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L'avenir de CBC/Radio-Canada

Interpellation--Suite du débat

5 décembre 2024


L’honorable Marty Klyne [ - ]

Honorables sénateurs, en tant que sénateur de la Saskatchewan et du territoire visé par le Traité no 4, je prends la parole au sujet de l’interpellation du sénateur Cardozo concernant l’avenir de CBC/Radio-Canada.

CBC/Radio-Canada est bien plus qu’un radiodiffuseur public. C’est le radiodiffuseur public national du Canada, au service des Canadiens depuis plus de 85 ans. À bien des égards, il nous relie à travers notre vaste et diverse fédération. Malheureusement, certains proposent de retirer son financement à cette institution nationale qui nous est chère, et je ne suis pas d’accord avec cette proposition.

Comprenons d’abord ce que représente réellement CBC/Radio-Canada. Le Canada possède une étendue géographique à couper le souffle, des côtes rocheuses de Terre-Neuve aux imposantes forêts pluviales de Colombie-Britannique, de la toundra arctique balayée par les vents aux majestueux Grands Lacs, des plaines dorées de la Saskatchewan aux sommets enneigés de l’Alberta. D’un bout à l’autre de ce grand pays, CBC/Radio-Canada sert de pont de communication essentiel. Notre radiodiffuseur public atteint les coins les plus reculés de notre pays pour unir notre famille canadienne.

Pensons aux défis uniques des médias canadiens. Là où les radiodiffuseurs commerciaux ne voient pas d’intérêt économique, CBC/Radio-Canada intervient et prend le relais. Elle assure une vaste couverture dans les deux langues officielles et dans huit langues autochtones, afin que les communautés qui pourraient autrement être réduites au silence disposent d’une tribune dans les régions nordiques et rurales.

CBC/Radio-Canada ne sert pas uniquement à nous divertir. Elle favorise la survie, l’établissement de liens et la préservation culturelle. En cas d’urgence, qu’il s’agisse d’une tempête hivernale au Labrador ou d’un incendie de forêt au Yukon, CBC/Radio-Canada devient l’une de nos infrastructures essentielles. Lorsque les réseaux cellulaires tombent en panne, les ondes radio de CBC/Radio-Canada continuent de transmettre de l’information vitale, ce qui peut sauver des vies.

L’importance de CBC/Radio-Canada va bien au-delà des communications d’urgence; c’est une pierre angulaire de la culture. En tant que plus grande diffuseuse de contenu canadien original, elle est le moteur de notre secteur créatif. Pensez aux émissions classiques de la CBC au fil des ans : The Beachcombers, Road to Avonlea, Street Legal, North of 60, The Nature of Things, Schitt’s Creek, Kim’s Convenience et Heartland. Sans la CBC, ces histoires auraient-elles été racontées?

Puis, pensez à ces émissions de CBC Radio One : As It Happens, The Current, Cross Country Checkup, Quirks & Quarks, Q, Unreserved, Reclaimed et Massey Lectures.

Sur les ondes de Radio-Canada, on diffuse une émission unique en son genre, Tout le monde en parle. Il y a également une comédie politique diffusée sur la CBC, qui s’est révélée importante pour les Canadiens au fil des ans. Dans l’émission Royal Canadian Air Farce, lors de chaque veille du jour de l’An, le canon à poulets tirait toutes sortes de trucs gluants et dégoûtants sur des politiciens de toutes allégeances. La satire n’épargnait personne.

Grâce à son règne sur la CBC, Rick Mercer est devenu le premier roi récent du Canada, devançant Charles. Enregistrée à Halifax, l’émission This Hour Has 22 Minutes connaît actuellement un âge d’or, avec Chris Wilson jouant à la fois le rôle du premier ministre Justin Trudeau et de l’honorable Pierre Poilievre.

Avec un budget annuel de 1,8 milliard de dollars, CBC/Radio-Canada est le moteur d’une économie de l’information et de la création qui contribue à hauteur de 72,9 milliards de dollars à l’économie du pays et fournit des emplois à au moins 630 000 Canadiens, dans les petites comme dans les grandes communautés.

