointain pays — dans ce cas-ci, le Canada — l’exige. Pourtant, jusqu’à récemment, le gouvernement et de nombreux sénateurs qui se décrivent comme indépendants se sont accrochés, pour une raison ou une autre, à cette idée.
Lorsque nous avons été saisis du projet de loi S-219, c’est-à-dire le projet de loi qui aurait établi une base fondée sur des principes pour la politique du Canada à l’égard de l’Iran, le sénateur Woo a indiqué que, si le projet de loi était adopté, il :
[...] nuirait aussi aux efforts que déploie le Canada pour favoriser des changements constructifs en Iran par le rétablissement de liens diplomatiques avec Téhéran.
Maintenant que le gouvernement semble avoir rajusté son tir, j’espère que les sénateurs prendront au moins de temps de réfléchir à la question et de revoir les positions qu’ils ont défendues au Sénat à titre d’institution.
Je crois que ce qui a probablement donné matière à réflexion au gouvernement est le fait que le régime iranien a rejeté de façon aussi évidente les efforts du Canada dans les cas de Maryam Mombeini, Kavous Sayed-Emami et Saeed Malekpour. Ce qui est déplorable et tragique au sujet de la situation est que, bien que ces cas soient étonnamment flagrants, ils ne touchent que trois des dizaines de milliers de personnes qui ont été emprisonnées, abusées, torturées et assassinées par le régime au fils des décennies.
Nous avons eu vent de ces affaires à cause du lien qu’ont ces personnes avec notre pays, le Canada — leur nation d’adoption. Peut-être que ces affaires ont attiré notre attention sur les milliers, en fait, les millions de personnes qui ont souffert des politiques du régime iranien. Quelle qu’en soit la raison, il est encourageant de constater que le gouvernement a, du moins depuis cette semaine, modifié son approche.
Pour jeter les bases d’une bonne politique, je recommanderais au premier ministre, au gouvernement, à la ministre Freeland, au sénateur Harder et, en fait, au Cabinet tout entier le cadre prévu par le projet de loi S-219, qui constitue le meilleur fondement d’une solide approche de principe.
Le gouvernement a montré cette semaine qu’il était possible de changer de direction en abandonnant ce qui n’a manifestement pas fonctionné pour privilégier ce qui pourrait fonctionner.
Je crois donc qu’il est temps pour le Sénat de faire lui aussi preuve de sagesse et de procéder à un second examen objectif. Le mois dernier, cette institution a commis l’erreur de rejeter le projet de loi S-219. Je pense que, en votant en faveur de cette motion, nous pouvons contribuer à replacer sur la bonne voie la politique du gouvernement du Canada.
À titre de leader du gouvernement, le sénateur Harder a déclaré hier, en répondant à ma question sur le rétablissement de la politique du précédent gouvernement, qui prévoyait notamment l’imposition de sanctions : « J’espère qu’il s’agit d’une question sur laquelle les Canadiens et les parlementaires peuvent faire front commun. »
Je suis on ne peut plus d’accord avec vous, sénateur Harder, et je vous remercie, chers collègues, d’appuyer la motion.
Merci beaucoup.