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La Loi sur le casier judiciaire

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

2 octobre 2025


L’honorable Kim Pate [ + ]

Propose que le projet de loi S-207, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement, soit lu pour la deuxième fois.

Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé et non restitué des algonquins anishinaabeg pour entamer la deuxième lecture du projet de loi S-207, qui modifierait la Loi sur le casier judiciaire.

C’est la cinquième fois que je présente ce projet de loi, et je tiens à remercier les fabuleux experts que nous avons consultés pendant l’élaboration et l’étude de ce projet de loi, qu’il s’agisse d’avocats, d’universitaires, de personnes ayant vécu cette expérience, de membres du Comité des affaires juridiques ou de collègues du Sénat. Au cours des huit dernières années, vos commentaires et votre expertise ont alimenté des discussions cruciales, qui ont amélioré le projet de loi et lui ont permis d’être adopté en troisième lecture lors de la dernière législature, lorsqu’il était le projet de loi S-212.

Je tiens également à remercier les milliers de Canadiens qui ont manifesté leur soutien à ce projet de loi. Bon nombre d’entre eux sont des membres de la famille, des amis ou des employeurs de personnes dont la vie a été irrémédiablement bouleversée par des dossiers vieux de plusieurs décennies.

En travaillant ensemble pour que le projet de loi passe à l’étape de la troisième lecture, nous franchirions une étape urgente et significative pour avoir des communautés plus sûres, plus justes et plus soudées pour ceux qui ont besoin de se défaire de leur casier judiciaire et pour tous les Canadiens.

Commençons par l’histoire de Kimberly. Kimberly est membre de la Fresh Start Coalition, un groupe qui réunit plus de 85 organisations de la société civile qui travaillent aux côtés de personnes ayant vécu la judiciarisation et qui souhaitent obtenir l’annulation sans frais et automatique du casier judiciaire, comme le propose le projet de loi S-207.

Comme beaucoup d’autres, Kimberly a été judiciarisée alors qu’elle tentait de composer avec la victimisation et d’y survivre. Son casier judiciaire est le résultat de trois décennies de sévices physiques et sexuels, qui ont commencé lorsqu’elle était enfant. Elle a fini par échapper à un partenaire violent, mais son casier judiciaire l’a suivie partout où elle est allée. Elle est restée piégée dans des emplois précaires et mal rémunérés. Une fois, elle a trouvé un bon emploi, mais elle a fait partie du congédiement de masse de tous les employés récemment embauchés qui avaient un casier judiciaire. Elle a tenté de se recycler en suivant des cours en ligne le soir tout en travaillant à plein temps le jour, pour apprendre après un an qu’elle ne pouvait pas passer son examen d’accès à la profession en raison de son casier judiciaire.

Voici ce que le casier de Kimberly signifiait pour elle lors de chaque entretien d’embauche :

[...] je dois raconter ma vie personnelle encore une fois. Je suis obligée de parler de ces choses que j’ai travaillé si fort à surmonter sur les plans social, mental et physique. Chaque fois, c’est à recommencer.

Tout le monde dit : « Tu sais, tout le monde a un squelette dans le placard. » Moi, je traîne le mien juste derrière moi, comme un boulet. Il me suit partout où je vais, à longueur de journée.

Les expériences de Kimberly démontrent qu’il est urgent d’adopter ce projet de loi. Elles permettent de remettre en question les idées reçues sur les personnes qui subissent les préjugés liés aux casiers judiciaires, car c’est un fardeau qu’elles traînent trop souvent toute leur vie, et à quelle fin?

Comme tant d’autres, Kimberly a été abandonnée par tous nos systèmes de services sociaux et laissée à elle-même pour survivre à la pauvreté, à l’itinérance, à la violence, à la toxicomanie et à des problèmes de santé mentale. Ce sont ces personnes qui sont disproportionnellement happées par le système judiciaire et carcéral canadien. Elles finissent par avoir un casier judiciaire en raison des lois que nous avons adoptées et de notre incapacité à leur apporter l’aide et le soutien dont elles ont besoin.

En raison du colonialisme et des inégalités non corrigées, la majorité des femmes incarcérées dans les prisons fédérales sont issues de minorités racisées; la moitié d’entre elles sont autochtones. Presque toutes — 9 sur 10 — ont été victimes de violences physiques et sexuelles.

Quand une femme comme Kimberly, qui tente d’échapper à la violence, de subvenir aux besoins de ses enfants et de prendre un nouveau départ, ne parvient pas à trouver un emploi ou un logement en raison de son casier judiciaire, qui en profite? Qui est protégé?

Compte tenu des délais d’attente, des coûts ainsi que des exigences complexes et lourdes relativement aux documents à produire, il est presque impossible de demander à faire suspendre son casier judiciaire dans l’état actuel des règles, sauf pour les plus riches.

Bien que ce système profondément inéquitable puisse sembler être une relique du passé, la plupart des obstacles à la suspension du casier judiciaire ont été ajoutés à la législation en 2010 et 2012, il y a moins de 20 ans. Les solutions, cependant, ne sont pas nouvelles. Le projet de loi S-207 reflète un consensus de longue date et grandissant selon lequel il est avantageux pour tout le monde que les personnes qui ont payé leur dette à la société puissent un jour ou l’autre tourner la page.

Ce projet de loi propose trois mesures clés.

Premièrement, il rétablirait les délais d’attente qui étaient en vigueur au Canada, soit de cinq ans pour les infractions punissables par mise en accusation et de deux ans pour les infractions punissables sur déclarations de culpabilité par procédure sommaire, ce qui annulerait le doublement des délais de suspension du casier judiciaire effectué en 2012.

