Le conseiller sénatorial en éthique
Réception de James O’Reilly en comité plénier
17 décembre 2024
Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier afin de recevoir James O’Reilly relativement à sa nomination au poste de conseiller sénatorial en éthique.
Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’il est ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur.
Le comité accueillera James O’Reilly, et je l’invite maintenant à nous rejoindre.
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, James O’Reilly prend place dans la salle du Sénat.)
Monsieur O’Reilly, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.
Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, c’est un grand honneur de me présenter devant vous aujourd’hui en tant que personne nommée par le premier ministre du Canada, le très honorable Justin Trudeau, au poste de conseiller sénatorial en éthique.
Je peux vous assurer que ma nomination ne repose pas sur une connaissance approfondie du Règlement, des procédures ou de l’histoire du Sénat. Ce sont des sujets dans lesquels je compte me plonger au cours des semaines et des mois à venir. Comme vous tous, j’arrive au Sénat après avoir exercé une autre profession. Comme vous tous, je vivrai sans doute une période d’apprentissage et d’adaptation et j’arriverai, je l’espère, à une meilleure compréhension du rôle important que joue cette vénérable Chambre dans la démocratie canadienne.
Je n’en suis toutefois pas à mes premières armes dans le domaine de l’éthique. En effet, j’ai participé à la rédaction des premiers Principes de déontologie judiciaire en 1998. J’ai été membre du comité consultatif sur la déontologie judiciaire du Conseil canadien de la magistrature pendant 12 ans, et je suis souvent appelé à conseiller des collègues juges sur des questions de déontologie. Cela dit, je reconnais que ces diverses expériences sont différentes du rôle que je pourrais avoir à jouer à titre de conseiller sénatorial en éthique.
Les règles et les lignes directrices en matière d’éthique doivent être interprétées et comprises dans le contexte particulier où elles s’appliquent. Je pense que mes antécédents me permettent d’interpréter et d’appliquer raisonnablement les normes d’éthique dans le domaine judiciaire, mais savoir déterminer ce qu’est une conduite éthique au sein de la magistrature n’est pas forcément instructif pour déterminer ce qu’est une conduite éthique pour un sénateur. Le contexte est essentiel. Par exemple, ce qui pourrait être une déclaration inacceptable sur un sujet controversé de la part d’un juge pourrait très bien être une déclaration parfaitement appropriée de la part d’un sénateur.
Par conséquent, en toute humilité, je me présente à vous comme quelqu’un qui a beaucoup à apprendre et qui est prêt à recevoir les conseils et les contributions des membres de cet organe.
J’ai beaucoup à apprendre, et c’est avec plaisir que je recevrai des conseils et des contributions de la part des membres de cette Chambre.
Je vous assure que je continuerai à adhérer aux principes qui m’ont guidé dans ma carrière judiciaire, à savoir la retenue et la modération.
Souvent, moins on en dit, mieux c’est. De plus, il faut toujours s’exprimer avec prudence. Les gens doivent vivre avec les décisions qu’ils prennent et avec les mots qu’ils choisissent dans ces décisions.
Depuis plus de 15 ans, j’enseigne la rédaction de décisions à des juges et à des membres de tribunaux administratifs. Le message le plus important que je leur adresse est le suivant : soyez très prudents.
Ne dites que ce qui doit être dit et n’utilisez jamais un langage sévère, à moins que cela ne puisse être évité. Je vous remercie, et ce sera avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Bienvenue au Sénat du Canada, monsieur le juge O’Reilly. En guise d’introduction, je préside le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Vous avez acquis une expérience considérable en tant que juge au cours des dernières décennies. Avez-vous des connaissances particulières ou une expérience précise par rapport au contexte parlementaire ou au Sénat?
Mon expérience se limite à observer avec beaucoup d’intérêt les travaux qui m’intéressent plus particulièrement. Récemment, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les délibérations sur le projet de loi C-40, qui traite des erreurs judiciaires, un sujet qui m’a beaucoup intéressé tout au long de ma carrière.
Pour ce qui est de l’expérience pratique, j’ai été pendant un certain temps le conseiller juridique d’un comité parlementaire. C’était pour le Comité de la justice quand il examinait les modifications au Code criminel. C’était il y a une vingtaine d’années, mais j’ai eu l’occasion de passer pas mal de temps en comité et d’observer d’autres travaux de la Chambre des communes.
Pourriez-vous nous expliquer comment vous voyez le rôle des sénateurs?
Me demandez-vous quelle est ma perception du rôle des sénateurs?
Oui.
À titre de membre d’une profession qui exige aussi de se livrer à un examen objectif, je pense que je comprends un peu cette institution. En conséquence, comme je l’ai dit, j’ai suivi avec intérêt les délibérations non seulement en comité, mais aussi au Sénat ces derniers temps. Je dois dire que lorsque cette institution étudie les projets de loi et évalue les façons de les améliorer, les débats ont tendance, selon moi, à être très polis, très approfondis, respectueux et extrêmement importants, et ce que je lis dans les reportages des médias confirme cette impression.
Bien sûr, il y a également ce que prévoit clairement votre code de conduite sur les priorités que les sénateurs doivent suivre dans le cadre de leurs travaux au Sénat et les normes d’éthique auxquelles ils doivent se conformer.
Seriez-vous prêt à rencontrer à brève échéance un groupe diversifié de sénateurs, qui réunirait des sénateurs de longue date et d’autres qui sont de nouveaux venus, pour qu’ils puissent vous parler de ce qu’ils font et de ce en quoi consiste leur rôle selon eux?
Volontiers. Comme je l’ai dit, je pense que je dois m’immerger dans les travaux de cette chambre et mieux comprendre son rôle, et cela semble être une bonne façon de commencer.
