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Régie interne, budgets et administration

Vingt et unième rapport du comité—Suite du débat

11 décembre 2017


L’honorable Sénateur Paul J. Massicotte :

Honorables sénateurs, je souhaite tout d’abord reconnaître l’excellent travail d’un certain nombre de sénateurs en vue de mettre sur pied le Comité permanent de l’audit et de la surveillance proposé. Les efforts qui y ont été consacrés ont été importants et sincères. Malheureusement, je n’appuie pas le modèle que vous proposez.

Dans un premier temps, j’aimerais expliquer pourquoi le système actuel est inadéquat. En plus de répondre à la proposition faite par le représentant du gouvernement au Sénat, je vais vous faire part de mon opinion sur les mérites et les lacunes du Comité de l’audit et de la surveillance proposé.

Rappelons-nous tout d’abord le principal objectif de cet exercice, qui est de rassurer les Canadiens sur le fait que les sénateurs gèrent prudemment le budget discrétionnaire de leur bureau, conformément aux règles et politiques pertinentes.

À ce sujet, nous devons reconnaître que la pratique en vigueur, qui consiste à superviser et à approuver, par l'intermédiaire du Comité de la régie interne, les dépenses de leurs collègues et amis est inacceptable et qu’elle ne correspond pas à la définition moderne de l'indépendance et de la gouvernance. À mon avis, nous devons trouver un modèle de supervision qui soit plus acceptable pour les Canadiens.

Comment y arriver au coût le plus raisonnable qui soit? Voilà la question qu’il faut se poser.

Examinons les modèles de surveillance indépendants des Parlements du Royaume-Uni et de l’Australie. Ces deux organismes sont principalement composés d’experts externes qui examinent et approuvent les politiques et les dépenses discrétionnaires des parlementaires. Cependant, ils le font au coût de 3 à 12 millions de dollars par année. Ce modèle, proposé par le vérificateur général dans son rapport de 2015, ainsi que par le représentant du gouvernement au Sénat, est certes un modèle sérieux et efficace pour l’atteinte de notre objectif, mais son coût en vaut-il la peine?

Ce modèle ne porterait-il pas atteinte à la capacité du Sénat de s’autorégir, indépendamment des ingérences externes? J’estime que les dépenses discrétionnaires des sénateurs se situent entre 7 et 10 millions de dollars par année. D’ailleurs, pratiquement tous les examens effectués par le vérificateur général, dans le cadre de son rapport de 2015, portaient sur ces dépenses discrétionnaires.

Une dépense de 2 à 3 millions de dollars par année pour un organisme de surveillance indépendant composé d’experts externes qui font l’examen de dépenses discrétionnaires de 7 à 10 millions de dollars représenterait, à mon avis, une somme importante. Nous devons trouver un modèle moins coûteux.

Examinons le comité permanent de l’audit et de la surveillance que souhaite mettre sur pied le Comité de la régie interne pour remplacer la recommandation du vérificateur général.

Le comité serait entièrement composé de sénateurs qui ne siègent pas au Comité de la régie interne. Il aurait le pouvoir d’engager des vérificateurs ou des experts pour confirmer, à un coût annuel estimé à 500 000 $, que nos dépenses sont opportunes et efficaces.

Le problème que je vois avec ce modèle est qu’il ne corrige pas la faiblesse flagrante de notre modèle de gouvernance actuel, par lequel les sénateurs approuvent mutuellement leurs dépenses, même si chacun évite de siéger aux deux comités à la fois — audit et surveillance, et régie interne.

Ceux qui défendent le comité de l’audit et de la surveillance font valoir que les vérificateurs et les experts seront engagés pour en assurer l’indépendance. Cela pourrait fonctionner si leur mandat est convenablement structuré. À mon avis, toutefois, l’ajout d’un tel comité de l’audit au processus d’examen des politiques et des dépenses discrétionnaires des sénateurs ne constituerait qu’un palier bureaucratique de plus. On pourrait même y voir un subterfuge pour faire croire au public que le Sénat maîtrise la situation, alors que, en réalité, la création de ce comité de l’audit ne sert à rien.

De plus, mettre sur pied un comité sénatorial de l’audit qui pourra établir les mandats de vérification, choisir les vérificateurs à embaucher, examiner le rapport de vérification avant sa publication et, surtout, décider de la façon de traiter tous les écarts soulevés ne fera pas grand-chose pour rendre le Sénat plus légitime et responsable aux yeux de la population.

Cela m’amène à suggérer ce qui suit. Pourquoi ne pas plutôt demander au Sénat de s’engager immédiatement à faire appel, tous les trois ans, à l’un des quatre grands cabinets d’audit indépendants, par exemple? Ce cabinet aurait le mandat d’examiner et de rendre compte publiquement du caractère adéquat de nos règles et politiques et de la mesure dans laquelle les sénateurs ont judicieusement respecté les règles afférentes à leurs dépenses discrétionnaires. L’étendue de l’audit permettrait de déterminer si nos systèmes et nos politiques de contrôle sont adéquats. Il examinerait un échantillon de dépenses discrétionnaires réelles et, au besoin, il effectuerait une étude approfondie de nos habitudes de dépenses.

À la suite de la publication du rapport d’audit, il appartiendrait alors au Sénat de se prononcer et de décider de la marche à suivre en cas d’infraction grave. Tout ce processus pourrait être coordonné par le bureau du Président du Sénat, sans que les sénateurs aient le droit de modifier ou d’approuver au préalable le rapport d’audit, sauf, évidemment, lorsqu’il s’agirait de corriger des erreurs factuelles.

Avec cette solution qui ne coûterait pas plus de 250 000 $ par période de trois ans, la création d’un comité de l’audit et de la surveillance ne serait pas nécessaire. Le coût relativement moins élevé de cette méthode d’audit serait plus adapté aux montants en question. De plus, en combinant cette approche à la pratique déjà établie de rendre publiques les dépenses des sénateurs, je suis convaincu que les Canadiens y adhéreraient. Alors, pourquoi compliquer les choses avec la création d’un comité de l’audit et de la surveillance? Merci.

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