Deuxièmement, on substituerait aux démarches coûteuses et pénibles que les gens doivent faire actuellement l’expiration sans frais du casier judiciaire à la fin de la période d’attente, à condition qu’il n’y ait pas de condamnations ou d’accusations subséquentes. Comme c’est le cas en ce moment, les casiers expirés seraient conservés à part, et leur existence ne serait plus révélée lors des vérifications de casier judiciaire. Cependant, ils continueraient d’être accessibles dans les bases de données de la police aux fins d’enquête légitime. En outre, le projet de loi maintiendrait le système actuel de vérification des antécédents des personnes qui souhaitent travailler ou faire du bénévolat avec des personnes considérées comme vulnérables, par exemple, des enfants ou des personnes âgées. Les vérifications spéciales de casier judiciaire effectuées en pareil cas révéleraient l’existence d’un casier expiré si elle résulte d’une agression sexuelle.

Troisièmement, contrairement à ce qui arrive dans le cas des suspensions de casier actuelles, les gens n’auraient pas à craindre que soit révoquée l’expiration de leur casier ou qu’elle cesse d’avoir effet, sauf dans certaines circonstances, lorsqu’il y a condamnations pour agression sexuelle.

Je me permets de rappeler brièvement quelques thèmes clés qui ressortent des huit années de cheminement de ce projet de loi.

Premièrement, il est urgent d’adopter ce projet de loi. Le gouvernement fédéral a pris des mesures progressives pour améliorer le système de casiers judiciaires. Le projet de loi S-207 s’inscrit dans cette importante démarche.

Deuxièmement, l’expiration des casiers judiciaires et la sécurité publique vont de pair. L’élimination des obstacles à l’expiration du casier judiciaire favorise la sécurité publique.

Troisièmement, soutenir les gens qui souhaitent se sortir de la criminalité répond aux besoins et aux priorités des victimes.

Quatrièmement, le projet de loi S-207 prévient la stigmatisation et la discrimination tout en permettant aux policiers de faire leur travail d’enquête.

Cinquièmement, en ce qui concerne la faisabilité et l’abordabilité, le projet de loi S-207 prévoit une meilleure option que le système coûteux actuel du Canada.

En ce qui concerne le premier thème, qu’est-ce que le projet de loi S-207 ajoute aux mesures progressives précédentes du gouvernement, qui visent à rendre le système de casiers judiciaires plus équitable?

En 2022, le gouvernement a annulé les récentes augmentations exorbitantes des frais de demande en les faisant passer de plus de 658 $ à 50 $. Bien que cette mesure constitue une avancée majeure, elle n’a pas éliminé les obstacles financiers.

Pendant des années, le système canadien de casier judiciaire fonctionnait sans aucuns frais de demande. Même si 50 $ peuvent sembler peu, la plupart des personnes qui demandent une suspension de casier judiciaire cherchent à trouver un emploi ou à poursuivre des études et d’autres voies pour sortir de la pauvreté, pour elles-mêmes et leur famille. Les frais de demande de 50 $ pour une suspension de casier judiciaire peuvent signifier pour elles de ne pas pouvoir se nourrir ou se loger dans un endroit sûr, ou acheter un manteau, des bottes ou des articles de première nécessité pour leurs enfants.

Outre les frais de demande, d’autres exigences liées à la demande entraînent rapidement des centaines, voire des milliers de dollars de coûts cachés, tels que les vérifications policières, la prise d’empreintes digitales, les déplacements pour récupérer des documents, la consultation d’avocats ou, dans de trop nombreux cas, les escroqueries de la part d’entreprises qui n’aident guère les personnes concernant leur casier judiciaire, mais qui facturent des frais exorbitants.

En conséquence, bien que le nombre de demandes ait augmenté depuis que le gouvernement a réduit les frais, il n’est pas revenu au niveau où il se trouvait avant les hausses de frais de 2010 et 2012. Le nombre de personnes qui font une demande est encore à peine la moitié de ce qu’il était auparavant.

Le projet de loi S-207 ferait en sorte que les casiers expirent sans que la personne ait à présenter une demande, ce qui éliminerait les frais de demande et d’autres coûts connexes souvent cachés. Il pourrait également réduire et, à terme, éliminer les coûts de la structure qui est actuellement nécessaire pour administrer le processus.

En 2024, le gouvernement a fait un pas vers ce type d’expiration sans demande. Avec la loi issue du projet de loi C-5, toutes les condamnations pour possession de drogues expirent désormais automatiquement deux ans après la fin de la peine.

On nous dit travailler actuellement sur l’infrastructure permettant l’expiration automatique des casiers judiciaires pour possession de drogues, ce qui pourrait aussi servir de point de départ à la mise en œuvre du projet de loi S-207.

Entretemps, le gouvernement s’acquitte de ses obligations sur le plan fonctionnel grâce à une directive ministérielle qui ordonne aux détenteurs d’information relative au casier judiciaire de ne pas divulguer les renseignements liés aux dossiers concernés, ce qui démontre l’éventail des options disponibles pour la mise en œuvre immédiate du projet de loi S-207.

L’expiration automatique des casiers judiciaires pour les condamnations liées à la possession de drogues prévue dans la loi issue du projet de loi C-5 a été mise en place après des tentatives infructueuses visant à encourager les personnes condamnées pour possession de cannabis à demander un pardon après la décriminalisation.