Supprimer le financement de CBC/Radio-Canada serait une erreur. Cela créerait un vide irremplaçable dans notre écosystème national de communication et dans l’identité du Canada. Ce qu’il faudrait peut-être envisager, c’est une stratégie de redressement. Les critiques soutiennent que CBC/Radio-Canada ne devrait faire que ce que les médias privés refusent de faire. Ce point de vue fondé sur l’échec du marché repose sur une incompréhension fondamentale de l’objectif de la radiodiffusion publique. Alors que les médias privés visent à générer des profits, les radiodiffuseurs publics servent l’intérêt public. CBC/Radio-Canada ne se contente pas de combler des lacunes, elle crée une expérience nationale commune.

Voyez comment CBC/Radio-Canada nous relie : un agriculteur du Manitoba, un chasseur du Nunavut, un artiste de Montréal, un pêcheur de homards de l’Île-du-Prince-Édouard — si le sénateur Cotter était ici, je lui mentionnerais au passage que des homards sont expédiés vivants — et un client de Starbucks à Toronto. Grâce à la programmation de CBC/Radio-Canada, tous ces gens découvrent tout ce que nous avons en commun en tant que Canadiens, y compris les valeurs de notre Charte et notre sens de l’humour. Ils entendent des histoires qui reflètent leurs expériences tout en découvrant la vie de leurs concitoyens. Still Standing est une série de téléréalité humoristique qui parcourt le Canada pour découvrir les joyaux cachés, le riche patrimoine et la culture des petites villes.

À l’échelle de la planète, par l’intermédiaire de Radio-Canada International, CBC/Radio-Canada sert de pont vers le monde. Elle relie les Canadiens à l’étranger, fait la promotion de notre culture dans le monde entier et contribue à attirer les talents et les investissements dans notre pays.

Le philosophe John Ralston Saul souligne avec justesse que le radiodiffuseur public demeure l’un des leviers les plus importants qui restent à la disposition d’un État-nation pour communiquer avec lui-même. À une époque marquée par la fragmentation croissante des médias, la mésinformation, les théories du complot et — pire encore — la désinformation, CBC/Radio-Canada est une source digne de confiance qui diffuse des reportages fiables et factuels.

Est-ce que cela signifie que CBC/Radio-Canada est parfaite? Non. Elle est confrontée à des défis de taille : contraintes de financement, bouleversements technologiques et évolution des habitudes de consommation des médias. L’industrie des médias du Canada, où CBC/Radio-Canada est un acteur dominant, fait actuellement face à un déficit de confiance qui s’aggrave. Selon l’Institut Reuters, la confiance dans les médias est tombée à son niveau le plus bas en sept ans. En outre, une étude de spark*advocacy publiée en avril a révélé que 45 % des Canadiens sont favorables à l’idée de fermer CBC/Radio-Canada pour économiser les deniers publics. Plus inquiétant encore, 40 % croient que CBC News est un organe de propagande, une perception que les jeunes Canadiens partagent davantage que les générations plus âgées.

Les données issues de l’audimétrie de CBC/Radio-Canada complètent ce tableau de déclin de la confiance et de l’engagement. Dans son propre rapport du troisième trimestre 2022-2023, le radiodiffuseur a souligné que les résultats de CBC Television sont inférieurs aux cibles parce que les cotes d’écoute et l’auditoire disponible total ont chuté. De même, les cibles n’ont pas été atteintes en matière de portée numérique, d’engagement numérique, de visites du contenu jeunesse et d’engagement numérique à l’égard des nouvelles régionales de CBC Radio. Ces baisses reflètent des défis plus larges de fidélisation et d’élargissement des auditoires dans un paysage médiatique de plus en plus fragmenté.