Vous avez probablement pris le temps de vous familiariser avec notre code de déontologie. Nous sommes d’ailleurs en train d’effectuer une révision quinquennale de notre code. C’est une exigence qui a été intégrée dans le code lui-même. Selon vous, notre code est-il suffisant pour protéger l’intégrité des sénateurs et de l’institution et a-t-il la souplesse voulue pour permettre aux sénateurs de s’acquitter de leurs fonctions?
Je ne prétends pas être déjà un expert mais, à première vue, le document semble atteindre cet équilibre. Cependant, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur la façon dont il est appliqué et interprété. C’est une autre paire de manches. Je peux toutefois dire qu’il est très équilibré, ainsi que très détaillé à certains égards. Par exemple, il fournit une définition assez détaillée des conflits d’intérêts, et il explique aux sénateurs de manière très précise leurs obligations relatives aux déclarations d’intérêts personnels.
On trouve aussi dans le code des principes très nobles qui ne sont pas aussi détaillés. Je pense, par exemple, à l’obligation de se comporter avec intégrité, honneur et dignité, qui est peut-être le principe le plus important. Cependant, il est un peu vague, et les formes de conduite autorisées ou non ne sont pas claires à la lecture du document. Je ne sais pas s’il est possible d’apporter des précisions à ce sujet. Toutefois, votre examen quinquennal pourrait vous donner des pistes de solution.
D’après mon expérience dans le domaine judiciaire, je sais que ces choses sont constamment sujettes à interprétation. Par ailleurs, je pense que les décisions de mon prédécesseur créeront une forme de précédent qui guidera les sénateurs et, dans une certaine mesure, le prochain conseiller sénatorial en éthique.
Ma réponse n’est pas très précise, mais j’estime que le document est équilibré. C’est aux sénateurs de décider si cet équilibre peut être modifié.
En effet, le code n’est pas censé être un instrument statique, mais un document évolutif qui doit être modernisé et mis à jour, comme nous le faisons. En outre, vous avez parlé du genre de règles sur la conduite générale qui se trouvent dans notre code d’éthique, comme les articles 7.1 et 7.2, que nous invoquons très régulièrement et qui sont très ambitieux et non prescriptifs. Je suppose que c’est là-dessus que porte le débat. Par exemple, la Chambre des lords du Royaume-Uni vient de terminer la révision de son code pour qu’il aille au-delà de ce type d’approche axée sur des principes : elle a adopté une approche plus prescriptive et axée sur des règles et elle a ajouté un code de conduite. C’est peut-être ce que vous demandez actuellement : veut-on adopter une approche prescriptive ou non? C’est toujours une question difficile. Qu’en pensez-vous?
Sénateurs, on trouve dans le contexte judiciaire les deux aspects que vous venez de décrire. Il y a les très vastes principes qui correspondent aux aspirations — les principes d’éthique — que les juges sont censés viser. Il y a aussi les particularités propres à chaque principe que l’on retrouve dans les commentaires. Il y a également les décisions — pas seulement celles du Conseil canadien de la magistrature, mais aussi celles du Comité consultatif sur la déontologie judiciaire —, qui fournissent une interprétation supplémentaire. Il existe donc toute une série de normes, et plus on creuse, plus on entre dans le détail. Les sénateurs pourraient éventuellement se pencher sur la question.
Bien entendu, il y a aussi les lignes directrices promulguées par mon prédécesseur dans certains domaines. Je ne les ai pas encore examinées attentivement, mais je suppose qu’elles précisent quelque peu les normes auxquelles il faut aspirer.
En ce qui concerne l’idée de passer le code en revue, je note que M. Legault a ciblé certains domaines qui, selon lui, méritent une attention particulière en vue de moderniser ou de modifier le code dans le futur. J’aimerais beaucoup explorer cela plus en détail.
Merci. Les articles 7.1 et 7.2 sont des principes qui représentent des aspirations et ils ont été ajoutés en 2014. En fait, le Sénat est la seule assemblée parlementaire du Canada qui se soit dotée d’un code de déontologie permettant à un agent indépendant — le conseiller sénatorial en éthique — d’évaluer le respect des normes générales régissant la conduite des parlementaires. Quelle est votre opinion à ce sujet?
Eh bien, le Code est un document que les sénateurs ont décidé d’appliquer envers eux-mêmes. Donc, c’est un ensemble de normes que les sénateurs acceptent, je présume, et qui présente les exigences élevées qui sont liées à leur rôle. Je comprends que c’est un outil unique pour un organe législatif, mais ce n’est pas le cas en ce qui concerne d’autres genres d’organisations. Je pense que cela pose des problèmes particuliers. Je suis convaincu que, lorsque j’irai à la rencontre des sénateurs pour discuter du Code et du fonctionnement du Sénat, j’en apprendrai davantage à ce sujet. Je serais heureux de connaître leurs préoccupations à propos des normes ou de savoir s’ils estiment qu’il faudrait en ajouter et s’il faudrait plutôt les réduire ou mieux les cibler. Je serais très curieux d’entendre leurs perspectives.
Bienvenue au Sénat, monsieur O’Reilly. Je voudrais approfondir la question du code d’éthique.
Le code d’éthique prescrit certaines règles de déontologie encadrant notre conduite. En effet, un sénateur doit exercer ses fonctions avec honneur, intégrité et dignité. Qu’elle soit exercée à l’intérieur ou à l’extérieur de cette enceinte, les sénateurs doivent adopter une conduite qui respecte les normes les plus élevées de dignité inhérentes à la charge de sénateur.