En 2019, grâce à la loi issue du projet de loi C-93, le gouvernement a mis en place un processus de demande gratuit conçu pour être aussi simple et efficace que possible. Cependant, 5 ans après sa mise en œuvre, seulement 13 % des 10 000 personnes que le gouvernement estimait possiblement admissibles avaient fait une demande à la Commission des libérations conditionnelles, ce qui ne représentait qu’une petite fraction des personnes ayant des antécédents de possession de cannabis.

Pire encore, plus d’une demande sur trois a ensuite été rejetée en raison de problèmes techniques, notamment parce que les dossiers ne précisaient pas que la condamnation de possession était liée au cannabis ou parce que les dossiers étaient si anciens que les tribunaux en avaient détruit les documents papier. Même un processus de demande spécialement conçu pour être rapide et convivial restait trop coûteux, fastidieux et complexe pour que les gens puissent le mener à bien.

Le gouvernement a obtenu des résultats semblables quand il a mis en place un processus simplifié et gratuit pour l’expiration des casiers judiciaires résultant de la criminalisation discriminatoire des membres de la communauté 2ELGBTQ+. Seule une poignée de personnes ont pu en bénéficier, et aucune des condamnations historiques des travailleuses du sexe condamnées au titre de la loi sur la prostitution n’a été supprimée.

Les tentatives visant à accélérer la procédure de suspension du casier judiciaire ont vu le jour parce que le gouvernement a reconnu que des milliers et des milliers de personnes — en grande majorité issues des communautés 2ELGBTQ+, noires et autochtones — avaient encore des casiers judiciaires pour de prétendus crimes qui ont depuis été reconnus comme discriminatoires et supprimés du Code criminel.

Les comportements qui étaient criminalisés sont désormais reconnus comme n’ayant jamais présenté de risque pour la sécurité publique. Pourtant, le système canadien de casiers judiciaires a continué à marginaliser et à stigmatiser ces milliers et milliers de personnes sans leur offrir de procédure de suspension.

Combien d’autres personnes sont actuellement dans l’incapacité de trouver un emploi ou un logement sûr ou de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille en raison d’un casier judiciaire qui n’a rien à voir avec un risque pour la sécurité publique? Leur casier judiciaire est plutôt intimement lié à l’insuffisance des ressources dont ces personnes disposent pour échapper à des situations comme la pauvreté, l’itinérance et les crises de santé mentale qui multiplient le risque d’être victimisé, exploité et rendu passible de poursuites pénales. Leur casier reflète également un accès inéquitable aux ressources financières et juridiques nécessaires pour obtenir la suspension du casier.

Ces tentatives infructueuses visant à simplifier les demandes démontrent que, pour offrir un accès équitable à la suspension du casier judiciaire, nous avons besoin de la procédure proposée par le projet de loi S-207.

L’utilisation d’une procédure de demande de suspension du casier judiciaire impose aux personnes concernées la nécessité de remplir des documents complexes et de rassembler des pièces qui peuvent remonter à plusieurs décennies et qui peuvent être conservées dans des postes de police et des palais de justice d’un bout à l’autre du Canada. Ces personnes sont souvent pauvres et itinérantes, elles n’ont peut-être pas accès à un ordinateur ou à une adresse postale et elles peuvent se heurter à des obstacles linguistiques et de littératie. Donc, en plus d’être déjà marginalisées, elles cumulent les obstacles liés au coût, au temps nécessaire, aux déplacements et à l’expertise juridique. Pire encore, l’ensemble du processus est stigmatisant, démoralisant et par conséquent, honorables collègues, inacceptable.

En 2016, le ministre de la Sécurité publique d’alors, Ralph Goodale, a promis de réformer le système du casier judiciaire, dont il a dit qu’il était :

[...] d’une complexité et d’une lourdeur inutiles [...] un bourbier procédural où les avocats peinent à s’y retrouver, alors imaginez la population en général. La période d’attente pour les demandes est inutilement longue [...] et il y a le coût [...] si vous êtes pauvre, vous êtes catalogué pour toujours.

Le régime de suspension du casier judiciaire du Canada est carrément punitif. Il faut le corriger.

Depuis 2016, des observations communes sont ressorties d’au moins trois rondes de consultations publiques, d’un rapport produit par un comité de la Chambre des communes et appuyé par tous les partis, et du rapport du Comité sénatorial des droits de la personne sur les droits des personnes purgeant une peine de ressort fédéral : le coût demandé pour la suspension du casier judiciaire est prohibitif, les périodes d’attente sont trop longues, et on devrait explorer la possibilité que des casiers judiciaires viennent à expiration automatiquement, sans qu’aucune demande ne soit nécessaire.

En fait, les consultations menées par le gouvernement en 2021 au sujet du retrait automatisé des casiers judiciaires ont montré que presque tous les participants soutenaient fortement les mesures de ce genre.

Le projet de loi S-207 s’appuie sur des années d’études gouvernementales, de données probantes, de consultations et de reconnaissance. L’expiration du casier judiciaire constitue la prochaine étape pour régler de façon rentable des injustices et des inégalités liées au système de casiers judiciaires.

Ce qui m’amène au deuxième thème : quelles conséquences auront l’élimination du processus de demande et la réduction des périodes d’attente pour la sécurité publique?

Les recherches disponibles montrent clairement que l’élimination d’obstacles à la suspension du casier judiciaire accroît la sécurité des collectivités. En gros, c’est parce que les gens peuvent réussir à s’intégrer plus facilement.