L’hostilité à laquelle les journalistes de CBC/Radio-Canada sont confrontés, tant en ligne qu’en personne, est une tendance encore plus alarmante. Le rapport annuel de l’ombudsman pour 2021-2022 décrivait cet exercice comme étant le plus litigieux jamais enregistré, les plaintes ayant grimpé de 60 % par rapport à l’exercice précédent. Le ton et la virulence de ces plaintes sont devenus de plus en plus vitrioliques, soulignant les relations tendues entre le public et le radiodiffuseur national.

Ces tendances nous amènent à nous poser la question suivante : qu’est-ce qui a mal tourné? Parmi les critiques les plus courantes, il y a l’impression de partialité politique. De nombreux Canadiens croient que CBC/Radio-Canada est devenue le porte-parole du gouvernement libéral, ce qui mine son impartialité et son indépendance. Pour répondre à ces préoccupations, il faudra accroître la transparence, en particulier dans la façon dont CBC/Radio-Canada interagit avec le gouvernement et gère ses ressources. En faisant ouvertement état de son fonctionnement interne, y compris ses décisions en matière de programmation et de dépenses, CBC/Radio-Canada pourrait rétablir la confiance du public.

La pensée de groupe au sein de CBC/Radio-Canada est également un grave problème. Les critiques soutiennent que le radiodiffuseur affiche un parti pris de gauche qui découle d’un manque de diversité d’origines et d’opinions au sein de son personnel. Comme elles emploient de nombreuses personnes issues de milieux urbains, universitaires et progressistes, les salles de rédaction risquent de devenir des chambres d’écho qui ne reflètent pas la diversité des points de vue du Canada.

Cette dynamique est aggravée par les pratiques de travail. Selon une étude de l’Université métropolitaine de Toronto, CBC/Radio-Canada emploie quotidiennement plus de 2 000 travailleurs temporaires ou contractuels, soit environ un quart de ses effectifs. Cette dépendance à l’égard d’une main-d’œuvre précaire crée une instabilité financière qui décourage les voix dissidentes, étouffe l’intégrité journalistique et affaiblit la démocratie.

Malgré tout, les problèmes de CBC/Radio-Canada ne sont pas insurmontables. Le radiodiffuseur doit appliquer une rigoureuse stratégie de revirement et de redressement, faire le point, examiner son propre comportement, adopter des réformes et se montrer souple face aux critiques valables.

Je suis fermement convaincu que la réduction du financement n’est pas la solution. Il y a de nombreuses questions externes et internes à évaluer. Le radiodiffuseur doit miser sur ses forces, cultiver ses avantages concurrentiels, réinvestir en lui-même et procéder à une transformation en profondeur.

Si les menaces économiques immédiates qui pèsent sur les médias canadiens ont été temporairement atténuées par l’adoption de la Loi sur la diffusion continue en ligne et de la Loi sur les nouvelles en ligne, des changements structurels subsistent. Les radiodiffuseurs continuent de subir des pertes financières et les producteurs voient leurs commissions sur le contenu canadien diminuer considérablement. Même si l’industrie se stabilise, l’économie du petit marché canadien donne souvent la priorité à des programmes culturellement génériques destinés à un public international, plutôt qu’à une programmation qui témoigne de la riche diversité du pays et relaie nos histoires canadiennes.

La plus grande menace qui pèse sur CBC/Radio-Canada n’est peut-être pas d’ordre politique ou économique, mais relève d’un manque de compréhension de son objectif général. La radiodiffusion publique devrait être reconnue comme un service d’intérêt public, et non comme un simple bouche-trou qui comble les lacunes des médias privés. Si nous ne parvenons pas à défendre une vision, la conversation sur l’avenir de CBC/Radio-Canada risque d’être dominée par des intérêts médiatiques privés qui ne donneront peut-être pas la priorité au bien public. Une réforme stratégique et une attention renouvelée sur les points forts de CBC/Radio-Canada et ses avantages sur le marché pourraient assurer sa pertinence et sa valeur pour tous les Canadiens.

