Projet de loi portant mise en oeuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne
Deuxième lecture—Suite du débat
28 février 2017
L’honorable Sénateur Leo Housakos :
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-30, Loi portant mise en œuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, ou AECG. Il s'agit d'un accord extraordinaire pour le Canada. Il fournira aux Canadiens un accès privilégié à un bloc économique de plus de 500 millions de personnes dont le produit intérieur brut a actuellement une valeur d'environ 17 billions de dollars.
C'est incroyablement avantageux pour les Canadiens. Au pays, le prix des importations européennes diminuera, et les Canadiens profiteront d'un plus grand choix. Quant au marché européen, l'accès privilégié à un marché aussi grand offre aux exportateurs canadiens un élargissement des occasions d'affaires, ce qui signifie davantage d'emplois mieux rémunérés dans le secteur des exportations.
Les nombreux avantages de l'Accord économique et commercial global se feront rapidement sentir. Le jour où l'accord entrera en vigueur, 100 p. 100 de toutes les lignes tarifaires de l'Union européenne sur les produits non agricoles seront exemptes de droit de douane, de même que près de 94 p. 100 des lignes tarifaires de l'Union européenne sur les produits agricoles. Les fournisseurs de services canadiens, un secteur qui emploie 13,8 millions de Canadiens, recevra le meilleur accès au marché jamais accordé par l'Union européenne à un partenaire de libre-échange. De même, le marché des contrats gouvernementaux de l'Union européenne, d'une valeur de 3,3 billions de dollars, sera ouvert pour assurer aux fournisseurs canadiens un accès préférentiel, ce qui ouvrira des débouchés considérables pour nos exportations.
D'un point de vue plus large, lorsque le Canada a amorcé les pourparlers avec l'Union européenne, une étude conjointe Canada-Union européenne a établi qu'un accord global entre le Canada et l'Union européenne générerait une hausse de 20 p. 100 du commerce bilatéral, soit une injection annuelle de 12 milliards de dollars pour l'économie canadienne. Cela pourrait ajouter 80 000 emplois à l'économie canadienne et rehausser le revenu de la famille canadienne moyenne de 1 000 $ par année.
De plus en plus, on décrit l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne comme la norme de référence pour les accords du Canada. En effet, quand on en considère l'incidence et les retombées pour les Canadiens, il s'agit d'une description juste.
L'Union européenne représente déjà le deuxième exportateur en importance et le deuxième partenaire commercial de ma province, le Québec. Plusieurs secteurs, y compris ceux de la fabrication avancée, des produits minéraux et métalliques et de l'agriculture, sont bien placés pour tirer grand profit de l'AECG. Non seulement l'accord donne-t-il aux Canadiens un accès privilégié aux marchés européens, tout en offrant aux consommateurs canadiens plus de choix et des prix réduits, mais il prévoit d'importantes améliorations en ce qui concerne la résolution des différends relatifs aux investissements et il renforce des normes strictes de protection de l'environnement et du travail.
Cependant, je crois aussi que l'AECG est un mécanisme idéal pour le Canada pour deux autres raisons. D'abord, l'AECG représente l'aboutissement d'efforts de longue date entrepris par le Canada — en particulier depuis 10 ans — afin de renforcer ses relations commerciales et économiques avec le reste du monde. Pourquoi? Parce que les accords de libre-échange sont le moteur de la croissance économique et qu'ils jettent les bases de la création d'emplois de haute qualité pour les Canadiens et les Canadiennes. Bref, le libre-échange correspond aux intérêts nationaux du Canada.
Il y a longtemps que les dirigeants des milieux des affaires et de la politique le savent, comme en témoigne le consensus qu'ils ont commencé à forger au milieu des années 1980. Brian Mulroney avait pris un risque politique en lançant des négociations sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Ouvertement critiqué à l'époque, il s'est vu obligé de tenir les élections de 1988 sous le thème du libre-échange, dont il voyait les possibilités et l'énorme potentiel. En fin de compte, la population canadienne a été d'accord avec lui.