Comment interprétez-vous ces dispositions? Quel sens donnez-vous à ces notions de dignité, d’intégrité et d’honneur?
Je vous remercie pour la question, sénateur Cormier. La question est la suivante : que veulent dire les normes de dignité, d’honneur et d’intégrité? C’est la question la plus difficile à laquelle un conseiller sénatorial en éthique peut répondre.
Vous me mettez sur la sellette.
Comme je viens de le dire, il est nécessaire de savoir comment les sénateurs voient ces normes élevées auxquelles ils aspirent. Je suis prêt à entendre les perspectives des membres de cette Chambre à cet égard.
Je vais vous poser la question suivante. Nous avons eu récemment une discussion sur le langage utilisé à l’intérieur de cette enceinte en nous demandant s’il devait y avoir une liste de mots prescrits et qui sont considérés comme inadéquats par rapport à ces notions de dignité et de respectabilité. Pensez-vous que ce serait une bonne idée d’avoir des mesures aussi précises sur la question du vocabulaire utilisable ou non dans une enceinte comme le Sénat du Canada?
Merci. C’est aux sénateurs de décider des normes qui s’appliquent dans la Chambre du Sénat, et selon les perspectives de Son Honneur la Présidente à cet égard. C’est une question différente de la question portant sur l’application de ces normes dans d’autres contextes. Il est difficile pour moi de répondre à cette question très précise.
Dans le cadre de leurs fonctions, les sénateurs sont tenus de fournir certaines informations pertinentes au conseiller sénatorial en éthique, dont des déclarations confidentielles et de conformité. On peut également demander un avis au conseiller en toute discrétion sur un cas en particulier. Occasionnellement, un sénateur peut recevoir certaines mises à jour, comme des lignes directrices révisées. Dans l’ensemble, selon mon expérience, une interaction directe avec le conseiller reste limitée. Quels moyens mettrez-vous en place pour favoriser une meilleure communication avec les sénateurs et leurs équipes? Comment allez-vous renforcer ces interactions pour assurer une bonne compréhension du code d’éthique et offrir un soutien clair, accessible et adapté aux besoins des sénateurs et sénatrices?
Merci. Comme je l’ai dit il y a quelques minutes, je suis prêt à entendre les perspectives des sénateurs à cet égard. S’il y a des moyens de faciliter les déclarations et les obligations des sénateurs à cet égard, je suis prêt à les considérer. Je n’ai pas de recommandation spécifique à faire en ce moment, mais je pense que M. Legault a tenté de mettre en place des mesures pour faciliter la communication entre les sénateurs et le conseiller sénatorial en éthique. Je suis prêt à poursuivre dans cette voie.
Merci beaucoup, monsieur O’Reilly.
Je vous souhaite la bienvenue. Félicitations, et je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Merci pour vos décennies d’efforts et de réalisations au service de notre pays, monsieur le juge O’Reilly.
À l’instar de mes nombreux collègues sénateurs qui viennent du secteur bénévole, de la société civile ou des milieux universitaires, j’ai souvent l’impression que les règles et les pratiques actuelles du Sénat en matière d’éthique servent davantage à assimiler les connaissances, l’expertise et la participation à des intérêts financiers ou des allégeances politiques quand vient le temps de déterminer quelles situations doivent être considérées comme des conflits d’intérêts et nécessitent une déclaration de la part d’un sénateur ou son exclusion du vote sur certains projets de loi. Pourriez-vous nous dire comment vous procéderiez pour discerner et résoudre les situations de conflit d’intérêts? Quelles méthodes proposeriez-vous pour promouvoir et évaluer les rôles et les responsabilités des sénateurs en matière d’éthique au sein de cette institution en constante évolution?
Je vous remercie de votre question, sénatrice. Si je peux me permettre d’explorer un peu le fondement de votre question, je suppose que ce dont vous parlez, c’est que les règles relatives aux conflits d’intérêts se concentrent sur des intérêts privés et personnels qui sont très probablement de nature pécuniaire plutôt que sur un intérêt plus large. Je trouve la question intéressante. Je pense que ces intérêts sont probablement considérés comme étant les sources de conflit les plus évidentes, les façons les plus évidentes par lesquelles un décideur — consciemment ou inconsciemment — peut être moins qu’impartial en raison de ce type d’intérêts.
Je suppose que ce que vous voulez dire, c’est qu’il peut y avoir d’autres types d’intérêts qui ne sont pas désignés et qui peuvent avoir un effet tout aussi important sur les décideurs, y compris les membres de notre assemblée. Je suppose que cela, par exemple, peut être à l’origine de la désignation de certains domaines par M. Legault comme devant faire l’objet d’une plus grande attention. Je pense qu’il a mentionné plusieurs préoccupations concernant les activités à but non lucratif, par exemple. Je pense que ces préoccupations ont été établies et je serais très intéressé d’en savoir plus à leur sujet et sur la manière dont le code pourrait être adapté pour en tenir compte.
Je pense également à l’évolution des idées et des connaissances entourant notamment la race, le sexe ou la classe sociale, et à l’incidence que cela peut avoir sur ce que l’on considère comme une conduite convenable, digne et honorable qui témoigne de l’intégrité des sénateurs.
Merci, sénatrice. Je pense que vous parlez maintenant d’aspects qui vont au-delà de ce que nous considérerions comme des conflits d’intérêts, mais qui se rapportent peut-être aux partis pris dans un sens plus large. Ce sont des normes qui évoluent, et le Sénat devra s’assurer qu’elles évoluent pour tenir compte de ce que nous savons sur les partis pris et les préjugés. D’ailleurs, je consacre une bonne partie de mes temps libres à étudier les idées préconçues des décideurs, y compris ce que nous considérerions d’emblée comme des préjugés fondés sur des caractéristiques personnelles, mais cela va au-delà de certaines tendances comme les biais de confirmation, les biais rétrospectifs ou d’autres influences qui s’exercent sur le processus décisionnel et que nous devons mieux comprendre, à mon avis.
