PÉRIODE DES QUESTIONS — La sécurité publique
L'ingérence étrangère
9 mai 2023
Évidemment, ma question s’adresse encore une fois au leader du gouvernement libéral au Sénat.
La semaine dernière, le premier ministre a affirmé qu’il y a deux ans, le SCRS n’avait informé personne du fait qu’un agent de Pékin en poste au consulat chinois à Toronto avait ciblé le député Michael Chong et des membres de la famille de ce dernier qui se trouvent à Hong Kong.
Monsieur le leader, vous avez dit qu’il fallait considérer la déclaration du premier ministre comme véridique; or, ses propos étaient faux. Il y a un qualificatif qui s’applique aux gens qui font de fausses déclarations. La vérité, c’est que le SCRS a fait parvenir son rapport de juillet 2021 à plusieurs ministères fédéraux ainsi qu’au conseiller à la sécurité nationale attaché au Cabinet du premier ministre à l’époque. C’est d’ailleurs ce que l’actuelle conseillère à la sécurité nationale a confirmé à M. Chong. Cela contredit directement ce que le premier ministre a dit aux Canadiens.
Le premier ministre ne veut pas donner l’heure juste sur ce qu’il savait à propos de l’ingérence de Pékin, mais quand il ouvre la bouche, ce qu’il dit est faux, monsieur le leader, ce n’est pas la vérité. Comment les Canadiens peuvent-ils croire ce que dit le premier ministre à propos de l’ingérence de Pékin?
Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Le premier ministre, tout comme la ministre des Affaires étrangères, a clairement indiqué qu’il a appris les détails de cette affaire dans l’article du Globe and Mail.
Quand le premier ministre a fait ses déclarations à propos du SCRS auxquelles vous avez fait référence, à ce moment-là, il n’avait pas été informé que l’information avait été envoyée, selon ce qu’on sait maintenant, à la personne qui occupait temporairement le poste de conseiller à la sécurité nationale; il ne s’agissait donc pas du titulaire actuel du poste, mais d’une personne qui avait été nommée pour l’été. Cela a été clairement établi et corrigé rapidement par la suite.
La vérité, c’est que le gouvernement continue d’agir de façon appropriée, prudente et responsable à l’égard des sérieuses menaces et allégations d’ingérence étrangère qui ont été dévoilées par l’entremise de fuites de documents du SCRS au Globe and Mail, et il continuera d’agir dans l’intérêt supérieur des Canadiens.
Vous avez commencé par dire que le premier ministre était clair. Il a en effet été clair lorsqu’il a dit quelque chose qui n’était pas vrai.
Hier, on a demandé à plusieurs reprises au gouvernement Trudeau combien de parlementaires et leurs familles avaient été visés par l’ingérence de Pékin. Le fait qu’il refuse toujours de répondre à cette question démontre son incompétence pure et simple, monsieur le leader.
Il est également incroyable que le diplomate de la République populaire de Chine qui, selon le Service canadien du renseignement de sécurité, a ciblé un député et sa famille n’ait été expulsé du Canada qu’hier. Le gouvernement Trudeau a été contraint par la honte à prendre cette décision, qui aurait dû être prise il y a deux ans, monsieur le leader.
Dans deux semaines, le rapporteur spécial inventé par le premier ministre est censé faire ses premières recommandations. Je ne vois pas comment quelqu’un qui a été témoin de ce qui s’est passé la semaine dernière pourrait conclure à autre chose que la nécessité de tenir une enquête publique.
Maintenant, bien sûr, nous allons découvrir ce que ce rapporteur spécial va suggérer. Le gouvernement Trudeau a échoué; il a manqué à son devoir de protéger M. Chong et sa famille contre les menaces de Pékin. Combien d’autres parlementaires le gouvernement a-t-il laissés tomber de la même manière? Pourquoi le gouvernement ne peut-il pas répondre à cette question fondamentale?
Je vous remercie de votre question. C’est une chose de prendre la parole, comme le font les oppositions, pour exiger des renseignements qui sont classifiés et dont la divulgation publique serait contraire à la loi. L’opposition a évidemment cette prérogative partisane.
Il n’en demeure pas moins que le gouvernement du Canada, le premier ministre et la ministre des Affaires étrangères ont été informés de la situation il y a une semaine. On a procédé de manière appropriée et prudente afin d’évaluer des allégations qui s’appuyaient — je le répète — sur une fuite de documents classifiés qui n’étaient pas nécessairement nuancés. Comme l’a dit la ministre Joly, le gouvernement devait tenir compte des intérêts des Canadiens qui se trouvent en Chine et de ceux qui sont ici, ainsi que des intérêts des agriculteurs et des autres producteurs dont le gagne‑pain dépend de leur accès au marché chinois. Il avait donc la responsabilité d’évaluer, à tout le moins, les conséquences auxquelles le gouvernement s’exposerait en déclarant le diplomate persona non grata, ce qu’il a fait, à juste titre.
Ce processus a pris une semaine. Il a été mené correctement, conformément aux dispositions de la Convention de Vienne et en consultation avec les alliés sur lesquels nous comptons, de manière à ce qu’il n’y ait pas, de nouveau, des événements comme ce qui est arrivé aux deux Michael ni des représailles à l’endroit des agriculteurs et des producteurs du Canada.