Comme l’a récemment souligné le Dr Anthony Doob, professeur émérite et ancien président des unités d’intervention structurée et du Comité consultatif sur la mise en œuvre concernant le projet de loi C-83, des études démontrent que les meilleurs indicateurs d’une intégration réussie dans la collectivité ne sont pas les critères contraignants et subjectifs imposés par les processus de demande actuels. Ce qui importe le plus, c’est l’accès à un emploi et à un logement, deux choses qui augmentent les chances des personnes concernées de pouvoir vivre dans la collectivité.

Comme le résume Sécurité publique Canada dans un rapport de recherche publié en 2021, « l’obtention d’un emploi après la libération d’un établissement correctionnel est essentielle à la réinsertion sociale » et est associée à une baisse des taux de récidive.

Après un nombre relativement restreint d’années sans perpétration de crime, les personnes ayant un casier judiciaire ne sont pas plus susceptibles que les autres de commettre un crime.

Une étude américaine a suivi l’évolution de 6 000 personnes condamnées pour des crimes allant d’infractions contre les biens à des agressions sexuelles graves. Cinq ans après leur sortie de prison, quelle que soit l’infraction qui avait conduit à leur condamnation et à leur incarcération, le principal facteur d’une réinsertion sociale réussie était leur capacité à trouver un emploi et à accéder à l’éducation.

Ce projet de loi ne modifierait pas le système actuel de vérification des antécédents des personnes qui travaillent auprès de personnes vulnérables au Canada, ce qui signifie que les antécédents, même s’ils sont expirés, continueraient d’apparaître dans ce type spécifique de vérification des antécédents pour les personnes qui travaillent ou font du bénévolat auprès de personnes considérées comme vulnérables.

Les mécanismes actuels permettant d’annuler l’annulation d’un casier judiciaire — c’est-à-dire la révocation et la suspension d’un casier judiciaire — seraient limités à certaines situations où les condamnations sont liées à des agressions sexuelles. Cette approche vise à tenir compte des obstacles à la dénonciation des abus et des agressions, car ces obstacles risquent de faire en sorte que les informations pertinentes ne soient disponibles qu’après l’expiration d’un casier judiciaire.

Nous devons également reconnaître que, compte tenu des réalités auxquelles sont confrontées les femmes et les enfants victimes de violences — par exemple, les obstacles à la dénonciation et l’absence de responsabilité —, les vérifications des antécédents judiciaires ne sont pas et n’ont jamais été un moyen efficace de protéger les personnes contre les préjudices.

Les données de la Commission des libérations conditionnelles du Canada indiquent que, depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le casier judiciaire, il y a plus de cinq décennies, la grande majorité — soit plus de 95 % — des contrevenants ayant obtenu un pardon ou une suspension de leur casier judiciaire n’ont pas commis d’autre crime.

De plus, lorsque les critères d’admissibilité ont été rendus plus complexes et plus sévères en 2010 et 2012, ce taux de réussite déjà élevé ne s’est pas amélioré. Mettre en œuvre des programmes efficaces de suspension des casiers judiciaires et éliminer les procédures de demande compliquées contribuent à améliorer l’accès à l’emploi, au logement et à d’autres services essentiels.

Les consultations publiques menées en 2022 sur le cadre fédéral visant à réduire la récidive ont souligné que les approches punitives à l’égard des personnes ayant un casier judiciaire sont non seulement cruelles, mais aussi inefficaces. Selon les commentaires obtenus, il faut mettre l’accent sur les déterminants sociaux qui réduisent la récidive, par exemple le logement, l’éducation, l’emploi, la santé et les réseaux de soutien positif.

Le projet de loi S-207 s’appuie sur ces conclusions ainsi que sur les mesures proposées par le gouvernement fédéral lui-même dans un projet de loi présenté en 2021. Le projet de loi a été court-circuité par les élections, mais s’il avait été adopté, il proposait d’éliminer certaines des nombreuses exigences pour les demandes, d’accorder le pardon pour certaines condamnations actuellement inadmissibles à une suspension du casier judiciaire et de réduire les délais d’attente.

Nous méritons un système équitable qui tient réellement ses promesses pour rendre les collectivités plus sûres.

Troisième thème : on dit parfois à tort que la suspension du casier judiciaire équivaut à excuser des actes criminels ou à faire fi des intérêts des victimes. C’est faux dans les deux cas.

Les juges imposent des peines en fonction de ce qu’ils jugent nécessaire et approprié pour tenir une personne précise responsable de ses actes. Ils prennent ces décisions en sachant que conformément à la loi, les gens auront le droit de demander une libération conditionnelle et que, s’ils y sont admissibles — s’ils y sont admissibles —, ils pourront éventuellement demander la suspension de leur casier judiciaire.

Comme l’a dit la Cour suprême du Canada :

Les individus qui ont acquitté leur dette envers la société ont droit de la réintégrer et d’y vivre sans courir le risque d’être dévalorisés et injustement stigmatisés.

Témoignant au sujet de ce projet de loi au cours de la dernière législature, l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a soutenu l’élimination des obstacles à la suspension du casier judiciaire, car, selon lui, les types d’obstacles que les casiers judiciaires imposent aux personnes sans autres condamnations augmentent en fait la probabilité d’une victimisation accrue.

