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Le Code criminel - La Loi sur le ministère de la Justice

Ordre du jour

30 octobre 2018


L’honorable Sénatrice Julie Miville-Dechêne :

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer l’amendement proposé par ma collègue, la sénatrice Pate, et afin de signaler à l’autre endroit qu’il y a, à mon avis, une faille dans le projet de loi C-51. Cette faille importante devrait être comblée avant que la loi entre en vigueur.

La question du consentement sexuel est au cœur de mes préoccupations depuis des années. À titre d’ancienne présidente du Conseil du statut de la femme, je suis intervenue à de nombreuses reprises sur l’évolution de ce concept et l’idée que nous sommes à une époque où le consentement doit être affirmatif. Il faut dire « oui » à une activité sexuelle. La passivité, l’intoxication, le fait de ne pas dire « non » ne sont pas des critères suffisants pour juger que le consentement a eu lieu.

Or, il y a dans ce projet de loi une définition du consentement, mais ce qui est plus faible, c’est la définition de ce qui constitue un vice au consentement. Selon une juriste qui offre de la formation à des juges sur la question du consentement sexuel, il n’y a pas assez de jurisprudence et de sensibilité parmi les juges pour croire que la formulation proposée par le projet de loi aux articles 10 et 19 est suffisamment claire pour les guider.

Je vous rappelle ici cette formulation. Il n’y a pas de consentement du plaignant dans les circonstances suivantes :

a.1) il est inconscient;

b) il est incapable de le former pour tout autre motif que celui visé à l’alinéa a.1);

Je ne répéterai pas les arguments de mes collègues, les sénatrices McPhedran et Lankin, avec lesquelles je suis d’accord, qui soulèvent le risque de nommer le critère lié à l’inconscience dans le projet de loi C-51.

La faille dans ce projet de loi touche potentiellement bien des femmes. Quand une personne est volontairement intoxiquée, donc qu’elle se saoule, mais qu’elle est consciente, comment mesurer son consentement ou son absence de consentement? C’est là que le bât blesse et que la victime présumée a de la difficulté à obtenir justice devant les tribunaux.

Il me semble à propos de modifier le projet de loi C-51 aux articles 10 et 19 en ajoutant le sous-alinéa (iii) de l’amendement, qui indique ceci :

il n’a pas la capacité de manifester son accord de façon explicite à l’activité sexuelle en question par ses paroles ou sa façon d’agir; »,

Toutefois, je ne suis pas convaincue qu’une partie de l’amendement proposé par ma collègue, la sénatrice Pate, notamment le fait qu’une personne ait la capacité de comprendre les risques et les conséquences de l’acte sexuel, soit applicable dans une cour de justice.

J’ai écouté avec attention tous les arguments pour ou contre cette question difficile et, notamment, ceux de mon collègue, le sénateur Dalphond, pour qui j’ai beaucoup de respect. J’aurais en effet souhaité, comme lui, d’ailleurs, que le comité passe davantage de temps à peaufiner l’amendement pour qu’on en vienne à un consensus plus large sur sa nature et sur les mots choisis.

En dépit de mes réserves sur la formulation d’une partie de cet amendement, je voterai en faveur de ce dernier, car je crois important de manifester mon appui à une meilleure définition du vice au consentement, et ce, dans l’espoir que davantage de victimes d’agression sexuelle puissent obtenir justice. Merci.

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