J’ai exhorté mes collègues de la magistrature à se pencher là-dessus et j’ai élaboré des programmes de formation à l’intention des juges à ce sujet. Cependant, le Sénat est un organe décisionnel, et c’est le genre de choses qu’il faut mieux comprendre pour saisir les nuances à prendre en considération dans la prise de décisions. Comme vous le soulignez à juste titre, cela a une incidence sur la façon d’interpréter des notions comme la dignité, l’honneur et l’intégrité.
Merci. Nous passons maintenant au prochain bloc de 10 minutes, que les sénateurs Tannas, Smith et Dagenais se partageront.
Bienvenue, monsieur le juge O’Reilly. J’ai seulement une question, qui porte sur le délai des enquêtes. Je suis sénateur depuis une douzaine d’années, et la plupart des enquêtes entreprises par les conseillers sénatoriaux en éthique ont pris beaucoup plus de temps que je ne saurais m’expliquer raisonnablement. Pendant une grande partie de mes années au Sénat, j’ai fait partie du Comité sur l’éthique. Avez-vous remarqué comme les délais sont longs? Ils le sont certainement comparativement à ce qui se fait à la Chambre des communes, qui est doté d’un processus semblable. Vous attendez-vous à poursuivre la tradition d’étaler les enquêtes en matière d’éthique sur des années plutôt que sur des mois?
Je vous remercie. Honorables sénateurs, en lisant les rapports d’enquêtes de mon prédécesseur, j’ai remarqué qu’il a fallu beaucoup de temps pour mener ces enquêtes. Ce n’est pas une critique de ma part. J’ignore pourquoi les délais ont été aussi longs. Je ne sais pas quels ont été les obstacles. Il existe des comptes rendus chronologiques très détaillés du déroulement des enquêtes, et je n’ai pas remarqué d’interruptions particulièrement longues qui m’auraient semblé problématiques. Toutefois, j’ai remarqué que, dans l’ensemble, les enquêtes ont pris beaucoup de temps.
Je vous signale en outre que M. Legault a souligné que les ressources du bureau sont limitées. J’aimerais beaucoup savoir quelles sont les ressources disponibles. Pour l’instant, j’ignore tout de la composition de son bureau. Cependant, si les ressources sont limitées et que cela pose un problème pour la rapidité des enquêtes, c’est une difficulté que je serais prêt à résoudre.
Vous pouvez compter sur le soutien de certains d’entre nous à votre cause. Si le temps, c’est de l’argent, je pense que les sénateurs vous prêteront une oreille attentive, parce que la réputation du Sénat est en jeu et, dans bien des cas, celle des sénateurs aussi. Nous ne voulons pas que des doutes planent trop longtemps. Je vous remercie.
Bonjour, monsieur. Voici les explications que l’on trouve dans le site Web du Bureau du conseiller sénatorial en éthique, à propos du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs :
Le conseiller sénatorial en éthique est chargé d’interpréter et d’appliquer le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Son rôle consiste notamment à conseiller les sénateurs sur l’application du Code, à administrer un processus annuel de déclaration et à mener des enquêtes.
Le conseiller a deux rôles : conseiller les sénateurs en ce qui concerne les obligations que leur impose le code et mener des enquêtes et agir en tant qu’arbitre dans les cas où il pourrait y avoir violation du Code. Pourriez-vous nous faire part de vos premières réflexions sur ce que vous prévoyez faire pour concilier la responsabilité de conseiller les sénateurs avec celle de mener des enquêtes?
Je vous remercie. Vous avez souligné un élément que j’ai également relevé dans le code d’éthique. Cela donne évidemment lieu à des tensions inhérentes au fait que le conseiller sénatorial en éthique est censé conseiller les sénateurs et qu’il peut arriver plus tard que ce même conseiller se prononce sur une question sur laquelle il aurait pu donner des conseils auparavant. Il s’agit évidemment d’une situation très délicate. À ce que je sache, une telle situation ne s’est jamais produite, mais il est tout à fait possible que cela se produise.
J’ai joué les deux rôles dans le contexte judiciaire, mais pas à l’égard de la même personne, et c’est évidemment là que les tensions seraient les plus fortes.
Je ne peux pas dire à l’avance comment je gérerais une telle situation, mais je serai très sensible au fait que ces deux rôles doivent être joués en même temps, évidemment avec sensibilité et doigté.
Merci, monsieur.
Bonjour, monsieur O’Reilly.
Depuis quelques années, la société en général est le théâtre de nombreuses dénonciations en ce qui a trait au harcèlement en milieu de travail. Dans une définition du mot « éthique », on associe manifestement l’agression sexuelle, l’assaut, la fraude, le vol et le meurtre à l’éthique, mais votre prédécesseur, M. Legault, a déclaré en 2019 qu’il croyait que le conseiller sénatorial en éthique ne devrait intervenir dans une affaire de harcèlement que si le Sénat lui demandait de le faire, parce que le dossier pourrait nuire à la réputation de l’institution.
Avez-vous la même vision que lui sur le sujet? Comment envisagez-vous votre rôle face à de potentiels cas de harcèlement?
Je vous remercie pour la question, monsieur le sénateur.
Je ne savais pas que mon prédécesseur avait dit cela.
Je ne sais pas si c’est une politique que je vais suivre moi-même, mais je suis sûr que c’est une question importante que je devrai étudier bientôt.