À la suite de l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange canado-américain, le commerce avec les États-Unis a triplé. Malgré les appréhensions de nombreuses personnes qui craignaient que la grande industrie canadienne soit incapable de livrer concurrence sur le marché du libre-échange avec son voisin du Sud, les Canadiens ont relevé le défi. Loin de disparaître, plusieurs secteurs commerciaux se sont même consolidés pour devenir des leaders mondiaux qui ont eu accès à d'importants nouveaux débouchés. Le résultat de ces pourparlers sur le libre-échange a insufflé aux Canadiens une confiance nouvelle, et d'autres gouvernements ont emboîté le pas en relevant le défi.
La libéralisation du commerce est devenue la pierre angulaire de l'approche du gouvernement Harper. De 2006 à 2015, le Canada a conclu des négociations liées à 7 accords commerciaux bilatéraux et à 3 accords commerciaux multilatéraux touchant quelque 46 pays différents. Cette expression du commerce est une première dans l'histoire du Canada et elle a réuni les conditions propices à l'accroissement des possibilités et de la prospérité pour les années à venir.
L'ancien premier ministre du Québec, Jean Charest, a affirmé récemment que la combinaison de l'ALENA, de l'AECG et d'autres accords commerciaux donne au Canada un accès libre d'entraves à 60 p. 100 de l'économie mondiale. Selon M. Charest, nous sommes destinés à devenir une plaque tournante du commerce mondial de biens et de services ainsi que des investissements, sans oublier la mobilité des personnes et de la main-d'œuvre.
Il n'est pas seul à penser ainsi. Des groupes comme le Conseil canadien des affaires, le Forum sur le commerce Canada-Europe, la Chambre de commerce du Canada, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Manufacturiers et Exportateurs du Canada et bien d'autres sont du même avis que M. Charest. Ils ont souligné non seulement les occasions créées grâce aux accords commerciaux conclus au cours des dernières décennies, mais également les dangers que pourrait entraîner l'absence de mesures rigoureuses visant autant à favoriser l'entrée en vigueur de l'AECG qu'à poursuivre de manière cohérente de nouveaux débouchés.
Comme l'ancien premier ministre Harper l'a récemment souligné :
Le monde a désespérément besoin de plus d'accords commerciaux internationaux. À une époque où les déficits structurels, les conditions monétaires peu contraignantes et la faible croissance deviennent la norme, l'essor commercial est l'un des rares outils dont on dispose pour stimuler la création d'emplois et la croissance économique dans les pays en développement.
Le gouvernement du Canada doit s'assurer de répondre à cet appel et de continuer à rechercher le plus activement possible de nouveaux débouchés commerciaux.
Nous vivons dans une période de scepticisme croissant à l'égard de la valeur du libre-échange. Les pays deviennent plus de plus en plus protectionnistes. Pour le Canada, cela représente à la fois un danger et une occasion dont il faut profiter. D'une part, le scepticisme de nos principaux partenaires commerciaux quant à la valeur de leurs accords commerciaux nous rend vulnérables, mais, d'autre part, cela donne au Canada une occasion de tirer parti de la situation et, pour reprendre les propos de M. Charest, de devenir une « plaque tournante » du commerce international. Le premier geste que nous poserons ou le premier avantage dont nous tirerons parti pourra être déterminant pour faire occuper au Canada une place de choix dans ce marché international très exigeant.
Un exemple de défi à relever et d'occasions dont il faut profiter pour le Canada se présente actuellement en Europe. Nous savons que le partenaire commercial principal du Canada en Europe, le Royaume-Uni, a décidé de quitter l'Union européenne. Cela constitue, bien entendu, une source de préoccupations pour le Canada, car le Royaume-Uni représentait plus du cinquième du PIB collectif de l'Union européenne. Néanmoins, cela donne aussi l'occasion au gouvernement du Canada de prendre l'initiative pour protéger et accroître ses relations économiques globales avec le Royaume-Uni au cours des mois et des années à venir.