Il faut que CBC/Radio-Canada s’adapte continuellement, qu’elle ait une affectation budgétaire plus transparente, des plateformes numériques améliorées et un mandat épuré qui maintient sa mission fondamentale de fournir un service public. Chaque dollar investi dans la CBC/Radio-Canada génère deux dollars dans l’économie, en particulier dans les régions qui ne seraient jamais servies par les médias commerciaux.

Le financement de la culture n’est pas un luxe. C’est indispensable pour édifier un pays et renforcer les liens qui nous unissent en tant que Canadiens.

Les grands pays investissent dans des institutions qui préservent leurs arts de la scène, leurs histoires, leurs langues et leurs valeurs; il suffit de regarder ce qui se passe en Europe. CBC/Radio-Canada est un investissement dans l’avenir du Canada et constitue une identité distincte et unique, même avec l’influence omniprésente de nos bons amis du Sud.

Aux personnes qui veulent mettre fin au financement de CBC, je dis ceci : vous démantèleriez un élément essentiel de notre infrastructure nationale et de notre identité. CBC/Radio-Canada est fondamentale pour notre fédération.

En fin de compte, l’avenir de notre radiodiffuseur public dépend des Canadiens. Toutefois, en tant que Canadiens patriotes au Sénat, faisons notre part pour lui assurer un avenir brillant et pour faire en sorte que notre fierté soit riche d’histoires et d’inspiration. Plutôt que de couper les vivres à CBC/Radio-Canada, choisissons de la défendre, de la réformer et de la renforcer afin qu’elle continue d’informer, d’éclairer et d’unir les Canadiens pour les générations à venir.

L’argent de nos impôts devrait être consacré à une solide stratégie de redressement, et non à la suppression du financement et à la vente de terrains, de bâtiments et d’équipements à des investisseurs privés pour qu’ils les réaffectent à des fins moins louables.

Merci et hiy kitatamîhin.

L’honorable Leo Housakos [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Klyne [ - ]

Oui, compte tenu du fait que c’est le Comité sénatorial permanent des transports et des communications qui a donné l’avantage aux médias hier.

Le sénateur Housakos [ - ]

Merci, sénateur Klyne, de nous avoir fait part de vos réflexions sur ce sujet.

Il se trouve que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications mène actuellement une courte étude sur CBC/Radio-Canada et les services régionaux. Ce que nous avons découvert jusqu’à présent dans le cadre de cette étude, c’est que lorsqu’il s’agit de fournir des services régionaux — et je suis d’accord que c’est probablement le mandat le plus essentiel de CBC/Radio-Canada —, le diffuseur n’a pas été à la hauteur des attentes dans la dernière décennie. Il a réduit les budgets, les services régionaux, les services dans la langue de la minorité, et ainsi de suite, ce qui va à l’encontre de ses obligations en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.

Je me demande notamment pourquoi, depuis au moins une décennie, CBC/Radio-Canada réduit ses services et fait des compressions dans un domaine qui fait pourtant partie de ses principaux mandats.

Par ailleurs, la confiance à l’égard de CBC/Radio-Canada diminue, et ses cotes d’écoute sont à un creux historique, ce qui signifie que les contribuables ne regardent pas les émissions de ce diffuseur public. Tout ce qui augmente, c’est son budget, qui augmente sans cesse depuis neuf ans et demi, ainsi que les primes versées aux dirigeants.

Alors que ce diffuseur a perdu la confiance du public et que ses cotes d’écoute sont à un creux historique, comment peut-on convaincre les contribuables qu’il est justifié de subventionner ce diffuseur à hauteur de 1,4 milliard de dollars année après année?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Klyne, il ne vous reste que 15 secondes. Voulez-vous demander plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur Klyne [ - ]

J’aimerais bien. Trois minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Le sénateur Klyne [ - ]

Nous avons perdu trois minutes puisque le sénateur Housakos a répété à peu près tout ce que j’avais dit. Je reconnais qu’il y a des pertes. Vous avez parlé de nombreuses pertes. CBC/Radio-Canada a perdu le nord; elle doit revenir à son objectif. Elle doit se pencher sur les valeurs, les attitudes et les croyances de ses actionnaires. Elle doit comprendre qui est son public et ce que veut son public, et elle doit s’appuyer sur ses points forts et cultiver ses avantages concurrentiels.