Nous passons à la prochaine période de 10 minutes, qui sera partagée entre le sénateur Harder et le sénateur Cardozo.
Merci, madame la présidente, et bienvenue, monsieur O’Reilly. J’aimerais parler un peu de la relation entre le conseiller sénatorial en éthique, qui est indépendant, et le Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Il s’agit d’un partenariat important qui doit être réciproque.
La Loi sur le Parlement du Canada et le code prévoient tous deux que, lorsqu’il s’acquitte de ses fonctions, le conseiller sénatorial en éthique est placé sous ce qu’on y décrit comme étant « l’autorité générale du comité ».
Selon vous, quel rôle le comité devrait-il jouer pour aider le conseiller sénatorial en éthique à s’acquitter de ses responsabilités émanant du code? Pouvez-vous décrire le niveau de collaboration que vous souhaiteriez établir? Comment interpréteriez-vous votre indépendance par rapport au comité, dans le cadre de cette collaboration? Pensez-vous qu’il pourrait survenir un conflit d’intérêts lorsque vous exercerez vos fonctions tout en étant sous l’autorité du comité?
Merci, sénateur. Je me posais des questions sur la signification de l’expression « l’autorité générale du comité ». Je n’ai rien trouvé qui m’aide à comprendre ce partenariat, mais je peux imaginer des situations où le comité pourrait souhaiter inviter le conseiller à expliquer son interprétation du code ou même d’une enquête particulière, même si je n’ai pas vu cela se produire. J’en apprendrai peut-être davantage sur cette relation.
J’ai remarqué que l’un des rapports d’enquête soulevait la question de savoir si une affaire devait être renvoyée au comité pendant qu’une enquête était en cours. Mon prédécesseur était fermement convaincu qu’il était inapproprié de procéder de la sorte, ce qui m’a semblé logique quand j’ai lu sa position. Il se peut que les membres du comité aient une opinion différente et, si c’est le cas, j’aimerais l’entendre.
Je me suis demandé si l’expression « sous l’autorité générale du comité » était censée exprimer l’idée qu’il appartient au comité de donner des directives générales au conseiller de temps à autre, mais pas, bien sûr, sur une enquête particulière.
Je souhaite passer à un autre sujet.
Le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs a pour objet, entre autres, « de préserver et d’accroître la confiance du public dans l’intégrité des sénateurs et du Sénat ». À votre avis, quel rôle jouez-vous dans la réalisation de cette partie du code?
Je vous remercie.
C’est intéressant. Je pense que ces grands principes visent à éclairer l’interprétation d’autres dispositions du code, et c’est ainsi qu’on s’en sert d’après mes observations. C’est une façon précise de procéder. Il n’est pas inhabituel que les codes ou les lois contiennent une disposition de déclaration d’objet qui aide la personne qui interprète la loi ou le code à comprendre comment elle est censée l’appliquer, ou du moins à comprendre les aspirations qui sous-tendent les parties plus précises du code. À mon avis, le conseiller sénatorial en éthique remplirait cette fonction.
C’est là l’utilité d’avoir un code — que tous les sénateurs connaissent leur rôle et leur raison d’être au sein de cette institution. Ce code orientera leur comportement en général pour que le conseiller utilise les mêmes principes et objectifs dans l’interprétation de l’application du code.
Je vous remercie. J’ai une question. J’aimerais donner le temps de parole qu’il me restera à ma collègue, la sénatrice Audette.
Monsieur O’Reilly, je vous remercie d’être venu ici et d’avoir posé votre candidature à ce poste important. Nous avons discuté avec vous de votre obligation de rendre des comptes au Sénat. Si je peux paraphraser vos propos, vous avez dit qu’il s’agit d’un code que les sénateurs ont adopté pour déterminer comment ils allaient régir leurs affaires. Je paraphrase.
Si le Sénat modifiait le code au cours de votre mandat et l’assouplissait de manière à faciliter les comportements peu éthiques, quel serait votre rôle, selon vous? Comment réagiriez-vous à cela?
Je vous remercie. Honorables sénateurs, encore une fois, c’est à cette institution d’en décider. Dans ces circonstances, il pourrait être souhaitable de demander l’avis et les conseils du conseiller qui, à ce moment-là, aurait peut-être une certaine expérience de l’application du code ainsi que dans d’autres domaines qui pourraient le guider. Ultimement, c’est l’institution qui détermine ce que dit le code. Il serait important de tenir compte de l’avis du conseiller, en particulier s’il a une certaine expérience dans l’application du code.
Le feriez-vous en privé avec un comité ou ressentiriez-vous le besoin de le faire en public?
J’attendrais qu’on m’invite à prendre la parole et je ne le ferais que si je pensais que mes idées étaient les bienvenues.
Je vous trouve courageux d’être devant nous tous et toutes. Vous comprenez que je parle français. Pouvez-vous me rassurer sur le fait que les membres de votre équipe seront aussi en mesure de nous répondre rapidement en français? Enfin, quelle est votre sensibilité par rapport aux protocoles ou aux approches autochtones que nous amenons tranquillement dans ce bel endroit? Je ne veux pas vous poser une question à brûle-pourpoint, mais j’aimerais que vous me rassuriez pour ce qui est du français.
Bien sûr, il est important que le Bureau du conseiller sénatorial en éthique soit une organisation bilingue. C’est important de vous répondre dans les deux langues officielles et de communiquer avec tous les sénateurs et toutes les sénatrices en français et en anglais. En ce qui concerne les protocoles autochtones, je suis un peu mal à l’aise à vous répondre. Je ne comprends pas très bien ce à quoi vous faites référence.