En résumé, nous ne pouvons pas nous permettre de nous reposer sur nos lauriers. Même si nous célébrons actuellement l'une de nos plus grandes réussites commerciales, nous devons rester à l'affut des possibilités qui se cachent derrière les défis et les dangers auxquels nous sommes confrontés.
Cela m'amène à une autre raison pour laquelle l'Accord économique et commercial global représente une référence pour le gouvernement du Canada. Il fait l'objet de négociations depuis 2007. L'accord de principe entre le Canada et l'Union européenne a été signé en octobre 2013 et l'entente définitive a été signée trois ans plus tard, soit en octobre 2016. Les négociations se sont donc déroulées pendant une décennie et ont été menées par deux gouvernements canadiens. Tant le gouvernement Harper — qui est celui qui a entamé le processus — que le gouvernement Trudeau se sont montrés déterminés à conclure l'accord. Ce consensus national a été absolument essentiel en raison de la grande complexité de ces accords commerciaux et du fait que ceux-ci concernent de nombreux secteurs économiques. Un consensus politique durable est donc fondamental. Il s'agit de la seule façon qui permettra de façonner une approche véritablement nationale et de n'oublier aucun secteur, province ou région du Canada.
Historiquement, lorsque le pays a été confronté aux plus grands défis internationaux, nous nous sommes toujours concertés pour créer une unité politique entre les partis. Il est tout à fait opportun qu'une telle unité politique émerge de nouveau en ce qui concerne les intérêts économiques du Canada à l'échelle mondiale. C'est bien de voir que le Parti libéral a embrassé sa position traditionnelle en ce qui concerne le libre-échange, en raison non seulement des possibilités économiques que cela crée, mais aussi des occasions qui s'offrent au Canada pour ce qui est de diversifier ses relations économiques avec d'autres pays.
Nous devrons tous travailler plus fort pour faire durer l'unité qui existe aujourd'hui. Cela signifie que nous devrons bien comprendre les débouchés et les défis que les accords commerciaux internationaux impliquent pour chaque secteur économique canadien. Les gouvernements et les législateurs devront collaborer avec ces secteurs et écouter leurs représentants afin de réagir d'une manière qui vise à passer d'une approche plus protectionniste à une libéralisation des échanges.
À cet égard, il sera très important que le gouvernement tienne les promesses qu'il a faites au secteur laitier, ainsi qu'aux habitants de Terre-Neuve-et-Labrador quant à un fonds fédéral spécial pour la pêche lié à l'Accord économique et commercial global. Ailleurs dans le monde, les gouvernements ont trop souvent fait fi des conséquences économiques immédiates des accords commerciaux globaux ou ne s'y sont pas attardés. Les conséquences de cette approche malavisée se font maintenant sentir en Europe et surtout aux États-Unis.
Je demande au gouvernement d'écouter attentivement les producteurs laitiers, les représentants du secteur de la pêche de Terre-Neuve-et-Labrador, les représentants du secteur du transport maritime des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent et les représentants de tous les secteurs potentiellement vulnérables afin de leur offrir toute mesure d'aide temporaire dont ils pourraient avoir besoin. Nous entreprendrons ce processus au Sénat dans le cadre des audiences du comité. Le gouvernement aura tout avantage à y porter attention.
La conclusion de l'Accord économique et commercial global est une grande réussite pour le Canada. Évidemment, l'opposition conservatrice appuie cet accord. Nous sommes très fiers d'avoir démarré le processus qui a mené à l'Accord économique et commercial global et d'avoir joué un rôle central dans l'établissement du consensus national en matière de libre-échange.
C'est un privilège pour moi d'avoir pu prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-30, dont l'adoption mettra en œuvre l'Accord économique et commercial global. Je suis très fier d'appuyer ce projet de loi et j'encourage tous les sénateurs à l'appuyer également.