L’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a également noté qu’en raison de l’inégalité et de la discrimination au sein du système judiciaire, de nombreuses victimes, trop souvent des personnes racisées et des femmes ayant un partenaire violent, vivent elles-mêmes avec le fardeau et la stigmatisation d’un casier judiciaire. Il a déclaré :

Les casiers judiciaires causent des préjudices directs et indirects à de nombreuses victimes d’actes criminels. C’est un instrument inefficace appliqué à un large éventail de personnes qui ont des démêlés avec le système de justice. Alors que les vérifications de casier judiciaire sont de plus en plus communes dans le processus de demande d’emploi, de bénévolat, d’éducation et de logement, les préjudices continuent de croître.

Pour ces raisons, un ancien ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a déclaré que les modifications apportées en 2010 et en 2012, qui limitent sévèrement l’accès à la suspension du casier judiciaire, étaient vraiment stupides.

Le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels ne fait pas cavalier seul. Parmi les dizaines de groupes communautaires qui plaident en faveur de l’expiration automatisée du casier dans le cadre de la coalition Nouveau départ, beaucoup travaillent avec et au nom des victimes d’actes criminels. C’est le cas notamment de la ligne de soutien pour femmes violentées Fem’aide, de la clinique commémorative Barbra Schlifer, du Centre to End All Sexual Exploitation, du Huron Women’s Shelter, de Luke’s Place, des Muskoka Parry Sound Sexual Assault Services, de la coalition des centres anti-viol de l’Ontario, de la Coalition d’Ottawa contre la violence faite aux femmes, du Women and Children Shelter of Barrie, du refuge Women in Crisis pour Timmins et ses environs, des services aux victimes de la région de Durham et d’Hébergement femmes Canada.

Un quatrième thème concerne les cas où les données relatives aux casiers expirés peuvent être pertinentes pour le travail de la police. Le projet de loi S-207 incorpore des amendements apportés à la version précédente de ce projet de loi par le Comité des affaires juridiques, en particulier pour refléter les témoignages que le comité a entendus de la part de certains témoins représentant des services de police.

Par exemple, l’Association canadienne des chefs de police a souligné que le projet de loi pourrait favoriser une réintégration réussie dans la communauté. Elle nous a exhortés à veiller à ce que, à mesure que l’élimination du fardeau du casier judiciaire devient la norme plutôt que l’exception qu’elle est dans le régime actuel de suspension du casier judiciaire, la police ne perde pas rapidement l’accès aux données centralisées concernant les antécédents judiciaires qu’elle utilise dans ses enquêtes.

Le Comité des affaires juridiques a accepté mon amendement visant à garantir l’accès de la police aux dossiers expirés, à des fins limitées d’enquête.

Inspiré du système actuel de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, cet amendement autoriserait la police à avoir accès à des casiers expirés, à condition que cet accès soit à des fins d’enquête légitimes.

Toutefois, cet amendement reconnaît qu’il serait mauvais pour les objectifs de sécurité publique que la police utilise les casiers expirés non pas pour des motifs d’enquête légitimes, mais dans le cadre de pratiques discriminatoires de fichage.

Le projet de loi empêche que des casiers judiciaires expirés soient inclus dans des vérifications de dossiers à des fins civiles non policières, y compris les demandes pour un logement, un emploi ou un poste bénévole.

Enfin, passons au cinquième thème, qui porte sur la faisabilité et l’abordabilité du processus d’expiration des casiers judiciaires.

Le projet de loi S-207 est une solution de rechange intéressante au système canadien actuel, qui comporte de multiples voies d’application complexes, dont l’administration nécessite des ressources importantes et qui utilise des critères complexes et fastidieux sans rapport avec les objectifs de sécurité publique.

En raison de l’obligation du gouvernement de prévoir l’expiration automatique des casiers judiciaires pour possession de drogue, le processus menant à la mise en place du système proposé par ce projet de loi est déjà enclenché.

L’expiration automatique des casiers existe partout dans le monde, y compris au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et en Nouvelle-Zélande, ainsi qu’au Canada, dans le cadre du système de justice pour les adolescents.

Durant l’examen du projet de loi lors de la dernière législature, l’une des architectes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a affirmé ceci :

Nous avons eu de nombreuses et longues discussions avec des gardiens de casiers judiciaires dans les provinces, avec la police, des administrateurs de tribunaux, etc. Nous avons aplani les difficultés [...] cette loi [...] est en vigueur depuis maintenant 20 ans. Le ministre [de la Sécurité publique] et d’autres pourraient examiner ce précédent peut-être correct pour obtenir l’accord des provinces. [La question de l’expiration du casier judiciaire dans le système des adultes] devrait être assez facile [à régler].

C’est le système actuel qui est inabordable et inaccessible. Récemment, le gouvernement a versé 18 millions de dollars à des groupes communautaires pour aider les gens à présenter des demandes. Ces groupes communautaires indiquent que les montants qu’ils ont reçus sont insuffisants pour couvrir les coûts réels qu’ils doivent assumer pour aider les gens dans le cadre de ce processus complexe, même s’ils font tout ce qu’ils peuvent pour leur venir en aide.

Même si elle ne reçoit pas de soutien dans le cadre de ce programme fédéral, la Première Nation nishnawbe-aski du Nord de l’Ontario, en partenariat avec la Police provinciale de l’Ontario, aide les membres de la communauté à présenter une demande de suspension du casier judiciaire. Ces partenaires ont uni leurs efforts parce que tous ont reconnu que la suspension du casier judiciaire est un investissement dans la sécurité, l’économie, la santé et le bien‑être de la collectivité, ainsi que dans la réconciliation et la décolonisation. Alors que les collectivités voulaient participer à des activités de développement économique, un trop grand nombre de personnes n’avaient pas accès à des emplois en raison de leur casier judiciaire.