Il serait peut-être bon de se rencontrer avec des sénateurs autochtones pour échanger avec vous sur ces belles pratiques, qui sont millénaires et ouvertes à toutes les cultures.
Nous passons au prochain bloc de 10 minutes, qui sera partagé entre le sénateur Carignan et la sénatrice Batters.
Bienvenue, monsieur O’Reilly. Je siège aussi au Comité sur l’éthique. On a vu plusieurs éléments dans le code. L’un des enjeux que je constate est votre double rôle; le sénateur Smith en a parlé un peu tout à l’heure.
J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur cet aspect de double rôle. Vous êtes conseiller et enquêteur en même temps. Pour conseiller, puisque vous avez été avocat, vous êtes bien conscient de l’importance du lien de confiance, afin que l’on puisse donner toute l’information dont nous disposons pour vous permettre de nous donner un avis approprié. D’un autre côté, il peut y avoir des réticences, car si je commets une infraction, vous devrez aussi faire enquête. Donc, le risque d’obtenir une information qui pourrait être délicate existe aussi; comment voyez-vous ce double rôle? Soyez à l’aise de dire que vous croyez que ces rôles sont incompatibles ou que vous pourriez recommander de séparer ces rôles-là. Cela peut être fait. Comment voyez-vous ce double rôle, et comment allez-vous faire en sorte que je puisse vous parler librement, en pleine confiance, sans risque que cela se retourne contre moi, par exemple?
Merci. On revient aux questions les plus délicates. Je vous remercie de votre question. Je pense que dans le code, il y a une défense prévue pour un sénateur qui fait une déclaration et qui souhaite obtenir l’opinion du conseiller sénatorial en éthique. Cela donne peut-être un peu d’assurance pour encourager les sénatrices et sénateurs à divulguer des éléments d’information ou à déclarer certaines choses au conseiller. Il va sans dire que les deux rôles sont différents. Il risque d’y avoir des conflits entre le rôle de conseiller et celui de décideur comme juge, en effet. Je n’ai pas de réponse claire à votre question, mais je comprends que c’est une question très importante.
Vous arrivez avec une expérience très variée. Vous avez semblé l’annoncer comme étant un désavantage. C’est parfois un avantage d’avoir une expérience variée pour voir les choses avec un œil nouveau. Aurez-vous une approche critique par rapport au code? Si vous constatez que certains éléments ne fonctionnent pas ou devraient être modifiés, allez-vous adopter une approche critique pour nous conseiller de le modifier?
Je suis intéressé à examiner les recommandations de M. Legault et à étudier différents aspects du code pour déterminer si des amendements sont nécessaires. Cela m’intéresse beaucoup.
Pendant plusieurs années, j’ai été avocat à la Commission de réforme du droit du Canada, au ministère de la Justice et à la Chambre des communes. L’étude des possibilités de réforme m’intéresse. Cependant, je ne vous dis pas que c’est la première chose que je ferai, car il faudra un peu de temps et de communications avant de déterminer si des changements sont appropriés.
En février 2023, l’actuel conseiller sénatorial en éthique a publié un document intitulé Ligne directrice sur les activités externes sur son site Web et il a envoyé une note explicative par courriel aux sénateurs. Dans son courriel, M. Legault a déclaré que cette ligne directrice « se veut un outil de référence pour mieux comprendre le code », puis il a ensuite précisé « et la façon dont je l’interprète et l’applique en date de sa publication ».
Monsieur le juge O’Reilly, cette ligne directrice ne présente pas une interprétation négligeable du code d’éthique. Elle crée de nouvelles exigences et restrictions substantielles dans le code d’éthique. L’actuel conseiller sénatorial en éthique a récemment supprimé la partie de sa ligne directrice relative aux groupes d’amitié parlementaire, mais le reste de la ligne directrice demeure intact.
Étant donné que de nombreuses autres nouvelles exigences et restrictions potentiellement problématiques sont incluses dans cette ligne directrice, elles doivent être approuvées par l’ensemble du Sénat et non pas imposées par le conseiller sénatorial en éthique. Accepteriez-vous de revoir cette ligne directrice et d’en supprimer toutes les dispositions qui ne sont pas dans son champ d’application?
Mesdames et messieurs les sénateurs, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question très précise, car je n’ai pas étudié attentivement la ligne directrice. Je suppose qu’elle vise à fournir des conseils supplémentaires sur l’interprétation des dispositions du code sans aller au-delà des paramètres du code actuel, selon un fonctionnement semblable à celui d’une mesure législative subordonnée. Dans le contexte judiciaire — pour prendre un exemple tiré de ce domaine —, les commentaires sur la conduite des juges ne vont pas au-delà des principes généraux auxquels les juges sont liés. Je crains que cette réponse ne soit que superficielle, étant donné les circonstances, mais je peux certainement m’engager à examiner la question.
Je vous remercie, monsieur O’Reilly. Je comprends la situation. L’un des éléments de la ligne directrice de février 2023 qui pourrait poser problème concerne les restrictions portant sur les comptes de médias sociaux des sénateurs. Ni le code régissant l’éthique des sénateurs, ni le Règlement du Sénat, ni le Règlement administratif du Sénat, ni même la Politique sur la gestion de bureau des sénateurs ne parlent des comptes de médias sociaux des sénateurs. Je dirais donc que les restrictions mentionnées dans la ligne directrice sont absolument inédites et que, par conséquent, comme vous le disiez plus tôt à l’un de mes collègues, il devrait revenir aux sénateurs de prendre une décision à cet égard. Toute restriction dans ce domaine devrait être approuvée par l’ensemble du Sénat. Cet élément pourrait peut-être faire partie de la nouvelle réflexion sur l’ensemble du code.