CBC/Radio-Canada doit examiner tous les problèmes externes qu’elle doit affronter ou les réseaux contre lesquels elle doit travailler, car c’est là qu’elle pourra recenser les menaces et les possibilités. Elle doit aussi examiner ses problèmes internes afin de cerner ses forces et ses faiblesses.

CBC/Radio-Canada doit élaborer des stratégies basées sur toutes ces analyses, et elle doit proposer une stratégie pour se démarquer, ce qui passera par une stratégie de redressement. Je suis convaincu que cela se produira. Pour cela, il faut beaucoup de communication à tous les niveaux.

De ce fait, il y aura des pertes d’emploi, mais la société gagnera un plus grand public. Je pense qu’elle connaît son public mieux que quiconque. Si des annonceurs cherchent à rejoindre des gens d’un certain âge ou d’un certain groupe, CBC/Radio-Canada peut leur répondre : « Nous avons l’émission idéale pour vous, et c’est là que vous devez placer vos messages publicitaires. » C’est tout ce que j’ai à dire.

J’ai une brève question.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Le sénateur Klyne doit demander le consentement du Sénat pour pouvoir répondre à une autre question. Demandez-vous le consentement, sénateur Klyne?

Le sénateur Klyne [ - ]

Une question brève mérite une réponse brève.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Honorables sénateurs, accordez-vous votre consentement pour que le sénateur Klyne puisse répondre à une autre question?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Nous avons entendu un non, alors le consentement n’est pas accordé.

L’honorable Réjean Aucoin [ - ]

Merci au sénateur Klyne pour ses paroles sur la CBC. Je vais parler surtout de Radio-Canada.

Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir pour parler de CBC/Radio-Canada. Je suis d’avis qu’il est important de conserver et financer ce diffuseur public, tant du côté anglophone que francophone, mais comme je l’ai dit, je vais surtout parler de Radio-Canada. J’ai travaillé pendant quelques années à la radio de Radio-Canada en tant que réalisateur d’une émission pour la Nouvelle-Écosse. J’ai également produit quelques émissions de radio à l’échelle nationale et j’ai collaboré en tant que journaliste pour la CBC et Radio-Canada.

La Société Radio-Canada et son homologue anglophone, la CBC, en tant que diffuseurs nationaux, ont joué un rôle crucial en connectant, informant et unissant les Canadiens et leurs cultures diverses. Ce rôle est particulièrement prononcé dans les communautés rurales et chez les minorités linguistiques, où elles ont servi à la fois de source essentielle d’information et de centre de diffusion culturelle et identitaire.

Radio-Canada a longtemps occupé une place centrale dans les foyers canadiens. Pendant des décennies, Radio-Canada représentait bien plus que de simples émissions : c’était une institution qui nourrissait un sentiment d’appartenance à notre pays, le Canada. Il faisait connaître le Québec aux régions francophones des autres provinces et faisait connaître ces régions au Québec.

Qui n’a pas écouté ou regardé La soirée du hockey, qui rassemblait les familles francophones ou anglophones de tout le pays? Le père Charles Aucoin de Chéticamp regardait La soirée du hockey à la télévision, mais il l’écoutait en anglais à la radio de CBC, car il préférait cet annonceur. Nous n’avons pas de lien de parenté autre que possiblement un sixième ou septième degré. C’était un rituel important pour les communautés minoritaires partout au pays.

Radio-Canada représente aussi des décennies d’émissions qui ont eu un impact positif sur la vie des enfants en ayant pour objectif d’influencer positivement leur développement. Des émissions comme Sol et Gobelet, La Ribouldingue, Passe-Partout et Bouledogue Bazar ont aidé les enfants à apprendre, à grandir, à se développer et à devenir plus perspicaces, créatifs et curieux. D’ailleurs, Radio-Canada connaît toujours des résultats records pour ses émissions jeunesse. Au-delà de la nostalgie pour les classiques de notre enfance, l’offre jeunesse de Radio-Canada réserve encore et toujours des heures de pédagogie et de plaisir aux enfants de tous les âges.