J’ai pu le constater de mes propres yeux lorsque j’ai rendu visite à la Première Nation de Pikangikum il y a deux semaines. Le chef et le conseil ont évoqué les obstacles à l’embauche de membres de la communauté et les difficultés qui en découlent, notamment en matière d’accès au logement et aux mesures de soutien communautaire.

Nous avons rencontré le juge itinérant et les avocats qui ont traité les cas des membres de la communauté transférés par avion vers des prisons du Sud pour y être placés en détention provisoire, puis ramenés par avion dans leur communauté en vue de leur procès. Pikangikum dispose d’un centre d’hébergement de 16 places qui aurait pu être utilisé pour garder les gens dans la communauté et leur éviter la détention. Cependant, il reste vide en raison du manque de personnel. L’héritage de la colonisation et de la criminalisation au sein de la communauté fait que trop de candidats qualifiés pour y travailler ne pourraient pas passer la vérification des antécédents requise.

Ce type de vols, qui consiste à retirer des individus de leur communauté pour les envoyer dans des prisons du Sud, coûte à notre système judiciaire des centaines de milliers de dollars par jour, sans aucun bénéfice pour la communauté.

En éliminant l’obligation de présenter une demande, le projet de loi S-207 garantirait un accès plus efficace à la suspension du casier judiciaire tout en permettant à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, aux gouvernements, aux collectivités et aux prestataires de services de réacheminer leurs ressources limitées vers d’autres priorités.

Alors, qu’attendons-nous? Des 3,8 millions de Canadiens détenant un casier judiciaire, 9 sur 10 n’ont pas de pardon ou de suspension de leur casier. Au rythme où la Commission des libérations conditionnelles du Canada rendait ses décisions l’année dernière, il faudrait au moins 256 ans pour examiner les demandes relatives à tous les casiers judiciaires actuels.

Entretemps, les Canadiens à faible ou à moyen revenu ont du mal à accéder aux services de soutien, notamment lorsqu’il s’agit de trouver un logement ou un emploi. Les casiers judiciaires ne font pas qu’ajouter une couche supplémentaire de discrimination : ils multiplient les obstacles.

Le projet de loi S-207 ne corrigera pas à lui seul toutes les injustices actuelles au sein du système de casiers judiciaires. Il s’agirait toutefois d’une véritable bouée de sauvetage pour les gens qui ont purgé leur peine et qui ne ménagent aucun effort pour réintégrer la société, se réinsérer, rester en sécurité et en bonne santé ainsi que subvenir aux besoins de leur famille et prendre soin d’elle.

Au Comité des affaires juridiques, lors de la dernière législature, nous avons entendu une femme nommée Rachel, qui a un casier judiciaire et qui fait actuellement des études de doctorat en criminologie afin de travailler avec d’autres personnes piégées dans le système de justice pénale et de les représenter. Elle nous a parlé du besoin urgent d’adopter ce projet de loi :

Des gens [...]

 — qui ont un casier judiciaire —

[...] sont dans la rue parce qu’ils ne peuvent pas trouver de logement. Ils sont frustrés parce qu’ils n’ont pas accès à l’éducation. Ils ne sont pas en mesure d’obtenir un emploi régulier et intéressant. Je connais de nombreuses personnes qui ont été forcées de se prostituer [...]

Qu’est-ce que le Canada a à gagner d’un système injuste et inaccessible qui oblige les victimes d’agressions à retourner dans les conditions d’isolement et d’exploitation mêmes qui ont fait d’elles des victimes et qui les ont poussées à la criminalité?

Unissons nos efforts pour que ce projet de loi atteigne de nouveau l’étape de la troisième lecture. Poursuivons le travail que nous avons accompli lors de la dernière séance et apportons au système des casiers judiciaires et à tant d’autres domaines connexes les changements positifs et fondés sur des données probantes qui sont attendus depuis longtemps.

Meegwetch. Merci.

La sénatrice Pate accepterait-elle de répondre à quelques questions?

La sénatrice Pate [ + ]

Oui.

Merci. Tout d’abord, vous avez mentionné dans votre discours que les frais de demande de pardon sont désormais de 50 $, ce qui représente une baisse considérable par rapport aux 658 $ d’avant, si j’ai bien compris. Je me demande quand cette baisse des frais de demande de pardon a eu lieu, en quelle année. À combien s’élevaient-ils quand vous avez présenté la première version du projet de loi? Le gouvernement libéral a-t-il apporté d’autres modifications afin de simplifier le processus de demande de pardon?

La sénatrice Pate [ + ]

Les frais ont été réduits il y a deux ans, je crois. Je vais trouver la date exacte. Lorsque j’ai présenté le premier projet de loi — nous en sommes au cinquième —, les frais s’élevaient à 650 $, puis ils ont été augmentés en vertu d’une disposition stipulant que les frais de demande et de procédure augmentent avec l’inflation. Je ne me souviens plus du nom du projet de loi. J’ai un trou de mémoire, mais je vais le trouver. Les frais ont augmenté, puis le gouvernement les a ramenés à 50 $.