Sénateur Gold, les Canadiens sont choqués d’apprendre que des diplomates chinois présents en sol canadien aient pu prendre pour cible le député Michael Chong et sa famille en guise de représailles pour la motion condamnant le génocide des Ouïghours dont il a saisi la Chambre des communes. Ils sont toutefois sans voix quand ils vous entendent répéter les propos du premier ministre, qui a soutenu la semaine dernière que le SCRS n’avait pas jugé que les menaces contre un député constituaient « une préoccupation suffisamment importante ».
Le SCRS a été mis au courant des menaces contre le député Chong et sa famille dès juillet 2021, à la suite d’une évaluation de sécurité. À l’époque, les citoyens canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig étaient toujours retenus en otage en Chine. Leurs simulacres de procès avaient eu lieu trois mois plus tôt. Avec le recul, il me semble inconcevable que le SCRS et le conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre aient pu juger que les menaces et l’intimidation dont étaient victimes un député et sa famille ne constituaient pas un danger assez grave pour en informer le premier ministre, le ministre de la Sécurité publique et le député lui-même.
Sénateur Gold, si ce que dit le premier ministre est vrai, c’est‑à‑dire que le SCRS n’a pas cru à la gravité des menaces pesant contre un député en exercice, comment se fait-il que personne n’ait perdu son emploi? Serait-ce parce que le premier ministre Trudeau a demandé à ses proches collaborateurs responsables de la sécurité de le traiter comme un simple premier ministre symbolique?
Je vais continuer à m’efforcer de répondre sérieusement aux questions concernant des sujets sérieux, même si ma créativité est parfois mise à rude épreuve par certains sous‑entendus.
Je suis sur le point de répondre, chers collègues, mais vous me permettrez au moins de commenter l’enflure verbale qui entoure ces questions, par ailleurs importantes, que vous soulevez à vos propres fins.
Bien que le gouvernement n’ait pas été mis au courant jusqu’à ce que le Globe and Mail publie les documents ayant fait l’objet d’une fuite, le premier ministre a été très clair sur le fait qu’il a donné des instructions au SCRS :
Nous avons très clairement indiqué au SCRS et à tous les responsables du renseignement qu’à l’avenir, ils doivent porter à l’attention du gouvernement les préoccupations concernant un député en particulier, surtout lorsque sa famille est visée.
Il a aussi déclaré :
Même si le SCRS estime que le niveau de risque n’est pas suffisant pour qu’il prenne des mesures plus directes, nous devons quand même en être informés au niveau supérieur du gouvernement.
Ce sont les instructions que le gouvernement a transmises au SCRS. Voilà ce à quoi il s’attend dorénavant de la part des services de renseignement.
Sénateur Gold, le ministre de la Sécurité publique du premier ministre Trudeau, Marco Mendicino, joue volontiers avec les faits. Il a récemment affirmé que la GRC avait éliminé les postes de police du gouvernement de Pékin actifs au Canada, mais un article paru quelques jours plus tard a prouvé que c’était faux.
Dans le contexte du convoi pour la liberté l’an dernier, M. Mendicino a soutenu à plusieurs reprises que la police avait demandé au gouvernement fédéral d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence, ce que la police a catégoriquement démenti.
Enfin, après avoir essuyé les critiques de l’opposition sur cette question, le ministre Mendicino a affirmé la semaine dernière qu’il n’était au courant des menaces contre le député Michael Chong que depuis lundi dernier, alors que l’évaluation du SCRS date du mois de juillet 2021.
Que le ministre ait délibérément omis de se tenir informé ou que ses conseillers aient omis de l’informer, dans tous les cas, il s’agit d’un motif de renvoi. La question est de savoir qui sera renvoyé. Si le ministre de la Sécurité publique est si peu au courant de ce qui se passe dans son portefeuille, quand sera-t-il enfin démis de ses fonctions? Si le SCRS était au courant de l’affaire il y a deux ans et ne l’en a informé que la semaine dernière, qui perdra son emploi?
Sénatrice Batters, chers collègues, mon travail consiste à répondre aux questions, et c’est ce que je vais faire. Il ne consiste pas à essayer d’expliquer aux sénateurs comment les renseignements de sécurité sont transmis par le Service canadien de renseignement de sécurité ou par d’autres agences à divers ordres du gouvernement. De plus, je n’ai pas l’obligation ni l’envie de vous rappeler qu’il est toujours question de renseignements qui ont fait l’objet d’une fuite. En fait, nous n’avons aucune indication sur les nuances contenues, ou non, dans ces renseignements. Quoi qu’il en soit, les renseignements publiés et divulgués qui ont été pris au sérieux par le gouvernement et il leur a immédiatement donné suite.
En ce qui concerne le reste de votre question, sénatrice Batters, il n’en demeure pas moins que le gouvernement prend les mesures nécessaires pour protéger les Canadiens contre l’ingérence étrangère. Les mesures qu’il a prises pour expulser le diplomate et le déclarer persona non grata envoient un message clair non seulement à la Chine, mais aussi à d’autres pays qui chercheraient à s’ingérer dans notre processus démocratique.