Dans les années 1960 à 1990, des émissions comme Les belles histoires des pays d’en haut, Le temps d’une paix et Les filles de Caleb étaient des émissions culturelles de haute qualité que l’on pouvait regarder dans les foyers, mettant en valeur la richesse de notre passé pour tous les Canadiens. Plus récemment, des émissions comme Belle-Baie, Le monde de Gabrielle Roy et Tout le monde en parle ont fait connaître l’histoire de l’Acadie et du Manitoba à un nouveau public.

Ces émissions ainsi que d’autres restent essentielles, parce qu’elles reflètent l’histoire canadienne racontée par des Canadiens et pour les Canadiens. Elles mettent en lumière des questions et des récits locaux qui auraient pu autrement être éclipsés par les médias internationaux. Dans un pays aussi vaste que le Canada, c’est un exploit considérable.

Pour les communautés rurales, Radio-Canada a été indispensable. Ce diffuseur a été une source d’actualités, de prévisions météorologiques et d’informations d’urgence. Dans des régions isolées où l’accès aux journaux et aux médias est limité, les stations de radio de Radio-Canada étaient souvent le seul diffuseur francophone et la seule source de nouvelles en français. Encore plus important pour une communauté comme Chéticamp, c’était le seul média francophone autre que l’hebdo Le Courrier avant la venue de Radio-Canada en 1963, et ce, jusqu’à la création de la radio communautaire de Chéticamp, CKJM, en 1995.

En plus de fournir des nouvelles, Radio-Canada a été un canal d’expression culturelle dans les régions rurales et a mis en valeur des artistes, des musiciens, des écrivains et des conteurs locaux. Radio-Canada est une plateforme pour les voix qui auraient peut-être été ignorées, comme Édith Butler, Carmen Campagne, La Sagouine et Fred Pellerin, qui sont connus d’un océan à l’autre. Aujourd’hui, qui ne connaît pas Lisa LeBlanc, Jacques Surette ou Wilfred LeBouthillier, pour ne nommer que ceux-là?

L’importance de Radio-Canada pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au Canada ne peut être sous-estimée. Pour les populations francophones hors Québec, qu’il s’agisse de petits villages acadiens en Nouvelle-Écosse, des enclaves francophones du Nord de l’Ontario ou des communautés francophones du Manitoba ou de l’Alberta, Radio-Canada a été une pierre angulaire culturelle. Les communautés de langue officielle en situation minoritaire font souvent face à des défis uniques, comme l’isolement et le risque d’assimilation. Radio-Canada offre un lien vital avec le monde plus vaste, fournissant des nouvelles, du divertissement et des programmes culturels de grande qualité dans leur langue maternelle. Cette connexion les aide à maintenir leur identité linguistique et leur patrimoine culturel.

Pour les communautés acadiennes, Radio-Canada a été un phare en racontant leurs luttes, en célébrant leurs réussites et en préservant leurs riches traditions. Des émissions comme le Téléjournal Acadie, Pour l’amour du country, Coup d’œil et Le feu roulant veillent ou ont veillé à ce que les histoires locales soient racontées et à ce que les Acadiens voient leur vie reflétée à l’écran. Au-delà des nouvelles, Radio-Canada a renforcé la fierté culturelle des Acadiens au moyen d’émissions qui célèbrent la musique, la littérature et le théâtre francophones. Ce soutien a été essentiel pour garder la langue française vivante dans des régions où elle pourrait autrement s’effacer.

Même s’ils sont en faveur du diffuseur public qu’est Radio-Canada, certains soulignent que les communautés de langue officielle en situation minoritaire espèrent obtenir une plus grande place au sein de la programmation de Radio-Canada. Lors des audiences sur le renouvellement des licences de CBC/Radio-Canada en 2020, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada avait évoqué l’idée d’établir un deuxième centre de production national francophone de Radio-Canada à l’extérieur du Québec.