Comme je l’ai mentionné, le nombre de personnes qui ont présenté une demande n’a pas augmenté de façon proportionnelle, car tous les autres frais liés à la demande n’avaient pas été pas pris en compte. Comme je l’ai mentionné, les personnes doivent se rendre sur place pour faire prendre leurs empreintes digitales. Elles doivent parfois parcourir de longues distances pour se rendre à l’endroit où elles ont été condamnées afin de retrouver les dossiers. Parfois, ces dossiers n’existent pas. C’est en partie pour cette raison que certaines personnes ont vu leur demande refusée, malgré la procédure de retrait automatique pour les condamnations liées au cannabis.

Je me suis intéressée à la nature de ces détails techniques. On m’a dit qu’un tiers des demandes étaient rejetées pour des raisons d’ordre technique. Apprendre qu’on entend par là que personne ne peut trouver le dossier vient en quelque sorte tourner le fer dans la plaie, et cela rend les choses encore plus difficiles.

Dans l’état actuel des choses, nous sommes toujours dans une situation où, bien que l’expiration automatique des casiers judiciaires ait été mise en place pour le cannabis, il a fallu publier une directive ministérielle parce que le processus d’automatisation des systèmes n’est pas terminé. Une fois cette automatisation terminée, il devrait être possible de l’appliquer à tous les casiers.

Dans la dernière partie de ma question — j’en aurai peut-être d’autres — je demandais si le gouvernement libéral avait apporté d’autres modifications outre la réduction des frais pour une demande de pardon. Je crois que non. Je me trompe?

La sénatrice Pate [ + ]

En ce qui concerne le processus d’expiration des casiers judiciaires, le gouvernement a mis en œuvre le projet de loi C-5. Le projet de loi que le gouvernement libéral avait présenté et qui est mort au Feuilleton aurait fait avancer le processus automatique. Il a supprimé les casiers contenant des condamnations pour discrimination envers des personnes 2ELGBTQI+. Il n’a pas supprimé les dossiers des travailleuses du sexe ne l’ont pas été, et cela était couvert par ce projet de loi. Il a supprimé des casiers pour des infractions comme la sodomie.

Merci. J’ai noté ces autres changements, en effet. Je me demandais, de façon plus générale, si le processus de demande de pardon avait été facilité, mis à part ces quelques éléments précis. J’ai l’impression que non.

La sénatrice Pate [ + ]

Le seul autre changement est celui que j’ai mentionné, où le gouvernement a versé 18 millions de dollars à des groupes communautaires pour aider les gens à remplir leur demande de pardon. Dans le cadre de ce processus, des fonctionnaires, notamment au sein de la Commission des libérations conditionnelles, ont reconnu qu’une partie du problème réside dans la complexité du processus de demande, non seulement parce que certaines personnes n’ont pas d’ordinateur, comme je l’ai mentionné, mais aussi parce que le processus comporte des aspects techniques.

Il existe désormais des groupes qui sont financés pour s’en charger comme NAN Legal Services, un groupe nishnawbe aski, et ils le font. La Police provinciale de l’Ontario travaille avec eux pour les aider, car elle constate les injustices. Les groupes ne peuvent pas embaucher des personnes de leur propre communauté parce qu’elles ont un casier judiciaire, alors que ce sont des personnes qui, selon eux, seraient très utiles pour travailler dans ces domaines. C’est ce qu’ils font. En fait, je l’ai découvert parce qu’ils sont venus me voir pour me demander de soutenir le projet de loi que j’avais présenté précédemment, sans savoir que j’en étais la marraine.

En ce qui concerne la question dont vous avez parlé par rapport à la loi issue du projet de loi C-5, la possession de drogues, comme je l’ai noté ici — pardon, j’ai enchaîné les réunions de comités et je ne savais pas avant d’être déjà arrivée ici que vous alliez faire votre discours aujourd’hui, je ne suis donc pas aussi bien préparée que je le voudrais — je crois que vous avez déclaré que les casiers judiciaires pour possession de drogues expireraient automatiquement deux ans après la fin de la peine. Est-ce exact? Est-ce pour toutes les condamnations pour possession de drogues? Quelles sont les conditions requises pour cela?

La sénatrice Pate [ + ]

Ce serait pour les cas de possession simple de drogues, soit le type de possession le moins grave. L’expiration était censée avoir lieu, il s’agissait déjà d’une directive ministérielle, dans laquelle le ministre disait essentiellement à tous les services chargés de l’application de la loi : « vous ne pouvez pas utiliser ces dossiers à cette fin », même si on ne dispose pas de la structure nécessaire pour procéder à leur retrait automatisé du système.

Merci. Voilà qui est intéressant. Le projet de loi C-5 date déjà de plusieurs années. Je remarque que vous avez fait référence au projet de loi C-93 de 2019. Je l’appelais le projet de loi du minuscule pardon pour possession de pot, car un nombre infime de personnes y étaient admissibles, comme vous l’avez souligné. Je me souviens qu’à l’étape de l’étude en comité, j’avais interrogé à ce sujet Ralph Goodale, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, étant donné que c’était son projet de loi. J’ai noté que vous avez cité quelque chose qu’il avait dit en 2016, lorsqu’il avait parlé de l’importance d’accorder ce type de pardon. Pourtant, c’est lui qui a présenté le projet de loi de 2019 sur le pardon pour possession de cannabis.

Je crois que vous avez dit que le gouvernement estimait à seulement 10 000 le nombre de personnes admissibles, car les critères d’admissibilité étaient très stricts. En réalité, si je me souviens bien, seulement 13 % des demandeurs ont pu bénéficier de cette mesure, qui ne concernait qu’un très petit nombre de personnes. Il y a certainement beaucoup plus de personnes qui ont été condamnées pour possession de marijuana. Connaissez-vous ce chiffre? Pouvez-vous nous donner une estimation du nombre potentiel d’accusations pour possession de marijuana, si on ne tient pas compte de toutes ces exigences strictes?