Accepteriez-vous d’examiner ces dispositions de la ligne directrice en gardant ces commentaires à l’esprit, étant donné qu’il faudra peut-être un peu de temps avant que le Comité sénatorial sur l’éthique puisse nous présenter une ébauche des dispositions pour le nouveau code?
Ma liste de choses à faire semble s’allonger. Merci.
En dernier lieu, monsieur le juge O’Reilly, j’aimerais vous poser une question, étant donné que nous sommes des parlementaires et non des juges, et que, selon le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, les fonctions et les responsabilités parlementaires comprennent « [...] les engagements publics et officiels et les questions partisanes [...] ».
Selon vous, le rôle des sénateurs à titre de parlementaire peut-il coexister avec celui de sénateur à titre de partisan? Selon vous, est‑ce que l’expression d’un point de vue politique ou partisan de la part d’un sénateur est contraire au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs?
Je suis désolé, je n’ai pas très bien compris votre question. Pourriez-vous la répéter?
Bien sûr. Je m’intéresse plus précisément au rôle des sénateurs à titre de parlementaires. Quel est votre point de vue sur la partisanerie, qui est explicitement autorisée dans le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, selon lequel les fonctions et les responsabilités parlementaires comprennent « [...] les engagements publics et officiels et les questions partisanes [...] »? Selon vous, est-ce que l’expression d’un point de vue politique ou partisan de la part d’un sénateur est conforme au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, ou est-elle contraire au code?
Je vous remercie. La partisanerie n’est contraire à aucune norme d’éthique pour une institution de cette nature; elle le serait dans le contexte judiciaire. De toute évidence, le code est conçu, appliqué et interprété en tenant compte du fait qu’il existe un certain élément de partialité inhérent à la mission de cette institution. En même temps, il fixe des limites à la conduite, et peut-être aussi à l’expression, afin de soutenir et d’appuyer les principes de dignité auxquels on doit aspirer, entre autres. Je ne vois pas de conflit entre ces éléments, mais il est certain qu’ils s’appliquent différemment dans ce contexte que dans d’autres, et je le comprends.
Merci, monsieur O’Reilly. Nous passons maintenant au dernier bloc de 10 minutes, que se partageront le sénateur Cotter et la sénatrice Saint-Germain.
Bienvenue, monsieur le juge O’Reilly. Merci de vous joindre à nous. Je suis moi aussi membre du Comité sénatorial sur l’éthique, dont je suis le vice-président, même si c’est seulement pour huit heures de plus.
J’ai essentiellement deux questions, mais je voudrais les poser en même temps parce que je pense qu’elles se recoupent. Premièrement, comme vous l’avez noté, il n’y a vraiment que trois ou quatre phrases qui précisent les attentes en matière d’éthique des sénateurs dans l’ensemble du code. Comparons cela aux Principes de déontologie judiciaire, que vous connaissez bien. Sans compter la partie sur les conflits d’intérêts, on y trouve 37 pages de principes et de commentaires. J’y observe une grande latitude d’interprétation, qui est peut-être surprenante quand on la compare aux directives d’éthique que vous devrez appliquer dans le cadre de vos fonctions.
Deuxièmement, il y a aussi la latitude inhabituelle que possède le conseiller sénatorial en éthique de prendre des décisions fondées sur ces interprétations, qui ne sont elles-mêmes pas révisables, pas même par cette assemblée. En effet, nous examinons les manquements, et nous déterminons les sanctions, mais nous ne pouvons pas changer les décisions rendues par le conseiller sénatorial en éthique. Ma question est donc la suivante : considérez-vous que les pouvoirs qui vous sont confiés et la latitude qui vous est accordée sont trop vastes?
Eh bien, pas nécessairement en ce qui concerne le pouvoir, mais certainement en ce qui concerne l’interprétation. Vous avez raison de dire que les grands principes énoncés dans le code doivent être interprétés, et qu’il faut les interpréter en tenant compte des objectifs de cette institution et des activités de ses membres.
En ce qui concerne ces grands principes, j’ai fait allusion tout à l’heure à la possibilité d’y ajouter de la substance de diverses façons. L’une d’entre elles pourrait consister à établir des lignes directrices. S’il ne s’agit pas d’une manière problématique de procéder, c’est certainement une façon de procéder, tout comme le sont les interprétations qui se précisent au moyen des enquêtes préliminaires et des rapports d’enquête.
J’hésite un peu quant à la partie de votre question qui portait sur les pouvoirs et la latitude. Puisque la décision finale relève de cette Chambre lorsqu’une affaire dépasse les pouvoirs et la latitude du conseiller, je ne crois pas que cet aspect soit un problème.
J’aimerais revenir sur une partie de ce que vous venez dire. D’après ce que nous comprenons, en tant qu’institution, c’est vous ou celui que vous remplacerez bientôt qui décidez à la fois de l’interprétation qui est faite du code et de son application dans un éventail de circonstances précises. Je n’utiliserai pas le mot « pouvoir », mais vous avez la latitude nécessaire pour établir s’il y a inconduite. Le Sénat n’est donc pas apte à déroger à votre décision ou à l’atténuer de quelque façon que ce soit, car il vous a cédé cette latitude. Il ne peut que se prononcer sur une sanction.
Voilà pourquoi j’estime que cette latitude est importante, vu l’absence actuelle de limite.
Oui. Merci pour ces précisions, sénateur. Je vois où vous voulez en venir. Une fois que le conseiller a tranché et qu’il communique sa décision au Sénat, elle ne peut pas être infirmée, même son effet ou ses conséquences pourraient être atténués.