Martin Théberge, président de la Société nationale de l’Acadie, est allé plus loin à l’occasion de sa comparution au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui étudie actuellement les services locaux fournis par CBC/Radio-Canada :

Peut-on vraiment affirmer que Radio-Canada, avec une telle centralisation, peut promouvoir et développer la minorité francophone? [...]

Pour y arriver, il ne faut pas uniquement délocaliser des émissions, il faut décentraliser les équipes. Il faut que les émissions nationales puissent compter sur des réalisateurs, des recherchistes ou d’autres membres de l’équipe postés en permanence ici et là au pays qui pourraient ainsi contribuer chaque jour ou chaque semaine à l’élaboration de la programmation.

Pour sa part, Tony Cornect, président de la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador, qui a également comparu devant le comité, a dit que le bureau de Moncton en Atlantique pourrait être plus diversifié.

Pour les communautés rurales et les communautés de langue officielle en situation minoritaire, l’ère numérique peut être un avantage, mais aussi un désavantage. Radio-Canada doit malgré tout continuer d’innover, en s’assurant que son contenu est accessible, non seulement par des moyens traditionnels comme la radio et la télévision, mais aussi par l’intermédiaire des plateformes en ligne et des réseaux sociaux. Ainsi, elle pourra atteindre les jeunes générations et rester pertinente dans un environnement médiatique en constante évolution.

En conclusion, Radio-Canada est bien plus qu’un simple diffuseur. C’est une institution nationale qui incarne l’esprit du Canada. Malgré ses lacunes, il est essentiel pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire au pays de pouvoir continuer de l’apprécier et de l’utiliser. Le diffuseur doit refléter la diversité canadienne et, pour ce faire, être plus décentralisé. En aucun cas nous ne devrions l’abolir.

Merci. Meegwetch

L’honorable David M. Wells [ - ]

Merci, sénateur Aucoin, de répondre à ma question et merci de votre discours. Vous avez parlé d’émissions qui ont été diffusées à CBC/Radio-Canada dans le passé. Je vous ai écouté, vous et le sénateur Klyne, parler de Beachcombers, qui a commencé en 1972. Vous avez parlé de beaucoup d’émissions, mais aucune d’entre elles ne continue à être diffusée actuellement. Il y a eu de nombreuses émissions dont je n’ai jamais entendu parler, mais je les ai cherchées sur internet pendant que vous parliez, et aucune d’entre elles n’est encore en ondes.

CBC/Radio-Canada évolue. Les goûts des téléspectateurs changent. Les technologies progressent et amènent les téléspectateurs à regarder des productions audiovisuelles de diverses manières, que ce soit à la télévision câblée, sur les services de diffusion en continu ou sur leur téléphone. Alors, abstraction faite des émissions acadiennes ou francophones que vous regardez, mais que je ne connais absolument pas, pourriez-vous nous expliquer comment CBC/Radio-Canada peut conserver sa pertinence et continuer de recevoir la somme colossale de 1,4 milliard de dollars, qui continue de grimper et qui lui est donnée par les contribuables canadiens, alors que les cotes d’écoute sont minuscules et que les Canadiens, en particulier les jeunes, s’intéressent à d’autres médias que la télévision?

Le sénateur Aucoin [ - ]

Je n’ai rien à dire au sujet de CBC. Merci.

Le sénateur D. M. Wells [ - ]

J’ai une autre question pour le sénateur Aucoin. Son discours n’incluait-il pas la CBC? Comme la CBC et Radio-Canada partagent le même budget, je pense que ma question est pertinente.

Le sénateur Aucoin [ - ]

Merci, sénateur Wells. Je pense que CBC et Radio-Canada ont quand même des budgets et une direction séparés. Elles font partie d’une même entité; elles ont les mêmes dirigeants, mais elles sont administrées avec des budgets séparés. J’ai beaucoup parlé d’émissions passées, mais j’ai également parlé d’émissions récentes ou qui sont d’actualité. Merci.

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