La sénatrice Pate [ + ]

Non, et c’est pourquoi je n’ai pas donné de chiffre précis. J’ai demandé cette information, et on estime que ce serait au moins le double, peut-être beaucoup plus.

La question est vraiment de savoir pourquoi les gens n’ont pas fait la demande. Ce n’est qu’un exemple anecdotique, aucune étude n’a été menée à ce sujet, mais lorsque j’ai commencé à discuter de ces questions avec différentes personnes et avec les organisations auxquelles étaient destinés les 18 millions de dollars pour aider les gens, l’une des raisons invoquées par les personnes qui ne présentaient pas de demande était que, dans certains cas, les casiers étaient si anciens qu’elles craignaient que le fait de se manifester pour obtenir leur élimination ne fasse remonter les faits à la surface. Il s’agissait parfois de grands-parents; leurs enfants n’étaient peut-être pas au courant, et leurs petits-enfants ignoraient certainement tout de leurs antécédents, et ils portaient toujours en eux cette stigmatisation. Même si, pour certaines personnes à qui j’ai parlé, il était important que leur casier judiciaire soit effacé, elles n’étaient pas disposées à se manifester. C’est en partie pour cette raison qu’elles ont opté pour un processus d’expiration automatique. La première version exigeait que les personnes se manifestent, mais elles n’étaient pas disposées à le faire, en particulier dans le cas des casiers judiciaires plus anciens.

Si je me souviens bien, lorsque les fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique ont comparu devant le comité à ce sujet pour la première fois, ils ont avancé que 250 000 ou 300 000 personnes pourraient y être admissibles, mais lorsque les véritables calculs ont été faits, c’était bien peu. Ce n’est pas parce qu’ils ne pouvaient pas trouver les casiers, mais je crois que l’un des critères était que la personne ne pouvait avoir été reconnue coupable d’une autre infraction criminelle, même si l’infraction n’avait aucun rapport avec sa condamnation pour possession de marijuana.

J’aimerais vous poser une autre question. Si je ne m’abuse, vous avez dit dans votre discours — je me suis peut-être trompée en prenant mes notes — « les personnes ayant un casier judiciaire ne sont pas plus susceptibles que les autres de commettre un crime » ou quelque chose du genre.

Quand je regarde les nouvelles canadiennes qui parlent des innombrables personnes fréquemment arrêtées pour des crimes graves, je constate souvent qu’il est mentionné dans le reportage que ces personnes étaient en liberté sous caution ou en liberté conditionnelle au moment des faits. Il semble que ce soit le cas dans au moins la moitié des nouvelles diffusées qui portent sur des crimes graves.

Ce que vous dites ne semble donc pas crédible. Cette affirmation ne semble tout simplement pas plausible. Je vous pose donc la question : sur quoi vous fondez-vous pour affirmer cela?

La sénatrice Pate [ + ]

J’ai mentionné que M. Anthony Doob a mené des recherches à ce sujet. En fait, ce matin, il m’a envoyé de nouvelles informations sur les recherches relatives à la mise en liberté sous caution. Je vais les étudier attentivement et c’est avec plaisir que je les partagerai avec vous ensuite. Il s’agit de ses recherches et de celles de nombreuses autres personnes.

Certes, il y a des problèmes avec la mise en liberté sous caution. Toutefois, bon nombre de ces problèmes sont liés au fait que nous avons affaire à des personnes qui sont souvent sans abri. La raison pour laquelle elles sont incarcérées n’est pas nécessairement une question de sécurité publique, mais plutôt un manque de logement. En tant qu’avocate, vous savez que cela ne devrait pas être une raison pour incarcérer quelqu’un, d’où certaines des difficultés liées à la perception du public à l’égard de la mise en liberté sous caution.

Dans ce cas-ci, nous parlons de personnes qui ont purgé leur peine. La nouvelle étude montre que les personnes qui ont été libérées ont purgé leur peine. Elles vivent dans la société sans avoir commis d’infraction depuis cinq ans, sans avoir été l’objet d’une intervention de la police et sans avoir été visées par de nouvelles accusations. Elles ne sont pas plus susceptibles que vous, moi ou qui que ce soit d’autre de commettre une nouvelle infraction. Cette conclusion est fondée sur la période de stabilité qui suit le casier judiciaire, c’est pourquoi j’en parle dans mon discours.

J’aimerais recevoir cette recherche, si vous pouviez me la fournir.

Oui, dire qu’il s’agit d’une personne ayant un casier judiciaire qui n’a commis aucun crime — ou qui n’a été condamnée pour aucun crime, je suppose — pendant une période de cinq ans est une précision importante. Est-ce là le critère utilisé pour déterminer que ces personnes ne sont pas plus susceptibles que les autres de commettre un crime?

La sénatrice Pate [ + ]

Si j’ai insisté là-dessus, c’est parce que c’est le délai prévu dans le projet de loi. Il serait de cinq ans pour une infraction punissable par mise en accusation, ce qui correspond aux délais initialement prévus lorsque le pardon a été instauré. Il était de deux ans pour les infractions punissables par procédure sommaire et de cinq ans pour les infractions punissables par mise en accusation. On revient à ces délais. Cela s’explique en partie par le fait que, dans les recherches menées à l’époque par le ministère du Solliciteur général et Sécurité publique Canada, c’étaient les délais en vigueur.

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