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ORDRE DU JOUR - La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif—Amendements des Communes—Motion tendant à approuver les premier et troisième amendements et à amender le deuxième amendement—Suite du débat

8 novembre 2017


L’honorable Sénatrice Kim Pate :

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion du sénateur Harder concernant le message de l’autre endroit sur le projet de loi S-3. Merci à ceux qui sont déjà intervenus hier et aujourd’hui sur le sujet.

Je suis honorée d’être ici parmi vous, mes collègues, alors que nous nous apprêtons à marquer un tournant dans l’histoire des droits des femmes autochtones et de leurs descendants. Le moment me rappelle les sentiments que plusieurs d’entre nous ont ressentis lors du rapatriement de la Constitution en 1982, lorsque les femmes, les minorités raciales, les handicapés et d’autres groupes victimes de discrimination se sont fait dire qu’il leur faudrait attendre trois ans avant l’entrée en vigueur des dispositions sur les droits à l’égalité contenues dans l’article 15.

Les femmes autochtones attendent toujours l’égalité.

Par cette motion, le gouvernement affirme que la date limite de 1951 et la distinction en matière de statut établie par les alinéas 6(1)a) et 6(1)c) dans la Loi sur les Indiens ne tiennent plus. La question devient la suivante : « Quand expurgerons-nous la loi de toutes formes de discrimination fondée sur le sexe? »

Outre le travail des sénateurs Harder et Lankin sur la motion, je tiens à saluer la contribution de la sénatrice McPhedran, qui a proposé en comité l’amendement au projet de loi S-3 visant l’application universelle de l’alinéa 6(1)a). Je souligne également la participation de tous les membres du Comité des peuples autochtones, notamment celle de sa présidente, la sénatrice Dyck, de son vice-président, le sénateur Patterson, et des sénateurs Lovelace Nicholas, Sinclair, Christmas et Watt. Ensemble, vous avez jeté les bases des nouvelles dispositions dont nous sommes saisis, qui visent à éliminer la date limite de 1951 de la Loi sur les Indiens.

La Loi sur les Indiens a d’abord refusé aux femmes autochtones un traitement égal, avant de reporter puis de retarder cette égalité. Depuis hier, des femmes autochtones communiquent avec moi pour me dire qu’elles attendent toujours d’avoir droit à un traitement égal. Touchées par le seuil d’admissibilité de 1951, ces femmes sont fortement marginalisées, très vulnérables, et elles prennent de l’âge. Malgré cela, nous leur disons de patienter. Certaines ne vivront peut-être pas assez longtemps pour bénéficier de cette égalité. Cela dépendra du moment où les dispositions seront édictées par le décret prévu.

Voilà comment le gouvernement a traité les anciens combattants autochtones. Je tiens à souligner que nous rendons hommage, aujourd’hui, à ces anciens combattants. Par ailleurs, les survivants des pensionnats autochtones ont vécu une situation semblable. Un retard de justice équivaut trop souvent à un déni de justice.

Les femmes autochtones mènent le combat contre le passé raciste de la Loi sur les Indiens. Pensons, par exemple, à nos collègues, les sénatrices Lovelace Nicholas et Dyck, ainsi qu’à des femmes comme Mary Two-Axe Earley, Jeannette Corbiere Lavell, Yvonne Bédard, Sharon McIvor, Patricia Monture, Pam Palmater et maintenant, dans le contexte du projet de loi S-3, Susan et Tammy Yantha ainsi que Lynn Gehl.

En réponse à leurs contestations, à leurs démarches et aux ordonnances qu’elles ont obtenues, le gouvernement fait le strict minimum. Parfois, comme c’est le cas actuellement, il se contente de promettre plus de mesures et plus de consultations au lieu d’opter pour un changement immédiat, d’une vaste portée. C’est ce qui est arrivé en 1985 à la suite de la décision Lovelace, et en 2010 à la suite de la décision McIvor. Je crains fortement que nous n’assistions au même scénario en 2017, dans la foulée de l’arrêt Descheneaux.

La motion à l’étude demande aux femmes autochtones et à leurs descendants de prendre un autre risque, de se contenter de petites victoires immédiates et d’avoir confiance que les dispositions prévues dans la motion, qui pourraient avoir des effets sans précédent, entreront en vigueur après une période de consultation indéterminée. Nous devrions tous demander, en fait, pourquoi aucune date d’échéance n’est prévue.

Je suis prête à me joindre à mes collègues pour voter en faveur de cet amendement, mais je ne peux pas le faire sans exprimer clairement ma crainte que nous prenions aussi un risque en l’appuyant. Nous misons sur notre capacité, au titre des dispositions relatives aux rapports que contient le projet de loi, à superviser le processus de consultation, à exercer des pressions pour le rendre efficace et à nous concentrer sur cet objectif, possiblement au cours de plusieurs années, qui comprendront un cycle électoral.

Même si je salue les efforts du gouvernement, je comprends la frustration actuelle des femmes autochtones et je partage leurs préoccupations quant à la remise à plus tard de l’application de ces dispositions.

En 1982, nous étions mécontents du délai de mise en œuvre des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés relatives à l’égalité, mais nous savions au moins quand elles entreraient en vigueur. Les femmes autochtones ne méritent rien de moins. Il faudrait donc inclure la date de mise en œuvre dans le projet de loi.

Nous devons comprendre que, compte tenu du contexte historique, un grand nombre de personnes seront consternées par ce délai et réagiront avec scepticisme au processus de consultation proposé dans la motion.

Nous devons aussi reconnaître qu’il ne suffit pas de voter en faveur du projet de loi pour nous acquitter de notre responsabilité. Je tiens à appuyer sans réserve ce que les sénateurs Sinclair et Christmas viennent de dire. Notre responsabilité ne s’arrêtera pas une fois que nous aurons voté. Au contraire, en votant en faveur de la motion dont nous sommes saisis, en votant en faveur du projet de loi, nous, sénateurs, envoyons un signal selon lequel nous acceptons, une fois le projet de loi adopté, d’assumer l’obligation de poursuivre le processus de consultation jusqu’au bout, pour défendre et appuyer les femmes autochtones et pour faire en sorte que les mesures soient enfin prises pour mettre fin à ces torts historiques qui existent depuis longtemps. Ensemble, honorables sénateurs, nous devons veiller à ce que justice soit enfin faite. Je vous remercie.

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