Seriez-vous étonné si l’on vous accordait autant de latitude?
Ce n’est pas le cas pour l’instant.
Bienvenue, monsieur O’Reilly. Je vous remercie de vous consacrer au Sénat et de le servir à titre de conseiller sénatorial en éthique.
Ma question concerne le principe de dénonciation par les pairs, qui est à la base de la référence d’une plainte au conseiller sénatorial en éthique. C’est une dénonciation qui n’est pas confidentielle, en ce sens que — et vous le savez sans doute — le sénateur ou les sénateurs qui souhaitent porter une situation qu’ils croient contraire au code concernant un ou une collègue doivent s’identifier et que cette identification sera faite auprès du sénateur qui fera potentiellement l’objet d’une enquête.
Considérez-vous qu’un tel système de dénonciation a un effet dissuasif sur l’application du code en raison de la référence au conseiller sénatorial en éthique? Considérez-vous que ce système fait partie des bonnes pratiques en matière de gestion de l’éthique? Y a-t-il d’autres organisations, selon vous, qui fonctionnent avec un tel système?
Encore une fois, c’est une question très précise, et je ne suis pas actuellement en mesure d’y répondre de manière intelligente.
Je comprends le problème que vous avez identifié, mais c’est une question à laquelle il me faudra réfléchir. Pour l’instant, c’est la seule réponse que je peux donner.
Pour alimenter votre réflexion, je vous inviterais à considérer les systèmes de signalement faits par certains ordres professionnels, qui respectent la confidentialité de ces dits signalements.
J’aurais une autre question — quand on passe en dernier, plusieurs de nos questions ont déjà été posées, mais celle-là n’a pas été posée directement. Une de vos fonctions sera de diriger le Bureau du conseiller sénatorial en éthique. Quand on considère votre fonction de conseiller des sénateurs et votre fonction d’enquêteur indépendant — j’ajouterais même votre rapport avec le Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs —, comment voyez-vous l’organisation de votre bureau pour faire en sorte que le rôle que jouera votre bureau en matière de conseil sera étanche par rapport au rôle qu’il jouera en matière d’enquête? Comment faire en sorte qu’il n’y ait pas un mélange négatif de ces fonctions?
Je ne vais pas vous demander si vous allez conserver l’organisation actuelle; ce n’est pas le sens de ma question. Comment croyez-vous que ces fonctions peuvent coexister au sein d’un même bureau tout en étant gérées de manière efficace et responsable?
Visiblement, c’est une question qui trouble les membres de cette Chambre, celle des deux rôles du conseiller. C’est quelque chose que je devrai aborder rapidement, mais je n’ai pas de recommandation précise à faire ou de réflexion à partager en ce moment. Toutefois, j’apprécie beaucoup la question.
Si je puis me permettre, ce n’est pas une question, mais une suggestion. Je songe notamment à des organismes qui ont un rôle d’enquête, un rôle de conseil et même un rôle quasi judiciaire. Je vais simplement nommer la Commission d’accès à l’information du Québec; ses triples fonctions sont exercées au sein de la même commission, mais avec une division des tâches assez étanche. Cela pourrait vous intéresser d’étudier cette perspective. Merci.
Je vais l’étudier, merci.
Monsieur O’Reilly, bienvenue au Sénat. Je m’appelle Paula Simons et je suis sénatrice de l’Alberta.
L’une des difficultés que j’ai rencontrées en entrant au Sénat, c’est que je ne venais pas du milieu des affaires comme d’autres sénateurs. Je venais plutôt du milieu des médias. D’autres sénateurs venaient du secteur des organismes à but non lucratif. Or, il semble que de nombreuses règles du code sont rédigées du point de vue de personnes issues du milieu des affaires. Vous pouvez être membre d’un conseil d’administration et recevoir une rémunération substantielle à ce titre. Vous pouvez continuer à diriger votre entreprise ou votre cabinet d’avocats. En revanche, si vous venez du secteur des organismes sans but lucratif, vous n’avez pas le droit de faire quoi que ce soit qui puisse donner l’imprimatur du Sénat à votre organisme sans but lucratif. Vous ne pouvez rien faire pour collecter des fonds. Même si vous n’êtes pas issu du secteur des organismes sans but lucratif, vous ne pouvez pas faire de bénévolat ou de travail caritatif. Vous ne pouvez pas participer à des événements communautaires qui visent à recueillir des fonds.
Je suis perplexe quant au fait qu’il semble y avoir deux poids, deux mesures, c’est-à-dire que l’on puisse exercer une activité professionnelle en contrepartie de grosses sommes d’argent, mais que l’on ne puisse plus exercer d’activités dans le secteur bénévole.
Je vous remercie, honorables sénateurs. Je pense avoir mentionné plus tôt que j’ai pris note du fait qu’il s’agit d’un domaine dans lequel mon prédécesseur a souligné qu’une étude plus approfondie était nécessaire, et je vous remercie pour votre question, parce que, quand il m’a fait cette suggestion, je ne savais pas quelle en était la raison.
Il semble que ce point mérite de l’attention. Je suis tout à fait disposé à examiner cette question.
Dans ma réponse à la sénatrice Pate, j’ai mentionné que certaines parties du code semblent porter sur les formes les plus manifestes de conflits qui surviennent en présence d’intérêts privés de nature pécuniaire et que le code tient peut-être moins compte de domaines sans rapport avec ce contexte particulier, et votre question soulève cette préoccupation. Je comprends ce que vous voulez dire.
Honorables sénateurs, le comité siège depuis maintenant 65 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.
Monsieur O’Reilly, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui.
Des voix : Bravo!
La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que le témoin a été entendu?
Des voix : D’accord.
Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.